N° 102

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2008

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2009 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VIII

MÉDIAS
(Audiovisuel extérieur)

Par M. Joseph KERGUERIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1127 , 1198 à 1203 et T.A. 204

Sénat : 98 et 99 (annexe n° 17 ) (2008-2009)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La réforme de l'audiovisuel extérieur, lancée à l'initiative du Président de la République, est désormais bien engagée et le projet de loi de finances pour 2009 s'en fait pour la première fois le reflet.

A la différence de nos partenaires européens, qui disposent souvent d'un opérateur unique, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l'Allemagne, l'audiovisuel extérieur français se caractérise, en effet, par la dispersion de ses opérateurs, avec deux chaînes de télévision - TV5 Monde et France 24 - deux radios - Radio France Internationale et RMC Moyen-Orient - et un organisme de coopération - Canal France International, qui fournit des émissions en français aux radios et télévisions des pays francophones du Maghreb, d'Afrique sub-saharienne et d'Asie.

De nombreux rapports 1 ( * ) avaient mis en évidence la fragmentation, la mauvaise organisation et le manque d'efficacité de l'audiovisuel extérieur français, malgré un budget équivalent à celui consacré par nos partenaires.

Le Président de la République a donc lancé, à l'été 2007, une réflexion sur la réforme de l'audiovisuel extérieur français. La lettre de mission qu'il a adressée à M. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes, le 27 août 2007, évoque les enjeux de cette réforme de la manière suivante :

« Notre politique audiovisuelle extérieure, dont vous êtes le chef de file, constitue un enjeu majeur pour l'influence de la France et pour la diffusion de sa langue. La BBC a autant de moyens que l'audiovisuel extérieur français pour une visibilité et une influence beaucoup plus fortes. Il ne s'agit pas de copier un modèle, mais de créer les conditions d'un pilotage coordonné et efficace de notre politique audiovisuelle extérieure (radio, télévision et Internet) et de procéder aux réorganisations nécessaires (...). »

Un comité de pilotage, composé d'une vingtaine de fonctionnaires issus de différents ministères, réunis sous la direction de M. Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, et de M. Georges Marc Benamou, ancien conseiller pour l'audiovisuel à la Présidence de la République, a été chargé de rédiger des propositions sur la réforme de l'audiovisuel extérieur. Il a remis ses conclusions en décembre 2007.

A la différence des précédents, ce rapport n'est pas lettre-morte, puisque sa principale recommandation -la création d'une holding de l'audiovisuel extérieur- a été suivie d'effets. Ainsi, la société holding « Audiovisuel extérieur de la France » a été créée le 4 avril 2008. Elle a notamment pour vocation de définir les objectifs stratégiques et de développer les partenariats entre les différents opérateurs, dans le respect de l'identité de chacun.

Votre rapporteur pour avis s'est entretenu avec les principaux intervenants de ce dossier, dont M. Alain de Pouzilhac, président directeur général, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée, de la holding, Mme Marie-Christine Saragosse, directrice générale de TV5 Monde, ainsi qu'avec les responsables des services du Premier ministre et du ministère des Affaires étrangères et européennes 2 ( * ) .

Compte tenu des enjeux pour l'influence de la France et du français dans le monde, votre rapporteur pour avis a souhaité consacrer la première partie de son rapport à cette réforme de l'audiovisuel extérieur, que le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ainsi que le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, actuellement discutés à l'Assemblée nationale, visent à concrétiser.

La deuxième partie du présent rapport est consacrée à l'examen de la situation contrastée des différents médias : TV5 Monde, France 24 et RFI.

Consacrée à l'examen des crédits dans le projet de loi de finances pour 2009, la troisième partie du rapport met en évidence la stagnation des financements destinés à l'audiovisuel extérieur en 2009 et même, selon la programmation budgétaire triennale, une forte diminution en 2010 et 2011, même si les montants pour 2010 et 2011 sont encore indicatifs à ce stade.

Estimant qu'une telle diminution des crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur risquerait de compromettre la mise en oeuvre de cette réforme, dans un contexte très concurrentiel et marqué par le développement des nouvelles technologies (basculement de l'analogique au numérique, télévision sur Internet ou sur téléphone mobile, etc.), et tout en étant conscient des fortes contraintes budgétaires qui pèsent sur notre pays, votre rapporteur pour avis vous propose plusieurs amendements , présentés en quatrième partie , visant à garantir sur un mode pérenne le financement de l'audiovisuel extérieur.

I. LA RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

A. LA SITUATION PRÉCÉDENTE : L'ABSENCE DE COHÉRENCE DU PAYSAGE AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR FRANÇAIS

1. L'absence de cohérence

Le paysage audiovisuel extérieur français était caractérisé par la diversité des opérateurs.

