CONCLUSION

Votre rapporteur pour avis a déposé un amendement visant à abonder les crédits destinés à l'audiovisuel extérieur pour 2011 de 5 millions d'euros .

Cet abondement de crédits permettrait à la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France de financer notamment le surcoût que représente la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer, ainsi que la diffusion de TV5 Monde sur la TNT en Île-de-France, ce qui peut être considéré comme une priorité.

Il s'agirait d'un prélèvement assez modique sur le financement de l'action n°2 « Passage à la télévision tout numérique » du programme 313  «° Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique », dont la dotation est de 131 millions d'euros en 2011, contre 40 millions d'euros en 2010, et qui a précisément pour objet d' accompagner le basculement vers le numérique.

La diffusion des chaînes de l'audiovisuel extérieur sur le territoire national permettrait de donner une meilleure visibilité à leurs programmes, de promouvoir la francophonie et la diversité culturelle et de consolider leurs ressources propres.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport pour avis lors de sa réunion du 17 novembre 2009.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis . - Pour mon avis, je me suis entretenu avec M. Alain de Pouzilhac, président directeur général, et avec Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de la société Audiovisuel extérieur de la France, ainsi qu'avec Mme Marie-Christine Saragosse, directrice générale de TV5 Monde. J'ai visité les installations de France 24, Radio France Internationale et TV5 Monde, dont j'ai rencontré les principaux responsables. Je me suis entretenu avec le sous-directeur chargé de l'audiovisuel extérieur au Quai d'Orsay. Enfin, la commission a auditionné Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias au ministère de la culture et de la communication, qui assure la tutelle sur l'audiovisuel public.

J'évoquerai successivement la réforme de l'audiovisuel extérieur, la situation des opérateurs, les crédits inscrits dans le projet de budget et les perspectives de la loi de programmation triennale.

Lancée par le Président de la République à l'été 2007, la réforme de l'audiovisuel extérieur français devait renforcer la cohérence, l'efficacité et les synergies entre opérateurs - Radio France Internationale (RFI), TV5 Monde et France 24, mais aussi remédier à la faiblesse du pilotage stratégique de l'Etat en supprimant la multiplicité des tutelles et des sources de financement.

D'où la création, en avril 2008, de la société holding dénommée Audiovisuel Extérieur de la France (AEF), entièrement détenue par l'Etat et qui regroupe l'ensemble des participations publiques. La loi du 5 mars 2009 a transformé cette holding en société nationale de programme, chargée de contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, ainsi qu'au rayonnement international de la France. La constitution de ce groupe est achevée : AEF détient 100 % du capital de RFI et de France 24. Elle possède également 49 % de TV5 Monde, chaîne partenaire et non filiale, ce qui a permis d'apaiser les craintes de nos partenaires francophones.

À mes yeux, le bilan de la réforme est globalement positif, mais je regrette que le Gouvernement n'ait pas encore pu transmettre au Parlement le contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et AEF, car ce document doit définir les priorités stratégiques et les perspectives financières de l'audiovisuel extérieur. Des discussions semblent achopper sur les dotations pour 2012 et 2013.

J'en viens à la situation des opérateurs.

Le plan stratégique 2009-2012 de la chaîne francophone et multilatérale TV5 Monde a été adopté en novembre 2008 par la conférence ministérielle de Vancouver, entre la France et ses partenaires francophones - le Canada, le Québec, la Suisse et la Belgique. Ce plan tend à faire de TV5 Monde un média global présent notamment sur Internet et la téléphonie mobile.

J'ai constaté sur place que la chaîne avait enrichi son site Internet, développé sa présence sur les plates-formes sociales comme « You Tube » ou « Twitter », mais aussi sur la télévision de rattrapage et la vidéo à la demande. La chaîne a lancé en 2009 une WebTV destinée aux enfants, puis une WebTV Afrique en 2010.

Le basculement de l'analogique au numérique représente un défi. En juillet 2010, TV5 Monde a cessé sa diffusion par satellite analogique en Europe. Sa reprise par la télévision numérique terrestre en France coûterait environ 2 millions d'euros.

Au terme de quatre années de diffusion, le bilan de la chaîne d'information France 24 est encourageant. J'ai rencontré une rédaction jeune et dynamique, dont les programmes sont diffusés en français, en anglais et, depuis le 12 octobre, en arabe, grâce aux synergies avec la radio Monte Carlo Doualiya, filiale arabophone de RFI. Son audience progresse, notamment au Maghreb et en Afrique, où elle concurrence des autres chaînes comme la BBC, CNN et Al Jazeera.

