Avis n° 157 (2013-2014) de Mme Valérie LÉTARD , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 novembre 2013

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N° 157

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Par Mme Valérie LÉTARD,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395, 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 22 ) (2013-2014)

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

L'actualité législative de l'année 2013 a été marquée, pour ce qui est de la recherche, par l'adoption de la loi du 22 juillet relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Ce texte, que votre rapporteure pour avis a rapporté au nom de votre commission des affaires économiques, contient des éléments intéressants, tels que la mise en place d'un agenda stratégique de la recherche et la tentative d'une meilleure coordination avec les programmes européens. Mais il comporte également d'autres dispositions plus inquiétantes, telles que le remplacement de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) par un Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), ou encore la substitution de contrats de sites aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES).

Le présent projet de budget pour 2014 traduit une situation d'attente pour le financement public de la recherche dans notre pays. Au titre des éléments positifs, figure la préservation des crédits de la MIRES, dans un contexte budgétaire difficile, ainsi que la pérennisation du crédit d'impôt recherche (CIR) et du dispositif de la Jeune entreprise innovante (JEI).

Mais d'un autre côté, la baisse importante de crédits de l'Agence nationale de la recherche (ANR) interpelle quant à l'avenir du financement sur projet. De plus, certains organismes de recherche se trouvent dans une situation budgétaire extrêmement délicate du fait de la stagnation ou de la baisse de leurs dotations publiques, qui risque fort à terme de fragiliser le financement de certains projets.

La mise en oeuvre de la loi du 22 juillet 2013 précitée n'aura pas de conséquence significative sur la programmation budgétaire 2013-2015 et sur ce projet de loi de finances pour 2014, car elle fera appel à des transferts de moyens 1 ( * ) . En termes de mesures d'application, elle donnera lieu, pour la partie « recherche », à la publication de deux décrets portant, l'un sur le CSR (article 95), l'autre sur le mandataire unique gérant les titres de propriété industrielle acquis pour une invention d'un agent de l'État ou d'une personne publique investie d'une mission de recherche (article 97).

Dans le contexte de « croissance molle » que connaissent aujourd'hui notre pays et, plus globalement, l'ensemble de ses partenaires européens, le soutien à la recherche constitue un élément crucial du redressement de notre économie et de la création des emplois de demain. Source d'une valeur-ajoutée seule capable de redonner de la compétitivité à nos produits, il constitue un instrument d'action essentiel entre les mains des pouvoirs publics.

L'appui aux jeunes chercheurs, notamment, doit constituer l'un des axes majeurs d'une ambitieuse politique de soutien à la recherche. Atteignant un degré d'excellence après de longues études supérieures, ils participent à des programmes stratégiques cruciaux pour l'avenir de notre recherche. Mais la faiblesse de leur rémunération et de leur accompagnement les incite à partir à l'étranger, pour parfois ne jamais en revenir.

Votre rapporteure pour avis regrette globalement que ces problématiques, qui devraient constituer une priorité nationale, ne soient pas suffisamment affichées comme telles dans ce projet de budget. Après avoir analysé dans le présent document les différentes composantes de ce projet de loi de finances, et mis en perspective à la fois ses quelques avancées et ses nombreuses sources d'interrogation, voire d'inquiétude, elle a proposé, à titre personnel, de s'abstenir lors du vote des crédits de la mission.

Au cours de sa réunion du mercredi 20 novembre 2013, la commission des Affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014.

I. I. L'ANALYSE GÉNÉRALE DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA RECHERCHE

1. Des moyens alloués à la recherche en recul dans un budget de la MIRES en faible progression
a) Un budget MIRES en très légère hausse

Dans un contexte économique tendu, le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur est relativement épargné. Il constitue toujours le troisième budget de l'Etat derrière l'enseignement scolaire (64,77 milliards d'euros) et la défense (37,48 milliards).

Hors programmes budgétaires créés pour la mise en oeuvre du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 2), la MIRES bénéficie, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, de crédits budgétaires d'un montant de 25,761 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 26,048 milliards d'euros de crédits de paiement (CP). Ils sont en recul de 182 millions d'euros en AE (soit -0,70 %), mais progressent de 113 millions d'euros en CP , (soit +0,44 %) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2013.

Le budget de la MIRES est un budget interministériel , auquel le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur participe à hauteur de 22,04 milliards d'euros, soit 111,8 millions d'euros de plus (+0,5 %) par rapport à l'année passée.

En intégrant les programmes 409 et 410 liés à la mise en oeuvre du PIA , les crédits budgétaires attribués à la MIRES dans le cadre du PLF s'établissent à 31,01 milliards d'euros AE, soit +5,15 milliards d'euros par rapport à la LFI 2013, et 31,38 milliards d'euros de CP, soit +5,45 milliards d'euros.

b) Une baisse des moyens consacrés à la recherche

Alors que le budget global de la MIRES augmente, l'enveloppe consacrée à la recherche seule diminue. C'est le cas si l'on s'attache aux crédits mobilisés par le seul ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) : son volet « recherche » passe ainsi de 7,85 milliards d'euros l'année passée à 7,77 milliards pour 2014, soit une baisse marginale de 0,1% . Il retrouve ainsi le niveau qui était le sien en 2012.

Ce recul est plus marqué si l'on s'attache cette fois à l' ensemble des moyens consacrés à la recherche au sein de la MIRES , qui mobilise d'autres crédits que ceux du MESR. Avec 13,98 milliards d'euros, la dotation allouée à la recherche accuse une baisse de 0,55 % par rapport à l'exercice précédent, tout en restant encore 0,6 % au-dessus de celle de 2012.

PRÉSENTATION DES CRÉDITS « RECHERCHE » DE LA MIRES
PAR PROGRAMME (EN MILLIONS D'EUROS)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2013

Demandées pour 2014

%

Ouverts en LFI pour 2013

Demandés pour 2014

%

150 / Formations supérieures et recherche universitaire (actions recherche : 6 à 12)

3 775,80

3 780,06

0,11%

3 775,80

3 780,06

0,11%

172 / Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 158,77

5 061,65

-1,88%

5 158,77

5 061,65

-1,88%

187 / Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 281,77

1 277,58

-0,33%

1 281,77

1 277,58

-0,33%

193 / Recherche spatiale

1 413,02

1 431,11

1,28%

1 413,02

1 431,11

1,28%

190 / Recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables

1 416,00

1 387,51

-2,01%

1 378,00

1 397,51

1,42%

192 / Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle (actions recherche : 2 et 3)

643,045

665,821

3,54%

700,018

686,254

-1,97%

191 / Recherche duale (civile et militaire)

192,199

192,869

0,35%

192,199

192,869

0,35%

186 / Recherche culturelle et culture scientifique

115,592

112,591

-2,60%

118,592

114,491

-3,46%

142 / Enseignement supérieur et recherche agricoles (action recherche : 2)

36,037

35,887

-0,42%

36,037

35,887

-0,42%

Total des crédits recherche

14 032,24

13 945,07

-0,62%

14 054,21

13 977,40

-0,55%

Source : projet annuel de performances (PAP) Recherche et enseignement supérieur pour 2013, structure courante

2. Des évolutions variables selon les programmes
a) Les trois programmes de recherche du MESR

À structure constante, le montant alloué aux trois programmes de recherche du MESR (programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », programme 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » et programme 193 « Recherche spatiale ») s'établit à 7,771 milliards d'euros en AE et CP ; il est en léger repli de 82 millions d'euros (soit -1,1% ) par rapport à la LFI de 2013.

La principale « coupe » est liée à une révision de la programmation de l'ANR , qui se traduit par une diminution de 81,5 millions d'euros des crédits destinés à l'agence (-11,9 %). Une économie est également réalisée sur les crédits d'intervention du MESR (action 01 du programme 172), qui sont en recul de 2,5 millions d'euros (-1,6 %) et s'établissent, à structure constante, à 149,2 millions d'euros. Les crédits destinés aux organismes de recherche sont en baisse de 26,6 millions d'euros, à 5,89 milliards d'euros (-0,45 %). Enfin, les crédits consacrés aux contributions directes de l'Etat (organisations internationales, projet ITER 2 ( * ) , société civile GENCI 3 ( * ) ) augmentent, toujours à structure constante, de 28,3 millions d'euros (+2,6 %) pour faire face aux engagements de la France à l'égard de l'Agence spatiale européenne (ESA), de l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT) et du projet ITER.

* Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » a un caractère central dans le budget du MESR. Doté de plus de 5 milliards d'euros, il est en effet le premier programme, par ordre d'importance, entièrement dédié à la recherche au sein de la MIRES, et voit le CIR lui être rattaché. Par ailleurs, il regroupe des opérateurs et des structures couvrant l'ensemble des disciplines scientifiques et ayant un rôle majeur dans la structuration de la recherche dans notre pays.

Pour 2014, les crédits ouverts au titre de ce programme 172 sont de 5,06 milliards d'euros en CP, en baisse de 1,88 % . Sur les 14 actions qu'il comporte, une seule (l'action 07 « Recherches scientifiques et technologiques en physique, chimie et sciences pour l'ingénieur ») est en hausse (+0,25 %), toutes les autres enregistrant des baisses, dont la grande majorité est néanmoins inférieure à 1 %. Deux exceptions toutefois, l'action 01 « Pilotage et animation », qui enregistre une baisse de 3,27 %, à 146,74 millions d'euros, et surtout l'action 02 « Agence nationale de la recherche », en recul de 11,87 % à 605,15 millions d'euros 4 ( * ) .

* Le programme 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » est centré sur la gestion durable des écosystèmes. Doté de 1,277 milliards d'euros en CP ( -0,33% ), affectés exclusivement à des subventions pour charges de service public, il comprend huit actions, dont sept sont en recul, limité il est vrai (inférieur à 0,8%). Une seule d'entre elles connaît une évolution positive : il s'agit de l'action 07 « Grandes infrastructures de recherche », en hausse de 3,87 %.

Toutefois, cette action, qui vise à mettre à disposition de la communauté scientifique nationale les moyens nécessaires pour l'acquisition et la qualification de données sur les ressources et les milieux, n'est dotée que de 49,5 millions d'euros. En outre, elle complète l'action 13 du programme 172 « Grandes infrastructures de recherche », visant au financement direct de ces infrastructures et de leurs alliances 5 ( * ) , et qui elle connaît une baisse de 0,76 %.

* Le programme 193 « Recherche spatiale » a pour objet d'assurer à notre pays et à l'Europe la maîtrise des technologies spatiales. Les systèmes spatiaux - à l'exception des satellites - étant financés par les États, la stratégie retenue par les pouvoirs publics est prééminente dans ce secteur industriel.

Doté de 1,28 milliard d'euros en CP, il progresse de 1,28 % . Sur les sept actions qu'il comporte, seules deux sont en recul très léger : l'action 02 « Développement de la technologie spatiale au service de l'observation de la terre » (-0,04 %) et l'action 06 « Moyens généraux d'appui à la recherche » (-0,27 %).

Toutes les autres actions sont donc en hausse, symbolique il est vrai pour la plupart d'entre elles puisqu'inférieure à 1 %. Exception notable, l'action 07 « Développement des satellites de météorologie », qui progresse de 38,66 %, à 42,57 millions d'euros, suite à la révision du plan financier 2013-2032 d'EUMETSAT.

Ce programme comprend la subvention pour charge de service public versée au Centre national d'études spatial (CNES). S'élevant à 577,1 millions d'euros, elle est en baisse de 1,1 %, ce qui oblige le Centre à une limitation contraignante de ses coûts de fonctionnement.

Il comprend également la contribution française à l'ASE, qui transite par le CNES. Celle-ci est en progression de 1,1 %, à 811,4 millions d'euros. Il est vrai toutefois que la France a accumulé des arriérés de contribution envers l'Agence, qui devraient s'élever à 103,6 millions d'euros fin 2014. Arriérés dont l'apurement a été renvoyé de fin 2015 à fin 2021 lors de la conférence interministérielle de novembre 2012 de l'ESA.

b) Les autres programmes intéressant la recherche et rattachés à la MIRES

Sont rattachés à la MIRES les crédits relatifs aux programmes 142, 192, 186, 190 et 191.

À périmètre constant, le budget alloué à ces programmes dans le cadre du PLF 2014 s'élève à 2,98 milliards d'euros d'AE et 3,01 milliards en CP. L'évolution par rapport à la LFI 2013 est négative en AE (-2,9 %) et en très légère augmentation en CP (+0,32 %).

