EXAMEN DES ARTICLES

Article 16 (art. 3-1, 20-5 et 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) - Modification des pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel relatifs à l'image et la place des femmes dans les médias

Le présent article tend à modifier la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes dans les médias audiovisuels.

I. Le droit existant et ses limites

A. Les règles actuellement en vigueur

La protection de l'image des femmes à la télévision fait déjà l'objet de plusieurs dispositions de la loi précitée du 30 septembre 1986, qui fixe des principes généraux (article 1 er ), confie des pouvoirs spécifiques au CSA (articles 3-1 et 15), et institue des obligations pour les chaînes publiques (article 43-11).

Aux termes de l'article 1 er de la loi , la liberté de communication ne peut ainsi s'exercer que dans la limite d'autres principes, dont celui de la « dignité de la personne humaine ».

L'article 3-1 de la même loi confie au CSA le soin de veiller, auprès des éditeurs de services de télévision, à ce que les programmes qu'ils proposent reflètent la diversité de la société française et qu'ils mettent en oeuvre des « mesures adaptées pour améliorer l'effectivité de cette diversité dans tous les genres de programmes ». Le CSA remet à cet égard un rapport annuel sur l'application du principe de diversité à la radio et à la télévision.

Comme il le souligne dans son rapport annuel pour 2012, le CSA a donné au terme « diversité » une acception large, incluant la diversité de sexe.

Interprétant de façon précise les obligations légales, le CSA a adopté une délibération en date du 10 novembre 2009 tendant à favoriser la représentation de la diversité de la société française dans les programmes des chaînes nationales hertziennes gratuites et de Canal + : les chaînes sont notamment incitées à prendre des engagements spécifiques annuels en matière de représentation de la parité hommes-femmes.

Le Conseil surveille, en outre, le respect de l'application de la parité par les chaînes, lors de leurs interviews de personnalités politiques, professionnelles ou sociales.

L'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 donne mission au Conseil supérieur de l'audiovisuel de veiller « au respect de la dignité de la personne dans les programmes » des services de radio et télévision, quels que soient la nature et le support de diffusion ou distribution de ces services.

Selon les informations fournies par le CSA, l'autorité serait intervenue 12 fois depuis 2000 auprès des services audiovisuels sur la base de ces dispositions, en raison de propos ou de comportements discriminatoires ou dégradants envers les femmes, le nombre global d'interventions annuelles auprès des éditeurs s'élevant entre 30 et 40 selon les années.

En outre, l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 impose aux sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle de mettre en oeuvre des actions « de lutte contre (...) les préjugés sexistes, les violences faites aux femmes, les violences commises au sein du couple et de l'égalité entre les hommes et les femmes ».

La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes est venue renforcer les dispositions de protection de l'image des femmes :

- en offrant au CSA la possibilité de suspendre des services de médias audiovisuels à la demande étrangers en cas de risque sérieux et grave d'atteinte au respect de la dignité de la personne humaine du fait des origines, de la religion, de la nationalité ou du sexe (article 43-9) ;

- en ouvrant droit aux associations de défense des droits des femmes de saisir le CSA afin qu'il mette en demeure les sociétés nationales de programmes (article 48-1) et les éditeurs et distributeurs de services par satellite (article 42), de respecter leurs obligations légales.

Selon un bilan établi par le CSA en janvier 2012, les associations de défense des droits des femmes ont utilisé cette faculté, notamment afin de contester des propos tenus sur des stations de radio remettant en cause la gravité d'actes d'agressions sexuelles commis envers les femmes.

Extrait de la convention mise en place par le CSA avec les chaînes

I. LES ENGAGEMENTS DE L'EDITEUR

A. Contenu des engagements

L'éditeur s'engage, au regard des caractéristiques de sa programmation, à améliorer significativement la représentation de la diversité de la société française sur son antenne. La diversité de la société française s'entend dans son acception la plus large. Elle concerne notamment les catégories socioprofessionnelles, le sexe, l'origine et le handicap .

L'éditeur propose au Conseil, chaque année, en fonction des spécificités de sa programmation et des insuffisances relevées par les baromètres de la diversité à la télévision, des engagements, qui peuvent être concertés avec d'autres éditeurs, sur les points suivants.

