Avis n° 147 (2007-2008) de Mme Catherine MORIN-DESAILLY , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 19 décembre 2007

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N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 décembre 2007

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi relatif aux archives ,

Par Mme Catherine MORIN-DESAILLY,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Gérard Collomb, Yves Dauge, Christian Demuynck, Mme Béatrice Descamps, M. Denis Detcheverry, Mme Catherine Dumas, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, M. Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahadine Ibrahim Ramadani, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Alain Le Vern, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Robert Tropéano, André Vallet, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Sénat : 471 (2005-2006), 146 (2007-2008)

LES CONCLUSIONS
DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

Au cours de sa réunion du mercredi 19 décembre 2007, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Catherine Morin-Desailly sur le projet de loi n° 471 (2005-2006) relatif aux archives .

Rappelant que ce projet de loi s'inscrivait dans un contexte de modernisation de la politique des archives, alors qu'un nouveau centre des Archives nationales ouvrira en 2010 à Pierrefitte-sur-Seine, Mme Catherine Morin-Desailly a souligné qu'il répondait aux attentes de la communauté scientifique, des chercheurs, historiens, généalogistes ou autres usagers des services d'archives. Elle a également indiqué que le projet de loi tendait à renforcer la protection des archives, publiques comme privées, qui constituent un élément majeur de notre patrimoine culturel et de notre mémoire commune.

La commission des affaires culturelles a adopté quinze amendements , visant notamment :

- à actualiser la définition générale des archives ;

- à consolider le statut du Conseil supérieur des archives ;

- à élargir les critères de sélection des archives publiques, en prenant en compte leur intérêt scientifique et non seulement historique ;

- à créer un statut pour les archives des établissements publics de coopération intercommunale ;

- à réaffirmer le principe de gratuité de l'accès aux archives publiques ;

- à instituer un dispositif de réduction d'impôt au bénéfice des propriétaires d'archives classées qui engagent, dans certaines conditions, des travaux nécessaires pour la conservation de ce patrimoine menacé et sa valorisation aux fins de la recherche scientifique ;

- à réaffirmer que les assemblées parlementaires sont responsables, sous l'autorité de leur Bureau, de la gestion et de la mise en valeur de leurs archives, en vertu du principe d'autonomie du Parlement.

A cet égard, M. Jacques Valade, président , a estimé que cela permettait aux assemblées de conserver leurs prérogatives à l'égard de leurs archives, tout en soulignant l'effort d'ouverture de ces archives qui est déjà largement engagé par le Sénat ainsi que l'exigence de transparence présidant aux travaux du Parlement.

La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi relatif aux archives ainsi modifié .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Deux projets de loi relatifs aux archives, l'un ordinaire, l'autre organique, relatif aux archives du Conseil constitutionnel 1 ( * ) , ont été déposés sur le bureau du Sénat le 28 août 2006 par le précédent Gouvernement.

Ils ont été renvoyés à la commission des lois et votre commission des affaires culturelles, qui avait été saisie au fond du précédent texte relatif aux archives, la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979, a décidé de se saisir pour avis du projet de loi ordinaire. Elle en a examiné l'ensemble des articles, à l'exception des articles de coordination (articles 1 er , 13 à 17, 19 et 20).

La politique des archives est en effet l'un des piliers de notre politique culturelle du patrimoine : avec les musées et les bibliothèques, les archives forment le « triptyque patrimonial » confié au ministère en charge de la culture depuis sa création en 1959. Les archives ont ainsi une mission régalienne, éducatrice et formatrice de notre identité collective : elles sont la « gardienne » de la mémoire de la Nation.

Cependant, la politique des archives ne se réduit pas à cette dimension : les archives sont un instrument de bonne gouvernance et de saine démocratie ; elles contribuent au bon fonctionnement de notre Etat de droit ; rappelons que le terme est issu du grec archein , signifiant « gouverner ».

Ainsi, la loi de 1979, qui a proposé, pour la première fois depuis la loi du 7 messidor an II, un « corpus » législatif cohérent sur les archives, s'est inscrite dans le mouvement d'ouverture et de transparence de l'administration, aux côtés d'autres textes qui lui étaient contemporains : la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs et enfin la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs...

Comme le relevait M. Renaud Donnedieu de Vabres en février 2006 lors d'une conférence de presse sur la politique des archives, « la loi du 3 janvier 1979 (...) a été, au moment de son adoption, un texte novateur qui a inspiré les législations de nombreux pays. Un quart de siècle plus tard, ce dispositif a vieilli et il est apparu nécessaire de l'actualiser sur plusieurs points. »

Ainsi, sans revenir sur les grands principes fondateurs posés par la loi de 1979, le projet de loi procède à des adaptations du droit existant et consacre de nouvelles avancées en matière de communication des archives publiques. Ce texte, fruit d'une réflexion approfondie et d'une lente maturation, est donc très attendu par la communauté scientifique, les historiens et généalogistes, mais également les citoyens qui constituent le public des Archives.

Le rôle des archives dans notre société a évolué : les archives ne sont pas de vieux grimoires poussiéreux, des dossiers encombrants dont on ne cherche qu'à se débarrasser. Au fil de ses rencontres et de ses auditions, votre rapporteur pour avis a pu percevoir combien les archives sont vivantes : elles sont ancrées dans notre quotidien, elles participent à l'écriture de notre Histoire, elles forgent notre identité individuelle et collective.

Ainsi, M. Jules Michelet, qui fut chef de la section historique des Archives nationales de 1831 à 1852, relevait, dans l'un des volumes de sa célèbre Histoire de France : « Ces papiers, ces parchemins laissés là depuis longtemps ne demandaient pas mieux que de revenir au jour. Ces papiers ne sont pas des papiers, mais des vies d'hommes, de provinces, de peuples. »

Mais les archives investissent désormais des champs de plus en plus larges de la recherche, de la vie économique, civique ou sociale, et des sciences en général : ce sont des réservoirs de connaissances, des sources documentaires qui sont indispensables pour comprendre et appréhender les phénomènes contemporains.

Ainsi que le relève M. Bruno Delmas dans un récent ouvrage, une société sans mémoire est une société sans avenir : de fait, « les institutions qui veulent vivre s'intéressent à leurs archives. Les institutions qui doutent, qui n'ont pas la foi, les négligent » 2 ( * ) .

Le projet de loi s'inscrit dans une phase de nécessaire modernisation de notre politique des archives. Il est à souhaiter qu'il s'accompagne d'une prise de conscience renouvelée de l'intérêt des archives et de leur importance accrue dans notre société de la connaissance et de l'information.

I. LA POLITIQUE DES ARCHIVES : UNE EXIGENCE DE MODERNISATION

Le projet de loi soumis à l'examen du Sénat participe d'une démarche plus globale de modernisation de la politique des archives en France. Plusieurs enjeux appellent en effet des évolutions indispensables :

- la production de plus en plus massive des archives émanant notamment des administrations ;

- l'impact du développement des technologies numériques ;

- les attentes du public - notamment des chercheurs - d'avoir de meilleures conditions d'accès aux archives.

Avant de présenter ces éléments de contexte, qui appellent à des adaptations du cadre juridique issu de la loi fondatrice du 3 janvier 1979, il convient de rappeler ce que recouvre le terme d'archives et de retracer les évolutions de l'institution des Archives.

A. LES ARCHIVES EN FRANCE : ÉTAT DES LIEUX

1. Les archives : une conception large et des réalités diverses

La loi de 1979 sur les archives a donné pour la première fois, dans son article initial, une définition générale de ce que sont les archives.

Ainsi que le soulignait le rapporteur de ce texte au nom de votre commission des affaires culturelles, le sénateur Michel Miroudot, cela a permis de combler « une lacune majeure - et paradoxale - dans notre législation (...) ; aussi étrange que cela paraisse, aucun texte n'avait, dans notre pays, circonscrit cette notion. Il en résulte une ambiguïté préjudiciable au bon fonctionnement du service public. » Il relevait ainsi que « les acceptions courantes du mot « archives » sont inadéquates et périmées. Elles souffrent d'incertitudes qui tiennent à la confusion fréquemment commise entre « archives » et « collections » ou « dossiers de documentation ». (...) L'ambiguïté affecte également le support ou la forme matérielle. Pour le sens commun, le mot « archives » évoque de vieux grimoires, des papiers jaunis couverts d'indéchiffrables écritures. Que penser d'une image aussi archaïque à l'époque de l'audiovisuel et de l'ordinateur ? » 3 ( * ) .

Dans ce contexte, le législateur a donné une définition large et alors jugée moderne des archives, en réunissant, sous ce vocable, « l'ensemble des documents 4 ( * ) , quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité » 5 ( * ) .

Ainsi, ce n'est pas l'ancienneté d'un document qui lui confère le statut d'archive : les documents « naissent » archives, qu'ils soient d'ailleurs achevés ou non (tels que les documents préparatoires, notes ou brouillons).

De même, le support est indifférent : les « nouvelles » archives numériques, les documents audiovisuels, les bases de données, etc., sont des archives. Il peut également s'agir d'objets, de cartes ou de plans, de maquettes de projets d'architecture ou d'urbanisme, voire de spécimens de textile...Votre rapporteur pour avis a pu prendre la mesure de cette diversité lors de la visite du Centre historique des archives nationales, situé dans l'hôtel de Soubise à Paris : d'anciennes pièces à conviction annexées aux dossiers de procédures de procès, telles que la veste et le gant portés par Damiens, lors de sa tentative d'assassinat sur la personne du roi Louis XV en 1757, y sont conservées ; on peut aussi y trouver des étalons prototypes du mètre et du kilogramme, qui furent présentés au Conseil des Cinq-Cents et au Conseil des Anciens, au moment de l'adoption de la loi constitutive du système métrique décimal.

Votre commission proposera, toutefois, d' actualiser cette définition générale afin de traduire l'évolution des supports d'archives, qui ne sont plus désormais seulement matériels.

2. Transparence de l'administration, mémoire de la Nation : la vocation plurielle des archives

Le rôle des archives a évolué et s'est enrichi au fil de l'Histoire.

Dans un récent ouvrage, M. Bruno Delmas distingue « quatre utilités fondamentales » : « Les archives servent à prouver, se souvenir, comprendre et s'identifier. Prouver ses droits, c'est une utilité juridique et judiciaire. Se souvenir, c'est une utilité de gestion. Comprendre, c'est une utilité scientifique de connaissance. S'identifier par la transmission de la mémoire, c'est une utilité sociale. » 6 ( * )

Si la politique des archives est considérée comme partie prenante de notre politique patrimoniale 7 ( * ) , aux côtés de la politique des musées ou des bibliothèques, elle ne saurait se réduire à cette seule dimension.

La loi de 1979 a assigné deux principaux objectifs à la conservation des archives : celle-ci est « organisée dans l'intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche » 8 ( * ) .


Les archives au quotidien : un support de la preuve et un instrument de bonne gouvernance

La décision de Philippe Auguste, en 1194, de garder en lieu sûr les archives royales marque, d'une certaine façon, la première prise de conscience du rôle stratégique des archives dans la conduite de l'Etat.

La fonction de preuve et de « mémoire opérationnelle » des archives a longtemps prévalu : la création des Archives Nationales, au moment de la Révolution française, participe, dès l'origine, de la démarche de transparence de l'action publique, consacrée par l' article XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 , aux termes duquel « la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » . Le décret du 21 juillet 1936 a marqué une avancée en imposant aux administrations une obligation de versement de leurs archives et en leur en interdisant la destruction sans visa.

Cette conception recouvre deux usages des archives, ancrés dans la vie quotidienne de chaque citoyen :

- le contrôle démocratique des citoyens : c'est pourquoi l'accès aux archives publiques et le principe de leur communication sont des éléments de transparence et les bases d'une saine démocratie, en permettant de rendre compte de l'action menée ;

- le rassemblement de preuves , afin de faire valoir ses droits : la consultation du cadastre ou de l'état civil répond bien souvent à cette fin ; rappelons par ailleurs les recherches dans les archives nationales, territoriales ou privées qui ont été conduites depuis 1999 par la commission chargée de retrouver, à la demande des victimes ou de leurs ayants droit, les traces de spoliation de juifs qui n'avaient pas été indemnisés au lendemain de la guerre.


Les archives, constitutives de notre identité commune

Au-delà de cette essence purement régalienne, les archives présentent un intérêt historique, culturel et patrimonial. Cette dimension, pourtant centrale aujourd'hui, n'est apparue que plus tardivement, vers le 18 e siècle, avec le développement de la recherche historique positiviste.

En confiant à la conservation des archives l'objectif de « documentation historique de la recherche » , la loi de 1979, ainsi que le relevait le rapporteur de ce texte au nom de votre commission, « prend acte d'une finalité culturelle dont l'intérêt n'avait jamais été officiellement et juridiquement reconnu » 9 ( * ) .

Cet objectif doit aujourd'hui s'interpréter de façon large : en effet, les archives ne sont pas réservées aux seuls spécialistes . Elles appartiennent à chacun d'entre nous : elles sont le dépositaire de notre mémoire, le reflet de notre histoire, le creuset de notre identité.

Lors d'une conférence de presse sur la politique des archives, le 16 février 2006, M. Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre en charge de la culture, le souligne : « les Archives gardent aussi la trace de tous les moments importants de notre histoire : les conflits, les traités, les actes fondateurs, comme le serment du Jeu de Paume, la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, toutes les Constitutions. Elles conservent aussi des traces des moments privés de la vie d'un certain nombre d'hommes illustres à travers en particulier deux types d'actes essentiels, les contrats de mariage et les testaments. (...) Au-delà de la mémoire des Grands, se retrouve aussi celle des « gens de peu », pour reprendre le titre d'un livre de Pierre Sansot. Se reflètent des parcours individuels, des existences modestes, des vies humaines, à travers ces mêmes actes notariés, à travers les documents de l'état civil, les décrets de naturalisation, à travers les archives des groupements, associations ou entreprises. (...) C'est parce que les Archives sont constitutives de la mémoire collective nationale que leur est rattachée la délégation aux célébrations nationales. »

L'engouement des Français pour la généalogie montre combien les archives répondent à un besoin social croissant de rechercher des repères, des racines, des éléments d'identification...

Lors de son audition devant votre commission, Mme Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France, a insisté sur cette dimension « socio-citoyenne » des archives.

Quelques exemples récents sont éloquents : le recueil de témoignages oraux sur la politique de la ville, permettant aux habitants des « cités » de faire le deuil de la destruction de leurs tours ; le sauvetage des archives au moment de la fermeture des chantiers navals du Havre, vecteur de transmission d'une mémoire aux jeunes générations ; la collecte et le dépôt d'archives privées de l'immigration réalisés avec le concours d'associations...

Les archives ont, au-delà, une valeur scientifique qui dépasse le seul champ de l'histoire, pour concerner la sociologie, l'ethnologie, les sciences de la nature ou encore l'architecture et l'urbanisme... Elles sont une source de connaissances pour comprendre et analyser les phénomènes actuels .

Ces utilités multiples, qui se diversifient au cours du temps, démontrent l'importance de la conservation des archives, de leur traitement et de leur possibilité de consultation. Ces missions sont assurées par un réseau de services d'archives de plus en plus dense, dont les contours et l'organisation ont évolué au cours des dernières décennies.

3. L'évolution du réseau des archives

Comme cela a été souligné plus haut, les Archives, en tant qu'institution, sont nées avec la Révolution : l'Assemblée nationale constituante a créé, la première, en juillet 1789, son propre service d'archives, qui a pris le nom d'Archives nationales, par décret du 7 septembre 1790.

Le décret du 2 novembre 1793 place l'ensemble des dépôts existants sous l'autorité unique de l'Archiviste de la République. La loi du 7 messidor an II (25 juin 1794) affirme trois grands principes : la centralisation des archives de la Nation ; le libre accès des citoyens aux archives ; la nécessité d'un réseau archivistique national.

Aux côtés des Archives nationales, grand établissement de l'Etat installé depuis 1808 dans l'hôtel de Soubise, se développe un réseau d'archives locales (départementales, communales et hospitalières), relevant du ministère de l'intérieur.

Les deux sont réunis en 1897 au sein de la direction des archives du ministère de l'instruction publique. Celle-ci devient, en 1936, direction des archives de France, rattachée au ministère en charge de la culture depuis la création, en 1959, du portefeuille de ministre des affaires culturelles.

Comme le montre l'encadré suivant, les archives territoriales forment désormais un réseau qui s'est étoffé depuis les lois de décentralisation.

LE RÉSEAU DES ARCHIVES TERRITORIALES

En ordonnant le rassemblement des archives dans les chefs-lieux de département, la loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) voit la création des archives départementales. Celles-ci sont par la suite placées sous l'autorité du secrétaire général de la préfecture en 1800.

La loi de décentralisation du 22 juillet 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat affirme que ces collectivités sont chacune « propriétaires de leurs archives » et qu'elles en assurent la conservation, sous le contrôle scientifique et technique de l'Etat (décret du 28 juillet 1988) :

- les services départementaux d'archives ont été transférés sous l'autorité des présidents de conseils généraux ; ces services sont « tenus de recevoir et de gérer les archives des services de l'Etat déconcentrés ayant leur siège dans le département » ; ils peuvent également recevoir des archives privées ; les fonds conservés par les archives départementales représentent plus de 2 000 kilomètres linéaires ; ces services communiquent chaque année à leurs lecteurs plus de trois millions de documents ;

- l'ensemble des archives communales représentent environ 400 kilomètres linéaires ; environ 450 communes ont constitué leur propre service d'archives ; la loi du 21 décembre 1970 10 ( * ) a prévu, sauf dérogation, le dépôt obligatoire aux archives départementales des archives des communes de moins de 2 000 habitants ;

- les régions assurent elles-mêmes la conservation de leurs archives « ou la confient, par convention, au service d'archives du département où se trouve le chef-lieu de la région » ; le nombre de services régionaux d'archives s'est fortement développé ces dernières années ; à présent, quasiment toutes les régions se sont dotées d'un service d'archives.

Toutefois, les archives ne se limitent pas aux Archives nationales et aux services publics d'archives. On constate en effet un phénomène d'atomisation, que la mission présidée par M. Bernard Stirn sur l'organisation administrative des archives, avait qualifié de « balkanisation » des archives.

Ainsi, des centres d'archives se sont « spécialisés » dans la collecte, la conservation et la valorisation de certaines catégories de documents : c'est le cas du Centre d'archives d'architecture du 20 e siècle (anciennement Institut français d'architecture) de la Cité de l'architecture et du patrimoine, qui rassemble 350 fonds d'architectes français et constitue le principal centre de ressources dans ce domaine ; c'est également le cas de l'Institut mémoire de l'édition contemporaine (IMEC) , créé en 1988 à l'initiative de chercheurs et de professionnels de l'édition, qui rassemble, préserve et met en valeur des fonds d'archives consacrés aux principales maisons d'édition et aux différents acteurs de la vie du livre et de la création : éditeurs, écrivains, artistes, chercheurs, critiques, graphistes, libraires, imprimeurs, revuistes, agents littéraires, journalistes, directeurs littéraires... Par ailleurs, des entreprises telles que la SNCF, La Poste ou la RATP, de même que des organismes tels que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou encore l'Institut Pasteur, assurent eux-mêmes la conservation de leurs archives. Dans un autre domaine, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) s'est vu confier, depuis 1986, un rôle d'archiviste national de l'audiovisuel public.

Ces différents centres, quel que soit leur statut, ont rempli et continuent de remplir un rôle complémentaire aux côtés du service public d'archives, quand celui-ci n'avait pas forcément les capacités ou les moyens d'assurer la collecte de ces fonds. Cependant, une telle dispersion des responsabilités peut nuire, d'une certaine façon, à la cohérence d'ensemble du réseau des archives, et conduit à s'interroger, par ailleurs, sur les conditions d'accessibilité qui sont offertes aux citoyens ou chercheurs.

B. UN NÉCESSAIRE RENOUVEAU

1. Des évolutions indispensables

a) Une institution en crise ?


• Parler de quête de reconnaissance, voire d'une « crise » des Archives, peut apparaître paradoxal compte tenu de l' intérêt que les Français portent aux archives : une enquête sur « Les Français et leurs archives » réalisée en 2001 par la Sofres et Le Monde a révélé un taux d'intérêt et d'adhésion des citoyens jamais atteint auparavant.

Le développement de la généalogie amateur en est un indice : selon un sondage Ipsos de 2006, 48 % des Français s'intéressent à la généalogie et 23 % ont déjà fait des recherches. Le président de la Fédération française de généalogie a recensé quelques cinq millions d'amateurs.

En 2005, les services d'archives publics ont reçu près de deux millions de « visites » , qu'il s'agisse des séances de travail des lecteurs fréquentant les salles de lecture, des scolaires, des visiteurs d'expositions et de tous autres publics ayant bénéficié de l'offre scientifique, éducative et culturelle des Archives. Il convient d'y ajouter plus de huit millions de visites « virtuelles », en 2006, sur Internet. Sur la période 1990-2005, le lectorat a fortement progressé dans les services d'archives territoriaux (+ 58 % dans les archives départementales, + 67 % dans les archives communales) et augmenté dans des proportions bien moindres aux Archives nationales (+ 14 %).

