B. LE SUCCÈS DU FONDS SIDA DEVRAIT LUI PERMETTRE D'ÉTENDRE SES MISSIONS À D'AUTRES ÉPIDÉMIES

De par son ampleur, son succès et également le montant de la contribution française, le fonds mondial contre le sida, le paludisme et la tuberculose constitue une figure phare des fonds verticaux.

a) Un succès financier et opérationnel

Depuis sa création en 2002, le Fonds Mondial a mobilisé 29 milliards de dollars américains. 21,7 milliards ont été engagés à ce jour. Des conventions de subventions ont été signées pour 18 milliards de dollars et 14 milliards ont été effectivement décaissés.

Si l'on considère les accords de subventions, les programmes de lutte contre le VIH/Sida représentent 55 % du portefeuille, alors que le paludisme concerne 28 % des subventions et la tuberculose 17 %.

Grâce la mobilisation du Fonds, ce sont actuellement 3 millions de personnes qui sont sous traitement ARV contre le VIH/Sida ; 2,7 milliards de préservatifs ont été distribués depuis 2002 grâce aux financements du Fonds Mondial ; 150 millions de séances de dépistage/conseil ont été réalisées dans les 150 pays soutenus ; Plus de 5 millions d'enfants orphelins ou vulnérables en raison du VIH/Sida ont pu être suivis depuis la création du Fonds Mondial.

En ce qui concerne le paludisme, 160 millions de moustiquaires imprégnées de longue durée ont été distribuées à ce jour. Et plus de 170 millions de patients ont pu être traités contre le paludisme dans les pays endémiques.

7,7 millions de cas ont été traités et suivis pour la tuberculose, en particulier en Afrique sub-saharienne et en Europe du centre et de l'Est.

Au-delà de ces résultats très encourageants, l'impact des programmes du Fonds Mondial a des répercussions positives sur l'évolution de ces maladies : On constate en effet un déclin des nouveaux cas et de la mortalité liée à ces maladies, en particulier dans les pays qui reçoivent le plus de subventions de la part du Fonds Mondial.

A titre d'exemple, il est constaté une baisse de 25 % de la mortalité liée au VIH/Sida au sein des 20 premiers pays récipiendaires du Fonds.

b) Des cas de fraude qui illustrent une crise d'adaptation

Depuis 2005, le Bureau de l'Inspecteur général a mené des audits et enquêtes dans 33 des 145 pays où le Fonds Mondial intervient. Il ressort de ces travaux que le montant total des crédits détournés, ou pour lesquels il n'existe pas de pièce justificative satisfaisante, s'élève à 43 millions de dollars. Les sommes totales auditées s'élèvent à 3,5 milliards au total. Les fraudes portent donc, à ce stade, sur 1,23 % des montants audités.

Il convient de souligner que les sommes auditées ne concernent que 15 % des sommes approuvées en Conseil d'administration. Le taux de fraude constaté sur ces 15 %, à l'échelle de l'ensemble des sommes engagées, pourrait théoriquement concerner plus de 200 millions d'euros.

Les quatre pays concernés par des fraudes avérées sont : Mali, Mauritanie, Djibouti et Zambie. Dans ces pays, des procédures judiciaires ont été engagées contre les auteurs présumés des fraudes. Des accords de remboursement ont également été trouvés entre le Fonds Mondial et les gouvernements concernés, lorsque les récipiendaires en dépendaient.

Même si des procédures de contrôle interne étaient déjà en place avant l'annonce de ces fraudes, le Fonds Mondial, en accord avec son Conseil d'Administration, a pris différentes mesures pour améliorer la prévention, la détection et la gestion du risque fiduciaire.

Tout d'abord, des réorganisations internes au sein du Secrétariat sont en cours afin de réallouer des ressources et compétences sur la gestion des subventions et des risques afférents.

De plus, les contrôles mis en place dans les pays à travers les Local Fund Agents (LFA) -généralement des entreprises de conseil et d'audit - sont en passe d'être renforcés, en particulier dans les pays considérés comme les plus à risque au regard du fiduciaire.