1. Lors de la commande et de la mise en production des programmes

L'éditeur fait ses meilleurs efforts pour faire figurer dans ses contrats de commande de programmes et, le cas échéant, dans les conditions générales des contrats qui y sont annexées, une clause prévoyant que les parties s'assurent de la représentation de la diversité de la société française dans les programmes qui sont l'objet de ces contrats.

2. À l'antenne

Compte tenu de la nature de sa programmation, l'éditeur s'engage à ce que la diversité de la société française soit représentée dans tous les genres de programmes mis à l'antenne. Il apporte une attention particulière à trois types de programmes : l'actualité française dans les journaux télévisés, les divertissements et les fictions inédites françaises. (...)

3. Auprès des responsables de l'information et des programmes

Afin de mieux contribuer aux actions en faveur de la cohésion sociale et de la lutte contre les discriminations, l'éditeur s'engage à sensibiliser de manière régulière sa rédaction et ses responsables de la programmation sur la nécessité d'améliorer la représentation de la diversité de la société française dans les programmes mis à l'antenne.

Chaque année, il fait part au Conseil des modalités concrètes de mise en oeuvre de ces actions. (...)

II. LE SUIVI PAR LE CONSEIL

Le Conseil veille au respect des engagements pris par l'éditeur en application du I de la présente délibération, en se fondant notamment sur les résultats des baromètres.

A. Le baromètre de la diversité à la télévision établi par le Conseil

Chaque semestre, le Conseil publie les résultats du baromètre de la perception de la diversité de la société française dans les programmes des chaînes hertziennes nationales gratuites et de Canal +. Ce baromètre est établi selon une méthodologie définie par le Conseil. (...)

D. La communication des engagements et des résultats

Les engagements pris par les éditeurs en application de la présente délibération ainsi que l'appréciation de leur réalisation sont rendus publics par le Conseil dans le rapport qu'il établit chaque année en application de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986.

B. Impact et limites des pouvoirs du CSA

En septembre 2008, la Commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias présidée par Michèle Reiser, alors membre du CSA, avait rendu un rapport soulignant la sous-représentation des femmes dans les programmes de télévision, souvent reléguées dans des rôles de mère de famille, de victimes ou de témoins. Selon ce rapport, le nombre de femmes « interrogées » étaient de 31 % et le nombre de leurs prises de parole de 37 %, leur temps moyen de parole étant de 9 secondes contre 12 secondes pour les hommes, soit 25 % de temps en moins pour les femmes.

En 2008, le CSA a créé un Observatoire de la diversité (dans les services de communication audiovisuelle), qui a constaté de manière récurrente, une sous-représentation des femmes parmi les intervenants dans les programmes de télévisions (35 % -avec un rôle souvent secondaire- dont seulement 14 % dans les programmes sportifs, alors que les femmes représentent 56 % de l'audience TV et 50 % des usagers d'Internet).

Selon les éléments fournis à votre rapporteure pour avis, ces chiffres ont peu ou pas évolué en 5 ans .

Le rapport sur la diversité du CSA d'octobre 2012 observe que les données relatives à la parité femmes/hommes sont strictement dans les mêmes proportions que lors des vagues précédentes avec une très nette sous-représentation des femmes a` la télévision (35 % des personnes indexées) au regard de leur poids démographique mesure' par l'INSEE (51 % de la population française), et ce quel que soit le type de programme. Néanmoins, « une analyse plus affinée permet de relever de meilleurs résultats sur des sous-genres : 41 % des « personnages principaux » dans les fictions et 46 % des « héros » (présentatrices) dans l'information sont des femmes ».

Cela pourrait s'expliquer par l'omission des services de communication audiovisuelle privés dans le dispositif légal, le CSA pouvant uniquement se prévaloir de son obligation très générale de veille prévue par l'article 15 de la loi du 30 décembre 1986, pour inciter ces opérateurs privés à lutter contre les violences faites aux femmes.

Sous l'égide de l'autorité, les représentants de tous les médias traditionnels (presse, radio et télévision) ont signé, le 13 octobre 2010, un accord d'autorégulation visant à améliorer l'image des femmes et à favoriser leur présence dans les médias par lequel ils s'engagent à augmenter les interventions des femmes sur les plateaux et à favoriser les interventions d'expertes femmes dans les émissions et les articles, charge à la Commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias de les accompagner dans cette expérience et de proposer un vivier d'expertes.

