Avis n° 111 (2014-2015) de M. Jean-Marie MORISSET , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 20 novembre 2014

Disponible au format PDF (342 Koctets)


N° 111

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT

Par M. Jean-Marie MORISSET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon, président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud, vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Elisabeth Doineau, secrétaires ; MM. Michel Amiel, Claude Bérit-Débat, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, MM. Claude Dilain, Jérôme Durain, Jean-Yves Dusserre, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Michel Forissier, François Fortassin, Jean-Marc Gabouty, Mme Françoise Gatel, M. Bruno Gilles, Mme Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mme Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Louis Pinton, Mme Catherine Procaccia, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mercredi 26 novembre 2014 , sous la présidence de M. Alain Milon, président , la commission a examiné le rapport pour avis de M. Jean-Marie Morisset , sur les crédits de la mission « Egalité des territoires et logement » du projet de loi de finances pour 2015 .

Le rapporteur pour avis a formulé les observations suivantes :


• Les crédits de la mission Egalité des territoires et logement sont principalement consacrés à l'aide au logement.


• En dehors des mesures de transfert de charges opérées en 2014, les crédits de la mission sont stables en 2015.


• Les dépenses couvertes par les crédits du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » sont essentiellement des dépenses contraintes.


• Malgré une augmentation de près de 60 millions d'euros, les crédits demandés pour 2015 demeurent inférieurs aux crédits réellement exécutés en 2013 alors même que la conjoncture économique ne permet pas d`espérer une diminution des besoins. Les crédits prévus seront donc vraisemblablement insuffisants et des mesures d'avance seront nécessaires en cours d'année. Votre rapporteur pour avis regrette donc ce manque de sincérité qui nuit à la visibilité pour les acteurs.


• Les crédits demandés traduisent une politique d'hébergement plus humanitaire que sociale, et les efforts d'accompagnement et de réinsertion sont insuffisants. Par ailleurs, l'objectif de sortir d'une gestion au thermomètre apparaît loin d'être atteint.


• Enfin, le programme 177 doit faire face à des problématiques qui dépassent celle des personnes sans-abri et auxquelles une réponse plus spécifique devrait être apportée.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Egalité des territoires et logement » et des articles qui lui sont rattachés du projet de loi de finances pour 2015.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte budgétaire tendu, les crédits de la mission Egalité des territoires et logement sont stables à périmètre constant. La progression des dépenses obligatoires liées aux prestations légales et à l'hébergement d'urgence est en effet contrebalancée par des efforts d'économie touchant les autres dépenses.

L'augmentation spectaculaire des crédits de l'aide au logement s'explique essentiellement par l'intégration dans le budget de l'Etat de dépenses qui étaient jusqu'à présent à la charge des organismes de sécurité sociale, et notamment de la branche famille. Ces transferts de charges correspondent à une mesure de compensation des baisses ou exonérations de cotisations décidées dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité.

L'avis de la commission des affaires sociales se focalise particulièrement sur le programme 177 Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables qui, en dehors des aides au logement, est le plus important de la mission.

Par rapport à la loi de finances pour 2014, le programme 177 voit ses crédits progresser de 5 % dans le projet de loi de finances pour 2015. Cette progression est particulièrement marquée en ce qui concerne les crédits alloués à l'hébergement d'urgence. Si le maintien d'un effort conséquent en faveur des personnes sans abri doit être salué, la progression constatée doit être nuancée pour plusieurs raisons.

D'une part, le programme 177 connaît une sous-évaluation récurrente et doit être régulièrement abondé en cours d'exercice pour faire face aux besoins. Ainsi, si les crédits progressent par rapport à ceux votés pour 2014, ils demeurent inférieurs aux crédits réellement exécutés en 2013, et on peut donc s'attendre à ce qu'ils soient une nouvelle fois insuffisants.

D'autre part, l'augmentation des crédits est concentrée sur l'hébergement d'urgence, au détriment des dispositifs de réinsertion et d'accompagnement. S'il est impératif de permettre l'hébergement des personnes qui se retrouvent sans abri, la réponse humanitaire qui est apportée ne permet pas aux personnes concernées d'envisager une sortie de la précarité.

Enfin, force est de constater que malgré les annonces faites par le Gouvernement, la fin de la gestion saisonnière de l'hébergement est encore loin d'être une réalité.

La répartition au sein du programme 177 des crédits qui ressort du projet de loi de finances n'est donc pas cohérente avec les objectifs affichés par le Gouvernement.

Exposé Général

I. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DE LA MISSION EGALITÉ DES TERRITOIRES ET POLITIQUE DE LA VILLE EST ESSENTIELLEMENT DUE À UN TRANSFERT DE CHARGES EN PROVENANCE DE LA BRANCHE FAMILLE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. LA MISSION EST RECENTRÉE SUR LE LOGEMENT ET L'HÉBERGEMENT

La mission connaît une évolution de périmètre importante, avec le transfert du programme Politique de la ville vers la mission Politique des territoires . Ce transfert représente plus de 500 millions d'euros. Par ailleurs, l'action Grand Paris , qui était jusqu'en 2014 rattachée au programme 135 est transférée vers la mission Ecologie, développement et mobilités durables .

La mission se voit donc en 2015 recentrée sur les problématiques de logement et d'hébergement. Elle se compose de quatre programmes inégalement dotés.

1. Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

Le programme 177 regroupe les crédits liés à l'hébergement des personnes sans-abri et à l'insertion dans le logement. Ce programme représente 1 375 millions d'euros, en 2015 soit 10 % des crédits de paiement de la mission et est composé de trois actions.

Figure n° 1 : Répartition des crédits du programme 177 par action
(PLF 2015)

Source : Projet annuel de performance

• L'action 11 Prévention des exclusions regroupe d'une part des dépenses d'allocations et d'aide sociale de l'Etat en faveur des personnes âgées et handicapées (40 millions d'euros) et d'autre part le dispositif d'aide au logement temporaire destiné aux gens du voyage (ALT 2, 19 millions d'euros).

• L'action 12 Hébergement et logement adapté est la plus importante du programme (1 300 millions d'euros), et se décompose en quatre sous-action : Veille sociale (89 millions d'euros), Hébergement d'urgence (389 millions d'euros), Centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS, 623 millions d'euros) et Modes de logement adapté (200 millions d'euros).