Le budget 2014 du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » s'élève, à structure constante, à 311,3 millions d'euros en AE et en CP ; il est en baisse de -21,3 % en AE par rapport à la LFI de 2013 et en hausse de +0,92 % en CP.

Le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » est budgété, à structure constante pour 2014, à hauteur de 970,8 millions d'euros en AE et 991,9 millions en CP ; il est en augmentation de +2,3 % en AE par rapport à la LFI 2013 et en baisse de 1,4 % en CP.

Les crédits de recherche destinés au soutien et à la diffusion de l'innovation technologique (action 02) et au soutien de la recherche industrielle stratégique (action 03) progressent en AE +3,4 %) mais diminuent en CP (-2 %).

Les crédits destinés au financement de l'activité innovation de Bpifrance Financement (ex OSEO) et aux réseaux régionaux de développement technologique (RDT) diminuent ainsi de 55 millions d'euros (soit -23,3 %) en AE et en CP pour s'établir à 208 millions d'euros.

Les crédits du dispositif « Jeunes entreprises innovantes » (JEI) concernent les PME qui consacrent plus de 15 % de leurs charges à des dépenses de recherche et développement. Elles bénéficient d'exonérations sociales pour les personnels impliqués dans des projets de R&D ; elles bénéficient également d'exonérations fiscales, notamment d'une exonération d'impôt sur les sociétés.

L'article 71 du projet de loi de finances prolonge le statut de JEI aux entreprises créées jusqu'au 31 décembre 2016. Il étend les avantages liés au dispositif JEI aux entreprises créées après le 31 décembre 2013 et jusqu'au 31 décembre 2016, jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de leur création. Par ailleurs, il étend l'exonération de cotisations à la charge de l'employeur aux personnels affectés à des activités d'innovation 6 ( * ) . Enfin, l'exonération de cotisations sociales patronales à taux plein est rétablie pour les sept années suivant celle de la création de l'entreprise, comme prévu par le Pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi.

Les crédits affectés au dispositif des JEI font l'objet d'un abondement de 64 millions d'euros (+66,7 %) au PLF 2014 pour tenir compte de l'augmentation du coût de l'exonération liée à la réforme du dispositif (suppression de la dégressivité qui pénalisait les entreprises en croissance, extension du champ de ces exonérations aux personnels affectés à des activités de conception de prototypes et de lignes pilotes de produits). Ces crédits s'établissent à 160 millions d'euros en AE et en CP.

Le Fonds de compétitivité des entreprises (FCE hors Fonds unique interministériel), qui soutient plusieurs dispositifs de recherche et développement (R&D) industrielle (dont des clusters ), est également abondé de 15,6 millions d'euros en AE (+10,3 %) et de 30,4 millions en CP (+20,6 %). Il s'élève ainsi à 166,2 millions d'euros en AE et 177,7 millions en CP. Cette évolution est principalement liée au lancement du programme Nano 2017 de développement du pôle nanoélectronique de Crolles, à Grenoble, seul pôle industriel européen dans le domaine des technologies les plus avancées pour la production des circuits intégrés.

Enfin, le Fonds unique interministériel (FUI), qui finance les pôles de compétitivité afin de soutenir des projets collaboratifs innovants bénéficie pour 2014, deuxième année de la phase 3 de la politique des pôles, d'un financement de 113,0 millions d'euros en AE et de 122,6 millions en CP, ce qui traduit une diminution de 1,6 millions d'euros en AE (-1,4 %) et de 52,5 millions en CP (-30 %).

Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » est budgété, à périmètre constant, à hauteur de 1,39 milliard d'euros en AE et 1,4 milliard en CP. Cela correspond à une baisse de 1,9% en AE (-27,7 millions d'euros) et en hausse de + 1,5 % en CP (+20,3 millions).

Les subventions pour charge de service public destinées aux opérateurs du programme sont orientées à la baisse, passant de 1,02 milliard d'euros en LFI 2013 à 990,2 millions, en AE comme en CP.

Ce programme supporte la principale diminution d'emplois au sein de la MIRES (-116 postes), répartie sur ses trois opérateurs : -68 équivalents temps plein (ETP) pour l'IFP-Energies nouvelles (IFP-EN), -30 pour l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) et -18 pour l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Le programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » connaît, au titre du PLF 2014 et à structure constante, une augmentation de ses crédits de 0,6 million d'euros en AE et une baisse de 0,5 million (-0,42 %) en CP.

Le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » bénéficie pour 2014 d'une très légère augmentation de ses crédits par rapport à ceux inscrits en LFI 2013 : +0,67 millions d'euros en AE et CP (+0,35%), portant son budget 2014 à 192,9 millions.

3. De grands organismes de recherche connaissant une situation critique en termes de financement
a) Une diminution structurelle des dotations publiques

La contraction de l'enveloppe « recherche » de la MIRES se retrouve, logiquement, dans les subventions allouées aux grands organismes. Ceux qu'a pu auditionner ou questionner votre rapporteure pour avis lui ont fait part de la situation « limite » dans laquelle ils se trouvaient. Leur dotation d'Etat est en recul : -0,2 % pour l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), -0,4 % pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), -0,64 % pour l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), -1,1 % pour le CNES...

Le problème est que ces baisses, certes limitées, se rajoutent à d'autres baisses des années précédentes pour constituer finalement des coupes sensibles dans leur budget. L'IFP-EN, par exemple, a vu ainsi sa dotation reculer de 34 % depuis une dizaine d'années. En ce qui le concerne, l'IFSTTAR craint même de se retrouver en cessation de paiement si cette tendance se poursuivait.

Or, la situation de ces organismes risque de s'aggraver, du fait des mises en réserve demandées à l'ensemble des opérateurs de l'État, au nom de la maitrise des finances publiques. D'une part, ces taux ont augmenté cette année : stables pour la masse salariale, à 0,5 %, ils passent de 6 à 7 % pour les autres dépenses. Si leur réduction de moitié avait été finalement décidée l'année passée, l'arbitrage n'a pas encore été rendu pour cet exercice. Aussi plusieurs organismes (IFP-EN, IFSTTAR, INERIS et IRSN) ont-ils demandé conjointement au Gouvernement de prendre des résolutions en ce sens. Sachant qu'ils ne seront pas à l'abri d'un gel supplémentaire en cours d'exercice, comme cela est arrivé à l'IFSTTAR en 2013, ce qui les mettrait alors dans une situation budgétaire plus que délicate.

b) Une adaptation nécessaire passant par l'accroissement des financements alternatifs

Comment les organismes gèrent-ils ce retrait des dotations d'Etat ? Ceux qui le peuvent s'adaptent et tentent de diversifier leurs moyens de financement. Soit en augmentant leurs ressources propres : dividendes versés par les filiales, prestations réalisées auprès des industriels, redevances issues de la valorisation de la recherche ... Les ressources propres de l'IFP-EN ont ainsi presque doublé en dix ans, représentant plus de 50 % de son budget.

L'autre solution est de se tourner vers les appels à projet , qu'ils soient issus du PIA, dont une nouvelle tranche a été annoncée par le Premier ministre à l'automne, ou de l'Europe. C'est ce que fait l'INRIA, qui cette année voit encore ce type de ressources augmenter, de 2,7 %.

Ces solutions sont à encourager, car il est certain que la tendance sera au désengagement progressif de l'État dans le financement de ces structures. Cependant, elle a ses limites, et ces organismes sont contraints aujourd'hui de réaliser de nouvelles économies . Ce peut être sur le budget de fonctionnement, en se « serrant la ceinture » un peu plus. Ce peut être sur les emplois, ce qui remet en cause la transmission du savoir au sein de la structure.

Ce peut être enfin, dans le pire des cas, sur les capacités d'intervention : plusieurs organismes (IFP-EN, INRIA ...) ont ainsi indiqué avoir arrêté ou suspendu, au moins en partie, certains programmes de recherche. Dans une économie où la connaissance et l'innovation seront, demain plus que jamais, la source de toute valeur ajoutée, on mesure les conséquences désastreuses d'une telle évolution pour notre pays.

4. D'autres sources de financement public pour la recherche

Les crédits d'État, retracés chaque année au sein de la loi de finances, ne sont pas les seules sources de financement public profitant à la recherche. S'y ajoutent en effet d'importantes enveloppes de crédits provenant des différents niveaux de collectivités, de l'Union européenne et du PIA.

a) Les collectivités territoriales : le poids affirmé des régions

Le budget que les collectivités territoriales déclarent affecter aux opérations de recherche et de transfert de technologie (R&T) est estimé à 1,2 milliard d'euros en 2012, dont 806 millions pour les seuls conseils régionaux de France métropolitaine. Le budget R&T des conseils généraux s'élève quant à lui à 196 millions d'euros, soit 16,5 % du budget R&T de l'ensemble des collectivités territoriales du territoire métropolitain. Enfin, en 2012, les communes et leurs groupements ont apporté 171 millions d'euros à des activités de R&T, soit 14,5 % du budget métropolitain.

Les collectivités territoriales sont particulièrement impliquées dans des opérations immobilières qui représentent plus du tiers des budgets R&T, principalement dans le cadre du volet recherche-enseignement supérieur et transfert de technologie des contrats de projets État-régions (CPER).

Les opérations visant à améliorer l'accès des entreprises aux moyens humains et techniques pour le développement d'une recherche technologique absorbent plus du quart des budgets, et les conseils régionaux y privilégient, à plus de 50 %, le soutien au partenariat entre recherche publique et recherche des entreprises.

L'engagement financier est moindre, en revanche, pour ce qui concerne le renforcement des équipements scientifiques des laboratoires des universités et des organismes de recherche (8 %) ou le soutien aux projets de recherche (15 %).

b) L'Union européenne : une opportunité mal utilisée par notre pays
(1) Le mauvais « taux de retour » du 7ème programme-cadre européen de recherche et développement

Le 7 ème programme cadre européen de R&D (7 ème PCRD, ou FP7) est le principal instrument communautaire de financement de la recherche et de l'innovation en Europe pour la période 2007-2013 . Il s'est inscrit dans la continuité des précédents PCRD, dont le premier a été lancé en 1984.

D'un budget nettement supérieur aux précédents (+63 % par rapport au 6ème PCRD) et fonctionnant principalement par un système d'appels à propositions, le 7 ème PCRD finance notamment, sous forme de subventions, des projets de R&D portés par des consortia européens . Le 7 ème programme cadre est accessible aussi bien aux centres de recherche et universités, qu'aux PME, sociétés multinationales ou simples indépendants. Les PME peuvent ainsi recevoir des subventions pouvant atteindre 75 % de leurs frais de recherche sur des projets européens innovants.

La France reçoit exactement 3,9 milliards d'euros , soit 11,4 % des contributions financières distribuées par la Commission au titre du 7 ème PCRD. Elle est en 3 ème position derrière l'Allemagne (qui reçoit 5,4 milliards d'euros, soit 16,1 % du total) et le Royaume-Uni (qui reçoit 5,2 milliards d'euros, soit 15,2 %).

Toutefois, par rapport au 6 ème PCRD, la participation de la communauté française de recherche et d'innovation aux appels à projets européens a diminué de manière significative . Les financements obtenus sont ainsi passés de 13 % à 11,4 %. Cette tendance à la baisse, particulièrement marquée en 2011 et 2012, s'est poursuivie en 2013 pour ce qui concerne les projets concomitants avec le PIA, qui bénéficie donc d'un réel effet d'éviction à son profit.

Ces performances sont nettement insuffisantes au regard des capacités de recherche de la France et compte tenu de sa contribution au budget de l'Union européenne. Les acteurs français répondent moins aux appels comparativement à leurs partenaires européens et se situent ainsi au cinquième rang seulement des déposants.

La complexité de l'accès aux financements du PCRD, la concurrence avec les dispositifs de financement nationaux captant les forces des équipes de recherche - notamment du PIA - ainsi que la saturation de ces dernières, sont les hypothèses avancées par le ministère en charge de la recherche pour expliquer la relative désaffection des équipes françaises au 7 ème PCRD.

Moins réactive, la France est cependant efficace : elle bénéficie d'un taux de succès moyen de 24 % pour les projets déposés par ses équipes, soit l'un des meilleurs parmi ceux des grands participants. Une baisse notable a toutefois été identifiée dans certains domaines tels que les technologies de l'information et de la communication ou les domaines des nanosciences, nanotechnologies, matériaux et nouvelles technologies de production.

