C. UN TEXTE QUI NE RÉPOND PAS AUX ATTENTES DES ÉLUS LOCAUX

Enfin, le projet de loi génère, au stade de son application, de nouvelles difficultés pour les élus locaux et conduit à bouleverser les équilibres territoriaux. Il heurte ainsi la construction d'une stratégie urbaine à l'échelon des agglomérations. Sur ce point, le projet de loi entre en conflit avec les ambitions affichées dans le cadre de la loi « Grenelle 2 » 3 ( * ) qui a conforté l'échelon intercommunal dans l'élaboration et la révision des PLU.

Or, il apparaît incohérent qu'en matière de majoration des droits à construire, les communes aient la possibilité d'adopter une position contraire à celle retenue par l'EPCI compétent en la matière. Ce pouvoir de blocage accordé à l'échelon communal nuit à l'homogénéité des règles d'urbanisme voulue au niveau d'une agglomération.

Cette mesure est d'autant plus contestable qu'elle heurte ainsi des principes fondateurs et constants de la construction de l'intercommunalité française ; principes que sont celui de spécialité des EPCI et son corollaire, le principe d'exclusivité. En effet, la mesure envisagée par le projet de loi revient à recréer une compétence partagée entre les deux niveaux d'administration locale, au détriment de la rationalisation des compétences locales, pourtant défendue par le gouvernement lors de la réforme des collectivités territoriales.

Par ailleurs, le dépôt de ce projet de loi intervient dans un secteur, le droit de l'urbanisme, qui nécessite une vision de long terme que l'introduction de nouvelles mesures ne fait que perturber. Les professionnels du bâtiment et de l'aménagement, les professeurs de droit et les élus locaux ont pu, lors des auditions, exprimer leur attachement à un cadre juridique qui favorise , par une relative stabilisation et par sa cohérence, la confiance des investisseurs privés en matière de construction ou de réhabilitation du parc locatif. Or, l'adoption du projet de loi pourrait conduire à remettre en cause l'architecture globale de PLU ou de SCOT finalisés et en cours d'approbation.

En outre, le projet de loi serait une source de lourdeurs pour les élus du terrain, dans la mesure où il ajoute de nouvelles formalités procédurales de consultation du public, à accomplir obligatoirement dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, et ce, quel que soit le sens final de la décision de l'autorité locale. La préparation d'une note d'information à soumettre au public avant toute décision de l'assemblée délibérante, le tout dans un délai fort court de six mois, ne manquera pas d'impliquer des frais d'études voire, pour les plus petites collectivités territoriales, le recours à des prestataires extérieurs. Le projet de loi impose ainsi une nouvelle charge financière aux collectivités territoriales.

Votre commission constate enfin que, par sa piètre qualité rédactionnelle, le projet de loi laisse planer de nombreuses incertitudes juridiques, notamment sur l'opposabilité et la valeur juridique de la « note d'information » prévue lors de la consultation.

Ces imprécisions formelles ne manqueront pas de générer des contentieux dans une matière qui, traditionnellement, en compte d'ores et déjà un nombre non négligeable et croissant.

C'est pourquoi votre commission des lois a marqué son désaccord avec le dispositif prévu par le projet de loi.

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Au regard de ces observations, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption du projet de loi.


* 3 Loi n° n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

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