II. UNE NOUVELLE GÉOGRAPHIE PRIORITAIRE RECENTRÉE (ARTICLE 4)

A. LES QUARTIERS PRIORITAIRES : POUR UNE ACTION PLUS CIBLÉE

La politique de la ville déployée depuis environ une décennie a abouti à un enchevêtrement de zones d'intervention et de dispositifs susceptibles de rendre souvent difficilement lisibles et efficaces les actions menées.

Ainsi, tout d'abord, les zones urbaines sensibles (ZUS), les zones de redynamisation urbaines (ZRU) et les zones franches urbaines (ZFU) ont été créées par l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et sont identifiées comme les quartiers les plus en difficulté 11 ( * ) .

Chacune de ces zones est, en particulier, associée à un régime spécifique, en raison notamment du bénéfice de dispositifs fiscaux favorables, d'exonérations sociales et de divers autres avantages.

Selon l'étude d'impact, le territoire national compte 751 ZUS représentant 4,4 millions d'habitants, 416 ZRU pour 2,9 millions d'habitants et 100 ZFU avec 1,3 million d'habitants.

À ces zones s'ajoutent ensuite les quartiers ciblés par des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), mis en place à compter de 2007 en lieu et place des précédents contrats de ville et dans le cadre desquels sont déployés les crédits spécifiques de la politique de la ville. S'ils se superposent largement aux ZUS, puisque 741 d'entre elles sont présentes sur les territoires concernés, ils sont bien plus nombreux puisqu'ils concernent 2 492 quartiers qui représentaient 8,3 millions d'habitants en 2006 et dont 70 % ne sont pas classés en zone urbaine sensible 12 ( * ) .

Enfin, il convient d'y ajouter les « quartiers ANRU », qui correspondent aux quartiers retenus pour bénéficier des actions menées dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU). S'ils sont, en principe, définis au sein des ZUS, l'article 6 de la loi précitée du 1 er août 2003 permet également d'inclure, à titre exceptionnel, des quartiers qui, sans figurer parmi les ZUS, présentent des « caractéristiques économiques et sociales analogues », après avis conforme du maire de la commune ou du président de l'EPCI compétent et accord du ministre chargé de la ville et du ministre chargé du logement.

Cette multiplication des zonages a fait l'objet de nombreuses critiques, principalement concernant leur manque de lisibilité, susceptible d'entraver leur efficacité, l'hétérogénéité des quartiers retenus ainsi que l'absence d'actualisation des listes établies lors de leur mise en place .

Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, « l'amélioration tout à la fois de la lisibilité, de la cohérence et de l'efficacité des actions déployées dans le cadre de la politique de la ville imposait un recentrage sur une géographie prioritaire unique , au profit de laquelle sont concentrés et articulés l'ensemble des moyens d'intervention à travers la mise en place d'un cadre contractuel rénové ».

L'article 4 du projet de loi prévoit ainsi de définir de nouveaux « quartiers prioritaires de la politique de la ville » qui auraient vocation à se substituer à la fois aux ZUS, aux ZRU et aux quartiers concernés par les CUCS (situés hors-ZUS).

Votre commission se félicite de cette nouvelle géographie prioritaire qui devrait améliorer la cohérence et l'efficacité des politiques publiques menées sur ces quartiers et leurs habitants .

Pour déterminer ces nouveaux quartiers de la politique de la ville, situés en territoire urbain, l'article 4 propose de retenir, outre un nombre minimal d'habitants, un critère unique, à savoir leur « écart de développement économique et social », apprécié au regard du revenu des habitants par rapport, non seulement au territoire national, mais également à l'unité urbaine dans laquelle ils se situent.

Un décret en Conseil d'État devrait définir les modalités concrètes d'identification de ces quartiers prioritaires, lesquels feront ensuite, eux-mêmes, l'objet d'une liste arrêtée par décret et actualisée .

François Lamy, ministre délégué chargé de la ville, a indiqué, lors de son audition devant la commission des affaires économiques, que la liste des quartiers prioritaires serait ainsi publiée avant l'été 2014.

