Avis n° 112 (2014-2015) de M. David ASSOULINE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 20 novembre 2014

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N° 112

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

Fascicule 2

CULTURE :
CRÉATION, CINÉMA

Par M. David ASSOULINE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. David Assouline, Mme Corinne Bouchoux, M. Jean-Claude Carle, Mme Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, Colette Mélot, M. Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, MM. Joseph Castelli, François Commeinhes, René Danesi, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Jacques-Bernard Magner, Christian Manable, Philippe Marini, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Cyril Pellevat, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Votre rapporteur pour avis s'attachera à étudier successivement deux politiques publiques majeures du secteur de la culture :

- tout d'abord la création , dont les crédits, réunis au sein du programme 131, visent à encourager la création et favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. Avec un total de 717 millions d'euros en autorisations d'engagement et 734 millions d'euros en crédits de paiement, ce programme représente environ 28,4 % des crédits de la mission « Culture », qui couvre par ailleurs les politiques publiques en faveur des patrimoines (29,1 % des crédits) et de la transmission des savoirs (42,5 % des crédits). L'effort budgétaire est maintenu en 2015 ;

- ensuite le soutien public au cinéma , qui regroupe principalement les taxes affectés au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) pour soutenir l'industrie cinématographique. Avec 630 millions d'euros prévus pour 2015 contre 667,8 millions l'an passé, ces taxes continuent de reculer de manière inquiétante, obligeant le CNC à revoir à la baisse ses dépenses d'intervention, au moment même où la production cinématographique se replie sensiblement.

LA CRÉATION

PREMIÈRE PARTIE - LE PROGRAMME 131 « CRÉATION »

I. BUDGET SANCTUARISÉ EN 2015 : UNE PROMESSE TENUE

A. DES CRÉDITS STABLES HORS INVESTISSEMENTS DANS LA PHILHARMONIE

Comme le rappelle le directeur général de la création artistique dans la présentation du projet annuel de performances pour 2015, le programme « Création » soutient la diversité et le renouvellement de l'offre culturelle à toutes les étapes de la vie d'une oeuvre : commande, création, production, diffusion et conservation. Il a donc pour vocation d'encourager la création et de favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant (action n° 1 du programme) et des arts plastiques (action n° 2 du programme).

Le budget proposé pour 2015 permet de préserver l'essentiel des crédits : comme le montre le tableau ci-avant, la légère baisse des crédits du programme n° 131 est limitée à 1,21 % en autorisations d'engagement (AE) et à 1,73 % en crédits de paiement (CP). Sont ainsi prévus 717,73 millions d'euros en autorisations d'engagement et 734,26 millions d'euros en crédits de paiement.

Mais l'analyse par action apporte un éclairage important. En isolant les crédits de l'action 1 destinés au spectacle vivant, on note que ces diminutions constituent un « effet d'optique » car elles correspondent à la fin de la phase de travaux de la Philharmonie de Paris. Comme l'a rappelé le directeur général de la création artistique à votre rapporteur pour avis, la diminution de 15 millions de CP observée sur le programme est à mettre en relation avec les 26 millions mobilisés l'an passé pour le chantier : hors Philharmonie, les crédits sont en hausse de plus de 1 %, et de 2 % hors réserve parlementaire d'après les informations transmises par le ministère de la culture et de la communication .

En outre, les crédits sont en autorisations d'engagement de l'action 2, dédiée aux arts plastiques, s'établissent à 60,65 millions d'euros en 2015 (soit une baisse de 1,63 %) tandis que les crédits de paiement connaissent une augmentation importante, de 4,6 % pour atteindre 66,38 millions d'euros environ.

Votre rapporteur pour avis se félicite du maintien des crédits en faveur de la création, comme l'avait annoncé le Premier ministre lors d'une conférence de presse organisée le 19 juin 2014.

La répartition des crédits entre spectacle vivant et arts plastiques est toujours globalement stable avec moins de 10 % dédiés à ces derniers, soit environ 667 millions d'euros pour le spectacle vivant en CP et 66 millions d'euros en CP pour les arts plastiques (soit précisément 9,89 % du montant total des crédits dédiés à la création). Ce déséquilibre , qui ne doit pas inciter à diminuer les crédits destinés au spectacle vivant, met en évidence la situation de « parent pauvre » de la culture qu'est le secteur des arts plastiques .

1. Une stratégie cohérente

Le ministère de la culture et de la communication définit cinq axes stratégiques pour le projet de loi de finances pour 2015 :

- une meilleure qualification des modes d'intervention de l'État dans le champ de la création et la modernisation des outils d'observation de sa politique . Est notamment annoncée la création d'un observatoire de la création artistique placé auprès du ministre chargé de la culture, qui doit permettre le recueil, la centralisation et l'analyse des données statistiques, économiques et sociales en provenance non seulement de l'État mais aussi des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes morales de droit public ou privé des secteurs concernés. Votre rapporteur pour avis se réjouit de cette annonce qui permettra une meilleure évaluation des politiques culturelles ;

- la réalisation de nouveaux équipements au service de la création et de la diffusion . L'installation de la Philharmonie de Paris au sein du parc de la Villette doit incarner cette politique de l'État. Comme l'indique le ministère de la culture et de la communication, ce projet s'inscrit dans une double perspective : développer une programmation destinée à de nouveaux publics et transmettre le patrimoine musical. D'autres investissements illustrent la volonté de l'État : ce sont, par exemple, les travaux du Théâtre national de Chaillot, destinés à rénover la salle Gémier ou encore le développement des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), dits « de nouvelle génération », dont le programme doit se clôturer en 2015 avec l'ouverture du FRAC Aquitaine ;

- le développement de dispositifs en faveur de la construction des professions . Dans le domaine du spectacle vivant, la priorité est donnée à la professionnalisation des entreprises et des salariés du secteur. Ainsi, en 2015 est programmé le déploiement du dispositif d'appui aux très petites entreprises du secteur (DA-TPE SV). Dans le secteur des arts plastiques, c'est la réforme du régime de sécurité sociale des artistes auteurs qui est visée ;

- la politique en faveur des métiers d'art . Votre rapporteur pour avis rappelle que l'article 22 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a permis de consacrer, au niveau législatif, la définition des métiers d'art. La rédaction, issue d'un amendement de votre commission de la culture, a souligné le rôle du ministère de la culture et de la communication dans la définition de la liste des métiers d'art : « Relèvent des métiers d'art, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État, les personnes physiques ainsi que les dirigeants sociaux des personnes morales qui exercent, à titre principal ou secondaire, une activité indépendante de production, de création, de transformation ou de reconstitution, de réparation et de restauration du patrimoine, caractérisée par la maîtrise de gestes et de techniques en vue du travail de la matière et nécessitant un apport artistique. La liste des métiers d'art est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'artisanat et de la culture. Une section spécifique aux métiers d'art est créée au sein du répertoire des métiers ». Le ministère précise que le processus d'élaboration de ladite liste devrait aboutir en 2015 ;

- la poursuite de la politique de conservation, sauvegarde et diffusion du patrimoine culturel , l'accent étant mis sur le patrimoine chorégraphique et la transition numérique dans le secteur musical.

2. Une approche dynamique de la performance

Parallèlement à cette déclinaison d'axes stratégiques, le ministère de la culture et de la communication propose une approche particulièrement dynamique du pilotage des politiques culturelles par la définition des objectifs et indicateurs de performance du programme . Votre rapporteur pour avis note que les évolutions de la maquette de performance illustrent la volonté de rationaliser les objectifs en tenant compte des enseignements des années passées.

Trois principales modifications peuvent être soulignées :

- l'indicateur 1.2 « Place de la création dans la programmation des structures de production subventionnées », décliné, jusqu'au projet annuel de performances pour 2014, en trois sous-indicateurs, est simplifié par la suppression des deux sous-indicateurs : « Taux de création dans les institutions de répertoire » - qui ne regroupait que deux institutions du répertoire, la Comédie française et l'Opéra national de Paris - et « Taux de la création hors institutions de répertoire » ;

- l'indicateur 2.3 « Effort de conventionnement avec les structures subventionnées » est supprimé, ce taux étant désormais de 77 % avec un objectif ancré de couverture à 100 % des structures concernées ;

- l'indicateur 4.2 « Intensité de diffusion des productions » et le 4.3 « Intensité des représentations des spectacles » sont fusionnés pour tenir compte de la complémentarité des deux objectifs.

Au sein de la maquette de performance, deux objectifs méritent un commentaire, au regard des observations formulées par l'ensemble des personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis.

Il s'agit tout d'abord de l'objectif n° 2 « Donner des bases économiques et professionnelles solides à la création » . Si votre rapporteur pour avis ne peut que souscrire à un tel objectif, il regrette que la présentation des actions du ministère de la culture et de la communication donne parfois le sentiment de négliger la création relevant du domaine des arts plastiques . La présentation même de l'objectif dans le projet annuel de performances est assez révélatrice de la priorité accordée à la création issue du spectacle vivant : « Les réalités économiques de la production de spectacles justifient la nécessité d'une aide publique en faveur des institutions et équipes, dont l'équilibre économique ne pourrait être garanti sans un apport financier extérieur. L'intervention de l'État demeure notamment nécessaire pour maintenir et développer la qualité de l'environnement de travail des artistes, exposés à la précarité dans un milieu économique et social qui n'intègre pas les particularités de ces métier s ». La répartition du budget entre les deux domaines, évoquée ci-avant, comme le cadre institutionnel (il existe un Conseil national des professions du spectacle mais pas d'équivalent pour les arts plastiques) et social (il existe un régime d'indemnisation du chômage pour les intermittents du spectacle, sans équivalent pour les artistes plasticiens), confirme cette analyse dont il conviendrait de tenir compte à l'avenir.

Les travaux de Jean-Patrick Gille, dans son rapport 1 ( * ) sur les métiers artistiques mettaient déjà en évidence les disparités entre artistes du spectacle vivant et artistes plasticiens : le revenu global médian des bénéficiaires du régime des intermittents était de 24 871 euros en 2005 et 25 901 euros en 2010, tandis que le revenu d'auteur médian des artistes visuels affiliés à la Maison des artistes était de 12 767 euros en 2005 et 14 010 2 ( * ) euros en 2010. Si votre rapporteur pour avis est conscient qu'il ne s'agit en aucun cas de transposer aux plasticiens l'ensemble des mesures existant pour les artistes du spectacle vivant, il appelle néanmoins à ne pas oublier de définir des objectifs relatifs aux bases économiques et professionnelles pour les premiers. À défaut d'un signal politique fort, les propos peu amènes des représentants du CAAP 3 ( * ) , mentionnant la « précarité endémique des artistes plasticiens » qui apparaissent comme la « cinquième roue du carrosse du budget de la culture » risquent fort de se répéter - à juste titre - dans les prochaines années.

L'objectif n° 4, « Diffuser davantage les oeuvres et les productions culturelles en France et à l'étranger » , appelle également quelques commentaires. Le Syndeac (Syndicat national des Entreprises artistiques et culturelles 4 ( * ) ) n'a pas manqué de souligner la contradiction entre cet objectif affiché d'une meilleure diffusion internationale et les moyens qui lui sont dédiés. Les crédits en faveur de l'« Action culturelle internationale » regroupés au sein de l'action n° 6 du programme n° 224 ne sont que de 6 millions d'euros depuis plusieurs années. Parallèlement, les crédits de l'Institut français, opérateur de l'action culturelle extérieure de la France créé par la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, diminuent : ils sont de 31,3 millions d'euros en 2015, ce qui représente une baisse de 600 000 euros de la subvention du ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI).

