N° 112

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Par M. Louis DUVERNOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. David Assouline, Mme Corinne Bouchoux, M. Jean-Claude Carle, Mme Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, Colette Mélot, M. Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, MM. Joseph Castelli, François Commeinhes, René Danesi, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Jacques-Bernard Magner, Christian Manable, Philippe Marini, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Cyril Pellevat, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

D'un montant de 725,5 millions d'euros en 2014, les moyens du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », au sein de la mission « Action extérieure de l'État », s'établissent, dans le projet de loi de finances pour 2015, à 745,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,8 %. Néanmoins, cette progression est principalement alimentée par la création d'une nouvelle action dédiée au « Développement international - Tourisme », correspondant à une ligne de crédits de 30,4 millions d'euros. Dans les faits, à périmètre constant, les moyens consacrés à notre action culturelle extérieure et à ses opérateurs traditionnels s'élèveront, en 2015, à un total de 715,1 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 1,4 % par rapport à 2014.

Au sein de ce programme, seule la politique d'attractivité universitaire et scientifique conduite auprès des étudiants et chercheurs étrangers par le biais de Campus France et de nos programmes de bourses, connaît un réel dynamisme, en bénéficiant d'un surplus de crédits de l'ordre de cinq millions d'euros (+ 4,8 %). En revanche, les crédits consentis à notre réseau culturel à l'étranger et à notre réseau d'établissements scolaires à l'étranger, inscrits sur le programme 185 hors titre 2 (dépenses de personnel) diminuent respectivement de 1,6 % et 2,2 %.

Parmi les trois principaux opérateurs de notre action culturelle extérieure, l'Institut français est sans doute celui qui se trouve confronté à la situation la plus délicate, en ces temps douloureux de rétrécissement des marges de manoeuvre budgétaires. La programmation pluriannuelle de ses moyens dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens (COM) le liant à l'État pour la période 2011-2013 s'est vue régulièrement contrariée par l'application continue de mesures d'économies dans le cadre de l'effort national de redressement des comptes publics. Dans le même temps, l'institut doit faire face à l'accroissement mécanique de ses charges fixes, en raison de la mise en oeuvre des missions étendues qui lui ont été confiées par la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État. Dans ces conditions, son budget d'intervention ne lui permet d'exercer qu'une force d'impulsion encore très limitée sur les opérations mises en oeuvre par le réseau culturel : en 2013, la Cour des comptes constatait que seulement 14 % de son budget d'activités de 2012 était consacré à des subventions directes au réseau des établissements culturels publics à autonomie financière, alors que l'objectif affiché était de 37,5 % 1 ( * ) .

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et les établissements scolaires de son réseau résistent mieux aux contraintes budgétaires, en bénéficiant de fonds de roulement solides et de ressources propres alimentées par la croissance des effectifs et la hausse des droits d'inscription, qui leur permettent de poursuivre une politique immobilière ambitieuse.

Campus France, opérateur chargé de la promotion de notre système d'enseignement supérieur et de recherche à l'étranger, peut compter sur la sanctuarisation de notre politique de bourses en faveur des étudiants et chercheurs étrangers, dont il assure en grande partie la gestion. Toutefois, il doit désormais composer avec la montée en puissance des stratégies internationales propres des établissements d'enseignement supérieur français qui ont bénéficié d'un assouplissement des conditions de conclusion de leurs accords de coopération avec les établissements étrangers. À cet égard, Campus France pourrait utilement renforcer son rôle de coordination des opérations de promotion des universités et grandes écoles françaises.

Il lui appartient également de favoriser l'émergence d'un réseau mondial d'ambassadeurs de l'enseignement supérieur français, que ce soit par la constitution d'un registre des anciens étudiants ( alumni ) étrangers ou par la dissémination d' « enseignants-relais » au sein des universités étrangères, comme le suggère la Cour des comptes dans son rapport précité de septembre 2013.

Votre rapporteur pour avis souligne que, depuis déjà plus de dix ans, la politique culturelle extérieure de la France fait l'objet de coupes budgétaires continuelles, le ministère des affaires étrangères et son réseau culturel ayant été soumis très tôt aux efforts de rationalisation requis par la révision générale des politiques publiques (RGPP), poursuivis dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP). Il n'y a donc rien de bien surprenant à ce que les nouveaux opérateurs de l'action culturelle extérieure, en l'espèce l'Institut français et Campus France, créés par la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, qui devaient s'imposer comme les fers de lance de l'influence culturelle, linguistique et intellectuelle de la France à l'étranger sur le modèle du British Council , du Goethe-Institut ou du Deutscher Akademischer Austauschdienst , se soient vu accorder, dès leurs débuts, des moyens publics somme toute assez limités au regard des ambitions politiques affichées.

À l'évidence, une politique publique ne s'imposera comme une priorité légitime sur le plan budgétaire qu'à la condition que le grand public se l' « approprie » et soit pleinement conscient de ses retombées positives dans leur quotidien. Il est grand temps que la politique culturelle extérieure ne se résume plus, dans l'esprit collectif, à un simple supplément d'âme de notre diplomatie ou à la réminiscence d'une grandeur passée. Force est de constater que le peu d'entrain manifesté aujourd'hui par nos responsables politiques et nos hauts fonctionnaires pour le respect de la langue française et de la diversité linguistique, que ce soit sur la scène internationale ou dans les secteurs économiques les plus stratégiques (sécurité aérienne, commerce extérieur...), ne favorise pas l'attachement de nos concitoyens à la défense de leur langue et à la Francophonie multilatérale. La voix de la France ne peut être audible à l'étranger que si ceux qui l'incarnent sur la scène internationale font preuve de cohérence et d'exemplarité.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat réclame de longue date un sursaut en faveur de notre action culturelle, linguistique et intellectuelle à l'étranger, mais ses cris d'alarme périodiques, chaque année au moment de l'examen du budget, n'y suffiront pas. Les coups de rabot ne cesseront que lorsque le grand public sera convaincu que la promotion en dehors de nos frontières de notre patrimoine culturel et linguistique et de notre créativité artistique constitue bien l'un des moteurs de notre croissance, au même titre que d'autres politiques publiques domestiques, et contribue, en miroir sur notre territoire, au renforcement du pacte républicain.


* 1 Cour des comptes, Le réseau culturel de la France à l'étranger , communication au président de l'Assemblée nationale pour le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, septembre 2013.

Page mise à jour le

Partager cette page