(2) Les espoirs suscités par le nouveau programme « Horizon 2020 »

Le nouveau PCRD, « Horizon 2020 », qui démarrera dans quelques mois pour la période 2014-2020 , correspond à un changement de démarche qui pourrait bénéficier à notre pays . Il regroupe pour la première fois les programmes de recherche et d'innovation européens en un seul programme cadre, rationalise les financements en faveur de la croissance, simplifie l'accès à ces derniers et les recentre sur trois priorités correspondant pleinement aux attentes des acteurs français : « excellence scientifique », « primauté industrielle » et « défis sociétaux ».

En amont, la France a défendu, dans le cadre des négociations d'« Horizon 2020 », les priorités scientifiques des acteurs français et des règles de participation leur étant favorables, et cherché à mieux articuler les programmations nationales et européennes.

Elle a par ailleurs mis en cohérence la future stratégie nationale de recherche avec ce programme. L'Agenda stratégique pour la recherche, le transfert et l'innovation « France Europe 2020 », rendu public par la ministre Geneviève Fioraso en mai 2013, refonde ainsi le dispositif de coordination et d'orientation de la recherche afin d'optimiser le couplage avec les programmes européens et annonce un recentrage des missions de l'ANR en vue de mieux accéder aux financements de l'Union.

La France a également développé des mesures d'incitation à participer au programme cadre, à travers une contractualisation avec les grands acteurs de la recherche. Elle a mis en place un dispositif d'accompagnement plus performant, à travers un nouveau réseau de points de contact nationaux (PCN). Enfin, elle a porté un plan de communication national et régional afin de promouvoir le nouveau programme.

c) Le programme des investissements d'avenir
(1) La première tranche de mise en oeuvre du PIA

Faisant suite à la remise, en novembre 2009, du rapport de la commission coprésidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, le PIA, dont les crédits ont été ouverts par la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, comporte une enveloppe totale de 35 milliards d'euros destinée à financer l'économie de la connaissance comme moyen de sortie de crise. 28,3 milliards d'euros ont à ce jour été engagés dans des projets identifiés, tandis que 5,2 milliards ont été effectivement décaissés.

(a) Un dispositif bénéficiant majoritairement au secteur de la recherche, de l'enseignement supérieur et de la formation

Avec près de 22 milliards d'euros , soit 62,5 % du total des crédits ouverts dans le cadre du « grand emprunt », l'enseignement supérieur, la recherche et la formation constituent la première priorité du PIA. Ces fonds doivent permettre de renforcer notablement les sites d'excellence portant des projets ambitieux dans tous les domaines de la recherche et de l'innovation.

Trois ans après le lancement du programme d'investissements d'avenir, on comptabilise 3 400 projets déposés, 100 appels à projets lancés et 7 guichets ouverts. 1 222 projets ont été sélectionnés et plus de 2 300 entreprises ont été soutenues par le PIA.

Dans le domaine de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la formation 1 684 projets ont été déposés . Les 620 sélectionnés ont été contractualisés à près de 88% . Les montants engagés en 2012 et début 2013 dans ce domaine concernent les initiatives d'excellence en formation innovante (IDEFI), les consortiums de valorisation thématiques (CVT), les pôles de recherche hospitalo-universitaires en cancérologie (PHUC), les projets d'infrastructures nationales en biologie et santé (deuxième vague), les sociétés d'accélération de transfert de technologie (SATT) et les derniers instituts de recherche technologique (IRT) sélectionnés.

(b) Une phase de conventionnement des projets labellisés arrivant à son terme et faisant une grande place à l'ANR

Après que les années 2010 et 2011 ont été consacrées au lancement des deux vagues d'appels à projets du premier PIA, puis à la sélection des projets, l'année 2012 et le premier semestre 2013 ont été principalement centrés sur le conventionnement des projets labellisés.

Au premier trimestre 2012, les montants contractualisés s'élevaient à 6,3 milliards d'euros. La contractualisation s'est nettement accélérée en 2012, atteignant 17,3 milliards au quatrième trimestre, puis 19,8 milliards au premier trimestre 2013.

Cette importante augmentation s'explique par plusieurs raisons.

Sous la supervision des différents comités de pilotage des actions inscrites au PIA, le conventionnement a été conduit par les opérateurs en charge de la mise en oeuvre du programme sur le périmètre de la MIRES. En premier lieu par l'ANR, pour ce qui est des actions relevant du MESR, avec pour objectif d'en accélérer le rythme.

La durée de cette phase de contractualisation avec les porteurs s'explique par le grand nombre et la complexité des projets. L'ANR, en particulier, a dû faire face à une charge de travail importante. Toutefois la mise en place de préfinancements, en particulier pour les LABEX et IDEX, a permis un démarrage rapide des projets lauréats.

À l'été 2013, la quasi-totalité des conventions liées à la mise en oeuvre des actions les plus emblématiques de la sphère « enseignement supérieur et recherche », à savoir les conventions IDEX, LABEX et EQUIPEX, ont été signées . Toutefois, des difficultés politiques et/ou juridiques se sont parfois fait jour pour les objets les plus structurants : pour les instituts hospitalo-universitaires (IHU), la création de fondations de coopération scientifique a mécaniquement allongé les délais, tandis que le montage juridique des IRT et des SATT a nécessité également des travaux d'ingénierie parfois complexes.

Le suivi de la mise en oeuvre des projets labellisés est aujourd'hui assuré par le MESR, le CGI et les opérateurs impliqués, au premier rang desquels l'ANR.

(c) Une réorientation du programme à la demande du Premier ministre

Le 21 janvier dernier, le Premier ministre a annoncé le redéploiement de 2,2 milliards d'euro s du PIA. Sur cette somme globale, 1,5 milliard est mobilisé par la réaffectation d'enveloppes partiellement consommées vers de nouvelles priorités, tandis que 700 millions d'euros sont réorientés au sein d'enveloppes existantes selon un ciblage et des modalités d'actions nouvelles.

Les actions ayant vocation à être redéployées ont été identifiées par un travail interministériel, qui a notamment tenu compte des nouvelles priorités définies dans le Pacte pour la compétitivité, la croissance et l'emploi présenté par le Gouvernement en novembre 2012. Les modalités précises de ces nouvelles actions et réorientations sont en cours de définition. Elles donnent lieu, conformément aux procédures du PIA depuis la loi de finances rectificative de 2010, à la rédaction de conventions et d'avenants qui seront transmis pour information au Parlement.

Parmi les nouvelles actions prioritaires , figurent notamment les prêts à l'industrialisation de projets issus des pôles de compétitivité, pour 100 millions d'euros. Ces pôles, qui entrent dans une nouvelle phase de développement, devront désormais mieux intégrer l'objectif de mise sur le marché et de diffusion des produits ou services innovants issus de leur activité, en cohérence avec le Pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi. Pour ce faire, le PIA permettra à ces projets d'obtenir des prêts de 1 à 3 millions d'euros, bonifiés à hauteur de 200 points de base, sur une maturité de 7 ans.

(d) Le transfert et la gouvernance, principaux « points noirs » d'un bilan encore délicat à dresser

Trois ans après le début du programme, et même si l'évaluation du PIA est prévue dans la loi de finances rectificative du 9 mars 2010, il reste encore difficile d'en dresser un bilan autre que technique, faute d'un recul réellement suffisant. Le Gouvernement, tout comme le CGI, renvoient respectivement à 2015 et 2017 7 ( * ) pour une première appréciation critique de ce dispositif, soulignant qu'une partie de ses crédits a été justement réservée à l'évaluation des résultats.

Toutefois, le rapport annuel relatif à la mise en oeuvre du PIA est une source d'informations et d'analyses importante pour dès à présent pressentir les grandes tendances de mise en oeuvre du programme, notamment dans son volet « enseignement supérieur, recherche et formation ».

D'une façon générale, le rapport met en avant les avancées appréciables dans la mise en oeuvre du PIA. « Qu'il s'agisse des Idex dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, des IRT en lien avec les pôles de compétitivité, des SATT pour la valorisation de la recherche, de nombreuses structures sont déjà opérationnelles », souligne ainsi le rapport.

« Si cette transformation du paysage universitaire et cette structuration de la recherche technologique autour de pôles d'excellence de rang mondial figurent parmi les effets les plus visibles du PIA, elles ne doivent pas faire oublier les multiples projets innovants également financés qui ambitionnent de constituer des relais de croissance innovants », fait observer le rapport.

Au-delà de ces remarques « impressionnistes », le rapport, tout en indiquant bien à son tour « qu'il ne sera possible de mesurer précisément l'impact du PIA d'un point de vue socio-économique qu'à moyen ou long terme », fait état d'un premier diagnostic territorial réalisé à la demande du Premier ministre et annexé au rapport.

Celui-ci met clairement en exergue « l'effet structurant du PIA sur les activités d'excellence ». Le programme a incité « les acteurs à se regrouper et à travailler ensemble. Il a également favorisé le renforcement des évolutions territoriales à l'oeuvre (cohérence des pôles urbains) et les effets de réseau (développement des coopérations interrégionales) ».

C'est en matière de valorisation de la recherche que les effets sont encore les plus limités. Les nouveaux outils mis en place pour favoriser le passage de la recherche à l'entreprise ne sont pas encore tous opérationnels, les attentes à cet égard étant fortes dans les SATT et les IRT. « Il reste en effet des difficultés à surmonter pour améliorer le transfert de l'innovation vers l'entreprise », pointe le rapport, ce qu'il attribue « en grande partie aux différences de culture entre recherche publique et recherche privée, différences qui nuisent au développement de la coopération ».

Pour optimiser l' impact du PIA sur les territoires , le rapport fait état de la nécessité « d'aller vers une gouvernance unifiée des politiques menées en faveur de l'innovation et vers une meilleure coordination des interventions publiques », notamment par « un meilleur pilotage de l'innovation (passant) par une consolidation du couple État-Région ».

(2) La deuxième tranche d'investissements au titre du PIA

Le Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, a présenté le 9 juillet dernier un plan dénommé « Investir pour la France », dans le cadre duquel il a annoncé la mise en oeuvre d'un nouveau PIA. Conformément au souhait du Président de la République, ce dernier repose notamment sur les priorités de la transition écologique et énergétique, de la mobilité, de l'innovation, de la compétitivité industrielle, du numérique, de la santé et, naturellement, de la recherche.

(a) Une dotation à nouveau particulièrement importante pour la recherche et l'enseignement supérieur

Conformément aux annonces qui avaient été faites par le Premier ministre au mois de juillet, le projet de loi de finances prévoit en ce sens l' ouverture de 12 milliards d'euros de crédits . Ils permettront principalement d'accompagner les projets exemplaires et dûment sélectionnés, afin de renforcer le potentiel de croissance de notre économie, de créer des emplois et d'assurer la transition énergétique et écologique.

Cette enveloppe de 12 milliards d'euros, toujours dans la lignée des orientations données par le Premier ministre en juillet, se répartit de la façon suivante : 3,65 milliards d'euros pour la recherche et les universités , qui constituent le premier poste de dépenses ; 2,3 pour la transition énergétique, la rénovation thermique et la ville de demain ; 1,7 pour l'innovation dans une industrie durable ; 1,5 pour l'excellence technologique des industries de défense ; 1,3 pour l'aéronautique et l'espace ; 0,6 pour l'économie numérique ; 0,4 pour la santé ; 0,55 pour la jeunesse, la formation et la modernisation de l'État.

RÉPARTITION DES INVESTISSEMENTS DU DEUXIÈME PIA PAR SECTEUR

(EN MILLIARDS D'EUROS)

(b) Une gouvernance censée garantir l'efficacité de la dépense

L'efficacité de ce programme passant par une sélectivité rigoureuse des projets qui y seront éligibles, l' article 42 du projet de loi de finances prévoit un mode de gouvernance extrêmement strict : priorité donnée aux projets innovants, recours au réseau des opérateurs publics, organisation d'appels à projets comme mode de sélection, analyse indépendante des dossiers, recherche du co-investissement avec effet de levier sur l'investissement privé et celui d'autres collectivités publiques, optimisation du retour sur investissement pour l'État et la collectivité ...

L'objectif de cette deuxième tranche d'investissements d'avenir est de favoriser le rapprochement d'acteurs (grands groupes et PME, acteurs de la recherche, collectivités locales) en vue de faire émerger de nouvelles technologies et de nouveaux pôles d'excellence universitaires à visibilité internationale, d'accompagner des projets concourant à la mise en oeuvre de la transition écologique et énergétique, ou d'accélérer le déploiement de projets industriels structurants.

