B. LES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX COTISATIONS

Les travaux de la Cour des comptes mettent également en évidence l'insuffisance des moyens actuels de lutte contre la fraude aux cotisations sociales.

Tout d'abord, s'il existe une réelle professionnalisation au sein du réseau des URSSAF - dont 13,5 % des effectifs, soit 1 591 équivalents temps pleins (ETP) sont dédiés aux activités de contrôle - les contrôles sont quasiment inexistants chez les travailleurs indépendants 62 ( * ) et trop peu spécialisés à la Mutualité sociale agricole ( MSA ).

Ensuite, s'agissant des moyens d'investigation, le recours aux méthodes modernes de détection, d'exploitation des données et de comparaison ( datamining et datamatching ) demeure insuffisant. De façon générale, les pouvoirs d'enquête et le niveau des sanctions en matière de fraude aux cotisations sociales sont moins importants que les dispositifs existants en matière de fraude fiscale . Ceux-ci ont en effet été particulièrement renforcés par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière 63 ( * ) .

Partant de ce dernier constat, le rapporteur des recettes et de l'équilibre général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Gérard Bapt, a proposé un amendement visant à conforter les moyens de lutte contre la fraude aux cotisations sociales. L' article 69 , introduit par l'Assemblée nationale en première lecture à son initiative, prévoit ainsi, d'une part, de renforcer les sanctions ou les pénalités prononcées dans les situations de travail dissimulé présentant un caractère aggravant (existence de plusieurs salariés dissimulés au sein d'une même entreprise, situations « d'exploitation des individus », travail dissimulé concernant l'emploi d'un mineur soumis à l'obligation scolaire) et, d'autre part, d'obliger les indépendants relevant d'un régime micro-social (dont les auto-entrepreneurs) à effectuer les transactions liées à son activité professionnelle sur un compte bancaire spécifiquement dévolu à cet effet. Cette dernière disposition vise à faciliter les opérations de contrôle.

Si l'introduction de ce nouvel article doit être saluée, les nouvelles dispositions qu'il porte ne semblent pas aller assez loin. En effet, dans ses récents travaux sur la fraude aux cotisations sociales, la Cour des comptes a souligné le caractère peu dissuasif des majorations existantes des redressements de cotisations et contributions : « les majorations existantes restent relativement modestes. Ainsi, s'agissant d'un redressement forfaitaire correspondant à six mois de rémunération au SMIC, faute d'autres informations, la majoration faisant suite au constat de dissimulation totale d'un salarié s'élève à environ 4 300 euros, si l'on restreint au champ de la sécurité sociale et de l'assurance-chômage » 64 ( * ) .

En effet, l'article 98 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 65 ( * ) a introduit le principe d'une majoration des redressements dus par l'employeur de 25 % en cas de constat de travail dissimulé 66 ( * ) ainsi qu'une majoration de 10 % du redressement de cotisations dû par l'employeur en cas de réitération d'une pratique non conforme à la législation 67 ( * ) . Néanmoins, le niveau de ces majorations se situe bien en-deçà des sanctions applicables en matière de contrôle fiscal. L'article 1729 du code général des impôts prévoit ainsi une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré (dit « de mauvaise foi ») et une majoration de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses.

Or, comme le souligne à nouveau la Cour des comptes, ces sanctions apparaissent « d'autant plus indispensables que les redressements prononcés ne portent souvent pas sur toutes les cotisations éludées. Sans ces majorations, le redressement pourrait rester inférieur au gain réalisé » 68 ( * ) .

Si une lutte efficace contre la fraude aux cotisations sociales passe évidemment par un renforcement des moyens et un perfectionnement des outils qui lui sont dévolus, votre rapporteur pour avis considère que l'augmentation des pénalités existantes est également nécessaire . Votre commission des finances propose donc deux amendements à l'article 69 :

- l'un visant à augmenter la majoration de redressement due en cas de constat de travail illégal de 25 % à 40 % ;

- l'autre à relever de 10 % à 20 % la majoration de redressement en cas de réitération d'une pratique de fraude aux cotisations sociales .

L'impact financier de ces deux mesures est difficile à estimer dans la mesure où ces majorations ne sont entrées en vigueur que le 1 er janvier 2014 et que leur rendement dépend de la part de redressements effectivement recouvrés. L'évaluation préalable annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 indique néanmoins que le rendement attendu de la mise en place de ces deux majorations était de 10 millions d'euros en 2015 et de 15 millions d'euros en 2016. On peut donc estimer que le quasi doublement des deux taux de majorations se traduirait par une recette supplémentaire comprise entre 5 et 10 millions d'euros .

*

Par ailleurs, en matière de lutte contre la fraude aux prestations versées par la sécurité sociale, il convient de signaler qu'un article 67 a été introduit à l'initiative de notre collègue député Pierre Morange, avec un avis de sagesse du Gouvernement, prévoyant que le répertoire national commun de la protection sociale ( RNCPS ) contiendra, à partir du 1 er janvier 2016, le montant des prestations en espèces servies par les régimes de base obligatoires. La transmission automatisée des données sur cette plate-forme devrait permettre de croiser ces informations avec les données fiscales afin de détecter les éventuels cas de fraude.


* 62 À l'exception des auto-entrepreneurs pour lesquels il existe un plan national de contrôles aléatoires depuis 2011.

* 63 Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

* 64 Cour des comptes, op. cit., p. 144.

* 65 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

* 66 Article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale. Le dispositif répressif en matière de travail dissimulé reposait, principalement, jusqu'à l'introduction de cet article, sur un engagement de la responsabilité pénale de l'employeur concerné.

* 67 Article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale. Cet article a eu pour effet d'élargir la notion de fraude aux cotisations en y intégrant les cas où l'employeur qui fait l'objet d'un contrôle n'a pas mis fin à une situation non conforme à la législation et qui avait déjà été observée lors d'un précédent contrôle.

* 68 Cour des comptes, op. cit., p. 144.

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