- Les crédits destinés à la veille sociale financent les services d'accueil et d'orientation, le 115, les SAMU sociaux et les équipes mobiles, ainsi que les accueils de jour proposant des aides matérielles aux personnes sans-abri (douche, vestiaire, repas...).

- L'hébergement d'urgence passe essentiellement les centres d'hébergement d'urgence (CHU) et par le recours à des hôtels conventionnés qui doit être subsidiaire mais demeure important (25 000 nuitées financées en 2013).

- Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont des établissements sociaux au sens du code de l'action sociale et des familles (article L. 312-1). Leur mission d'hébergement se double d'une mission d'accompagnement visant à permettre aux personnes accueillies de retrouver une autonomie leur permettant d'accéder à un logement.

- Différentes formes de logement adapté offrent une solution alternative à l'hébergement à destination de publics qui ne présentent pas l'autonomie nécessaire pour occuper un logement ordinaire.

• L'action 14 Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale regroupe les crédits destinés à la coordination de l'ensemble des acteurs concernés par la politique de lutte contre l'exclusion. Ces crédits s'élèvent en 2015 à 16 millions d'euros.

2. Aide à l'accès au logement

Le programme n° 109 comprend essentiellement les crédits destinés au financement de l'aide personnalisée au logement (APL) et de l'allocation logement à caractère social (ALS) 1 ( * ) .

Le programme comprend également les crédits alloués au financement de l'agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) et de ses agences départementales (Adil).

Le poids de ce programme dans la mission se trouve renforcé par la budgétisation de la part des APL jusqu'à présent prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et passe de 70 % à plus de 80 % des crédits de paiement.

3. Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

Le programme 135 regroupe les crédits relatifs au logement et à la construction et ceux relatifs à l'urbanisme et à l'aménagement. Il représente 2 % des crédits de paiement de la mission.

4. Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires

Le programme 337 regroupe une partie des crédits de personnel du ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Il représente 6 % des crédits de paiement de la mission.

Figure n° 2 : Construction de la mission « Egalité des territoires et logement » en 2015

Programmes

Actions

177 Prévention
de l'exclusion et insertion
des personnes vulnérables

(10 % des crédits)

Prévention de l'exclusion

Hébergement de logement adapté

Conduite et animation des politiques
de l'hébergement et de l'inclusion sociale

109 Aide à l'accès au logement

(82 % des crédits)

Aides personnelles

Information relatives au logement
et accompagnement des publics en difficulté

Sécurisation des risques locatifs

135 Urbanisme, territoires
et amélioration de l'habitat

(2 % des crédits)

Construction locative et amélioration du parc

Soutien à l'accession à la propriété

Lutte contre l'habitat indigne

Réglementation, politique technique
et qualité de la construction

Soutien

Urbanisme et aménagement

337 Conduite et pilotage
des politiques du logement
et de l'égalité des territoires

(6 % des crédits)

Personnels oeuvrant pour les politiques
de l'urbanisme, de l'aménagement,
du logement et de l'habitat

Personnels oeuvrant au soutien
du programme « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires »

Source : Projet annuel de performance

B. EN DEHORS DE L'EFFET DES TRANSFERTS DE CHARGE, LES CRÉDITS ALLOUÉS À LA MISSION SONT STABLES EN 2015

1. La mission fait l'objet de plusieurs transferts de charges

Le pacte de responsabilité et de solidarité a notamment prévu des réductions de cotisations pour les entreprises (suppression progressive des cotisations familiales patronales pour les salaires inférieurs à 1,6 Smic et abattement accordé aux travailleurs indépendants). Afin de compenser le manque à gagner causé à la branche famille de la sécurité sociale, la part du financement des aides personnelles au logement (APL) qui était financée par la Cnaf est prise en charge à compter de 2015 par le budget de l'Etat et inscrite au programme 109 Aide à l'accès au logement . Cette mesure de périmètre représente 4,75 milliards d'euros.

Par ailleurs, la rebudgétisation de la part du financement du Fnal assurée jusqu'à présent par le prélèvement de solidarité (qui doit être affecté en totalité à la branche maladie) représente 670 millions d'euros et la compensation au Fnal des baisses des cotisations le finançant représente 300 millions d'euros. Le montant total de ces transferts de charges s'élève donc à 5,72 milliards d'euros.

Financement du Fnal

L'aide personnelle au logement (APL) et l'allocation de logement à caractère social (ALS) sont financées par un fond national d'aide au logement (Fnal), dont les recettes sont définies à l'article L. 351-7 du code de la construction et de l'habitation :

- le produit des cotisations sur les salaires prévues à l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale ;

- une fraction du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement ;

- une contribution exceptionnelle issue d'un prélèvement annuel sur la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) ;

- une contribution des régimes de prestation familiale (destinée au financement de l'APL) ;

- une dotation d'équilibre de l'Etat.

L'article 28 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit de supprimer la contribution de la branche famille de la sécurité sociale (4,4 milliards d'euros en 2014) ainsi que la fraction du prélèvement de solidarité (754 millions d'euros en 2014). La dotation d'équilibre de l'Etat est portée en conséquence à 10,98 milliards d'euros contre 5 milliards d'euros en 2014. L'article 53 du PLF maintient par ailleurs à 300 millions d'euros le prélèvement sur la PEEC.

2. En dehors de ces mesures, les crédits sont globalement stables par rapport à la LFI pour 2014

Une fois l'effet du transfert du programme Politique de la ville neutralisé, les crédits de la mission progressent de 5,8 milliards d'euros. Toutefois, si l'on retranche à cette augmentation la part qui est imputable aux transferts de charges liés au financement du Fnal, l'augmentation n'est que de 80 millions d'euros.

La mission participe en effet à l'effort de réduction des dépenses publiques, qui porte sur toutes ses actions ne correspondant pas à des dépenses de guichet (aides au logement) ou d'urgence (hébergement).

