C. L'AIDE À LA SCOLARITÉ

1. La réforme du système de bourses en 2013

Le Président de la République avait pris l'engagement, pendant la campagne électorale, de supprimer la prise en charge des frais de scolarité des lycéens (PEC) et de redéployer les moyens correspondants vers les bourses scolaires. Le projet de loi de finances rectificatif pour 2012 a donc effectué cette suppression. Un nouveau système d'attribution des bourses scolaires a été mis en place en 2013. L'enveloppe budgétaire allouée à l'aide à la scolarité a été de 110,3 M€ pour 2013, 118,8 M€ pour 2014 et sera de 125,5 M€ pour 2015 (soit un retour en 2015 aux niveaux d'aide à la scolarité constatés avant la suppression de la PEC).

a) Les principes à l'origine de la réforme des bourses

Le gouvernement poursuivait comme objectifs que :

- le système soit ouvert à davantage de familles ;

- qu'il tienne mieux compte des réalités des coûts de la vie locaux par rapport à l'ancien système des « points de charge » dont le gouvernement estimait qu'il privilégiait dans certains cas des familles à « train de vie élevé » ;

- qu'il soit compatible avec le cadre budgétaire, c'est-à-dire qu'il soit « pilotable » financièrement, compte tenu de la vive croissance des demandes et du caractère contraint des enveloppes budgétaires.

Dans le système antérieur, une famille avait droit à une bourse en fonction de la comparaison entre les frais de scolarité qu'elle supportait et son revenu disponible , après prise en compte des dépenses réelles (notamment le logement) et d'une évaluation forfaitaire du montant nécessaire pour vivre dans le pays considéré, appelé « revenu minimum ». La prise en compte des dépenses réelles, appelées « points de charge négatifs », conduisait à prendre en compte des choix de consommation des familles pour l'attribution des bourses, en particulier leur loyer. Les « revenus minima » fixés localement, manquaient de cohérence lorsqu'on les comparait à un indice du coût de la vie. Des familles ayant des revenus du simple au décuple bénéficiaient d'un taux de 100% des bourses.

Dans le nouveau système mis en place en 2013, c'est le quotient familial réel net des frais de scolarité qui fonde l'ouverture de droit à bourse, et plus précisément le revenu net disponible par unité de consommation après prise en compte des frais de scolarité et pondération au moyen d'un indice de parité de pouvoir d'achat, destiné à annuler les effets de la variation du cout de la vie entre les pays.

Avec ces nouvelles règles, les familles qui avaient des « points de charge » négatifs élevés bénéficient d'un traitement moins favorable, mais le dispositif s'ouvre à de nouvelles familles à revenu intermédiaire.

b) Des premiers effets globalement conformes aux objectifs mais difficiles à évaluer

Le nouveau système de bourses a été mis en place à la rentrée de septembre 2013 pour le rythme Nord et à la rentrée 2014 pour le rythme Sud. La commission nationale des bourses les 3 et 4 juillet 2013 a permis de dresser un bilan chiffré de la première phase de la campagne 2013/2014 des pays du rythme nord.

Dans le cadre de leurs enveloppes limitatives, les premières commissions locales des bourses (CLB) 2013/2014 des pays du rythme nord ont instruit 26 914 demandes (23 505 renouvellements et 3 409 premières demandes), soit une hausse de 4,1% par rapport à l'année dernière à la même période. Elles en ont proposé favorablement 21 708 (80,7%), chiffre stable par rapport à l'année dernière (21 539).

Après instruction des dossiers, l'AEFE a proposé à l'avis de la commission nationale l'attribution de bourses à 21 405 élèves pour un montant de 80,98 M€. La CNB a par ailleurs validé l'ajournement de 1 889 demandes (7%) et le rejet de 3 620 autres (13,5%). Le nombre de dossiers proposés à l'ajournement apparaît en forte augmentation par rapport à l'année précédente (+84%), sans doute à cause du calendrier plus resserré. 192 nouvelles familles sont entrées à ce stade dans le dispositif en 2013.

La quotité « théorique » moyenne de bourse (c'est-à-dire celle résultant de la seule application de la règle de calcul) accordée aux familles s'élève à 79,64% contre 86,15% l'année précédente à la même période de la campagne. La quotité moyenne de bourse réellement accordée (après les modulations effectuées par la CLB) s'élève à 81,48% contre 85,71% l'année précédente à la même période de la campagne. 44% des boursiers bénéficient d'une bourse à 100% (40% si l'on considère la quotité théorique calculée par le barème).