Auditionnée à plusieurs reprises par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, Michèle Reiser a souligné que la prise de conscience était réelle mais que les avancées concrètes restaient difficiles , notamment en raison de l'absence de réelle contrainte.

Dès lors, même si le CSA indique qu'il examine aussi, lors des procédures d'attribution de fréquences, les engagements souscrits par les candidats en matière de respect de la diversité entre les femmes et les hommes (il en est allé ainsi lors de l'attribution des 6 fréquences hertziennes pour la télévision numérique terrestre (TNT) gratuite, en 2012), rien n'assure qu'ils seront respectés .

Cette analyse est partagée par l'autorité de régulation de l'audiovisuel qui indique, dans son dernier rapport annuel que « le 29 janvier 2013, le CSA a créé un groupe de travail « Droits des femmes », placé sous la présidence de Sylvie Pierre-Brossolette (membre du CSA). Réunie en avril 2013, cette commission, constatant que l'ensemble des initiatives entreprises depuis 5 ans n'avaient que peu ou prou porté leurs fruits , a indiqué vouloir oeuvrer dans les directions suivantes :

- suivi approfondi de l'image des femmes à l'antenne afin de mieux lutter contre les stéréotypes et promouvoir l'expertise féminine ;

- veille de la place accordée aux femmes dans le secteur audiovisuel ;

- propositions d'évolution législative consacrant spécifiquement les droits des femmes dans les missions du CSA et précisant les missions des chaînes et plus particulièrement de celles du secteur public ;

- sensibilisation des opérateurs et producteurs en cas de nouvelles dispositions législatives ;

- meilleur respect de l'équilibre homme-femme dans les nominations relevant de la compétence du CSA (sociétés nationales de programme et INA).

Force est de constater que, même en l'absence d'obligations légales extrêmement précises, le CSA s'est déjà pleinement saisi, depuis plusieurs années, de sa mission de veille du respect de la parité sous tous ses aspects, par les opérateurs du secteur. Le problème ne réside donc pas dans le manque d'incitation de la part de l'autorité indépendante mais dans l'absence de volonté réelle de la part des services de communication audiovisuelle, sans doute due à des habitudes et pratiques bien ancrées et très anciennes et peut-être également à l'insuffisance de mesures coercitives réellement dissuasive ? »

Dans ce même rapport, le CSA suggère donc que lui soit reconnue, dans la loi, « une responsabilité expresse en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes ».

Il précise qu'une telle reconnaissance impliquerait de modifier plusieurs éléments importants de la loi : « en premier lieu, l'article 3-1 relatif aux missions du Conseil devrait souligner de manière expresse le devoir de respect des droits des femmes par les services audiovisuels et en préciser la portée pour les missions du régulateur.

Une nouvelle disposition pourrait, en outre, exiger la contribution des services de télévision à l'objectif de respect des droits des femmes, par le biais de programmes conçus selon cette finalité dans des conditions fixées par le Conseil.

Enfin, l'enjeu des droits des femmes impliquerait une formulation nouvelle des missions des sociétés du secteur public audiovisuel et leur répercussion dans leurs cahiers des charges ».

II. Le texte proposé par le présent projet de loi

Le présent article suit les recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel, puisqu'il intègre un triple dispositif, qui confie une mission spécifique au CSA d'assurer le respect des droits des femmes, fixe des obligations d'engagement pour l'ensemble des chaînes hertziennes et précise les responsabilités du service public audiovisuel.

Le 1° de l'article (alinéas 2 et 3) complète les missions du CSA fixées à l'article 3-1 de la loi relative à la liberté de communication du 30 septembre 1986 en prévoyant qu'il assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle . Rappelons à cet égard que les services de communication audiovisuelle sont les services de télévision et de radio, hertziens ou non, ainsi que les services de médias audiovisuels à la demande (services de télévision et de radio notamment présents sur Internet).

Plus précisément, le CSA devrait veiller :

- à une juste représentation des femmes dans les programmes des services de communication audiovisuelle . Votre rapporteure considère que l'incapacité de la télévision et de la radio à valoriser le rôle et la place des femmes dans la société est construite sur des habitudes fortement ancrées davantage que sur des stratégies réfléchies et estime qu'une telle incitation sera extrêmement positive pour les chaînes, en améliorant l'identification du public aux programmes visionnés ;

- et à l'image des femmes dans les programmes , « en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples ». Sur ce sujet, votre rapporteure souhaite insister sur la responsabilité sociétale du média audiovisuel susceptible de jouer un rôle important d'orientation des comportements.

