D. LES MESURES RELATIVES À LA MAÎTRISE MÉDICALISÉE

1. Les incitations financières accordées aux professionnels de santé (articles 34 bis et 36 bis)
a) L'évaluation du respect des engagements contenus dans les conventions conclues entre les professionnels de santé et l'assurance maladie (article 34 bis)

A l'initiative de notre collègue député Philippe Vitel, l'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel proposant que la Commission des comptes de la sécurité sociale puisse dresser un bilan des engagements signés par les professionnels de santé dans le cadre des conventions conclues avec l'assurance maladie .

Si la formulation de la proposition et la place de ce dispositif au sein de l'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale ne paraissent pas complètement appropriées, votre rapporteur pour avis partage la finalité recherchée par son auteur .

En effet, comme l'indique la Cour des comptes, dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010, « la réforme de 2004 [la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie] a fortement accru le champ d'intervention des conventions négociées entre l'assurance maladie et les syndicats de praticiens . Tout ce qui concerne directement (nomenclature d'actes, tarifs) ou indirectement (prise en charge des cotisations) les revenus des médecins et l'organisation des soins sur le territoire (incitations à l'installation en zone de faible densité et permanence des soins) est désormais l'objet de négociation à forte incidence financière ».

Rejoignant cette problématique, l'exemple des Contrats d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI) est assez illustratif.

L'article L. 162-12-21 du code de la sécurité sociale permet aux médecins, qui le souhaitent, de s'engager sur des objectifs individualisés d'amélioration de leurs pratiques, en sus des engagements collectifs fixés dans la convention nationale passée entre l'UNCAM et les représentants de médecins.

Ces contrats, conclus directement entre le médecin conventionné et la caisse primaire d'assurance maladie de son ressort, peuvent comprendre des engagements portant sur la prescription, la participation à des actions de dépistage et de prévention, des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins, la participation à la permanence des soins, le contrôle médical, ainsi que sur toute action d'amélioration des pratiques, de la formation et de l'information des professionnels.

En contrepartie, les médecins concernés bénéficient d'une rémunération complémentaire, liée à l'atteinte des objectifs fixés dans le contrat.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur la portée effective de ces contrats en matière de maîtrise médicalisée et sur le rapport coût/efficacité de cette initiative.


L'impact en matière de maîtrise médicalisée

Dans son rapport de septembre 2009, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) a en effet porté son attention sur des contrats d'un type similaire d'amélioration des « bonnes pratiques ». S'il salue l'avancée dans le domaine des outils de connaissance et la mise à disposition de recommandations de bonnes pratiques, il estime cependant que « les progrès réalisés dans l'amélioration de la qualité des pratiques collectives sont faibles. L'importance de la part non expliquée de l'hétérogénéité des pratiques médicales, à l'origine du concept de maîtrise médicalisée, est encore observée aujourd'hui sur des sujets aussi communs et importants que la vaccination antigrippale, la participation des patientes au dépistage organisé du cancer du sein. De même, des prescriptions de médicaments non adaptés sont toujours observées ».

S'agissant plus spécifiquement des CAPI, le bilan d'étape de la CNAM de septembre 2010 ne permet pas encore d'apprécier la portée effective de ces contrats . Outre qu'il est encore tôt - les premiers CAPI ont été signés il y a un an -, les résultats obtenus ne sont pas simples à analyser puisque les médecins non-signataires enregistrent également une évolution positive de leurs pratiques en 2010, dans une moindre mesure certes par rapport aux praticiens engagés dans un CAPI. Par ailleurs, le taux moyen de réalisation des objectifs (45 %) dès la première année doit peut-être conduire à s'interroger également sur la pertinence des indicateurs retenus.