Figure n° 3 : Evolution des crédits alloués en loi de finance initiale (périmètre 2015)

(en milliers d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Evolution des CP

Programmes

LFI 2014

PLF 2015

LFI 2014

PLF 2015

En valeur

%

177

1 315 843

1 375 493

1 315 843

1 375 493

59 650

4,53 %

109

5 104 783

10 985 154

5 104 783

10 985 154

5 880 371

115 %

135

576 167

522 338

401 095

288 738

- 112 357

- 28 %

337

804 087

777 193

804 087

777 193

- 26 894

- 3,3 %

Total mission

7 800 880

13 660 178

7 625 809

13 426 579

5 800 770

76,1 %

Source : Projet annuel de performance

II. SI L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE TENDU DOIT ETRE SOULIGNÉE, LA RÉPARTITION PRÉSENTÉE N'EST PAS COHÉRENTE AVEC LES OBJECTIFS AFFICHÉS

A. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS ALLOUÉS NE PEUT CACHER UNE SOUS-ÉVALUATION INITIALE RÉCURRENTE

1. Les crédits alloués au programme 177 augmentent malgré le contexte budgétaire tendu

Dans un contexte budgétaire difficile, l'augmentation des crédits du programme 177 doit être notée, bien qu'elle soit largement contrainte par l'obligation de répondre à des besoins qui sont en progression.

Par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2014, les crédits du programme 177 augmentent de 5 % pour atteindre 1,375 milliard d'euros. L'action 12 Hébergement et logement adapté , qui représente 95 % des crédits du programme, voit ses crédits progresser de plus de 50 millions d'euros. Les crédits consacrés à la veille sociale augmentent également de 5 % (3 millions d'euros), afin notamment de financer la mise en place des services d'information, d'accueil et d'orientation (SIAO) sur l'ensemble du territoire. À l'inverse, les crédits consacrés au pilotage des politiques (action 14) baissent de 1 million d'euros.

Figure n° 4 : Evolution des crédits du programme 177 (LFI 2014 - PLF 2015)

(en millions d'euros)

LFI 2014

PLF 2015

Evolution

Programme 177

1 316

1 375

4,5 %

Action 11

56

59

5,2 %

Action 12

1 242

1 300

4,7 %

Action 14

17

16

-7,3 %

Source : Projet annuel de performance

2. Cette augmentation doit être nuancée au regard de la sous-évaluation récurrente qui caractérise les crédits alloués à ce programme

Année après année, on constate que les crédits initialement alloués au programme 177 s'avèrent insuffisants et doivent être majorés par des décrets d'avance en cours d'exercice.

Un décret d'avance a permis d'abonder le programme à hauteur de plus de 56 millions d'euros en octobre 2014 2 ( * ) , et un second a été annoncé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative présenté en Conseil des ministres le 12 novembre.

Les crédits demandés pour 2015 sont supérieurs à ceux votés pour 2014 mais demeurent inférieurs aux crédits exécutés en 2013. On peut donc s'attendre à ce que les crédits soient à nouveau insuffisants et à ce que le programme doive être abondé en cours d'exercice.

Figure n° 5 : Crédits de paiement votés et crédits exécutés du programme 177 (2008-2015)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

LFI

994,6

1 118,8

1 101,7

1 204,2

1 206,3

1 223

1 315,8

1 375

Exécution

1 241,5

1 295,2

1 285,2

1 260,8

1 300,7

1 414,6

Taux d'exécution (%)

124,8

115,8

116,7

104,7

107,8

115,8

(en millions d'euros)

Source : Projets annuel de performance

Si la réponse aux besoins d'hébergement qui se manifestent en cours d'année est indispensable, cette sous-évaluation récurrente est problématique en termes de visibilité pour les acteurs et notamment pour les associations qui participent aux dispositifs d'hébergement. Elle est également critiquable au regard de l'exigence de sincérité budgétaire.

Toutefois, en raison de la pression qui s'exerce sur les dispositifs d'hébergement, on constate une saturation quasi-immédiate de toute nouvelle place ouverte. La gestion en tension, paraît donc difficilement dépassable.

B. LA VOLONTÉ AFFICHÉE PAR LE GOUVERNEMENT D'APPORTER UNE RÉPONSE QUI DÉPASSE LA GESTION DE L'URGENCE NE TROUVE PAS DE TRADUCTION BUDGÉTAIRE

1. La réponse à l'urgence se fait aux dépends de réels efforts d'accompagnement et de réinsertion
a) L'augmentation des crédits porte avant tout sur l'urgence

Au sein de l'action Hébergement et logement adapté , dont les crédits progressent de 5 %, les crédits alloués à l'hébergement d'urgence (en CHU ou en hôtel notamment) progressent de 67 millions d'euros (soit plus que l'augmentation globale des crédits du programme), alors que les crédits destinés aux CHRS sont stables et que les crédits du logement adapté baissent de 5 %.

Figure n° 6 : Evolution des crédits au sein de l'action 12 du programme 177 (PLF 2014 - PLF 2015)

(en millions d'euros)

Source : Projet annuel de performance

En termes de politiques publiques, cette répartition des crédits correspond à une politique de mise à l'abri qui ne s'accompagne pas assez d'efforts d'accompagnement en direction des personnes concernées. Il s'agit là d'une tendance observée depuis plusieurs années qui va à l'encontre des objectifs affirmés par le Gouvernement.

En particulier, alors que le recours à l'hôtel doit être résiduel, on constate que le nombre de nuitées d'hôtel financées est en progression constante, ce qui constitue un usage critiquable des derniers publics. Si ce mode d'hébergement n'est pas nécessairement le plus onéreux 3 ( * ) , la qualité des chambres proposées est souvent médiocre et ne permet pas de s'inscrire dans une logique de réinsertion. Le recours à l'hôtel ne se justifie donc que comme une réponse ponctuelle à des situations d'urgence.

Figure n° 7 : Nombre de places d'hébergement financées

Année

CHU

Hôtels

CHRS

2010

18 593

13 948

39 525

2011

19 766

16 235

39 346

2012

22 091

20 727

39 142

2013

28 692

25 496

39 145

2013/2010

54%

83%

-1%

Source : Projet annuel de performance

Les chantiers lancés dans le cadre de l'amélioration
du pilotage des politiques d'hébergement

Plusieurs chantiers engagés devraient permettre d'améliorer l'efficacité de la politique d'hébergement.