La tendance est à la stagnation, voire à la régression, depuis le début des années 2000 aux Archives nationales, en raison notamment de la fermeture du centre d'accueil et de recherche des archives nationales (CARAN), qui n'a rouvert ses portes qu'en 2006, mais également à défaut de conditions matérielles optimales et de locaux suffisamment adaptés.

QUELS SONT LE PROFIL ET LES ATTENTES
DES PUBLICS DES ARCHIVES ?


• Les Archives nationales

- 57 % des lecteurs sont des hommes ; leur âge moyen est de 50 ans ; 35 % sont retraités ; 15 % en moyenne sont élèves ou étudiants, cette proportion étant la plus élevée (32 %) au Centre des archives du monde du travail de Roubaix.

- Plus des deux tiers (69 %) ont un niveau d'études supérieur au baccalauréat, dont 57 % au moins jusqu'à bac + 3.

- Parmi les lecteurs actifs ou retraités, un quart sont cadres supérieurs ou exercent une profession libérale, un peu plus d'un quart sont des enseignants ou chercheurs, et un autre quart est composé de cadres moyens, employés, ouvriers et artisans.

- Les étrangers représentent, selon les estimations, de 10 à 15 % des lecteurs.

- Près de la moitié des lecteurs (48 %) viennent aux archives dans le cadre de leurs loisirs, par intérêt personnel ; il s'agit alors notamment de recherche généalogique en amateur (32 % des motifs de recherche) ; pour un lecteur sur trois dans chacun de ces cas, la recherche se fait dans le cadre des études (scolaires ou universitaires, notamment - 14 % - pour la préparation d'une thèse ou d'un mémoire de 3è cycle) ou de l'activité professionnelle (notamment enseignement et recherche) ; 2 % des recherches ont pour but de faire valoir un droit.

- Les attentes des lecteurs : près de 85 % d'entre eux déclarent avoir éprouvé le besoin d'être guidés ou conseillés par le personnel sur place ; une grande majorité d'étudiants et de chercheurs (notamment étrangers) souhaiteraient une plus large amplitude horaire, le soir , des centres de consultation ; les deux tiers des lecteurs venus dans le cadre de leurs études universitaires estiment ne pas avoir reçu une préparation suffisante à ce type de recherche .


Les Archives départementales et municipales

- Le public des archives départementales est en majorité composé de généalogistes, professionnels ou amateurs : ils représentent, en 2005, 59 % des visiteurs, contre 51 % en 1990 ; les chercheurs composent 16 % du public ;

- Dans les services communaux, les généalogistes représentent 32 % des visiteurs en 2004 (26 % en 1997) et les chercheurs 20 % ;

- La part des « autres publics » est en progression : ainsi, plus de 20 % du lectorat des archives départementales est constitué des usagers désirant établir la preuve d'un droit, de personnels des administrations, de journalistes, de documentalistes, d'urbanistes, ou de simples citoyens « curieux » d'histoire locale...

Sources : Direction des Archives de France ; « Les publics des archives nationales et leurs attentes », Développement culturel, Bulletin du département des études, de la prospective et des statistiques, n° 151, janvier 2006.


• Toutefois, le rôle des archives et des archivistes reste encore mal connu et peu reconnu dans la société.

Leur mission est pourtant essentielle non seulement pour les chercheurs et historiens, mais également pour tout citoyen : ils reconstituent et décryptent le contexte des documents, rendant accessibles et compréhensibles ceux qui étaient devenus incompréhensibles au fil du temps.

Les représentants de l'Association des archivistes français, entendus par votre rapporteur pour avis, ont exprimé un certain malaise de la profession. Dans une lettre ouverte adressée aux candidats à l'élection présidentielle, ils ont déploré une reconnaissance très insuffisante de leur métier, qui est « à la rencontre de l'information opérationnelle et du patrimoine » .

Votre rapporteur pour avis souligne , par ailleurs, la « sous-administration » des Archives , qui obère sa capacité à répondre, dans les meilleures conditions, à des missions de plus en plus lourdes et diverses.

b) Un phénomène d' « explosion documentaire »

La politique des archives a sans nul doute changé d'échelle en entrant dans une ère de production massive. Quelques chiffres sont éloquents :

- le volume total d'archives, réparties dans les cinq centres nationaux, les 100 services départementaux et 404 services communaux, représente plus de 2 800 kilomètres linéaires, soit la distance de Paris à Moscou ;

- l'accroissement annuel moyen est de 70 kilomètres linéaires, dont plus de trois kilomètres linéaires pour le centre des archives contemporaines, qui collecte les archives des administrations centrales de l'Etat ; il est le plus élevé dans les services territoriaux (44 kilomètres linéaires par an dans les archives départementales, près de 16 dans les archives municipales et 4 dans les archives régionales) ;

- le volume des archives publiques en France a quasiment doublé depuis trente ans.

Certaines administrations, comme les hôpitaux ou les tribunaux, sont confrontées ces dernières années à une croissance massive : les archives de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) représentent quelques 350 kilomètres linéaires de rayonnages, soit l'équivalent des Archives nationales, pour 14 siècles d'Histoire... ; en 2003, plus de 2,3 millions de décisions de justice ont été rendues en matière civile et commerciale et près de 12 millions en matière pénale.

Les archives audiovisuelles conservées par l'Institut national de l'audiovisuel représentent 130 kilomètres linéaires, pour 60 ans d'archives.

Cette tendance inéluctable est un défi pour les services d'archives nationales chargés d'en assurer la conservation. La phase de « tri » des documents destinés à être conservés indéfiniment est une phase délicate mais indispensable : près de 90 % des documents produits sont finalement détruits.

c) Des inadaptations mises en évidence par plusieurs rapports

Plusieurs rapports ont mis en avant l'exigence de renouveau de notre politique des archives.

Il s'agit notamment du rapport sur « Les archives en France » remis au Premier ministre en mai 1996 par M. Guy Braibant , président de section honoraire au Conseil d'Etat.

L'objectif de cette mission était de dresser un bilan de l'application de la loi de 1979 sur les archives, au regard de plusieurs évolutions intervenues depuis son adoption : la décentralisation et son impact, notamment, sur l'organisation administrative des archives ; l'augmentation constante de la masse d'archives publiques ; le développement du « droit de savoir » ; l'intérêt croissant pour l'histoire des entreprises ou celle des sciences ; les débats sur l'ouverture de dossiers relatifs à certaines périodes de l'histoire contemporaine, telles que le régime de Vichy ou la guerre froide ; l'évolution des législations dans les autres pays...

Le rapport Braibant soulignait la « situation critique » des archives françaises, « en raison des retards juridiques et des faiblesses administratives qui les caractérisent aujourd'hui, ainsi que de l'insuffisance et du mauvais emploi de leurs ressources financières » : « un ensemble de réformes est indispensable pour que notre pays soit en mesure d'enrichir les archives, de les ouvrir plus et de les gérer mieux » . Le rapport formulait quarante propositions en ce sens, dont plusieurs sont reprises par le projet de loi .

Il relevait, de même que celui rendu en 2005 par la mission présidée par M. Bernard Stirn sur l'organisation administrative des archives 11 ( * ) , une inadaptation des structures administratives aux besoins d'un service public moderne. La mission Stirn soulignait, notamment, « le caractère indispensable d'une réflexion sur l'accueil du public, plus particulièrement celui des chercheurs universitaires, français et étranger » face à un constat d' « insatisfaction manifeste » ; cela porte « tant sur la qualité de l'accueil proprement dit, que sur les différents aspects du service public : amplitude des horaires d'ouverture, modalités d'accès aux documents, conditions matérielles de travail offertes aux chercheurs, etc. Ce mécontentement mérite sans aucun doute d'être pris en compte par les responsables de la direction des archives de France et des centres des archives nationales » .

De même, le rapport remis au ministre en charge de la culture en 1999 par M. Philippe Belaval, intitulé « Pour une stratégie d'avenir des archives nationales » , entendait répondre au constat d' « une difficulté croissante de l'ensemble des services d'archives à faire face à leurs missions fondamentales de collecte, de conservation, de communication et de valorisation des archives publiques, compte tenu à la fois de relations souvent distendues avec les institutions versantes, d'une augmentation constante des publics et d'une diversification croissante de leurs attentes, et enfin d'un manque évident de moyens. »

2. Le défi numérique

Le recours croissant aux technologies numériques et le développement de l'administration électronique placent la politique des archives face à de nouveaux enjeux : il s'agit d'adapter les méthodes de collecte et de conservation de supports de plus en plus diversifiés d'information, mais également de saisir cette opportunité d'ouverture et de valorisation accrues des archives.

Lors de son audition devant la commission, Mme Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France, a insisté sur deux phénomènes :

- la dématérialisation croissante des archives produites ;

- le processus - en cours - de numérisation des archives, permettant notamment leur mise en ligne et leur consultation sur internet.


La dématérialisation des supports

La production originelle de documents sous forme exclusivement électronique présente un risque : celui de développer, en même temps qu'une administration électronique, qui constitue un axe essentiel de la réforme de l'Etat, une administration amnésique .

Le rapport remis en 1996 au Premier ministre par M. Guy Braibant sur « Les archives en France » relevait déjà la place croissante de ces « nouvelles archives » , qui en fait « un enjeu archivistique capital » : « la préservation de ces documents implique une intervention précoce dans le processus de leur production, dès la création des applications. Faute de mettre en place des procédures d'archivage spécifiques, c'est un gigantesque pan de la mémoire contemporaine qui serait effacé. »

En ce sens, la direction des Archives a développé dès 2004 un partenariat avec la direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME) ainsi qu'avec d'autres organismes publics, pour développer l' « archivage numérique », c'est-à-dire la capacité à pouvoir prendre en charge, conserver et communiquer, d'une façon sécurisée, les archives numériques : une plate-forme pilote est expérimentée aux Archives nationales. Cela va dans le sens des préconisations formulées par un récent audit de modernisation sur l'archivage dans les ministères, rendu public en juin 2007.

Ce travail est devenu indispensable compte tenu de l'importance des actes et documents désormais produits sur support numérique : l'état civil, les recensements, les services fiscaux, le cadastre ou, plus récemment, la dématérialisation des marchés publics et du contrôle de légalité...

Comme l'a souligné la directrice des Archives de France devant la commission, cela doit également s'appuyer sur une sensibilisation des « producteurs » d'archives .


La numérisation : un moyen de rendre les archives plus accessibles

La numérisation des fonds d'archives existant sous d'autres supports s'accompagne d'un souci d'améliorer l'accès aux archives, en facilitant les recherches (par la réalisation d'outils d'indexation et d'interfaces de recherche) et en permettant une consultation à distance 12 ( * ) .

D'importants efforts ont été accomplis par l'ensemble du réseau des archives, nationales et territoriales. Ils ont concerné en priorité les fonds les plus consultés et des documents fragiles (cartes, photographies...) ou prestigieux, ainsi que des enregistrements sonores.

En 2006, on comptait ainsi : 30 millions de pages en ligne sur les sites Internet des Archives nationales, départementales et communales (registres paroissiaux et d'état civil, archives notariales, correspondance, manuscrits et périodiques) ; 18 millions de pages numérisées accessibles en Intranet, dans les salles de lecture ; 230 000 images en ligne (manuscrits enluminés, sceaux, cartes et plans, cadastre, dessins, estampes, photographies, cartes postales et affiches) sur 650 000 numérisées. Un an plus tard, pour les seuls registres paroissiaux et d'état civil, on comptabilise 88 millions de pages numérisées dont plus de la moitié sont en ligne (45 millions).

Toutefois, cela reste un défi . Le travail est considérable compte tenu du volume que représentent les archives : en effet, chaque service d'archives gère, en moyenne, entre 300 et 500 000 cotes ou références, soit l'équivalent de 1 à 2 milliards de documents. La numérisation des fonds représente également un coût élevé et nécessite de mobiliser des moyens humains.

Par ailleurs, ces évolutions ne vont pas sans poser des problèmes techniques : comment en effet assurer sur le long terme la préservation des supports numériques, alors que les technologies sont si vite frappées d'obsolescence ? Il est en effet nécessaire d'assurer une « migration » des supports, dont la durée de vie est réduite. Aussi, selon la directrice des Archives de France, la numérisation des archives ne doit pas dispenser de conserver les documents originels sous leur forme papier.


• Enfin, votre commission rappelle le travail colossal entrepris, dans un autre domaine, par la Bibliothèque nationale de France , dans le cadre de sa bibliothèque numérique accessible gratuitement sur Internet, « Gallica » , qui préfigure le projet de Bibliothèque numérique européenne. 90 000 volumes, issus des collections de la BNF, sont déjà numérisés et seront consultables en mode texte au printemps 2008 ; par ailleurs, un accord a été signé en septembre dernier afin de numériser 100 000 ouvrages par an, ce qui devrait porter à 400 000 le nombre d'ouvrages numérisés d'ici fin 2010. La BNF a également engagé des partenariats de recherche sur l'archivage des données numériques et des sites internet , au titre du dépôt légal.

De même, l' Institut national de l'audiovisuel (INA) a mis en ligne, en avril 2006, 10 000 heures de programmes télévisuels et radiophoniques (soit environ 100 000 programmes) ; il y a eu 6,5 millions de connexions le 1 er jour (350 000 par mois auparavant). Votre rapporteur pour avis souligne également le rôle des « pôles images » en région, qui, par leur travail de numérisation des films, professionnels ou amateurs, contribuent à la constitution de la mémoire audiovisuelle et cinématographique locale.

Face à ces évolutions, des articulations sont à rechercher et des réflexions communes sont sans nul doute à conduire entre ces différentes institutions culturelles et les Archives, pour que ces dernières prennent toute leur place dans ces démarches et puissent répondre au mieux aux enjeux de la numérisation.

3. Le futur centre de Pierrefitte-sur-Seine : une bouffée d'oxygène et l'expression d'une ambition nouvelle

La construction d'un nouveau centre pour les Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, annoncée par le précédent Président de la République le 9 mars 2004, est à la fois une bouffée d'oxygène, dans un contexte d'augmentation de la masse d'archives publiques, et une chance inédite de modernisation.

Ce projet a été notamment porté par l'association « Une Cité pour les Archives nationales », créée en 2001 avec la volonté d'enrayer une situation patrimoniale jugée menaçante, de remédier à la saturation des locaux actuels et à l'inadaptation fonctionnelle de certains d'entre eux .

Le centre de Pierrefitte, dont l'ouverture est prévue pour 2010, constituera le troisième pilier du « pôle » francilien et généraliste des Archives nationales, qui, comme le montre l'encadré suivant, comprend à l'heure actuelle cinq centres répartis sur l'ensemble du territoire. Il est destiné à collecter, conserver et communiquer les archives des administrations centrales de l'Etat depuis 1790 et pour les trente ans à venir. D'une capacité de 320 kilomètres linéaires , il offrira 310 places de consultation aux chercheurs.

LES CENTRES DES ARCHIVES NATIONALES


• Le Centre historique des Archives nationales (CHAN), à Paris, conserve et communique les archives de la France depuis les Mérovingiens jusqu'à 1958 (archives des organismes et établissements d'Ancien Régime, archives des administrations centrales de l'Etat, archives privées, minutes des notaires parisiens...). Ces fonds occupent près de 100 kilomètres linéaires. Leur communication dépend du Centre d'accueil et de recherche des archives nationales (CARAN), inauguré en 1988, fermé pour travaux en 2001 et réouvert au public en janvier 2006 ; en 2001, le CHAN a accueilli environ 9 200 lecteurs.


• Le Centre des archives contemporaines (CAC), ouvert en 1969 à Fontainebleau , accueille les archives des organes centraux de l'Etat postérieures à 1958, à l'exception de celles des ministères de la défense et des affaires étrangères, dotés de leur propre service d'archives. Ces fonds occupent 193 kilomètres linéaires en documents papier ; 220 millions de documents textuels sont numérisés. En 2002, le CAC a accueilli 585 lecteurs.


• Le Centre des archives d'outre-mer (CAOM) situé à Aix-en-Provence , a été inauguré en 1966, puis agrandi en 1986 et 1996. Il conserve les archives des ministères qui furent chargés, du 17e au 20e siècle, des colonies françaises, ainsi que les archives transférées des anciennes colonies, à l'exclusion des archives de gestion restées dans les pays concernés. Ces fonds occupent 37 kilomètres linéaires. Le CAOM a accueilli, en 2002, 2 747 lecteurs.


• Le Centre des archives du monde du travail (CAMT), ouvert en 1993 à Roubaix , a pour mission de collecter, traiter, conserver et communiquer les archives produites par l'ensemble des acteurs du monde du travail (entreprises industrielles et commerciales, banques, assurances, organismes professionnels, syndicats...). Le fonds représente 35 kilomètres linéaires. Le CAMT a reçu 255 lecteurs en 2002.


• Le Centre national du microfilm (CNM) d' Espeyran dans le Gard reçoit, à des fins de conservation, un exemplaire des collections de microfilms des archives nationales et territoriales.

Le coût global du chantier principal est évalué à 171,5 millions d'euros. 76,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 25,7 millions d'euros en crédits de paiement seront consacrés à ce projet en 2008, afin de procéder aux marchés de travaux et de financer les chantiers connexes.

Comme l'a souligné le 16 février 2006 M. Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre en charge de la culture, lors d'une conférence de presse sur la politique des archives, ce projet est porteur d' « une triple dynamique » :

- une dynamique technologique, par les chantiers engagés de façon connexe à la construction du bâtiment : la conception d'un système d'information commun aux trois sites franciliens, la dématérialisation des instruments de recherche et la préparation des fonds destinés à être transférés ;

- une dynamique culturelle, ensuite, ce nouveau centre ayant vocation à être un vecteur d'éducation culturelle et civique ;

- une dynamique de modernisation de l'organisation administrative des Archives nationales.

Sur ce dernier point, votre rapporteur pour avis rappelle les propositions formulées par la mission d'étude sur l'organisation administrative des archives nationales confiée en mars 2005 à M. Bernard Stirn, conseiller d'Etat. Les recommandations de ce rapport, cité plus haut, s'articulent autour de trois orientations principales :

- le renforcement de la direction des Archives de France autour de ses prérogatives d'administration centrale (mission de contrôle scientifique) et sous l'angle interministériel ;

- le choix, en termes d'organisation administrative et juridique, de la formule du « service extérieur à compétence nationale », de façon à garantir aux centres l'autonomie de gestion adaptée à leurs besoins et contraintes ;

- la réorganisation des différents centres actuels en grands pôles géographiques et thématiques.

La réorganisation des services d'archives préconisée par cette mission s'est traduite dans les faits avec la parution, fin décembre 2006, de plusieurs textes réglementaires 13 ( * ) .

II. LES PRINCIPAUX AXES DU PROJET DE LOI

Fruit d'une réflexion approfondie, le projet de loi soumis à l'examen du Sénat, tout en restant fidèle aux grands principes posés par la loi fondatrice du 3 janvier 1979, procède à des modifications bienvenues afin de l'adapter aux exigences de notre temps :

- en ouvrant plus largement l'accès aux archives publiques ;

- en adaptant le droit à la pratique, confortant ainsi des solutions pragmatiques permettant d'améliorer la collecte et la gestion des archives ;

- en renforçant, enfin, le régime de protection des archives, notamment privées.

A. LA « LIBÉRALISATION » DE L'ACCÈS AUX ARCHIVES PUBLIQUES : UNE RÉPONSE AUX ATTENTES DES USAGERS DONT IL CONVIENDRA D'ASSURER LES CONDITIONS DE MISE EN oeUVRE EFFECTIVE


• La loi du 3 janvier 1979, dans ses articles 6 à 8 désormais repris aux articles L. 213-1 à L. 213-8 du code du patrimoine, a posé le principe général de la non communicabilité des archives publiques de moins de trente ans et a assorti ce délai de droit commun de délais spéciaux, fixés à soixante, cent, cent-vingt ou cent-cinquante ans, pour les documents dont la communication porterait atteinte à certains secrets. Il s'agissait alors d'un effort important de rationalisation et d'harmonisation de dispositions relevant jusqu'alors de multiples décrets, voire de circulaires, et donc d'une avancée en termes de garantie des droits des citoyens.

Le régime de communication des archives publiques doit en effet concilier deux exigences parfois contradictoires :

- d'une part, la sauvegarde des droits de l'individu (le respect du secret de la vie privée) et des intérêts fondamentaux de l'Etat ;

- d'autre part, l'intérêt général de la connaissance (recherche, histoire...) et la transparence de l'action publique.


• Sans remettre en cause cet équilibre, l'article 11 du projet de loi traduit plusieurs avancées qui vont dans le sens d'une plus grande ouverture des archives publiques aux chercheurs et citoyens :

- il procède à un renversement de logique , en posant la règle générale d'une libre communicabilité des archives publiques, c'est-à-dire d'un droit à communication immédiate ;

- il maintient la définition de délais spéciaux , mais en réduisant leur nombre (trois au lieu de six auparavant) et en réduisant leur durée, fixée à vingt-cinq, cinquante et cent ans ;

- il confirme, en parallèle, la possibilité de déroger à ces délais , sur autorisation individuelle ou par une ouverture anticipée des fonds.


