III. LE PLFRSS ET LA TRAJECTOIRE DU SOLDE PUBLIC

De par sa contribution à l'effort supplémentaire en dépenses programmé pour 2014, le présent projet de loi de financement rectificative participe pleinement à l'amélioration du solde public , ainsi qu'à la correction de l'« écart important » constaté au titre de l'exercice 2013 entre le solde structurel et la trajectoire arrêtée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 16 ( * ) .

A. L'ARTICLE LIMINAIRE DU PROJET DE LOI

Conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 17 ( * ) , les projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale - de la même manière que les projets de loi de finances et les projets de loi de finances rectificative - comprennent un article liminaire « présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l'année sur laquelle elles portent, l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, avec l'indication des calculs permettant d'établir le passage de l'un à l'autre » ; aussi les éléments figurant dans l'article liminaire du présent projet de loi sont-ils repris dans le tableau ci-après.

Tableau n° 8 : Comparaison des prévisions de soldes avec la LPFP

(en points de PIB)

Exécution
2013

Prévision d'exécution 2014

Soldes prévus par la LPFP

Écart avec les soldes prévus par la LPFP

Solde structurel (1)

- 3,1

- 2,3

- 1,1

- 1,2

Solde conjoncturel (2)

- 1,2

- 1,5

- 1,0

- 0,5

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

0,0

0,0

- 0,1

0,1

Solde effectif (1+2+3)

- 4,3

- 3,8

- 2,2

- 1,6

Note de lecture : les calculs du présent article sont effectués sur la base du solde 2014 des administrations publiques selon les principes du SEC 95, c'est-à-dire le même système de comptabilité nationale que celui utilisé dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques (LPFP), et non en SEC 2010.

Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'article liminaire du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale)

1. Une prévision de solde effectif de - 3,8 % du PIB

Il apparaît donc que la prévision de solde effectif pour 2014 s'élève à - 3,8 %, laissant subsister un écart de - 1,6 point de PIB avec l'objectif fixé par la loi de programmation . Cet écart est à attribuer, tout d'abord, à un solde conjoncturel plus dégradé de 0,5 point de PIB (- 1,5 % du PIB) que la prévision de la loi de programmation des finances publiques, qui s'explique par la reprise de l'activité moins rapide qu'anticipé. En effet, alors que la loi de programmation prévoyait une croissance de 0,8 % en 2013, celle-ci n'a été que de 0,3 % cette année ; de même, la prévision d'évolution du PIB a dû être abaissée de + 2,0 % du PIB à + 1,0 % pour 2014.

Ensuite, l'écart résulte d' un solde structurel inférieur de 1,2 point de PIB à l'objectif , ce qui est explicité infra dans l'analyse de l'évolution du solde structurel. Enfin, la révision des mesures ponctuelles et temporaires est à l'origine du reliquat de 0,1 point de PIB, le coût des contentieux fiscaux ayant été revu à la baisse, du fait du décalage de la chronique du contentieux du précompte et du contentieux dit « organisme de placement collectif en valeurs mobilières » (OPCVM).

Il convient de noter que si la prévision de solde effectif est plus dégradée de 0,2 point de PIB que celle retenue dans le cadre de la loi de finances pour 2014 (- 3,6 % du PIB) - qui servait également de référence à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 -, ceci s'explique entièrement par un effet de base négatif pour - 0,2 point de PIB sur l'exercice 2013. Aussi la variation du solde effectif pour l'année 2014 n'est-elle pas révisée entre le projet de loi de finances et le présent projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale : le solde effectif serait amélioré de près de 0,5 point de PIB par rapport à 2013 où il s'élevait à - 4,3 % du PIB.

S'agissant du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), celui-ci a estimé, dans son avis du 5 juin 2014, qu'« une croissance inférieure à celle prévue par le Gouvernement se traduirait par un déficit effectif plus important ». Pour autant, dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a pu montrer qu'une moindre progression du PIB aurait une incidence limitée sur l'évolution du solde effectif en 2014 ; en effet, dans le cadre des projections réalisées par ce dernier, en cas de réalisation d'un scénario « pessimiste » 18 ( * ) - reposant sur une hypothèse de croissance de 0,6 % et d'évolution des prix à la consommation de + 0,8 % -, le déficit effectif s'établirait à 4 % du PIB en fin d'année, ce qui ne serait pas de nature à compromettre la trajectoire budgétaire de la France.

En tout état de cause, l'ajustement structurel de 0,8 point de PIB qui serait réalisé en 2014 (cf. infra ) contribuerait au retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015 , conformément aux préconisations formulées par le Conseil de l'Union européenne en juin 2013 19 ( * ) dans le cadre la procédure de déficit excessif (PDE) - cet objectif a été confirmé dans le programme de stabilité transmis par la France en mai dernier.