• Les Services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO)

La loi ALUR (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) a consacré le rôle des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), qui existaient jusque-là en vertu de circulaires (circulaires du 8 avril 2010 et du 13 janvier 2012). Ces services ont vocation à centraliser l'ensemble des places disponibles dans les différentes structures d'accueil afin de permettre une régulation plus efficace. Si la loi ALUR pose le principe d'un SIAO unique par département, intégrant le service téléphonique 115, le processus de convergence des modèles d'organisation est encore largement incomplet.

Le développement d'un système d'information unique (SI SIAO), financée sur les crédits de l'action 14 du programme 177, doit permettre de fluidifier la circulation de l'information.

• Etude nationale de coût

Afin de mieux connaître les différences de coût entre structures d'hébergement, une étude nationale de coût (ENC) a été lancée en 2010. Le déploiement d'un système informatique (SI ENC), qui a commencé en 2014, doit permettre de disposer de données de comparaison et d'enrichir le dialogue de gestion entre l'Etat et les opérateurs.

• Diagnostics territoriaux à 360°

Le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté a prévu l'établissement dans chaque département d'un diagnostic global, dit « à 360° » de l'offre et des besoins en matière de solutions d'hébergement. Leur généralisation devrait se poursuivre en 2015. Ces diagnostics doivent permettre l'actualisation des plans départementaux pour l'accès à l'hébergement et au logement des personnes défavorisées (PDAHLPD) réformés par la loi ALUR.

b) Les efforts d'accompagnement individualisés, qui seuls peuvent permettre d'apporter une réponse à la problématique de l'exclusion, sont insuffisants

Pour les personnes fortement désocialisées et éloignées depuis longtemps du logement, le logement adapté constitue une solution de transition intéressante. On peut donc regretter que les crédits destinés à financer ces dispositifs ne progressent pas.

Les modes de logement adapté

Les dispositifs de logement adapté sont destinés à accompagner les personnes en difficultés afin qu'elles retrouvent l'autonomie suffisante pour occuper un logement ordinaire.

Les dispositifs financés sont de plusieurs ordres :

- l'Etat cofinance avec la Cnaf une aide (ALT 1) destinée aux organismes qui logent à titre temporaire des personnes défavorisées ;

- par le biais de l'intermédiation locative, l'Etat aide des organismes qui prennent à bail des logements du parc privé afin de les sous-louer, à un tarif social, à des ménages défavorisés ;

- les maisons-relai et les pensions de famille sont des structures destinées à offrir un cadre de vie propre à la réadaptation à la vie sociale ;

- l'aide à la gestion locative est une aide versée par l'Etat aux gestionnaires de résidence sociale conditionnée à la mise en place de solutions adaptées aux résidents.

En 2015, les actions d'accompagnement vers et dans le logement (AVDL) ne seront plus financées par le budget de l'Etat mais uniquement par le fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), dont les ressources sont constituées des astreintes versées au titre du droit au logement opposable. Cette mesure ne permet toutefois pas d'expliquer entièrement la baisse des crédits affectés au logement adapté, le montant alloué à l'intermédiation locative passant de 70,1 à 64,8 millions d'euros.

Par ailleurs, des mesures de fongibilité sont régulièrement prises en cours d'année afin d'affecter à l'hébergement d'urgence des crédits initialement destinés au logement adapté.

2. L'objectif de sortie d'une « gestion au thermomètre » n'est pas en voie d'être atteint
a) La volonté de mettre fin à la gestion saisonnière de l'hébergement est partagée par les acteurs

L'augmentation non pérenne du nombre de places d'accueil au moment des grands froids est régulièrement dénoncée par les associations. En effet, si la mise à l'abri des personnes fragiles correspond à une nécessité vitale, leur prise en charge au moment de l'hiver devrait permettre de les faire entrer dans une démarche suivie de réinsertion.

Le Gouvernement a annoncé de manière répétée sa volonté de mettre fin à la gestion saisonnière, notamment dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté 4 ( * ) .

b) Force est de constater que cet objectif n'est pas atteint

Malgré la volonté affichée, cet objectif n'est pas atteint. Le recours à des locaux précaires (casernes, gymnases, hôtels...) a encore pu être observé lors de la campagne 2013-2014, et les personnes accueillies ne se sont pas vu offrir de solutions pérennes à la fin de la période hivernale.

Le manque de moyens explique dans une large mesure cette incapacité à sortir de la gestion au thermomètre, même s'il faut souligner qu'une partie des personnes concernées ne se tournent vers les dispositifs d'hébergement qu'au moment des vagues de froid et les quittent d'eux-mêmes à la fin de l'hiver.

Les chiffres du baromètre 115 de la Fnars

La fédération nationale des associations de réinsertion sociale (Fnars) publie chaque année un « baromètre » présentant l'exercice hivernal clôt. Pour l'hiver 2013-2014, l'étude de la Fnars a porté sur 37 départements et sur le Samu social de Paris et sur la période allant du 1 er novembre au 31 mars.

Il ressort que les demandes d'hébergement adressées au 115 ont progressé de 10 % (2,5 % à Paris), soit un rythme proche de 200 demandes supplémentaires par jour. Cette augmentation est pourtant le fait d'un nombre décroissant de personnes qui sont par ailleurs conduites à réitérer de plus en plus souvent leurs demandes afin d'obtenir une réponse (7,2 demandes en moyenne par personne contre 6,3 durant l'hiver précédent).

A Paris, 45 % des demandes n'ont pas donné lieu à un hébergement, cette part s'élevant à 61 % dans les 37 autres départements étudiés. Par ailleurs, 58 % des personnes qui ont sollicité le 115 étaient déjà connues des services, ce qui témoigne à la fois d'une réponse largement court-termiste et d'un non recours croissant.