Le bilan « coût-efficacité »

Il convient en effet d'éviter que la signature des CAPI crée une sorte d'« effet d'aubaine » pour les médecins respectant d'ores-et-déjà les objectifs de bonnes pratiques fixés par les CAPI, ceci d'autant plus que les rémunérations proposées peuvent être assez élevées : celles-ci peuvent atteindre plus de 7 000 euros par an pour un taux d'atteinte des objectifs de 85 % 63 ( * ) , soit près de 10 % de la rémunération moyenne d'un médecin généraliste 64 ( * ) .

En 2010, deux tiers des médecins ont rempli plus de 25 % des objectifs, seuil permettant de percevoir une rémunération pour une contrepartie financière moyenne de 3 101 euros. Le dernier quartile a reçu une rémunération moyenne de 5 168 euros pour un taux d'atteinte des objectifs de 54 %.

Rémunération moyenne au sein des groupes de quartiles

(tous régimes - en euros)

1 er quartile

2 e quartile

3 e quartile

4 e quartile

Signataires au 1 er juillet 2009

1 539

2 414

3 281

5 168

Source : CNAM - « Contrat d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI) : une dynamique au bénéfice des patients

Sans préjuger de l'efficacité du dispositif en l'absence d'étude exhaustive, votre rapporteur pour avis souhaite qu'un bilan coût/efficacité (économies réalisées en matière de maîtrise médicalisée) de ces contrats soit rapidement dressé.

b) Les modalités d'application du contrat d'engagement de service public souscrit par les étudiants en médecine et les médecins (article 36 bis)

A l'initiative de notre collègue député, Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie au nom de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel après l'article 36 tendant à préciser les modalités d'application des contrats d'engagement de service public qui peuvent être souscrits par les étudiants en médecine et les médecins .

La loi « HPST » a en effet introduit un mécanisme de contrats d'engagement de service public prévoyant une allocation aux étudiants et aux médecins jusqu'à la fin de leurs études en contrepartie de l'engagement d'exercer en zone à faible densité médicale.

L' article 36 bis du présent projet de loi propose d' étendre aux étudiants le mécanisme de remboursement des allocations reçues en cas de désengagement , dispositif aujourd'hui prévu pour les seuls médecins contractants.

Le montant de cette indemnité sera dégressif et au plus égal aux sommes perçues au titre de ce contrat ainsi qu'à une fraction des frais d'études engagés. Aujourd'hui, ce montant est égal aux sommes perçues au titre de ce contrat ainsi qu'à une fraction des frais d'études engagés.

Le recouvrement de cette indemnité sera assuré, pour les médecins, par la caisse primaire d'assurance maladie dans le ressort de laquelle le médecin exerce à titre principal et, pour les étudiants, par le centre national de gestion.

Le II de l' article 36 bis prévoit que le précompte de la CSG soit réalisé par le centre national de gestion qui verse l'allocation mensuelle.

Votre rapporteur pour avis est favorable à cette disposition. Il paraît légitime de demander le remboursement des allocations versées en cas de désengagement de l'étudiant de ses obligations.

c) Les logiciels d'aide à la prescription (article 36 septies)

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel après l'article 36 tendant à favoriser la diffusion et le suivi des recommandations et avis médico-économiques de la Haute Autorité de santé (HAS) et à inciter les médecins à prescrire dans le répertoire des génériques.

A cette fin, il rend obligatoire l'intégration de ces informations dans les logiciels d'aide à la prescription certifiés .

En outre, pour favoriser l'acquisition ou l'utilisation de ces logiciels, l' article 36 septies prévoit que la convention médicale pourra instituer un dispositif d'aide à leur acquisition .

S'il approuve l'enrichissement des logiciels d'aide à la prescription, votre rapporteur pour avis formule, en ce qui concerne la mise en place d'un dispositif d'aide à l'acquisition de ces logiciels, les mêmes observations que celles qu'il a émises précédemment s'agissant des CAPI.


* 63 Pour une patientèle de 1 200 patients.

* 64 IGAS, « Enquête sur la rémunération des médecins et chirurgiens hospitaliers », janvier 2009.

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