Toutefois, l'étude d'impact du projet de loi et les informations fournies par le Gouvernement ont permis de savoir que l'identification de ces quartiers serait effectuée selon la méthode du « carroyage », élaborée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et tendant à découper le territoire en carreaux de 200 mètres de côté en y introduisant le revenu des habitants pour définir les quartiers prioritaires. Bien entendu, un échange avec les organes déconcentrés de l'État devra s'engager, lesquels contribueront, « en lien étroit avec les élus locaux, [...] à transformer ces zones statistiques en territoires cohérents ».

Ainsi, selon la présentation de la méthodologie de la géographie prioritaire du ministère délégué à la ville, « sont identifiées comme populations à bas revenus les populations ayant des ressources inférieures à 60 % du revenu fiscal médian de référence.

« Au niveau national, ce revenu fiscal médian est de 18 750 euros annuels. Le seuil de bas revenus est de 11 250 euros.

« Afin de prendre en compte les spécificités de chaque territoire, les fractures territoriales et les formes de ségrégation sociale locales, le revenu fiscal médian national sera pondéré par le revenu fiscal médian de l'agglomération.

« [...]

« La cartographie des bas revenus correspond ainsi aux carreaux ou amas de carreaux qui accueillent une majorité de personnes à bas revenus. »

Toujours lors de son audition devant la commission des affaires économiques, François Lamy, ministre délégué, chargé de la ville, a précisé que ce critère était « totalement objectif et ne [permettait] pas de déplacer le curseur en fonction des humeurs : il couvre 80 % à 85 % des ZUS de 1996 et fait émerger des quartiers qui n'avaient pas été détectés auparavant. Les villes qui pourraient sortir du dispositif s'inquiètent, mais une centaine de villes moyennes et des territoires ruraux, dont les difficultés sociales sont proches de celles des banlieues, vont bénéficier du nouveau dispositif ».

Les territoires d'outre-mer feront l'objet d'une méthode d'identification différente tenant compte de leurs particularités et difficultés spécifiques.

Environ 1 300 quartiers prioritaires seraient ainsi définis, en remplacement des 2 492 quartiers CUCS, 751 ZUS et 416 ZRU. Il est à noter que les 100 ZFU ont, en tout état de cause, vocation à disparaître puisque le dispositif n'est, pour le moment, maintenu que jusqu'au 31 décembre 2014 13 ( * ) .

Ce critère unique semble effectivement pertinent dans la mesure où il apparaît, selon les études menées, étroitement lié aux autres indicateurs de déficit de développement économique et social d'un quartier.

Votre rapporteur se félicite, par ailleurs, de l'actualisation prévue de la liste des quartiers prioritaires tous les six ans. Elle permettra ainsi de s'assurer que la politique de la ville intervient bien là où les réalités sociales et urbaines le justifient. Pour rappel, la liste des ZUS n'a jamais été actualisée depuis leur création.

Il est à noter qu'initialement, le projet de loi prévoyait que cette actualisation serait effectuée dans l'année précédant le renouvellement des conseils municipaux, alors que la commission des affaires économiques du Sénat propose de retenir l'année de renouvellement des conseils municipaux afin de tenir compte de la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi.

En outre, cette actualisation aurait bien lieu tous les six ans, à l'exception des territoires d'outre-mer où elle pourrait avoir lieu tous les trois ans « si la rapidité des évolutions observées le justifie ».


* 11 Les ZUS sont ainsi caractérisées par la « présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi ». Au sein de ces zones, sont identifiées des ZRU, « confrontées à des difficultés particulières », selon certains critères. Les ZFU, enfin, sont situées dans des quartiers de plus de 10 000 habitants qui apparaissent comme « particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des ZFU » et sont déterminées en fonction des éléments « de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou de développement d'activités économiques ».

* 12 D'après le rapport précité de la Cour des comptes de juillet 2012 sur la politique de la ville.

* 13 Cf. le B du présent II.

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