Le 2° de l'article est novateur (alinéas 4 et 5). Il crée un nouvel article 20-5 dans la loi du 30 septembre 1986, qui impose que les services nationaux de télévision diffusés par voie hertzienne (TNT gratuite et payante, soit une trentaine de chaînes de télévision), contribuent à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes, en diffusant des programmes relatifs à ces sujets.

Par cette disposition, on passe ainsi dans une logique active , poussant les chaînes à réfléchir à des programmes spécifiques dédiés à cette problématique majeure pour la société française.

Cette disposition s'inspire de celle prévue à l'article 20-3 de la loi, récemment modifiée par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat 5 ( * ) , sur l'obligation de diffusion de programmes relatifs à la lutte contre le dopage pour les chaînes sportives.

Votre rapporteure considère que cette initiative est très pertinente. Elle s'interroge toutefois sur la limitation des dispositions aux seules télévisions à vocation nationale.

Le 3° de l'article (alinéa 7) réécrit enfin, sans les transformer, les missions du service public de l'audiovisuel (France Télévisions, Radio France, Arte), qui doit s'attacher à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes et à lutter contre les préjugés sexistes.

Au vu du caractère parfois un peu vague des prescriptions de l'article 43-11, votre rapporteure considère qu'il est aussi du rôle du Parlement, notamment lors du contrôle de l'exécution des contrats d'objectifs et de moyens des sociétés nationales de programme, de vérifier que ces dispositions font bien l'objet d'une mise en pratique.

III. La position de votre commission de la culture

Le projet de loi a été soumis à l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, conformément à l'article 9 de la loi du 30 septembre 1986. Son avis a été rendu le 4 juin 2013.

Cet avis est très favorable, le texte de loi s'inspirant de fait de propositions récentes de l'autorité.

Le CSA a, au demeurant, obtenu que la lutte contre les stéréotypes soit affirmée en premier lieu dans la rédaction de l'article 3-1, considérant qu'elle constitue « la première étape dans la gradation des termes ».

Il indique également qu'il est positif que le texte entende renforcer la contribution du service public par ses actions à la progression des droits des femmes dans toutes ses composantes.

Cependant, il regrette :

- d'une part, que le projet n'ait pas introduit au quatrième alinéa de l'article une disposition lui permettant d'engager également un dialogue avec les éditeurs concernant leur propre structure afin qu'ils concilient leurs objectifs de développement avec celui de la protection des droits des femmes ;

- d'autre part, s'agissant de la disposition prévue à l'article 20-5, que les éditeurs radiophoniques ne soient pas concernés, ce qui n'assure pas une égalité de traitement.

S'agissant de la première idée, votre rapporteure considère qu'il est difficile de prévoir une disposition spécifique pour les entreprises de l'audiovisuel, par ailleurs soumises aux règles générales du droit des sociétés, notamment celles relatives à la place des femmes dans les conseils d'administration.

En revanche, la discussion du texte sur l'indépendance de l'audiovisuel public pourrait être l'occasion d'améliorer la parité dans les conseils d'administration des sociétés nationales de programme. Une représentation minimale des femmes pourrait notamment être prévue, concernant par exemple les personnalités indépendantes nommées par le CSA en leur sein .

S'agissant du nouvel article 20-5, votre rapporteure souscrit pleinement à la suggestion d'intégrer les radios dans le dispositif .

Elle considère en outre que les médias audiovisuels à vocation régionale devraient également s'investir sur le sujet de l'égalité entre les hommes et les femmes , ce qui leur permettrait de valoriser le rôle joué par les femmes dans la vie locale.

Cette extension aux radios et aux services locaux de communication audiovisuelle a donc fait l'objet d'un amendement présenté par votre rapporteure. Votre commission de la culture a donné un avis favorable à l'adoption du présent article ainsi modifié.

Article 19 (article L. 131-8 du code du sport) - Parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives

Le présent article tend à introduire, au sein de l'article 131-8 du code du sport, une disposition sur la parité des instances dirigeantes des fédérations sportives.