La qualité de la procédure de sélection des projets sera garantie par le Commissariat général à l'investissement (CGI). Ainsi, l'article 42 du projet de loi de finances soumet les 12 milliards d'euros du PIA 2 à la gouvernance spécifique qui avait été conçue dans le cadre du premier PIA, à l'aune du retour d'expérience de ses trois premières années de fonctionnement.

Au titre des ajustements , la durée maximale prévue pour les conventions conclues entre l'État et les organismes gestionnaires des fonds des deux programmes d'investissements d'avenir passe de 10 à 15 ans. Cet allongement permet que les crédits portés par ce deuxième PIA, qui viendront abonder des actions reposant sur des conventions déjà conclues au titre du premier, soient couverts. En outre, et afin d'assurer une meilleure information du Parlement sur la mise en oeuvre du programme, cet article adapte le périmètre des annexes au projet de loi de finances concernant les investissements d'avenir et la période pendant laquelle le rapport relatif à la mise en oeuvre des investissements d'avenir sera présenté.

(c) L'ouverture de deux nouveaux programmes dans la MIRES

Deux nouveaux programmes sont introduits dans la MIRES, dans le cadre du PLF 2014, au titre de la mise en oeuvre de la nouvelle vague d'investissements d'avenir.

? Le programme 409 « Écosystèmes d'excellence » vise à prolonger un certain nombre d'actions engagées dans le cadre du premier PIA dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur (IDEX, LABEX, volet espace, volet santé). Il complète par ailleurs le PIA précédent par l'introduction de deux volets destinés respectivement aux technologies clés génériques et au calcul intensif.

D'un montant total de 4,115 milliards d'euros , les crédits de ce programme 409 sont répartis en six actions mises en oeuvre par l'ANR, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le CNES. Ces actions se déclinent de la façon suivante :

- « Equipements d'excellence » (EQUIPEX)

Cette action s'inscrit dans le prolongement de l'action EQUIPEX du précédent PIA. Elle contribue au financement d'acquisitions et, plus ponctuellement, de fonctionnement d'équipements de pointe. Elle est dotée d'un budget de 365 millions d'euros, dont 165 millions de dotations non consomptibles 8 ( * ) , dont les intérêts doivent participer notamment à la couverture des coûts de fonctionnements inhérents aux projets dotés.

- « Initiatives d'excellence » (IDEX)

Prolongeant la première génération d'IDEX, cette action tend à promouvoir le développement de projets universitaires à rayonnement international fortement intégrés dans leur écosystème territorial. Elle est dotée d'un budget de 3,1 milliard d'euros en dotations non consomptibles.

- « Technologies-clés génériques »

Cette action-cible est vouée au développement de technologies transversales, notamment au regard des critères d'éligibilité à un financement européen dans le cadre du programme « Horizon 2020 ». Un budget de 150 millions d'euros y est alloué sous la forme d'une enveloppe de dotation consomptible ;

- « Espace - lanceurs - satellites »

S'inscrivant dans le prolongement du volet « espace » du précédent PIA, cette action contribue au financement de deux projets dans le domaine des lanceurs et des satellites de télécommunication. Elle est dotée de 50 millions d'euros correspondant en totalité à une enveloppe de dotation consomptible.

- « Recherche hospitalo-universitaire en santé »

Cette action est orientée vers des projets portés par des structures de recherche hospitalo-universitaires ayant un fort potentiel de transfert rapide vers l'industrie ou la société. Elle est dotée de 400 millions d'euros, dont 100 destinés à des apports en fonds propres dans le capital des entreprises créées dans le cadre des projets soutenus et/ou dans celui des structures porteuses, et 50 destinés à des avances remboursables/

- « Calcul intensif »

Cette action tend à permettre la mise en oeuvre de supercalculateurs offrant des performances au meilleur niveau mondial à l'horizon 2016, avec de potentielles applications civiles et militaires. Les bénéficiaires en seront des entreprises informatiques partenaires du CEA et déjà présentes sur des projets de recherche partenariale. Elle est dotée d'une enveloppe de dotation consomptible de 50 millions d'euros.

? Le programme 410 « Recherche dans le domaine de l'aéronautique » est destiné pour sa part à soutenir la recherche aéronautique. Plus précisément, le programme vise à favoriser l'émergence de technologies dites de rupture permettant de continuer à réduire l'impact environnemental de l'aviation. L'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) disposera, dans ce cadre, d'une enveloppe de 1,22 milliard d'euros , dont la majeure partie (1,07 milliard) sera mobilisée sous la forme d'avances remboursables versées aux industriels, au titre des projets sélectionnés.

II. L'AGENCE NATIONALE POUR LA RECHERCHE

La mise en place de cette agence de moyens, en 2006, a considérablement modifié le financement de la recherche en France, qui consistait jusqu'alors à subventionner chaque année de grands organismes. Elle l'a en effet réorientée vers le financement de projets précisément définis et correspondant à des thématiques jugées essentielles, permettant de sélectionner les meilleurs et de définir de grandes priorités nationales.

Cependant, le système est aujourd'hui « grippé », du fait d'une réduction progressive des dotations publiques allouées à l'ANR , qui pèse sur sa trésorerie, réduit mécaniquement le taux de succès aux appels à projets et va jusqu'à remettre en cause le financement de certains d'entre eux.

Votre rapporteure pour avis, à cet égard, plaide pour une clarification quant à l'orientation des moyens alloués à l'Agence, à moyen et long termes, et quant à sa place dans le financement de la recherche sur projets, qu'elle estime devoir être centrale.

1. Une agence de moyens au service d'un financement direct de la recherche

Agence de moyens créée en 2005 sous la forme de groupement d'intérêt public (GIP), l'ANR est aujourd'hui un établissement public administratif ayant pour mission le financement de la recherche publique et partenariale dans notre pays.

Elle s'en acquitte notamment 9 ( * ) en passant des appels à projets (AAP), qui concernent soit des programmes non thématiques (ANR dits « blancs »), soit des programmes thématiques , focalisés sur des sujets jugés prioritaires. Elle finance ainsi directement des équipes de recherche privées et publiques, à travers des contrats de recherche à durée déterminée, de trois ans en moyenne. Le seuil des 10 000 projets financés depuis sa création a été franchi en 2012.

Des comités scientifiques constitués par discipline ou thématique, qui intègrent des experts extérieurs indépendants, sont chargés d'examiner les projets présentés suite aux AAP. Ils produisent près de 15 000 expertises chaque année. Ceux retenus par ces comités font l'objet d'un classement, sur la base duquel sont alloués des crédits par des comités de pilotage où sont représentées les directions des structures de recherche.

La mise en place de l'ANR constitue l'un des grands changements du paysage de la recherche française et de son mode de financement. Elle a incité les chercheurs à élaborer et défendre des projets de recherche de haut niveau, en stimulant une « culture de projet », apte à rythmer les travaux des équipes autour d'une recherche objectivée et collaborative. Elle a permis d'établir des coopérations inter-laboratoire s nouvelles, souvent interdisciplinaires, et d'orienter certaines recherches vers des questions sociétales (énergie, santé...) ouvertes aux collaborations industrielles ou internationales.

2. Le premier opérateur du programme d'investissements d'avenir

Depuis 2010, l'ANR est le principal opérateur des investissements d'avenir , que ce soit en matière de sélection, de financement ou de suivi des projets.

Une convention de moyens Etat/ANR a été signée en janvier 2011, en vue d'accompagner l'ANR dans ces nouvelles missions. Elle prévoit un renforcement des effectifs de l'ANR avec prise en compte des frais de fonctionnement associés, ainsi que la prise en charge des coûts directs associés aux missions nouvelles de l'ANR (indemnisations des jurys et experts notamment).

L'ANR a été autorisée à effectuer des prélèvements sur les produits financiers générés par le placement des fonds du PIA en attente d'affectation. Ils sont destinés à couvrir les frais de fonctionnement associés aux effectifs supplémentaires octroyés à l'ANR, ainsi qu'un certain nombre de coûts directs liés à ses nouvelles missions

Le tableau suivant, qui présente les financements du PIA rattachés à la MIRES, rend compte de ce rôle central de l'ANR dans la gestion du programme.

LES INVESTISSEMENTS D'AVENIR
DANS LA RECHERCHE ET L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Source : CGI et MESR (juillet 2013) (milliards d'euros)

On y observe la présence prédominante de l'ANR comme opérateur du PIA sur le volet « enseignement supérieur et recherche ». Elle assure seule la gestion de deux des cinq programmes qu'il comporte, et de 13 des 18 de ses actions . Elle gère ainsi 19,16 des 22,11 milliards d'euros mobilisés pour ce volet, soit 86,7 % du total des crédits.

En 2012 et 2013, l'activité de l'ANR sur la mise en oeuvre du PIA a essentiellement porté sur l' élaboration des contrats d'aide aux projets sélectionnés , aboutissant à ce qu'une très large part de ces projets soit maintenant contractualisée. Fin juin 2013, 85 % des conventions des projets sélectionnés étaient ainsi signées et deux-tiers des projets avaient reçu une première tranche de financement.

3. Un budget en baisse structurelle depuis 2008

La subvention versée par le MESR à l'ANR est orientée à la baisse depuis 2008 . Le montant maximum s'est élevé, cette année-là, à 850 millions d'euros en AE, bien loin de l'objectif initial de la loi d'orientation pour la recherche de 2006, qui prévoyait une cible de 1,5 milliard d'euros par an à l'horizon 2010.

Depuis sa création, les crédits versés à l'ANR ont diminué de 30 %, tandis que les crédits de la MIRES ont progressé de 24 %. La part des crédits budgétaires consacrés au financement sur AAP est donc en constante diminution , comme l'illustre le graphique ci-après.

ÉVOLUTION DES AUTORISATION D'ENGAGEMENT DE L'ANR ET DE LA MIRES (HORS INVESTISSEMENTS D'AVENIR) DEPUIS 2006

Source : ANR

En loi de finances initiale pour 2013 , les crédits destinés à l'ANR s'élevaient à 687 millions d'euros, soit 73 millions de moins (ou -10 %) par rapport au montant de la loi de finances initiale pour 2012 (760 millions d'euros). La subvention réellement touchée par l'ANR accuse toutefois un repli encore plus marqué entre 2012 et 2013 (-114 millions d'euros en AE, soit -16 %) compte tenu de la déduction de la réserve de précaution appliquée chaque année et de l'annulation de 50 millions d'euros d'AE en gestion 2013. Le montant de la subvention 2013 se trouve ainsi réduit à 596 millions d'euros d'AE.

Cette diminution se poursuit en loi de finances pour 2014 : le montant de la dotation de l'ANR y est fixé à 605,2 millions d'euros, en AE comme en CP, soit 81,5 millions de moins (ou -12%) par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Après déduction de la réserve de précaution, dont le montant communiqué par le MESR à ce stade est de 41,5 millions d'euros (soit 6,9 % des crédits inscrits dans le projet de loi de finances), le montant prévisionnel de la subvention versée à l'ANR s'élève à 563,7 millions d'euros , dont 28,8 au titre de la subvention pour charges de service public destinée à financer les frais de gestion de l'Agence et 534,8 destinés au budget d'intervention.

4. Des problèmes de trésorerie fragilisant le versement des subventions

Outre la problématique de la réduction progressive des engagements que peut réaliser l'ANR, se pose le problème de la diminution de sa trésorerie . En effet, le budget de l'ANR a servi, depuis 2008, de variable d'ajustement en gestion et supporté des annulations massives de crédits par rapport aux montants présentés au Parlement. Au total, ce sont 394 millions d'euros en AE et 732 millions d'euros en CP, dont 174 millions d'euros en AE et 512 millions en CP hors réserve de précaution, qui ont ainsi été annulés.

Le fait que les annulations aient été supérieures en CP aux AE a été rendu possible par un niveau de trésorerie initial élevé. Toutefois, et aux dires même de l'ANR, cette pratique ne peut être reconduite au risque de la plonger dans une crise de trésorerie qui l'empêcherait de verser les subventions à ses bénéficiaires. Les dernières prévisions de décaissements pluriannuels conduisent d'ailleurs à anticiper un niveau de trésorerie préoccupant à l'horizon 2014-2015, comme l'illustre le graphique suivant.

SOLDE DE TRÉSORERIE PRÉVISIONNEL EN FIN D'EXERCICE

Source : ANR

Il semblerait donc opportun de réévaluer le montant de la subvention de l'ANR dans le cadre du prochain budget triennal 2015-2017.

