EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 novembre 2011, sous la présidence de Mme Marie-Christine Blandin, la commission examine le rapport pour avis de M. Philippe Nachbar sur les crédits du programme « Transmission des savoirs » et de M. Vincent Eblé sur les crédits du programme « Patrimoine » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2012.

Un débat s'engage après la présentation des rapporteurs pour avis.

Mme Françoise Cartron . - Je n'aurai pas de commentaire sur le rapport lui-même, mais sur le fond : sur la démocratisation, l'accès à la culture et la sensibilisation. Vous notez la mise en place de l'enseignement d'histoire des arts comme un point positif, mais je note aussi le revers négatif de la médaille. Cela signifie un recul du contact direct entre les élèves et les artistes. Or les élèves doivent voir la réalité du monde de la culture.

Mme Cécile Cukierman . - Je voudrais nuancer ce qui a été dit sur les écoles d'architecture. Il y a un léger effort effectivement, mais il est insuffisant. La plupart sont dans un état de délabrement important, et nécessitent un effort de remise à niveau. La France se distingue par le coût très faible qu'elle consacre aux élèves et à leur avenir. Un certain nombre d'écoles, comme celle de Saint-Etienne, sont menacées même dans leur existence. Ce budget est un petit plus, mais on est loin de ce qu'il faudrait.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Je souscris à l'idée de Françoise Cartron. J'utiliserai une image qui marche toujours bien : on ne pourrait pas enseigner l'histoire du sport sans conserver des disciplines sportives en parallèle. C'est la même chose pour l'éducation artistique. Elle ne peut en outre s'appuyer que sur des pôles de référence sur un territoire, que sont les conservatoires. Tant que nous n'appliquerons pas la loi de 2004 sur les libertés et responsabilités locales, nous n'aurons pas les outils suffisants pour porter une ambition collective. Je tiens à réaffirmer très officiellement que les études de notre commission ont démontré, sur des régions pilotes, qu'il n'y avait pas de surcoûts avérés. Contrairement à ce que l'on imaginait au départ, il n'y a pas de surcoût notamment pour les régions. Nous portons une responsabilité collective dans la mise en application de cette réforme, qui permet l'ouverture des conservatoires au plus grand nombre. Ces établissements doivent s'ouvrir à tous les amateurs, et sont censés aussi apporter du savoir-faire dans les écoles environnantes pour apporter cette éducation artistique en milieu scolaire.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Ferez-vous une petite proposition de loi, madame Morin-Desailly ? Mais attention à l'article 40 !

Mme Maryvonne Blondin . - Je rejoins ce qu'ont dit mes collègues. Je souhaite apporter une information que j'ai lue dans la presse ce matin, sur le mécontentement d'un professeur d'arts plastiques. Il s'était impliqué dans son enseignement en 3 e , et a constaté que ses notes avaient été surévaluées par son principal sans aucune concertation. Il se sent discrédité et a décidé de ne plus enseigner. Cela montre qu'il y a encore du travail à faire. C'est une matière nouvelle, donc il faut former et sensibiliser les principaux à l'enseignement des arts. Mme Morin-Desailly nous disait que les conservatoires pouvaient venir abonder et compléter l'offre d'éducation artistique, mais il serait bon qu'ils puissent aussi intervenir dans les collèges. Il faudrait trouver des passerelles.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. - J'intègrerai les remarques des membres de la commission dans mon propos en séance, comme je l'ai toujours fait. Concernant l'histoire des arts, il faudra poser la question à Luc Chatel car c'est lui le ministre directement compétent. Le ministère de la culture et de la communication n'est qu'un facilitateur dans ce domaine, un « aiguillon ». Il a vocation à assurer la formation des enseignants et des directeurs, mais cela varie beaucoup d'un établissement à l'autre. Il a fallu des années pour que cette matière soit considérée comme une matière sérieuse. Nous l'avons déjà fait, mais il faut insister encore sur l'importance de cet enseignement : « 100 fois sur le métier remettez votre ouvrage ». Il est vital pour l'enjeu de l'égalité des chances, qui est depuis Jules Ferry le but premier de l'école. Je le dirai pendant l'audition du ministre.

Mme Françoise Cartron . - Beaucoup de collectivités territoriales se saisissent de la question de l'archéologie préventive car elles sont prescripteurs de grands chantiers. Lorsque les fouilles sont décidées cela n'a, me dit-on, qu'un impact quasiment neutre sur le coût de réalisation.

Concernant le patrimoine mondial, je suis particulièrement touchée par ce sujet. A Saint-Emilion, il y a des projets de cession d'un bâtiment à valeur patrimoniale ; il y a donc urgence à obtenir la protection du label.

