B. À LA RECHERCHE DES 9,6 MILLIARDS D'EUROS D'ÉCONOMIES EN 2015...

L'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2015 précise que sur les 9,6 milliards d'euros d'économies devant être réalisés dans le périmètre des administrations de sécurité sociale (ASSO) en 2015, 3,2 milliards d'euros proviendraient de moindres dépenses d'assurance maladie grâce à l'abaissement du taux d'évolution de l'ONDAM à 2,1 % en 2015, tandis que les 6,4 milliards d'euros restants résulteraient de mesures déjà engagées en 2014 et d'un « ensemble de mesures complémentaires ».

Le flou entourant les économies dans le champ de la protection sociale avait déjà été relevé par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui, dans son avis précité relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2015, indiquait : « s'agissant des dépenses sociales, les mesures d'économies du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'ont pas été portées dans leur totalité à la connaissance du Haut Conseil » 20 ( * ) .

Près d'un mois plus tard, le 21 octobre dernier, des précisions ont été apportées par le secrétaire d'État au budget, Christian Eckert, devant l'Assemblée nationale 21 ( * ) . Ces informations sont récapitulées dans le tableau ci-après.

Selon les indications du secrétaire d'État au budget, il apparaît tout d'abord que les 9,6 milliards d'euros d'économies se décomposent en 4 milliards d'euros de mesures déjà engagées et 5,6 milliards d'euros de mesures nouvelles .

De plus, les régimes obligatoires de base (ROBSS) porteraient environ 6,7 milliards d'euros d'économies contre seulement 2,9 milliards d'euros pour les autres administrations de sécurité sociale telles que l'assurance chômage et les régimes de retraite complémentaire.

Le présent projet de loi de financement intégrerait environ 4,6 milliards d'euros d'économies au titre de l'exercice 2015 , sur un effort total de 5,6 milliards d'euros.

Tableau n° 9 : Plan d'économies des administrations de sécurité sociale en 2015

(en milliards d'euros)

PLFSS 2015

Hors PLFSS

TOTAL

Retraites de base

1,5

1,5

Réforme de la politique familiale

0,6

0,6

Accord AGIRC-ARRCO

0,85

0,85

Nouvelle convention Unédic

0,6

0,6

Autres mesures concernant les régimes gérés par les partenaires sociaux

0,45

0,45

Total mesures déjà engagées

2,1

1,9

4,0

Assurance maladie (ONDAM 2015)

3,2

3,2

Réforme du capital décès

0,2

0,2

Réforme de la politique familiale

0,7

0,7

Gestion des organismes de protection sociale

0,5

0,5

Lutte contre la fraude aux prestations

0,1

Gestion de l'Unédic

0,2

0,2

Moindres dépenses d'intervention des fonds d'action sanitaire et sociale

0,2

0,2

Autres mesures (décalage de l'adoption de la loi vieillissement, aides au logement...)

0,5

0,5

Total mesures nouvelles

4,6

1,0

5,6

TOTAL

6,7

2,9

9,6

Source : commission des finances du Sénat (à partir des propos de Christian Eckert lors de la première séance de l'Assemblée nationale du 21 octobre 2014)

En dépit de ces précisions, certaines zones d'ombres demeurent , permettant de douter de la réalité du plan d'économies annoncé :

- s'agissant des 1,5 milliard d'euros d'économies sur les retraites de base , il est attendu 900 millions d'euros d'économies du décalage de la date de revalorisation d'avril à octobre pour les régime général et 600 millions d'euros pour les autres régimes de base. En fonction du niveau de l'inflation effectivement constatée en 2014, les économies pourraient toutefois être moins importantes que prévu . Par ailleurs, il a été indiqué que ces économies proviendraient également « d'autres mesures d'application des lois antérieures sur les retraites ». Or la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite 22 ( * ) comporte très peu de mesures d'économies avant 2020 ; cela signifie que ces moindres dépenses découleraient principalement des effets de l'allongement de la durée d'assurance et du report des bornes d'âge prévus par la réforme de 2010 23 ( * ) ;

- les 600 millions d'euros d'économies censées provenir de la réforme de la politique familiale engagée en 2014 ne correspondent pas aux prévisions transmises il y a un an et confirmées en septembre 2014. Les évaluations préalables annexées au projet de loi de financement pour 2014 indiquaient en effet qu'en 2015, environ 290 millions d'euros d'économies devraient résulter des mesures relatives à la branche famille adoptées fin 2013. Or celles-ci n'atteindraient que 530 millions d'euros en 2016 et 710 millions d'euros en 2017 ;

- parmi les mesures déjà engagées, 450 millions d'euros d'économies dans le champ des autres administrations de sécurité sociale ne sont pas renseignées . Il est seulement indiqué que des économies supplémentaires sont attendues grâce à la « consolidation de la situation financière des régimes complémentaires » en 2014 ;

- à nouveau, un ensemble d'« autres mesures » ne sont pas détaillées , cette fois-ci parmi les mesures nouvelles. Cet ensemble correspondrait à 500 millions d'euros d'économies . Les propos de Christian Eckert semblent indiquer que ce montant proviendrait des moindres dépenses en matière de prise en charge des personnes âgées, en raison du retard pris dans l'examen du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement 24 ( * ) .

Au total, sur les 9,6 milliards d'euros d'économies prévues 1,5 à 3 milliards d'euros apparaissent très hypothétiques , compte tenu du manque d'informations transmises à la représentation nationale. Par ailleurs, certaines des économies censées être inscrites dans le présent projet de loi de financement ne figurent pas dans l'annexe 9 recensant l'impact des mesures nouvelles sur le solde des régimes (en particulier les mesures d'économies de gestion des caisses de sécurité sociale).

De toute évidence, le plan d'économies du Gouvernement sur la protection sociale est fragile. Reposant en partie sur des effets d'arrondis 25 ( * ) et sur l'anticipation de la moindre consommation de certains fonds (en particulier, les fonds d'action sanitaire et sociale), il relève davantage du « bricolage » que des réformes structurelles promises par le Gouvernement .


* 20 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-05 du 26 septembre 2014, op. cit.

* 21 Cf. compte rendu intégral de la première séance de l'Assemblée nationale du 21 octobre 2014.

* 22 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 23 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 24 Examiné en première lecture par l'Assemblée nationale durant l'été 2014, ce texte a été transmis au Sénat le 17 septembre 2014.

* 25 Par exemple, l'économie résultant de la mesure relative au capital décès est estimé à 160 millions d'euros dans l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi, tandis que le secrétaire d'État au budget a annoncé une économie « d'environ 200 millions d'euros ».

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