Figure n° 8 : Les différentes structures d'hébergement

Dénomination

Missions

Public accueilli

Durée du séjour

CHRS

Accompagnement destiné à aider
les personnes et familles en détresse à retrouver leur autonomie

Personnes isolées
ou familles connaissant de graves difficultés économiques et sociales

Durée déterminée
et renouvelable. Un bilan est effectué
tous les 6 mois

CHU

Hébergement temporaire des personnes ou familles sans abri

Toute personne
sans domicile fixe

Pas de limite

Hébergement de stabilisation

Permettre aux personnes éloignées de l'insertion, de se stabiliser

Toute personne sans domicile fixe

Pas de limite

Logements
et chambres conventionnés ALT

Accueil, à titre temporaire, des personnes défavorisées sans logement et qui ne peuvent pas être hébergées en CHRS

Personnes défavorisées, sans logement,
qui ne peuvent pas être hébergées en CHRS

Pas de limite réglementaire mais l'objectif est que
la durée moyenne n'excède pas six mois

Résidence hôtelière à vocation sociale

Solution d'hébergement de qualité à coût maîtrisé

Publics rencontrant
des difficultés particulières pour
se loger

Occupation
à la journée, à la semaine ou au mois

CADA

Accueil, hébergement et accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile

Demandeurs d'asile en cours de procédure

Durée d'instruction du dossier des demandeurs d'asile

Dispositif HUDA

Accueil des demandeurs d'asile, préalablement à leur admission en CADA

Demandeurs d'asile

Transitoire

Centre maternel

Accueil
des femmes enceintes
et de mères isolées

Femmes enceintes
et mères isolées
avec enfants de moins
de trois ans

Résidence Sociale "classique"

Offrir un logement collectif temporaire meublé à des personnes en difficulté sociale et/ou économique

Personnes en difficulté sociale et/ou économique

1 mois renouvelable, sans limitation de durée

Maisons relais

Accueil des personnes dont l'accès à un logement autonome apparaît difficile à court terme, sans relever de structures de type CHRS

Personnes isolées, fréquentant ou ayant fréquenté de façon répétitive les structures d'hébergement provisoire

Accueil
sans limitation
de durée

Foyer de travailleurs migrants

Accueil
des travailleurs immigrés

Travailleurs immigrés
en situation d'exclusion

1 mois tacitement renouvelable, sans limitation de durée

Source : Direction générale de la cohésion sociale

III. LA MISSION DOIT FAIRE FACE À DES PROBLÉMATIQUES QUI DÉPASSENT L'HÉBERGEMENT DES SANS-ABRI

A. LA MISSION FINANCE DIFFÉRENTES MESURES À DESTINATION DES GENS DU VOYAGE

1. Le financement de l'hébergement des gens du voyage

L'action 01 Construction locative et amélioration du parc du programme 135 comporte un volet consacré à l'accueil des gens du voyage. L'action de l'Etat passe par des subventions versées aux collectivités locales (communes ou EPCI) pour la réalisation ou la réhabilitation d'aires d'accueil dans le cadre des schémas départementaux d'accueil des gens du voyage. En 2015, ce dispositif représente 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11,4 millions d'euros en crédits de paiement.

Par ailleurs, l'Etat cofinance (à parts égales) avec la Cnaf le fonctionnement de ces aires, et assure des prestations d'action sociale spécifiquement destinées aux gens du voyage. Les crédits correspondants s'élèvent à 19,2 millions d'euros en 2015 et sont retracés dans l'action n° 11 du programme 177. On comptait en 2013 plus de 1 300 aires conventionnées, soit près de 24 000 places.

Une rationalisation des politiques menées en faveur des gens du voyage pourrait passer par un regroupement des crédits actuellement dispersés entre les programmes 177 et 135.

2. La réforme attendue en 2015

L'aide financière (aide au logement temporaire ALT 2) versée aux collectivités ou personnes morales gestionnaires par les caisses d'allocations familiales est actuellement calculée sur une base forfaitaire, que les places soient occupées ou non. L'article R. 851-5 du code de la sécurité sociale fixe le montant de l'aide à 132,45 euros par mois et par emplacement, ce qui représente pour l'Etat une dépense de 67,55 euros par place en prenant en compte les frais de gestion.

La loi de finances pour 2014 a prévu la prise en compte de l'occupation effective des aires d'accueil dans le calcul de l'aide ALT 2, faisant ainsi suite aux recommandations émises par la Cour des comptes 5 ( * ) . L'aide forfaitaire sera donc transformée en une aide modulable composée d'une part fixe de 88,3 euros par place et d'une part variable plafonnée à 44,15 euros servie de manière proportionnelle au taux d'occupation effective.

L'enveloppe prévue pour 2015 s'élève à 16,4 millions d'euros (contre 21,6 millions d'euros en 2014), sur le fondement d'un taux d'occupation moyen de 55 %.

Un décret en Conseil d'Etat, qui doit paraître au plus tard le 1 er .janvier 2015 doit mettre en oeuvre cette réforme.

B. L'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE DÉBOUTÉS REPRÉSENTE UNE CHARGE IMPORTANTE POUR LE PROGRAMME 177

1. L'afflux de demandeurs d'asile pèse sur les dispositifs d'hébergement
a) Les demandeurs d'asile bénéficient de dispositifs d'hébergement spécifiques, qui sont toutefois insuffisants

Le droit d'asile correspond à une valeur importante pour notre pays. À ce titre, et conformément la directive européenne du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres, la France a mis en place un dispositif permettant d'accueillir les demandeurs d'asile pendant la durée de la procédure.

L'accueil des demandeurs d'asile repose d'une part sur les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et d'autre part, à titre subsidiaire, sur un dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA). Le financement de ces structures d'hébergement représente en 2015 environ 354 millions d'euros 6 ( * ) .

Le nombre de places offertes par ces dispositifs (près de 25 000 places en CADA et un peu plus de 4 000 places d'hébergement d'urgence) est inférieur au nombre de demandes d'asile enregistrées, qui connaît une progression particulièrement rapide depuis 2007 et a dépassé 65 000 en 2013.

b) Le nombre des demandeurs d'asile, et donc de déboutés, augmente fortement ces dernières années

Au cours des dernières années, diverses circonstances ont conduit à une augmentation spectaculaire du nombre de demandes d'asile enregistrées par l'Office français de protection des réfugiés (OFPRA). Le nombre de décisions favorables ayant augmenté moins rapidement que celui des demandes, le nombre de personnes déboutées a plus que doublé depuis 2007.