D'autre part, un panel de haut niveau a été mis en place à l'initiative du Président du Conseil pour travailler en profondeur sur cette question. Les conclusions de ce panel - auquel un Inspecteur Général des Finances français participe activement - sont attendues en septembre 2011.

Ces cas de fraude sont, en effet, plus généralement le signe qu'une réflexion doit s'engager sur l'adaptation des structures et des objectifs du fonds.

À l'origine le fonds mondial devait être uniquement une agence de financement innovant une agence opérationnelle. L'évolution du montant de ses ressources impose aujourd'hui de réaliser les procédures de surveillance financière et de renforcer ses capacités de suivi de mise en oeuvre des projets qu'elle finance.

Enfin, il convient de réfléchir au pilotage du fonds pour que l'allocation des crédits alloués corresponde bien aux priorités sanitaires. Le fonds mondial ne doit pas en effet allouer ces crédits en fonction des demandes nationales. Il convient donc de mettre en place une régulation en fonction de la stratégie d'éradication des épidémies.

c) Une augmentation de la contribution du fonds sida sera prélevée sur les financements de Unitaid

Le Président de la République a annoncé aux Nations unies, lors du sommet des OMD en septembre 2010, l'augmentation de 20 % de la contribution annuelle de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour la porter à un total de 1,4 milliard de dollars sur les trois prochaines années.

L'effort consenti depuis plusieurs années par notre pays au FMSTP est considérable puisque nous en sommes le deuxième contributeur en volume, derrière les Etats-Unis, et le premier en proportion de notre RNB.

Ce sont 300 millions d'euros qui sont chaque année ainsi consacrés à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Ce sera donc, à partir de 2011, 360 millions d'euros par an.

Vos rapporteurs se félicitent de l'engagement de la France dans la lutte contre le sida et des résultats obtenus par le fonds.

Ils s'étaient interrogés en revanche sur la façon dont la France va financer cette nouvelle contribution.

Il n'est en effet prévu dans ce dessein que 300 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement sur le programme 209. Il est indiqué que l'effort total programmé est de 360 millions mais que « le financement de cet effort, qui traduit une hausse de 60 millions d'euros, pourra faire appel à la taxe sur les billets d'avion. » 32 ( * ) .

Cette taxe dite de contribution de solidarité sur les billets d'avion (CSV), destinée à financer l'accès des populations des pays les plus pauvres aux médicaments et aux moyens de diagnostic, est entrée en vigueur sur le territoire français le 1 er juillet 2006. Le montant de cette contribution s'élève en France de 1 à 10 € par billet sur les vols intérieurs et de 4 à 40 € sur les vols internationaux, selon la classe du billet.

Elle a rapporté 823 millions depuis 2006 (chiffre au 16 septembre 2011), dont 163 millions € en 2010, sans aucun impact visible, ni sur le trafic aérien, ni sur le tourisme. L'AFD est en charge de gérer ces contributions qui alimentent le Fonds de Solidarité pour le Développement (FSD).

Pour financer cette augmentation le gouvernement vient de procéder à la modification du décret 2006-1139 du 12 septembre 2006 qui vient d'être publiée au Journal Officiel (6 octobre 2011) afin d'affecter les revenus de la taxe au Fonds Mondial, à UNITAID et à l'IFFIm.

Depuis 2008, le produit de la CSV est notifié au CAD de l'OCDE comme aide publique au développement (APD) française.

Les montants perçus au titre de la taxe sur les billets d'avion (2006-2010) ont évolué comme suit : 45 millions d'euros en 2006 (sur 4 mois), 164 millions d'euros en 2007, 173 millions d'euros en 2008, 162 millions d'euros en 2009 (du fait de la crise financière de l'automne 2008 diminuant le trafic aérien de l'ordre de 2 % et générant un report des billets de classe avant sur les classes arrières), 163 millions d'euros en 2010 (tendance confirmée de report d'environ 30 % des billets de classe avant sur les classes arrières). En règle générale, les estimations du revenu de la taxe sont comprises entre 160 millions d'euros et 175 millions d'euros, selon les années. Les facteurs ayant des conséquences sur le trafic aérien et les revenus de la taxe sont nombreux (grèves, climat, prix du pétrole) et rendent périlleuses toutes tentatives de prévision de revenus à la hausse. Les revenus 2011 pourraient ainsi approcher les 174 millions d'euros.