• Votre commission salue ces avancées qui répondent aux attentes exprimées par les usagers des services d'archives , et notamment des chercheurs, généalogistes et historiens . Elle proposera d'adopter, dans le même sens, un amendement visant à réaffirmer le principe de gratuité de l'accès aux archives publiques .

La nécessité de réexaminer les règles d'accès aux archives publiques a notamment été soulignée par le rapport Braibant précité : « Le mouvement général vers la transparence en France et dans les pays comparables, l'ouverture des archives à l'étranger qui, combinée avec le développement d'Internet, conduit à un système d' « archives sans frontières », l'accélération de l'Histoire et le vieillissement rapide des secrets, tout porte à remettre en cause un dispositif qui a constitué un progrès en son temps mais qui est en train de devenir anachronique. »

Le projet de loi s'inscrit, ainsi, dans une tendance européenne de réduction des délais d'accès aux archives . Cette évolution a été soulignée par un rapport de la Commission européenne sur les archives dans l'Union européenne élargie, publié en 2005.

Tendre vers une harmonisation apparaît en effet comme une évolution souhaitable pour que les scientifiques étrangers ne se détournent pas de la recherche concernant l'histoire de notre pays .

En fixant à 25 ans le délai ordinaire de communication, ainsi que le suggérait le rapport Braibant, la France se rapproche des délais retenus par exemple aux Pays-Bas (20 ans depuis loi sur les archives publiques du 28 avril 1995), au Canada (20 ans pour les documents non immédiatement communicables d'après la loi de 1983 sur l'accès à l'information) ou aux Etats-Unis (10 ans avec possibilité de prolongation jusqu'à 25 ans voire au-delà dans certains cas particulier, depuis l'Executive order du 17 avril 1995).


• Votre rapporteur pour avis rappelle, par ailleurs, que les règles de communicabilité fixées par la loi de 1979 sont interprétées de façon souple et sont de plus en plus souvent contournées en pratique. L'intérêt pour une histoire de plus en plus récente a conduit à une augmentation des demandes de dérogations pour l'accès à certains documents : pour l'année 2006, sur les 3 102 demandes de dérogations déposées, plus de 93 % ont reçu une réponse favorable, les autres ayant fait l'objet d'un refus partiel ou total.

Cependant, les représentants des usagers des archives, entendus par votre rapporteur pour avis, ont relevé que la longueur des délais de réponse , pouvant aller jusqu'à six mois, voire un an, est fortement préjudiciable, notamment pour les étudiants, qui disposent d'un temps limité pour rendre leurs mémoires ou thèses. Le rapport, précité, de la mission Stirn relevait ainsi que « l'instruction de ces demandes requiert à la fois des délais très importants, un travail considérable de la part des archivistes, et enfin donne lieu à des pratiques très variables selon les administrations, incompatibles avec le principe d'égalité des citoyens devant le service public » . L'administration devrait s'imposer des délais de réponse plus courts. Cette question est importante pour ne pas détourner les étudiants de la recherche archivistique, au risque de réduire la richesse de leurs travaux.


• Votre rapporteur pour avis insiste également sur la nécessité d' assurer les conditions effectives de mise en oeuvre de ces dispositions , en prenant des mesures d'accompagnement qui correspondent aux ambitions fixées par le projet de loi.

En effet, les représentants de l'Association des archivistes français (AAF) ont regretté l'absence d'étude d'impact : ils ont douté que l'ensemble des archives qui seront susceptibles d'être consultées dès l'entrée en vigueur de la loi soient effectivement prêtes à être communiquées, à défaut de moyens humains et financiers suffisants. On rappellera que la loi du 3 janvier 1979, réduisant à 30 ans le délai de droit commun, n'a véritablement pu s'appliquer que plus de dix ans après son adoption.

Les représentants des maires ont également fait part des difficultés qu'ils rencontrent pour assurer, dans de bonnes conditions matérielles, la consultation des registres d'état civil ou du cadastre. Ils ne disposent pas, le plus souvent, de locaux adaptés et de personnels disponibles pour favoriser l'accès à ces archives, alors même que les demandes, de la part de généalogistes amateurs notamment, ont tendance à augmenter.


• Enfin, votre rapporteur pour avis constate le manque de lisibilité qui résulte, pour le citoyen, de « singulières difficultés d'articulation » , relevées par le rapport Braibant, entre la loi du 3 janvier 1979 relative aux archives et celle du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs . Bien que contemporains, ces deux textes répondent à des logiques différentes.

Ainsi, alors que tous les documents administratifs sont par nature des archives publiques dès leur création, au sens de la définition large donnée par le code du patrimoine, en revanche, tous les documents d'archives ne sont pas des documents administratifs, au sens de la loi de 1978 : en sont exclus par exemple les actes des assemblées parlementaires, les documents judiciaires, les actes préparatoires (notes, brouillons...), etc.

Les règles de communication ne sont pas tout à fait identiques : alors que la loi sur les archives, et le présent projet de loi, s'appuient sur des considérations temporelles (écoulement de délais), la loi de 1978 exclut du principe de libre communication certains documents, en raison de leur contenu. Il y a donc une relation chronologique sous-jacente entre les deux textes. Or, cela ne va pas de soi dans la mesure où, comme cela a été souligné, tout document « naît » archive. De fait, il revient au juge, ou à la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), d'interpréter ces notions.

De toute évidence, cette situation n'est pas satisfaisante et une plus grande harmonisation entre les deux textes serait souhaitable. Pour autant, la dimension historique et patrimoniale des archives la distingue des documents administratifs et ne saurait être négligée.

B. DES MESURES D'ADAPTATION DU DROIT À LA PRATIQUE

1. La reconnaissance des « protocoles de remise » : une pratique qui a fait ses preuves pour améliorer la collecte des archives politiques


• Conformément à une proposition formulée par M. Guy Braibant dans son rapport sur « Les archives en France », l' article 11 du projet de loi consacre une pratique qui s'est développée en marge de la loi de 1979 , silencieuse et ambiguë quant à la nature des archives des autorités politiques.

Ce rapport soulignait, dès son chapitre premier, la nécessité de clarifier le statut public de ces archives : « les archives produites par les autorités politiques (Président de la République, membres du Gouvernement ou exécutifs locaux) et par leurs cabinets dans l'exercice de leurs fonctions publiques ont un caractère public, au même titre que celles des responsables de l'administration, de l'armée et de la diplomatie. »

L'affirmation de ce caractère public n'allait pas toujours de soi, en raison du caractère souvent mixte - public et privé - des fonds d'archives des hommes politiques et de la difficulté à dissocier les documents, qu'ils relèvent de l'exercice d'une fonction publique ou d'une activité politique privée.

Le rapport Braibant suggérait de donner un fondement juridique aux « protocoles de remise » passés entre les autorités politiques et l'administration des archives : le projet de loi va dans ce sens , en reconnaissant la validité des protocoles antérieurement conclus et en donnant, à l'avenir, au Président de la République, au Premier ministre, aux ministres ainsi qu'aux membres de leur cabinet, la faculté de signer de tels accords.


• A cet égard, la pratique a devancé la loi afin de prendre en compte la spécificité de ces archives politiques. Votre rapporteur pour avis se réjouit que le projet de loi réduise ainsi la distance entre la pratique et le droit en clarifiant le statut de ces documents sensibles, selon une approche équilibrée et pragmatique , qui a fait ses preuves et dont le bilan est positif .

En effet, le développement des « protocoles de remise », pratique initiée en 1974 par le Président de la République M. Valéry Giscard d'Estaing , poursuivie par les trois derniers présidents et étendue aux membres de leurs gouvernements, a permis de réaliser des progrès dans la collecte et le versement des archives des autorités politiques de l'Etat.

Depuis 1984, le secrétaire général du Gouvernement et le directeur de cabinet du Premier ministre adressent des instructions à tous les ministres prenant leurs fonctions, pour les inviter à déposer leurs archives aux Archives nationales, dans le cadre de protocoles de remise.

Tout en reconnaissant le caractère public des archives des autorités politiques, ces protocoles, conclus avec la direction des archives, les soumettent à un régime dérogatoire : la personnalité versante dispose d'une maîtrise totale de l'accès aux documents pendant un délai allant de 30 ans - soit le délai de droit commun - à 60 ans (pour les présidents de la République, à l'exception de M. Jacques Chirac, qui a fixé les délais prévus au code du patrimoine) ; elle peut y accéder sans aucune restriction ; toute autre communication, y compris à son successeur, est soumise à son autorisation écrite. A l'expiration du délai fixé, les documents entrent dans le droit commun des archives publiques.

Toutefois ces délais sont appréciés de façon souple : les demandes d'accès dérogatoire aux documents avant leur expiration sont, en pratique, quasiment toutes accordées, après un examen au cas par cas.


• Les échanges qui ont eu lieu au cours d'un récent colloque organisé par l'Association des archivistes français, sur les archives des hommes politiques contemporains 14 ( * ) , ont souligné les progrès parcourus pour sensibiliser les plus hauts responsables politiques à l'intérêt de conserver leurs archives, eu égard à l'augmentation des recherches d'histoire contemporaine.

Selon l'ancien Président de la République Valéry Giscard d'Estaing, dont l'inventaire des archives du septennat a été présenté le 30 novembre dernier et publié au sein d'un ouvrage 15 ( * ) , cette démarche est consubstantielle à l'écriture historique de la période.

Votre rapporteur pour avis souligne également combien les conservateurs du patrimoine responsables des missions des Archives nationales placées auprès du Premier ministre ou des membres du Gouvernement, ont contribué à ces évolutions, en instaurant un climat de confiance avec les membres des cabinets, notamment.


• Votre commission tient à relever, en outre, le rôle complémentaire assuré par des fondations privées pour la collecte et la sauvegarde d'archives d'hommes politiques, même si ce rôle est quasiment marginal en France par rapport à d'autres pays, comme les Etats-Unis.

Ainsi, des fondations ont été créées afin de conserver et de valoriser ce qui constitue une partie de la mémoire des anciens présidents de la République, telles que la Fondation de Gaulle, l'Association Georges Pompidou, l'Institut François Mitterrand. On peut également citer la Fondation Jean-Jaurès ou l'Institut Pierre Mendès-France.

Votre rapporteur pour avis souligne également la contribution du service d'archives contemporaines de la Fondation Nationale des Sciences Politiques , créé en 1973 sous l'impulsion de M. René Rémond.

Grâce à la notoriété de Sciences-Po et à sa proximité avec les hommes politiques qui en sont bien souvent diplômés, plus de 80 fonds , représentant environ 400 mètres linéaires, ont été recueillis par ce service, sous la forme de dons . La collection rassemble notamment le « fonds Michel Debré » (150 mètres linéaires, dont une majorité d'archives de type publique), des archives d'autres hommes politiques de premier plan (Léon Blum, Vincent Auriol), de serviteurs de l'Etat (Alain Savary, Paul Delouvrier), d'intellectuels (Jean Touchard, Gabriel Tarde) ou encore de mouvements politiques (le Parti Radical, le Mouvement républicain populaire - MRP -), etc.

Ces fondations ont permis de sauvegarder et de valoriser des fonds, notamment privés, que les services publics d'archives n'auraient eu parfois ni la place ni les moyens de collecter. Il convient néanmoins de veiller à assurer un égal accès à l'ensemble des chercheurs ou citoyens à ces centres d'archives .

2. L'encadrement du recours à des sociétés privées d'archivage : un principe réaliste face à une production massive d'archives

Le projet de loi ( article 3 ) prend acte d'une autre pratique qui s'est développée ces vingt dernières années : l'externalisation, par les administrations publiques, des fonctions d'archivage.

Rappelons que, tous secteurs confondus, le marché de l'archivage est apparu en France à la fin des années 1960, alors qu'il occupait déjà une place importante aux Etats-Unis, où les Records and Information Management Services (RIMS) conservent près de 60 % des archives produites. En France, seuls 20 à 25 % des volumes d'archives des entreprises sont externalisés, et de l'ordre de 10 % pour le secteur public (notamment les hôpitaux). Toutefois, le marché, que se partagent une trentaine d'acteurs, progresse de plus de 10 % par an depuis dix ans. Il est évalué à 160 millions d'euros.

Plusieurs facteurs ont conduit les administrations à avoir recours à des prestataires extérieurs :

- le manque de place pour stocker un volume croissant d'archives ; comme l'a indiqué le directeur d'une société d'archivage entendu par votre rapporteur pour avis, un mètre cube de documents (soit 50 à 60 000 feuilles de papier), occupant quasiment trois mètres carrés dans une administration, est conservé dans son entreprise pour 300 à 400 euros par an ;

- la nécessité, en parallèle, de conserver des archives dites intermédiaires plus longtemps, dans un contexte de judiciarisation croissante ; on peut également penser aux universités, qui devront conserver dans la durée les dossiers d'étudiants, avec la mise en place du système « LMD » ;

- le manque de moyens humains à consacrer à ces fonctions.

De fait, la conservation des archives courantes ou intermédiaires, dont les administrations productrices sont responsables de la gestion, se fait souvent dans de très mauvaises conditions, faute de place et de moyens. Un encombrement des locaux pourrait en effet conduire les services à des destructions abusives d'archives.

Le projet de loi fait donc preuve de réalisme en autorisant la possibilité d'externaliser cette fonction dans sa dimension logistique, reconnaissant ainsi le professionnalisme des prestataires en archivage.

Deux graves sinistres, au Havre et dans la Somme, ont toutefois plaidé pour un contrôle renforcé du recours à cette pratique et pour son encadrement juridique. Il convient toutefois de veiller à ce que cette externalisation ne conduise pas à déresponsabiliser les administrations productrices, alors que leur implication en amont est fondamentale pour déterminer les critères de collecte, de tri et de conservation des archives.

3. La direction des services départementaux d'archives par des conservateurs du patrimoine de l'Etat

Dans son article 4 , le projet de loi précise que les directeurs des services départementaux d'archives sont choisis au sein du corps des conservateurs ou conservateurs généraux du patrimoine de l'Etat.

Cette affirmation valide la pratique, puisque tel est en effet le cas actuellement dans la quasi totalité des archives départementales. Cela tient au caractère « hybride » de ces services, tenus de recevoir, outre les archives strictement départementales, celles des services déconcentrés de l'Etat (qui représentent quelques 80 % des fonds), celles des communes de moins de 2 000 habitants ainsi que les minutes notariales...

La situation des archives départementales, qui manque ainsi de lisibilité, illustre les limites et ambigüités de la décentralisation appliquée au domaine des archives.

Aussi, la mise à disposition de personnels par l'Etat est, en dehors d'aides à l'investissement, la seule contrepartie à ces obligations imposées par la loi aux services départementaux. Par ailleurs, il revient au directeur du centre départemental d'archives d'assurer, au nom du préfet et pour le compte de l'Etat, le contrôle scientifique et technique sur l'ensemble des archives du département, y compris des archives communales, ce qui représente une charge très lourde. Or, comme le directeur des archives de Seine-Maritime l'a fait observer à votre rapporteur pour avis, il y a un décalage entre le nombre de postes théoriques et les effectifs budgétaires réels, ce qui crée une difficulté pour les pourvoir, surtout dans les départements les moins attractifs.

C'est pourquoi votre rapporteur insiste pour que la disposition ainsi prévue par le projet de loi s'accompagne du développement de passerelles , permettant à des conservateurs territoriaux ou à des titulaires d'un diplôme universitaire d'archiviste d'intégrer le corps des conservateurs de l'Etat.

LES FORMATIONS DES ARCHIVISTES ET CONSERVATEURS


• Le corps des conservateurs du patrimoine
n'est pas dédié aux archives : les conservateurs ont vocation à exercer leurs responsabilités dans plusieurs autres domaines du patrimoine, tels que les musées, bibliothèques, monuments historiques, archéologie...

Leur formation est assurée par l' Institut national du patrimoine , dont le concours est notamment ouvert aux élèves diplômés de l'Ecole des Chartes (créée en 1821). L'INP forme chaque année de 5 à 10 futurs conservateurs du patrimoine dans la spécialité « archives » (2 postes seulement ont été ouverts en 2007, 9 sont prévus pour 2008).


• Il existe également un corps de conservateurs territoriaux du patrimoine dans la fonction publique territoriale. Ces personnels peuvent être détachés dans le corps des conservateurs d'Etat.


• Enfin, des formations universitaires d'archivistique se sont développées depuis la fin des années 1970, d'abord à Mulhouse, Lyon et Toulouse, au niveau Licence puis Master. Les universités d'Angers, Saint-Quentin en Yvelines ou, depuis 2005, Aix-en-Provence, proposent également ces formations. Les diplômés peuvent passer les concours de chargé d'études documentaires dans la fonction publique d'Etat (qui peuvent être nommés conservateur d'Etat au tour extérieur notamment) ou d'attaché territorial de conservation.

Au-delà, votre rapporteur pour avis proposera un amendement visant à combler un « vide juridique », concernant les archives des établissements publics locaux de coopération intercommunale (EPCI) . Le développement de ces structures et l'élargissement de leurs compétences impose de fixer un cadre pour la conservation de leurs archives. Certaines agglomérations, comme celle d'Elbeuf, ont déjà pris cette orientation.

C. UNE PROTECTION RENFORCÉE DU PATRIMOINE D'ARCHIVES

1. Les dispositions relatives aux archives privées

a) Le régime actuel de protection : la procédure de classement

Aux termes de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1979, codifié à l'article L. 211-5 du code du patrimoine, les archives privées sont toutes celles qui ne sont considérées comme publiques.

Qu'elles émanent de familles, d'entreprises ou d'associations, elles peuvent représenter un élément majeur de notre patrimoine, dont il convient d'assurer des conditions particulières de protection.

C'est pourquoi la loi de 1979 a consacré la valeur historique et patrimoniale de ces documents, en instituant une procédure de classement comme archives historiques des archives privées « qui présentent pour des raisons historiques un intérêt public » .

Il ne s'agissait pas, cependant, d'une innovation : un décret-loi du 17 juin 1938 avait déjà ouvert la possibilité de classer des documents d'archives détenus par des particuliers, « dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire nationale, un intérêt public » .

Le rapport au Président de la République par le Président du Conseil, Edouard Daladier, exposait clairement les motivations de ce texte, transposant un dispositif existant alors déjà outre-Manche : il s'agissait de munir les pouvoirs publics des moyens de prendre « les mesures conservatoires qui s'imposent » , face à des menaces concernant « des documents d'archives détenus par des particuliers et dont la destruction ou l'exportation priveraient la France de souvenirs nationaux précieux et essentiels pour la connaissance de son passé. (...) Le recours à ces mesures est d'autant plus justifié que la valeur pécuniaire des documents historiques qui s'évadent ainsi n'est nullement négligeable » . La vente, à Londres, des papiers du maréchal Berthier avait alors suscité une vive émotion.

Destiné à en assurer la sauvegarde, le classement des archives privées est directement inspiré de la procédure prévue par loi du 31 décembre 1913 relative aux monuments historiques, pour le classement des immeubles ou objets mobiliers « dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire, de l'art, de la science ou de la technique, un intérêt public » (article L. 622-1 du code du patrimoine, sur le classement des objets mobiliers).

Les effets du classement sont sur bien des points similaires à ceux prévus par la législation sur les monuments historiques :

- le classement, décidé de gré à gré ou prononcé d'office, peut, dans ce dernier cas, donner lieu au versement d'une indemnité au propriétaire en compensation du préjudice subi ;

- les effets du classement sont attachés à ces archives, « en quelques mains qu'elles passent » ;

- les archives privées classées sont, comme les archives publiques, imprescriptibles ;

- elles sont considérées, en application des dispositions introduites par l'article 4 de la loi du 31 décembre 1992 16 ( * ) , comme « trésors nationaux », au même titre que les biens des collections publiques et des collections des musées de France, que les biens classés monuments historiques ou que les autres biens culturels présentant « un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art, ou de l'archéologie » (article L. 111-1 du code du patrimoine) ;

- de fait, elles ne peuvent être ni détruites ni exportées ; l'exportation ne peut être autorisée qu'à titre temporaire, à des fins de restauration, d'expertise, de dépôt dans une collection publique ou encore pour participer à une manifestation culturelle.

Cette procédure concerne un nombre réduit d'archives, puisque seuls 47 fonds d'archives ont été classés depuis 1940 , dont 15 l'ont été au cours des dix dernières années. Les fonds concernés sont très variés : aux fonds familiaux qui couvrent souvent plusieurs siècles, se sont ajoutés des fonds de personnalités, d'entreprises, d'organismes religieux, de partis politiques, etc. On peut ainsi citer les papiers de l'astronome Camille Flammarion, ceux des missions évangéliques protestantes de Paris, celles du Parti communiste français ou de la Bibliothèque marxiste de Paris...