Figure n° 9 : Demandes d'asile 2007-2013

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total demandes d'asile (A)

35 520

42 599

47 686

52 762

57 337

61 468

65 894

Décisions OFPRA

29 536

32017

35 490

37 789

42 377

46 267

46 950

Décisions favorables (B)

8 815

11 484

10 401

10 377

10 755

10 028

11 415

Déboutés (A-B)

26 705

31 115

37 285

42 385

46 582

51 440

54 479

A : Premières demandes, y compris les mineurs accompagnant, et réexamens

B : Décisions de l'OFPRA et décisions de la CNDA

Source : Ministère de l'Intérieur, Direction générale des étrangers en France

c) Ce phénomène entraîne une pression accrue sur les dispositifs « généralistes » d'hébergement

La complexité des procédures de reconduite à la frontière conduit souvent au maintien sur le territoire de personnes déboutées du droit d'asile, dont le nombre a plus que doublé entre 2007 et 2013 (+104 %). En effet, compte tenu de la durée des procédures (18 à 24 mois en moyenne), des situations empêchant la reconduite à la frontière ont tendance à se développer (enfants scolarisés, membre de la famille reconnu malade etc.).

L'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence 7 ( * ) . En conséquence, les personnes déboutées du droit d'asile qui se retrouvent sans abri sont accueillies dans les structures d'hébergement « généralistes ».

Bien qu'il soit difficile de connaître avec précision la part des personnes hébergées dans des centres « généralistes » qui relèvent de ces situations, il est possible de l'estimer à environ 20 % à l'échelle nationale, et jusqu'à 60 % en Ile-de-France.

Les personnes concernées n'ont que peu de chance de voir leur situation administrative être régularisée et ont donc peu de perspectives d'accès au travail ou au logement social. Leur prise en charge, qui passe souvent par un logement de long terme en hôtels, mobilise donc des crédits d'hébergement sans passage possible à une logique de réinsertion.

2. La réforme du droit d'asile prévue en 2015 pourrait augmenter à court terme la pression sur les centres d'hébergement généralistes

Une réforme du droit d'asile a été annoncée par le Gouvernement pour 2015. Cette réforme doit notamment permettre d'abaisser à six mois le délai de traitement des demandes. Cette réduction de la période d'attente pourrait augmenter le nombre de reconduites à la frontière en limitant l'apparition de situations complexes. A court terme cependant, la pression sur les dispositifs d'hébergement pourrait être accrue en raison de l'augmentation du nombre de déboutés.

Par ailleurs, le projet de loi réformant le droit d'asile prévoit le versement d'une allocation au demandeur d'asile subordonné à l'acceptation de la solution d'hébergement qui lui est proposée, y compris le cas échéant dans un autre département. Cette mise sous condition pourrait conduire, dans un nombre de cas qu'il n'est pas possible d'estimer, à un renoncement à l'allocation et donc à une prise en charge, au titre de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles, des demandeurs d'asile dans des structures généralistes.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Trois articles du projet de loi de finances pour 2015 sont rattachés à la mission Egalité des territoires et logement .

La commission des finances a adopté un amendement déposé par son rapporteur spécial visant à supprimer l'article 52, qui tend à transformer le dispositif d'APL accession en un dispositif de sécurisation des locataires en cas de perte de revenu d'u moins 30 %. Cette mesure conduirait à désolvabiliser un nombre important de ménages et fragiliserait le secteur de la construction.

La commission des finances a également voté la suppression de l'article 53, visant à maintenir le prélèvement sur le participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) affecté au Fnal à son niveau de 2014 (300 millions d'euros) alors que la loi de finances pour 2014 prévoyait de ramener ce prélèvement à 150 millions d'euros en 2015. Cet article remet en cause un engagement pris par l'Etat à l'égard de l'UESL-Action logement et détourne une somme importante du financement de la rénovation urbaine.

Enfin, l'article 54 prévoit d'élever les ressources du fond de péréquation du logement locatif social en augmentant la fraction de la contribution à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) qui lui est affectée. Cet article n'a pas fait l'objet d'amendement de la part de la commission des finances

Votre rapporteur pour avis approuve les positions prises par la commission des finances.

*        *

*

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Egalité des territoires et logement » et des articles 52, 53 et 54 rattachés du projet de loi de finances pour 2015.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 26 novembre 2014 , sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l' examen du rapport pour avis de M. Jean-Marie Morisset, sur les crédits de la mission « Egalité des territoires et logement » et les articles 52, 53 et 54 rattachés du projet de loi de finances pour 2015.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis . - Les crédits de la mission Egalité des territoires et logement sont essentiellement destinés à financer les aides au logement d'une part, et l'hébergement des personnes sans-abri d'autre part. Il s'agit donc largement de dépenses contraintes.

A périmètre constant, les crédits alloués à la mission sont stables, l'augmentation des dépenses de guichet (aides au logement) et des dépenses d'urgence compensant les efforts d'économie portant sur les autres actions.

J'ai voulu, à l'occasion de cet avis budgétaire, m'intéresser tout particulièrement aux crédits du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », qui intéresse plus spécifiquement notre commission des affaires sociales et représente, après les aides au logement, le principal poste de la mission.

Ce programme regroupe notamment les crédits destinés à la veille sociale, à l'hébergement d'urgence et à l'accompagnement des personnes défavorisées en vue de leur réinsertion.

En 2015, l'effort dans ces domaines est maintenu, les crédits alloués progressant de près de 60 millions d'euros pour atteindre près de 1,375 milliard d'euros. Si cet effort doit être souligné, on peut s'attendre à ce qu'il soit largement insuffisant.

En effet, les crédits du programme sont régulièrement sous-évalués en lois de finances initiales, et des décrets d'avance sont chaque année nécessaires afin de répondre aux besoins effectivement constatés en cours d'exercice. Cela a été le cas en octobre 2014, à hauteur de 56 millions d'euros, et un nouvel ajustement a été annoncé dans le cadre de la loi de finances rectificative.

Ainsi, les crédits proposés pour 2015 sont certes supérieurs à ceux ouverts par la loi de finances pour 2014, mais demeurent inférieurs aux crédits réellement exécutés en 2015, alors que la conjoncture économique ne permet pas d'espérer une diminution des besoins.