Il convient toutefois de noter que la direction générale de la création artistique contribue à hauteur de 170 000 euros à des opérations de promotion des échanges et coopérations artistiques. En 2014 ont ainsi été soutenus les projets suivants : le festival de danse contemporaine « Danse » présentant dix-sept créations françaises dans des institutions new-yorkaises ; l'opération pluridisciplinaire « Frimas » à Montréal ; le programme « Théâtre export » permettant à des metteurs en scène français de monter un texte contemporain avec des comédiens locaux dans la langue du pays (Japon, Irak, Grèce, Croatie) ; etc.

En outre, une politique d'intervention au service des professionnels du spectacle vivant et des arts plastiques a été développée avec la signature, en août 2013, d'un protocole d'accord par le MAEDI, le ministère de la culture et de la communication et l'Institut français. Il s'agit de financer des relais spécialisés dans cinq pays :

- Allemagne (Théâtre, danse, arts plastiques),

- Royaume-Uni (arts plastiques),

- Serbie (spectacle vivant),

- Italie (spectacle vivant),

- États-Unis (spectacle vivant et arts plastiques).

Deux nouveaux relais sont en phase de préfiguration : le Chili pour le spectacle vivant et la Chine pour les arts plastiques. Cette politique représentait en 2014 un investissement de 250 000 euros pour le ministère de la culture et de la communication, dont 110 000 dédiés à l'accompagnement de coopération en spectacle vivant.

Enfin, l'action internationale de l'Office national de diffusion artistique (Onda) doit être rappelée puisqu'elle permet de soutenir de nombreux spectacles étrangers en France et des spectacles français à l'étranger. Sur les 4 millions d'euros de crédits, 3,82 sont imputés au programme n° 131 .

Les actions internationales de l'Office national de diffusion artistique (Onda)

L'Onda met en oeuvre un ensemble d'actions qui concernent essentiellement le cadre européen :

- les dispositifs de soutien pour encourager l'accueil de spectacles étrangers en France : garanties financières, dispositif d'aides à la tournée, soutien à la réalisation de sur-titrages, bourses de mobilité pour favoriser le déplacement de programmateurs français à l'étranger ;

- les Rencontres inter-régionales de diffusion artistique (une dizaine par an, des programmateurs étrangers y sont invités) ;

- les voyages de repérage : ils visent à inciter les programmateurs à découvrir les réalités artistiques d'autres pays ;

- le Groupe international : composé de représentants des lieux de diffusion particulièrement engagés dans des politiques de programmation et de coproduction internationales, il se réunit trois fois par an afin de favoriser la circulation de l'information, encourager la coopération entre programmateurs et contribuer à la réalisation de tournées ;

- les actions de coopération européenne : l'Onda est engagé dans de grands réseaux européens (IETM, Fonds Roberto Cimetta, Culture Action Europe) et développe des projets européens à l'instar du projet SPACE- Soutien à la mobilité en Europe pour le spectacle vivant qui a bénéficié du soutien de la Commission européenne pour une durée de cinq ans jusqu'en 2011 et qui fait l'objet d'un nouveau développement (dépôt d'un projet de coopération à grande échelle dans le cadre du programme Europe Créative).

Source : Ministère de la culture et de la communication

Enfin, rappelons que l'indicateur mesurant la durée de l'exploitation moyenne des spectacles sur une saison et dans un même lieu, créé en 2014, est désormais inscrit dans les nouveaux contrats de performance des opérateurs et dans les conventions pluriannuelles d'objectifs des centres dramatiques nationaux et des scènes nationales .

Comme le montre le tableau ci-dessous, une augmentation de cet indicateur a été constatée au cours des trois dernières saisons. Elle laisse cependant espérer une progression plus importante pour la saison 2014-2015 en raison de l'intégration de cet objectif dans les labels.

Évolution du nombre moyen de représentations au siège par spectacle et sur une saison

B. LES OPÉRATEURS ET LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

1. Une contrainte limitée à certains opérateurs et des priorités réaffirmées

15 opérateurs de l'État (13 établissements publics et deux associations) sont rattachés à l'action 1 du programme .

(en milliers d'euros)

Subvention pour charge
de service public

AE=CP

Nom de l'opérateur

PLF 2014

PLF 2015

Comédie Française

24 602

24 996

Théâtre national de Chaillot

13 074

13 290

Théâtre national de l'Odéon

11 670

11 860

Théâtre national de la Colline

9 087

9 390

Théâtre national de Strasbourg

9 334

9 490

Théâtre national de l'Opéra-Comique

10 591

10 600

Opéra national de Paris (ONP) et École de danse de Nanterre

98 751

97 751

Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette (EPPGHV)

20 576

21 250

Centre national de la danse (CND)

8 727

8 880

Cité de la musique

22 848

24 360

Salle Pleyel

4 024

--

Caisse nationale de retraite de l'ONP

13 576

13 763

Caisse nationale de retraite de la Comédie Française

3 479

3 460

Orchestre de Paris

9 093

7 993

Centre national des variétés (CNV)

500

500

Ensemble intercontemporain

3 831

3 870

Total opérateurs Action 01

263 769

261 455

Source : Projet annuel de performances pour 2015 - Mission « Culture »

Le tableau ci-dessus montre que les dépenses de fonctionnement s'élèvent en 2015 à 261,46 millions d'euros, soit 2,314 millions de moins qu'en 2014 :

- l'Opéra national de Paris participe à l'effort général de réduction des dépenses publiques : sa subvention pour charges de service public diminue de 1 million d'euros, soit environ 1 % ;

- l'orchestre de Paris voit sa subvention diminuer de 1,1 million d'euros afin de tenir compte de la baisse des coûts de location des locaux liée à l'ouverture de la Philharmonie ;

- les théâtres nationaux ont été préservés afin de tenir compte de l'érosion de leur « marge artistique » ;

- la hausse d'un peu moins de 200 000 euros de la subvention attribuée à la Caisse nationale de retraite de l'opéra national de Paris vise à tenir compte de la hausse mécanique des coûts, liée, d'une part, à l'accroissement du nombre des bénéficiaires et, d'autre part, à la baisse des cotisants en raison de leur non-remplacement ;

- il est prévu, d'après le projet annuel de performances pour 2015, que les équipes et l'activité de la Salle Pleyel rejoignent l'ensemble composé de la Cité de la Musique et de la Philharmonie qui devront être regroupées au sein d'une même entité, ce qui explique la disparition de la ligne dédiée en 2014 à la Salle Pleyel.

Les opérateurs de l'action 2 sont :

- le service à compétence nationale (SCN) du Mobilier national et des Manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie ;

- le Centre national des arts plastiques (CNAP) ;

- l'établissement public de Sèvres - Cité de la Céramique .

Les subventions pour charges de service public s'élèvent à 14,52 millions d'euros en AE=CP : 3,8 millions d'euros de dotation de fonctionnement pour le SCN ; 7,5 millions d'euros pour le CNAP ; 3,138 millions d'euros pour l'établissement de Sèvres ; et près de 77 000 euros au titre des « crédits Sauvadet » pour couvrir les surcoûts liés à la titularisation d'agents contractuels, en application de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique.

2. La Philharmonie de Paris : un cas très particulier dont on attend les premiers résultats

Votre rapporteur pour avis soutient sans équivoque le projet de la Philharmonie compte tenu des retombées prévisibles en matière de rayonnement culturel de la France et d'éducation. Il constate néanmoins les réactions des acteurs implantés en région, pour lesquels ce nouvel opérateur serait symbolique d'un tropisme parisien des grandes actions culturelles mises en oeuvre par le ministère.

Philharmonie de Paris : le long cheminement du chantier

- Les coûts d'investissement

Au stade du programme initial, le coût global de l'opération était évalué à 204,14 millions d'euros actualisés. Ce montant n'incluait pas l'ensemble des dépenses, notamment le premier équipement et les provisions pour aléas.

Début 2009 , sous l'autorité du premier Gouvernement conduit par M. François Fillon, l'avant-projet définitif (APD) a défini un coût global de l'opération réévalué à 276,3 millions d'euros, incluant 173 millions pour les travaux. Ces premiers surcoûts étaient liés à l'intégration au périmètre de l'opération de la totalité du premier équipement, de l'orgue et des assurances complémentaires. Le périmètre définitif du projet global a donc été arrêté à cette étape.

En décembre 2010 , à l'issue de l'appel d'offres qui rendait compte d'estimations supérieures à 300 millions d'euros pour le seul coût des travaux, et au terme des négociations avec le groupement d'entreprises ayant pour mandataire la société Bouygues, le coût des travaux a été porté à 244,6 millions d'euros, incluant une tranche de travaux supplémentaires dits « option 1 ». Par ailleurs, compte tenu de la complexité du projet architectural retenu, les aléas ont été revalorisés de 9,7 millions d'euros, conformément aux préconisations de l'inspection générale des finances. Le coût total du projet s'est alors établi à 336,53 millions d'euros actualisés.

Enfin, l'opération a connu une nouvelle révision de son coût en octobre 2013 alors que le Gouvernement conduit par M. Jean-Marc Ayrault avait repris le dossier depuis moins d'un an et demi. Cette hausse était liée à trois facteurs principaux : les révisions de prix du marché de construction générées par l'évolution de l'indice BT01 (35 millions d'euros), la mise à jour de l'enveloppe « aléas » (15 millions d'euros) ajoutée à l'obligation d'affermir certaines options.

Après la mise en place d'une mission visant à réduire l'ampleur de ce surcoût, celui-ci a été ramené à 45 millions d'euros grâce à une réduction des dépenses d'honoraires et de premier équipement.

Le coût global du projet est donc évalué aujourd'hui à 381,5 millions d'euros environ (hors charges des intérêts d'emprunts pour la partie apportée par la Ville de Paris), dont 272 millions d'euros concernant le marché de construction.

- Le financement du chantier

L'équipement devait être financé à parité par l'État et la Ville de Paris après participation de la région Île-de-France à hauteur de 20 millions d'euros.

La Ville de Paris ayant refusé de contribuer au financement des 45 millions d'euros de surcoûts, le principe du financement paritaire de l'investissement a été abandonné, l'État assumant désormais 203 millions des 381,5 millions d'euros de l'opération (soit 53 %).

Source : Ministère de la culture et de la communication

À l'issue d'un processus ayant duré neuf années, comme le rappelle le tableau ci-après, la Philharmonie annonce être désormais en ordre de marche.

Année

Opérations

2006

Programmation et concours d'architecture

2007

Choix des Ateliers Jean Nouvel et dépôt du permis de construire

2008

Études de conception du bâtiment

2009

Lancement des travaux préliminaires et consultations des entreprises

2010

Travaux suspendus d'avril à décembre et sélection de l'entreprise

2011-2012

Reprise des travaux - Réalisation des travaux de gros-oeuvre de la salle

2013

Achèvement du pôle pédagogique - Acquisition des premiers équipements et du mobilier

2014

Livraison de l'équipement en fin d'année

2015

Lancement effectif de la 1 re saison

Source : Ministère de la culture et de la communication. Réponse au questionnaire budgétaire

Le budget de fonctionnement annuel de la Philharmonie de Paris s'élève à 31,4 millions d'euros environ, hors amortissement et intérêts de l'emprunt contracté par la Ville de Paris.

Le besoin en subventions publiques pour le fonctionnement de la Philharmonie de Paris en rythme de croisière s'élève à près de 18 millions d'euros au total (hors taxe, hors loyer de l'orchestre de Paris et hors investissement pour entretien courant).

Les crédits d'intervention inscrits pour l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris dans le projet de loi de finances pour 2015, s'élèvent à 9,8 millions d'euros . Ils permettent le financement de la part incombant à l'État du fonctionnement de la structure, dans la configuration d'une parité de financement Ville-État.