La priorité reste la distribution de France 24, peu accessible en Asie et dans les Amériques.

Enfin, la situation de Radio France Internationale s'est stabilisée, malgré une réforme inachevée.

L'enjeu est de mettre un terme à l'érosion de l'audience, notamment en Europe, mais aussi de conforter ses positions en Afrique francophone et de les développer en Afrique anglophone et lusophone. Il fallait donc redéfinir les priorités géographiques et réorganiser les rédactions en langues étrangères, dont certaines sont supprimées, comme le serbo-croate ou l'albanais. La stratégie mise en oeuvre devait aussi redresser la situation financière de la radio et à améliorer sa gestion, puisque RFI avait accumulé entre 2001 et 2008 des résultats négatifs atteignant 31,9 millions d'euros.

Attendue depuis une dizaine d'années, cette réforme s'est traduite par un plan global de modernisation, accompagné d'un plan joliment appelé «de sauvegarde de l'emploi» prévoyant 206 suppressions de postes. D'où le conflit social de l'an dernier. Toutefois, 275 demandes de départs volontaires ont été adressées à la direction pour... 206 suppressions de postes prévues ! Le coût total du plan social est évalué à 41 millions d'euros, financés par l'Etat.

La prochaine étape de la réforme sera le déménagement de RFI, actuellement située dans le bâtiment de Radio France, pour se rapprocher de France 24. Le coût de cette opération est évalué à 21 millions d'euros, en raison des considérables investissements programmés. Aucun financement n'est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2011, mais l'Etat devrait prendre en charge ce déménagement.

Les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur passeront de 313,5 millions d'euros en 2010 à 330 millions d'euros en 2011, soit une augmentation de 5,3 %. Cette enveloppe comporte une subvention de 1,6 million d'euros pour la radio franco-marocaine Medi 1 et une dotation de 327,7 millions d'euros pour AEF. Toutefois, comme AEF sera désormais assujettie à la taxe sur les salaires pour 7,5 millions d'euros, l'augmentation n'est que de 2,9 % à périmètre constant. À titre de comparaison, la dotation de l'Institut national de l'audiovisuel augmente de 5,4 %, celle de Radio France de 3,9 %, la subvention d'Arte de 4,1 %. Comme l'audiovisuel extérieur ne bénéficiera pas de compensation pour la diffusion de France 24 en TNT outre-mer, malgré un surcoût compris entre 2,5 et 3 millions d'euros, l'augmentation des crédits de l'audiovisuel extérieur avoisine 1,6 %.

Le plus préoccupant à mes yeux tient à la forte diminution prévue des crédits en 2012 et en 2013, puisqu'il devrait baisser de 8,5 % et de 4 % : ne risque-t-on pas de compromettre la réforme en cours ? Le ministère de la culture invoque l'augmentation des ressources propres, qui ne représentent que 1,3 % des recettes de France 24 et 3,7 % pour RFI, soit environ 3,5 millions d'euros au total. Dans un contexte de réductions des recettes publicitaires, est-il réaliste de prévoir le double en 2011 et le quadruple en 2012 ?

En conclusion, je propose d'adopter les crédits, sous réserve d'un amendement qui abonderait l'audiovisuel extérieur de 5 millions d'euros, prélevés sur le groupement d'intérêt public « Passage à la télévision tout numérique », doté de 131 millions d'euros en 2011, contre 40 en 2010, pour financer le basculement de l'analogique au numérique. Cela permettrait de financer la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer et la présence de TV5 Monde sur la TNT en Île-de-France.

Mme Catherine Tasca - L'exécutif n'exerce pas suffisamment sa tutelle sur l'audiovisuel public extérieur.

Il faut sans doute faire plaisir aux dirigeants - c'est ainsi que M. Aillagon avait déménagé TV5 Monde il y a quelques années vers le parc Monceau- mais débourser 21 millions d'euros pour un déménagement est inacceptable dans un contexte de rigueur budgétaire !

Monsieur le rapporteur, quelle est la rémunération des dirigeants de France 24 ? D'après la presse, elle s'élève à 300 000 euros par an... L'exécutif ne peut pas demander, d'un côté, aux Français de se serrer la ceinture et, de l'autre, laisser filer les rémunérations dans le secteur public de l'audiovisuel. Pour moi, ce sont des dérives absolues.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga - C'est juste ! Pourquoi laisser faire n'importe quoi au sein de l'audiovisuel extérieur quand l'on tient la bride si courte à l'AEFE et à l'Institut Français ?