Il s'agit là d'un manque de sincérité qui nuit à la visibilité dont ont besoin les acteurs de l'hébergement et de la réinsertion, qui relèvent essentiellement du monde associatif et gèrent au quotidien des structures d'hébergement dans un contexte financier précaire.

Cette gestion en tension traduit une approche essentiellement humanitaire de l'hébergement d'urgence. Force est de constater en effet que si les crédits destinés à l'hébergement d'urgence progressent fortement - et c'est nécessaire pour faire face à des besoins qui sont en hausse - ceux destinés à financer les centres d'hébergement et de réinsertion ou les modes de logement adaptés ne progressent pas : on met à l'abri sans proposer une vraie aide de nature à permettre la réinsertion.

Cette logique s'observe notamment au travers de la progression constante du recours à l'hôtel, alors même que l'ensemble des acteurs s'accorde à dire que cette solution ne peut être que résiduelle et ne peut constituer un mode régulier et prolongé d'hébergement. Alors que les places en centres d'hébergement et de réinsertion (CHRS) n'ont pas augmenté entre 2010 et 2013, le nombre de nuitées d'hôtel financées a doublé. Contrairement à ce qui est parfois dit, l'hôtel n'est pas plus coûteux pour les finances publiques que l'hébergement dans des centres dédiés. Toutefois, ce mode d'hébergement offre des conditions de vie largement insatisfaisantes, notamment pour des familles, et ne permet pas la réinsertion des personnes concernées.

Par ailleurs, les associations dénoncent régulièrement ce qu'elles appellent une gestion « au thermomètre » de l'hébergement, et qui consiste à ouvrir des places temporaires durant la période hivernale pour les fermer au printemps sans offrir de solution pérenne aux personnes accueillies. Le Gouvernement a annoncé, et cela doit être salué, sa volonté de mettre fin à cette gestion saisonnière, notamment dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Force est pourtant de constater que les moyens disponibles ne permettent pas de remplir cet objectif et que la gestion est encore largement saisonnière.

La sous-évaluation manifeste, mais également l'accent mis sur la réponse à l'urgence au détriment de l'accompagnement et de la réinsertion des personnes défavorisées, me conduisent à donc à vous proposer de rejeter le budget proposé par le Gouvernement.

Je voudrais évoquer également, chers collègues, deux problématiques qui pèsent sur le programme 177 alors qu'elles répondent à des déterminants qui leurs sont propres.

Les personnes déboutées du droit d'asile, dont le nombre augmente de manière spectaculaire depuis plusieurs années, sont accueillies dans des centres d'hébergement généralistes et, souvent, dans des hôtels. Leur situation administrative ayant peu de chances d'être régularisée une fois les différentes voies de recours épuisées, ces personnes n'ont guère de perspective d'insertion dans l'emploi ou dans le logement et leur prise en charge dans les dispositifs d'hébergement a vocation à se prolonger de manière indéfinie.

La réforme de l'accueil des demandeurs d'asile prévue en 2015 pourrait améliorer la situation à moyen terme, mais accroître la pression sur les dispositifs d'hébergement à court terme.

De même, le programme 177 participe au financement des aires d'accueil pour les gens du voyage. Une réforme visant à moduler les aides versées aux collectivités en fonction de l'occupation réelle de ces aires devraient également entrer en vigueur en 2015. Elle pourrait, à terme, entraîner la diminution de la participation de l'Etat et, par voie de conséquence, augmenter celle des collectivités.

M. Jean-Louis Tourenne . - Le rapport qui nous est présenté n'analyse qu'une partie de la mission Égalité des territoires et logement et je m'étonne qu'on puisse proposer de rejeter l'ensemble des crédits sur cette base. Le projet de loi de finances contient en effet des mesures importantes en faveur du logement, que ce soit en ce qui concerne les aides à l'accès au logement, le soutien à la production de logements neufs ou les aides à la rénovation, y compris en milieu rural. Les mesures concernant notamment le prêt à taux zéro ou le prêt locatif aidé d'intégration doivent être saluées et marquent une réelle volonté du Gouvernement de répondre à la problématique de l'accès au logement et de soutenir le logement social. En prenant en compte les aides fiscales, l'effort en faveur du logement s'élève à près de 12 milliards d'euros. En ce qui concerne l'hébergement, la fin de la gestion saisonnière me paraît une annonce importante, et la stabilisation des crédits alloués au logement adapté fait suite à une augmentation de 30 % l'année dernière.

Mme Nicole Bricq . - Les chiffres que vous avez cités concernant l'augmentation de la pression exercée par les demandeurs d'asile sur les structures d'hébergement sont préoccupants, d'autant plus que la pression migratoire devrait continuer à s'intensifier en raison de circonstances politiques et climatiques que nous connaissons. Des réformes ont été annoncées, et il faudra être attentif aux travaux qui vont être menés.

M. Michel Forissier . - A l'inverse de ce qui a été dit jusqu'à présent, je remercie le rapporteur pour son travail qui me paraît décrire assez justement les réalités que nous pouvons observer dans nos territoires. Je rejoins le rapporteur sur le constat de l'insincérité chronique du budget consacré à l'hébergement. Cette insincérité rend difficile la situation des associations qui réalisent un travail considérable sur le terrain et parmi lesquelles on voit poindre une forme de découragement. Concernant l'hébergement en hôtel, il s'agit peut-être d'une solution moins coûteuse à court terme mais son prolongement fait peser une charge improductive pour les finances publiques.

Mme Hermeline Malherbe . - Je m'associe à ce qui a été dit au sujet des efforts en faveur du logement social. Il est par ailleurs important de noter le travail de nos collectivités en lien avec les bailleurs sociaux. Je suis donc surprise que le rapporteur puisse critiquer un budget qui est stable voire en légère augmentation.

M. Michel Vergoz . - Je partage avec vous le constat selon lequel les personnes déboutées du droit d'asile n'ont guère de perspective d'intégration dans le logement et dans l'emploi. Cela rejoint d'ailleurs la question qui a déjà été évoquée par cette commission de l'aide médicale d'Etat. Sur ce point comme sur d'autres, le rapport qui nous est présenté se borne à constater une situation dégradée, mais ne formule pas de proposition pour améliorer cette situation.

