II. DES DISPOSITIONS NOUVELLES QUI MODIFIENT EN PROFONDEUR LE SECTEUR DU CRÉDIT À LA CONSOMMATION

A. LA RÉDUCTION DU « DÉLAI CHATEL » : UN RISQUE POUR LA CONSOMMATION (ARTICLE 19)

A l'initiative de notre collègue député Michèle Bonneton et d'autres membres du groupe écologiste et avec un avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit à l'article 19, qui ne procédait initialement qu'à des modifications rédactionnelles de l'article L.311-16 du code de la consommation, une disposition abaissant de deux à un an le délai (dit délai « Chatel ») au terme duquel le contrat de crédit renouvelable qui n'a fait l'objet d'aucune utilisation est automatiquement résilié, sauf demande expresse de l'emprunteur au plus tard vingt jours avant la date d'échéance du contrat.

Institué par la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur (dite « loi Chatel »), ce délai avait à l'origine fixé à trois ans.

Le rapport Athling de 2008 indiquait que l'application de cette mesure avait conduit en 2007 à la fermeture de près 2,45 millions de comptes , soit l'équivalent du nombre d'ouvertures de comptes de crédit renouvelable sur cinq mois d'activité. Il estimait alors qu'une réduction du délai ne semblait pas utile en raison :

- d'une ancienneté moyenne des comptes ouverts élevée (plus de 50 % ont au moins cinq ans), ce qui montrerait l'intérêt porté à ce produit sur une durée supérieure à douze mois ;

- de la faible activité des comptes (moins d'un compte sur deux est actif) ;

- du nombre déjà significatif de fermetures liées à la loi Chatel sur les trois années d'inactivité.

Toutefois, le délai a été abaissé à deux ans par la loi Lagarde de 2010 . Le rapport Athling de 2012 affirme que cette mesure est à l'origine de 60 % des fermetures de compte de crédit renouvelable intervenues depuis la loi Lagarde et de 1,6 million de fermetures supplémentaires par rapport à 2010. Dans ce contexte, l'abaissement du délai à un an ne fait pas partie des préconisations du rapport Athling de 2012.

Questionné par votre rapporteure pour avis, le Gouvernement indique qu'au total, l'instauration de la résiliation automatique au bout de trois ans a provoqué la suppression de quatre millions de comptes de crédits renouvelables et le passage de trois à deux ans la fermeture de sept millions de comptes .

La résiliation au bout d'un an d'inactivité devrait accélérer les résiliations. Compte tenu à la fois des expériences passées et des sondages réalisés auprès des établissements de crédit, il faut, selon le Gouvernement, s'attendre à la clôture de 20 % des comptes de crédits renouvelable, soit environ huit millions de comptes .

Si l'objectif est de diminuer le nombre de comptes de crédit renouvelable , une nouvelle réduction du délai serait donc très efficace .

S'il s'agit de lutter contre le surendettement , comme l'indiquent les promoteurs de l'amendement à l'Assemblée nationale, la pertinence de la mesure est plus discutable , dans la mesure où sont visés les consommateurs qui, précisément, n'ont pas recours de manière régulière au crédit renouvelable. Il faut également tenir compte de la création du registre national qui pourrait limiter les risques de surendettement liés à la détention d'un compte de crédit renouvelable.

En revanche , l'inconvénient pour les organismes prêteurs et les enseignes est certain et important , ces emprunteurs « ponctuels » pouvant être freinés dans un éventuel achat nécessitant un crédit par la nécessité d'ouvrir un nouveau compte.

L' impact négatif serait particulièrement marqué pour les enseignes de grande consommation , déjà très fragilisées par la crise . A titre d'exemple, d'après les informations transmises à votre rapporteure pour avis par la Fédération française du négoce de l'ameublement et de l'équipement de la maison, la mesure envisagée conduirait à des réouvertures de dossiers qui décourageront les clients les plus solvables et le chiffre d'affaires des enseignes de la distribution serait touché dans une proportion allant de 10 % à 20 % .

La réduction présenterait également un inconvénient pour les consommateurs qui bénéficient à travers ces cartes de divers avantages commerciaux, perdus en cas de résiliation automatique .

Compte tenu de ces éléments, et face à la nécessité de traiter la situation des consommateurs titulaires d'un compte de crédit renouvelable attaché à une carte de fidélité sans en avoir l'usage, votre rapporteure pour avis propose de rétablir le délai de résiliation à deux ans mais de l'assortir d'une obligation de proposer, au terme d'une année d'inactivité du compte, le basculement vers une carte permettant de bénéficier d'avantages promotionnels sans fonction de crédit .

Cette mesure n'aurait pas pour effet d'instaurer une déliaison générale : en effet, il ne s'agit pas d'interdire les cartes double fonction qui, parce qu'elles sont gérées par des établissements de crédit spécialisés, permettent à certaines enseignes de distribution de proposer des offres promotionnelles plus structurées et plus intéressantes pour le consommateur.

En revanche, cette mesure serait cohérente avec l' engagement de la profession résultant de l'avis adopté par le Comité consultatif du secteur financier le 15 novembre 2012 de mettre systématiquement une telle carte à disposition des consommateurs dès lors qu'une carte de crédit renouvelable est proposée. Pour conforter le dispositif global et afin d'éviter que le consommateur ne soit poussé à ouvrir un compte de crédit renouvelable à la seule fin de bénéficier des avantages commerciaux et promotionnels qui lui sont associés , votre rapporteure pour avis a proposé à votre commission, qui l'a adopté, un amendement donnant une traduction législative à cet engagement, dans une version renforcée, puisque la proposition de carte sans crédit devra accompagner l'offre de crédit et être mentionnée dans toute publicité faisant référence aux avantages associés à la carte de crédit.

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