Les demandes de classement sont examinées et instruites par la cellule des archives privées de la direction des archives de France, puis soumises au Conseil supérieur des archives, créé par arrêté du 21 janvier 1988.

b) Les adaptations proposées par le projet de loi

Sans revenir sur les principes posés par le législateur en 1979, le projet de loi tend à harmoniser, sur plusieurs points, le régime des archives privées classées sur celui des objets mobiliers classés :

- en alignant à douze mois le délai dans lequel doit être prise la décision de classement, à compter de la notification au propriétaire, par l'administration des archives, de l'ouverture de la procédure ( article 5 ) ;

- en renforçant les conditions d'information en cas d'aliénation ou de transmission des archives, afin de renforcer le contrôle exercé par l'administration des archives ( article 6 ) ;

- en étendant aux archives privées les dispositions de la loi du 10 juillet 2000 relatives à la vente de gré à gré des objets mobiliers : ainsi, pour les archives privées qui ne sont pas acquises lors d'une mise en vente publique, le projet prévoit au profit de l'Etat un système de préemption préalable à la vente de gré à gré ( articles 8 et 9 ).

Enfin, le projet de loi tend à préciser le régime de reproduction avant exportation ( article 7 ) : la reproduction d'archives privées non classées pourra ainsi être effectuée à la demande et pour le compte d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'une fondation reconnue d'utilité publique, et non plus seulement par l'Etat, pour son propre compte.

Au-delà de ces dispositions, votre rapporteur pour avis souhaite attirer l'attention de la ministre en charge de la culture sur le développement de ventes en ligne d'archives, privées mais aussi publiques . Ce phénomène requiert une forte vigilance de l'administration des archives, par des systèmes de veille, tel que celui qui a été mis en place en partenariat avec le site « E-Bay ». Il rendra également nécessaire une adaptation de la législation, afin de prévenir les risques de dépeçage de notre patrimoine. Cette question ne concerne pas seulement les archives, mais l'ensemble de nos biens culturels.

2. Le réajustement des sanctions pénales

Enfin, dans son article 12 , le projet de loi, propose de sanctionner plus lourdement ceux qui détruisent consciemment le patrimoine que représentent les archives, publiques comme privées.

Il propose d'actualiser le montant des amendes et le niveau de peines de prison s'appliquant aujourd'hui en cas de destruction illégale, de détournement ou de soustraction d'archives publiques, et de les compléter par la privation des droits civiques et l'interdiction d'exercer une fonction publique. Ainsi que le souligne l'exposé des motifs, il s'agit de « sanctions particulièrement dissuasives pour les fonctionnaires et les autorités publiques qui enfreindraient la loi » .

Par ailleurs, à cet arsenal pénal, de portée dissuasive car quasiment jamais appliqué dans les faits, le projet de loi ajoute une sanction administrative, visant à limiter l'accès aux salles de lecture aux personnes déjà condamnées pénalement pour destruction ou vol d'archives.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Outre des amendements de précision rédactionnelle, votre commission des affaires culturelles proposera d'enrichir le projet de loi sur trois principaux points :

- affirmer le principe d'une gestion autonome de leurs archives par les assemblées parlementaires ;

- valoriser la politique des archives, en instituant un Conseil supérieur des archives ;

- inciter les propriétaires d'archives classées à procéder à des travaux de restauration de leurs fonds.

Votre commission insistera, enfin, sur des mesures d'accompagnement qu'elle juge nécessaire de mettre en place afin de donner sa pleine portée au présent projet de loi et de sensibiliser l'ensemble des « producteurs » à l'importance de conserver leurs archives.

A. CONFIRMER LES PRÉROGATIVES DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES À L'ÉGARD DE LEURS ARCHIVES : UN ÉLÉMENT INHÉRENT AUX PRINCIPES DE SÉPARATION DES POUVOIRS ET D'AUTONOMIE DU PARLEMENT


• Les archives de l'Assemblée nationale et du Sénat sont régies par des dispositions de l'Instruction générale du Bureau (IGB) des règlements de chacune de ces deux assemblées. Ces dispositions prévoient notamment, conformément au délai de droit commun, une libre consultation des documents de plus de trente ans.

S'agissant du Sénat, la collecte, la conservation, le classement et la communication des archives de tous les services et de la Présidence sont assurées par la division des archives du service de la bibliothèque, des archives et de la documentation étrangère, qui bénéficie du concours de deux archivistes professionnels, gage de crédibilité des pratiques mises en place. Ces deux archivistes contractuels ont notamment contribué à instaurer des méthodes de classement et réalisent l'inventaire des fonds, transposé dans un logiciel documentaire interrogeable pour les recherches sur le contenu des archives. Ces fonds représentent près de trois kilomètres linéaires.

Cette gestion « de proximité » répond aux besoins spécifiques des services d'une assemblée parlementaire : d'une part, les fonds sont gérés par des personnes connaissant la « mécanique parlementaire » ; d'autre part, les archives du Sénat, conservées jusqu'en 2006 à Versailles, sont à présent conservées dans trois locaux parisiens : elles peuvent ainsi être rapatriées, à la demande des parlementaires, des services ou des chercheurs, soit dans l'heure, soit dans la journée.

Alors que le fonctionnement d'une assemblée s'appuie dans bien des domaines sur la culture du « précédent », cette souplesse est un élément important. Cela facilite également la consultation des archives par les chercheurs : le Sénat en accueille une quarantaine environ chaque année.

Par ailleurs, cette situation n'a rien de spécifique : comme le relevait, en 2005, le rapport précité de la mission présidée par M. Bernard Stirn, la majorité des assemblées parlementaires des pays de l'Union européenne (13 pays membres sur 25) disposent de leurs propres services d'archives.

En outre, les ministères de la défense et des affaires étrangères disposent, depuis l'Ancien Régime, d'une complète indépendance pour la gestion de leurs archives . D'autres administrations ou organismes publics ont fait le choix de conserver eux-mêmes leurs archives : c'est notamment le cas du ministère de la justice (depuis 1790), du ministère de l'économie et des finances (qui a créé en 1972 un service devenu le Centre des archives économiques et financières, chargé de collecter les archives des administrations centrales et des établissements publics rattachés), ou d'une trentaine d'établissements publics, entreprises ou organismes chargés d'une mission de service public (le CNRS, le Commissariat à l'énergie atomique 17 ( * ) , ou encore des entreprises telles qu'EDF ou la SNCF...). Cette possibilité est reconnue par l'article L. 212-2 du code du patrimoine et confirmée par le projet de loi, dans le cadre d'une coopération avec l'administration des archives ( article 3 , I du nouvel article L. 212-4). Néanmoins, à la différence du Sénat, ces institutions sont soumises au contrôle scientifique et technique de la direction des archives de France et ce sont dans certains cas des conservateurs du patrimoine qui y sont affectés.


• En explicitant, dans l'exposé des motifs, que les archives des « pouvoirs publics constitutionnels » comprennent notamment les archives législatives, le projet de loi tend à appliquer aux archives des assemblées parlementaires le régime de droit commun des archives publiques.

Il ne s'en écarterait que sur un point : les demandes de dérogation aux délais de communicabilité seraient instruites par les assemblées, et non par l'administration des archives.

Toutefois, cela méconnaît le principe d'autonomie du Parlement , qui est le corollaire du principe de séparation des pouvoirs . En effet, l'application du régime de droit commun aurait notamment pour conséquence de soumettre la gestion des archives par le Sénat au contrôle scientifique et technique de l'administration des archives, relevant du ministère en charge de la culture : un tel contrôle de l'exécutif sur le législatif n'est pas compatible avec ces principes constitutionnels.

Si les archives des assemblées sont des archives publiques , au contraire de celles des parlementaires, de nature privée, il convient néanmoins de préciser qu'elles relèvent des règles définies par chacune des assemblées .

Or, si le projet de loi reconnaît le caractère politique et donc spécifique des archives des autorités de l'exécutif, en consacrant la pratique des « protocoles de remise », il est regrettable qu'il n'y ait pas une même attention accordée aux archives des autorités législatives.

Comme le démontre la situation actuelle, ce régime autonome n'en est pas pour autant plus restrictif que le régime de droit commun .

Il est tout à fait souhaitable qu'il en soit ainsi, compte tenu du formidable vivier que représentent les archives des assemblées pour les chercheurs, et notamment les historiens. Par ailleurs, aux termes de l'article 33 de la Constitution, « les séances des deux assemblées sont publiques » : leur compte-rendu intégral est publié au Journal Officiel et accessible très rapidement sur Internet. Il est également donné une publicité aux travaux des commissions, à travers la publication des dossiers législatifs et des comptes-rendus des réunions ou auditions, publiés chaque semaine dans le « Bulletin des commissions », accessible en ligne.

Cette démarche d'ouverture et de transparence peut encore être amplifiée, en développant la communication sur l'existence et la richesse de ces archives . La poursuite de la numérisation, qui rend possible la mise en ligne des archives librement communicables, serait ainsi un progrès dans le sens d'une plus grande accessibilité de ces fonds pour les chercheurs, étudiants ou tous les autres citoyens. Cela participe à la valorisation des travaux du Parlement.

Afin de traduire ces orientations, votre commission proposera d'adopter un amendement visant à inscrire, dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un article prévoyant que les assemblées parlementaires sont responsables de la conservation et de la mise en valeur de leurs archives, et qu'elles déterminent les conditions dans lesquelles celles-ci sont collectées, conservées, classées et communiquées. Cela n'exclut en rien le maintien d'une coopération avec la direction des archives de France : il pourrait notamment être envisagé de verser aux Archives nationales une partie des fonds historiques, qui seraient une source d'enrichissement des collections publiques.

B. CONSOLIDER LE STATUT DU CONSEIL SUPÉRIEUR DES ARCHIVES : UNE DÉMARCHE DE VALORISATION ET DE RÉNOVATION DE LA POLITIQUE DES ARCHIVES

Un Conseil supérieur des archives, placé auprès du ministre en charge de la culture, a été créé par arrêté du 21 janvier 1988. Il était présidé par M. René Rémond.

Votre commission propose d'élever ce Conseil au niveau de la loi. Cette proposition vise plusieurs finalités :

- donner, tout d'abord, une plus grande visibilité à la politique des archives qui, comme votre rapporteur pour avis l'a souligné plus haut, reste encore quelque peu marginalisée ; en ce sens, le Conseil supérieur des archives serait érigé dans le code du patrimoine au même niveau que le Haut Conseil des musées de France ou que la Commission supérieure des monuments historiques ;

- impulser, en outre, une démarche de valorisation et de rénovation de la politique des archives, à laquelle contribuerait ce Conseil ; par sa composition plurielle, cette instance consultative serait étroitement associée à la réflexion nécessaire sur les orientations de la politique des archives ; on a vu notamment que la définition des critères de sélection (« quels documents conserver, dans un contexte de production massive ? ») méritait de faire l'objet d'une analyse prospective et ouverte, afin d'évaluer la pertinence des choix de destruction au regard des besoins de la recherche de demain ;

- enfin, favoriser la concertation et le dialogue entre les différents responsables, afin de prendre en compte les archives dans leur diversité, de favoriser la mise en cohérence et les complémentarités du réseau, et de renforcer le caractère interministériel de la politique des archives.

C. ASSURER LA SAUVEGARDE D'UN PATRIMOINE MENACÉ EN INCITANT LES PROPRIÉTAIRES D'ARCHIVES CLASSÉES À RESTAURER ET VALORISER LEURS FONDS

Si les archives privées représentent une source historique d'une richesse exceptionnelle, ce gisement de connaissances reste encore très partiellement exploité et ce patrimoine est bien souvent en danger.

Les représentants de l'association des propriétaires d'archives privées, entendus par votre rapporteur pour avis, ont en effet dressé un constat de relatif abandon de ces fonds :

- d'abord, leurs conditions de conservation matérielle ne peuvent pas toujours être assurées de façon optimale ;

- ensuite, il existe un manque de connaissance de ces fonds ;

- enfin, les problèmes liés à la transmission sont bien souvent une menace pour la sauvegarde et l'unité des fonds ; si, en général, un dépositaire est désigné au sein des familles, la question se pose avec acuité s'agissant des transmissions ou liquidations d'entreprises, ou encore pour les associations.

Le dépôt temporaire dans un service départemental d'archives est parfois la meilleure solution. Toutefois, la saturation des locaux est telle que l'accueil de ces fonds n'y est parfois pas possible, ou alors qu'il ne s'accompagne pas d'un traitement de ces archives, permettant d'en assurer le classement, l'inventaire et le traitement.

Or, de bonnes conditions de conservation et de classement de ces archives privées sont indispensables pour qu'elles puissent, le cas échéant, être utiles à la recherche historique ou généalogique.

Votre commission propose d'adopter un amendement visant à inciter les propriétaires d'archives privées classées au titre des archives historiques à engager des travaux de restauration de ces fonds, par le biais d'un avantage fiscal .

Cette disposition prolonge celle que le Gouvernement a proposé d'introduire, à l'article 18 du projet de loi de finances rectificative pour 2007, en faveur des propriétaires privés d' objets mobiliers classés au titre des monuments historiques. Tel qu'adopté par le Parlement, cet article accorde aux propriétaires engageant des travaux de conservation ou de restauration une réduction d'impôt plafonnée , égale à 25 % des sommes effectivement versées et restant à la charge du propriétaire, dans la limite de 20 000 euros.

L'extension de ces mesures aux archives classées, selon des conditions adaptées aux caractéristiques propres à ces biens, s'accompagnerait d'une démarche de valorisation des fonds concernés : le bénéfice de cette mesure serait ainsi conditionné à leur consultation facilitée pour les chercheurs et historiens. Si les archives privées représentent un gisement important - et encore peu exploité - pour la recherche, les ouvrir au public est contraignant pour les propriétaires, qui doivent assurer une surveillance et offrir des conditions matérielles de consultation. Il convient donc d'encadrer cette possibilité, en la limitant aux besoins de la connaissance scientifique.

D. SENSIBILISER AU RÔLE FONDAMENTAL DES ARCHIVES DANS LA SOCIÉTÉ DE LA CONNAISSANCE : DE NÉCESSAIRES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT

Votre rapporteur pour avis insiste enfin, au-delà du texte du projet de loi, sur la nécessité de renforcer la démarche de sensibilisation de l'ensemble des citoyens, et notamment des responsables publics comme privés, à l'importance du rôle des archives dans notre société de la connaissance et de l'information.

Notre « culture » de l'instant et de la nouveauté est en effet toute relative : elle tend à renforcer, au contraire, les besoins d'identification individuelle et collective à un passé et une mémoire communs.

Le vivier d'informations que représentent les archives est indispensable, en outre, pour comprendre et analyser les phénomènes contemporains, dans tous les domaines de la connaissance.

Or, ainsi que l'ont souligné les archivistes entendus par votre rapporteur pour avis, l'intérêt de la conservation des archives n'apparaît pas toujours avec évidence à ceux qui les produisent.

Une responsabilisation en amont s'avère fondamentale pour susciter un « réflexe archivistique » .

A cet égard, votre rapporteur pour avis partage la proposition, formulée par M. Guy Braibant dans son rapport sur « Les archives en France », de sensibiliser les futurs dirigeants des entreprises et des administrations publiques, au cours de leur formation initiale, à l'importance des archives : « La richesse des archives d'une nation dépend très largement de l'intérêt que leur portent les dirigeants des services et des entreprises qui les produisent. Or il est frappant, et inquiétant, de constater que ceux-ci (...) sont rarement intéressés par ce problème, qu'il s'agisse des responsables politiques, des hauts fonctionnaires ou des chefs d'entreprise. Souvent, ils ne songent aux archives que pour s'en débarrasser, lorsqu'elles deviennent trop encombrantes (...). Cette attitude d'indifférence (...) contraste avec l'intérêt accru pour l'Histoire, la mémoire collective et les célébrations d'anniversaires ».

Votre rapporteur pour avis insiste également sur la nécessité de sensibiliser les plus jeunes à l'intérêt des archives et du patrimoine qu'elles représentent. Cette action d'éducation civique et culturelle est indispensable pour revaloriser l'image des archives et susciter, très tôt, un intérêt et une curiosité pour la recherche archivistique, en tant que professionnel ou amateur.

Enfin, l'intérêt croissant de la recherche pour les archives des entreprises ou des associations impose également de porter les efforts sur leur sauvegarde et sur l'information systématique de leurs responsables.

Si le législateur 18 ( * ) a prévu une information de l'administration des archives en cas de liquidation judiciaire, afin que celle-ci puisse faire usage de son droit de préemption, cette disposition reste trop peu appliquée. Un travail de veille serait nécessaire pour repérer les fonds dont la conservation est ainsi menacée. Il serait utile, par ailleurs, de développer les capacités d'accueil pour collecter et valoriser ces archives du travail : or, seul un centre des Archives nationales a été créé à Roubaix pour les accueillir, alors que le projet initial était de créer cinq pôles interrégionaux.

Il en va de même des archives scientifiques , alors que le rapport Braibant relevait un « retard considérable » de notre pays dans ce domaine. La formation des archivistes devrait être renforcée dans le domaine de l'histoire des sciences et des techniques, afin de sensibiliser la profession à l'intérêt majeur que présentent ces sources documentaires. Toutefois, cela doit se faire dans le respect des règles relatives à la propriété intellectuelle, dans la mesure où certains documents sont en même temps des oeuvres de l'esprit.

Dans l'ouvrage précité, M. Bruno Delmas soulignait les évolutions indispensables de notre politique des archives : « Les Archives se sont longtemps identifiées avec les archives administratives publiques et les services d'archives publics. (...) Avec l'âge industriel, l'essentiel des sources d'archives sur la société se trouve de plus en plus dans les archives des entreprises industrielles et commerciales, des organismes de recherche, des associations, etc. Dans ce paysage profondément renouvelé, l'Etat a un rôle à jouer : mettre en place un nouveau réseau des archives adapté au paysage archivistique actuel, non pas pour se substituer à tous ces nouveaux acteurs, mais pour les susciter, les conseiller, les coordonner, les encourager. »

De même, M. Henri Zuber, ancien président de l'Association des archivistes français, a souligné, en ouverture d'un colloque sur le thème « Action, mémoire et histoire. Les archives des hommes politiques contemporains », organisé en 2006, que s' « il n'y a jamais eu à la disposition des organisations publiques et privées autant de jeunes professionnels aussi bien formés » ; or, il y a « peu de postes de conservateurs offerts dans les fonctions publiques, peu de recrutements en collectivités territoriales (...), des débouchés quasi inexistants dans l'entreprise, alors que la fonction y est éminemment nécessaire » . Il lançait un « cri d'alarme à l'égard des décideurs » : si une société sans mémoire est une société sans avenir, « une société sans archiviste est une société sans mémoire organisée. »

Votre commission, saisie pour avis du présent projet de loi, souhaite que ce texte puisse servir de levier à une prise de conscience plus large de l'importance des archives pour la connaissance et la transmission de la mémoire.

EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel après l'article 1er

Définition générale des archives

Votre commission vous propose de modifier l'article L. 211-1 du code du patrimoine, afin d'actualiser la définition générale des archives.

En effet, aux termes de cet article, issu de l'article 1 er de la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979, « les archives sont l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité. »

Dans la mesure où la numérisation de la société, avec notamment le développement de l'administration électronique, aboutit à une « dématérialisation » croissante des supports d'archives, votre commission estime souhaitable de supprimer l'adjectif « matériel » de cette définition.

Tel est l'objet de l'article additionnel que votre commission vous propose d'adopter .

Article additionnel après l'article 1er

Conseil supérieur des archives

Votre commission vous propose de donner valeur législative au Conseil supérieur des archives, créé par un arrêté du 21 janvier 1988.

Aux termes de cet arrêté, modifié par les arrêtés du 17 janvier 1990 et du 13 septembre 1999, ce conseil « est consulté sur la politique du ministre chargé de la culture en matière d'archives publiques et privées. Il est également consulté sur les programmes de publication et de recherche, sur les questions liées au développement des nouvelles technologies dans les services d'archives, ainsi que sur le classement des archives privées en tant qu'archives historiques. Il se prononce sur toute question qui lui est soumise par le directeur des Archives de France. Il examine le rapport d'activité de la direction des Archives de France. »

Il comprend un président et un vice-président, nommés pour trois ans par le ministre en charge de la culture. René Rémond, désormais disparu, avait assuré la présidence de ce conseil depuis sa création.

Ce conseil est actuellement composé de onze personnalités qualifiées ainsi que de dix-sept membres de droit, représentant à la fois l'Etat (le vice-président du Conseil d'Etat, le directeur des Archives de France, le chef de l'inspection générale des archives, le secrétaire général du Gouvernement, le directeur général des collectivités territoriales du ministère de l'intérieur, les directeurs des services d'archives des ministères de la défense et des affaires étrangères, le directeur de l'enseignement supérieur du ministère en charge de l'enseignement supérieur...), les collectivités territoriales (les présidents de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des maires de France), ou d'autres acteurs de la politique des archives et de la formation des archivistes (les directeurs de l'Ecole des Chartes et de l'Institut national du patrimoine, le premier vice-président de la Conférence des présidents d'université, le président de la Fondation nationale des sciences politiques, le président de l'Association des archivistes français...).