L'augmentation de la subvention de l'État (de 5,7 millions d'euros au projet de loi de finances pour 2014 à 9,8 millions d'euros pour celui de 2015) constitue la traduction financière de l'ouverture des portes de l'établissement en janvier prochain.

En 2015, les ressources propres de la Philharmonie devraient s'élever à plus de 13 millions d'euros , ce qui porterait son autofinancement à 43 %.

Celui-ci se répartirait entre recettes de billetteries (60 %), recettes annexes liées aux activités pédagogiques, aux expositions et à la commercialisation de catalogues (18 %), recettes issues du mécénat, des partenariats et des relations publiques (13 %) et, enfin, autres recettes constituées notamment par les orchestres résidents (9 %).

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce que le chantier arrive à terme et estime que l'année 2015 devrait permettre de montrer les premiers résultats de ce pari pour le spectacle vivant qu'est la Philharmonie de Paris : un lieu permettant de répondre au besoin de modernisation des pratiques musicales avec une attention soutenue portée à la pédagogie et au renouvellement des publics. Avec une grande salle de concert de 2 400 places, six salles de répétition et de nombreux espaces éducatifs, la Philharmonie constitue un lien unique pour enclencher une nouvelle dynamique entre les différentes formes musicales et un public plus large. 194 000 spectateurs sont attendus pour cette première année et 105 concerts programmés.

C. DÉPENSES D'INVESTISSEMENT ET D'INTERVENTION : MESURES D'URGENCE POUR LES ÉQUIPEMENTS ET RENFORCEMENT DES ÉQUIPES ARTISTIQUES SUR LE TERRITOIRE

Les tableaux ci-dessous présentent par action et par titre les crédits demandés.

Autorisations d'engagement

Numéro et intitulé de l'action / sous-action

Titre 3
Dépenses de fonction-nement

Titre 5
Dépenses d'investis-sement

Titre 6
Dépenses d'interven-tion

Titre 7
Dépenses d'opérations financières

Total
pour 2015

01

Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant

261 455 119

6 600 000

380 108 507

8 916 000

657 079 626

02

Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques

14 515 463

2 906 834

40 522 000

2 710 000

60 654 297

Total

275 970 582

9 506 834

420 630 507

11 626 000

717 733 923

Source : Projet annuel de performances pour 2015 - Mission « Culture »

Crédits de paiement

Numéro et intitulé de l'action / sous-action

Titre 3
Dépenses de fonction-nement

Titre 5
Dépenses d'investis-sement

Titre 6
Dépenses d'interven-tion

Titre 7
Dépenses d'opérations financières

Total
pour 2015

01

Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant

261 455 119

16 205 329

381 306 004

8 916 000

667 882 452

02

Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques

14 515 463

2 846 834

46 306 809

2 710 000

66 379 106

Total

275 970 582

19 052 163

427 612 813

11 626 000

734 261 558

Source : Projet annuel de performances pour 2015 - Mission « Culture »

1. Les dépenses d'investissement

Les dépenses d'investissement s'élèvent, pour l'action 1, à 6,6 millions d'euros en AE et 16,21 millions d'euros en CP . Qautre millions sont destinés à l'Opéra comique, monument historique classé depuis 1977. En 2015 la seconde phase des travaux, dont le coût total s'élève à 15 millions d'euros. 4,87 millions d'euros permettront de poursuivre des travaux d'adaptation aux normes de sécurité et d'accessibilité du Théâtre national de Chaillot. Les autres dépenses de cette nature concernent la reprise des façades en béton du Centre national de la danse, la remise à niveau de l'outil acoustique et numérique à l'IRCAM (Institut de recherche et coordination acoustique - musique), ou encore la sécurité de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon.

Les dépenses d'investissement de l'action 2 sont de 2,91 millions d'euros en AE et 2,85 millions d'euros en CP . Elles concernent principalement les travaux de restauration du bâtiment destiné à accueillir la conservation du musée de Sèvres et la mise aux normes urgente du Mobilier national.

2. Les dépenses d'intervention

Pour l'action 1, les dépenses d'intervention s'élèvent à 380,11 millions d'euros en AE et 381,31 millions d'euros en CP. Comme l'indique le ministère de la culture et de la communication dans le projet annuel de performances pour 2015, les principales évolutions par rapport à 2014 concernent :

- la montée en charge de la Philharmonie de Paris ;

- les trois priorités nouvelles que sont le développement des moyens des scènes nationales, des scènes de musiques actuelles (SMAC) et l'ouverture de nouveaux FRAC ;

- 5 % des crédits d'intervention sont consacrés à des opérations de rénovation, de mise aux normes et de réhabilitation ou construction d'équipements culturels sur le territoire.

Pour l'action 2, les dépenses d'intervention atteignent 40,52 millions d'euros en AE et 46,31 millions d'euros en CP (soit 12 % des CP d'intervention du programme). 31,53 millions sont des crédits déconcentrés, soit 68 % des CP en dépenses d'intervention, en augmentation de 2,2 millions d'euros par rapport à 2014 .

7,37 millions de ces dépenses, en fonctionnement, sont destinés aux FRAC et 5,22 millions aux centres d'art.

Les FRAC : budget et priorités structurelles

Le budget consacré en 2014 par le ministère de la culture et de la communication (acquisitions et fonctionnement) aux 22 FRAC sur le programme 131 s'élève à 9 669 101 euros. Il connaît une progression de 599 370 euros par rapport à 2013 (9 069 731 euros sur le programme 131) et sera également conforté en 2015 (+215 000 euros) pour consolider ce réseau. En 2013, la participation moyenne du ministère au budget de fonctionnement est de 29 %, tandis qu'elle atteint 49 % pour les acquisitions. La moyenne des budgets des FRAC (acquisitions et fonctionnement) est de 1,29 million d'euros allant de 404 900 euros pour le FRAC Réunion jusqu'à 2,9 millions d'euros pour le FRAC Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Le budget médian est de 1,12 million d'euros.

Si le bilan des FRAC est considéré comme positif, le ministère, en lien avec les collectivités territoriales, veille à le rendre plus efficient encore. Plusieurs mesures à ce titre sont à l'oeuvre ou en réflexion.

Au plan structurel, il est rappelé que les FRAC avaient été conçus sans lieu d'exposition et parfois sans réserve pour leurs oeuvres. Depuis une dizaine d'années, l'État s'est donc engagé auprès des collectivités territoriales dans un important programme d'investissement visant à doter les FRAC d'équipements architecturaux performants, adaptés à l'exercice de leurs missions et destinés à accroître leur action auprès des artistes et à attirer de nouveaux publics. À ce jour, douze FRAC disposent d'équipements performants : Alsace (1995), Auvergne (2010), Corse (2010), Lorraine (1999), Haute-Normandie (1998), Pays-de-la-Loire (2000), Poitou- Charentes (2009), Bretagne (2012), Centre (2013), Franche-Comté (2013), Nord-Pas-de-Calais (2013), Provence-Alpes-Côte d'Azur (2013). Trois autres, Île-de-France, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées, coexistent au sein d'une structure juridique unique avec un centre d'art ou un musée. Ce programme se poursuit avec la réalisation de 2 FRAC dits de « nouvelle génération », conçus ou aménagés par des architectes de renom : Basse-Normandie (ouverture en 2015), Aquitaine (ouverture en 2016). Plusieurs autres projets sont en cours, consistant en des extensions ou réhabilitations : Bourgogne, Champagne-Ardenne. Avec ces équipements, les FRAC seront mieux à même de contribuer, au côté des centres d'art et des écoles d'art notamment, à l'animation du réseau de diffusion de l'art contemporain en région et d'attirer de nouveaux publics.

L'accompagnement de ce réseau constitue un enjeu majeur de la politique culturelle de l'État, en partenariat avec les collectivités territoriales, pour permettre aux FRAC de fonctionner dans de bonnes conditions. Le développement de ces nouveaux lieux s'accompagne d'un renforcement de leurs équipes, notamment sur les postes de médiation et d'accueil des publics, qui doit continuer à se traduire en effort budgétaire. Les équipes des futures structures remises à niveau se situeront autour de 18 employés.

Au plan de l'activité, plusieurs mesures ont été mises en oeuvre récemment. Le ministère a notamment demandé au FNAC (Fonds national d'art contemporain) de réserver 30 % de ses acquisitions à des oeuvres proposées par les FRAC pour leur assurer d'emblée une plus grande diffusion. Il a aussi été demandé au Palais de Tokyo de valoriser les réseaux d'art contemporains territoriaux à travers des expositions et projets de collaboration.

Source : Ministère de la culture et de la communication. Réponse au questionnaire budgétaire

II. DES EFFORTS DE RATIONALISATION POUR DES EFFETS CIBLÉS

A. LA CONTRACTUALISATION : L'UN DES ENJEUX DE LA RÉFORME TERRITORIALE

1. Une progression qui doit être saluée

Il est utile de rappeler que l'État développe, en partenariat avec les collectivités territoriales, une politique de soutien à des établissements labellisés et des réseaux. À travers les missions d'intérêt général qui leur sont confiées, ces structures contribuent au renouvellement artistique et à la démocratisation culturelle, dans un cadre concerté d'aménagement du territoire.

Les labels et réseaux du spectacle vivant

Le ministère de la culture et de la communication distingue 7 labels nationaux et 3 réseaux en matière de création et de diffusion artistique.

Les 7 labels recouvrent :


les 37 centres dramatiques nationaux (CDN) et régionaux (CDR) , dirigés par un ou plusieurs artistes. On compte à chaque saison plus d'un million de spectateurs payants ;


les 19 centres chorégraphiques nationaux (CCN) , dirigés par un ou plusieurs artistes et travaillant avec les établissements culturels locaux. Les 19 CCN produisent 1 200 représentations annuelles devant 500 000 spectateurs ;


les 71 scènes nationales (SN) qui ont une mission de diffusion artistique et, dans certains cas, de production, dans les domaines du théâtre, de la musique, de la danse et parfois des arts plastiques et du cinéma ;


les 6 centres nationaux de création musicale (CNCM) qui ont pour mission de favoriser la création d'oeuvres faisant appel aux nouvelles technologies et de développer le répertoire contemporain ;


les 86 scènes de musiques actuelles (SMAC) qui concourent au développement de la carrière des jeunes artistes, accompagnent les talents émergents, initient et accueillent des résidences de création et diffusent l'ensemble des musiques actuelles ;


les 12 centres nationaux des arts de la rue (CNAR) ;


les 13 pôles nationaux pour les arts du cirque (PNAC) qui contribuent à la structuration et au rayonnement des arts du cirque.

Les 3 réseaux sont les suivants :


les 19 orchestres permanents en région , qui proposent 2 500 représentations annuelles pour 1,5 million de spectateurs ;


les 13 opéras en région qui mettent en oeuvre la politique de l'État en faveur de l'art lyrique. Ils proposent 1 600 manifestations par an pour plus d'un million de spectateurs ;


les 11 centres de développement chorégraphiques (CDC) , structures associatives dont le projet est centré autour du développement de la danse dans sa diversité et de sa diffusion en région auprès des publics et des professionnels.

Source : Projet annuel de performances pour 2015

Comme le rappelle le projet annuel de performances, le ministère de la culture et de la communication veille à ce que les structures artistiques puissent consacrer l'essentiel de leurs subventions aux missions culturelles dont elles ont la charge. Il s'appuie pour cela sur un panel d'outils tels que la charte des missions de service public pour le spectacle vivant, la circulaire du 31 août 2010 relative aux labels et réseaux nationaux du spectacle vivant, les cahiers des charges ou encore les dispositifs partenariaux d'aides aux équipes artistiques.

