D. LES MESURES INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. La majoration de la déduction forfaitaire de cotisations patronales pour l'emploi de gardes d'enfants à domicile (article 8 ter)

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 52 ( * ) a supprimé la possibilité pour les particuliers employeurs de cotiser sur une assiette forfaitaire fixée à 1 SMIC, tout en introduisant le principe d'une déduction forfaitaire de cotisation patronale de sécurité sociale. Son montant a été fixé, par décret 53 ( * ) , à 0,75 euro par heure travaillée.

L'Assemblée nationale a adopté, sur proposition du rapporteur pour les recettes et l'équilibre général de la commission des affaires sociales, Gérard Bapt, un amendement portant article additionnel tendant à porter de 0,75 euro à 1,50 euro la déduction forfaitaire pour l'emploi de salariés à domicile pour des activités de garde d'enfants . La déduction forfaitaire est en revanche maintenue à 0,75 euro pour l'emploi d'un salarié à domicile dans d'autres secteurs.

L' article 2 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 , tel que modifié en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, prévoyait un dispositif similaire mais couvrant un périmètre d'emplois à domicile plus large . Il était ainsi proposé d'augmenter de 0,75 euro à 1,50 euros la déduction forfaitaire « pour les salariés employés pour des services destinés à la garde d'enfants, aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées ». Cette disposition a néanmoins été censurée par le Conseil constitutionnel 54 ( * ) pour non-respect de la règle dite « de l'entonnoir » selon laquelle « les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion » 55 ( * ) .

Cette mesure, dont le coût est estimé à 75 millions d'euros en année pleine 56 ( * ) , constituera une aide salutaire pour les familles . Votre rapporteur pour avis approuve pleinement ce dispositif .

Néanmoins, la baisse continue du nombre de particuliers employeurs (- 1,9 % en glissement annuel au deuxième trimestre 2014) et de la masse salariale de l'emploi à domicile (- 3,7 % en glissement annuel au deuxième trimestre 2014) enregistrée depuis le passage, en 2013, de l'assiette forfaitaire à l'assiette réelle pour les salariés des particuliers employeurs, nécessiterait probablement son élargissement à d'autres types de services à la personne.

2. La soumission des dividendes versés par les sociétés anonymes (SA) et les sociétés par actions simplifiées (SAS) aux cotisations sociales (article 12 bis)

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative du rapporteur de l'équilibre général et des recettes de la commission des affaires sociales, Gérard Bapt, et avec l'avis favorable du Gouvernement, un article 12 bis visant à soumettre , sous conditions, les dividendes versés par des sociétés anonymes (SA) ou des sociétés par actions simplifiées (SAS) aux cotisations sociales , au même titre que les travailleurs indépendants.

En effet, depuis 2009, l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale inclut, parmi les revenus pris en compte pour le calcul des cotisations sociales , la part des dividendes qu'ils perçoivent 57 ( * ) et dépassant 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant qu'il détient en toute propriété ou en usufruit.

Le texte adopté par les députés prévoit d'insérer un article L. 242-4-5 au sein du code de la sécurité sociale, qui ferait entrer dans ce régime , dès lors qu'ils détiendraient la majorité du capital de ces sociétés :

- les présidents du conseil d'administration, les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme ;

- et les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées et des sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées.

De même, l'article L. 741-10 du code rural serait complété pour viser également les dirigeants de sociétés agricoles .

Certes, il n'est pas illégitime de vouloir prévenir certains comportements d'optimisation fiscale ou sociale. C'est probablement sous cet angle qu'il convient d'analyser la démarche des députés, certains professionnels pouvant être tentés de modifier le statut sous lequel ils exercent leur activité afin que leurs dividendes ne soient pas soumis à cotisations sociales (mais ne créent donc plus de droits en contrepartie).

Néanmoins, l'article 12 bis souffre de profonds défauts, tant sur la forme que sur le fond .

Sur la forme, l'amendement a pris de cours l'ensemble des acteurs économiques , auxquels il a, une nouvelle fois, envoyé un « mauvais signal », contradictoire avec la posture « pro-entreprises » qu'affiche le Premier ministre dans ses discours. Il participe d'une « culture du soupçon » à l'égard des entrepreneurs, dont il importe de sortir.

Sur le fond, cet article montre une méconnaissance de la différence de nature entre les revenus d'activité et les dividendes versés par des sociétés par actions, qui rémunèrent un risque - et qui participent au financement des organismes de sécurité sociale par des contributions ad hoc , non génératrices de droits pour les intéressés. D'ailleurs, la transformation de tels revenus en revenus ouvrant des droits sur les régimes de sécurité sociale à ces cotisants, à laquelle procède l'article 12 bis de ce projet de loi de financement, rend douteuse la recevabilité financière d'une telle initiative parlementaire.

En outre, l'impact réel de la mesure est très incertain . Le Gouvernement n'a pas été en mesure de donner l'estimation précise des recettes attendues de ce dispositif à votre rapporteur pour avis.

À ce stade, votre rapporteur pour avis considère qu'il est nécessaire de supprimer cet article afin que le dialogue puisse s'engager sur des bases plus sereines . Votre commission des finances propose un amendement en ce sens . Il semble d'ailleurs que, depuis le vote de l'Assemblée nationale, le Gouvernement lui-même ait changé d'avis sur la question, selon des propos tenus récemment devant la presse par Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.

À l'avenir, votre rapporteur pour avis considère qu'une harmonisation des différents régimes sur la base d'une taxation des dividendes dans la limite du plafond de la sécurité sociale pourrait constituer une alternative intéressante pour l'ensemble des parties prenantes.


* 52 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

* 53 Décret n° 2012-1565 du 31 décembre 2012.

* 54 Décision n° DC 2014-698 du 6 août 2014.

* 55 Décision n° DC 2005-532 du 19 janvier 2006.

* 56 Pour mémoire, le coût total de la déduction forfaitaire de 0,75 euro pour les particuliers employeurs s'élevait à 133,2 millions d'euros en 2013 et est estimé à 198 millions d'euros en année pleine, à compter de 2014.

* 57 Ou que perçoivent leur conjoint ou leur partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou ses enfants mineurs non émancipés.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page