Mme Françoise Laborde . - Je souhaite réagir sur la question des musées, et sur ce qu'a signalé la Cour des comptes. Ces musées que l'on crée en province, leur donne-t-on assez de moyens ? Cela ne sert à rien de les lancer si ce n'est que pour dire « nous l'avons fait » et se rendre compte trois ans plus tard qu'ils ne fonctionnent pas. On fait des choses en province parce qu'il faut en faire - et je pèse mes mots - mais on ne donne pas à ces musées les moyens de réussir dans la durée.

Mme Dominique Gillot . - S'agissant de l'archéologie préventive, effectivement, la loi oblige maintenant à faire des fouilles avant tout grand chantier d'aménagement. L'Inrap ou les services départementaux d'archéologie soumissionnent aux appels d'offres, dans la mesure où ils ont des personnels suffisants pour réaliser les travaux dans des délais qui ne perturbent pas le calendrier des aménageurs. Or, on constate qu'ils sont souvent concurrencés par des entreprises qui se donnent la compétence de faire des fouilles, avec bien entendu une moindre exigence de protection scientifique. Ce problème est lié au manque d'autorisations d'embauche d'archéologues pour mener à bien ces travaux. L'archéologie préventive académique est en train de perdre du terrain et risque progressivement de ne plus être retenue dans les appels d'offres. Il y a là un vrai sujet, que nous devrions examiner avec beaucoup d'attention.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je vous précise que notre commission a adopté au mois de juillet dernier un rapport d'information abordant ces sujets. C'est un vieux débat : en 2002 il y avait eu la première loi sur l'Inrap, et nous avions signalé la menace de filialisation de la recherche archéologique par des grands groupes de BTP moins sourcilleux sur la préservation des ressources.

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis sur les crédits « Patrimoines ». - Merci d'avoir évoqué l'archéologie préventive. Beaucoup de réformes ont été lancées ces dernières années, mais nous n'en sommes pas au bout. Le système en place pose des difficultés pour les collectivités territoriales et l'Inrap. Cela est dû aussi au caractère fluctuant de la territorialité, et donc à la difficulté de définir la taille du service d'archéologie. Soumises aux aléas de la concurrence, les collectivités territoriales préfèrent en effet avoir de très petits services plutôt que de risquer de créer un service surdimensionné qui subira une baisse d'activité une fois la fouille achevée. Dans la vallée de la Seine, les carriers nous demandent sans cesse de pouvoir réaliser des diagnostics. 2 % seulement aboutiront à des fouilles, mais le diagnostic seul prend déjà du temps. Les collectivités territoriales n'ont pas les moyens de répondre à ces demandes. Aujourd'hui, je le redis, il n'y a aucun crédit pour l'Inrap : une réforme de la RAP sera examinée en loi de finances rectificative.

Concernant le patrimoine mondial, votre réflexion est juste. Autrefois c'était un label de notoriété qui « boostait » le tourisme. Depuis, voyant que l'afflux de visiteurs entraînait des risques, l'UNESCO a mis en place une réelle protection. C'est formidable ; mais encore faut-il avoir les moyens de l'appliquer. Une multitude d'acteurs est concernée, une coordination est donc nécessaire. C'est à l'État d'en prendre la responsabilité puisqu'il est signataire de la convention de 1972.

Enfin, sur la décentralisation des musées, ma lecture est qu'il y a un risque clair de politique patrimoniale à plusieurs vitesses. Il y a un hiatus Paris-Province, mais pour affiner cette analyse binaire je signale qu'il y a aussi une différence entre un maillage diffus et un maillage plus dense entre les territoires. Les enjeux ne concernent pas que les grandes locomotives, mais l'ensemble du patrimoine. Or j'ai le sentiment que ce sont les plus petits qui sont les moins bien accompagnés. Si les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) continuent à pouvoir jouer un rôle, les architectes en chef ne le font plus parce qu'ils sont soumis à la concurrence. Lorsqu'ils faisaient les diagnostics, ils étaient assurés d'être chargés des travaux ensuite et donc d'être rémunérés. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les petites communes n'ont pas les moyens, ni les personnels pour le faire. Je souhaiterais pouvoir obtenir des informations sur ce type de collectivités territoriales et sur les aides qui leur sont accordées par l'État. On verrait à mon avis, mais ce n'est qu'une intuition, une différence de traitement considérable entre les petites et les grandes collectivités.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je vous invite à prendre connaissance du détail des rapports, qui sont bien sûr beaucoup plus riches que ce qui est présenté ici. Je voudrais signaler par exemple le problème des ressources humaines, avec un chiffre alarmant : d'ici 10 ans, la moitié des conservateurs de musées de la fonction publique territoriale seront en retraite et la relève n'est pas encore assurée.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».

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