Source : ministère des affaires étrangères

À l'issue des pondérations effectuées par les commissions locales, la quotité moyenne de bourse accordée aux familles monoparentales s'établit à 88,62% contre 93,41% l'année précédente (soit -5,1%). Celle des familles biparentales à 78,94% contre 83,3% l'année précédente (soit -5,2%). Le coût moyen par boursier constaté à l'issue de la CNB de juillet 2013 pour les pays du rythme nord s'établit à 3 782 € contre 3 817 € l'année précédente (-0,9%). Pour mémoire, le coût moyen avait augmenté de 9,4% de 2011/2012 à 2012/2013.

Source : ministère des affaires étrangères

Le revenu net moyen des familles boursières s'élève à 20 184 €, 22 337 € pour les 9 464 familles biparentales et 14 125 € pour les 3 364 familles monoparentales. 10,5% des familles bénéficiaires de bourses le sont pour la première fois cette année (= première demande de bourse). Le revenu net moyen de ces 1 343 familles s'élève à 23 028 € et la quotité moyenne qui leur a été accordée est de 71,65.

Répartition géographique des boursiers à l'issue de la CNB de juillet 2013 pour les pays du rythme nord :

Nombre de boursiers

Répartition en %

Montants des dépenses

Répartition en %

AFRIQUE

7 749

36,2 %

21 450 659 €

26,5 %

EUROPE

4 750

22,2 %

20 368 440 €

25,2 %

AFRIQUE DU NORD

2 851

13,3 %

7 549 540 €

9,3 %

ASIE OCEANIE

1 898

8,9 %

8 861 445 €

10,9 %

PROCHE et MOYEN-ORIENT

1 566

7,3 %

5 316 468 €

6,6 %

AMERIQUE DU NORD

1 415

6,6 %

12 692 447 €

15,7 %

AMERIQUE CENTRALE et SUD

1 175

5,5 %

4 743 364 €

5,9 %

TOTAL

21 405

100 %

80 982 363 €

100 %

Source : ministère des affaires étrangères

Toutes les personnes auditionnées par vos rapporteurs sur ce sujet ont indiqué qu'il était encore trop tôt pour dresser un bilan complet de la première année de mise en oeuvre de la réforme des bourses : cela ne pourra être fait qu'après la CNB de décembre 2013.

Les représentants du ministère des affaires étrangères ont fait valoir pendant leur audition que le nouveau dispositif était aujourd'hui installé . Sur un plan budgétaire, l'objectif de maîtrise de la dépense est en passe d'être atteint . Dans la très grande majorité des cas, les postes et les CLB ont pris pleinement conscience des nouvelles responsabilités budgétaires introduites par la réforme en respectant le montant des enveloppes limitatives allouées, dans le respect de l'examen des situations financières des familles.

c) Une redistribution entre les familles

Bien qu'il soit encore trop tôt pour porter un jugement définitif, plusieurs échos du terrain tendent à faire ressortir un effet redistributif certain de cette réforme entre les familles.

M. Jean-Marc Pastor, co-rapporteur, se félicite de la plus grande équité dans la répartition des bourses. Il note qu'aucune sortie massive du système scolaire n'a pu être constatée, ce qui montre que la réforme n'a pas eu l'effet d'éviction que certains prédisaient. D'ailleurs, le « filet de sécurité » instauré pour la première année de mise en oeuvre (pas de perte de plus de 20% de sa quotité) a pu lisser les évolutions et permettre une transition plus douce. Le système, désormais soutenable financièrement, est aussi plus juste : 192 familles 20 ( * ) sont entrées à ce stade pour la première fois dans le dispositif en 2013 (ce chiffre étant susceptible d'augmenter avec la deuxième commission locale des bourses). Le nouveau barème tient davantage compte de la progressivité des revenus : moins de familles ont ainsi une quotité de 100%. La redistribution géographique n'est pas non plus massive : l'Amérique du Nord représente 16% de la dépense pour 7% des boursiers. Lors de son audition, la ministre a cité l'exemple d'une famille de 3 enfants, qui, dans l'ancien système, bénéficiait d'une bourse de 20 000 dollars (soit une quotité de bourse de 80%) alors qu'elle disposait d'un revenu annuel de 100 000 dollars, soit trois fois le revenu médian français. Cela ne pourrait plus se produire dans le nouveau système, qui est plus juste.

