II. LA SITUATION CONTRASTÉE DES DIFFÉRENTS OPÉRATEURS DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

Après la mise en place de la holding, la phase suivante de la réforme devrait concerner la réorganisation des différents opérateurs de l'audiovisuel extérieur. Or, la situation de ces opérateurs apparaît aujourd'hui contrastée.

Lancée en décembre 2006, la nouvelle chaîne France 24 poursuit son développement.

Radio France Internationale connaît en revanche une situation financière et sociale délicate.

Enfin, TV5 Monde confirme sa place à part au sein du nouvel ensemble de l'audiovisuel extérieur.

A. RADIO FRANCE INTERNATIONALE (RFI) : UNE SITUATION FINANCIÈRE ET SOCIALE DÉLICATE

Radio France Internationale (RFI) est une radio publique française qui diffuse à Paris et partout dans le monde. Avec 45 millions d'auditeurs potentiels, c'est la troisième station de radio internationale la plus écoutée au monde, derrière BBC World Service, et Voice of America, et à égalité avec la Deutsche Welle. RFI émet 24h/24h dans le monde entier en français et dans dix-neuf autres langues, en FM, en ondes courtes et en ondes moyennes, sur le câble, sur Worldspace et sur internet.

RFI emploie plus de 1 100 personnes, dont 465 journalistes.

D'après les indications transmises à votre rapporteur pour avis, si en Afrique francophone, dans un contexte de concurrence accrue, la station parvient à maintenir son audience, en revanche, en Afrique anglophone l'impact de RFI est limité, notamment par rapport à celui des radios locales et de la BBC. Par ailleurs l'audience recule dans tous les pays du Proche Orient où elle est mesurée. De même, les audiences en Europe sont stagnantes. Enfin, en Amérique latine, où RFI est reprise sur des radios partenaires aux audiences généralement limitées, les chiffres sont encore plus faibles.

La faible présence de RFI sur Internet est également une source de préoccupation.

L'ensemble des personnalités entendues par votre rapporteur pour avis s'accordent à reconnaître que la réorganisation de RFI sera la clef de la réforme de l'audiovisuel extérieur.

D'ores et déjà, les dirigeants de RFI ont annoncé, fin octobre, au comité d'entreprise leur intention de supprimer, faute d'audience, la diffusion des programmes en six langues (allemand, albanais, polonais, serbo-croate, turc et laotien), tandis que trois autres langues (persan, chinois et russe) n'existeraient plus que sur internet.

Pour votre rapporteur pour avis, la conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et Radio France Internationale reste plus que jamais à l'ordre du jour .

Le futur contrat d'objectifs et de moyens de RFI

La signature d'un contrat d'objectifs et de moyens suppose une identification claire des objectifs prioritaires de la société pour l'avenir, afin de définir les grandes orientations stratégiques de ce contrat. D'ores et déjà, les tutelles ont proposé un cadre stratégique, qui repose sur les idées suivantes :

1/ Le modèle traditionnel de la radio internationale, né de la guerre froide et sur lequel repose encore largement l'organisation de RFI, ne correspond plus à l'état du monde ni aux modes de consommation actuels de la radio. Il doit aujourd'hui être fondamentalement remis en question. Dans les trois prochaines années, RFI va devoir mener un effort sans précédent pour s'adapter aux attentes de publics beaucoup plus exigeants qu'auparavant dans le contexte d'une offre médiatique sans cesse croissante, en concurrence directe non plus seulement avec les autres grandes radios internationales, mais aussi avec des radios locales très professionnelles et surtout les médias plus récents que sont la télévision et l'Internet, qui traversent désormais les frontières et dont la consommation progresse chaque année de façon soutenue.

Sur les marchés des pays développés et, de plus en plus, ceux des pays émergents, l'écoute de la radio est désormais concentrée autour de formats musicaux et distractifs ultra-locaux et la concurrence acharnée qui les caractérise rend le coût d'accès à ces marchés prohibitif. La multiplication des télévisions d'information, l'accès généralisé à l'Internet y relativisent par ailleurs beaucoup la nécessité de proposer au public une radio d'information, a fortiori si elle n'est pas dans la langue du pays, et y condamnent RFI à la marginalité. Plutôt que la voie hertzienne, et sauf exception justifiée par le contexte politique et culturel local et par des scores d'audience significatifs, une présence renforcée et mieux valorisée sur l'Internet devrait à l'avenir y devenir le mode normal de diffusion des productions de RFI.

