N° 158

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IX

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION :

IMMIGRATION ET ASILE

Par MM. Alain NÉRI et Raymond COUDERC,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat , Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner, vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger , André Trillard, secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 16 ) (2013-2014)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La mission « Immigration, asile et intégration » a été créée en 2007 et comprend deux programmes : le programme 303 porte sur « l'immigration et l'asile », le programme 104 sur « l'intégration et l'accès à la nationalité française ».

L'action de la mission s'inscrit dans le cadre de la politique d'harmonisation des politiques d'immigration et d'asile de l'Union européenne et des engagements souscrits dans le Pacte européen pour l'immigration et l'asile d'octobre 2008, repris dans le nouveau programme pluriannuel (2010-2014) de Stockholm.

Depuis cette création, votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées se saisit pour avis sur le programme 303. Ce programme est composé de 4 actions qui sont la circulation des étrangers et la politique des visas (action 1), la garantie de l'exercice du droit d'asile (action 2), la lutte contre l'immigration irrégulière (action 3), et le soutien (action 4). Seule l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » fait l'objet d'un examen par la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées.

Cette action a pour objectif de garantir aux demandeurs d'asile un traitement optimal de leur demande, ainsi qu'une bonne prise en charge en termes de conditions matérielles d'accueil et d'accès aux soins pendant la durée d'instruction de leur demande.

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) qui relève du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », instruisent les demandes d'asile.

I. LA GARANTIE DU DROIT D'ASILE

A. PANORAMA DE LA DEMANDE D'ASILE EN FRANCE

1. Une demande qui ne fléchit pas

La France est un des premiers pays receveurs de demandes d'asile. En 2012, 61 468 demandes ont été déposées, confirmant ainsi la hausse continue des demandes depuis plusieurs années 1 ( * ) . La République démocratique du Congo reste le premier pays d'origine des demandeurs (4 010 premières demandes), suivie par la Russie (2 873), le Sri Lanka (2 436), le Kosovo (2 084) et la Chine (2 035).

Cette hausse est imputable principalement aux demandes en provenance du continent européen, qui ont augmenté de 23%, en particulier des Balkans. Certains pays ont connu des augmentations très significatives, comme l'Albanie (+446%), la Bosnie-Herzégovine (+335%), le Kosovo (+335%), la Géorgie (+55%) ou le Pakistan (+35%). Tandis qu'en 2011, la plus forte augmentation enregistrée concernait les premières demandes en provenance du continent africain (+17% par rapport à 2010), celles-ci restent stables en 2012 (+1%).

Au premier semestre 2013, le rythme de cette hausse s'est encore accéléré, avec un taux de progression d'environ 10%. Les projections pour 2013 laissent penser que près de 70 000 demandes devraient être déposées.

Source : rapport d'activité de l'OFPRA

En 2012, les évolutions à la hausse les plus significatives concernent l'Albanie (+280%), le Kosovo (+197%), le Bangladesh (+90%) et la Guinée (+22%). À l'inverse, les demandes en provenance du Sri Lanka (-34%), de la République démocratique du Congo (-8,5%), de la Turquie (-8%), du Pakistan (-3,6%) et de la Chine (-2,1%) sont en baisse.

Source : rapport d'activité de l'OFPRA

Le taux d'acceptation est de 9,4% des demandes d'asile en 2012 contre 11% en 2011 (décisions OFPRA). Si l'on ajoute les recours déposés ensuite devant la CNDA et accordés, le taux d'accord global est d'environ 21%.

2. La question de la liste des pays sûrs

La loi du 10 décembre 2003 a introduit en droit français la notion de pays sûr. Aux termes de son article L.741-4,2, le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile considère un pays comme sûr « s'il veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Les conséquences sur les demandeurs sont surtout en termes de procédure : les ressortissants des États figurant sur cette liste ne peuvent bénéficier d'une admission au séjour au titre de l'asile.

Certes leur demande est instruite par l'OFPRA, mais dans le cadre de la procédure prioritaire dans un délai de 15 jours. En cas de refus de la demande, un recours peut être déposé devant la Cour nationale du droit d'asile, néanmoins il n'a pas de caractère suspensif.

La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine n'exclut pas le principe de l'examen individuel de la demande d'asile. L'instruction porte sur le fond de la demande, peut donner lieu à un entretien, et dans certains cas aboutir à une décision d'admission. Une demande ne peut être rejetée au seul motif que le demandeur est ressortissant d'un pays figurant sur cette liste.

La liste des pays d'origine sûrs est établie par le Conseil d'administration de l'OFPRA, elle est régulièrement actualisée, soit volontairement par l'ajout ou le retrait de certains pays suite à des changements internes (c'est ainsi que la Croatie a été retirée de cette liste par décision du conseil d'administration de l'OFPRA en date du 28 juin 2013), soit par décision du Conseil d'État qui peut demander le retrait de pays inscrits sur la liste. Ainsi, le 4 mars 2013, le Conseil d'État, saisi par plusieurs associations, a annulé l'inscription sur cette liste du Bangladesh.

Extrait de la décision du Conseil d'État du 4 mars 2013

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, compte-tenu des violences auxquelles sont exposés au Bangladesh des opposants politiques ainsi que certaines catégories de la population en raison de leur religion, de leur origine ou de leurs opinions, sans garantie de pouvoir disposer d'une protection suffisante de la part des autorités publiques, ainsi que des violations des droits des minorités et des personnes déplacées dans certaines régions, la République populaire du Bangladesh ne pouvait être regardée, à la date de la décision attaquée, comme présentant les caractéristiques permettant son inscription sur la liste des pays d'origine sûrs au sens du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit s'asile ;

Les modifications apportées à la liste des pays d'origine sûrs ont une influence sur l'évolution de la demande d'asile. Ainsi, l'inscription du Bangladesh et de l'Arménie en décembre 2011 a entraîné une baisse respective de 71% et de 42% de ces flux en 2012. A contrario , le retrait de l'Albanie et du Kosovo, par décision du Conseil d'État du 26 mars 2012, a entraîné une reprise de ces demandes dès le second semestre 2012.

Au 1 er août 2013, cette liste contenait 15 pays : l'Arménie, le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, le Ghana, l'Inde, la Macédoine (ARYM), Maurice, la Moldavie, la Mongolie, la Monténégro, le Sénégal, la Serbie, la Tanzanie, l'Ukraine.


* 1 À l'échelle mondiale, 479 300 requêtes ont été enregistrées en 2012 dans 44 pays industrialisés, indique le rapport publié par le Haut-Commissariat aux Réfugiés. C'est le nombre le plus important depuis 2003 et il s'inscrit dans une tendance à la hausse observée depuis plusieurs années.

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