M Robert del Picchia constate quant à lui sur le terrain des difficultés d'application et des effets redistributifs importants, qui ne sont pas sans incidence sur les familles concernées, compte tenu de l'augmentation globale du coût de la vie et surtout du coût croissant des frais d'écolage. Si l'on considère l'ensemble de la réforme des aides à la scolarité depuis 2012, et non celle du seul système des bourses, de nombreuses familles sont perdantes : sur 6 525 demandes 21 ( * ) de prise en charge présentées juste avant sa suppression (première commission locale des bourses au 1 er semestre 2012), seules 1 021 familles ont présenté une demande de bourse en seconde commission des bourses, et seules 430 familles ont été éligibles à une bourse, pour 586 enfants (dont 481 lycéens). De nombreuses familles ont donc vu leurs revenus diminuer significativement du fait des frais de scolarités très élevés.

d) Des pistes d'amélioration à examiner
(1) Un système d'attribution « à double détente » sans doute perfectible

Instituées auprès de chaque poste diplomatique ou consulaire, les commissions locales des bourses (CLB) ont compétence pour la gestion des bourses scolaires au niveau local . Dans ce cadre, le nouveau dispositif des bourses scolaires consacre la pleine responsabilité des CLB sur trois points essentiels :

. l'utilisation de la dotation budgétaire qui leur est allouée ;

. la répartition des aides entre les demandeurs ;

. la définition de tous les paramètres spécifiques à la circonscription consulaire nécessaires à la gestion locale du dossier.

Concrètement, l'attribution par chaque CLB s'est faite en deux temps. Sur la base d'une première estimation, un montant total limitatif a été fixé et alloué à chaque CLB. Ces crédits ont ensuite été affectés par les CLB aux familles boursières sur la base des demandes réellement constatées.

M. Jean-Marc Pastor se félicite que ce système permette tout à la fois un pilotage au plus près du terrain et une maîtrise -indispensable- des enveloppes financières.

M. Robert del Picchia, co-rapporteur, considère quant à lui que ce système à « double détente » est perfectible. En effet, faute de disposer des informations en temps utile ou par souci de limiter au plus juste l'enveloppe demandée, de nombreuses estimations ont sous-calibré les besoins. Or, une fois l'enveloppe fixée, elle est limitative et peut ne pas suffire à couvrir les besoins.

(2) Des péréquations par les CLB parfois peu comprises sur le terrain

Les CLB ont un pouvoir d'appréciation des situations dérogatoires. Elles ont aussi la possibilité de pondérer, à la hausse ou à la baisse, les quotités théoriques obtenues par stricte application du barème. Les commissions locales devant impérativement inscrire leurs propositions dans le cadre de l'enveloppe qui leur est notifiée, toute pondération à la hausse doit être compensée par d'autres à la baisse, voire le rejet de dossiers. Le cas échant, les CLB peuvent également prendre des mesures générales de régulation (ex : plafonnement de tarifs parascolaires).

Lors de la commission nationale des 3 et 4 juillet dernier, il a été constaté que les CLB ont effectivement eu recours à cette prérogative afin de corriger, le cas échéant, l'inadéquation entre le niveau de l'aide issue de l'application du barème et la situation réelle des familles. Ainsi, sur 12 837 familles pour lesquelles une quotité de bourse a été accordée, 2 235 (17,5%) ont fait l'objet d'une pondération à la hausse et 1 077 (8,1%) ont fait l'objet d'une pondération à la baisse . Généralement, par ce mécanisme, les CLB ont cherché à optimiser les moyens disponibles en privilégiant des familles à faible revenu plutôt que celles à faible quotité.

M. Jean-Marc Pastor, co-rapporteur, salue l'investissement des CLB pour jouer ce rôle de modulation qui s'est s'avéré substantiel et utile. Une réforme de cette ampleur, avec de forts particularismes de terrain, ne peut être menée de Paris.

M. del Picchia, co-rapporteur, constate toutefois que ce rôle est parfois mal compris sur le terrain. En effet, lorsque les CLB ont décidé de pondérer à la hausse la quotité de bourse d'une famille aux revenus modestes, elle n'a pu le faire, à enveloppe constante, qu'en rabaissant la quotité de familles disposant, la plupart du temps, de revenus intermédiaires leur permettant de disposer d'une fraction de bourse certes modeste mais pourtant essentielle pour « boucler » leur budget familial. Ces familles, « privées » de la fraction de bourse à laquelle elles auraient pu prétendre en vertu de l'application stricte des règles posées dans les différentes instructions, s'estiment lésées. Faute d'enveloppe complémentaire à réattribuer, et dans le nécessaire secret des délibérations des CLB, certains mettent en cause l'équité du nouveau système.