Votre commission propose de consolider le statut de ce conseil , créé postérieurement à la loi du 3 janvier 1979, en lui donnant valeur législative , comme c'est déjà le cas, dans les autres domaines de notre politique patrimoniale, du Haut Conseil des musées de France (article L. 430-1 du code du patrimoine) et de la Commission nationale des monuments historiques (article L. 611-1 du même code).

Cette disposition participe de la démarche de valorisation de la politique des archives, en lui donnant une plus grande visibilité. Elle devra également contribuer à relancer la réflexion sur la place et le rôle des archives dans notre société, en associant l'ensemble des acteurs concernés ainsi que des personnalités qualifiées. Il est à souhaiter que cette instance nationale puisse enfin servir de levier pour sensibiliser l'ensemble des « producteurs » d'archives à l'intérêt de leur conservation.

C'est pourquoi il est proposé d'élargir la composition de ce conseil à un député et un sénateur, afin notamment de sensibiliser les élus à cette problématique. Cela répond également à un souci de parallélisme avec la composition des deux autres instances consultatives précitées, en matière de politique des musées ou des monuments historiques.

La composition, les modes de désignation des membres du Conseil supérieur des archives et ses modalités de fonctionnement seront définis par arrêté, comme c'est actuellement le cas.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

Article 2

Définition des archives publiques

Le présent article tend à modifier et préciser la définition des archives publiques, issue de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1979.

I. Le droit existant

Aux termes de l'article 1 er de la loi de 1979, les archives sont « l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité » .

De cette définition générale procèdent deux catégories - publiques et privées - d'archives.

L'article 3 de la loi de 1979 (codifié à l'article L. 211-4 du code du patrimoine) dispose ainsi que les archives publiques sont :

- les documents qui procèdent de l'activité de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements et entreprises publics ;

- les documents qui procèdent de l'activité des organismes de droit privé chargés de la gestion des services publics ou d'une mission de service public ;

- les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels.

Par opposition, la loi de 1979 a donné, dans son article 9, désormais codifié à l'article L. 211-5, une définition « en creux » des archives privées, qui sont l'ensemble des autres documents.

II. Le texte du projet de loi

L'article 2 apporte deux modifications à cette définition des archives publiques :

- en désignant de façon explicite les « pouvoirs publics constitutionnels » comme autorités productrices d'archives publiques ;

- en excluant de la catégorie des archives publiques les documents produits par des entreprises publiques.


La référence aux « pouvoirs publics constitutionnels »

La précision du champ des archives procédant d'une « activité de l'Etat » , par l'ajout de la mention « y compris des pouvoirs publics constitutionnels » , s'apparente à une tautologie.

Aux termes de l'exposé des motifs, cette « référence aux organes étatiques à l'origine de l'autorité de l'Etat » tend à « lever une ambiguïté concernant le champ d'application de la loi. Cette appartenance ayant été discutée, il a semblé préférable de régler le problème de façon définitive en citant « les pouvoirs publics constitutionnels » parmi les autorités productrices d'archives publiques. »

Ainsi, le projet de loi « inclut dans l'ensemble des archives publiques celles émanant des pouvoirs publics constitutionnels, législatif, exécutif et judiciaire, et notamment les archives des Assemblées, du Conseil constitutionnel ou encore du Conseil économique et social. »

Toutefois, les dispositions relatives au Conseil constitutionnel font l'objet d'un projet de loi organique accompagnant le présent projet de loi. Ce texte tend à compléter l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.


L'exclusion de la notion d' « entreprises publiques »

La modification proposée par le projet de loi répond à une recommandation formulée par M. Guy Braibant dans le rapport sur « Les archives en France » remis au Premier ministre en mai 1996 : « Comme dans la loi d'accès aux documents administratifs, il serait plus réaliste et logique d'exclure de la catégorie des archives publiques celles des « entreprises publiques », notion dont les contours sont flous et variables , et de ne retenir que celles des établissements publics, d'une part, des organismes privés chargés d'une mission de service public d'autre part. »

Tout d'abord, selon le rapport Braibant, « l'expérience montre que cette extension est excessive » : la direction des archives n'a ainsi jamais vraiment eu les moyens d'assurer la conservation de ces documents. Nombre d'entreprises publiques, telles que la SNCF ou la RATP, ont créé leur propre service d'archives. Ensuite, le rapport relève que c'est « par rapport à la notion de service public que le régime des archives publiques a un sens. Seules les entreprises publiques qui gèrent un service public - quel que soit par ailleurs leur statut juridique - en justifient l'application. »

En conséquence, l'article 2 substitue au terme d'entreprises publiques, source de confusion, la référence aux « autres personnes de droit public » . C'est donc la nature publique du « producteur » d'archives qui est ainsi mise en avant.

Toutefois, le critère fonctionnel, à savoir l'exercice d'une activité ou mission de service public, reste également pris en compte. La définition des archives publiques comprend en effet, dans le b) de l'article L. 211-4, « les documents qui procèdent de l'activité d'un service public géré ou d'une mission de service public exercée par une personne de droit privé. »

III. La position de votre commission

Ainsi que cela a été souligné dans l'exposé général, le fait que les archives des assemblées parlementaires soient explicitement désignées comme archives publiques soumises au régime de droit commun pose problème :

- cela conduit à soumettre leur gestion au contrôle scientifique et technique de l'administration des archives, c'est-à-dire au contrôle d'une direction centrale relevant du ministère en charge de la culture ;

- cela méconnaît, de fait, le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et d'autonomie du Parlement.

C'est pourquoi votre commission vous proposera d'adopter un amendement visant à :

- supprimer la référence « y compris les pouvoirs publics constitutionnels » , qui est superfétatoire ;

- préciser que les actes et documents émanant des assemblées parlementaires sont bien des archives publiques, mais que ces archives relèvent des conditions fixées par l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, telle que complétée par l'amendement que votre commission vous proposera d'adopter (article additionnel après l'article 20).

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 3

Sélection et conservation des archives publiques

Le présent article tend à rappeler d'une part, le principe d'imprescriptibilité des archives publiques et à préciser, d'autre part, les conditions de collecte et de conservation de ces documents.

I. Le droit existant

L'article 3 de la loi du 3 janvier 1979 a posé le principe d'imprescriptibilité des archives publiques.

Par ailleurs, le décret du 3 décembre 1979 modifié 19 ( * ) , relatif aux conditions de collecte, conservation et communication des archives publiques, définit trois « stades » dans le cycle de vie des archives, couramment désigné de « théorie des trois âges » :

- les archives courantes sont les documents qui sont d'utilisation habituelle pour l'activité des administrations productrices ; leur conservation incombe à ces services, établissements ou organismes qui les ont produits ou reçus, sous le contrôle de la direction des archives de France ;

- les archives intermédiaires sont les documents qui, bien qu'ayant cessé d'être considérés comme archives courantes, ne peuvent encore, en raison de leur intérêt administratif, faire l'objet de tri et d'élimination ; ces archives peuvent être conservées dans des dépôts dits de préarchivage, gérés par le direction des archives, ou, à défaut, dans les locaux des services ou organismes producteurs ;

- les archives définitives sont enfin les documents qui, après tri et élimination, sont destinés à être conservés indéfiniment ; selon le décret précité, leur conservation est assurée dans les dépôts d'archives relevant de la direction des archives ou placés sous son contrôle.

La durée d'utilisation et de conservation des archives courantes et intermédiaires est définie par accord entre l'administration concernée et la direction des archives.

La phase de « tri » consiste, aux termes de l'article L. 212-3, à « séparer les documents à conserver et les documents dépourvus d'intérêt administratif et historique, destinés à l'élimination » . La liste des documents à éliminer est fixée par accord entre la direction des archives et leur administration d'origine.

II. Le texte du projet de loi

A. Donner son plein effet au principe d'imprescriptibilité des archives publiques (article L. 212-1)

Le projet de loi complète l'affirmation du caractère imprescriptible des archives publiques en imposant une obligation de restitution de ces archives, dès lors qu'elles seraient détenues de façon illicite, c'est-à-dire « sans droit ni titre » .

Le texte distingue plusieurs types de démarches :

- l'action en revendication, qui consiste à revendiquer comme propriété publique un bien qui est mis en vente, avant la cession ;

- l'action en nullité, qui intervient après échec ou absence de revendication, par exemple lorsque l'administration des archives n'a pas été informée d'une vente ;

- l'action en restitution, qui intervient après la démarche de revendication.

Cette dernière est exercée par l'administration des archives ou tout autre service public d'archives compétent, alors que le propriétaire du document peut également exercer l'action en revendication ou en nullité.

B. Des modifications sémantiques (articles L. 212-2, L. 212-3 et L. 212-4)

Le projet de loi propose plusieurs changements sémantiques à la rédaction issue de la loi du 3 janvier 1979 :

- en remplaçant , dans les articles L. 212-2, L. 212-3 et L. 212-4 nouveaux, le terme de « tri » par celui de « sélection » ; l'objectif est d'évoquer, d'une façon valorisant davantage cette phase technique et ardue, le traitement à la fois intellectuel et matériel qui conduit à établir les choix de conservation définitive ou de destruction des documents ;

- en substituant à la notion d' « intérêt administratif et historique » celle d' « utilité administrative ou d'intérêt historique » ; cette distinction semble en effet plus conforme à la double vocation - bonne gouvernance et dimension patrimoniale - des archives ;

- en harmonisant la formulation retenue dans l'ensemble des articles issus de la loi de 1979 : le terme d' « élimination » se substitue ainsi à celui de « destruction » à l'article L. 212-3 nouveau ;

- en faisant référence, à l'article L. 212-5, au « service public d'archives » plutôt qu'à l' « administration des archives » , afin de prendre en compte le réseau territorial des services d'archives.

C. Les précisions sur les conditions de conservation des archives publiques (article L. 212-4)

La nouvelle rédaction proposée par le projet de loi pour l'article L. 212-4 reprend, en les modifiant et les complétant, les dispositions figurant actuellement à l'article L. 212-2, issu de l'article 3 de la loi du 3 janvier 1979.


L'obligation de versement des archives définitives

Le paragraphe I réaffirme que le principe de droit commun pour la conservation des archives publiques dites définitives , à l'issue de la phase de « sélection », est leur versement dans un service public d'archives .

Cependant, les possibilités de dérogation sont maintenues : en effet, la conservation des archives peut être assurée par les services compétents des administrations ou organismes « producteurs », dans le cadre d'une coopération avec l'administration des archives et selon des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Tel est le cas, notamment, des ministères de la défense et des affaires étrangères 20 ( * ) , qui disposent chacun de leur propre service d'archives, au fonctionnement autonome.


La clarification des responsabilités sur les archives intermédiaires

Le paragraphe II réaffirme que les administrations ou organismes producteurs d'archives publiques sont responsables, sous le contrôle scientifique et technique de l'administration des archives, de la conservation de ces documents jusqu'à leur phase de « sélection », c'est-à-dire aux stades d'archives courantes ou intermédiaires.

La proposition d'inscrire ce principe dans la loi répond à une recommandation formulée par M. Guy Braibant dans son rapport sur « Les Archives en France ». Celui-ci relevait, en effet, que les dispositions du décret n° 79-1037 du 3 décembre 1979 précité « évitent de clarifier les responsabilités » à l'égard des archives intermédiaires, en prévoyant, à l'article 13, aussi bien leur versement dans un dépôt de préarchivage géré ou contrôlé par l'administration des archives que leur conservation dans les locaux du service d'origine. Or, selon M. Braibant, la responsabilisation des administrations versantes à l'égard de leurs archives intermédiaires serait de nature à favoriser leur implication , en amont , dans la définition des règles de conservation et de sélection des archives.

Aussi, le rapport Braibant faisait la proposition suivante : « Il serait souhaitable de préciser que c'est bien sur l'administration productrice que doit reposer la charge matérielle des archives intermédiaires. »

Le projet de loi apporte donc une clarification sur ce point.


La possibilité de confier la gestion des archives intermédiaires à des sociétés privées : la reconnaissance et l'encadrement d'une pratique en développement

Le projet de loi introduit, dans le II du présent article, la possibilité de confier le « stockage » de ces documents, à leur stade d'archives courantes ou intermédiaires, à des sociétés privées d'archivage. Cette disposition tend à apporter une reconnaissance formelle à une pratique, qui s'est développée, depuis une vingtaine d'années, en marge de la loi.

Seule une circulaire publiée en janvier 2007 21 ( * ) a posé les bases d'un encadrement minimal, afin de dissiper un certain « flou » juridique. Ce texte avait rappelé que le recours à des sociétés privées était « expressément interdit pour la conservation des archives des collectivités territoriales » , qui doit s'effectuer, « en application de l'article 4 du décret n° 88-849, « dans un bâtiment public » ». Il en est de même des établissements hospitaliers. En revanche, les administrations de l'Etat et leurs services déconcentrés, les établissements publics et organismes privés chargés d'une mission de service public « peuvent confier la conservation de leurs archives intermédiaires destinées à l'élimination à terme à des sociétés privées » , dans les conditions suivantes : respect des règles du code des marchés publics ; signature d'un contrat entre le service producteur et l'entreprise, prenant en compte les obligations légales pesant sur la conservation des archives publiques ; autorisation préalable de l'administration des archives pour permettre l'exercice du contrôle scientifique et technique...

Par ailleurs, une norme de service NF Z 40-350 « Prestations de gestion et conservation d'archives » a été élaborée au sein de l'AFNOR, avec le concours de la direction des Archives de France. Elle prescrit notamment les règles et équipements de sécurité nécessaires et l'obligation de disposer au sein du personnel d'une ou plusieurs personnes titulaires d'un diplôme universitaire en archivistique. A ce jour, sept entreprises d'archivage ont été certifiées conformément à cette norme.

Dans le prolongement de ces dispositions, le projet de loi encadre le recours à cette gestion externalisée des archives publiques afin d'assurer le contrôle de l'administration des archives et de garantir de bonnes conditions de conservation des documents concernés :

- par un système de déclaration préalable à l'administration des archives ;

- par un dispositif d' agrément des entreprises d'archivage ;

- par l'élaboration d'un contrat de dépôt , comportant des clauses relatives aux modalités de communication et d'accès aux documents déposés, au contrôle de ces documents par l'administration des archives et à leur restitution au déposant à l'issue du contrat.

III. La position de votre commission

A. Les critères de sélection

La définition des critères de sélection des archives destinées à être conservées indéfiniment est une question importante et renvoie à des enjeux sensibles : en effet, seuls 10 % environ de l'ensemble des documents produits échappent à la destruction.

Ces choix sont établis sur la base d'instructions de tri et de tableaux de gestion élaborés conjointement par les services producteurs et l'administration des archives. Aucune élimination ne peut être effectuée sans leur double accord.

Toutefois, ainsi que s'interroge M. Bruno Delmas dans l'ouvrage précité, les critères utilisés, qui reposent souvent sur des circulaires anciennes, sont-ils encore adaptés ? Les arbitrages conduisent parfois à conserver des documents en appliquant des séries statistiques, en apparence objectives (des échantillonnages d'années par exemple), au risque d'obérer le sens et l'intérêt ultérieur des séries conservées. Par ailleurs, ainsi que le souligne M. Delmas, si « la prise en compte de documents créateurs de droits est un critère objectif » , « l'intérêt historique est une notion arbitraire, subjective et passagère » : ainsi, « on « désherbe » à l'envi aux seuls critères de nos certitudes du moment, jugées suffisamment éclairées pour être définitives ».

Selon lui, « d'autres critères de conception du tri se révèlent indispensables » : une réflexion scientifique s'impose afin de définir des règles qui soient mieux adaptées à notre temps. En effet, le rôle des archives a évolué : celles-ci « prennent désormais une valeur scientifique nouvelle ». Les archives sont en effet des réservoirs de connaissances , des matériaux utiles pour appréhender et comprendre les phénomènes d'aujourd'hui et de demain : en cela, leur portée dépasse désormais le seul domaine de la recherche historique . L'observation des phénomènes naturels nécessite des recherches dans des archives scientifiques parfois très anciennes : c'est ce qu'ont montré, en météorologie par exemple, les travaux d'Emmanuel Le Roy Ladurie sur l'histoire du climat 22 ( * ) ; l'étude de la biodiversité requiert également de retracer l'évolution des espèces sur des périodes très longues. Enfin, en architecture, la consultation des plans d'origine des bâtiments anciens est souvent indispensable avant d'engager des travaux de restauration.

C'est pourquoi votre commission propose d'adopter un amendement visant à élargir les critères de sélection des archives ayant vocation à être conservées, en prenant en compte, au-delà de leur seul intérêt historique, leur intérêt scientifique .

Elle proposera également d'harmoniser les critères pris en compte s'agissant de la sélection des documents comportant des données personnelles, en prévoyant que ceux-ci peuvent être conservés, au-delà de leur intérêt scientifique, historique ou statistique, pour leur éventuelle utilité administrative.

B. L'externalisation des fonctions d'archivage

En outre, cet article fait preuve de réalisme en reconnaissant - tout en l'encadrant - la possibilité, pour les administrations publiques, de recourir à un prestataire privé pour les fonctions d'archivage. Comme cela a été souligné, le contexte actuel de production massive d'archives, notamment dans les établissements publics de santé, les tribunaux, les préfectures ou les collectivités territoriales (l'accroissement net annuel est de 44 kilomètres linéaires dans les services départementaux d'archives), conjugué à un phénomène de judiciarisation, pose un problème très concret de « stockage » de ces documents. Sans solution externe, nombre d'administrations ne pourraient faire face à cet afflux, au risque de susciter des destructions précipitées d'archives.

Toutefois, votre rapporteur pour avis rappelle, ainsi que M. Guy Braibant l'avait souligné dans son rapport précité, que cette externalisation des fonctions d'archivage ne doit pas remettre en cause la responsabilité des services producteurs à l'égard de leurs archives dites courantes ou intermédiaires et leur nécessaire implication dans l'élaboration des critères de sélection des archives définitives. C'est pourquoi cette externalisation pourrait, en pratique, se limiter aux archives qui sont conservées le temps de leur « durée d'utilisation administrative », c'est-à-dire la durée pendant laquelle le document doit être conservé à des fins administratives, mais qui ont ensuite vocation à être éliminées.

Votre commission proposera également d'adopter un amendement destiné à préciser qu' il revient à l'administration des archives de délivrer l' agrément autorisant les sociétés privées d'archivage à accueillir des archives issues d'administrations publiques ou de collectivités territoriales.

Sous réserve de ces observations et de ces amendements, votre commission vous proposera d'adopter cet article ainsi modifié .

Article additionnel avant l'article 4

Archives des établissements publics de coopération intercommunale

Les archives des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont des archives publiques. Or, si le code du patrimoine comporte un volet spécifique aux archives des collectivités territoriales, dont ces dernières sont propriétaires et responsables de la gestion et de la conservation, rien n'est prévu s'agissant des archives des structures intercommunales.

Il est vrai que le développement du nombre des EPCI, ainsi que l'extension de leurs compétences, sont postérieurs à la loi du 3 janvier 1979.

Votre commission propose donc de combler un « vide juridique », afin de prendre en compte les évolutions du paysage institutionnel local de notre pays.

Tel est l'objet du présent article additionnel : il s'agit de prévoir les conditions de conservation, par les EPCI à fiscalité propre, de leurs propres archives .  A cet effet, il est proposé de préciser que les EPCI sont propriétaires de leurs archives et responsables de leur conservation et de leur mise en valeur. Ils disposeraient alors d'un triple choix , afin de ne pas conduire à démultiplier les centres d'archives et de s'adapter, au mieux, à chaque situation locale :

- soit créer leur propre service d'archives ; en pratique, certaines structures ont déjà créé leur propre service d'archives : tel est le cas, en Seine-Maritime, de l'agglomération d'Elbeuf notamment ;

- soit confier la conservation de leurs archives, par convention, au service d'archives de l'une des communes membres ;

- soit les déposer au service départemental compétent.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

Article 4

Directeurs des services départementaux d'archives

Le présent article tend à compléter l'article L. 212-9 afin de préciser que les directeurs des services départementaux d'archives sont choisis parmi les conservateurs du patrimoine de l'Etat.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 212-9, introduit par la loi du 22 juillet 1983 23 ( * ) , prévoyait, dans sa rédaction initiale, la possibilité de mise à disposition de personnels scientifiques et de documentation de l'Etat auprès des départements, pour exercer leurs fonctions dans les services départementaux d'archives.

La loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique a modifié, dans son article 10, les conditions de mise à disposition des agents de l'Etat, fixées au II de l'article 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Celles-ci prévoient désormais une obligation de remboursement.

Toutefois, cette même loi a prévu, dans son article 11 - I, de maintenir, à titre dérogatoire, le dispositif actuel de mise à disposition gratuite des agents de l'Etat auprès des services d'archives départementales.

