N° 795

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 juillet 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif à la consommation ,

Par Mme Michèle ANDRÉ,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1015 , 1110 , 1116 , 1123 , 1156 et T.A. 176

Sénat :

725 , 792 , 793, 795, 809 et 810 (2012-2013)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Au 31 mars 2013, environ 778 000 ménages français bénéficient de mesures de surendettement. Au total, en 2012, 220 836 dossiers ont été déposés auprès des commissions départementales de surendettement. Ces chiffres, bien qu'en léger recul par rapport à l'année 2011, illustrent l'ampleur et la persistance d'un phénomène que le législateur, lors de l'adoption de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989, dite « Neiertz », avait cru n'être que temporaire. Il s'agit d'un enjeu social de première importance, du fait des contraintes budgétaires imposées par les mesures de surendettement, mais aussi de leur impact psychologique sur les personnes concernées. C'est également un enjeu économique en raison de l'effet des mesures de surendettement, notamment des effacements de dette, sur le secteur du crédit à la consommation, les taux pratiqués et la sélectivité des clients et, partant, sur le dynamisme de la consommation en France.

La loi du 1 er juillet 2010 a constitué, dans ce contexte, une réforme globale du crédit à la consommation et du surendettement . Elle s'est traduite par une responsabilisation de la distribution du crédit à la consommation et par une diminution de la part du crédit renouvelable dans l'encours global de crédit à la consommation.

Toutefois, le bilan de son application, réalisé tant par le Parlement 1 ( * ) que par les parties prenantes au sein du Comité consultatif du secteur financier, a montré les lacunes de la loi et les possibilités de contournement utilisées par les établissements .

De façon générale, encadrer le modèle du crédit et de sa distribution apparaît aujourd'hui insuffisant . En effet, le surendettement a changé, avec une augmentation importante des débiteurs surendettés en raison d'une insuffisance structurelle des ressources. En outre, aucune solution n'a été apportée au problème structurel du manque d'informations du prêteur sur la situation financière réelle du candidat au crédit .

Dans ce contexte, le projet de loi relatif à la consommation adopté par l'Assemblée nationale le 3 juillet 2013 cherche à apporter, dans son chapitre 3 consacré au crédit et à l'assurance, les réponses aux manques constatés dans l'application de la loi du 1 er juillet 2010 .

Outre la précision de certaines mesures d'encadrement en matière de crédit à la consommation, le projet de loi vise ainsi, par son article 22 bis adopté à l'initiative du Gouvernement, à créer un registre national des crédits aux particuliers . Même si plusieurs modifications semblent nécessaires pour en assurer la pleine efficacité, le dispositif adopté constitue, du fait de son format limité aux crédits à la consommation en cours d'utilisation, un « fichier positif » à la française, adapté aux préoccupations légitimes en matière de proportionnalité et de protection des données personnelles .

Par ailleurs, nos collègues députés ont adopté, en commission et en séance publique, un certain nombre d'articles additionnels sur le crédit à la consommation et le surendettement. Si ces articles constituent principalement des ajustements bienvenus suite à la réforme de 2010, certains d'entre eux vont bien au-delà et modifient en profondeur l'équilibre du secteur du crédit à la consommation et de sa distribution , sans cohérence avec la création du registre national. Les amendements adoptés par votre commission des finances visent, tout en reprenant l'esprit et l'objectif de ces articles, à rétablir cette cohérence et à réduire les risques de ces dispositions sur la consommation.

Par ailleurs, le projet de loi comporte plusieurs dispositions en matière bancaire et financière dont s'est saisie la commission des finances, en particulier la mobilité bancaire, l'assurance-emprunteur et la régulation des jeux en ligne.

Au total, votre commission des finances, saisie de trente articles du projet de loi 2 ( * ) , propose vingt-quatre amendements à la commission des affaires économiques, portant essentiellement sur l'encadrement du crédit à la consommation et sur le registre des crédits.

I. L'ACHÈVEMENT D'UNE RÉFORME GLOBALE DU CRÉDIT À LA CONSOMMATION

A. LA TRANSFORMATION DU SECTEUR DU CRÉDIT À LA CONSOMMATION DEPUIS L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 1ER JUILLET 2010

1. Une réforme majeure des modalités du crédit à la consommation

L'objectif affiché par Christine Lagarde, alors ministre de l'économie et des finances, lors de la présentation du projet de loi de réforme du crédit à la consommation en 2009, était de mettre en place une « distribution plus responsable du crédit » 3 ( * ) . A l'issue de la discussion parlementaire, qui a considérablement enrichi le texte, le projet de loi, devenu la loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation (dite loi « Lagarde ») était passé de 36 à 63 articles. Comme le soulignent notre collègue Muguette Dini et notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier dans leur rapport sur l'application de la loi du 1 er juillet 2010, les dispositions de la loi « ont eu un impact sur le secteur du crédit à la consommation pour l'ensemble du cycle de vie d'un contrat , depuis sa distribution commerciale jusqu'au déroulement de son remboursement, en passant par les conditions de sa souscription » 4 ( * ) .