Circulaire du 22 février 2013 : présentation des améliorations apportées à la circulaire du 31 août 2010 par le ministère de la culture et de la communication

La promotion de l'égalité, de la diversité et de la parité est un axe central de toute politique de cohésion sociale et de lutte contre les discriminations. Elle répond à des considérations de justice et d'égalité et constitue une obligation démocratique. Le ministère de la culture et de la communication a décidé d'inscrire son action dans cette démarche et d'en faire une priorité.

À l'instar des différentes mesures législatives venues encadrer les procédures de nomination afin d'assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les établissements publics de l'État, la politique de recrutement du ministère de la culture et de la communication dans les structures labellisées et les réseaux du spectacle vivant ainsi que dans les réseaux de diffusion de l'art contemporain, menée en concertation avec les collectivités territoriales, se devait également d'être un instrument fort de soutien à la promotion de l'égalité.

À ces fins, la circulaire du 22 février 2013 est venue préciser les modalités de recrutement des dirigeants des structures concernées de façon à garantir les objectifs de transparence et de parité qui doivent désormais présider au renouvellement de la génération des directeurs.

L'enjeu est de favoriser le renouvellement des générations, la parité dans l'exercice des responsabilités et de donner la place qui convient aux créateurs les plus talentueux . Dans cette perspective, lors du recrutement de la personne en charge de la direction de structure recevant le soutien de l'État, les services du ministère de la culture et de la communication veillent à :

- établir avec les collectivités territoriales partenaires une liste restreinte de candidats garantissant la parité ;

- tendre vers la parité pour la composition du jury présidant au choix final des candidats.

Par ailleurs, dans l'objectif de mieux assurer le renouvellement des générations, le nombre maximal de mandats des directeurs de CDN et de CCN est fixé à trois pour une durée totale cumulée de dix ans . Néanmoins, si des circonstances exceptionnelles le justifient, sur décision du ministre chargé de la culture, et après concertation avec les collectivités territoriales concernées, le troisième mandat peut être prolongé pour une durée n'excédant pas trois ans.

Cette politique a d'ores et déjà donné des résultats dans le cadre de l'important mouvement de renouvellement des directions en 2013-2014.

Source : Ministère de la culture et de la communication. Direction générale de la création artistique

Le tableau ci-après retrace la répartition des crédits d'intervention déconcentrés en fonctionnement, consacrés au soutien que l'État apporte, via les DRAC, aux activités artistiques et culturelles mises en oeuvre par les labels et réseaux, par les équipes artistiques, le programme de scènes conventionnées et les autres dispositifs, lieux et institution de création et de diffusion du spectacle vivant.

Source : Projet annuel de performances pour 2015 - Mission « Culture »

Sur un total de 284,06 millions d'euros en AE=CP (soit une augmentation de près de 300 000 euros par rapport au PLF pour 2014) , 192,698 millions d'euros bénéficient aux labels et réseaux, soit près de 68 % des crédits d'intervention déconcentrés .

2. Les limites d'une approche multipartite : quelle leçon pour la réforme territoriale ?

La circulaire ministérielle du 31 août 2010 5 ( * ) relative aux labels et réseaux du spectacle vivant et les cahiers des charges qui lui sont associés ont permis une avancée substantielle dans l'organisation de l'évaluation des structures publiques du secteur du spectacle vivant. L'État y précise les missions qu'il assigne à chaque catégorie d'établissements, autour de trois grandes catégories de critères portant sur les missions artistiques, les missions territoriales ou en direction des publics et les missions professionnelles.

Cette même circulaire préconise la conclusion d'une convention pluriannuelle d'objectifs (CPO) et multipartite , destinée à sécuriser les financements des institutions, à permettre à chacune d'elle de disposer d'une feuille de route et à fixer les principales modalités d'une évaluation. C'est là que devraient pouvoir se préciser, entre les partenaires publics et la structure considérée, les contours d'une ambition partagée.

Or, le diagnostic posé au deuxième trimestre 2013 dans le cadre de l'évaluation de la politique en faveur du spectacle vivant, décidé par le comité interministériel de modernisation de l'action publique (CIMAP) du 18 décembre 2012, a mis en évidence que les conventions conclues sont très majoritairement bilatérales . « En effet, le principe de conventions multipartites s'est révélé être d'une mise en oeuvre complexe et lente en raison de la difficulté des collectivités territoriales à se soumettre au modèle défini par la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations. La sécurisation juridique vis-à-vis des risques de requalification et du respect de la réglementation européenne sur les aides d'État a pour contrepartie une moins grande souplesse des modes de contractualisation. Il en résulte que nombre d'entreprises du spectacle vivant voient leur activité régie par autant de conventions bilatérales qu'elles ont de financeurs publics associés » . Cette réponse apportée par écrit à votre rapporteur pour avis a été nuancée par le directeur général de la création artistique lors de son audition, celui-ci expliquant que le constat était surtout vrai pour les structures hors du champ des labels et réseaux. Cela signifierait tout de même que 32 % des crédits déconcentrés ne peuvent actuellement faire l'objet d'une contractualisation multipartite.

Une réflexion interministérielle, pilotée par le ministère chargé de la jeunesse et des sports et associant le ministère de la culture et de la communication, afin d'assouplir le modèle de convention pluriannuelle défini par la circulaire précitée, a été engagée.

Comme l'indique le ministère de la culture, « la contractualisation s'avère parfois plus complexe également du fait des différences de hiérarchisation des objectifs qui fondent l'intervention de chaque financeur public . L'évolution en cours de la carte territoriale française pourrait néanmoins contribuer à accentuer la complémentarité des objectifs des collectivités publiques ».

Cette question figure donc parmi les enjeux de la co-construction de scénarii de réformes par l'État et les collectivités territoriales dans le cadre de l'évaluation de la politique en faveur du spectacle vivant. Les acteurs culturels auditionnés ont fait part de leur interrogation sur la portée réelle de l'article 29 du projet de loi n° 636 (2013-2014) portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui ouvre la faculté d'instaurer un guichet unique . La multiplicité des contrats et des priorités laisse entrevoir, à tout le moins dans le domaine du spectacle vivant, hors labels et réseaux, une réticence des collectivités territoriales ou de l'État à déléguer leur compétence d'instruction et de gestion des aides et subventions, faute de consensus sur les critères devant fonder une convention de délégation.

Le ministère de la culture a, en outre, rappelé que les résultats de l'étude avaient fait apparaître une insuffisante caractérisation des objectifs au moyen d'indicateurs mesurables, permettant de tirer toutes les conséquences des conventions conclues avec les institutions du spectacle vivant.

La structuration en cours de l'observation au sein de la direction générale de la création artistique (DGCA) devrait contribuer à résoudre l'insuffisance en indicateurs mesurables, constatée notamment en ce qui concerne la dimension économique du secteur subventionné.

Dans un contexte de diminution de la dotation globale de fonctionnement, votre rapporteur pour avis rappelle la nécessité d'une vigilance collective pour éviter que la culture ne soit sacrifiée dans un mouvement de désengagement des collectivités territoriales.

B. LE SOUTIEN DES TERRITOIRES ET DES ARTISTES

1. L'aide aux galeries d'art : une avancée très positive pour la diffusion qui ne doit pas faire oublier les artistes

Présenté pour la première fois à l'occasion du projet de loi de finances pour 2014, le fonds d'avances remboursables aux galeries (FARGA) doit permettre de répondre aux spécificités économiques de production et de diffusion des oeuvres et d'aider les galeries à promouvoir la scène artistique française à l'étranger. La somme disponible est de un million d'euros, abondé à hauteur de 800 000 euros par le ministère de la culture et de la communication et de 200 000 euros sur fonds propres par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).

La première commission appelée à sélectionner les bénéficiaires de ce fonds devait se réunir en octobre 2014. Les bénéficiaires de l'aide sont les galeries d'art du premier marché commercialisant des oeuvres d'art contemporain ou de design, établies en France et créées depuis plus de deux ans. Elles doivent, en outre, répondre aux critères de la PME européenne, conformément à la recommandation du 6 mai 2003 de la Commission européenne. Parmi les critères de sélection figurent les points suivants :

- le respect par la société de ses engagements à l'égard des tiers, et notamment des organismes sociaux et fiscaux ;

- le respect des obligations légales en matière de publication de comptes annuels ;

- l'historique de la galerie et la qualité de sa relation avec les artistes représentés ;

- l'intérêt du projet proposé ;

- l'équilibre du plan de financement présenté ainsi que les perspectives d'activité et la viabilité économique globale du projet.

Le ministère de la culture et de la communication a précisé les règles de gouvernance à votre rapporteur pour avis : un comité d'attribution réunira, outre les représentants de l'IFCIC, deux représentants du ministère (un représentant issu de la direction générale de la création artistique - DGCA - et un représentant issu de la direction générale des médias et industries culturelles - DGMIC), un représentant du Comité professionnel des galeries d'art (CPGA), un expert indépendant dans le domaine du marché de l'art, deux représentants de banques actionnaires de l'IFCIC dont un représentant de BPI France.

L'IFCIC s'efforcera de respecter un encours maximum de 100 000 euros par entreprise ou groupe d'entreprises . En outre, cet encours maximum ne pourra excéder 10 % du fonds net, c'est-à-dire du montant en trésorerie du Fonds diminué de la rémunération prévue par convention entre le ministère et l'IFCIC. La quote-part des produits financiers restant acquise au Fonds et une fraction des intérêts versés par le bénéficiaire contribueront à renforcer le Fonds, qui pourra, le cas échéant et avec l'accord exprès du ministère, bénéficier ultérieurement de dotations complémentaires. L'avance pourra représenter jusqu'à 100 % du programme de dépenses.

La durée de l'avance est de 12 à 48 mois et peut être assortie d'une période de franchise d'une durée maximum de 6 mois . Le remboursement de l'avance pourra être effectué par échéances fixes, mensuelles, trimestrielles, semestrielles ou annuelles en fonction des caractéristiques du projet. Il pourra également être effectué par des échéances d'un montant variable, dont la périodicité sera fixée en fonction du plan de financement présenté.

Les avances porteront intérêt au profit conjoint de l'IFCIC et du Fonds, au taux de 4 % l'an, répartis à hauteur de 3 % pour l'IFCIC et de 1 % pour le Fonds.

Si les représentants des artistes ont salué la création de ce fonds, ils ont aussi noté, en creux, un déséquilibre certain dans les efforts budgétaires de l'État au détriment des artistes . Les dépenses d'intervention dédiées aux arts plastiques représentent l'essentiel des crédits centraux.

Typologie des bénéficiaires des crédits d'intervention centraux pour 2015

AE=CP

Nombre de bénéfi-ciaires

Montant minimum attribué à un bénéficiaire

Montant maximum attribué à un bénéficiaire

Structuration des professions et de l'économie du secteur des arts plastiques

1 440 000

Fonds de soutien aux galeries

800 000

Associations professionnelles et structures de ressources

640 000

15

4 300

200 000

Aides à la création et à la diffusion (Salons, aides aux projets)

1 713 781

12

10 000

290 000

Soutien aux lieux de création et de diffusion

10 560 000

Jeu de Paume

4 060 000

Palais de Tokyo - fonctionnement

6 500 000

Métiers d'art

760 000

Total

14 473 781

Source : Projet annuel de performances pour 2015 - Mission « Culture »

Ces aides, très stables 6 ( * ) par rapport à l'année dernière, semblent une fois encore privilégier les structures de diffusion. Les associations qui représentent les artistes ne bénéficient que de subventions de 4 300 euros, comme l'indique le CAAP . Cet état des lieux devrait d'ailleurs encourager les artistes à mieux s'organiser pour structurer l'expression de leurs besoins. Enfin, il a été rappelé à votre rapporteur pour avis que les artistes sont toujours dans l'attente d'une avancée en matière de contractualisation, les galeries opérant sans qu'aucun contrat ne soit signé avec les artistes qu'elles représentent et soutiennent.