5. Une remise en cause progressive du financement sur projet

Suite au constat d'un soutien devenu insuffisant aux organismes de recherche, la loi de finances pour 2013 a opéré un rééquilibrage entre financements sur projet, via l'ANR, et crédits récurrents . Cette diminution a obligé l'ANR à se recentrer sur un nombre limité de thématiques, en lien avec une réforme en cours de ses modalités de programmation.

Dans le contexte plus contraint du budget 2014, cette tendance se poursuit dans les conditions précédemment exposées. Votre rapporteure pour avis s'était inquiétée d'une telle réduction des moyens de l'ANR lors de l'examen de la précédente loi de finances. Cette agence constitue en effet un instrument efficace en vue d'orienter la recherche sur des thématiques d'actualité contribuant, in fine , à une accélération du rythme des innovations et à leur valorisation dans le champ économique.

Or, ce mouvement de « vases communicants » entre financement d'AAP et financement récurrent d'organismes de recherche devrait continuer . « Cette démarche sera poursuivie pour les prochaines programmations de l'ANR à la lumière des priorités qui seront dégagées dans la stratégie nationale de recherche et plus largement par l'agenda stratégique «France Europe 2020 » », a-t-il ainsi été indiqué à votre rapporteure pour avis dans les réponses à ses questionnaires budgétaires.

Il convient de souligner que le choix de privilégier une augmentation des subventions récurrentes de certains opérateurs de recherche aux moyens accordés au financement compétitif sur projets est en totale rupture avec les modèles de financements adoptés dans les autres grandes nations de recherche .

La Cour des comptes plaide au contraire dans son rapport de juin 2013 sur le financement public de la recherche pour un accroissement de la part du financement sur projets et cite des exemples européens. Elle indique, pour le Royaume Uni, 56% de financements sur projets, sachant que 70 % du financement récurrent est par ailleurs attribué sur la base d'une évaluation des unités de recherche visant à privilégier l'excellence. Pour l'Allemagne, le taux cité est de 44% des financements de R&D de l'état fédéral en 2010.

6. Des conséquences inquiétantes sur le taux de succès et la participation des entreprises

La diminution des crédits de l'ANR va de pair avec une augmentation du nombre de projets déposés, la barre des 7 000 dossiers ayant été franchie en 2013. Il en résulte une diminution progressive du taux de succès , qui est passé de 28 % en 2005 à 20 % en 2012, puis à moins de 17 % en 2013 . Ces taux de succès sont parmi les plus bas en Europe , par comparaison avec les agences homologues ; ils sont également inférieurs au taux de succès au 7 ème PCRD , qui est de 24 %.

Ainsi que l'a exprimé l'Agence à votre rapporteure pour avis, « les contraintes budgétaires que rencontre l'ANR ne permettent donc plus de financer la totalité des bons projets reçus et risquent d'atténuer l'effet vertueux de stimulation dans les communautés scientifiques ».

En matière de financement des entreprises , les taux de succès peuvent même être considérés comme décourageants , bien que l'ANR s'efforce de maintenir des taux légèrement plus élevés (20 à 23 %) dans les programmes à fort contenu partenarial. Dans les autres pays européens, en Allemagne notamment, les taux de succès des projets en partenariat public-privé (PPP) sont plutôt de l'ordre de 35 à 50 %.

On constate ainsi, du fait de la dégradation du retour sur investissement, une diminution de la participation des entreprises : en 2008, 15 % des financements leur étaient attribués (92 millions d'euros), contre 8,1 % en 2012 (44 millions d'euros). L'aide moyenne par projet en 2008 était de 483 000 euros de façon générale, et de 870 000 pour les PPP ; en 2012, elle était respectivement de 426 000 euros et 670 000, soit une baisse proportionnellement bien plus importante pour les partenariats.

7. La mise en place par l'Agence d'un nouveau plan d'action innovant

L'évolution des modalités d'action de l'ANR répond tout à la fois à une volonté de simplification, de gain de temps pour les chercheurs et de prise en compte des orientations stratégiques de l'État. Elle met en place en 2014 un nouveau processus en deux temps :

- une analyse de pré-propositions limitées à cinq pages, permettant d'opérer une première sélection au regard notamment des orientations stratégiques définies dans le plan d'actions et précisées par les comités de pilotages scientifiques ;

- puis une sélection sur la base des propositions détaillées établies par les porteurs de projets ayant franchi avec succès la première étape.

Ce passage à un mode de sélection en deux phases permet ainsi d' économiser du temps de préparation aux équipes de recherche par un allègement très important des exigences de la première étape, et d' atteindre des taux de succès significativement plus élevés à la deuxième étape - de l'ordre de 40 %, selon les informations communiquées à votre rapporteure pour avis par les responsables de l'ANR auditionnés -, en en limitant l'accès.

Il se pourrait toutefois, aux dires de chercheurs avec lesquels s'est entretenue votre rapporteure pour avis, que la première phase de cette procédure allégée soit excessivement concise. Un résumé de cinq pages pour pré-sélectionner des projets soumissionnant à un AAP pourrait être trop réducteur pour constituer un filtre efficace et pertinent au processus de sélection.

III. LE CRÉDIT IMPÔT-RECHERCHE

Avec 5,8 milliards d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2014 , le CIR représente désormais 41,5 % de la part « recherche » des crédits de la MIRES. Son enveloppe a été multipliée par plus de 13 depuis son instauration en 2003, au gré de ses diverses réformes, et il représente désormais l' aide fiscale à la R&D la plus avantageuse des pays membres de l'OCDE , avec 0,26 % du PIB.

L' efficacité de ce crédit d'impôt, certes délicate à mesurer, semble cependant acquise sur le principe . Le rapport de la Cour des Comptes de juillet dernier sur le sujet souligne ainsi son intérêt en termes de développement de la recherche privée, d'attractivité territoriale et de baisse des charges des entreprises.

Sa pérennisation financière dans le cadre du présent projet de budget, tout comme la stabilisation et la clarification de son régime, sont à cet égard de bonnes évolutions . Cependant, du point de vue des entreprises , et notamment des plus petites d'entre elles, l'accès à ce dispositif fiscal et ses procédures de contrôle demeurent sources de difficultés et d'incertitudes .

1. Une pérennisation louable de l'enveloppe financière du dispositif

Soulignant que « la complexité et l'instabilité des normes qui s'appliquent aux entreprises génèrent des coûts, des délais et de l'incertitude préjudiciables à l'investissement, à la croissance et à l'emploi », la décision n° 26 du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi , publié en novembre 2012, s'engageait à « stabiliser sur la durée du quinquennat cinq dispositifs fiscaux importants pour l'investissement et la vie des entreprises », dont en premier lieu le CIR.

Conformément à cet engagement, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2014 en première lecture à l'Assemblée nationale, le 18 octobre dernier, les huit amendements 10 ( * ) portant sur le CIR été rejetés ou retirés à la demande du Gouvernement.

Le Président de la République avait rappelé ce même jour, lors d'une table-ronde au Conseil économique, social et environnemental (Cese), la ligne du Gouvernement sur ce point : « J'ai pris un engagement : nous tiendrons sur le crédit impôt recherche pendant tout le quinquennat ». Le ministre délégué chargé du budget, M. Bernard Cazeneuve, est revenu à l'Assemblée sur le fait que le Gouvernement avait « pris l'engagement, dans le cadre du pacte de compétitivité, de ne pas modifier le crédit impôt recherche ».

Votre rapporteure pour avis insiste sur l' indispensable stabilisation de son régime juridique et financier . La visibilité et l'anticipation à moyen terme du cadre normatif et fiscal régissant ce type de dispositif est en effet indispensable à son efficacité. Les investissements en matière de R&D doivent pouvoir être étalés sur des périodes longues ; à défaut d'une législation stable et pérenne, nombre d'entreprises - et notamment les plus petites - y renonceront ou les réduiront.

2. Des mesures de simplification de l'assiette bienvenues

L' article 54 du projet de loi de finances simplifie l'assiette du CIR, conformément aux décisions annoncées à la suite du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique du 17 juillet dernier.

Il reformule tout d'abord l'une des conditions imposées pour bénéficier d'un doublement d'assiette pour l'embauche d'un jeune docteur , relative au maintien de l'effectif salarié dans l'entreprise. Cette condition est ainsi concentrée sur le maintien du personnel de recherche de l'entreprise. L'objectif est de ne pas pénaliser les entreprises qui, bien qu'affrontant des difficultés économiques et financières les contraignant à réduire certains de leurs effectifs, maintiendraient toutefois leur effort de R&D.

En second lieu, l'article simplifie et harmonise les règles de territorialité concernant les dépenses visant à protéger les droits de propriété industrielle éligibles au CIR. En l'état, ces règles varient selon la nature des dépenses (frais de prise et de maintenance ou frais de défense des titres de propriété industrielle) et des opérations réalisées (travaux de recherche ou d'innovation). L'article instaure donc un régime unique de territorialité pour toutes ces dépenses.

3. Une mise en oeuvre attendue de l'extension du CIR à certaines dépenses d'innovation

La loi de finances initiale pour 2013 a étendu le régime du CIR à certaines dépenses d'innovation en faveur des PME : c'est le crédit d'impôt innovation (CII). Il permet à cette catégorie d'entreprises de prendre en compte dans l'assiette de leur crédit d'impôt certaines dépenses d'innovation relatives à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes de nouveaux produits . Ces dépenses entrent dans la base du CIR dans la limite de 400 000 euros par an, le taux applicable étant de 20 %.

Les différences de vue entre le ministère en charge de la recherche, qui gère le CIR, et le ministère du redressement productif, expliquent le très long retard pris pour l'élaboration de l'instruction fiscale sur ce nouveau crédit d'impôt. Celle-ci a finalement été publiée le 10 octobre dernier. Seront éligibles l'ensemble des dépenses engagées en 2013. Les commentaires de l'administration fiscale, publiés après consultation des parties prenantes, visent à préciser la notion d'innovation et à offrir ainsi aux entreprises bénéficiaires une sécurité juridique maximale.

Cependant, cet objectif ne semble pas entièrement atteint, selon certains fiscalistes. Ainsi, et malgré la publication de cette instruction, la mise en oeuvre du CII se heurte à plusieurs limites :

- la distinction des activités de R&D et d'innovation , qui conditionnent l'accès à l'un ou l'autre des dispositifs, reste malaisée . Il est en effet admis que des phases de R&D puissent s'intercaler au sein d'un projet d'innovation, tandis que la nature même des deux activités est parfois difficile à dissocier ;

- il découle de cette perméabilité de la frontière CIR/CII des risques de requalification par l'administration fiscale de l'un en l'autre. Et plus volontiers du CIR vers le CII, dont le taux est moins favorable à l'entreprise, et qui du coup a un impact moindre sur la dépense fiscale. Ceci réduirait le CIR de nombreuses PME et affecterait également les ETI et les grandes entreprises qui, n'ayant pas accès au CII - réservé aux PME - verraient la base de calcul de leur CIR sensiblement limitée ;

- en outre, existe un risque avéré de dérapage budgétaire à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros, en cas d'afflux massif de déclarants à ce nouveau régime. Les prévisions budgétaires en estiment à 250 millions d'euros la créance fiscale, ce qui peut paraître sous-évalué, dans la mesure où 30 000 PME et TPE pourraient y être éligibles ;

- enfin, il se peut que l'aide ainsi octroyée soit dispersée entre un nombre important d'entreprises , ce qui aboutirait alors à financer des innovations à faible valeur ajoutée, contrairement à l'esprit du mécanisme fiscal.

4. Un dispositif demeurant complexe, notamment pour les PME

La complexité du CIR résulte de trois facteurs :

- la nécessité de réunir des compétences pluridisciplinaires , fiscales, financières et scientifiques. Le montage des dossiers implique l'intervention d'acteurs issus de quatre fonctions au sein de l'entreprise : finance, technique, achats et ressources humaines. L'instruction correcte du dossier nécessite une bonne connaissance par les quatre parties du CIR et l'assurance d'une cohérence des actions de chacun ;

- la mise au point d'un jugement de valeur de la nouveauté technique qui reste difficile à objectiver. L'administration s'appuie dans ce cadre sur la réalisation d'états de l'art par les entreprises. Or, ces dernières sont souvent peu armées pour les faire. Et ce d'autant plus pour les activités relevant du développement expérimental, qui représentent la majorité des dépenses déclarées au titre du CIR. Il s'agit en effet, dans ce cas, de savoir-faire techniques qui restent souvent implicites et ne font pas l'objet de publications comme cela est le cas pour la recherche fondamentale et, dans une moindre mesure, la recherche appliquée ;

- la capacité à justifier de l'éligibilité des projets et des dépenses retenus. Les entreprises qui déclarent le CIR, pour la plupart, se livrent à des activités de développement expérimental, qui sont les plus proches de la phase d'industrialisation. Les problèmes de délimitation se posent pour ces activités, une frontière double devant être tracée :

• entre les travaux qui concourent à la levée d'incertitudes sur de nouvelles technologies et ceux qui utilisent des technologies existantes ;

• entre les travaux qui concourent à la levée d'incertitudes techniques et les tâches postérieures à la levée de ces incertitudes, qui ne font pas partie du domaine de la R&D.

