V. LES MESURES RELATIVES À LA BRANCHE FAMILLE

A. LA BRANCHE FAMILLE CONNAÎT UNE SITUATION DÉFICITAIRE DEPUIS 2008

A titre liminaire, votre rapporteur pour avis souligne que , pour la troisième année consécutive, les comptes de la branche famille n'ont pas été certifiés par la Cour des comptes . Il rappelle que le refus de certification, dans la vie des entreprises, constitue un acte grave qui révèle des risques majeurs. Bien évidemment, la branche n'est pas soumise aux contraintes des entreprises. Pour autant, alors même qu'elle connaît, pour la première fois de son histoire, un déficit structurel, ce refus de certification conduit légitimement à s'interroger sur le bon usage des deniers publics. La comptabilité constitue, en effet, une garantie de la bonne gestion passée et un instrument essentiel pour envisager le futur.

Votre rapporteur pour avis note avec satisfaction que la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) s'est résolument engagée à élaborer tous les outils nécessaires pour que ses comptes soient certifiés 90 ( * ) .

1. Les dépenses augmentent malgré une baisse apparente

Source : commission des finances

Le graphique ci-dessus pourrait laisser croire que les dépenses de la branche famille vont considérablement diminuer en 2010. Il n'en est rien. Cette baisse apparente, comptable en fait, cache en réalité une augmentation de 2,9 % des dépenses en 2010, soit un niveau équivalent à celui de 2009 (+ 2,8 %).

La Cour des comptes, dans les contrôles évoqués plus haut, a demandé à ce que certaines prestations servies par les caisses pour le compte d'un tiers ne soient plus retracées dans le compte de résultat des organismes de sécurité sociale 91 ( * ) . L'article 26 du présent projet de loi vient donc modifier le traitement comptable de ces prestations. La baisse des dépenses n'est donc qu'apparente puisque le référentiel a changé.

Pour 2009, l'objectif rectifié des dépenses de la branche famille est de 59,7 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base (+ 0,67 %) et de 59,2 milliards pour le régime général (+ 1,72 %).

Pour 2010 , l'objectif initial est de 54,5 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base et de 54,1 milliards d'euros pour le régime général .

En 2010, la BMAF 92 ( * ) ne devrait pas être revalorisée ou très modestement, ce qui devrait avoir pour effet de ralentir fortement la croissance des prestations légales (+ 1,8 %) . En revanche, les prestations extra-légales progresseraient à un rythme plus élevé qu'en 2009 (+ 9,8 % contre 5,6 %) . La commission des comptes de la sécurité sociale estime, malgré tout, que la croissance des charges devrait ralentir en 2010.

2. La croissance des recettes est ralentie en 2010

De même que pour les dépenses, l'aménagement des règles comptables ne permet pas de bien saisir la réalité de la variation des recettes : la disparition des contributions publiques est le pendant de la réduction des prestations versées pour compte de tiers. La diminution des recettes en 2010 n'est donc qu'apparente, contrairement à 2009 où la chute des recettes fut brutale (1,1 milliard d'euros).

Si les recettes ne diminuent pas, elles ne progressent guère . Elles sont assurées pour les deux tiers par les cotisations sociales et, pour le tiers restant, par les impôts et taxes affectés et, principalement, la CSG. Elles sont donc étroitement liées à la conjoncture et plus spécifiquement à la taille de la masse salariale .

Ensemble des régimes obligatoires de base (en milliards d'euros)

( en milliards d'euros )

2008

2009

2010

Variation 2009/2010

Produits

57,7

56,6

50,1

- 11,48 %

Cotisations effectives

32,4

31,9

31,9

0 %

Cotisations fictives employeur

0,1

0,1

0,1

0 %

Cotisations prises en charge par l'Etat

0,8

0,7

0,7

0 %

Cotisations prises en charge par la sécurité sociale

0,3

0,4

0,4

0 %

Contributions publiques

6,8

6,7

0

- 100 %

Impôts et taxes affectés

16,5

16,1

16,3

+ 1,24 %

dont CSG

12,2

11,9

12

+ 0,84 %

Transferts entre organismes

0

0

0

0 %

Produits financiers

0,1

0

0

0 %

Autres produits

0,4

0,3

0

0 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

Par ailleurs, les mesures proposées dans le présent projet de loi devraient permettre des économies de l'ordre de 30 millions d'euros , principalement du fait des nouvelles règles comptables qui entraînent une clarification des responsabilités financières en matière de prise en charge des pertes sur créances d'indus. L'Etat devrait rembourser 20 millions d'euros à la branche famille à ce titre. La lutte contre la fraude devrait également générer une économie de l'ordre de 5 à 7 millions d'euros.

3. Le déficit s'élèvera, en 2010, à 4,4 milliards d'euros

Depuis 2008, la branche famille est déficitaire. Cette situation est nouvelle et inquiétante : par le passé la branche était traditionnellement excédentaire et, en tout cas, toujours à l'équilibre. Plus encore, depuis 2009, le décrochage entre la croissance des dépenses et celles des recettes entraîne la formation d'un déficit structurel .

En 2009, le déficit devrait s'élever à 3,1 milliards d'euros. Il devrait s'accroître de 1,3 milliard d'euros en 2010 pour atteindre 4,4 milliards d'euros , comme le montre le tableau suivant :

( en millions d'euros )

2007

2008

2009

2010

Variation 2009/2010

CNAF

Charges

56 783

58 238

60 472

61 962

+ 2,5 %

Produits

56 939

57 896

57 450

57 527

+ 0,1 %

Résultat

156

- 342

- 3 022

- 4 435

- 32 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

Compte tenu de ce contexte financier tendu, il importe que l'Etat respecte ses engagements vis-à-vis de la branche famille. Au 30 juin 2009, l'Etat était toujours redevable à la CNAF de plus de 731 millions d'euros.

Votre rapporteur pour avis estime que les dettes de l'Etat doivent être apurées le plus rapidement possible. Il restera vigilant quant à la formation de toute nouvelle dette. L'Etat ne doit pas, en effet, faire porter le fardeau de son propre déficit, ou d'une partie de celui-ci, sur la sécurité sociale alors même qu'elle connaît de graves difficultés financières .

* 90 Sur ce point, voir le rapport n° 206 (2008-2009) de nos collègues Christiane Demontès et André Lardeux, « Les comptes de la branche famille pourront-ils être certifiés ? ».

* 91 La CNAF a ainsi versé plus de 68 milliards d'euros de prestations en 2008 alors que la branche famille de la sécurité sociale a dépensé 58 milliards d'euros.

* 92 Les prestations familiales sont calculées en fonction d'un pourcentage de la base mensuelle de calcul des prestations familiales (BMAF). Elle a connu une forte revalorisation en 2009 (+3 %), qui explique sa stabilité en 2010.

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