Les radios internationales restent en revanche un vecteur puissant dans les pays en développement, et jouent souvent un rôle de premier plan dans les pays en situation de crise ou de post-crise. Mais là aussi, face à une concurrence locale de plus en plus professionnelle, elles sont contraintes, pour conserver une audience minimale, d'allier confort d'écoute, format 24h/24 dans des langues accessibles à une part significative de la population, et un minimum de proximité. A ces conditions, RFI doit, dans des zones où l'information indépendante n'est pas souvent la règle, continuer d'apporter un éclairage équilibré sur l'actualité du monde qui contribue à consolider l'influence de la France et à favoriser un renforcement de l'état de droit partout où c'est nécessaire.

Dans ce contexte contrasté, l'objectif de RFI ne devrait donc plus être de rechercher une couverture mondiale par la voie hertzienne, mais d'optimiser l'impact de ses programmes, zone par zone, à partir d'une analyse lucide de ses forces et de ses faiblesses. Ce processus, qui devra être mené à son terme à l'issue du contrat d'objectifs et de moyens de la société, doit conduire à mettre fin à l'éparpillement actuel des moyens de RFI, autour de deux principes :

- une présence hertzienne renforcée (diffusion 24h/24, dans des langues adaptées, enrichie de programmes de proximité) dans les zones où RFI a - ou pourrait avoir - un impact significatif ;

- une présence multilingue et enrichie sur l'Internet en direction de toutes les zones où la diffusion hertzienne des radios internationales est condamnée à la marginalité.

2/ Parallèlement, ce premier contrat d'objectifs et de moyens devrait mener à une réorganisation en profondeur de l'offre en langues étrangères de RFI, autour de trois cas de figure :

- les langues ayant vocation à être produites pour l'antenne radio et pour l'Internet,

- les langues ayant vocation, à terme, à n'être produites que pour l'internet,

- les langues ayant vocation à être proposées, de manière transitoire, sur l'internet.

En premier lieu, RFI doit rester un média de référence en Afrique subsaharienne francophone et devrait chercher à le devenir dans les autres bassins linguistiques du continent, à l'exception de l'Afrique du nord où l'impact des autres médias français est déjà très important. Cela passe par un renforcement de la production d'émissions en anglais et en portugais, par la production - locale - d'émissions dans les grandes langues vernaculaires comme le swahili ou l'haoussa. Cela implique également un renforcement de la couverture éditoriale de cette zone, à travers davantage de bureaux et de correspondants locaux, et une présence aussi systématique que possible de relais FM dans les grandes agglomérations conjuguée, dans l'immédiat, aux ondes courtes qui restent utiles pour toucher les zones rurales et pour contrer l'interdiction périodique par certains régimes de ses relais terrestres.

Au Proche et Moyen Orient, RFI a la chance de pouvoir s'appuyer sur une chaîne en arabe reconnue, RMC-Moyen Orient, dont l'audience et la notoriété se sont malheureusement dégradées face à la concurrence des nombreuses radios émettant en FM et des nombreuses télévisions satellitaires qui arrosent la zone. La modernisation des programmes de RMC-MO et la poursuite des efforts pour en assurer une meilleure diffusion sont une priorité. La part du budget global de RFI consacrée à sa filiale arabophone devrait pour cela être accrue progressivement sur la durée du contrat d'objectifs et de moyens.

Dans les autres régions du monde, Europe, Asie, Amérique, Océanie, RFI n'a pas, sauf exception, la capacité d'atteindre des niveaux d'audience réellement significatifs. Sur la durée du contrat d'objectifs et de moyens, RFI devra donc procéder à un examen critique de l'impact réel de ses programmes, en rapport avec leur coût complet de production et de diffusion et mettre en place, le cas échéant, des modes d'action alternatifs. En tout état de cause, au terme du présent contrat d'objectifs et de moyens, RFI devrait être en mesure de proposer à ses publics un site Internet multilingue sur l'actualité de la France et du monde, largement enrichi par rapport à son offre actuelle, avec l'ambition de toucher un nombre d'internautes supérieur au nombre des auditeurs actuels dans ces zones de faible impact.