2. Les aides : un panel très diversifié pour toucher un grand nombre d'artistes

Dans le domaine du spectacle vivant (action 1), il existe un grand nombre d'aides qui sont financées par les crédits centraux d'intervention en fonctionnement .

AE=CP

Nombre de bénéficiaires

Montant minimum attribué à un bénéficiaire

Montant maximum attribué à un bénéficiaire

Aides à la création et aux nouvelles écritures

4 062 360

153

3 000

1 600 000

Soutien aux artistes et aux équipes artistiques

11 482 414

136

5 000

873 100

Soutien aux institutions et lieux de création de diffusion

17 880 298

32

26 000

4 623 250

Recherche, ressources et valorisation du patrimoine du spectacle vivant

14 116 075

44

4 235

5 672 000

Festivals et résidence

10 153 534

20

15 000

3 568 000

Structuration des professions et de l'économie du secteur du spectacle vivant

9 460 159

41

30 000

3 492 000

Sous-total hors Philharmonie de Paris

67 154 840

426

Philharmonie de Paris

9 800 000

Total Action 01

76 954 840

427

Source : Projet annuel de performances pour 2015 - Mission « Culture »

En dehors de la Philharmonie, ces aides augmentent d'un million d'euros par rapport à 2014. On compte six catégories de dispositifs de soutien au spectacle vivant :

• les aides à la création et aux nouvelles écritures (4,06 millions d'euros) . Les crédits permettent de soutenir :

- les structures contribuant à la valorisation des écritures contemporaines dans les domaines de la musique et du théâtre, comme la Maison Antoine Vitez (0,25 million d'euros), le Théâtre Ouvert (1,07 million d'euros) ou Musiques nouvelles en liberté (0,32 million d'euros). Une mission de tête de réseau pour la filière textes couvrant le champ des écritures du spectacle dans la diversité de leurs formes est confiée au Centre international de recherche de création et d'animation/Centre national des écritures du spectacle (CIRCA/CNES) de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon (1,75 million d'euros) avec une attention particulière pour les écritures à destination du jeune public ;

- la politique de commande musicale du ministère, à hauteur de 0,7 million d'euros. Pour mémoire, pour le domaine chorégraphique, la gestion des commandes a été confiée au Centre national de la danse ;

- des projets multimédia dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques, notamment à travers le fonds de création du dispositif d'aide pour la création artistique multimédia et numérique (DICRÉAM) (0,25 million d'euros).

• le soutien aux artistes et aux équipes artistiques (11,48 millions d'euros). Si la règle est l'accompagnement des artistes et des équipes artistiques par les DRAC, l'administration centrale finance des dispositifs spécifiques :

- le soutien des équipes indépendantes (10,52 millions d'euros)

Une quarantaine d'équipes indépendantes (compagnies dramatiques ou chorégraphiques, ensembles musicaux) est financée en administration centrale, soit de façon pérenne, soit pour permettre à des artistes de poursuivre leur activité de création artistique à l'issue d'un mandat à la tête d'un Théâtre national, d'un centre dramatique (national ou régional), d'un centre chorégraphique national (CCN). S'agissant de ces deux derniers cas, les cahiers des charges et des missions du 31 août 2010 relatifs aux labels et réseaux, modifiés conformément à la circulaire du 22 février 2013, prévoient qu'un accompagnement financier transitoire au moyen d'une convention triennale est accordé à l'issue du dernier mandat d'un directeur de CCN ou de CDN, pour sa compagnie, au titre de l'aide aux équipes artistiques. Une dizaine de directions sera renouvelée en 2014 conduisant au conventionnement des compagnies correspondantes en 2015. Ces recrutements, conduits en partenariat avec les collectivités territoriales, sont mis en oeuvre dans le respect des objectifs de renouvellement des générations et de parité dans l'exercice des responsabilités.

La notoriété internationale de certains ensembles (Arts Florissants, Chapelle Royale, Talents Lyriques) ou le caractère unique de la formation (Orchestre national de Jazz) expliquent aussi le maintien d'un financement direct par l'administration centrale ;

- le soutien à la création dans les domaines du cirque et des arts de la rue (0,96 million d'euros)

Le soutien au compagnonnage (0,24 million d'euros) et à l'itinérance des cirques sous chapiteau (0,23 million d'euros) a été transféré vers les crédits d'intervention en fonctionnement, l'exécution de ces crédits incombant désormais aux DRAC.

• le soutien aux institutions et lieux de création et de diffusion (17,88 millions d'euros hors Philharmonie de Paris) . L'objectif est de financer :

- les bourses d'enseignement supérieur d'élèves de l'École de danse de l'Opéra national de Paris (0,056 million d'euros) ;

- les Tréteaux de France (1,83 million d'euros), centre dramatique national géré sur crédits centraux en raison de sa vocation itinérante ;

- le soutien aux structures non labellisées de création et de diffusion :

. dans le domaine musical, le Fonds de création lyrique géré conjointement avec la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) pour soutenir la création de nouveaux opéras, et l'association « musiques nouvelles en liberté » qui aide la diffusion des oeuvres musicales contemporaines ;

. dans le domaine théâtral, ce soutien de 11,42 millions d'euros concerne les lieux théâtraux suivants : l'ensemble des théâtres de la Cartoucherie de Vincennes (3,22 millions d'euros), le théâtre du Vieux-Colombier (1,97 million d'euros), le théâtre du Rond-Point (2 millions d'euros), le théâtre des Bouffes du Nord (0,8 million d'euros), le théâtre de l'Athénée (1,8 million d'euros) ainsi que le Tarmac (1,64 million d'euros). Tous ces lieux ont une activité de production significative et un rayonnement national, voire international, reposant, pour certains, sur la figure d'un créateur reconnu ;

. dans le domaine chorégraphique, un soutien à hauteur de 0,17 million d'euros permet d'encourager les opérations fédératrices inter-régionales et de repérage de l'émergence (comme le réseau des « Petites scènes ouvertes », ou encore les manifestations « Reconnaissances »). Sont également soutenues les associations respectives des centres chorégraphiques nationaux et des centres de développement chorégraphiques permettant de fédérer les efforts des structures concernées (19 CCN, 11 CDC) et de développer des projets transversaux ;

. enfin, l'Office national de diffusion artistique (ONDA), est soutenu à hauteur de 3,75 millions d'euros.

• Les actions recherche, ressource et valorisation du patrimoine du spectacle vivant (14,12 millions d'euros). Les crédits permettront de soutenir les structures qui se distinguent comme pôles de ressources, de recherche et/ou de valorisation du patrimoine du spectacle vivant :

- dans le domaine musical, le Hall de la chanson, centre de valorisation du patrimoine de la chanson (0,49 million d'euros) qui dispose désormais d'une petite salle sur le site de La Villette pour élargir son action, le Centre de documentation de la musique contemporaine (0,3 million d'euros), le Centre de musique baroque de Versailles (2,36 millions d'euros), la Fondation Salabert (0,08 million d'euros), la Bibliothèque Mahler (0,1 million d'euros), diverses sociétés savantes, le centre d'Information et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA), à hauteur de 0,83 million d'euros, qui a pour objet de collecter et diffuser l'information sur l'ensemble du secteur des musiques actuelles (jazz, rock et chanson, musiques traditionnelles) et d'organiser des actions de formation. D'une façon générale, depuis quelques mois, un travail de réflexion est entrepris pour atteindre une meilleure rationalité entre les nombreux organismes soutenus par l'État pour assurer ces missions de ressource dans le secteur musical. Des regroupements sont en cours ou à l'étude qui doivent conduire à des ensembles plus efficaces, ouverts sur des logiques d'observation, dans un contexte budgétaire stable.

En outre, l'Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique (IRCAM) est soutenu à hauteur de 5,67 millions d'euros en AE=CP. Il a pour missions de mener des travaux de recherche fondamentale et appliquée dans le domaine sonore et musical et de favoriser la conception d'oeuvres nouvelles ;

- dans le domaine chorégraphique : 0,28 million d'euros permettent le soutien au portail Numéridanse.tv, vidéothèque internationale de danse en ligne, l'aide à l'indexation et à la numérisation de fonds d'archives chorégraphiques ou l'édition de ressources patrimoniales en danse (portraits audiovisuels d'artistes chorégraphiques) ;

- dans le domaine théâtral : le Centre national du théâtre (CNT) (2,07 millions d'euros), la Maison Jean Vilar (0,22 million d'euros) ou encore la Société d'histoire du théâtre (0,08 million d'euros) ;

- dans le domaine du cirque et des arts de la rue : l'association Hors les Murs (HLM) pour 0,88 million d'euros.

En 2015, HLM et le CNT seront amenés à se rapprocher et à fusionner dans le cadre du projet de regroupement immobilier avec l'ONDA afin de constituer un grand centre de ressources du cirque, des arts de la rue et du théâtre.

• les festivals et résidences (10,15 millions d'euros)

Seront financés les huit festivals d'envergure nationale ou internationale suivis par l'administration centrale, à hauteur de 10,15 millions d'euros, dont notamment ceux d'Avignon (3,79 millions d'euros) et d'Aix-en-Provence (3,62 millions d'euros), le Festival d'Automne à Paris (1,25 million d'euros), ainsi que le Printemps de Bourges (0,34 million d'euros) ou encore Musica (0,83 million d'euros).

• la structuration des professions et de l'économie du secteur du spectacle vivant (9,46 millions d'euros) . Ces crédits regroupent les soutiens aux fonds de professionnalisation. Quatre types d'aides permettent de poursuivre la structuration des professions et de soutenir l'économie du secteur :

- l'association pour le soutien au théâtre privé (ASTP) (3,54 millions d'euros), qui assure la gestion du fonds de soutien au théâtre privé, alimenté notamment par la taxe sur les spectacles (due au titre d'un spectacle d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique), en vue de contribuer à l'organisation et à l'amélioration des conditions d'exercice de l'activité théâtrale ;

- les aides aux organismes professionnels et syndicaux, d'un montant de 0,12 million d'euros regroupent le soutien de l'État à la structuration professionnelle du secteur dans toutes les disciplines : critique dramatique, employeurs, fédérations professionnelles spécialisées (diffusion pluridisciplinaire, arts de la rue, marionnette, écrivains du théâtre, théâtre itinérant, jazz, professionnels des musiques actuelles, orchestres, compositeurs de musique, facture instrumentale, directeurs de théâtres privés, auteurs, fédérations de syndicats de salariés ou d'employeurs, etc.) ;

- le maintien du financement du fonds de professionnalisation et de solidarité prévu dans le cadre du protocole d'accord 2006 pour les annexes VIII et X de l'assurance chômage, avec une subvention de l'État d'un montant de 5 millions d'euros. Il est assuré en partenariat avec Audiens (caisse de cotisations sociales et de prestations complémentaires dans les domaines de l'audiovisuel, de la communication, de la presse et du spectacle) ;

- le soutien aux contenus culturels discographiques, qui regroupe les aides à Musiques françaises d'aujourd'hui (0,18 million d'euros) et au Bureau export du disque (0,62 million d'euros). Par son réseau de correspondants, présent dans des pays-clés pour le marché de la musique, le bureau export, financé en partenariat avec les professionnels, contribue au rayonnement de nos artistes et à la diffusion de la création musicale française à l'étranger.