Une disposition similaire est prévue concernant la mise à disposition des conservateurs et conservateurs généraux de bibliothèques ayant la qualité de fonctionnaires de l'Etat.

Ainsi que notre collègue Catherine Troendle l'avait exposé en séance publique 24 ( * ) , cette dérogation au principe de remboursement du coût des fonctionnaires mis à disposition se justifie :

- d'une part, au regard de la mission régalienne de contrôle scientifique et technique assurée par ces agents de l'Etat au niveau local ;

- d'autre part, en raison de l'équilibre négocié lors de la décentralisation : la prise en charge du fonctionnement des services départementaux d'archives par les départements devait en effet trouver sa contrepartie dans la mise à disposition des départements de fonctionnaires de l'Etat.

II. Le dispositif proposé

Le présent article tend à compléter ces dispositions, pour préciser le statut juridique des directeurs des services départementaux d'archives.

Ces derniers sont choisis parmi les conservateurs ou les conservateurs généraux du patrimoine de l'Etat, dans des conditions déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat.

Aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, cette disposition « confirme la pratique déjà en usage » .

Elle se justifie, en outre, par deux considérations :

- d'une part, aux termes de l'article L. 212-8 du code du patrimoine, les services départementaux d'archives « sont tenus de recevoir et de gérer les archives des services déconcentrés de l'Etat ayant leur siège dans le département » , qui sont tenus de les y verser ; or, les archives issues des services de l'Etat occupent une part prépondérante puisqu'elles représentent près de 80 % des fonds départementaux ;

- d'autre part, en vertu de l'article L. 212-10 du code du patrimoine, la conservation des archives des collectivités territoriales est assurée par celles-ci sous le contrôle scientifique et technique de l'Etat ; à cette fin, un décret en Conseil d'Etat fixe notamment « les conditions dans lesquelles les conservateurs d'archives, appartenant au personnel scientifique de l'Etat » et mis à disposition du président du conseil général ou régional, peuvent assurer ce contrôle ; en effet, comme une collectivité territoriale ne peut en contrôler une autre, cette mission ne pourrait être assurée par un agent du conseil général.

Notons que ces conditions ont été définies par le décret n° 88-849 du 28 juillet 1988 relatif au contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les archives des collectivités territoriales. Ce texte a prévu que ce contrôle, qui s'exerce « sur pièces ou sur place » , « porte sur les conditions de gestion, de collecte, de tri, d'élimination des documents courants, intermédiaires et définitifs et sur le traitement, le classement, la conservation et la communication des archives. Il est destiné à assurer la sécurité des documents, le respect de l'unité des fonds et de leur structure organique, la qualité scientifique et technique des instruments de recherche, la compatibilité des systèmes de traitement, la mise en valeur du patrimoine archivistique. »

III. La position de votre commission

Le présent article confirme la situation ambiguë des services départementaux d'archives et les limites de leur décentralisation : si ces services sont financés par les collectivités territoriales, ils ont également l'obligation légale de conserver des archives appartenant aux services de l'Etat, des préfectures notamment.

Les motifs évoqués plus haut suffisent ainsi à justifier que des personnels de l'Etat assurent la direction de ces services. Pour des raisons matérielles évidentes, il serait difficilement envisageable de « doublonner » ces fonctions de direction, selon qu'elles relèvent d'une mission régalienne ou strictement départementale.

Par ailleurs, le recours à des conservateurs du patrimoine de l'Etat permet d'assurer que l'ensemble de ces directeurs disposent du même niveau de compétences. Votre rapporteur pour avis rappelle que ce corps a été unifié par le décret du 16 mai 1990 25 ( * ) , modifié par le décret n° 2007-1245 du 20 août 2007. Ce dernier a notamment réorganisé les spécialités dans lesquelles les conservateurs du patrimoine peuvent être titularisés, en fonction des études qu'ils ont effectuées au sein de l'Institut national du patrimoine (INP) : celles-ci sont désormais au nombre de cinq (au lieu de six auparavant) : archéologie ; archives ; monuments historiques et inventaire ; musées ; patrimoine scientifique, technique et naturel.

Toutefois, compte tenu des recrutements restreints dans le corps des conservateurs du patrimoine, a fortiori dans la spécialité archives, votre rapporteur insiste sur la nécessité de maintenir et développer les passerelles avec les autres corps. En effet, tant la fonction publique territoriale que l'Université proposent désormais des formations de grande qualité.

Selon les données qui lui ont été transmises par le ministère, on compte 243 conservateurs et conservateurs généraux en poste (soit 240 équivalents temps plein - ETP) dont 146 dans les archives départementales, 65 dans les Archives nationales, 29 à la direction des archives de France et 3 mises à disposition. Seuls deux postes ont été ouverts en 2007 à l'INP, mais neuf sont prévus pour 2008.

L'article 7 du décret du 16 mai 1990 précité prévoit une possibilité de détachement dans le corps des conservateurs généraux du patrimoine, dans la limite de 20 % de l'effectif budgétaire du corps des fonctionnaires de catégorie A de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics. A l'heure actuelle, trois directeurs de services départementaux d'archives sont ainsi des conservateurs territoriaux du patrimoine en position de détachement. Votre commission souhaite que ces possibilités soient encouragées, afin d'offrir des perspectives de carrière à ces personnels de la fonction publique territoriale.

Elle souligne, enfin, que l'ampleur des tâches confiées aux directeurs des services départementaux, notamment en matière de contrôle scientifique exercé au nom de l'Etat sur les archives communales, plaident pour un renforcement des équipes de direction au sein de ces services.

Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 5

Allongement du délai pour décider du classement des archives privées

Le présent article propose de porter à douze mois, au lieu de six actuellement, le délai ouvert, à compter de la notification au propriétaire, pour décider du classement des archives privées.

Rappelons que les articles 11 à 24 de la loi du 3 janvier 1979, codifiés aux articles L. 212-15 et suivants du code du patrimoine, ont prévu et encadré une procédure de classement comme archives historiques des archives privées « présentant pour des raisons historiques un intérêt public » .

Le régime défini est en bien des points analogue à celui prévu pour le classement des objets mobiliers par la loi du 31 décembre 1913 modifiée sur les monuments historiques. Ces dispositions sont désormais codifiées aux articles L. 622-1 et suivants du code du patrimoine.

S'agissant des archives privées, l'article L. 212-15 prévoit que la décision de classement est prise, sur proposition de l'administration des archives, par décision de l'autorité administrative, c'est-à-dire par arrêté du ministre chargé de la culture.

En pratique, les demandes de classement sont examinées et instruites par la direction des Archives de France, après consultation du Conseil supérieur des archives.

Aux termes de l'article L. 212-18, l'administration des archives notifie « immédiatement » au propriétaire l'ouverture de la procédure de classement. A compter de cette notification, tous les effets du classement s'appliquent de plein droit. Selon le rapporteur de la loi de 1979 au nom de votre commission, « il s'agit d'une mesure conservatoire qui dote, en cas d'urgence, l'administration d'une arme à effet instantané » .

L'administration dispose dès lors, à compter de la date à laquelle le propriétaire a accusé réception de la notification, d'un délai de six mois pour confirmer le classement : les effets du classement cessent si une décision n'est pas intervenue dans ce délai .

Le présent article propose d'allonger ce délai à douze mois .

Aux termes de l'exposé des motifs, cette modification vise à assurer une plus grande cohérence avec le régime applicable au classement des objets mobiliers au titre des monuments historiques : en effet, la loi de 1913 a laissé à l'administration un délai de 12 mois pour décider du classement des immeubles (article L. 621-19 du code du patrimoine) et objets mobiliers (article L. 622-5).

Ce faisant, le projet de loi conduirait à renforcer la contrainte pesant sur les propriétaires par rapport au droit existant , en allongeant la période pendant laquelle l'administration instruit le dossier de classement.

Alors que l'esprit du projet de loi est plutôt de raccourcir les délais s'agissant des archives publiques, cette disposition, qui ne répond pas, d'ailleurs, à une demande expresse de l'administration, ne semble guère justifiée. Le motif d'alignement sur le régime des objets mobiliers n'est pas forcément pertinent : la procédure de classement au titre des monuments historiques est en effet plus complexe ; les régimes ne sont d'ailleurs pas équivalents en tous points.

C'est pourquoi votre commission propose de supprimer cet article .

Article 6

Aliénation et transmission d'archives classées

Cet article tend à compléter l'article L. 212-13 du code du patrimoine afin de renforcer les protections applicables en cas d'aliénation d'archives privées classées.

I. Le droit existant

Cet article prévoit, dans sa rédaction actuelle issue de l'article 17 de la loi du 3 janvier 1979, que tout propriétaire d'archives classées projetant de les aliéner , c'est-à-dire principalement de les vendre, est tenu de notifier son intention à l'administration des archives .

Ainsi que le soulignait le rapporteur de ce texte au nom de votre commission des affaires culturelles 26 ( * ) , cela doit permettre à l'administration d'exercer, si elle le juge nécessaire, un droit de préemption.

Les propriétaires d'archives privées entendus par votre rapporteur pour avis ont également reconnu l'intérêt de cette déclaration préalable, favorable à la sauvegarde de ce patrimoine historique.

Or, un tel système est spécifique aux archives classées. S'agissant des objets mobiliers, l'article 19 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, codifié à l'article L. 622-16 du code du patrimoine, ne retient qu'une notification a posteriori : ainsi, « toute aliénation doit, dans les quinze jours de la date de son accomplissement, être notifiée à l'autorité administrative par celui qui l'a consentie. » Il en est de même pour les immeubles classés (article L. 621-24).

II. Le texte du projet de loi

Sans revenir sur le droit existant, le présent article tend à encadrer et compléter le dispositif en vigueur :

- il modifie, sans en changer le sens, la rédaction de la première phrase de l'article, issue de la loi de 1979, en substituant aux mots « notifier son intention » , l'expression « en faire préalablement la déclaration » ;

- il précise que cette déclaration intervient dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat ; notons que le projet de loi de 1979 avait prévu, dans sa rédaction initiale, un tel délai, soit d'au moins quinze jours avant l'aliénation » ; selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, il est prévu de fixer le même délai ;

- il étend cette obligation de déclaration préalable à l'administration aux « propriétaires, détenteurs ou dépositaires » d'archives classées projetant de les déplacer d'un lieu à un autre ; votre rapporteur pour avis rappelle qu'une disposition similaire était déjà prévue par le décret n° 79-1040 du 3 décembre 1979 27 ( * ) disposant, dans son article 10, que « tout propriétaire ou détenteur d'archives classées qui se propose d'en transférer définitivement tout ou partie d'un lieu dans un autre, à l'intérieur du territoire français, doit en aviser par écrit le ministre chargé de la culture, en lui indiquant le nouvel immeuble où il se propose de transférer les archives, ainsi que le nom et le domicile du propriétaire de l'immeuble » ;

- il complète ce régime de déclaration préalable par un dispositif de notification a posteriori ; il étend, en cela, les dispositions applicables aux immeubles et objets mobiliers classés monuments historiques 28 ( * ) ; ainsi toute aliénation d'archives classées doit être notifiée à l'administration des archives par celui qui l'a consentie, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat ; ce délai est fixé à « quinze jours suivant la date de son accomplissement » s'agissant des biens classés monuments historiques ; par ailleurs, le projet de loi précise que cette notification doit préciser le nom et l'adresse du nouvel acquéreur, ce qui n'est pas mentionné dans les dispositions législatives relatives aux monuments historiques ;

- enfin, l'article étend ces dispositions à la transmission d'archives classées par voie de succession, partage, donation ou legs ; la notification est alors faite par l'héritier, le copartageant, le donataire ou le légataire ; une telle disposition n'est pas prévue pour les objets mobiliers classés, alors même qu'au terme de l'exposé des motifs du projet de loi, cet article a vocation à aligner les dispositions de la loi de 1979 sur celles relatives aux objets classés.

III. La position de votre commission

Votre commission prend acte du souci de l'administration des archives de renforcer son contrôle sur les archives classées et sa capacité de les « tracer », afin d'assurer une meilleure protection de ce patrimoine.

A cet égard, votre rapporteur pour avis a pu constater que ce niveau d'exigences, qui peut apparaître contraignant et formel, était ressenti comme nécessaire par les propriétaires d'archives privées. Ainsi, il ne leur semble pas déraisonnable de prévoir, comme le fait le projet de loi, à la fois un dispositif de déclaration préalable et de notification a posteriori, alors que seule l'information intervenant après l'aliénation est requise s'agissant des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques. Les propriétaires ont souligné, en effet, que leurs intérêts étaient souvent convergents avec ceux de l'administration. Le dépeçage des fonds, à la suite de ventes partielles d'autographes par exemple, menace le principe archivistique d'unité des fonds et représente une perte pour la recherche historique.

Tout en partageant les orientations du présent article, votre commission vous proposera un amendement destiné à alléger la rédaction proposée, en précisant le délai dans lequel devra intervenir la notification a posteriori, plutôt que de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de le fixer : l'aliénation devra ainsi être notifiée dans les quinze jours suivant son accomplissement, ainsi que cela est prévu par la législation relative aux monuments historiques (à l'article L. 622-16 du code du patrimoine, s'agissant des objets mobiliers classés).

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 6

Travaux de restauration sur des archives classées

Cet article additionnel tend à compléter l'article L. 212-25 du code du patrimoine, aux termes duquel « sauf autorisation de l'administration des archives, les archives classées ne peuvent être soumises à aucune opération susceptible de les modifier ou de les altérer. »

Il s'agit de prendre en compte le dispositif que votre commission vous proposera à l'article additionnel avant l'article 18. Le bénéfice de cette mesure fiscale serait ainsi subordonné, notamment, à la condition suivante : les travaux engagés devront être réalisés avec l'autorisation de l'administration des archives et sous son contrôle scientifique et technique, afin de garantir la qualité des interventions et de s'assurer de la compétence des professionnels recrutés.

Ces dispositions adaptent, de fait, aux archives classées ce que prévoit déjà le code du patrimoine s'agissant des objets mobiliers : en effet, l'article L. 622-7 dispose que « les objets classés au titre des monuments historiques ne peuvent être modifiés, réparés ou restaurés sans l'autorisation de l'autorité administrative compétente ni hors de sa surveillance. »

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

Article 7

Droit de reproduction avant exportation

Le présent article tend à modifier l'article L. 212-29, aux termes duquel l'Etat a un droit de reproduction des archives privées non classées faisant l'objet d'une demande d'exportation.

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 111-2 du code du patrimoine relatif au régime de circulation des biens culturels, l' exportation temporaire ou définitive des biens culturels en dehors du territoire douanier est subordonnée à l'obtention d'un certificat délivré par l'autorité administrative .

Ces dispositions s'appliquent aux biens autres que les trésors nationaux, qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique et entrent dans une des catégories définies par décret en Conseil d'Etat.

Elles ont été introduites par la loi du 31 décembre 1992 29 ( * ) et se sont substituées à celles prévues par la loi de du 3 janvier 1979. Cette dernière avait subordonné l'exportation d'archives classées à l'autorisation de l'administration des archives, qui pouvait alors exercer un « droit de rétention » (article 21), alors que la loi de 1992 a interdit, sauf exceptions, l'exportation de ces biens considérés comme « trésor national » 30 ( * ) . L'autorisation de l'administration était également requise pour l'exportation d'archives privées « qui présentent un intérêt public pour des raisons historiques et qui n'auraient pas fait l'objet d'une décision de classement » (article 24).

Le certificat prévu par l'article L. 111-2 atteste, à titre permanent, que le bien concerné n'a pas le caractère de trésor national. Toutefois, il n'est délivré que pour une durée de vingt ans renouvelable pour les biens dont l'ancienneté n'excède pas cent ans.

S'agissant des archives privées non classées , l'article L. 212-29 prévoit que la délivrance de ce certificat peut être subordonnée, par l'Etat, à la reproduction totale ou partielle des documents concernés par la demande. L'Etat prend en charge les frais de reproduction, et doit procéder à ces opérations au plus tard dans les six mois suivant la demande.

II. Le texte du projet de loi

Le présent article tend à compléter l'article L. 212-29 pour préciser :

- d'une part (1°) , que l'Etat peut également imposer la reproduction d'archives privées non classées, avant la délivrance d'un certificat d'exportation, à la demande - et pour le compte - d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'une fondation reconnue d'utilité publique ;

- d'autre part (2°) , que ces reproductions sont communicables à toute personne qui en fait la demande, « sauf si le propriétaire en a stipulé autrement avant l'exportation » ; le propriétaire doit ainsi être tenu informé de ces dispositions lors de la demande de reproduction, afin qu'il puisse, aux termes de l'exposé des motifs, « s'opposer explicitement à cette règle ou l'assortir de conditions » ; l'exposé des motifs précise également que ces dispositions s'appliquent aux reproductions déjà effectuées : celles-ci deviendront communicables si leur propriétaire n'a manifesté aucune opposition.

III. La position de votre commission

Cet article apporte des éléments de clarification permettant, aux termes de l'exposé des motifs, de « lever les incertitudes actuelles quant à la communicabilité des reproductions réalisées » dans les conditions déjà prévues par la loi du 3 janvier 1979. Cette possibilité est encadrée, afin de respecter l'avis des propriétaires.

Par ailleurs, l'extension de l'exercice du droit de reproduction concrétise une pratique qui existe déjà.

Afin de clarifier l'interprétation de cette disposition, votre commission propose un amendement tendant à préciser que, lorsque l'Etat exerce son droit de reproduction à la demande et pour le compte d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'une fondation, ce sont le demandeur et le bénéficiaire de la reproduction, et non l'Etat, qui en assument les frais .

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 8

Vente de gré à gré

Cet article propose de compléter l'article L. 212-31 afin d'étendre aux archives privées les dispositions relatives à la vente de gré à gré des objets mobiliers, issues de la loi du 10 juillet 2000 31 ( * ) .

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 212-31 du code du patrimoine, l'administration des archives doit être tenue informée au moins quinze jours à l'avance des ventes publiques concernant des archives privées, que ces dernières soient ou non classées.

Les dispositions prévues par cet article sont analogues à celles fixées aux deux derniers alinéas de l'article L. 123-1 du même code, concernant les oeuvres d'art.

Il revient aux officiers publics ou ministériels chargés de procéder à la vente ou aux sociétés habilitées à cet effet, d'en aviser l'administration des archives, en précisant l'heure et le lieu de la vente et en transmettant « toutes indications utiles sur ces documents » .

Ces dispositions sont destinées à permettre à l'Etat, s'il l'estime nécessaire pour assurer la protection du patrimoine d'archives, d'exercer son droit de préemption, en application de l'article L. 212-32.

Rappelons que l'Etat peut exercer ce droit soit pour son propre compte, soit à la demande et pour le compte des collectivités territoriales et des fondations reconnues d'utilité publique. La loi de 1979 avait également accordé ce droit à la Bibliothèque nationale de France (article L. 212-33).

II. Le texte du projet de loi

Le présent article étend l'obligation d'informer l'administration des archives en cas de vente de gré à gré d'archives privées.

La notification de la transaction est alors assurée « sans délai » par la société habilitée à procéder à la vente. Elle doit comporter « toutes informations utiles » sur les documents concernés.

Le projet de loi reprend ainsi la rédaction retenue à l'article L. 123-1 précité, s'agissant des oeuvres d'art.

Rappelons qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 321-9 du code de commerce 32 ( * ) , le vendeur peut, par l'intermédiaire de la société de vente volontaire aux enchères publiques, et dans un délai de quinze jours à compter de la vente, vendre de gré à gré les biens déclarés non adjugés à l'issue des enchères : « cette transaction n'est précédée d'aucune exposition ni publicité. Elle ne peut être faite à un prix inférieur à la dernière enchère portée avant le retrait du bien de la vente ou, en l'absence d'enchères, au montant de la mise à prix. Le dernier enchérisseur est préalablement informé s'il est connu. Elle fait l'objet d'un acte annexé au procès-verbal de la vente. »

III. La position de votre commission

Cet article a une portée technique puisqu'il consiste à étendre aux archives privées des dispositions adoptées dans le cadre de la loi du 10 juillet 2000 s'agissant des oeuvres d'art.

Au-delà, votre rapporteur pour avis tient à attirer l'attention de la ministre en charge de la culture sur le développement des ventes en ligne, qui concerne également des archives, qu'elles soient d'ailleurs publiques comme privées. Or, les sites Internet assurant ces transactions ne sont considérés, aux termes d'une jurisprudence récente (notamment un arrête du Tribunal de Grande Instance de Rennes du 26 mars 2007, relatif au site « eBay »), que comme un intermédiaire technique entre vendeurs et acquéreurs, se limitant à héberger les annonces. Votre rapporteur interrogera la ministre sur les évolutions de notre législation qui seraient nécessaires afin d'encadrer ce phénomène : cela dépasse le seul patrimoine d'archives, car l'ensemble des biens culturels sont concernés.

Sous réserve de ces observations et d'un amendement rédactionnel, votre commission vous propose d'adopter cet article .