Cette complexité du montage des dossiers de CIR n'a pas été , jusqu'à présent, un facteur de découragement pour les entreprises concernées. Plus de 10 000 entreprises sont en effet entrées dans le dispositif entre l'année de sa création et 2011, dernière année à laquelle des statistiques sont disponibles.

Il est vrai que la mise en place, par les entreprises, d'une organisation et d'une méthode adaptée et rigoureuse permet de maîtriser cette complexité . Entrer dans le dispositif du CIR nécessite une période d'apprentissage, qui peut être franchie à condition de faire preuve d'une grande minutie dans le montage des dossiers, tant sur le plan scientifique que financier. Cela implique de mobiliser des outils performants et une méthode rigoureuse de gestion et de suivi sur l'année pour établir l'éligibilité des projets, collecter les informations nécessaires au calcul de l'assiette et rassembler les pièces justificatives.

Toutefois, l' élaboration d'un référentiel clair et stable sur le périmètre des dépenses éligibles et la conduite des contrôles permettrait aux entreprises de mieux affecter fiscalement leurs dépenses selon leur nature et d'en préparer la justification de l'éligibilité. Cela permettrait également d'éviter des remises en cause de dossiers montés en année N sur la base du guide CIR du MESR alors disponible, au motif qu'ils ne respecteraient pas toutes les recommandations de la version du guide à N+3 en vigueur à la date du contrôle.

5. Un recours accru, mais problématique, aux cabinets de conseil

Le paysage des cabinets de conseils accompagnant les entreprises déclarantes au CIR est très divers : conseils spécialisés dans la seule assistance à la déclaration ; acteurs ayant un domaine d'intervention plus large, pour lesquels le CIR n'étant qu'une facette d'une activité multiple ; professions réglementées (avocats, experts comptables, conseils en propriété industrielle) ...

L eur nombre s'est considérablement accru suite aux réformes du dispositif intervenues en 2005 et, surtout, en 2008, qui l'ont complexifié. Cette évolution n'est pas sans soulever des questions de fond . S'ils ont répondu à une nouvelle demande, et pu constituer un appui pour les entreprises, ils ont également contribué à la créer, en incitant des PME actives dans des domaines aux frontières de la R&D à entrer dans le dispositif.

Or, le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) de 2010 sur le CIR estime le taux moyen de rémunération des cabinets de conseil, auxquels recouraient 25 % des entreprises, à environ 20 % . Ce niveau de rémunération est cependant très variable est peut aller de moins de 1 % pour les très gros CIR à près de 40 % dans quelques cas exceptionnels (des TPE généralement). Ces cas devraient toutefois refluer fortement, les entreprises gagnant en expertise et la concurrence augmentant.

Par ailleurs, l'intervention massive de ces cabinets de conseil sur le CIR, notamment auprès des PME, n'a pas permis d'endiguer l'augmentation des rectifications . Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de 2013 sur le CIR, l'impact de ces cabinets de conseil peut être positif comme négatif. « Selon les entreprises, le rôle du cabinet-conseil est variable et peut s'avérer de ce fait (...) « vertueux ou pervers » : la taille de l'entreprise de ce point de vue n'est pas déterminante. Certaines petites entreprises se laissent séduire par des démarches marketing agressives et peuvent tenter de déclarer du CIR alors qu'elles ne font pas de R&D. Dans les grandes entreprises, le rôle du cabinet peut être de mettre en forme des informations collectées au cours de l'année par l'entreprise ou peut être plus structurant ».

Aussi l' idée d'un agrément de ces cabinets de conseil a-t-elle pu être évoquée, afin d'en « moraliser » la profession. La Cour des comptes la rejette cependant, dans son rapport sur le CIR, au motif qu'« une telle solution représenterait (...) un alourdissement des procédures associées au CIR, sans pouvoir garantir au cas par cas la qualité des prestations effectuées ».

Il est vrai qu'outre les nombreuses questions qu'elle poserait (quels seraient les titulaires de cet agrément ? Quelle en serait la portée ? Qui le délivrerait et sur quels critères ?), la mise en place d'un tel agrément aurait plusieurs effets contre-productifs . Elle avaliserait le recours systématique à un cabinet de conseil pour garantir son CIR. Dans même temps, un tel agrément entérinerait la nécessité pour l'État de réserver une partie du CIR au financement des cabinets de conseil.

Plutôt que d'un agrément, l' idée d'une labellisation des cabinets de conseil respectant certains principes de fonctionnement pourrait être évoquée. La procédure en serait en effet plus souple et d'un recours laissé à l'appréciation des cabinets, qui décideraient - ou non - de solliciter une telle reconnaissance par les pouvoirs publics, de la même façon que les entreprises seraient libres de choisir un cabinet labellisé ou non.

En tout état de cause, il paraît préférable de favoriser l'autonomie des entreprises , notamment des PME, en les formant et en les informant , et de leur laisser le choix d'un accompagnement externe, si jugé nécessaire. Le réseau public ou consulaire d'accompagnement des entreprises, via les conseilleurs innovation, serait à cet égard parfaitement adapté. Une solution opportune pourrait être celle de la création de « cercles d'échanges » au profit des PME. Par ailleurs, l' établissement de « bonnes pratiques » indiquant la façon optimale de monter un dossier CIR procurerait également aux entreprises un référentiel leur permettant d'étalonner les prestations proposé es par les cabinets de conseil.

En tout état de cause, si des consultants extérieurs peuvent aider une entreprise à former les intervenants sur ce qu'est le CIR et sur la façon de monter le dossier CIR, les dossiers techniques doivent être rédigés par les seuls responsables techniques en charge des projets , eux seuls étant capables d'en exposer les raisons de l'éligibilité. Cette « connaissance de l'intérieur » des dossiers est en effet indispensable lorsqu'intervient, par la suite, un contrôle de l'administration fiscale, qui demandera à ce que lui soit expliquée l'approche retenue pour le montage du dossier.

6. Des procédures de contrôle inadaptées au fonctionnement des entreprises

L' année 2012 a été marquée par un renforcement important des contrôles par les services de l'administration fiscale, et des rectifications subséquentes . La Cour des comptes, dans son rapport sur le CIR de 2013, a chiffré ces dernières à 8% du montant du crédit d'impôt, soit 400 millions d'euros !

Cependant, cette évolution ne doit pas être mise sur le compte d'un accroissement des comportements frauduleux de la part des entreprises concernées. Elle relève en effet plutôt d'une augmentation du flux de déclaration, dont une partie importante résulte de « nouveaux venus » dans le CIR, qui n'en maitrisent pas toutes les subtilités et s'exposent ainsi à des redressements, sans être pour autant de mauvaise foi. Elle devrait donc, en toute logique, être passagère.

Ainsi, les rectifications concernent essentiellement des TPE et PME nouvellement entrées dans le dispositif et souvent actives dans des secteurs peu intensifs en recherche, où la frontière entre les activités de conception et de réalisation de prototypes éligibles au CIR et celles non éligibles est particulièrement ténue (numérique, ingénierie, distribution, bâtiments et travaux publics [BTP] ou architecture).

La nature, la durée et les modalités du contrôle exercé doivent cependant être révisées , afin de minimiser les zones d'incertitude pour les entreprises.

L'élévation continue des exigences des agents chargés de contrôler le CIR aboutit à accroitre le poids des éléments à fournir pour les entreprises. Le renforcement des exigences de l'administration en matière d'états de l'art , notamment, complexifie notablement le montage des dossiers justificatifs. L'établissement de ces états demande en effet des efforts importants pour lesquels de nombreuses entreprises ne sont pas équipées.

Bien que justifiée, cette demande ne devrait pas être, à elle seule, le motif de redressement en cas de contrôles . C'est pourtant aujourd'hui ce qui se passe quand l'état de l'art est absent ou non suffisamment étayé, ceci indépendamment de l'analyse de l'éligibilité réelle des projets retenus. Au contraire, il appartiendrait logiquement à l'expert scientifique du MESR de garantir cet état de l'art et l'éligibilité du projet par rapport à ce dernier.

Par ailleurs, le contrôle sur pièces est privilégié par les services du MESR, ce qui ne facilite pas la compréhension des spécificités propres à l'entreprise et le dialogue avec les services administratifs. Un expert du ministère, chargé d'assister les inspecteurs de l'administration fiscale, examine ainsi, dans un temps très court, un dossier descriptif que l'entreprise lui a communiqué. Malgré les soins attachés à la confection d'un dossier justificatif, l'expert n'a pas toujours une vision exacte de la réalité des activités de R&D, ce qui peut être source d'incompréhensions.

Une solution simple serait l' organisation d'un réel débat oral et contradictoire , qui permettrait dans de nombreux cas de clarifier les points d'achoppement. Des explications recueillies sur le site de l'entreprise, auprès des responsables R&D, qui renseignent souvent mieux qu'un dossier exploité à distance, seraient en effet de nature à dissiper les interrogations de l'expert. Il serait également opportun de prévoir une contre-expertise « à l'aveugle » , avec un second expert différent du premier, et d' informer les entreprises du stade d'examen de leur dossier lors d'un contrôle fiscal

Enfin, et plus généralement, les experts gagneraient à être mieux formés aux particularités du fonctionnement des entreprises en matière de recherche. Pour compétents qu'ils soient, ces experts sont en effet généralement issus du milieu universitaire, et ont une approche plus théorique de la recherche et de l'innovation. Ainsi, les divergences d'appréciation sont dues assez souvent au positionnement des agents vérificateurs, trop axés sur la recherche fondamentale et ayant une vision académique qui n'accorde que peu de considération au développement expérimental, jugé trop proche des préoccupations commerciales. La constitution de référentiels sectoriels , validés par l'administration, pourrait être également être explorée pour prévenir ces difficultés.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2013, la commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2014.

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis. - Je vais vous présenter, pour le deuxième exercice, les crédits de la MIRES, la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ».

Je me propose de vous exposer les grandes orientations du budget pour 2014, puis d'approfondir deux sujets sur lesquels j'ai fait porter mes auditions : l'Agence nationale de la recherche et le crédit d'impôt recherche, notamment pour ce qui est de ses modalités de contrôle.

Le budget de la MIRES atteint pour la première fois les 26 milliards d'euros. C'est un budget de consolidation, en hausse très légère de 0,44 %. Dans le contexte actuel de contrainte des finances publiques, et de recul de la majorité des autres budgets ministériels, cette stabilisation est à souligner. Ainsi, la MIRES constitue toujours le troisième budget de l'Etat, derrière l'enseignement scolaire et la défense.

Ce constat plutôt rassurant, à première vue, doit toutefois être relativisé à plusieurs égards.

Tout d'abord, la part consacrée à la recherche, qui intéresse notre commission, n'est pas la mieux lotie : avec presque 14 milliards d'euros, elle est en baisse de 0,55 % par rapport à l'exercice précédent. C'est en fait, comme l'année passée, la réussite étudiante qui est la grande priorité.

Cette contraction de l'enveloppe « recherche » se retrouve, logiquement, dans les subventions allouées aux grands organismes. Ceux que j'ai pu auditionner ou questionner m'ont fait part de la situation « limite » dans laquelle ils se trouvaient. Leur dotation d'État est en recul : - 0,2 % pour l'Institut national de recherche agronomique (INRA), - 0,4 % pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), - 0,64 % pour l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), - 1,1 % pour le Centre national d'études spatiales (CNES) ... Le problème est que ces baisses, certes limitées, se rajoutent aux autres baisses des années précédentes pour constituer finalement des « coupes » sensibles. L'IFP - Énergies nouvelles (IFP-EN), par exemple, a vu ainsi sa dotation reculer de 34 % depuis une dizaine d'années ; il est aujourd'hui « à l'os », pour reprendre son expression. Comme par ailleurs l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), qui craint même de se retrouver en cessation de paiement si cette tendance se poursuit !

