C. LE RECOUVREMENT DES CRÉANCES DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

1. La simplification des règles relatives aux pénalités et aux sanctions financières prononcées par les organismes de sécurité sociale (article 63)

Des divergences existent, selon la branche considérée, entre les textes applicables aux pénalités et aux sanctions financières prononcées par les organismes de sécurité sociale . Cette situation induit des complications de gestion pour les caisses qui gèrent plusieurs risques, à l'instar des caisses de mutualité sociale agricole (MSA) et des caisses du régime social des indépendants (RSI), nuisant notamment au recouvrement des sanctions financières.

a) L'unification des contentieux relatifs aux pénalités, à leur recouvrement et au recouvrement d'indus
(1) Un contentieux éclaté,...

Les personnes ou organismes qui méconnaissent les dispositions du code de la sécurité sociale peuvent se voir appliquer une pénalité financière. Le contentieux relatif aux pénalités financières, soit la contestation de la pénalité dans son principe mais également de son montant, relève du tribunal administratif . Néanmoins, le contentieux du recouvrement de ces pénalités dépend, quant à lui, du tribunal des affaires de sécurité sociale .

Par ailleurs, l'inobservation d'une règle du code de la sécurité sociale autorise l'organisme de sécurité sociale concerné à agir en recouvrement de la somme indûment payée . Le contentieux du recouvrement d'indus est également compris dans le champ de compétence du tribunal des affaires de la sécurité sociale.

(2) ...source de complexité tant pour les justiciables que pour les organismes de sécurité sociale

Cet éclatement du contentieux est source de complexité . Les justiciables souhaitant contester une même inobservation du code de la sécurité sociale donnant lieu à un recouvrement d'indus et au prononcé d'une pénalité financière doivent engager des actions contentieuses devant deux juridictions différentes . Ce système, outre qu'il entraîne des risques d'erreurs de saisine des juridictions et un allongement des délais de jugement, est générateur de frais de contentieux tant pour les justiciables que pour les organismes de sécurité sociale .

(3) Le transfert du contentieux des pénalités aux tribunaux des affaires de sécurité sociale

L' article 63 du projet de loi de financement prévoit par conséquent que les pénalités peuvent être contestées devant le tribunal des affaires de sécurité social et non plus devant le tribunal administratif. Les contentieux des pénalités, de leur recouvrement et du recouvrement d'indus sont donc unifiés .

Certes, le prononcé de pénalités pour méconnaissance de dispositions du code de la sécurité sociale correspond à « l'exercice des prérogatives de puissance publique » et relève, selon la jurisprudence constitutionnelle, de la compétence de la juridiction administrative. Toutefois, dans sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1986 65 ( * ) , le Conseil constitutionnel a précisé que « lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ». Ce principe jurisprudentiel a été confirmé par la décision n° 2010-71 QPC, qui a confirmé la constitutionnalité de l'unification du contentieux des mesures d'hospitalisation sans consentement.

Par conséquent, rien ne semble faire obstacle au transfert du contentieux des pénalités conséquentes à une inobservation du code de la sécurité sociale aux tribunaux des affaires de sécurité sociale .

Cette unification du contentieux permettrait une économie pour les organismes de sécurité sociale de 2 millions d'euros en 2012 et de 4 millions d'euros en 2013.

b) Le recouvrement des pénalités et des sanctions financières
(1) Simplification de la prescription de l'action en recouvrement de la pénalité par les organismes de sécurité sociale

Les textes actuellement applicables prévoient qu'en l'absence de paiement de la pénalité dans le délai imparti, le directeur de l'organisme de sécurité sociale adresse une mise en demeure de payer qui ne peut concerner que des pénalités notifiées dans les deux ans précédant son envoi. Cette disposition, qui fait reposer la prescription sur l'envoi de la mise en demeure, peut prêter à confusion.

Par conséquent, les articles L. 114-17 et L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale (CSS) sont modifiés afin de prévoir une prescription de l'action en recouvrement de la pénalité de deux ans à compter de la date d'envoi de la notification de payer par le directeur de l'organisme de sécurité sociale .

En outre, il est précisé que les faits pouvant donner lieu à l'application d'une pénalité sont prescrits selon les modalités de l'article 2224 du code civil , soit dans un délai de cinq ans.

À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à harmoniser les délais de prescription du recouvrement en cas de fraude . Ainsi, en cas de fraude sur les prestations maladie, vieillesse, invalidité et famille, il est prévu que le délai de prescription soit fixé à cinq ans.