Dans le domaine des arts plastiques, deux types d'aides individuelles méritent d'être soulignées : les aides directes attribuées par le CNAP (centre national des arts plastiques) et celles attribuées par les DRAC .

Le CNAP est l'un des principaux opérateurs du ministère de la culture et de la communication dans le champ de l'art contemporain. Il a pour principales missions d'apporter des aides aux artistes et autres professionnels du secteur et d'acquérir des oeuvres d'artistes vivants pour les diffuser auprès d'institutions culturelles et d'administrations . Il s'appuie pour cela sur les dispositifs suivants :

- le soutien pour le développement d'une recherche artistique est versé directement aux artistes pour contribuer au financement d'une recherche personnelle ou développer un projet artistique. Cette allocation n'est pas cumulable avec d'autres allocations ou bourses publiques ;

- l'allocation de recherche aux auteurs, théoriciens et critiques d'art est destinée à ces professionnels, dans tous les domaines de l'art contemporain et leur permet de se consacrer à une recherche en France ou à l'étranger ;

- l'allocation d'étude et de recherche en matière de restauration et de conservation d'oeuvres d'art contemporain permet d'effectuer une recherche avec une institution spécialisée, tant en France qu'à l'étranger, pendant une durée de trois à six mois, éventuellement renouvelable. Une attention particulière est apportée aux recherches sur la conservation et la restauration des oeuvres contemporaines qui offrent des problématiques souvent inédites ;

- l'allocation exceptionnelle s'adresse à des artistes qui rencontrent une difficulté ponctuelle dans l'exercice de leur activité. Cette allocation n'est ni une aide au projet, ni une aide à l'achat de matériel. Les membres extérieurs à l'administration de la commission qui instruit ces dossiers de demande et donne un avis sur leur recevabilité, sont principalement issus des organisations professionnelles des artistes ;

- la bourse de résidence à l'atelier Calder est allouée chaque année, sur la base d'une convention triennale renouvelée par voie d'avenant conclue entre le CNAP et l'association pour la promotion de l'atelier Calder (Saché, région Centre). Une subvention de fonctionnement de 13 000 euros est versée à l'association, ainsi que deux bourses de résidence d'un montant total de 22 000 euros destinées à des séjours d'artistes en résidence dans l'ancien atelier du sculpteur Alexander Calder.

Le CNAP a maintenu le « dispositif d'aide à la photographie documentaire » en 2014. Mise en place à la fin de l'année 2011, l'aide à la création photographique documentaire contemporaine est destinée à accompagner les photographes pour la production d'un projet personnel.

Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) attribuent des « aides individuelles à la création » et des « allocations d'installation d'atelier et d'acquisition de gros matériel ». L'ensemble des disciplines des arts graphiques et plastiques sont concernées par ces aides, dont le montant est plafonné à 8 000 euros. Les aides individuelles à la création doivent permettre aux artistes de mener à bien un projet dans sa phase de conception ou de réalisation. Le terme de « projet » ne renvoie ni à une exposition, ni à une édition. Le montant de l'allocation d'installation est calculé selon la nature du projet et des dépenses nécessaires à sa réalisation. Il ne peut représenter plus de 50 % du montant des travaux d'aménagement.

Peuvent être candidats, les créateurs de nationalité française ou résidant en France, sans limite d'âge. Ces aides ne sont pas des bourses d'étude ou de formation : les étudiants en cours de scolarité ne peuvent donc pas poser leur candidature. Cette dernière n'est pas cumulable avec une candidature au soutien pour le développement d'une recherche artistique du CNAP.

Les dossiers sont examinés par des commissions consultatives régionales ou interrégionales constituées par des représentants de l'État (DRAC) et des personnalités qualifiées. En cas d'obtention de cette aide, l'artiste ne peut présenter une nouvelle demande qu'au terme de trois années révolues. En cas d'avis défavorable, la candidature peut être renouvelée au terme de deux années.

En 2013, 155 aides individuelles à la création ont été attribuées sur 408 demandes, pour un montant total de 628 309 euros, soit une moyenne de 4 054 euros par artiste .

130 allocations d'installation sur 233 demandes ont été attribuées, pour un montant total de 367 525 euros, soit une aide moyenne de 2 827 euros par artiste . En 2015, le montant budgété pour ces aides sera reconduit pour l'ensemble des régions.

La circulaire du 9 mai 2005 du ministère de la culture et de la communication puis l'instruction commune de ce dernier, du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité et du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique du 21 novembre 2007, rappellent les conditions de recevabilité des demandes individuelles d'aide à la création et d'allocation d'installation. Le demandeur doit produire soit une attestation d'affiliation ou d'assujettissement à la Maison des artistes (ou à l'Agessa) pour l'année en cours, soit un récépissé d'inscription à la maison des artistes et une copie de la liasse Pzéro, soit encore le numéro SIRET délivré par l'INSEE. L'inscription à la Maison des artistes n'est donc pas obligatoire, ces aides participant à la professionnalisation des artistes.

L'ensemble des aides individuelles aux artistes constituant des rémunérations, elles doivent être déclarées à la maison des artistes (ou à l'Agessa). Ces aides correspondent par définition à des dépenses effectuées au titre de l'activité professionnelle. Elles sont susceptibles d'être déduites dans le cadre d'une déclaration contrôlée des bénéfices non commerciaux.

3. Le soutien des structures dans les territoires : la démocratisation culturelle

Le ministère de la culture insiste sur la présence du spectacle vivant et des arts plastiques au coeur des territoires pour une démocratisation culturelle. Cette orientation doit être favorisée en 2015 aussi bien par une approche sectorielle que pluridisciplinaire. Elle s'appuie sur l'orientation donnée à l'éducation artistique et culturelle (EAC), ainsi que sur la nécessité pour les projets subventionnés de s'engager dans une démarche de conquête de nouveaux publics. Le ministère se dit attentif à accompagner les acteurs culturels dans leurs projets de médiation. En outre, les établissements de spectacle vivant sont encouragés à développer des séries longues de représentations.

Dans les autres domaines du spectacle vivant, l'impulsion donnée aux arts du cirque et de la rue sera poursuivie en 2015. Les centres de développement chorégraphique ont fait l'objet d'une reconnaissance comme réseau aidé. Les scènes de musiques actuelles (SMAC), ont bénéficié de mesures nouvelles (depuis le plan SMAC en 2011) afin de développer le réseau et rééquilibrer le territoire. Le plan mobilise 2,4 millions d'euros et a permis à une vingtaine d'équipements d'être créés : Paloma à Nîmes et Moloco à Montbéliard en 2012, ou à Romans, Grenoble, Ris-Orangis en 2013 et 2014. Les SMAC recevront une subvention moyenne de 85 361 euros en 2015.

Dans le domaine musical, la vingtaine d'orchestres permanents et les treize opéras de région aidés par l'État concourent pour leur part à la démocratisation culturelle en menant un travail de sensibilisation et d'accompagnement pour ouvrir la musique classique, la création contemporaine et l'art lyrique à de nouveaux publics, ponctué par l'organisation annuelle de deux grands événements : « Orchestres en fête » et « Tous à l'opéra ! ».

L'activité des scènes nationales, des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et des centres d'art sera poursuivie en 2015 et leur mission de médiation accentuée . Enfin, le ministère a demandé aux établissements publics (Centre national de la danse, Centre national des variétés, Cité de la musique notamment) d'amplifier leur action territoriale et de développer des partenariats avec les collectivités territoriales. Enfin, le Centre national des arts plastiques (CNAP) est invité à intensifier les dépôts dans les musées territoriaux et à faire circuler les expositions qu'il coproduit ou produit.

III. LES DÉFIS DE LA CRÉATION : LES PRIORITÉS BUDGÉTAIRES

A. LE CNV : UNE SITUATION INCOMPRÉHENSIBLE

1. Taxe affectée : l'urgence d'un déplafonnement
a) Le CNV, un mode de financement efficace pour les acteurs les plus fragiles du secteur des musiques actuelles

Alimenté quasi exclusivement par une taxe de 3,5 % perçue sur la billetterie des manifestations (tours de chant, concerts et spectacles de jazz, de rock, de musique électronique, comédies musicales, notamment), le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) est destiné à améliorer les conditions d'exercice des activités de ce secteur et à favoriser le développement d'actions d'intérêt commun.

Le CNV constitue par ailleurs un centre de ressources sur l'économie de la production de spectacles de variétés. Il assure une activité commerciale d'exploitation de réseaux d'affichage et de promotion, une activité de conseil aux maîtres d'ouvrage d'équipements de spectacles et la coordination du programme des salles « Zénith » en région.

Le CNV est devenu un outil essentiel pour la vitalité du secteur économique des musiques actuelles, complétant la politique nationale menée par la direction générale de la création artistique (DGCA) et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

Les ressources du CNV, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), créé en 2002, sont essentiellement constituées par le produit de la taxe fiscale qui représente 94 % des ressources de l'établissement. En constante progression depuis la création de l'établissement, elles représentaient quelque 13 millions d'euros en 2004, 18 millions d'euros en 2008 et 28,4 millions d'euros en 2013 en raison d'une activité soutenue et des tournées de grande ampleur. Le niveau de perception devrait se stabiliser autour de 30,5 millions d'euros, chiffre global intégrant notamment les reversements de crédits perçus antérieurement et non récupérés par les producteurs, conformément à l'article 30 du règlement intérieur de l'établissement 7 ( * ) .

La subvention de fonctionnement attribuée par l'État, qui s'élevait jusqu'en 2007 à 1 million d'euros a été ramenée à 0,1 million d'euros. Les autres subventions sont limitées à une dotation spéciale pour soutenir une procédure d'aide aux résidences (correspondant en réalité à un dispositif d'État transféré en 2008). Au total, le CNV reçoit de l'État une dotation globale de 0,50 million d'euros (100 000 euros pour son fonctionnement et 400 000 euros pour le programme d'aide aux résidences).

Ensemble de ressources du CNV provenant de la taxe fiscale. Évolution 2011-2013

2011

2012

2013

Perception de la taxe

24 057 611

23 549 455

26 889 157

Application art 30 et div.

1 005 645

1 225 247

1 138 647

Réintégration ordres dépenses annulées

137 118

86 355

248 857

Total

25 200 390

24 861 057

28 430 614

Source : Ministère de la culture et de la communication

Cette augmentation des ressources résulte d'une amélioration de l'efficacité des opérations de perception auprès des redevables et d'un élargissement du champ, marqué notamment en 2009, par une action de rapprochement avec le secteur professionnel des cabarets artistiques.

65 % du montant de la taxe (après déduction des frais de perception) est reversé, en application de l'article 27 du règlement intérieur du CNV, aux comptes des entrepreneurs affiliés à l'établissement, qui peuvent ainsi en obtenir la restitution, sous forme de droits de tirage, pour contribuer, dans un délai de trois ans, à la production d'un nouveau spectacle. Le reste, soit 35 % du montant perçu, est affecté à des actions de redistribution touchant tous les aspects de la vie du secteur des variétés. Cette activité de redistribution du CNV s'appuie sur les avis de nombreuses commissions dont les membres représentent toutes les sensibilités du spectacle vivant des variétés.