Or, la situation de ces organismes risque de s'aggraver, du fait des mises en réserve demandées à l'ensemble des opérateurs de l'État, au nom de la maitrise des finances publiques. D'une part, ces taux ont augmenté cette année : stables pour la masse salariale, à 0,5 %, ils passent de 6 à 7 % pour les autres dépenses. Si leur réduction de moitié avait été finalement décidée l'année passée, l'arbitrage n'a pas encore été rendu pour cet exercice. Aussi plusieurs organismes - IFP-EN et IFSTTAR, mais aussi Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) - ont-ils demandé conjointement au Gouvernement de prendre des résolutions en ce sens. Sachant qu'ils ne seront pas à l'abri d'un gel supplémentaire en cours d'exercice, comme cela est arrivé à l'IFSTTAR en 2013, ce qui les mettrait alors dans une situation budgétaire plus que délicate.

Comment les organismes gèrent-ils ce retrait des dotations d'État ? Ceux qui le peuvent s'adaptent et tentent de diversifier leurs moyens de financement. Soit en augmentant leurs ressources propres : dividendes versés par les filiales, prestations réalisées auprès des industriels, redevances issues de la valorisation de la recherche ... Les ressources propres de l'IFP-EN ont ainsi presque doublé en 10 ans, représentant plus de 50 % de son budget.

L'autre solution est de se tourner vers les appels à projet, qu'ils soient issus du programme d'investissements d'avenir (PIA) ou de l'Europe. C'est ce que fait l'INRIA, qui cette année voit encore ce type de ressources augmenter, de 2,7 %.

Ces solutions sont à encourager, car il est certain que la tendance sera au désengagement progressif de l'État dans le financement de ces structures. Cependant, elle a ses limites, et ces organismes sont contraints aujourd'hui de réaliser de nouvelles économies. Ce peut être sur le budget de fonctionnement, en se « serrant la ceinture » un peu plus. Ce peut être sur les emplois, ce qui remet en cause la transmission du savoir au sein de la structure : recul de 479 équivalents temps plein (ETP) au CNRS en 2014, suppression de 150 emplois depuis 2011 à l'IFP-EN...

Ce peut être enfin, dans le pire des cas, sur les capacités d'intervention : plusieurs organismes (IFP-EN, INRIA...) nous ont ainsi indiqué avoir arrêté ou suspendu, au moins en partie, certains programmes de recherche. Dans une économie où la connaissance et l'innovation seront, demain plus que jamais, la source de toute valeur ajoutée, on mesure les conséquences désastreuses d'une telle évolution pour notre pays.

J'en viens à présent à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR. La mise en place de cette agence de moyens, en 2006, a considérablement modifié le financement de la recherche en France, qui consistait jusqu'alors à subventionner chaque année de grands organismes. Elle l'a en effet réorienté vers le financement de projets précisément définis et correspondant à des thématiques jugées essentielles, comme c'est le cas dans les autres grands pays de recherche. Cela a permis de mettre en concurrence les équipes, de sélectionner les meilleures et de définir de grandes priorités nationales. Tout en conservant des financements pour des projets originaux, en rupture avec les itinéraires de recherche traditionnels, dits aussi « programmes blancs ».

L'ANR n'a pas été remise en cause par la dernière loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, que j'ai rapportée pour avis au nom de la commission il y a quelques mois. Mais ses capacités d'action se trouvent aujourd'hui limitées de façon inquiétante.

Le budget de l'Agence, tout d'abord, est réduit cette année de 81 millions d'euros avant mise en réserve, soit - 12,3 % ! Cette diminution n'est pas ponctuelle : elle correspond à un recentrage délibéré du financement de la recherche vers les « crédits récurrents », octroyés aux grands organismes nationaux. Depuis la création de l'agence, sa subvention a baissé de 30 %, alors que le budget global de la MIRES progressait de 24 % ! Ils ne représentent plus désormais que 2,2 % des crédits de la MIRES, soit une enveloppe très insuffisante pour une agence à laquelle est censée être déléguée la majeure partie du financement de la recherche dans notre pays.

Cette évolution a des conséquences dramatiques sur le paysage de la recherche. La baisse des moyens de l'ANR, alors que les dossiers qui lui sont soumis augmentent fortement, aboutit à un fort recul du taux de succès aux appels à projet. Il est passé de plus de 25 % il y a quelques années à 16/17 % cette année, soit un des taux les plus bas d'Europe. Et bien inférieur à celui du 7ème PCRD, qui est de 24 %.

À ce niveau-là, et vu la baisse des crédits qu'elles peuvent subir, les équipes de recherche risquent d'être découragées et ne plus soumissionner, surtout lorsque l'on connaît la complexité du montage des dossiers. L'ANR pourrait ainsi perdre de son influence au profit d'autres sources de financement, que ce soit le programme « investissements d'avenir », dont une nouvelle tranche vient d'être annoncée, ou les appels à projet européens.

Devant ce risque, l'Agence n'est pas restée inactive. Elle a en effet profondément modifié sa procédure d'AAP, qui aura lieu désormais en deux temps : l'examen de pré-propositions sous un format allégé, puis l'analyse de dossiers détaillés parmi celles sélectionnées. Cette procédure révisée devrait permettre de réduire le nombre de projets examinés, et donc d'augmenter mécaniquement le taux de succès, pour le porter à 40 % environ. Espérons qu'elle redonnera un second souffle à l'Agence, et que celle-ci sera davantage prise en compte dans le prochain budget, car il en va de sa crédibilité auprès de la communauté scientifique, et même de sa pérennité.

Quelques mots pour finir sur le crédit d'impôt recherche (CIR), élément incontournable du budget de la recherche. Avec 5,8 milliards d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2014, contre 4,05 milliards en 2013, il représente en effet 41,5 % de la part « recherche » des crédits de la MIRES !

Je ne reviens pas sur son historique, mais je vous rappelle que son enveloppe a été multipliée par plus de 13 depuis son instauration en 2003, au gré de ses diverses réformes, et qu'il représente désormais l'aide fiscale à la recherche et développement (R&D) la plus avantageuse des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), avec 0,26 % du produit intérieur brut (PIB).

L'efficacité du CIR, certes délicate à mesurer, semble cependant acquise sur le principe. Le rapport de la Cour des comptes de juillet dernier sur ce dispositif fiscal souligne ainsi son intérêt en termes de développement de la recherche privée, d'attractivité territoriale et de baisse des charges des entreprises.

Dans ces conditions, la pérennisation du dispositif pour 2014 est une bonne chose. Cependant, du point de vue des entreprises, et notamment des plus petites, son régime reste source de difficultés et d'incertitudes :

- le montage des dossiers s'est complexifié de façon considérable. Les entreprises doivent réunir des compétences pluridisciplinaires, tandis que la détermination de l'éligibilité des projets repose sur un jugement difficile à objectiver. L'administration s'appuie sur la réalisation d'états de l'art que les petites et moyennes entreprises (PME) sont souvent peu armées pour réaliser. Et la mise en oeuvre du crédit d'impôt innovation (CII), instauré l'an dernier, ne contribue pas à éclaircir les choses : malgré l'instruction fiscale parue début octobre, la différenciation d'avec le CIR semble déjà très délicate, et l'enveloppe prévue sous-dimensionnée. Aussi l'élaboration d'un référentiel clair et stable sur le périmètre des dépenses éligibles, pour le CIR comme pour le CII, ainsi que de « bonnes pratiques » dans la conduite des contrôles, permettraient aux entreprises de mieux affecter fiscalement leurs dépenses et d'en préparer la justification en amont ;

- cela serait également de nature à réduire le recours aux cabinets de conseil, qui a explosé ces dernières années, avec la complexification du dispositif, et qui pose problème. Leur taux moyen de rémunération est en effet de 20 %, et peut atteindre jusqu'à 40 %. Or, leur intervention massive, notamment auprès des PME, n'a pas permis d'endiguer l'augmentation des rectifications, particulièrement sensible en 2012.

Plutôt qu'un agrément de ces cabinets qui, pour certains, entérinerait leur existence et leur recours, il semblerait préférable de favoriser l'autonomie des entreprises : il importe en effet que les dossiers soient bien rédigés par les responsables en charge des projets en interne, eux seuls étant capables d'exposer les raisons de leur éligibilité, en cas de contrôle. Aussi faut-il davantage les former - et les informer - aux techniques du CIR. Le réseau public ou consulaire, via les conseilleurs innovation, semble tout indiqué à cet égard ;

- enfin, dernière problématique relative au CIR, celle des procédures de contrôle. Elles sont en effet, elles aussi, très incertaines, car elles dépendent pour beaucoup de l'expert qui a été désigné par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour assister les services fiscaux : un même dossier peut être tranché de façon diamétralement opposée selon son interprétation de règles par ailleurs - comme je le disais tout à l'heure - peu claires.

De plus, ces experts sont souvent des universitaires qui, s'ils ont de solides connaissances théoriques, ne sont pas au fait du fonctionnement concret des entreprises. Ils demandent des bibliographies particulièrement fournies, qu'elles n'ont pas les moyens de réunir. Et le dialogue contradictoire entre entreprises et experts est souvent inexistant, malgré la parution d'un décret en début d'année sur ce point.

Des pistes d'amélioration restent pourtant envisageables : mieux former les experts aux particularités de la recherche en entreprise ; encourager à un contrôle « sur place », accompagné d'un débat oral et contradictoire avec les responsables de l'entreprise ; prévoir une contre-expertise « à l'aveugle », avec un second expert différent du premier ; informer les entreprises du stade d'examen de leur dossier lors d'un contrôle fiscal...

Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, les analyses et propositions que m'ont inspirées cet avis « recherche ». Pour conclure, il me reste à donner mon avis sur les crédits de la MIRES pour 2014.

À titre d'élément positif, figure la préservation des crédits de la MIRES, dans un contexte budgétaire difficile, ainsi que la pérennisation du CIR et du dispositif de la Jeune entreprise innovante (JEI).

Mais d'un autre côté, la baisse importante de crédits de l'ANR interpelle quant à l'avenir du financement sur projet. De plus, certains organismes de recherche se trouvent dans une situation budgétaire extrêmement délicate du fait de la stagnation ou de la baisse de leurs dotations publiques.

Dans ces conditions, je m'abstiendrai sur les crédits de la mission.

M. Daniel Raoul , président . - A titre personnel, l'examen des crédits de la MIRES me laisse toujours sur ma faim, car il ne permet pas de cerner vraiment les crédits de la recherche. Vous évoquez l'ANR, les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), etc. Mais il y a eu aussi le premier PIA, maintenant le deuxième, les initiatives d'excellence (Idex)... Ces crédits sont-ils comptabilisés ? Comment les intégrer ? Il y a en effet des crédits consomptibles et non consomptibles. Comment compter des crédits qu'on n'a pas le droit d'engager ? On voit bien que la labellisation Labex a des conséquences financières concrètes : les laboratoires sélectionnés vivent dans un certain confort financier. Mais les crédits dont ils bénéficient au titre du PIA ne sont pas comptés dans la MIRES. La représentation qui est donnée de la réalité par les bleus budgétaires est donc incorrecte. Il faudrait pouvoir distinguer, dans les crédits du PIA, la destination budgétaire finale.

Par ailleurs, il faut prendre en compte la réalité de l'exécution budgétaire, avec la pratique systématique du gel de crédits ouverts en loi de finances. Entre l'affichage en projet de loi de finances initial et la consommation des crédits, l'écart peut être important.

Concernant l'ANR, je crois utile de rappeler qu'il est indispensable qu'elle accorde un volume important de crédits aux programmes blancs, car c'est là que se trouvent les vraies chances de sauts scientifiques et technologiques. Prenez l'exemple fameux de la diode esaki. C'est en travaillant sur un isolant qu'on a créé un semi-conducteur.

Enfin, concernant les crédits affectés aux universités, et en particulier les clés de cette répartition, il y aurait beaucoup à dire. Le fonctionnement de la conférence des présidents d'université (CPU) relève d'une forme de cogestion, dans laquelle les grandes universités se servent et les petites et moyennes universités (PMU) reçoivent des moyens ridicules en termes de dotation par étudiant. Certaines grandes universités comme Orsay disposent des ressources externes si importantes du fait des partenariats et des appels à projet qu'elles pourraient presque se passer des dotations de l'État.