Le décret n°2006-1139 du 12 septembre 2006 fixait dans son premier article l'affectation du produit de la contribution de solidarité sur les billets d'avion, selon les modalités suivantes : à hauteur d'au moins 90 % à la facilité d'achat de médicaments (UNITAID) et dans la limite de 10 % pour le remboursement de la première émission de la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFIm).

Dans sa nouvelle rédaction, le décret étend la liste des institutions ayant vocation à bénéficier du produit de cette taxe au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et supprime la mention explicite de pourcentages réservés à chaque bénéficiaire, permettant ainsi de garantir une plus grande flexibilité dans l'affectation des recettes tout en respectant l'objectif initial de financer prioritairement l'accès aux médicaments et produits de santé pour le monde en développement.

Sans augmentation de la taxe, il faut comprendre que l'augmentation de la contribution au fonds Sida sera prélevée sur les ressources à destination de Unitaid.

d) La mise en oeuvre de la procédure par laquelle 5 % de la contribution française devrait transiter par des ONG françaises.

Comme annoncé lors de la Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), en octobre 2010, la contribution de la France au financement du Fonds Mondial pour les années 2011-2013 prendra deux formes :

- une contribution directe versée au Trust Fund « FM » et gérée par la Banque Mondiale ;

- une contribution indirecte, gérée par le ministère des affaires étrangères, pouvant représenter jusqu'à 5 % de la contribution globale française au FM chaque année (soit 18 millions par an).

Cette deuxième modalité de contribution est une tentative de réponse au diagnostic partagé par divers acteurs dans les pays francophones, et montrant que ces derniers rencontraient des difficultés récurrentes pour accéder aux ressources du fonds, ou pour assurer la mise en oeuvre des financements reçus. Les procédures et les exigences techniques du Fonds mondial sont complexes, évolutives et les ressources humaines des pays bénéficiaires sont souvent dépassées (en termes de disponibilité, ou de compétences spécifiques).

Pour mettre en place ce dispositif, le ministère a conduit des consultations élargies, tant en France que dans les pays bénéficiaires, avec les acteurs concernées, en concertation étroite avec l'ambassadeur chargé de la lutte contre le sida et les maladies transmissibles.

En Afrique et en Asie du Sud-Est, les conseillers régionaux santé dans nos postes diplomatiques ont organisé des rencontres avec les autorités nationales, et le secteur associatif. A Paris, les opérateurs potentiels (du monde hospitalier et universitaire, du secteur associatif, du secteur de la recherche et des bureaux d'études spécialisés) ont également été consultés, y compris lors d'une rencontre au cabinet du ministre d'Etat.

Il est convenu que l'ensemble des parties prenantes des programmes financés par le FM dans les pays francophones peuvent faire appel au Dispositif 5 % (CCM, récipiendaires principaux, sous-récipiendaires, acteurs des plans nationaux de lutte contre les trois pandémies : gouvernements et institutions publiques, organisations de la société civile ou du secteur privé).

Le dispositif vise avant tout à faciliter la mobilisation d'expertise technique (française ou francophone). Il n'a pas pour vocation de compléter ou remplacer les financements de produits médicaux, de salaires, de fonctionnement, qui doivent relever avant tout des financements directs du FM. En mobilisant l'expertise des opérateurs français et francophones, le dispositif contribuera à renforcer la complémentarité et les synergies entre les activités en matière de lutte contre les pandémies soutenues par la France de manière multilatérale et bilatérale.

Le dispositif sera géré, sur les plans techniques et financiers, par France Expertise Internationale, sous la supervision d'un Comité de pilotage présidé par le ministère des affaires étrangères et auquel participeront des représentants du ministère de la santé, de l'Agence française de développement et de la société civile. C'est le Comité de pilotage qui acceptera les demandes adressées par les acteurs de terrain via nos postes diplomatiques, puis qui validera les propositions de réponse préparées par FEI. Une convention entre le ministère des affaires étrangères et FEI est en cours d'élaboration.


* 32 Projet annuel de performances, annexe au PLF, aide publique au développement, page 100.

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