Parmi l'ensemble des mesures prévues par la « loi Lagarde », rappelons quelques unes parmi les plus déterminantes pour l'évolution du secteur :

- la réforme du mode de calcul du taux de l'usure , qui dépend non plus de la nature des crédits mais de leur montant ;

- l'encadrement de la publicité et des offres de crédit , avec l'introduction d'un exemple représentatif, d'un résumé des caractéristiques essentielles du crédit et de la mention obligatoire d'alerte « un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager » ;

- l'encadrement de la commercialisation du crédit , qu'il s'agisse de l'obligation de vérifier la solvabilité de l'emprunteur ou de la rémunération et de la formation du vendeur ;

- la réforme du crédit renouvelable , notamment par la mise en place d'une durée maximale de remboursement, par la résiliation de plein droit du contrat de crédit renouvelable à l'issue de deux années d'inactivité du compte et par la mise en oeuvre d'un paiement « comptant » par défaut sur les cartes de crédit renouvelable.

A l'instar de Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier dans leur rapport précité, le Gouvernement souligne, dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, que « cette loi a eu un impact positif, qui se traduit notamment par une baisse de la durée et du coût moyen du crédit renouvelable et une diminution de ce dernier dans la part du crédit à la consommation ».

2. Une diminution significative de la production de crédits à la consommation, en particulier de crédits renouvelables

L'encours total de crédits à la consommation connait une période de stagnation, voire de léger repli, depuis 2009 . Ainsi, au 31 mars 2013, l'encours total de crédit à la consommation s'établissait, selon la Banque de France, à 145,7 milliards d'euros, en baisse de 1,6 % sur un an.

Cela s'explique par la diminution importante de la production nouvelle de crédits à la consommation . Alors qu'elle s'établissait à près de 44 milliards d'euros en 2008, elle a chuté de 13 % en 2009 et, après un léger rebond en 2010, a à nouveau connu deux années de réduction (-0,4 % en 2011 et -4,9 % en 2012), soit une baisse globale de 18,5 % sur la période 2008-2012 5 ( * ) .

S'agissant, plus précisément, de la part du crédit renouvelable dans le total des crédits à la consommation, les statistiques montrent une diminution significative et constante de l'encours et de la production de crédits depuis 2009 (voir graphique ci-dessous).

Evolution annuelle de la production de crédits renouvelables

Source : rapport annuel 2012 de l'ASF

En 2008, le Gouvernement avait commandé à un cabinet privé de conseil, le cabinet Athling, un rapport sur le crédit à la consommation et les perspectives de réforme. Ce rapport, remis la même année, a servi de base de travail pour le projet de loi relatif au crédit à la consommation (rapport Athling 2008). En 2012, le comité consultatif du secteur financier (CCSF) a demandé à nouveau un rapport à ce même cabinet sur le bilan de l'application de la loi du 1 er juillet 2010 (rapport Athling 2012).

Selon ce rapport Athling de 2012, « le crédit renouvelable post-LCC est en pleine évolution . Il se différencie nettement du crédit renouvelable avant LCC, marquant l'impact rapide de la réforme sur ce type de crédit :

- Le montant moyen d'ouverture d'un compte de crédit renouvelable est plus faible qu'auparavant (...).

- L'encours moyen par compte de crédit renouvelable stagne, voire baisse pour des prêteurs.

- Les durées de remboursement se raccourcissent.

- Les taux à l'ouverture et sur l'encours sont aussi en baisse.

- Les augmentations de plafond (montant accordé ou montant consenti) sont moins fréquentes ».

Au total, on constate que le crédit renouvelable s'est donc « recentré » sur la catégorie de prêts pour laquelle il peut être adapté, à savoir la petite trésorerie à court terme et les achats de faible montant : en 2012, 41,5 %, contre 38,2 % en 2010, des montants accordés sont inférieurs à 1 525 euros et 22,5 %, contre 27,5 % en 2010, sont supérieurs ou égaux à 3 000 euros 6 ( * ) .

A l'inverse, la production de prêts personnels a augmenté de 6,3 % entre 2010 et 2012 d'après le rapport Athling.

Dans ce contexte général de baisse du crédit à la consommation, en particulier du crédit renouvelable, il est cependant difficile de distinguer l'effet de la loi du 1 er juillet 2010 de celui de la crise économique et des incertitudes qui, depuis l'été 2011 notamment, pèsent sur la consommation des ménages français. Cela est particulièrement vrai pour le crédit affecté, notamment automobile, dont la baisse significative (- 6 % entre 2010 et 2012) est principalement liée à la chute des ventes d'automobiles.


* 1 Voir notamment le rapport n° 602 (2011-2012) de Mmes Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois : « Crédit à la consommation et surendettement : une réforme ambitieuse à compléter ».

* 2 Sections 1 (16 articles) et 3 (5 articles) du chapitre III et articles 72 quater à 72 duodecies de la section 2 du chapitre VI (9 articles).

* 3 Sénat, compte-rendu de la séance du 16 juin 2009.

* 4 Rapport n° 602 (2011-2012) fait par Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois : « Crédit à la consommation et surendettement : une réforme ambitieuse à compléter ».

* 5 Données de l'Association française des sociétés financières (ASF), qui représente environ 60 % du secteur du crédit à la consommation et 80 % du crédit renouvelable.

* 6 Rapport Athling 2012.

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