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - On voit en affichage des montants très importants dans le cadre des investissements d'avenir, mais vers quoi sont-ils fléchés ? Qu'est-ce qui est réellement mis en oeuvre ? S'agissant des enveloppes non consomptibles, on ne peut utiliser que les intérêts produits par ces crédits. Les sommes affichées sont donc extrêmement fortes mais les sommes effectivement utilisables sont beaucoup plus faibles. Il y a aussi le problème de la dispersion des lignes de crédits. Nous avons examiné ce matin les crédits de la mission « Économie » : y figurent d'importants crédits de recherche. Tout cela ne participe pas à la transparence nécessaire pour appréhender globalement les choses. Le PIA, c'est plus de 22 milliards d'euros pour la recherche : comment cela est-il utilisé ? Qu'est-ce qui va vers Labex/Idex, qu'est-ce qui va vers les instituts de recherche ? Comment cela s'articule-t-il ? Après on pourra regarder si effectivement l'ANR a son utilité. Des professeurs du Collège de France ont attiré notre attention sur le risque, du fait de taux de succès trop faibles, de passer à côté des bons projets et de décourager les bonnes initiatives. Surtout, il faut conserver les crédits blancs. Ces professeurs n'ont pas cité la diode esaki mais le chant des oiseaux, dont l'étude a débouché sur de grandes avancées en matière de génome par le plus pur des hasards. Des sujets d'apparence anodins se sont révélés stratégiques. Je crois qu'il faut aussi sélectionner de très bonnes équipes de chercheurs et leur faire confiance pour explorer des pistes, comme c'est le cas par exemple dans les instituts Max Planck.

Je tiens aussi à souligner un point important concernant la politique en direction des jeunes chercheurs. Ils sont formés au meilleur niveau, ils participent à des programmes stratégiques et, après dix ans d'études supérieures, ils sont rémunérés 1500 euros par mois. Aujourd'hui, les meilleurs éléments des équipes doctorales partent directement à l'étranger. Il est urgent de mieux les accompagner et de mieux les rémunérer. C'est l'avenir de la recherche qui se joue ici.

M. Daniel Raoul , président . - Heureusement tout de même que ces jeunes chercheurs, après leur post doc, souhaitent revenir en France. Car si la recherche est mieux rémunérée aux États-Unis, la condition des chercheurs y est aussi plus précaire.

La question des relations entre l'ANR et les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) est un vrai débat. L'ANR avait deux vocations. D'une part, servir d'outil à l'État stratège qui sélectionne des domaines de compétences et des priorités d'avenir en les subventionnant à 50 ou 60 % de son budget. D'autre part, alimenter, à hauteur de 40 % des crédits, des programmes blancs, non fléchés, qui sont les plus intéressants en termes d'innovation. C'est dans ces programmes blancs qu'il peut y avoir des sauts technologiques importants.

Ensuite a été mis en place le PIA, qui a apporté des masses de crédits à certains laboratoires en laissant les autres à l'écart. Je crois qu'il doit y avoir une dotation minimale, un socle, permettant d'assurer le fonctionnement et que le PIA doit apporter un « plus ».

M. Michel Bécot . - Le CIR profite aux très petites entreprises (TPE) et aux PME, mais la masse des crédits va quand même à de grandes sociétés qui n'ont pas forcément besoin de recevoir de telles sommes pour conduire un effort de recherche et d'innovation. Le dispositif devrait être plus différencié pour éviter certains effets d'aubaine.

M. Daniel Raoul , président . - Les crédits du CIR ont considérablement augmenté depuis sa création. Il représentera en 2014 une enveloppe de 5,8 milliards d'euros. Cependant on n'observe aucune corrélation entre l'augmentation du CIR et le développement de la R&D. Cela a été relevé par la Cour des comptes. Le fait que les principaux bénéficiaires du CIR soient de grandes sociétés n'y est sans doute pas pour rien : ce dispositif fiscal leur permet de capter des crédits, mais cela ne les incite pas pour autant à faire plus de recherche. Je crois qu'il faudrait déplacer le curseur vers les PME. En outre, ces dernières, compte tenu de la complexité du dispositif, doivent recourir à des officines de conseil qui peuvent récupérer pour leur compte plus de 30 % du montant du CIR. Or, la vocation de ce dernier n'est pas d'enrichir des cabinets conseil en fiscalité !

M. Michel Bécot . - Il faut simplifier ! Les PME n'ont pas les ressources en interne pour administrer un dispositif aussi complexe.

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Quelques chiffres de la Cour des comptes pour éclairer ce débat. 80 % des bénéficiaires du CIR sont des entreprises de moins de 250 salariés. Seuls 5 % des déclarants ont plus de 500 salariés. Et les entreprises de plus de 5000 salariés, représentent 0,4 % des déclarants, mais soumettent 7 milliards d'euros de déclarations, soit 38 % du total déclaré.

M. Daniel Raoul , président . - Tout est dit !

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Certaines grandes sociétés, qui ont l'expertise juridique suffisante pour exploiter le dispositif, sont de grosses consommatrices du CIR, mais l'on peut s'interroger sur le rapport sur investissement en termes de recherche pour la collectivité.

L'accompagnement des PME par des tiers dans la demande de CIR est également une vraie question. Faut-il un agrément des sociétés de conseil ? Il y a des conseillers qui font de la défiscalisation sans rien connaître au CIR. De nombreux redressements ont concerné des entreprises qui avaient été mal conseillées. Les choses se sont un peu améliorées au cours du temps, mais l'accompagnement des PME reste une problématique d'actualité. Il y a ce problème du conseil fiscal, mais il y a aussi la question de l'expertise des dossiers sur le fond. Selon que l'expert est plutôt proche du monde académique ou du monde de l'entreprise, l'appréciation d'un même dossier va être différente.

M. Daniel Raoul , président . - Il faudrait aussi évoquer, s'agissant du CIR, la question de la technique de la filialisation mise en oeuvre par les grands groupes. Ces derniers peuvent créer des filiales à la seule fin d'optimiser le volume de CIR perçu. Limiter ce genre de dérive ne doit pas être si compliqué.

M. Yannick Vaugrenard . - Je reste sur ma faim. J'ai le sentiment qu'il n'existe pas véritablement de système d'évaluation sur ce qu'est la recherche en France. Peut-on véritablement en chiffrer le budget consolidé ? Peut-on véritablement savoir s'il augmente ou pas ? Dotations budgétaires, PIA, CIR, ANR, dispositifs fiscaux divers... Peut-on véritablement chiffrer l'effort national de recherche ?

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Il faudrait aussi compter les crédits européens en matière de recherche dont profite la France ! Sans oublier non plus le budget recherche des collectivités, notamment les régions. Ces deux niveaux, supra et infra national, doivent être prise en compte dans une réflexion stratégique sur la recherche.

M. Daniel Raoul , président . - Tout à fait. Pour prendre l'exemple de ma communauté d'agglomération, elle dépense chaque année 8 millions d'euros pour l'enseignement supérieur et la recherche. Une fois déduite des dépenses dans le domaine de l'immobilier, notamment, il reste encore 2 millions d'euros pour la recherche elle-même. Et puis, il faudrait prendre en compte également les pôles de compétitivité, et le Fonds unique interministériel (FUI) ... C'est une usine à gaz.

M. Yannick Vaugrenard . - On fait souvent des comparaisons internationales, on nous dit que la France est en retard. Mais je constate que, même pour la France, nous avons du mal à établir un budget clair de la recherche. Alors que signifient les chiffres des autres pays ? Quelle est la pertinence de ces comparaisons ?

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Les comparaisons sont très difficiles à faire car les systèmes nationaux de recherches sont extrêmement divers. Parfois, on fait des comparaisons internationales qui mettent en avant un élément au sein de ces systèmes. On va nous parler par exemple des instituts Max Planck. En France, cela n'existe pas. Mais dans un système organisé très différemment, cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas des institutions qui remplissent un rôle analogue. Faire des comparaisons pertinentes exige un énorme travail préalable de compréhension des systèmes de recherches, pour saisir qui fait quoi, l'affectation des différents crédits, comment tout cela se complète, ou au contraire entre en redondance ou bien laisse des « trous ».

M. Daniel Raoul , président . - Même une approche disciplinaire est complexe. Répondre à une question telle que : dans tel domaine, quel est le niveau de la recherche ? Cela ne va pas de soi. S'agissant des sciences du vivant par exemple, on va spontanément s'intéresser à l'INSERM, au CNRS...En réalité, c'est le CEA qui est leader dans ce domaine. Comprendre ce qui se passe en France est compliqué, procéder à la comparaison avec des systèmes étrangers l'est encore plus.

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Le travail à accomplir est énorme.

M. Daniel Raoul , président . - Il faut maintenant en venir au vote sur les crédits de la mission. Quel est votre avis, Madame la rapporteur ? Vous avez signalé très honnêtement qu'il y avait un effort appréciable pour maintenir le budget de la recherche, avec une progression de 0,44 % des crédits, et ce malgré un contexte budgétaire très contraint. Vous ne voudriez pas donner un avis favorable assorti de réserve ?

Mme Valérie Létard , rapporteur pour avis . - Je m'abstiens, Monsieur le Président.

M. Michel Bécot . - Je m'abstiens également.

M. Daniel Raoul , président . - Je mets au vote.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « recherche et enseignement supérieur ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 12 novembre 2013

- IFP-Énergies nouvelles : M. Georges Picard , directeur général adjoint, et Mme Armelle Sanière , chargée des relations institutionnelles ;

- Collège de France : MM. Philippe Kourilsky , professeur émérite, Antoine Georges et Alain Prochiantz , professeurs titulaires ;

- Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) : M. Antoine Petit , directeur général adjoint ;

- Association des conseils en innovation : M. Thomas Gross , vice-président, et Mmes Florence Joseph , responsable de la commission « financement fiscal de l'innovation » et Emmanuelle Pianetti , chargée de mission.

Mercredi 13 novembre 2013

- Agence nationale de la recherche (ANR) : Mme Pascale Briand , directrice générale, et M. Arnaud Torres , responsable du département « investissement d'avenir et compétitivité » ;

- Croissance Plus : M. Christophe Fornes , co-président de la commission « recherche, innovation et propriété intellectuelle », et Mme Clothilde Hervouet , chargée de mission relations institutionnelles ;

- Thales : MM. Marko Erman , directeur « recherche et technologie » et François Grégoire , directeur « crédit impôt recherche », et Mme Isabelle Caputo , directeur des relations parlementaires et politiques ;

- Comité Richelieu : MM. Christophe Lecante , vice-président, Jean-Pierre Gérault , président d'honneur, et Jean Delalandre , délégué général ;

- Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) : Mme Hélène Jacquot-Guimbal , directrice générale, et M. Vincent Motyka , directeur général adjoint.


* 1 Les dotations de l'AERES seront transférées au HCERES, les moyens alloués au Haut conseil de la science et de la technologie (HCST) seront transférés au Conseil supérieur de la recherche (CSR) et ceux destinés au Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT) s'ajouteront à ceux déjà dévolus au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).

* 2 International thermonuclear experimental reactor.

* 3 Grand équipement national de calcul intensif.

* 4 Voir les développements qui y sont consacrés infra.

* 5 Aviesan (Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé), AllEnvi (Alliance nationale de recherche pour l'environnement), Allistene (Alliance des sciences et technologies du numérique) et Ancre (Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie) et Athena (Alliance nationale des humanités, sciences humaines et sciences sociales).

* 6 Personnels affectés à des opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes de nouveaux produits.

* 7 Investissements d'avenir : un bilan difficile à établir, un coup de pouce à l'innovation, article de Sandrine Cassini dans Le Monde du 10 juillet 2013.

* 8 Une dotation consomptible est une dotation dont le capital peut être consommé par les bénéficiaires, alors qu'une dotation non-consomptible est une dotation dont seuls les revenus du capital peuvent être consommés par les bénéficiaires.

* 9 L'ANR finance, en plus d'appels à projets mobilisant un peu plus de la moitié de son budget, des opérations de transfert de technologie (par le biais notamment des Instituts Carnot), des coopérations scientifiques internationales ou encore des groupes de réflexion à moyen et long termes.

* 10 Portant sur la fixation à 100 millions d'euros du plafond des dépenses éligibles, la consolidation des dépenses de R&D au niveau du groupe, la suppression du « bonus » à l'embauche de docteurs, la suppression du bonus pour sous-traitance des travaux de recherche, le plafonnement à 2 millions d'euros de la prise en compte des dépenses de sous-traitance, la suppression de certaines dépenses de la liste des dépenses éligibles et l'interdiction de cumuler le CIR et le crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE).

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