Entre 2012 et 2013, cette activité a connu une légère augmentation, passant de 21,9 millions d'euros à 23,2 millions d'euros (+5 %), hors avances remboursables s'expliquant par le montant exceptionnel de perception de taxe en 2013, comme le montre le tableau ci-dessous :

Aides sélectives du CNV. Crédits redistribués.
Activité des commissions : Comparaison 2012/2013 hors avances remboursables

Commissions

Dossiers acceptés en 2012

Montants

en 2012

Dossiers acceptés en 2013

Montants en 2013

N° 1

Comptes entrepreneurs droits de tirage

Aides sélectives

615

19

13 366 053

499 100

535

29

15 088 790

574 000

N° 2

Festivals

99

1 198 072

85

1 230 000

N° 3

Structuration et développement

professionnels

45

858 400

52

905 000

N° 4-5

Production

256

2 098 000

248

2 149 373

N° 6

Aménagement et équipement des salles de spectacles

62

1 197 000

73

1 342 075

N° 7

Activité des salles de spectacles

167

1 264 100

198

1 288 000

N° 8

Résidences

36

384 000

36

363 000

N° 9

Export

58

218 865

42

228 668

N° 10

Développement à l'international

53

96 928

44

82 110

Commission spéciale

Plan d'action conjoncturel

40

750 000

Total

1 438

21 930 918

1 324

23 251 016

Source : Ministère de la culture et de la communication. Réponse au questionnaire budgétaire

Au total, ces commissions mobilisent près de 150 personnes, représentant des entrepreneurs, des salariés et des collectivités publiques, qui contribuent ainsi bénévolement à l'examen des demandes d'aide adressées au CNV et conduisent à soutenir chaque année plus de 1 000 dossiers et à redistribuer dans le secteur d'activité concerné les moyens économiques qui soutiennent son développement. Ainsi en 2013, les aides ont soutenu 752 bénéficiaires.

S'il est difficile de mesurer avec précision l'impact économique des aides du CNV, celui-ci est bien réel. Les 7,5 millions d'euros d'aides sélectives permettent de soutenir la frange la plus fragile du secteur, opérant ainsi un véritable rééquilibrage en faveur de la jeune génération et des artistes en émergence à l'économie précaire.

Dans la présentation de son étude sur les chiffres de la diffusion en 2013, le CNV a montré que la vitalité du secteur, expliquant la croissance du rendement de la taxe affectée, était surtout due au succès des plus gros acteurs du secteur.

Répartition du chiffre d'affaires des entreprises de spectacle
de variétés en 2012

Source : Centre national de la chanson, des variétés et du jazz

De cette vitalité résulte une légère accentuation de la concentration des recettes autour des spectacles les plus importants. Ainsi, plus de 56 % 8 ( * ) du chiffre d'affaires du secteur provient des entreprises de spectacle réalisant un chiffre d'affaires de plus de 5 millions d'euros .

C'est pourquoi le CNV est un outil essentiel pour l'irrigation musicale de tout le territoire : en s'appuyant sur les plus importantes entreprises du spectacle vivant, il offre un mécanisme vertueux de redistribution . Et la collecte de la taxe est rendue efficace par le mécanisme de droit de tirage, qui favorise un « consentement à payer ». Le plafonnement de la taxe représente un risque très important pour le secteur car il ne permettra plus de continuer à financer chaque année davantage les structures les plus fragiles, sans pour autant empêcher les acteurs les plus importants de continuer à se développer. Il s'agit donc aujourd'hui du seul outil capable de limiter le phénomène de concentration du secteur des musiques actuelles.

Le rôle indispensable du CNV a été unanimement salué par les acteurs auditionnés par votre rapporteur pour avis, qu'il s'agisse d'acteurs privés ou publics, et quelle que soit leur taille .

b) La question récurrente du plafonnement : un handicap pour le secteur

L'article 46 de la loi de finances pour 2012 (n° 2011-1977 du 28 décembre 2011) a posé le principe d'un plafonnement des taxes affectées , avec, au-delà des plafonds ainsi fixés, un reversement de l'excédent du produit de la taxe affectée au budget général de l'État. Le plafond de la taxe affectée au CNV a alors été fixé à 27 millions d'euros, pour un rendement attendu de 24 millions.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014, votre commission s'était émue de l'abaissement du plafond à 24 millions d'euros, qui ne laissait aucune marge de progression .

À l'initiative de l'Assemblée nationale, l'article 11 de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 a relevé le plafond de la taxe sur les spectacles de variété, de 24 à 28 millions d'euros, en contrepartie d'un abaissement du plafond de la redevance d'archéologie préventive (RAP) de 122 à 118 millions d'euros . En raison de la lente montée en puissance de la RAP récemment réformée et de dysfonctionnements informatiques ayant empêché une collecte optimale, le rendement escompté, de 118 millions d'euros au plus, ne laissait pas supposer d'écrêtement au détriment de la politique publique d'archéologie préventive.

En revanche, comme l'indiquait alors la commission des finances du Sénat dans le rapport sur le projet de loi de finances rectificative précité, « le niveau du plafond révisé de la RAP affectée à l'Inrap ( Institut de recherches archéologiques préventives) pourrait donner lieu à un reversement au budget général dès 2015, s'il était maintenu en l'état, compte tenu des perspectives de recettes de 122 millions d'euros. » Dans sa réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis, le ministère de la culture a indiqué qu'« en 2015, le CNV va devoir définir une nouvelle stratégie budgétaire lui permettant de mettre en oeuvre un fonctionnement prenant en compte le plafonnement de la taxe de manière à assurer, le cas échéant en 2015 ou dans les années suivantes, le reversement à l'État du « surplus » de taxe perçue dans perturber le fonctionnement de l'établissement et de ses mécanismes de perception et de redistribution de taxe ». En outre, lors de son audition, le directeur général de la création artistique a précisé les estimations de rendement de la taxe : il devrait être d'au moins 29 millions en 2014 et 30 millions en 2015.

La montée en puissance de la redevance d'archéologie préventive laisse planer une menace de nouvelle diminution du plafond de la taxe sur les spectacles, puisque la réforme de la RAP devrait porter ses fruits dès 2015, remettant ainsi en cause la pérennité du « gage » financier ayant permis de préserver le CNV avec un plafond remonté à 28 millions d'euros.

Par ailleurs, même si ce plafond de 28 millions d'euros est maintenu au-delà du présent projet de loi de finances pour 2015, le CNV est d'ores et déjà confronté à une perspective d'écrêtement au titre de l'année 2014. Rappelons que le CNV est tenu, en vertu de l'article 27 de son règlement intérieur, de reverser 65 % de la taxe en droits de tirage. Or, le plafonnement ne concerne que la perception par le CNV, pas les sommes dues aux producteurs de spectacle. Par conséquent, alors que les sommes collectées au-delà de 28 millions d'euros seront intégralement reversées à l'État, le CNV devra tout de même reverser les 65 % de l'écrêtement en droits de tirage. Avec un rendement dépassant le plafond d'un million, le CNV devrait puiser dans ses réserves 650 000 euros. Dès 2015, avec des recettes estimées à 30 millions d'euros, le constat sera le suivant : 2 millions de recettes supplémentaires engendreront 3,3 millions de dépenses supplémentaires (2 millions de reversement à l'État et 1,3 million de droits de tirage). Ainsi, le modèle économique découlant du plafonnement est totalement pervers : la croissance économique du secteur engendrera des pertes pour le CNV, qui sera contraint de revoir à la baisse les aides sélectives permettant de soutenir les acteurs les plus fragiles .

Votre rapporteur pour avis ne comprend pas que l'État laisse s'installer une telle mécanique alors que le secteur pourrait, sans l'aide de l'État, favoriser la logique de redistribution qui était au coeur des missions du CNV. Il tient à relayer l'incompréhension des acteurs du spectacle vivant qui soutiennent une taxe représentant un facteur de soutien aux PME, de création d'emplois non délocalisables, d'émergence des talents.

Il s'en est ému auprès de la ministre de la culture et de ses services lors de la préparation du présent avis budgétaire , et est revenu sur cette question importante lors de l'audition du 12 novembre 2014 . À cette occasion, devant votre commission de la culture , la ministre de la culture et de la communication a indiqué que , compte tenu des alertes exprimées sur ce sujet, la position du Gouvernement avait évolué : « Le CNV sera un outil essentiel de notre politique et j'ai pu obtenir en réunion interministérielle que la taxe qui lui est reversée ne soit pas écrêtée. Plus précisément, le plafond de la taxe sera déterminé en fonction de son rendement, afin de préserver les ressources des bénéficiaires : en 2014, les recettes attendues se situant entre 28,3 et 28,8 millions d'euros, le plafond sera fixé à 29 millions. Les recettes prévisibles en 2015 s'élevant à environ 30 millions d'euros, le plafond évoluera en conséquence. »

Votre rapporteur pour avis se félicite de cette nouvelle qui démontre l'utilité de la mobilisation autour de ce sujet. Afin de tenir compte immédiatement de cet arbitrage interministériel, il a présenté à votre commission un amendement relevant le plafond à hauteur de 30 millions d'euros en 2015.

Votre commission a adopté cet amendement , tout en souhaitant que le relèvement du plafond au titre de l'année 2014 fasse l'objet d'un amendement dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Votre rapporteur pour avis demande à terme au Gouvernement de reconsidérer, comme il l'a fait pour le CNC, le cas du CNV, en déplafonnant de façon pérenne la taxe sur les spectacles .

2. La légitimité d'une mission élargie

Le déplafonnement souhaité par votre rapporteur pour avis conforterait une dynamique vertueuse et une prise en compte des attentes des professionnels.

Tout en prenant acte de l'arrêt du projet annoncé par le précédent gouvernement de Centre national de la musique, toutes les personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis ont formulé le souhait de voir les missions du CNV élargies afin que la filière musicale ait enfin une structure susceptible d'accompagner son développement.

Sans écarter, à terme, de rouvrir le débat ayant suivi la publication du rapport Lescure 9 ( * ) au sujet d'une taxe sur les écrans connectés, votre rapporteur pour avis estime qu'une première étape consisterait, pour le Gouvernement, à déplafonner la taxe sur les spectacles et à organiser une réflexion sur ce qui peut être attendu du CNV .

Alors que le projet de loi sur la liberté de création est annoncé pour le printemps de l'année 2015, force est de constater qu'il manque un cadre de réflexion sur les enjeux de la filière musicale.

Pourtant de nombreux défis méritent une attention particulière de la part des professionnels et du législateur, notamment au regard de l'impact du numérique.

Ainsi, dans le domaine du spectacle vivant, le spectacle musical connaît une mutation profonde : de produit dérivé du disque, il est non seulement devenu un canal essentiel de revenus mais également le lieu central de découverte des artistes, de développement et de promotion de leur carrière.

Plusieurs études récentes mettent en évidence l'urgence d'une réflexion pour appréhender l'impact du numérique sur l'équilibre de la filière. Deux études 10 ( * ) du PRODISS (Union du spectacle musical et de variété), sur la base des chiffres publiés par la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) révèlent l'ampleur du phénomène et son accélération : en 2013, 20 356 concerts ont été retransmis en direct sur internet tous services confondus, soit une hausse de 43 % par rapport à 2012 . Ces concerts ont concerné 8 227 artistes, un nombre en croissance de 36 % par rapport à 2012.

375 millions de vidéos musicales sont disponibles sur Youtube dont 22 % de concerts et 1,2 % seulement de captations de concerts mis à disposition par des comptes officiels : sur 83 millions de concerts susceptibles d'être visionnés, 79 millions sont soit des captations pirates , soit des captations officielles diffusées illégalement.

Désormais, le secteur des musiques actuelles est confronté à deux défis : le respect de la propriété intellectuelle et le partage de la valeur.