I. Le droit existant

A. Les dispositions du code du sport

L'article L. 131-8 du code du sport est relatif à l'agrément des fédérations par le ministre chargé des sports. Cet agrément est le premier niveau de reconnaissance par l'État des fédérations sportives 6 ( * ) . Il permet aux fédérations de participer à l'exécution d'une mission de service public, et surtout de prétendre au bénéfice d'aides de l'État, financières et en personnel. À cette fin, les fédérations signent annuellement une convention d'objectifs avec le ministère.

En l'état actuel du droit, cet article prévoit que les fédérations agréées doivent avoir adopté certaines dispositions obligatoires et un règlement disciplinaire conforme à un règlement type, lesquels sont définis par décret en Conseil d'État pris après avis du Comité national olympique et sportif français.

L'article R. 131-3 du même code précise que les statuts doivent comporter des dispositions garantissant « leur fonctionnement démocratique, la transparence de leur gestion et l'égal accès des femmes et des hommes à leurs instances dirigeantes... ». Le décret n° 2004-22 du 7 janvier 2004 prévoit que « la représentation des femmes est garantie au sein de la ou les instances dirigeantes en leur attribuant un nombre de sièges en proportion de licenciées éligibles ».

Votre rapporteure souligne que cette proportionnalité entre les licenciées d'une fédération et leur représentation dans les organes dirigeants constitue une mesure tout à fait intéressante.

Néanmoins elle est aujourd'hui fragilisée sur le plan juridique . En effet, aux termes de sa décision du 7 mai 2013, Fédération CFTC de l'agriculture, Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et services annexes Force Ouvrière , le Conseil d'État a considéré que le législateur était seul compétent pour adopter des règles destinées à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales .

La fédération française de gymnastique conteste au demeurant cette obligation réglementaire de proportionnalité, dans la mesure où elle fait obstacle à l'adoption de statuts prévoyant une composition paritaire du comité directeur de la fédération.

B. La situation en pratique

Au-delà de ces débats juridiques, la situation actuelle n'est pas celle d'une exacte proportionnalité entre le nombre de licenciées et le nombre de femmes dans les instances dirigeantes.

Selon l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, « cette obligation est (...) loin d'être unanimement respectée ». Selon les chiffres fournis par le Gouvernement sur l'olympiade 2008-2012, environ la moitié des fédérations ne satisfaisaient pas à ce minimum de représentation pour l'une au moins de leurs instances dirigeantes, un tiers ni pour l'une ni pour l'autre. Une progression aurait néanmoins été constatée pour la présente olympiade.

Le Comité national olympique et sportif français a indiqué à votre rapporteure, preuves à l'appui, que de nombreux chiffres étaient erronés et s'est engagé à fournir rapidement des éléments à jour.

Votre rapporteure ne souhaite pas s'engager dans un débat sur la réalité des chiffres. Elle fait le simple constat que :

- les femmes sont encore sous-représentées dans les organes dirigeants des fédérations sportives ;

- et que les mesures actuelles n'ont pas pleinement fait la preuve de leur efficacité .

II. Le dispositif proposé par le présent projet de loi

Les alinéas 2 à 4 du présent article modifient l'article L. 131-8 du code du sport afin de prévoir que les statuts des fédérations agréées doivent impérativement contenir des dispositions favorisant la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives.

La nouvelle règle, applicable à partir du prochain renouvellement des instances dirigeantes des fédérations sportives, c'est-à-dire en 2016, serait la suivante :

- s'agissant des fédérations dont la proportion de licenciés de chacun de sexe est supérieure à 25 %, les statuts devraient prévoir la parité dans les instances dirigeantes (alinéa 5 de l'article). Toutefois, des dérogations pourraient permettre à certaines fédérations de n'appliquer la parité qu'à partir de 2020, sous réserve de respecter à partir de 2016 des règles minimales définies par décret (alinéa 6 de l'article) ;

- pour les fédérations dont la proportion de licenciés d'un des deux sexes est inférieure à 25 %, les statuts prévoiront que le sexe minoritaire, c'est-à-dire proportionnellement le moins représenté, devra l'être à hauteur de 25 % au minimum dans les organes dirigeants (alinéa 7).