2. Une anticipation de solde structurel de - 2,3 % du PIB

La prévision de solde structurel pour 2014 (- 2,3 % du PIB), quant à elle, fait apparaître un écart de - 1,2 point de PIB à la trajectoire de solde structurel fixée par la loi de programmation (LPFP) pour les années 2012 à 2017 (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 9 : Évolution du solde effectif et du solde structurel des administrations publiques prévue par la LPFP

(en % du PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde public effectif (1+2+3)

- 4,5

- 3,0

- 2,2

- 1,3

- 0,6

- 0,3

Solde conjoncturel (1)

- 0,8

- 1,2

- 1,0

- 0,8

- 0,5

- 0,3

Mesures ponctuelles et temporaires (2)

- 0,1

- 0,2

- 0,1

0,0

0,0

0,0

Solde structurel (3)

- 3,6

- 1,6

- 1,1

- 0,5

0,0

0,0

Source : article 2 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Il convient, avant toute chose, de rappeler que le solde structurel constitue, dorénavant, la principale référence de la politique budgétaire de la France , et ce depuis l'entrée en vigueur le 1 er janvier 2013 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), qui a été transposé par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Par suite, si la « règle des 3 % » concernant le déficit public effectif a été maintenue, la trajectoire de redressement des comptes publics est définie sur la base du solde structurel . En application du pacte de stabilité et de croissance (PSC) « renforcé », un État faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif (PDE) ne saurait être sanctionné dès lors qu'il a réalisé les ajustements de solde structurel recommandés par le Conseil de l'Union européenne. Le volet préventif s'appuie également sur une trajectoire de solde structurel.

La finalité de cette évolution du cadre budgétaire et financier européen était de mieux concilier consolidation budgétaire et croissance économique . Le solde structurel correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. En quelque sorte, il s'agit du solde public tel qu'il serait constaté si le produit intérieur brut (PIB) était égal à son potentiel 20 ( * ) . Dès lors, en ce qu'elle écarte - du moins en partie - les effets de la conjoncture, une cible budgétaire définie en termes de solde structurel évite qu'une dégradation de la situation économique n'appelle un ajustement des finances publiques aux conséquences récessives.

En application du TSCG, les États doivent déterminer un objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel - qui ne peut être inférieur à - 0,5 % du PIB - et, dans cette perspective, s' engager à suivre une trajectoire de solde structurel . Afin de garantir le respect de cette trajectoire, la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, répondant à une exigence du TSCG, a institué un mécanisme de correction budgétaire ayant vocation à se déclencher automatiquement si des « écarts importants » sont constatés par rapport à cette dernière
(cf. encadré ci-après).

C'est donc dans ce cadre qu'a été définie la trajectoire pluriannuelle de solde structurel précisée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 précitée, qui est orientée vers l' atteinte de l'équilibre structurel en 2016 - correspondant à l'objectif à moyen terme (OMT) de la France.

L'écart de - 1,2 point de PIB entre la prévision de solde structurel pour 2014 et cette trajectoire est intégralement imputable aux écarts apparus en 2012 et 2013 . Selon les constatations du projet de loi de règlement pour 2013, cet écart s'élevait à - 1,5 point de PIB en 2013. Celui-ci s'expliquait par le moindre dynamisme des recettes (0,5 point de PIB), le rendement plus faible qu'attendu des mesures nouvelles en recettes (0,15 point de PIB), ainsi que par un affaiblissement de l'effort dépenses (0,3 point de PIB) du fait de révision de l'inflation à la baisse. Le reste de l'écart, soit 0,6 point de PIB, trouvait son origine dans les révisions apportées aux résultats des exercices antérieurs. En tout état de cause, un écart de - 1,5 point de PIB constitue un « écart important », qui a justifié le déclenchement du mécanisme de correction budgétaire à la suite de la publication de l'avis du 23 mai 2014 21 ( * ) du Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Le mécanisme de correction budgétaire

Les modalités de mise en oeuvre du mécanisme de correction budgétaire sont prévues par l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Celui-ci prévoit que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) rend, en vue du dépôt du projet de loi de règlement, un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants que fait apparaître la comparaison des résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel .

Ainsi, le mécanisme de correction est déclenché lorsque le Haut Conseil identifie de tels écarts. L'article 23 précité précise qu'« un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives ».

Dès lors que, dans son avis sur le projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a identifié des écarts importants entre les résultats de l'exécution de l'année écoulée et les orientations pluriannuelles de solde structurel, le Gouvernement est dans l'obligation d'exposer les raisons de ces écarts lors de l'examen du projet de loi de règlement par le Parlement .