Article 9

Droit de préemption

Cet article propose de modifier l'article L. 212-32 afin d'étendre aux ventes de gré à gré l'exercice du droit de préemption sur les archives privées.

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 212-32, l'Etat a un droit de préemption sur tout document d'archives privées mis en vente publique (c'est-à-dire en vente aux enchères ou en vente judiciaire), « s'il l'estime nécessaire à la protection du patrimoine d'archives » .

L'Etat est alors « subrogé à l'adjudicataire » , ce qui signifie qu'il acquiert l'objet mis en vente au prix de la dernière enchère.

Ainsi que le soulignait le rapporteur de la loi de 1979, au nom de votre commission des affaires culturelles, il ne s'agissait pas alors d'une innovation : « actuellement (...) le droit de préemption est exercé par l'administration des archives, mais aussi et surtout par celle des musées, qui acquiert aussi des meubles, des tableaux ou des objets d'art. »

La loi du 3 janvier 1979 a également prévu (article L. 212-33) que l'Etat pouvait préempter des archives privées mises en vente publique à la demande et pour le compte des collectivités territoriales, et des fondations reconnues d'utilité publique. Par ailleurs, la Bibliothèque nationale de France peut exercer ce droit, pour son propre compte. En cas de demandes concurrentes, l'administration des archives détermine le bénéficiaire.

Notons qu'à l'heure actuelle, les services nationaux, communaux ou départementaux d'archives ont déjà exercé ce droit de préemption environ cent fois.

II. Le texte du projet de loi

Par coordination avec les dispositions prévues à l'article 8 du projet de loi, le présent article tend à compléter l'article L. 212-32 du code du patrimoine, en vue d'étendre l'exercice du droit de préemption de l'Etat aux ventes de gré à gré d'archives privées.

Un nouvel alinéa précise, en outre, les modalités d'exercice de ce droit de préemption :

- l'administration des archives doit déclarer son intention de faire usage de son droit de préemption à l'issue de la vente ;

- la décision de l'autorité administrative doit intervenir dans un délai de 15 jours à compter de la vente.

De fait, la rédaction proposée transpose aux archives privées les dispositions de l'article L. 123-1 du code de patrimoine relatives aux oeuvres d'art . Celles-ci ont été introduites par l'article 59 de la loi du 10 juillet 2000 précitée, modifiant l'article 37 de la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice 1922.

III. La position de votre commission

Il s'agit ainsi d'un article de cohérence et de coordination par rapport à l'article 8 du projet de loi.

Sous réserve des observations déjà formulées à l'article précédent, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 10

Exercice du droit de préemption
pour le compte des collectivités territoriales

La loi du 3 janvier 1979, dans son article 20 codifié à l'article L. 212-33, a étendu aux collectivités territoriales et aux fondations reconnues d'utilité publique non pas l'exercice mais le bénéfice du droit de préemption sur les archives privées mises en vente publique. Ce droit est alors exercé par l'Etat sur leur demande et à leur profit.

Le présent article tend à préciser que ce droit peut également être exercé par l'Etat à la demande et pour le compte de la Nouvelle Calédonie. Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, cette collectivité a souhaité, en effet, que cette disposition lui soit étendue.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 11

Communication des archives publiques

I. Le droit existant

Le régime de communication des archives publiques est fixé aux articles L. 213-1 à L. 213-8 du code du patrimoine.

En dehors des documents dont la communication était libre avant leur dépôt aux archives et de ceux considérés comme des documents administratifs (au sens de la loi du 17 juillet 1978), le principe général est la libre consultation des archives publiques à l'expiration d'un délai de 30 ans .

Toutefois, des délais spécifiques s'appliquent à certains documents.

L'article L. 213-2 mentionne cinq autres différents délais :

- 150 ans à compter de la date de naissance pour les documents comportant des renseignements individuels de caractère médical ;

- 120 ans à compter de la date de naissance pour les dossiers de personnel ;

- 100 ans à compter de la date de l'acte ou de la clôture du dossier pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, y compris les décisions de grâce, pour les minutes et répertoires des notaires ainsi que pour les registres de l'état civil et de l'enregistrement ;

- 100 ans à compter de la date de recensement ou de l'enquête, pour les documents contenant des renseignements individuels ayant trait à la vie personnelle et familiale et aux faits et comportements d'ordre privé ;

- 60 ans à compter de la date de l'acte pour les documents, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, contenant des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense nationale.

II. Le dispositif proposé

A. L'affirmation du principe de libre communicabilité des archives publiques

La nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 213-1 du code du patrimoine procède à un renversement de logique , en affirmant le principe général de libre communicabilité des archives publiques, « quel qu'en soit le support, le lieu de détention ou le mode de conservation » , à toute personne en faisant la demande. Ce principe s'applique néanmoins sous la réserve des délais spéciaux, dont le nombre et la durée sont réduits.

L'accès aux archives s'exerce, sauf exceptions, selon les modalités de droit commun prévues pour l'accès aux documents administratifs. Ces conditions sont définies à l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 33 ( * ) , modifié par l'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques.

Aux termes de cet article, « l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration :

a) par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ;

b) sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ;

c) par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique. »

B. La réduction des délais d'accès

Le projet de loi maintient, en parallèle de l'affirmation du principe de communicabilité immédiate des archives publiques, des délais pour la consultation de certains fonds d'archives.

Toutefois, ces délais sont réduits et simplifiés. Ils sont fixés, selon les domaines et types de documents, à 25, 50 ou 100 ans :


• Le délai de 25 ans s'applique :

- aux documents dont la communication porte atteinte :

* au secret des délibérations du gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ;

* à la conduite des relations extérieures ;

* à la monnaie et au crédit public ;

* au secret en matière commerciale et industrielle ;

* à la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières ;

* au secret en matière de statistiques (sauf lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre privé) ;

- aux documents qui ne sont pas considérés, aux termes du troisième alinéa de l'article 1 er de la loi du 17 juillet 1978, comme des documents administratifs : il s'agit des actes des assemblées parlementaires, des avis du Conseil d'Etat et des juridictions administratives, des documents de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, des documents d'instruction des réclamations adressées au Médiateur de la République, des documents préalables à l'élaboration du rapport d'accréditation des établissements de santé et des rapports d'audit des établissements de santé ;

- aux documents élaborés dans le cadre d'un contrat de prestation de service exécuté pour le compte d'une ou de plusieurs personnes déterminées ;

- pour les documents dont la communication porte atteinte au secret médical ; le délai vaut alors à compter de la date du décès de l'intéressé, et non pas à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier ; si la date du décès n'est pas connue, le délai est de 120 ans à compter de la date de naissance de la personne concernée.


• Le délai de 50 ans concerne :

- les documents dont la communication porte atteinte :

* au secret de la défense nationale ;

* aux intérêts fondamentaux de l'Etat dans la conduite de la politique extérieure ;

* à la sûreté de l'Etat ;

* à la sécurité publique ;

* au secret en matière de statistiques lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre privé ;

- aux documents relatifs à la construction, à l'équipement et au fonctionnement des ouvrages, bâtiments ou parties de bâtiments utilisés pour la détention des personnes ou recevant habituellement des personnes détenues ; ce délai est alors décompté depuis la fin de l'affectation à ces usages des ouvrages, bâtiments ou parties de bâtiments en cause ;

- aux archives publiques dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée, ou rend publics une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou fait apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice.

Ce délai s'applique notamment aux documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et à l'exécution des décisions de justice ainsi qu'aux minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels.

- aux registres de mariage de l'état civil, à compter de leur clôture.


• Un délai de 100 ans s'applique :

- aux registres de naissance de l'état civil, à compter de leur clôture ;

- aux documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, quand ils se rapportent à une personne mineure ; le délai vaut à compter de la date du document, ou du document le plus récent inclus dans le dossier ;

- aux documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et à l'exécution des décisions de justice en matière d'agressions sexuelles, ainsi qu'aux documents élaborés dans le cadre de l'enquête réalisée par les services de la police judiciaire.


Enfin, ne peuvent être consultées :

- les archives publiques dont la communication est susceptible d'entraîner la diffusion d'informations relatives aux armes de destruction massive ;

- les archives publiques dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes.

C. Une extension des dérogations possibles

Le projet de loi maintient la possibilité pour l'administration des archives, d'autoriser, en application de l'article L. 213-3, la consultation des documents avant l'expiration des délais prévus par la loi. Dans la rédaction actuelle de cet article, ne sont pas concernés les documents contenant des renseignements d'ordre individuel.

Le projet de loi, en modifiant la rédaction de l'article L. 213-3, ouvre deux possibilités de dérogation :

- sur demande individuelle ( I ) ; l'autorisation est accordée par l'administration des archives, après accord de l'autorité dont émanent les documents et « dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a voulu protéger » ;

- par l' ouverture anticipée , en tout ou partie, d'un fonds d'archives ( II ), après accord de l'autorité dont émanent les documents.

Le projet de loi prévoit, toutefois, dans ces deux cas, une exception s'agissant des archives des assemblées parlementaires : l'autorisation de consulter les « documents produits ou reçus » par chacune d'entre elles avant l'expiration des délais fixés par la loi n'est pas accordée par l'administration des archives mais par « l'autorité désignée » par chaque assemblée.

IV. La reconnaissance juridique des protocoles de versement d'archives des hommes politiques

Le projet de loi propose de donner un fondement juridique à la pratique des protocoles de remise d'archives des hommes politiques. Il reconnaît également la validité des protocoles conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

Dans sa nouvelle rédaction, l'article L. 213-4 précise que sont concernées les archives publiques du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du gouvernement, ainsi que celles émanant de leurs collaborateurs personnels, c'est-à-dire des membres de leurs cabinets.

Le protocole signé entre ces autorités et l'administration des archives définit les conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé, avant l'expiration des délais légaux prévus pour la consultation de ces documents. Il cesse d'avoir effet à l'expiration de ces délais ou en cas de décès du signataire. Notons que si le décès intervient avant l'expiration des délais généraux et spéciaux prévus, ce sont alors les dispositions de droit commun évoquées plus haut qui s'appliquent : les demandes de consultations ne sont accordées par l'administration des archives qu'après accord de l'autorité dont émanent les fonds.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis a souligné, dans l'exposé général du présent rapport, que la logique de réduction des délais posée par le projet de loi s'inscrit dans une tendance européenne et répond aux attentes de la communauté scientifique, aussi bien française qu'internationale.

De même, les progrès que les protocoles de remise ont permis de réaliser en matière de collecte des archives des plus hautes autorités de l'exécutif constitue un apport d'une grande richesse pour l'écriture de l'Histoire de notre pays. Votre rapporteur pour avis s'est interrogé sur l'opportunité d'étendre ces protocoles aux présidents d'exécutifs locaux, notamment les maires de grandes villes, les présidents de conseils généraux et régionaux. Un tel protocole a d'ailleurs déjà été signé par un ancien président du conseil général de Seine-Maritime. Or il semble que ce soit le seul exemple à ce jour. Si un tel dispositif aurait vocation à inciter ces responsables politiques à verser leurs archives, un alignement sur le droit commun serait bien sûr préférable. Il serait intéressant d'avoir, à cet égard, un état des lieux des pratiques et de sensibiliser les élus à ces problématiques.

Il convient, en outre, à la suite des constats et propositions formulés par les rapports précités, aussi bien celui de M. Guy Braibant que celui de la mission présidée par M. Bernard Stirn, d'accompagner ces avancées de moyens matériels et humains adaptés, afin qu'elles puissent prendre leur pleine portée. Il s'agit notamment d'assurer la préparation, le classement et le traitement des fonds qui pourront désormais être consultés : or, cela prendra du temps et exigera un travail conséquent de la part des archivistes.

Votre rapporteur pour avis insiste également pour que l'examen des demandes de consultation d'archives par dérogation, avant l'expiration des délais de communication fixés par le code du patrimoine, se fasse dans des délais raisonnables, afin de ne pas entraver les travaux des étudiants ou chercheurs concernés.

Votre commission proposera, enfin, un amendement visant à réaffirmer, dans le code du patrimoine, le principe de gratuité de l'accès aux services publics d'archives.

Sous réserve, en outre, d'un amendement de coordination, elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 12

Dispositions pénales

Cet article modifie les articles L. 214-1 à L. 214-10 du code du patrimoine en vue d'actualiser et de compléter les sanctions applicables en cas d'infraction aux dispositions du code du patrimoine, de destruction illégale, de détournement ou de soustraction d'archives publiques ou privées classées.

Aux peines de prison et d'amendes, sont ajoutées, s'agissant des infractions concernant des archives publiques, la privation des droits civiques et l'interdiction d'exercer une fonction publique (article L. 214-4 nouveau ).

Quant à la destruction d'archives classées par leur propriétaire, le projet de loi propose d'aligner les sanctions applicables sur celles prévues pour la destruction d'un meuble classé au titre des monuments historiques.

Enfin, le projet de loi prévoit la possibilité de prononcer une sanction administrative à l'encontre des personnes ayant commis des faits susceptibles d'entraîner leur condamnation pénale pour vol ou destruction d'archives : il s'agit d'interdire temporairement à ces personnes d'accès aux salles de lecture, dans des conditions qui seront précisées par décret (article L. 214-10 nouveau ).

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article additionnel avant l'article 18

Réduction fiscale pour les travaux de restauration
sur des archives classées

Votre commission vous propose un article additionnel visant à instituer un dispositif de réduction d'impôt au bénéfice des propriétaires d'archives classées, dès lors qu'ils engagent, sous certaines conditions, des travaux de conservation, de restauration ou de réalisation d'inventaire sur leurs fonds.

Cette disposition étend et adapte aux archives classées comme archives historiques , en application de l'article L. 212-15 du code du patrimoine, un avantage fiscal qui vient d'être adopté par le Parlement en faveur des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques .

En effet, le Gouvernement a proposé, à l'article 18 du projet de loi de finances rectificative pour 2007 , de permettre aux propriétaires privés d'objets mobiliers classés de déduire de leur revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu la part des dépenses de conservation ou de restauration afférentes à ces objets qui n'est pas subventionnée.

Rappelons qu'un tel régime spécifique existe déjà pour les propriétaires d'immeubles historiques au sens fiscal, c'est-à-dire les immeubles classés ou inscrits, ou ceux présentant un intérêt patrimonial et bénéficiant d'un label délivré par la Fondation du patrimoine, notamment. Deux catégories d'immeubles sont alors distinguées : ceux qui produisent des recettes, et ceux qui n'en génèrent pas, soit que le propriétaire s'en réserve la jouissance, soit qu'il permette la visite gratuite de son monument. Dans ce dernier cas, aux termes de l'article 156 du code général des impôts, introduit par la loi du 23 décembre 1964, le propriétaire peut déduire de son revenu global 100 % de l'apport financier consenti pour des travaux subventionnés par le ministère de la culture.

L'article 18 du projet de loi de finances rectificative pour 2007, tel que modifié par l'Assemblée nationale, transforme la déduction fiscale proposée par le texte initial en réduction d'impôt plafonnée , « plus simple à évaluer et surtout plus juste » , ainsi que l'a souligné notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général.

Le montant de cette réduction d'impôt sur le revenu est égal à 25 % des sommes effectivement versées et restant à la charge du propriétaire, dans la limite annuelle de 20 000 euros par contribuable . Son bénéfice est soumis à une double condition :

- le respect des prescriptions de l'article L. 622-7 du code du patrimoine, qui prévoit que « les objets classés au titre des monuments historiques ne peuvent être modifiés, réparés ou restaurés sans l'autorisation de l'autorité administrative ni hors sa surveillance » ;

- l'engagement d'exposer au public le bien ayant fait l'objet des travaux pendant cinq ans.

A l'instar de ce régime fiscal instauré en faveur du patrimoine mobilier, votre commission propose d'introduire un dispositif similaire afin d'améliorer la préservation des archives classées .

Ces dernières constituent en effet un pan important de notre patrimoine historique national. Or, ce patrimoine est bien souvent menacé.

Votre commission propose donc d'étendre aux propriétaires d'archives classées le bénéfice d'une réduction d'impôt, dans les mêmes conditions que celles introduites à l'article 199 duovicies du code général des impôts pour les propriétaires d'objets mobiliers. Cette réduction d'impôt sur le revenu serait ainsi équivalente à 25 % des dépenses engagées et restant à la charge du propriétaire, dans la limite de 20 000 euros par an.

Toutefois, il ne saurait y avoir une stricte symétrie entre les dispositions applicables aux objets mobiliers et celles relatives aux archives classées, dont la situation est objectivement différente : ainsi, la condition d'exposition au public n'est pas pertinente, s'agissant de documents dont la fragilité et les exigences de conservation font obstacle à une trop large - et trop lâche - ouverture à la consultation.

Par ailleurs, au-delà des seuls travaux de conservation ou de restauration, il convient également de prendre en compte les travaux engagés en vue de procéder à la réalisation d'un inventaire des fonds : ce classement - au sens archivistique du terme - représente en effet une charge lourde pour les propriétaires. Or il est nécessaire pour que les documents puissent ensuite être exploités à des fins de recherche et conservés dans de bonnes conditions.

En conséquence, le présent article additionnel subordonne le bénéfice de cet avantage fiscal à une double condition :

- les travaux devront être engagés avec l'autorisation de l'administration des archives et sous son contrôle scientifique et technique ; tel est l'objet de l'amendement présenté par votre commission, en vue d'introduire un article additionnel après l'article 6 du projet de loi ;

- une fois les travaux achevés, la consultation des archives devra être facilitée aux fins de la recherche historique et scientifique.

Notons que, dans la mesure où il n'existe que 47 fonds d'archives classés, l'impact financier de cette disposition devrait être faible. Il n'en demeure pas moins que celle-ci introduit un parallélisme avec les dispositions applicables aux objets mobiliers classés, qui est légitime dans la mesure où les contraintes et obligations résultant du classement sont similaires. Par ailleurs, il s'agit d'aider les « gardiens » de ces documents considérés comme des « trésors nationaux » en application de l'article L. 111-1 du code du patrimoine, à les maintenir dans un état de conservation satisfaisant. Enfin, cette incitation devrait servir les intérêts de la recherche, alors que les archives privées représentent un gisement d'Histoire d'une richesse formidable, mais encore trop peu exploité.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

Article 18

Modification du code général des impôts

Cet article tend à compléter l'article 238 bis-0 AB du code général des impôts (CGI) afin de tirer toutes les conséquences de l'application de ces dispositions aux archives privées.

Introduit dans la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France à l'initiative de votre commission et de son rapporteur M. Philippe Richert, cette disposition du CGI tend à inciter les entreprises à acheter pour leur propre compte des biens culturels présentant le caractère de trésor national, en leur accordant un avantage fiscal sous la forme d'une réduction d'impôt sur les sociétés ou sur le revenu, correspondant à 40 % du montant du prix d'achat. Ainsi que le soulignait notre rapporteur, l'objectif est de « favoriser le maintien sur le territoire d'oeuvres présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national » .

Ce dispositif est assorti de garanties afin de se prémunir contre une utilisation abusive : ainsi, le bien ne doit pas avoir fait l'objet d'une offre d'achat de l'Etat ; il ne doit pas être cédé avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de l'acquisition ; durant cette période, il doit être placé en dépôt auprès d'un musée de France, d'un service public d'archives ou d'une bibliothèque relevant de l'Etat ou placée sous son contrôle technique. Enfin, pour éviter qu'une fois acquis grâce à une réduction d'impôt, le bien ne soit vendu à l'étranger, l'entreprise doit s'engager à consentir au classement du bien comme monument historique. En effet, les biens classés en application de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques sont considérés comme trésors nationaux (article L. 111-1 du code du patrimoine), et ne peuvent, à ce titre, être exportés 34 ( * ) .

Le présent article complète cette dernière condition (au b) de l'article 238 bis-0 AB du CGI pour préciser, au cas où le bien serait une archive privée , que l'entreprise devra s'engager à consentir à son classement comme archive historique , en application de l'article L. 212-15 du code du patrimoine.

Il s'agit d'une rectification de cohérence , dans la mesure où, aux termes de l'article L. 111-1, les biens classés en application de la loi relative aux archives sont considérés comme trésors nationaux, au même titre que les biens appartenant aux collections publiques ou aux collections des musées de France, que les biens classés en application des dispositions relatives aux monuments historiques et que les « autres biens qui présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie » .

Votre commission, rappelant l'intérêt de cette disposition, vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article additionnel après l'article 20

Archives des assemblées parlementaires

Cet article additionnel tend à insérer, dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un nouvel article précisant que celles-ci sont responsables de la gestion et de la mise en valeur de leurs archives.

Tel est déjà le cas actuellement, puisque les archives de l'Assemblée nationale et du Sénat, contenant l'ensemble des documents produits ou reçus par la Présidence et les services, sont régies par des dispositions de l'Instruction générale du Bureau (IGB) .