III. La position de votre commission

A. La pleine légitimité d'une amélioration de la parité

Comme le souligne le rapport de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation sénatoriale au droit des femmes, le sport est un élément important de l'éducation, de la culture, de l'intégration et de la vie sociale et est « un vecteur essentiel des valeurs d'une société et notamment des rapports entre hommes et femmes . Or, aujourd'hui, comme dans la sphère économique et culturelle, les femmes se heurtent à un plafond de verre dans l'accès aux fonctions dirigeantes sportives ».

Dans son rapport de 2011 sur les femmes et le sport, la délégation avait constaté une légère amélioration par rapport à la situation antérieure : 21 % des élus aux bureaux, 15 % des cadres de fédérations, 15,5 % des conseillers techniques régionaux, 18,3 % des conseillers techniques nationaux, 11,1 % des entraîneurs nationaux et 5 % des directeurs techniques nationaux étaient des femmes.

Néanmoins, la délégation avait aussi constaté que l'application des dispositions existantes dans des fédérations très féminines ou au contraire très masculines dans leur composition ne permettait pas par elle-même de promouvoir une certaine mixité au sein des instances dirigeantes . Or, selon la délégation, « c'est cette mixité qui permettra d'améliorer l'égalité homme-femme dans le sport et donc, par répercussion, dans la société en général ».

La délégation avait proposé que l'application de règles, relatives au reflet de la répartition des licenciés entre les deux sexes, ne conduise pas à attribuer moins de 20 % des sièges au sexe le moins représenté .

Votre rapporteure adhère pleinement à cette ligne de pensée : le sport est un outil d'intégration majeur dans la société et la mixité en son sein peut permettre d'améliorer la situation des femmes.

On constate au demeurant aujourd'hui une plus faible pratique féminine des activités sportives, surtout par l'intermédiaire de licences fédérales, et l'augmentation à la fois de la pratique et du taux de licenciées constitue un double objectif à la fois sanitaire et sociétal .

Si l'objectif de renforcement de la pratique féminine est majeur, se confond-il forcément avec celui de la parité ?

B. Des questionnements théoriques

La justification de la mesure prévue dans le présent article au sein de l'étude d'impact est résumée de manière assez lapidaire : il s'agit de « favoriser la pratique féminine parmi les licenciés et un développement du sport féminin ».

Mais si l'objectif est seulement de renforcer la pratique féminine, dès lors la seule application d'un taux minimal de femmes dans les organes dirigeants dans les fédérations particulièrement masculines pourrait suffire . L'idée est en effet que la féminisation des instances dirigeantes favoriserait à la fois le lancement et la meilleure application des plans de féminisation de la pratique, ce dont votre rapporteure est pleinement convaincue.

Dès lors qu'une parité totale est souhaitée, c'est qu'un autre objectif est poursuivi :

- soit parvenir à une parité totale de la pratique sportive elle-même dans chaque discipline, en gymnastique comme en haltérophilie, qui serait favorisée par la parité au sein des instances dirigeantes. Votre rapporteure s'est interrogée sur le point de savoir si c'était réellement le but de la mesure ;

- soit il s'agit d'une mesure plus profonde visant à briser le plafond de verre qui empêche les femmes d'accéder à des fonctions à responsabilité , notamment dans les fédérations sportives.

Votre rapporteure constate que ce second objectif est bien celui qui est poursuivi. Néanmoins elle souhaite également souligner que certains aspects du dispositif proposé méritent dès lors d'être approfondis :

- d'une part, aller plus loin que la stricte proportionnalité entre femmes licenciées et femmes élues entraîne que l'on impose une forme de « super parité » , avec 50 % de femmes dirigeantes (ou d'hommes dirigeants) au sein d'une fédération qui compte, par exemple, seulement 30 % de licenciées (ou licenciés) ;

- en outre, assumer que l'objectif est bien de faire accéder les femmes à des fonctions socialement valorisées dans les fédérations sportives doit conduire à élargir sa pensée à l'ensemble du monde associatif. Dispose-t-on de statistiques sur les femmes dans les bureaux des grandes associations et doit-on poursuivre un objectif de parité en leur sein ?

Votre rapporteure estime que ces considérations incitent à approfondir la réflexion.