(2) La possibilité pour les organismes de sécurité sociale de recouvrer les pénalités ou sanctions financières sur les prestations ou versements ultérieurs

L' article 63 prévoit également que les pénalités peuvent être recouvrées par retenues sur les prestations ou versements à venir servis par l'organisme de sécurité sociale concerné . Il est ainsi fait application de la compensation prévue par les dispositions du code civil. L'article 1289 de ce code dispose ainsi que « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes ».

Cette mesure doit permettre de faire progresser le taux de recouvrement des pénalités, des sanctions financières et des indus .

L'étude d'impact annexée au projet de loi de financement évalue, de la manière suivante, l'impact financier du recouvrement par retenues pour la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) :

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

CNAF

1

2

2

2

CNAM

1

2

2

2

c) L'harmonisation des dispositions relatives aux pénalités

Enfin, l' article 63 procède à l' harmonisation de diverses dispositions applicables aux différentes branches de la sécurité sociale :

- le délai dans lequel la récidive donne lieu à doublement de la pénalité est fixé par voie réglementaire pour l'ensemble de ces branches ;

- la majoration applicable aux sommes réclamées qui n'ont pas été réglées dans les délais est fixée à 10 % pour l'ensemble des branches.

Plusieurs amendements rédactionnels et de précision ont été adoptés par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement et de notre collègue député Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général pour la commission des affaires sociales.

Votre rapporteur pour avis accueille favorablement ces dispositions.

2. L'exclusion des créances frauduleuses sur la sécurité sociale du champ de la procédure de surendettement des particuliers (article 63 ter)

À l'initiative d'Yves Bur et de plusieurs de nos collègues députés, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission des affaires sociales, le présent article 63 ter visant à exclure les créances frauduleuses sur la sécurité sociale du champ de la procédure de surendettement des particuliers .

Le surendettement des personnes physiques correspond à la situation caractérisée par l'impossibilité manifeste du débiteur de bonne foi de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles ou à échoir, conformément aux termes de l'article L. 330-1 du code de la consommation.

Lorsqu'une commission départementale de surendettement des particuliers reconnaît la situation de surendettement d'un particulier, sa décision peut prévoir des mesures de rééchelonnement ou de report de remboursement de ses dettes et emporte, suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées à l'encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci.

Toutefois, l'article 333-1 du code de la consommation précise que sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement :

- les dettes alimentaires ;

- les réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale.

La décision de la commission de surendettement des particuliers peut être contestée devant le juge civil, notamment pour mauvaise foi de la personne concernée.

Par conséquent, ce recours devant les juridictions civiles est nécessaire pour les organismes de sécurité sociale et pour les collectivités territoriales gestionnaires des prestations d'aide sociale lorsqu'elles souhaitent recouvrer des dettes ayant une origine frauduleuse auprès de particuliers ayant bénéficié de la procédure de surendettement.

L' article 63 ter , afin de faciliter la récupération de ces dettes, prévoit de compléter l'article L. 333-1 du code de la consommation précité de manière à exclure toute remise, tout rééchelonnement ou effacement des dettes ayant pour origine des manoeuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de sécurité sociale et des collectivités territoriales gestionnaires des prestations d'aide sociale . Il est par ailleurs prévu que l'origine frauduleuse de la dette est établie soit par décision de justice, soit par les organismes de sécurité sociale, soit par les collectivités territoriales .

Votre rapporteur spécial accueil favorablement cette initiative.

3. La récupération par les organismes de sécurité sociale des indemnités versées aux victimes de dommages corporels causés par des tiers (article 64)
a) L'indemnisation des dommages corporels par l'assurance maladie

Conformément aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale (CSS), lorsqu'un assuré social ou ses ayants droit est victime d'un dommage corporel causé par un tiers, les caisses de sécurité sociale sont tenues de leur servir les prestations sociales habituelles , telles que la prise en charge des frais de soins ou d'hospitalisation ou encore le versement d'indemnités journalières en cas d'arrêt de travail.

Cette obligation n'est exclue que lorsque la victime demande directement à l'auteur réparation du dommage causé. Quand tel n'est pas le cas, les organismes de sécurité sociale sont subrogés dans les droits de l'assuré et disposent du droit de demander à l'auteur du dommage ou à sa compagnie d'assurance le remboursement des prestations versées .

b) Le difficile remboursement des prestations servies par l'assurance maladie

Bien que subrogés dans les droits de la victime, les organismes de sécurité sociale rencontrent, dans les faits, des difficultés à obtenir le remboursement des prestations servies . En effet, pour récupérer les sommes versées, ces organismes doivent avoir connaissance de l'accident. Pour ce faire, il est nécessaire qu'ils en aient été informés , notamment par l'assureur de la victime ou du tiers responsable.