La structure du capital, la nature du financement et la tutelle des opérateurs variaient, en effet, considérablement, comme le montre ce tableau :


SITUATION ANTERIEURE DE L'AUDIOVISUEL EXTERIEUR

Chaînes de télévision

Structure du capital

Sources de financement

Autorité de tutelle

TV5 Monde

Filiale d'entreprises audiovisuelles publiques françaises et francophone. La France détient environ 66 % du capital à travers France Télévisions (47,4%), Arte France (12,5 %), et l'INA (6,6%)

Dotation budgétaire du ministère des affaires étrangères et euro-péennes et contribution budgétaire de France Télévisions

Ministère des affaires étrangères et européennes

France 24

Société anonyme, capital détenu à parité par TF1 et France Télévisions

Dotation budgétaire dans le cadre d'une convention de sub-vention pluriannuelle

Premier ministre

Radios

RFI

Etat : 100 %

Redevance et dotation du ministère des affaires étrangères et européennes

Double tutelle : ministère des affaires étrangères et européennes et ministère de la culture et de la communication

Médi 1

Société de droit marocain, participation française de 49 % par l'intermédiaire de la CIRT, filiale de la SOFIRAD

Dotation budgétaire du ministère des affaires étrangères et euro-péennes

Ministère des affaires étrangères et européennes

Autres

Canal France International

Capital détenu à 75 % par France Télévisions

Dotation budgétaire du ministère des Affaires étrangères

Ministère des affaires étrangères et européennes.

2. Le défaut de vision stratégique

De plus, selon un constat partagé par l'ensemble des acteurs, l'audiovisuel extérieur souffrait d'une déficience de pilotage politique et administratif.

Le ministère des Affaires étrangères devait, en théorie, être chargé d'assurer la cohérence le l'audiovisuel extérieur français. Toutefois, son rôle était limité, car il partageait sa tutelle avec le ministère de la culture et de la communication et certains opérateurs, comme France 24, ne relevaient pas de son ressort.

Un organisme avait certes été créé en 1989, le Conseil de l'audiovisuel extérieur, qui était chargé d'assurer la coordination de l'action audiovisuelle extérieure. Cependant, le Conseil de l'audiovisuel extérieur de la France n'a plus été réuni depuis 1996.

Il n'existait donc pas de structure de coordination chargée de définir une véritable vision stratégique.

3. Un financement équivalent à celui de nos partenaires mais qui souffrait de la dispersion des opérateurs

Si la France consacre à peu près le même montant, de l'ordre de 300 millions d'euros, à l'audiovisuel extérieur que ses principaux partenaires et concurrents, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l'Allemagne, la dispersion des opérateurs français génère d'importants doublons.

En outre, si la part des financements consacrée à l'audiovisuel extérieur a progressé ces dernières années, cette progression a été totalement absorbée par la nouvelle chaîne d'information internationale France 24, lancée en décembre 2006, au détriment des autres opérateurs de l'audiovisuel extérieur, comme TV5 Monde et RFI.

Par ailleurs, on constate un écart croissant entre les financements accordés aux opérateurs de l'audiovisuel extérieur par rapport à ceux de l'audiovisuel public national (qui s'élèvent à 2,8 milliards d'euros en 2008).

Faut-il rappeler que la dotation d'Arte, chaîne franco-allemande, s'élève à 300 millions d'euros, dont plus de 230 millions d'euros au titre de la redevance audiovisuelle, soit l'équivalent de l'ensemble des crédits des opérateurs de l'audiovisuel extérieur, pour une couverture mondiale ?

COMPARAISON DES DOTATIONS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC NATIONAL
ET DE L'AUDIOVISUEL EXTERIEUR SUR LA PERIODE 2002-2008

(en milliers d'euros)

2002
(exécution)

2003
(exécution)

2004
(exécution)

2005
(exécution)

2006
(exécution)

2007 (exécution

LFI 2008

Audiovisuel public national

2 363,66

2 411,23

2 468,3

2 529,7

2 604,63

2 732,6

2831,99

Audiovisuel extérieur

211,25

213,88

214,82

235,46

261,19

304,39

308,43

Dont TV5 Monde

64,15

65,09

66,63

67,60

65,63

69,76

70,02

RFI / RMC

125,07

126,94

128,69

130,71

129,67

130,93

133,41

CFI

22,03

21,85

19,50

22,15

18,89

19,5

16,5

France 24

15

47

69,54

88,50 3 ( * )

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes

* 1 « La politique audiovisuelle extérieure de la France », rapport de M. Francis Balle, La Documentation française, Paris, 1996

Communication de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, sur la politique de l'audiovisuel extérieur (conseil des ministres du 30 avril 1998).

« Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France : de l'exception à l'influence », rapport n° 91 de M. Louis Duvernois, présenté le 1 er décembre 2004, au nom de la commission des Affaires culturelles du Sénat.

« L'audiovisuel extérieur : quels choix pour demain ? », rapport n° 3589 présenté par M. François Rochebloine, au nom de la mission d'information de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, le 17 janvier 2007.

* 2 La liste des personnes entendues figure en annexe au présent rapport pour avis.

* 3 Dont 18,5 millions d'euros abondés en cours d'année par décret d'avance

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