C. Des questions pratiques

Votre rapporteure a trois inquiétudes sur le plan pratique :

- on peut se demander si l'application d'un seuil à 25 % ne risque pas d'avoir des effets pervers, avec le souhait de certains dirigeants de ne pas encourager davantage la pratique féminine dès lors que le nombre de leurs licenciées approche de ce seuil, au risque -de leur point de vue- de devoir appliquer la parité totale au sein des instances dirigeantes de la fédération ;

- le fait que seul le retrait de l'agrément soit prévu, alors qu'une telle décision apparaît comme particulièrement radicale (avec la suppression des aides liées), pourrait constituer un frein à la réelle application de la mesure ;

- enfin l'existence d'un dispositif dérogatoire risque de favoriser les fédérations n'ayant pas fait les efforts suffisants jusqu'à présent.

D. Les conclusions de votre commission

Votre rapporteure soutient pleinement le dispositif proposé et considère en outre que sa simplicité est gage d'efficacité.

Néanmoins elle a également entendu les arguments avancés par les fédérations sportives soulignant la spécificité du monde associatif, constitué de bénévoles, qui n'ont pas forcément ni le temps ni les ressources pour se consacrer pleinement à cette activité.

Elle considère en outre que l'impératif est à la fois de développer la pratique féminine et de permettre aux femmes d'accéder largement aux organes dirigeants.

Elle en conclut :

- et que la disposition relative au seuil minimal de femmes dirigeantes est particulièrement pertinente ;

- et que l'objectif de parité doit être maintenu pour les fédérations mixtes, mais pourrait être assoupli dès lors qu'il permet une réelle accession des femmes aux postes à responsabilité .

Il lui apparaît à cet égard que le meilleur moyen de faire appliquer la mesure est finalement de l'assouplir en imposant que, au sein des fédérations dans lesquelles la proportion de licenciés d'un des deux sexes est supérieure ou égale à 25 %, les instances dirigeantes comptent au moins 40 % de personnes du sexe minoritaire dans la fédération .

Votre commission a également estimé nécessaire de favoriser une application progressive de l'objectif de parité, en prévoyant, dans un premier temps, que les instances dirigeantes des fédérations devront assurer une représentation du sexe auquel appartient une minorité des licenciés au moins égale à sa proportion au sein de l'ensemble de leurs licenciés.

Votre commission de la culture a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 23 - Habilitations du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant de la loi

Le présent article vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour créer le cadre nécessaire à la parité dans un certain nombre d'instances administratives, dont les autorités indépendantes.

Dans le droit existant, comme le note l'étude d'impact, « seules quelques AAI sont organisées suivant les dispositions intégrant l'exigence d'une représentation paritaire ou à défaut équilibrée entre les femmes et les hommes ». L'article 13 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits prévoit ainsi que les désignations du président du Sénat et du président de l'Assemblée nationale concourent à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes

Seule la loi peut adopter les règles destinées à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et mandats à caractère social ou professionnel (décision commentée ci-avant du Conseil d'État du 7 mai 2013). Le Gouvernement demande donc à être habilité à prendre lesdites mesures législatives pour l'ensemble des AAI, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. Il appuie ce choix par « la nécessité de modifier un grand nombre de textes moyennant des dispositions de nature très techniques qui sont plus aisément appréhendables dans le cadre d'un travail administratif ».

Parallèlement l'étude d'impact indique que, s'agissant du CSA, dont la composition est, par ailleurs, modifiée par le projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public en cours d'examen au Parlement, la parité pourra être atteinte par une disposition complétant l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 en tenant compte de la nécessité de garantir l'équilibre dans le temps.

De fait, l'Assemblée nationale a amendé l'article 1 er du projet de loi relatif l'indépendance de l'audiovisuel public, tendant à modifier l'article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, afin de prévoir que « les nominations au Conseil supérieur de l'audiovisuel concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes ».

Votre rapporteure estime dès lors que l'habilitation est superfétatoire pour le CSA, sans qu'il ne soit nécessaire de modifier spécifiquement le présent article.

*

* *

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles 16 et 19 tels qu'amendés ainsi qu'à l'article 23 et a adopté un amendement insérant un article additionnel après l'article 5 ter du projet de loi.


* 5 Art. 20-3 - Les services de télévision qui diffusent des programmes sportifs contribuent à la lutte contre le dopage et à la protection des personnes pratiquant des activités physiques et sportives en diffusant des programmes relatifs à ces sujets.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe les conditions d'application du présent article.

* 6 Aujourd'hui 114 fédérations sportives sont agrées, regroupant 167000 clubs sportifs, qui comptent eux-mêmes 15 millions de licenciés.

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