Par ailleurs, vous avez évoqué la question des gens du voyage. Avez-vous des éléments sur des territoires qui, en métropole, seraient réticents à la prise en compte de l'occupation réelle dans le calcul des aides au fonctionnement des aires d'accueil comme on l'entend parfois ?

Mme Laurence Cohen . - Le groupe communiste, républicain et citoyen partage tout à fait le constat d'une insuffisance criante des moyens alloués à l'hébergement des personnes sans abri. Toutefois, nous regrettons également vivement que le rapporteur ne formule pas de propositions pour remédier à cette situation.

M. Daniel Chasseing . -Je retiens en particulier le constat selon lequel le nombre de places en CHRS n'a pas augmenté depuis 2010 quand le nombre de nuitées d'hôtel a doublé. Voilà je pense une proposition pertinente : augmenter le nombre de places en CHRS qui sont, à long terme bien plus efficaces que l'hôtel pour permettre la réinsertion des personnes concernées.

Mme Michelle Meunier . - Je m'associe à ce que mes collègues ont pu dire, et je voudrais insister particulièrement sur la situation des mineurs étrangers isolés. Le Gouvernement a pris des mesures afin d'améliorer leur situation, notamment en prévoyant leur répartition sur le territoire, mais cette problématique demeure préoccupante. Par ailleurs, M. le rapporteur nous a indiqué que l'hôtel n'était pas la solution la plus coûteuse pour les finances publiques, serait-il possible d'avoir plus d'informations à ce sujet ?

Mme Claire-Lise Campion . - Je partage ce qui a été dit par Mme Bricq au sujet des travaux qui doivent être menés sur la réforme du droit d'asile. Je partage aussi la préoccupation exprimée par notre collègue Michelle Meunier au sujet de la situation des mineurs isolés étrangers.

Mme Catherine Procaccia . - Etant élue d'un département de région parisienne, je voudrais insister sur l'inadéquation de la réforme de 2014 sur les aires d'accueil avec les réalités des zones urbaines et avec les logiques d'installation des populations concernées. En ce qui concerne le recours à l'hôtel, je voudrais ajouter que ce mode d'hébergement contribue souvent à financer des marchands de sommeil que nous souhaitons tous combattre.

Mme Corinne Imbert . - Les collectivités font face à des difficultés importantes pour financer les aires d'accueil, et ne peuvent pas toujours faire face aux obligations qui leur incombent ou aux engagements pris dans le passé. Par ailleurs, je voudrais demander au rapporteur s'il y a dans le programme 177 une ligne budgétaire spécialement dédiée aux maisons relais qui sont des structures intéressantes.

M. Jean-Yves Dusserre . - Malgré la volonté politique affichée, on est encore loin de voir la réalisation des annonces faites en matière de logement. Il faut sortir de l'hypocrisie qui consiste à croire que les logements destinés aux personnes en détresse seront financés par des loyers alors que c'est en réalité à la collectivité d'en assumer la charge, ce qui induit une réelle incertitude pour les collectivités locales.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis . - Je précise à nouveau que l'intention de votre rapporteur n'a pas été de présenter une vision exhaustive de la mission Egalité des territoires et logement, ce qui est du ressort du rapporteur spécial de la commission des finances et du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Ce rapport met en lumière un certain nombre de problématiques propres à la politique de l'hébergement. Il porte des propositions précises, notamment celle d'augmenter le nombre de places en CHRS et d'arrêter le recours à l'hôtel. Il est également nécessaire d'améliorer l'accompagnement des personnes en situation d'exclusion, alors que les crédits concernés ne progressent pas.

En ce qui concerne le coût de l'hébergement en hôtel, je m'appuie sur les chiffres communiqués par la directrice générale de la cohésion sociale, que nous avons reçue en audition. Selon ces données, le coût annuel moyen de l'hébergement en hôtel varie de 5 000 à 7 000 euros, contre 9 000 à 11 000 pour les places d'hébergement d'urgence et 15 000 euros en CHRS.

Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Egalité des territoires et logement » et des articles 52,53 et 54 rattachés du projet de loi de finances pour 2015.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

___________

• Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss)

Jeanne Dietrich , conseillère technique emploi, logement - Pôle lutte contre les exclusions

Ronald Maire , conseiller technique organisation territoriale - Politiques sanitaires et sociales - Animateur du groupe prévention, hébergement, logement

• Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

Sabine Fourcade , directrice générale de la cohésion sociale

Sylvain Turgis , adjoint à la sous-directrice de l'inclusion sociale, de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté

Fatima Touami , chargée de mission sur les questions parlementaires

• Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé)

Michel Villac , directeur général par intérim

• Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru)

Pierre Sallenave , directeur général

Laurent Doré , directeur administratif et financier

Anne Peyricot , directrice des relations institutionnelles

• Union sociale pour l'habitat (USH)

Marianne Louis , secrétaire générale

Frédéric Paul , directeur général

Juliette Furet , responsable du département des politiques sociales

Francine Albert , conseillère pour les relations avec le parlement

• Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars)

François Bregou , responsable du service stratégie et analyse des politiques publiques

Laura Charrier , chargée de mission

• Fondation Abbé Pierre

Patrick Doutreligne , délégué général


* 1 Les crédits alloués au financement de l'allocation de logement familiale (ALF) demeurent dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale.

* 2 Décret n° 2014-1142 du 7 octobre 2014 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 3 Selon les chiffres communiqués par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le coût annuel moyen de l'hébergement en hôtel varie de 5 000 à 7 000 euros, contre 9 000 à 11 000 euros pour les places d'hébergement d'urgence et 15 000 euros en CHRS.

* 4 Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013.

* 5 Cour des comptes, rapport public, L'accueil et l'accompagnement des gens du voyage , octobre 2012.

* 6 Le financement de l'hébergement des demandeurs d'asile est porté par le programme 303 Immigration et asile de la mission Immigration, asile et intégration.

* 7 Article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles :

« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence.

Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. »

Page mise à jour le

Partager cette page