Dans le Règlement du Sénat, il s'agit du chapitre XIX de l'IGB, qui fixe notamment les principes suivants :

- une libre consultation des documents déposés aux archives et ayant plus de trente ans ; l'autorisation d'accès à la salle de lecture est délivrée par le directeur du secrétariat général de la Questure ;

- un accès aux archives, avant le délai de trente ans, réservé aux sénateurs et anciens sénateurs ainsi qu'aux personnes ayant reçu, sur demande motivée, l'autorisation personnelle du secrétaire général de la Présidence, sous l'autorité du Président du Sénat.

L'Assemblée nationale a défini des règles proches, à l'article 2 de l'IGB de son Règlement, mais subordonne la consultation des documents écrits datant de plus de trente ans au respect des délais prévus par le code du patrimoine : « Les documents écrits datant de plus de trente ans peuvent être librement consultés, sous réserve des délais spéciaux prévus à l'article L. 213-2 du code du patrimoine. »

Le statut autonome des archives des assemblées a été réaffirmé en juin 2002 par les Questeurs du Sénat 35 ( * ) . Le rapport comportait plusieurs axes destinés à en assurer les conditions optimales de mise en oeuvre :

- la consolidation des missions confiées à la division des archives 36 ( * ) du service de la bibliothèque, des archives et de la documentation étrangère, afin d'en faire un véritable service d'archives : elle assure ainsi la collecte, la conservation, le classement et la communication des archives de tous les services du Sénat et de la Présidence, en liaison avec les « correspondants archives » désignés dans chaque service et sur la base de tableaux de gestion ;

- le recrutement de deux archivistes professionnels, contractuels, diplômés de l'Ecole des Chartes, qui apportent une assistance technique et dont les compétences sont un gage d'efficacité et de crédibilité des pratiques mises en place ;

- l'amélioration et la modernisation de la gestion des fonds, par l'acquisition de logiciels gérant, d'une part, les mouvements de cartons d'archives et facilitant, d'autre part, les recherches documentaires ; en parallèle, un important travail de numérisation a été entrepris, permettant l'accès en ligne aux documents d'archives (tables nominatives depuis 1976, dictionnaire des parlementaires...).

Ces archives, conservées à Versailles jusqu'en juin 2006, sont désormais conservées dans trois locaux parisiens, à l'exception des archives audiovisuelles des séances publiques, confiées à un prestataire privé. Elles peuvent ainsi être rapatriées dans des délais très brefs, pour les besoins des services ou aux fins de consultation.

Le présent article additionnel, inséré dans l'ordonnance de 1958 après l'article 7 relatif à leur autonomie financière, confirme la responsabilité des assemblées parlementaires à l'égard de la conservation et de la mise en valeur de leurs archives . Il affirme qu'elles en sont propriétaires, de même que le prévoit l'article L. 212-6 du code du patrimoine s'agissant des collectivités territoriales. En ce sens, elles déterminent, sous l'autorité de leur Bureau, les conditions dans lesquelles ces archives sont collectées, conservées, classées et communiquées.

L'affirmation de ces règles découle du principe d'autonomie du Parlement , défini comme l'autonomie fonctionnelle des assemblées dans l'exercice de leurs prérogatives constitutionnelles. Ce principe est un corollaire du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. En effet, il en résulte que des règles particulières, édictées par chacune des assemblées, peuvent s'appliquer en matière de gestion administrative, pour tenir compte de leurs spécificités institutionnelles . Les archives, qui recouvrent l'ensemble des domaines d'activités des services des assemblées parlementaires, constituent un champ privilégié d'exercice de cette autonomie.

Votre rapporteur pour avis souligne que, comme le démontre la situation actuelle, ce régime autonome n'a pas pour conséquence d'appliquer des règles plus restrictives en matière de communicabilité des archives. Il ne signifie pas non plus opacité : ainsi, le principe de transparence de l'action publique trouve à s'exprimer pleinement, par la publicité qui est donnée aux travaux du Parlement. Enfin, il n'exclut pas toute forme de coopération et de partenariat avec l'administration des archives.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article additionnel après l'article 1 er

Amendement

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A l'article L. 211-1 du code du patrimoine, le mot : "matériel" est supprimé.

Article additionnel après l'article 1 er

Amendement

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 211-2 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 211-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-2-1. - Le Conseil supérieur des archives, placé auprès du ministre chargé de la culture, est consulté sur la politique mise en oeuvre en matière d'archives publiques et privées.

Il est composé, outre son président, d'un député et d'un sénateur, de membres de droit représentant l'Etat et les collectivités territoriales et de personnalités qualifiées.

La composition, les modes de désignation de ses membres et les modalités de fonctionnement de ce Conseil sont fixés par arrêté. »

Article 2

Amendement

Rédiger comme suit le a) du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-4 du code du patrimoine :

a) Les documents qui procèdent de l'activité de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ; les actes et documents des assemblées parlementaires sont régis par l'article 7 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;

Article 3

Amendement

I. A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-2 du code du patrimoine, après les mots :

intérêt historique

insérer les mots :

ou scientifique

II. Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-3 du code du patrimoine, après le mot :

dépourvues :

insérer les mots :

d'utilité administrative ou

Article 3

Amendement

A la fin de la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour le II de l'article L. 212-4 du code du patrimoine, après les mots :

à cet effet

ajouter les mots :

par ladite administration.

Article additionnel avant l'article 4

Amendement

Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après l'article L. 212-6 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 212-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 212-6-1.- Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont propriétaires de leurs archives et sont responsables de leur conservation et de leur mise en valeur. Ils peuvent également confier la conservation de leurs archives, par convention, au service d'archives de l'une des communes membres de l'établissement ou les déposer au service d'archives départementales compétent.

Le dépôt au service départemental d'archives est prescrit d'office par le préfet, après une mise en demeure restée sans effet, lorsqu'il est établi que la conservation des archives de l'établissement n'est pas convenablement assurée.

II. En conséquence, rédiger comme suit l'intitulé de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du titre Ier du Livre II du code du patrimoine :

« Sous-section 2. - Archives des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ».

Article 5

Amendement

Supprimer cet article.

Article 6

Amendement

Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-23 du code du patrimoine :

« Toute aliénation doit être notifiée à l'administration des archives par celui qui l'a consentie, dans les quinze jours suivant la date de son accomplissement. »

Article additionnel après l'article 6

Amendement

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 212-25 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tous travaux engagés sur des archives classées s'exécutent avec l'autorisation de l'administration des archives et sous son contrôle scientifique et technique. »

Article 7

Amendement

A la fin du texte proposé par le 1° de cet article pour compléter le premier alinéa de l'article L. 212-29 du code du patrimoine, ajouter une phrase ainsi rédigée :

« Le demandeur et bénéficiaire de la reproduction en assume alors les frais. »

Article 8

Amendement

A la fin du texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 212-31 du code du patrimoine, les mots :

lesdits biens

sont remplacés par les mots :

lesdits documents

Article 11

Amendement

Rédiger comme suit le début du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-1 du code du patrimoine :

L'accès à ces archives est gratuit. Il s'exerce dans les conditions définies....

Article 11

Amendement

Supprimer la dernière phrase du I et du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-3 du code du patrimoine.

Article additionnel avant l'article 18

Amendement

I. Avant l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 199 unvicies du code général des impôts, il est inséré un article 199 .... ainsi rédigé :

« Art. 199 .....- Les contribuables domiciliés fiscalement en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des dépenses qu'ils supportent au titre de travaux de conservation, de restauration ou de réalisation d'inventaire d'archives classées comme archives historiques dont ils sont propriétaires.

La réduction d'impôt est égale à 25 % des sommes effectivement versées et restant à la charge du propriétaire, dans la limite de 20 000 euros par contribuable.

La réduction s'applique lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a) les travaux sont autorisés et exécutés conformément aux prescriptions de l'article L. 212-25 du code du patrimoine ;

b) dès l'achèvement des travaux, la consultation de ces archives est facilitée aux fins de la recherche historique et scientifique. »

II. La perte de recette résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article additionnel après l'article 20

Amendement

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 7 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 7 bis ainsi rédigé :

« Art. 7 bis. - Chaque assemblée parlementaire est propriétaire de ses archives et responsable de leur conservation et de leur mise en valeur. Elle détermine les conditions dans lesquelles ses archives sont collectées, conservées, classées et communiquées. »

ANNEXE 1
-
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Mme Martine de Boisdeffre , directrice des archives de France, M. Pascal Even , chef du département de la politique archivistique et de la coordination interministérielle et Mme Christine de Joux , responsable de la cellule des archives privées au ministère de la culture et de la communication.

M. Michel Charasse , sénateur, ancien ministre ;

Mme Monique Constant , conservateur du patrimoine, adjointe au directeur des archives du ministère des affaires étrangères ;

M. Bruno Delmas , professeur à l'Ecole des Chartes ;

M. Jean Garrigues , président du Comité d'histoire politique et parlementaire ;

M. Pascal Geneste , conservateur du patrimoine ;

M. Olivier Henrard et Mme Marie-Françoise Audouard, conseillers techniques au cabinet de la ministre de la culture et de la communication ;

M. Thomas Huzar , directeur général de la Société générale d'archives ;

Mme Marie-Hélène Joly , adjointe au directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense ;

MM. Jean-Pierre Leclerc , président de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), et Laurent Veyssière , conservateur du patrimoine et rapporteur ;

Maître Jean-Claude Papon, Maître Alain Delfossé et Mme Ingrid Mareschal , du Conseil supérieur du notariat ;

Mme Christine Martinez , présidente de l'Association des archivistes français, et M. Henri Zuber , ancien président ;

Mme Catherine Maynial , directrice du service de la bibliothèque, des archives et de la documentation étrangère du Sénat, et M. Emmanuel Triboulet , administrateur à la division des archives ;

M. Gilles Morin , président de l'Association des usagers du service public des Archives nationales (AUSPAN) ;

M. Jacques Perot , président de l'Association des propriétaires d'archives privées et M. de Quinsonas-Oudinot , président d'honneur ;

M. Michel Sémentry , président de la Fédération française de généalogie ;

Mme Évelyne Van den Neste , conservateur du patrimoine, responsable de la mission des Archives nationales auprès des services du Premier ministre.

*

* *

Votre rapporteur pour avis a également reçu les contributions écrites suivantes :

Mme Marie-Laure Bachèlerie, responsable du secteur Archives du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;

M. André Galistin, président de l'Association des prestataires en archivage et gestion externalisée (PAGE).

M. Emmanuel Hoog, président directeur général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) ;

M. Vincent Maroteaux , directeur des archives départementales de Seine-Maritime ;

Mme Jacqueline Sanson, directrice générale de la Bibliothèque nationale de France (BnF) ;

M. Jean-Pierre Vigouroux , chargé des relations avec le Parlement au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

ANNEXE 2
-
AUDITION DE LA COMMISSION

La commission a procédé le 24 octobre 2007 à l'audition de Mme Martine de Boisdeffre, directrice des archives de France, et M. Pascal Even , conservateur général du patrimoine, chef du département de la politique archivistique et de la coordination interministérielle, au ministère de la culture et de la communication.

M. Jacques Valade, président , ayant relevé l'importance des archives, tant au niveau national que départemental ou municipal, Mme Martine de Boisdeffre a indiqué que celles-ci étaient en effet essentielles à la fois au regard de l'histoire et pour le bon fonctionnement de notre pays.

Elle a souligné, ensuite, les enjeux de la multiplication des archives dématérialisées, résultant, d'une part, de la numérisation des archives existant sous forme papier et, d'autre part, de la production originelle de documents sous forme exclusivement électronique. Elle a indiqué que la direction des archives de France travaillait en liaison étroite avec la direction générale de la modernisation de l'Etat sur ces sujets, afin de sensibiliser les producteurs d'archives publiques et de prévenir ainsi le développement d'une administration amnésique. Puis elle a relevé les progrès accomplis par l'ensemble du réseau des archives en termes de numérisation, celle-ci étant entendue non pas comme un support de conservation pérenne, mais comme un outil de diffusion pour favoriser l'accès aux archives.

Mme Martine de Boisdeffre a présenté, ensuite, les principales orientations du projet de loi relatif aux archives, qui s'accompagne d'un projet de loi organique relatif aux archives du Conseil Constitutionnel. Ce texte modifie la loi du 3 janvier 1979 sur les archives, sans revenir sur les grands principes posés par ce texte novateur, qui avait donné une définition très large des archives, quel qu'en soit le support. Le projet de loi répond à plusieurs objectifs :

- il tend à répondre, tout d'abord, aux fortes demandes des citoyens en faveur d'un plus large accès aux archives : le texte assure un équilibre entre cette attente et l'exigence de protection des intérêts légitimes de l'Etat, en affirmant le principe de libre communicabilité des archives publiques tout en l'assortissant, le cas échéant, de délais ;

- il reconnaît, par ailleurs, le développement de certaines pratiques, en autorisant la conservation temporaire d'archives publiques par des sociétés privées ; il encadre toutefois strictement ce recours, puisque ces entreprises devront répondre à un cahier des charges et obtenir un agrément ;

- le texte précise enfin le statut des archives des autorités politiques ; il apporte une base juridique aux protocoles passés entre ces autorités et l'administration des archives. Ces protocoles prévoient notamment que la consultation est soumise à l'accord des autorités politiques pendant la période au cours de laquelle elles ne sont pas communicables.

En réponse à M. Jacques Legendre , qui s'interrogeait sur le statut des archives des cabinets ministériels et des parlementaires, Mme Martine de Boisdeffre a indiqué que la loi de 1979 définit les archives publiques comme le produit de l'exercice d'une activité publique. Toutefois, seulement 10 % de ce qui est produit par l'administration de l'Etat est conservé par les archives nationales, dont les fonds représentent déjà plus de 2.000 kilomètres linéaires.

M. Pascal Even a ajouté que des typologies des documents produits sont établies par des groupes de travail réunissant des archivistes, des historiens, des statisticiens et les administrations productrices d'archives. Ce travail permet de définir des critères de sélection des documents qui seront conservés, en raison de leur intérêt historique notamment, au-delà de leur durée d'utilité administrative.

En réponse à Mme Catherine Morin-Desailly , qui se demandait si la conservation sur support numérique pouvait apporter une solution intermédiaire face à la masse de documents produits, Mme Martine de Boisdeffre a estimé qu'une telle solution aurait un coût important et demanderait un lourd travail préalable de classement par des spécialistes. Elle a indiqué, en outre, que la France assurait un bon niveau de conservation des archives, par rapport aux autres pays. Puis elle a insisté sur la dimension sociale et civique des archives, qui permettent de sauvegarder la mémoire de notre pays et de ses habitants.

Enfin, elle a noté avec satisfaction la validation de l'avant-projet du nouveau centre de Pierrefitte-sur-Seine, grâce au soutien relayé par le nouveau Président de la République. Les autres centres des archives nationales se situent à Paris et à Fontainebleau.

* 1 Projet de loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel et relatif à ses archives, Sénat, n° 470 (2005-2006).

* 2 « La société sans mémoire. Propos dissidents sur la politique des archives en France. », Bruno Delmas, 2006.

* 3 Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi sur les archives par M. Michel Miroudot, Sénat, n° 356 (1977-1978).

* 4 Notons que les travaux préparatoires de notre commission apportaient une précision intéressante sur le sens du mot « document » : « ce terme doit être entendu dans sa signification précise de « chose qui nous enseigne ou renseigne », de « titre » et de « preuve » (Littré). Cette acception dérive d'un sens plus ancien, de « leçon » ou d' « enseignement ». »

* 5 Article L. 211-1 du code du patrimoine.

* 6 « La société sans mémoire. Propos dissidents sur la politique des archives en France », Bruno Delmas, 2006.

* 7 Ainsi, le « patrimoine archivistique », réuni aux « célébrations nationales », constitue une action intégrée au programme « Patrimoines » de la mission budgétaire « Culture ».

* 8 Article L. 211-2 du code du patrimoine.

* 9 Voir rapport n° 356 (1977-1978) précité.

* 10 Loi n° 70-1200 du 21 décembre 1970 remplaçant l'article 340 du code de l'administration communale relatif aux archives communales.

* 11 Rapport sur l'organisation administrative des archives nationales, remis au ministre de la culture et de la communication par la mission composée de MM. Bernard Stirn, président de la mission, Pierre Miquel, Patrice Gueniffey, Patrick de Carolis et Olivier Henrard, rapporteur, Octobre 2005.

* 12 A titre d'exemple, la mise en place de l'application « Nomina » sur le portail France-Généalogie de la direction des archives de France et de la Fédération française de généalogie permet d'accéder à des bases de données stockées à distance.

* 13 Décret n° 2006-1828 du 23 décembre 2006 modifiant le décret n° 79-1037 du 3 décembre 1979 relatif à la compétence des services d'archives publics et à la coopération entre les administration pour la collecte, la conservation et la communication des archives publiques et quatre arrêtés en date du 24 décembre 2006 :

- modifiant l'arrêté du 25 mars 2002 relatif à l'organisation des Archives de France,

- érigeant le service Archives nationales en service à compétence nationale,

- érigeant le service Archives du monde du travail en service à compétence nationale,

- érigeant le service Archives nationales d'outre-mer en service à compétence nationale.

* 14 Actes du colloque « Action, mémoire et histoire. Les archives des hommes politiques contemporains », organisé par l'Association des archivistes français (AAF), les 20 et 21 octobre 2006, au Palais du Luxembourg.

* 15 « Archives de la présidence de la République. Valéry Giscard d'Estaing », Pascal Geneste, 2007 ; notons que ces archives représentent 600 mètres linéaires.

* 16 Loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

* 17 Etablissement public à caractère industriel et commercial, le CEA produit des archives publiques. Il en assure la gestion de façon autonome : cela a été officialisé par une convention passée avec la direction des Archives de France le 18 novembre 1985 et un arrêté daté du 25 novembre de la même année. En contrepartie, le CEA s'engage d'une part à respecter la réglementation sur les archives publiques et, d'autre part, à assurer à son service d'archives les moyens en personnel, locaux et équipements lui permettant d'effectuer ses missions. En 2007, ce service est composé de six personnes.

* 18 Article L. 622-19 du code de commerce, repris à l'article L. 212-30 du code du patrimoine : « Avant toute vente ou destruction des archives du débiteur, le liquidateur en informe l'autorité administrative compétente pour la conservation des archives. Cette autorité dispose d'un droit de préemption. »

* 19 Décret n° 79-1037 du 3 décembre 1979 relatif à la compétence des services d'archives publics et à la coopération entre les administrations pour la collecte, la conservation et la communication des archives publiques, modifié par le décret n° 2006-1828 du 23 décembre 2006.

* 20 Décret n° 79-1035 du 3 décembre 1979 relatif aux archives de la défense et décret n° 80-975 du 1 er décembre 1980 relatif aux archives du ministère des affaires étrangères.

* 21 Circulaire AD 97-1 du 16 janvier 1997 adressée par le ministre de l'intérieur et le ministre de la culture aux préfets, sur les relations des administrations et des organismes publics avec les sociétés d'archivage privées pour la conservation d'archives publiques destinées à l'élimination.

* 22 Histoire du climat depuis l'an mil (1967), Histoire humaine et comparée du climat en Occident (2004).

* 23 Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements et les régions (article 66).

* 24 Voir compte rendu intégral des débats, séance du 21 décembre 2006, Sénat.

* 25 Décret n° 90-405 du 16 mai 1990 portant statut particulier du corps des conservateurs du patrimoine.

* 26 Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi sur les archives par M. Michel Miroudot, sénateur, rapport n° 356 (1977-1978), Sénat.

* 27 Décret n° 79-1040 du 3 décembre 1979 relatif à la sauvegarde des archives privées présentant du point de vue de l'histoire un intérêt public.

* 28 S'agissant des objets mobiliers, l'article L. 622-16 du code du patrimoine dispose : « Toute aliénation doit, dans les quinze jours de la date de son accomplissement, être notifiée à l'autorité administrative par celui qui l'a consentie. »

* 29 Loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité avec les services de police, de gendarmerie et de douanes (modifiée par la loi n° 2000-643 du 10 juillet 2000 relative à la protection des trésors nationaux et la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France).

* 30 L'article 212-28 interdit ainsi l'exportation des archives privées classées est quant à elle interdite, « sans préjudice des dispositions relatives à l'exportation temporaire prévue à l'article L. 111-7 » , aux termes duquel celle-ci peut être autorisée par l'autorité administrative compétente, et « pour une durée proportionnée à l'objet de la demande » , « aux fins de restauration, d'expertise, de participation à une manifestation culturelle ou de dépôt dans une collection publique ».

* 31 Loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

* 32 Issu de l'article 9 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 précitée.

* 33 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

* 34 L'article L. 111-4 du code du patrimoine dispose en effet que le certificat autorisant l'exportation définitive ou temporaire d'un bien hors du territoire douanier « ne peut être refusé qu'aux biens culturels présentant le caractère de trésor national ».

* 35 Décision de questure DQ 2002-0743 du 26 juin 2002.

* 36 A l'Assemblée nationale, ces missions sont assurées par le service des archives et de la recherche historique parlementaire, qui dispose de l'assistance technique d'archivistes contractuels.

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