Par ailleurs, conformément à l'article 5 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017, le Gouvernement doit proposer des mesures de correction dans le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques , présenté au Parlement préalablement au débat d'orientation des finances publiques (DOFP).

Le Gouvernement doit également tenir compte des écarts importants identifiés « au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l'année ou de loi de financement de la sécurité sociale de l'année » . À ce titre, au projet de loi de finances de l'année suivant le déclenchement du mécanisme de correction, est annexé un rapport analysant « les mesures de correction envisagées, qui peuvent porter sur l'ensemble des administrations publiques ou sur certains sous-secteurs seulement, en vue de retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques ». La loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques précise que, « le cas échéant, ce rapport justifie les différences apparaissant dans l'ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques ».

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) livre une appréciation des mesures de correction proposées dans son avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale de l'année.

L'article 5 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) précité précise, enfin, que les mesures de correction - présentées par le Gouvernement dans la perspective du débat d'orientation des finances publiques (DOFP) - doivent permettre « de retourner à la trajectoire de solde structurel [...] dans un délai de deux ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle les écarts ont été constatés ». Ceci signifie qu'un écart important constaté au titre de l'année n au cours de l'année n+1 se doit d'être corrigé avant la fin de l'année n+3 22 ( * ) .

Force est de constater qu'en 2014, l'écart de solde structurel à la trajectoire pluriannuelle serait stabilisé et engagerait même un repli, et ce grâce à l'effort structurel prévu dans le cadre de l'exercice 2014 - effort qui est conforté par le présent projet de loi de financement rectificative et par le projet de loi de finances rectificative.

Graphique n° 1: Trajectoires de solde structurel

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

3. Un effort structurel de 0,8 point de PIB

En effet, anticipant le déclenchement du mécanisme de correction, le Gouvernement a proposé, lors de l'examen des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014, de r elever l'effort structurel à 0,9 point de PIB, soit un niveau supérieur de 0,4 point à celui prévu dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP). Cet effort reposait sur des mesures nouvelles en recettes (0,2 point de PIB) et les dépenses (0,7 point de PIB).

Cependant, depuis l'automne dernier, les prévisions de recettes et de dépenses pour 2014 ont été revues, conduisant à réviser l'ampleur de l'effort structurel . En raison du moindre dynamisme de recettes et de la révision à la baisse du rendement des prélèvements obligatoires, l'effort structurel en recettes projeté en 2014 a été ramené à 0,1 point de PIB. De même, la correction à la hausse des anticipations de croissance des dépenses des collectivités territoriales et l'inflation plus faible que prévu ont eu pour effet d'atténuer l'effort en dépenses initialement envisagé.

Pour autant, l'effort en dépenses consenti en 2014 serait maintenu grâce aux 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires prévus dans les textes financiers rectificatifs pour 2014 , dont 1,6 milliard d'euros seraient réalisés sur le budget de l'État, 0,4 milliard d'euros seraient permis par la révision du rythme de décaissement des investissements d'avenir, 0,3 milliard d'euros résulteraient de l'absence temporaire de revalorisation des prestations sociales et 0,8 milliard d'euros proviendraient de la consolidation de l'acquis de la maîtrise des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM - comme nous allons le montrer. En outre, un effort de 0,9 milliard d'euros en dépenses serait réalisé par l'Unédic (600 millions d'euros) et le Fonds national d'action sociale (FNAS) de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF ; pour 300 millions d'euros), qui relèvent du périmètre des administrations de sécurité sociale (ASSO).

Au total, l'effort structurel prévu pour 2014 serait de 0,8 point de PIB , permettant, en l'absence de composante non discrétionnaire, un ajustement du solde structurel de 0,8 point de PIB également.

Tableau n° 10 : Répartition de l'effort structurel prévu en 2014

(en points de PIB)

2014 dans la
LPFP 2012-2017

LFI
2014

PLFR
2014

Effort structurel, dont :

0,5

0,9

0,8

Effort en recettes

- 0,1

0,2

0,1

Effort en dépenses

0,6

0,7

0,7

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)


* 16 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 17 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 18 Le scénario « pessimiste » reprend les hypothèses d'évolution du PIB et des prix à la consommation de l'organisme retenant la plus faible prévision de croissance dans le Consensus Forecast de juin 2014.

* 19 Il convient de rappeler que, dans une décision du 21 juin 2013, le Conseil de l'Union européenne a reporté le terme de la procédure de déficit excessif (PDE) concernant la France, cette dernière ne devant plus ramener son déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2013, mais en 2015.

* 20 Le PIB potentiel correspond au niveau de production qui résulterait du plein emploi des ressources productives, soit le capital et le travail, compatible avec la stabilité des prix à long terme.

* 21 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-02 du 23 mai 2014 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2013.

* 22 Cf. rapport n° 96 (2012-2013) sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.

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