II. DU FORAGE DES PUITS DANS LE SAHEL À LA PRÉSERVATION DES BIENS PUBLICS MONDIAUX : UNE POLITIQUE QUI A RENOUVELÉ SES STRUCTURES, SES PROCÉDURES ET SA STRATÉGIE

A. UNE POLITIQUE QUI A RENOUVELÉ SES STRUCTURES, SES PROCÉDURES ET SA STRATÉGIE

À la lecture comparée des budgets de la mission aide au développement pour 2002 et pour 2012, on mesure le chemin parcouru par la coopération française.

Les crédits qui sont soumis à notre examen englobent aujourd'hui le réchauffement climatique, la prévention des conflits et la reconstruction des pays en crise. Ils témoignent d'une diversification sectorielle et géographique de nos interventions. Depuis dix ans, les modalités de l'aide ont de plus considérablement changé. La nature des projets, les modalités d'intervention, le nombre et la nature des partenaires se sont diversifiés. De la lutte contre la pauvreté à la préservation des biens publics mondiaux, l'aide au développement a tendance aujourd'hui à englober tous les aspects des relations avec les pays du Sud.

La structure actuelle du budget et la répartition des crédits d'intervention comme des emplois résultent d'abord d'une profonde modification des structures entreprise depuis 2004 avec la suppression du ministère de la coopération, la création de la DIGICID puis de la Direction Générale de la Mondialisation (DGM) au ministère des affaires étrangères, le transfert croissant de certains secteurs d'activités du quai d'Orsay à l'AFD puis la création de structure de coordination entre la direction du trésor, le quai d'Orsay et l'AFD avec le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et le Conseil d'orientation stratégique (COS).

Le partage au sein des programmes 110 et 209 entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale témoigne du poids croissant des organisations internationales de développement et des fonds verticaux que ce soit dans le même domaine, dans le domaine de la santé ou celui de la protection de l'environnement. L'évolution divergente des bonifications de prêts qui connaissent une croissance forte et des subventions dont le montant diminue illustre également une mutation des modalités d'intervention de la coopération française dans le sens d'un recours accru aux prêts et d'une diminution sensible des dons.

Après la réforme des structures, parallèlement à la réforme des modalités, les administrations en charge de la politique de coopération ont également renouvelé la stratégie de coopération au développement de la France. En effet, à travers la définition d'un document cadre de coopération au développement 6 ( * ) à laquelle la commission des affaires étrangère du Sénat avait participé, les pouvoirs publics se sont dotés pour la première fois d'une véritable stratégie dans un domaine où le pragmatisme et le traitement au cas par cas avait souvent prévalu. Cette stratégie a été récemment déclinée dans le nouveau contrat d'objectifs et de moyen de l'AFD qui a fait l'objet d'un avis de la commission en mars dernier 7 ( * ) .

L'ensemble de ces réformes ont pour origine des processus internes à la France telle que la réforme de l'État, la volonté de banaliser la relation avec l'Afrique et de l'intégrer dans une politique de coopération à l'échelle mondiale ainsi que les impératifs d'économies budgétaires et de rationalisation des politiques publiques. Elles tiennent également à l'évolution du contexte international comme notamment le parcours de plus en plus contrasté des pays du sud, les échecs des politiques d'aide au développement dans de nombreux pays d'Afrique et l'émergence des enjeux environnementaux.

Tous ces facteurs ont contribué à déstabiliser les politiques traditionnelles d'aide au développement. Force est de constater que les pouvoirs publics se sont adaptés aux modifications de l'environnement international avec une grande rapidité.

En quelques années, la politique de coopération française a investi des zones géographiques bien au-delà des anciennes colonies françaises. Elle a diversifié ses moyens d'intervention sous l'impulsion de l'Agence Française de Développement, a adapté l'assistance technique, a inventé de nouveaux modes d'intervention.

La rapidité de ces transformations ont accru la complexité d'une politique déjà en mal de repères. Si on ne prend que l'extension géographique de l'aide française, elle est telle qu'elle affecte sa lisibilité. Hier concentrée sur les pays du Champ, la France intervient aujourd'hui auprès d'une centaine de pays et territoires, des pays les moins avancés jusqu'aux grandes économies émergentes telles que la Chine, l'Inde et le Brésil, sans parler des décisions récentes d'extension des activités de l'AFD en Asie centrale dans le Caucase.

A cette complexité s'est ajoutée la perplexité des professionnels du secteur devant les résultats très contrastés des politiques menées depuis trente ans. Ni les succès, ni les échecs des pays du Sud ne semblent pouvoir s'expliquer par les modèles de développement successifs que beaucoup ont préconisés avec enthousiasme et dévouement.

S'ajoute à cela l'incompréhension croissante des citoyens. Comment expliquer au grand public que l'on trouve parmi les quatre premiers pays d'intervention de l'aide française en 2010, la Chine, alors que ce pays est considéré aujourd'hui comme le géant de demain, capable dès aujourd'hui de racheter le Portugal ou de voler au secours de l'euro ?

De ce point de vue le document-cadre de coopération développement, à la rédaction duquel votre commission a participé, a permis de donner un sens et une perspective à cette politique dont la présentation budgétaire ne permet pas d'en comprendre clairement les enjeux.

Ce document-cadre a également pour mérite de fédérer l'action des administrations qui concourent à l'aide au développement . En effet, une des particularités du dispositif français de coopération est bien la dichotomie entre l'action de la direction du trésor et celle de la direction générale de la mondialisation dont la séparation des programmes 110 et 209 est l'illustration.

Dans cette nouvelle stratégie qui imprègne l'ensemble des documents budgétaires relatifs au budget de la coopération, le changement le plus marquant par rapport aux analyses traditionnelles de l'aide au développement est la fin d'une vision dichotomique du monde.

L'atténuation de la dichotomie politique Nord-Sud, marquée par l'entrée des grands pays émergents dans le G20, apparaît potentiellement aussi importante que la fin de la confrontation Est-Ouest.

La fin de la dichotomie pays riches/pays pauvres se dessine avec l'apparition d'un classement moins binaire des Etats : moins avancés, pauvres, intermédiaires.

La disparition de la dichotomie donateurs/récipiendaires, avec un nombre croissant de pays qui sont simultanément donateurs et bénéficiaires d'aide publique au développement et avec lesquels il nous faudra inventer ensemble de nouvelles réponses aux défis contemporains.

La dissipation de la dichotomie aide publiques/marchés, avec la multiplication des instruments hybrides où l'action publique contribue à mobiliser les flux privés en faveur du développement.

La fin de la dichotomie Etat/ONG au profit d'une diversité d'acteurs publics (Etats, collectivités, opérateurs publics, chambres consulaires) et privés (associations, fondations, syndicats) et d'actions menées en consortium par ces divers acteurs.


* 6 "Pour une mondialisation maitrisée - Contribution au projet de document-cadre de coopération au développement" Rapport d'information n° 566 (2009-2010) du 17 juin 2010 de MM. Christian CAMBON et André VANTOMME

* 7 L'AFD, fer de lance de la coopération française Rapport d'information n° 497 (2010-2011) de MM. Christian CAMBON et André VANTOMME

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