M. Charles Pasqua - Une explication qui ne justifie rien : l'audiovisuel extérieur a recruté des personnes qui avaient autrefois des rémunérations de ce niveau dans le secteur privé. Il serait intéressant de savoir dans quelles conditions il a procédé à ces recrutements...

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis . - Réponse de bon soldat, monsieur Pasqua, « les nominations font partie de notre dotation »...

Madame Tasca, je dispose des mêmes informations que celles données par la presse. L'Audiovisuel extérieur de la France étant devenu une société de programmes depuis la dernière réforme, son conseil d'administration décide les rémunérations de ses dirigeants. Celles-ci tiennent compte du parcours antérieur de leurs actuels dirigeants : Mme Ockrent, directrice générale, a eu la carrière que l'on sait ; le PDG de la holding, M. de Pouzilhac, est l'ancien PDG de Havas. L'Etat peut faire entendre sa voix au conseil d'administration. La représentation parlementaire y est symbolique : nous disposons d'une seule voix, celle de M. Duvernois.

M. Robert del Picchia - Une rémunération de 300 000 euros divisée par 14 mois, comme il est d'usage dans les médias, équivaut à un salaire mensuel de 21 000 euros. Cela correspond au tarif d'un rédacteur en chef de journal, y compris de province.

Mme Catherine Tasca - Je le sais ! Ne vous en déplaise, le secteur public a ses spécificités, ses missions propres, sa grille de salaires. Ensuite, que les personnes se portent candidates en connaissance de cause ! Il est exclu qu'on y négocie son salaire comme dans le privé. C'est un mauvais usage des deniers publics.

M. Josselin de Rohan, président. - Les salaires pratiqués dans les radios privées sont plus importants. Si nous voulons recruter des personnes de qualité, nous devons tenir compte du marché.

Mme Catherine Tasca - La concurrence ne justifie pas tout !

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis . - Cette évolution est conforme à la tendance observée dans toutes les entreprises publiques...

Le coût du déménagement a également retenu notre attention. Pour l'heure, France 24 a ses bureaux à Issy-les-Moulineaux tandis que RFI, qui acquitte un loyer, est installée dans des locaux inadaptés de Radio France, dans la maison ronde et un immeuble adjacent. Les équipements de RFI datent, on pense à l'époque : « Les Français parlent aux Français » ! Le plan stratégique prévoit une mutualisation de leurs moyens : leurs rédactions arabes se soutiennent désormais. Compte tenu de la technologie actuelle de création des programmes, le rapprochement géographique des entités dans deux immeubles contigus, que l'on pourrait rejoindre par une passerelle, accroîtrait les mutualisations et renforcerait l'esprit maison. TV5 Monde a une histoire plus ancienne ; son plan stratégique est bien établi ; la présence des autres partenaires francophones y crée une saine émulation. France 24, d'après ce que j'ai constaté lors de mes missions de contrôle, travaille plutôt bien. En revanche, se posera bientôt le problème du vieillissement des équipes, sauf à la section web constituée de jeunes, comme partout bien ailleurs, bien encadrée. A RFI, l'ambiance a changé : la méfiance mutuelle entre cadres et journalistes, très palpable l'an dernier, est moins sensible. Atterrés par le chiffre de 21 millions, nous avons demandé une présentation comptable sous forme de contributions à des investissements car il s'agit d'un investissement pour accueillir RFI dans des conditions contemporaines.

M. Robert del Picchia - La transformation d'une radio suppose l'achat de matériels modernes. Sans cela, le déménagement ne servira à rien ! En outre, pour améliorer les synergies, France 24 doit recourir aux correspondants étrangers de RFI, ce qui suppose une formation des journalistes radio aux techniques de l'image, du montage.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. - Je vous propose d'émettre un avis favorable sous réserve d'un amendement visant à abonder de 5 millions d'euros les crédits de l'audiovisuel extérieur. Ce transfert de crédits pourrait provenir d'un groupement d'intérêt public « Passage à la télévision tout numérique », qui est doté d'une enveloppe de 131 millions d'euros, contre 40 millions d'euros en 2010, et qui est destiné à financer les opérations relatives au basculement de l'analogique au numérique. Il permettrait de financer le surcoût de la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer et la diffusion sur la TNT en Ile-de-France de TV5 Monde.

L'amendement est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission Médias, amendé.

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