(3) Un « point noir » éventuel : la situation particulière des familles monoparentales à faible revenus

Le nouveau mode de calcul est susceptible d'affecter négativement les familles monoparentales.

En effet, les « points de charge » qui ont été retirés du mode de calcul, comme par exemple le loyer ou les remboursements d'emprunts immobiliers, ou encore la garde des enfants, ainsi que le nouveau mode de calcul reposant sur le revenu disponible par personne dans le foyer sont susceptibles de désavantager relativement les familles monoparentales.

M. Robert del Picchia, co-rapporteur, a en effet des remontées en ce sens de la part de familles monoparentales à revenus moyens qui auraient « perdu » à la suite de la mise en place du nouveau système, ce qui n'est pas cohérent avec l'objectif recherché d'une meilleure équité globale. Il faudra sans doute revoir certaines dispositions, pour cette catégorie de familles, à l'issue d'un bilan plus complet.

M. Jean-Marc Pastor, co-rapporteur, juge qu'il faut regarder cette question avec la plus grande attention, mais qu'un bilan complet ne pourra être tiré qu'avec la réunion des deuxièmes commissions locales des bourses, dans la mesure où les chiffres aujourd'hui disponibles ne font pas apparaitre de distorsion systématique de traitement au préjudice des familles monoparentales. Pour l'instant, il n'y a pas de différence manifeste dans la baisse de quotité accordée entre les familles monoparentales et les familles biparentales.

Lors de son audition devant votre commission, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, a indiqué qu'il était prêt à revoir, le cas échéant, la réforme sur ce point particulier, s'il était avéré que de tels effets négatifs existaient. Hélène Conway-Mouret l'a confirmé également, tout en relevant qu'on ne constatait pas, à ce stade, de tels effets négatifs.

2. Les pistes présentées pour l'évolution de l'enseignement français à l'étranger

L'enseignement français à l'étranger, qui repose sur 487 établissements scolarisant 300 000 élèves, dont 115 000 Français, dans 130 pays, constitue un instrument essentiel pour l'influence de la France dans le monde.

Afin de mener une nouvelle réflexion prospective sur l'avenir du réseau des établissements français à l'étranger, un groupe de travail commun au ministère des Affaires étrangères, au ministère de l'Éducation nationale, à la mission laïque française et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger s'est mis en place dès octobre 2012. Ses travaux ont été soumis dans une deuxième phase à une concertation avec l'ensemble des acteurs de la politique scolaire extérieure (ministères compétents, élus, opérateurs, syndicats, communauté des parents d'élèves). Mme Conway-Mouret a présenté une communication en conseil des ministres à ce sujet le 28 août.

Parmi les orientations retenues figure le renforcement du « Label FrancÉducation ». Destiné aux établissements étrangers à programmes nationaux proposant des contenus francophones de grande qualité, il constitue un nouvel outil pour diversifier l'offre d'une éducation « à la française », développer notre présence éducative dans le monde, et offrir une réponse au besoin d'extension du réseau sans que celle-ci ne prenne toujours la forme de l'homologation d'établissements. Depuis février 2012, 32 établissements étrangers proposant des sections bilingues francophones ont ainsi été labellisés. Ce label pourrait concerner une centaine d'établissements à l'horizon 2014-2015.

Une concertation interministérielle annuelle sur l'enseignement français à l'étranger doit être instituée, pour permettre d'adapter régulièrement notre stratégie aux nouveaux enjeux mondiaux. L'offre éducative doit être adaptée aux priorités stratégiques de notre diplomatie d'influence, en mettant l'accent sur les pays jugés prioritaires et sur les zones de croissance des communautés françaises expatriées. Des offres supplémentaires doivent également être encouragées pour répondre à une nouvelle demande des familles françaises ou étrangères qui souhaitent scolariser leurs enfants dans les systèmes d'enseignement locaux, tout en leur proposant un enseignement en français.


* 20 Donnée issue des réponses écrites au questionnaire budgétaire de votre commission

* 21 Chiffres communiqués en audition par la DFAE

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