B. DES LIMITES QUI DEMEURENT IMPORTANTES

1. Les effets pervers potentiels d'une nouvelle taxe

De la même manière que lors de l'examen de la première proposition de loi, votre rapporteure pour avis s'inquiète des effets pervers que pourrait avoir l'introduction d'une nouvelle taxe, tant sur les usagers que sur les entreprises d'une filière industrielle déjà fragilisée.

Elle souligne par ailleurs que même si l'article 1 er correspondait réellement à l'objectif affiché d'un élargissement des critères du malus automobile prévu par l'article 1011 bis du code général des impôts - ce qui n'est pas le cas - ces effets pervers ne disparaitraient pas complètement, non seulement en termes de coût social mais aussi en termes de coût industriel.

Votre rapporteure pour avis considère là encore qu'il serait plus adapté d'envisager une réforme plus graduée, sur la durée, ne reposant pas forcément uniquement sur une taxation supplémentaire et comportant des mesures d'accompagnement de la filière automobile et des ménages les plus modestes.

En outre, cette taxe n'agirait pas sur le parc existant : or, le principal danger pour notre santé est aujourd'hui constitué par les fumées émises par les véhicules diesel les plus anciens dont on sait qu'ils sont les principaux émetteurs de particules fines.

En vertu de la règlementation européenne Euro 5, et bientôt Euro 6, tous les nouveaux véhicules diesel doivent aujourd'hui être équipés de filtres à particules qui réduisent considérablement l'émission de particules fines. Ils provoquent néanmoins une émission importante de dioxyde d'azote, également dangereux pour la santé et contribuant à la pollution de l'air. De nouveaux procédés de « dé-noxification » coûteux, tels que les systèmes de captage d'oxydes d'azote, devront être généralisés par les constructeurs avec la norme Euro 6. Votre rapporteure pour avis souligne même que certains utilisateurs retirent leur filtre à particules, pour des questions d'entretien notamment.

2. Une mesure isolée qui ne tient pas compte des réformes en cours de discussion devant le Parlement

Votre rapporteure pour avis considère que la « dé-diésélisation » du parc automobile français doit prendre la forme d'une réforme d'ampleur qui prenne en compte les dimensions sanitaire, mais aussi sociale, industrielle et fiscale de ce sujet.

L'exposé des motifs de la présente proposition en convient d'ailleurs : « Cette mesure ne se suffit évidemment pas par elle-même. Elle doit s'accompagner de l'engagement des pouvoirs publics de garantir les emplois menacés jusqu'à leur reconversion totale. Elle doit aussi s'accompagner d'une prime à la reconversion en faveur des ménages qui souhaiteraient passer d'un véhicule polluant aux transports en commun ou à un véhicule propre » .

À cet égard, votre rapporteure pour avis estime que de telles mesures pourront davantage être abordées et aboutir à un dispositif cohérent dans le cadre de deux textes dont l'examen est très proche : le projet de loi de finances pour 2015 et le projet de loi relatif à la transition énergétique .

Le budget 2015 contient ainsi déjà, à l'article 20, un relèvement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en faveur du financement des infrastructures de transport, à hauteur de deux centimes d'euros par litre sur le gazole. Cette majoration a été augmentée lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale le 21 octobre dernier : la taxe intérieure de consommation sur le gazole consommé par les transporteurs routiers de marchandises augmente de 4 centimes d'euro par litre, destinée à compenser la fin de l'écotaxe poids lourds.

En outre, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte comprend, à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, un dispositif de diagnostic d'éco-entretien tel que l'article 3 de la présente proposition de loi le prévoit.

Enfin, votre rapporteure pour avis souligne que la ministre de l'écologie a annoncé le 4 septembre 2014 la création d'une prime portant le bonus écologique à 10 000 € pour le remplacement d'un diesel polluant par un véhicule électrique, dans les zones les plus polluées . Le ministre de l'économie a annoncé le 3 octobre 2014 que ce « superbonus » serait mis en place à la mi-2015, pour la mise à la casse d'un véhicule diesel de plus de 13 ans. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte en comporte le principe.

Tous ces arguments plaident pour que ces questions de la fiscalité du diesel et de la qualité de l'air soient abordées dans ces deux textes - budget et projet de loi relatif à la transition énergétique - plus propices à de larges débats.

3. Un dispositif problématique

Enfin, votre rapporteure pour avis souligne que le dispositif proposé par la présente proposition comporte un certain nombre de difficultés techniques :

- la création d'une nouvelle taxe non codifiée en lieu et place d'un élargissement des critères du malus déjà existant ;

- l'inconstitutionnalité du renvoi du barème de l'imposition au pouvoir réglementaire.

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