À cet effet, les articles L. 376-1 et L. 454-1 précités précisent que « la personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers ». La méconnaissance de cette obligation d'information par le tiers responsable ou son assureur est sanctionnée par une majoration de 50 % de l'indemnité forfaitaire de gestion. Un arrêté du 10 novembre 2010 66 ( * ) dispose que cette indemnité est comprise entre 97 et 980 euros à partir du 1 er janvier 2011. Par conséquent, le montant de la sanction applicable en cas de non-respect de cette obligation d'information n'est que de 490 euros au maximum .

Par ailleurs, lorsque l'assureur du tiers transige avec la victime, les organismes de sécurité sociale ne sont pas en mesure de récupérer les sommes versées et aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect de l'obligation d'information. Or, l'étude d'impact annexée au projet de loi de financement indique que 85 à 95 % des indemnisations par les assureurs se règlent par une transaction .

c) Faciliter le remboursement des prestations versées par les organismes de sécurité sociale

L' article 64 prévoit différentes mesures tendant à favoriser le remboursement des prestations versées par les organismes de sécurité sociale, soit à faciliter le recours contre tiers (RCT).

L'enjeu financier paraît important. Le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2011 indique que le recours contre tiers permet de dégager en 2011 une recette au profit de la CNAM égale à 637,9 millions d'euros pour la branche maladie et à 265,2 millions d'euros pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Par conséquent, il est proposé de modifier les articles L. 376-1 et L. 454-1 du CSS et d'y ajouter de nouvelles dispositions prévoyant que :

- lorsque l'assureur a conclu avec la victime un règlement amiable sans respecter l'obligation d'information des organismes de sécurité sociale, il ne peut leur opposer la prescription de sa créance . En plus du montant des prestations versées, l'assureur est tenu de verser une pénalité pouvant aller jusqu'à 50 % des sommes remboursées ;

- si l'assureur transige avec un assuré, il doit informer l'organisme de sécurité sociale de ce dernier . S'il ne respecte pas cette obligation, l'assureur ne peut opposer à la caisse la prescription de sa créance et doit verser une pénalité pouvant aller jusqu'à 50 % des sommes remboursées.

Il est aussi prévu que la contestation de la décision des organismes de sécurité sociale relative au versement de l'indemnité relève du contentieux de la sécurité sociale , c'est-à-dire de la compétence des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS).

Le rendement de ce dispositif est estimé à 25 millions d'euros . Toutefois, il a vocation à être complété par d' autres mesures préconisées par la CNAM , telles que l'actualisation des tables de capitalisation, l'élargissement du champ de versement des créances en capital en cas d'accident de la circulation et la réduction des délais de créances des dossiers d'accidents de la circulation. Au total, le produit du recours contre tiers pourrait rapporter 100 millions d'euros de recettes supplémentaires à la CNAM en 2012 .

d) Le remboursement sous forme de capital des rentes servies par les caisses de sécurité sociale

À l'initiative de notre collègue député Yves Bur, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à permettre aux caisses de sécurité sociale d'exiger le remboursement des dépenses à servir au titre notamment des prestations de rente, pension et frais futurs sous la forme d'un capital . Il s'agit de simplifier la gestion des prestations servies par les caisses de sécurité sociale.

Votre rapporteur spécial est favorable à ces dispositions qui ont été utilement complétées par l'Assemblée nationale.

4. La création d'une « flagrance sociale » (article 67 quater)

À l'initiative d'Yves Bur et de plusieurs de nos collègues députés, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission des affaires sociales, le présent article 67 quater qui prévoit de doter les organismes de sécurité sociale d'une procédure rapide de recouvrement des cotisations sociales en cas d'infraction à la législation de la sécurité sociale .

L' article 67 quater prévoit la création d'une « flagrance sociale » et la mise en place d'instruments permettant le recouvrement rapide des cotisations sociales par les organismes de sécurité sociale. Ainsi, il est inséré un nouvel article L. 243-7-4 dans le code de la sécurité sociale qui permet :

- à l'inspecteur du recouvrement de dresser un procès-verbal de flagrance sociale comportant l' évaluation du montant des cotisations dissimulées lorsque la situation et le comportement de l'entreprise ou de ses dirigeants mettent en péril leur recouvrement ;

- au directeur de l'organisme de recouvrement de demander au juge de l'exécution de pratiquer sur les biens du débiteur des mesures conservatoires , telles que les saisies conservatoires ou les sûretés judiciaires.

Votre rapporteur pour avis prend acte de cette initiative.


* 65 Décision n° 86-224DC du 23 janvier 1986, loi transférant à la juridiction financière le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence

* 66 Arrêté du 10 novembre 2010 relatif aux montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

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