Parallèlement, RFI devra identifier les régions où, pour des raisons politiques, linguistiques ou culturelles, il restera nécessaire de poursuivre, voire d'amplifier, une politique volontariste de présence radiophonique hertzienne, qui n'aura de sens, là aussi, que si elle répond aux exigences du public : diffusion 24h/24, dans des langues adaptées, enrichie de programmes de proximité. A court et moyen terme, il serait, par exemple, opportun de renforcer notre présence radiophonique dans certains pays est-européens extérieurs à l'Union européenne, avec l'objectif de contribuer à sensibiliser leurs populations aux valeurs démocratiques de l'Union.

Compte tenu des priorités géographiques ainsi dégagées, l'offre de programmes de RFI pourra, elle-même, être amenée à évoluer. Aussi, la société concentrera-t-elle ses efforts sur sa mission d'information et sa politique de proximité à l'égard des auditeurs.

3/ Le contrat d'objectifs et de moyens devra, en outre, définir les conditions d'organisation interne qui permettront une plus grande harmonisation et une plus grande coordination de la ligne éditoriale des différentes antennes . Par ailleurs, afin de contribuer à la cohérence du dispositif audiovisuel français, RFI devrait identifier des projets qui pourraient être menés en association avec Radio France, mais également en matière d'information internationale avec France 24, ainsi qu'avec CFI, qui a vocation à devenir l'outil de coordination de l'ensemble des actions de coopération audiovisuelle de la France.

En effet, RFI doit constituer pour la France un outil de coopération au service de la diversité culturelle et du pluralisme des médias. Dans les pays en développement, la diffusion de RFI contribue à la diversité de l'information et à l'implantation d'un État de droit, mais doit être accompagnée d'actions (conseil, formation, échanges et coproduction de programmes) en faveur des radios locales visant à affermir leurs positions et encourager l'ouverture des paysages radiophoniques.

4/ Le contrat d'objectifs et de moyens devrait également comporter un volet substantiel relatif à la modernisation de la gestion de l'entreprise. Il est indispensable que la société dégage en son sein des marges de manoeuvre nouvelles pour contribuer au financement de ses projets. Des gains d'efficacité, tirant notamment les conséquences de la numérisation sur l'organisation, les méthodes de travail et le niveau des effectifs devront être recherchés.

Dans le même sens, une évaluation de l'évolution de la masse salariale de Radio France Internationale, qui représente plus de la moitié des charges de l'entreprise, paraît nécessaire. Fondée sur un objectif plus ambitieux que la seule stabilisation des effectifs, cette analyse devra tenir compte des perspectives de départs naturels et de rationalisation des emplois non permanents.

Par ailleurs, l'évolution des moyens (personnel, fonctionnement, investissement) alloués aux différentes rédactions de Radio France Internationale sur la période devrait faire l'objet d'une présentation analytique, en regard de l'impact de chacune, en termes d'audience.

Source : MAEE 2007

D'après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2009, les principales priorités stratégiques de Radio France Internationale , en 2009, devraient être les suivantes :

- réformer la politique de diffusion de l'antenne en termes de choix de langues, de publics visés et de supports de diffusion ;

- tirer partie de la mutation des technologies de l'information ;

- mettre en oeuvre des synergies avec TV5 Monde et France 24, tant sur le plan des fonctions supports que des contenus ;

- améliorer la structure financière de la société en visant un retour à l'équilibre.

C'est toutefois dans un contexte budgétaire contraint que les dirigeants devraient entreprendre cette réorganisation en profondeur .

RFI a bénéficié d'une subvention du ministère des Affaires étrangères et européennes de 71,1 millions d'euros en 2008. A cette subvention, il faut ajouter une dotation de 58,72 millions d'euros au titre de la redevance audiovisuelle. Au total, RFI a donc bénéficié de dotations à hauteur de 133 millions d'euros en 2008.

L'évolution des dotations publiques à RFI (en millions d'euros) depuis 2002

LFI 2002

LFI
2003

LFI
2004

LFI
2005

LFI
2006

PLF
2007

PLF
2008

Subvention MAEE

69,67 (57,67 %)

70,37 (57,36 %)

71,42 (57,40 %)

72,13 (57,31 %)

69,54
(55,45%)

69,63 (55,2%)

71,13
(55,07%)

Redevance

51,23 (42,40 %)

52,30 (42,63 %)

53,00 (41,58 %)

53,71 (41,77 %)

55,86
(42,89%)

56,53 (42,74%)

58,03
(44,92%)

Total

120,80

122,67

127,51

128,62

130,21

132,24

133

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