En matière de piratage , le rôle des moteurs de recherche est évidemment central. En France, les ayants droit peuvent demander à un moteur de recherche, Google en particulier, de « déréférencer » une page diffusant illégalement une captation. Ils peuvent pour cela s'appuyer sur une loi américaine, le Digital Millenium Copyright Act (« DMCA ») pour envoyer une notification de demande de retrait, qui, après vérification dans un délai moyen de 6 heures, est effectif. 4 millions de demandes sont ainsi traitées chaque semaine par Google. Dans le cas particulier de Youtube, un autre système est mis en oeuvre. Le géant de l'Internet maîtrisant les contenus ; le système du « Content ID » ouvre la possibilité aux ayants droit de vidéos de concerts de faire scanner leur captation officielle pour en définir l'empreinte numérique. Cette empreinte permet de retrouver, par un système de reconnaissance, toutes les pages proposant une vidéo de ce même spectacle. L'ayant droit peut alors demander que soient supprimées de Youtube toutes les captations non officielles. Ce système, très performant techniquement, dépend toutefois d'une démarche proactive des ayants droit, ce qui limite nécessairement les effets en matière de respect de la propriété intellectuelle.

Au-delà de la problématique du piratage, la transformation du produit qu'est la captation des spectacles, avec la dématérialisation de la musique, fait émerger une autre question : celle de la monétisation de la diffusion légale du spectacle vivant, qui revêt deux aspects : l'adaptation du financement des industries culturelles à la révolution numérique et l'évolution du rôle du producteur de spectacles . Comme l'a rappelé le PRODISS, lors de son audition par votre rapporteur pour avis, ces acteurs essentiels sont pourtant écartés du marché de la captation et de la retransmission des concerts, alors que la diffusion sur Internet prolonge de façon évidente la vie du spectacle.

La captation audiovisuelle obéit au régime juridique particulier de l'« oeuvre audiovisuelle » pour laquelle la loi identifie une liste de coauteurs présumés, définis par l'article 113-7 du code de la propriété intellectuelle. On y trouve l'auteur du scénario, l'auteur de l'adaptation, l'auteur du texte parlé, l'auteur des compositions musicales et, enfin, le réalisateur.

Par ailleurs, rien n'empêche juridiquement un producteur de spectacle de se lancer dans la production de captation et la retransmission. Mais, en réalité, ce marché lui échappe car la captation est gérée indépendamment de la production du spectacle lui-même, entre le producteur de la captation audiovisuelle et la maison de disque, c'est-à-dire le producteur phonographique. Écarté de l'organisation de la vie du produit musical post-spectacle, le producteur ne bénéficie d'aucun des droits voisins définis par les articles 211-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Cette question de la place du producteur de spectacle vivant mériterait d'être creusée et étudiée avec tous les acteurs du secteur . Dans son rapport précité, Pierre Lescure a d'ailleurs formulé le voeu que soit instauré au profit des producteurs de spectacle un droit sui generis ( proposition n° 38) .

Votre rapporteur pour avis estime que ce sujet pourrait faire l'objet d'une réflexion concertée dans le cadre d'un CNV aux missions élargies.

B. LA DIMENSION SOCIALE DU SOUTIEN À LA CRÉATION : DES EFFORTS À POURSUIVRE

1. La formation professionnelle continue

Le dispositif de formation professionnelle continue des artistes auteurs, adossé à l'Assurance formation des activités du spectacle (AFDAS) au sein d'une section particulière non paritaire, est opérationnel depuis le 15 avril 2013.

a) Moyens mis en oeuvre

Le conseil de gestion de la section particulière des artistes auteurs, dont la composition a été fixée par arrêté du 23 janvier 2013, s'est réuni à sept reprises au cours de l'année 2013. Après avoir fixé les critères d'éligibilité au fonds - affiliation à la Maison des artistes ou à l'association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) ou, pour les assujettis, justification d'un revenu d'artiste auteur minimum de 9 000 euros au cours des trois dernières années -, le conseil de gestion a procédé à la composition des 6 commissions professionnelles sectorielles : cinéma et audiovisuel, photographes, écrits et arts dramatiques, musique et chorégraphie, arts visuels 3D, images fixes et arts visuels.

Le conseil de gestion de l'AFDAS :
les conséquences de l'annulation prononcée par le Conseil d'État

À la suite d'une requête dirigée par le CAAP, le Conseil d'État a annulé les articles 2 et 4 du décret du 7 décembre 2012 et de l'arrêté du 25 janvier 2013 ayant introduit le IV de l'article R. 6331-64 du code du travail. Cette annulation prendra effet au 1 er janvier 2015.

Le ministère de la culture et de la communication a alerté le ministère chargé du travail de l'urgence qui s'attache à la mise en oeuvre des dispositions réglementaires modifiant le code du travail. La direction générale de la création artistique (DGCA) et la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) se sont rapprochées de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) afin d'élaborer un projet de décret modificatif qui devra être soumis à l'avis du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (CNEFOP), puis du Conseil d'État. Un arrêté du MCC sera alors publié en application du décret.

Le budget du fonds est réparti entre les actions de formation transversale validées par le conseil de gestion (40 %) et celles validées par les commissions professionnelles (60 %). Ces dernières sélectionnent et valident des offres de formation qui peuvent être proposées aux auteurs dans les différents secteurs de création concernés. Les organismes de formation établissent ensuite leur programme de sessions de formation. Un plafond annuel de financement a été fixé à 7 200 euros par stagiaire.

Les premières formations transversales (langues, bureautique, gestion, etc.) ont été financées à partir du 1 er mai 2013 et les formations « métiers » à partir du 1 er septembre 2013.

b) Bilan d'activité

En 2015, 1 571 stagiaires ont bénéficié de 98 496 « heures stagiaires » de formation. La répartition des stagiaires par secteurs de création est la suivante :

- Images fixes et arts visuels : 48 %

- Arts visuels 3D : 6 %

- Écrits et arts dramatiques : 9 %

- Musique et chorégraphie : 3 %

- Cinéma et audiovisuel : 19 %

- Photographie : 15 %

1 581 formations ont été dispensées, dont 944 formations transversales, 20 bilans de compétences, 1 validation des acquis de l'expérience, 29 reconversions.

534 formations ont été validées par les commissions professionnelles, réparties de la manière suivante :

- Images fixes et arts visuels : 101

- Arts visuels 3D : 24

- Écrits et arts dramatiques : 56

- Musique et chorégraphie : 33

- Cinéma et audiovisuel : 227

- Photographie : 93

La majorité des formations a été financée dans des spécialités dites transversales. Cette tendance est essentiellement liée au fait que les formations métiers n'ont été financées qu'à partir du troisième trimestre 2013. 13 % des actions de formations ont été dispensées dans la spécialité « langues vivantes, civilisations étrangères et régionales », 19 % « spécialités plurivalentes de la communication », 12 % « journalisme et communication », 19 % « techniques de l'imprimerie et de l'édition », 16 % « techniques de l'image et du son ». La répartition des stagiaires par sexe montre une légère surreprésentation des femmes (56 %). Près de la moitié des stagiaires (46 %) se situent dans la classe d'âge de 45 à 64 ans.

c) Éléments financiers

Instituée par la loi du 28 décembre 2011, la contribution de formation professionnelle est recouvrée auprès des diffuseurs et des artistes auteurs depuis le 1 er juillet 2012. La participation des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) repose quant à elle sur un engagement conventionnel annuel avec l'AFDAS.

Le bilan financier pour l'année 2013 fait état d'une collecte de 8,075 millions d'euros (hors taxes et avant prélèvement pour frais de gestion), répartis de la manière suivante :

- 650 000 euros au titre de la contribution des SPRD ;

- 5,060 millions d'euros au titre de la contribution provenant de l'Agessa ;

- 2,365 millions d'euros au titre de la contribution provenant de la Maison des artistes.

3,039 millions d'euros ont été engagés dans le financement des formations, et 310 000 euros ont été engagés au titre des frais de gestion. Le résultat pour l'année 2013 est de 4,727 millions d'euros, auxquels viennent s'ajouter les 3,224 millions d'euros collectés en 2012.

2. Le projet de caisse de sécurité sociale unique

Le projet d'unification du régime de sécurité sociale des artistes auteurs a fait l'objet d'un rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) à la demande des ministres chargés des comptes publics, de la santé et de la culture. Ce rapport 11 ( * ) , rendu public en octobre 2013, dresse un constat assez sévère pour l'État : excepté la mise en place du fonds destiné à la formation professionnelle des artistes, aucune préconisation des rapports précédents n'a été suivie d'effet.

Pourtant, Michel Raymond (IGAS) et Serge Kancel (IGAC) en 2005 puis Gilles Butaud et Serge Kancel (IGAC) en 2009, avaient dressé un bilan très critique mettant en évidence les graves difficultés auxquelles les artistes auteurs sont confrontés depuis de nombreuses années. La question des retraites, notamment, était évoquée avec force.

S'appuyant sur le nouveau rapport conjoint de 2013 et après qu'un début de rapprochement des structures a été évoqué lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014 par votre commission, le Gouvernement a engagé une première phase de concertation avec les organisations professionnelles et les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) concernées, au cours du premier trimestre de l'année 2014.

Ce projet de réforme répond à un objectif de simplification, mais il est aussi l'occasion de consolider un régime spécifique de travailleurs indépendants rattaché au régime général. La création d'une caisse de sécurité sociale des artistes auteurs, réunissant les missions aujourd'hui dévolues à l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) et à la Maison des Artistes (MdA), est une des principales recommandations du rapport.

La concertation et les discussions menées avec les organisations professionnelles et les SPRD au cours de l'année 2013 et du premier semestre 2014 se sont focalisées sur les points suivants :

- la modification des conditions d'affiliation au régime (suppression de la distinction actuelle entre artistes auteurs affiliés et assujettis, question du maintien du caractère professionnel du régime et de la possibilité, pour ceux n'ayant pas les revenus suffisants, de « surcotiser » afin de valider quatre trimestres de retraite) ;

- la gouvernance du futur organisme et l'élection de son conseil d'administration ;

- la modification du champ du régime avec une possibilité d'extension à certains designers et artisans des métiers d'art indépendants, et la redéfinition des critères d'entrée en fonction des activités (réglementation notamment au regard du salariat, rôle des commissions professionnelles...) ;

- la mise en oeuvre de l'obligation de cotiser pour la retraite et de l'acquisition des droits afférents pour les actuels précomptés de l'Agessa .

Le ministère de la culture a indiqué que l'impact financier de la réforme ainsi que les éléments relatifs aux ressources humaines et aux moyens logistiques (déménagement, recrutements d'agents supplémentaires, convention collective, plan de formation...) à mettre en oeuvre étaient en cours d'analyse. Une proposition de plan de gestion des emplois et de l'évolution des compétences, accompagné d'éléments de cadrage financier, sera demandée au directeur de l'Agessa et de la MdA avant la fin de l'année 2014.

Par ailleurs, une réflexion sur la refonte du système informatique et de ses applicatifs a été engagée à partir des éléments fournis par l'Agessa et la Maison des artistes, qui poursuivent un travail de rapprochement depuis 2010. Une grande partie des coûts engagés pour la réforme sera liée à la mise en oeuvre du recouvrement des cotisations vieillesse auprès des actuels précomptés de l'Agessa.

Une question importante devra être également tranchée : celle de l'avenir de l'association de la Maison des artistes, qui coexiste avec la caisse, sous la même appellation. La clarification des missions et de l'avenir de chaque structure ne peut être éludée.

Votre rapporteur pour avis sera particulièrement attentif à la suite donnée à ce dossier, afin que soient associés tous les acteurs concernés, lesquels sont aujourd'hui dans l'attente d'une information de la part de l'État.

3. Le projet de convention collective

L'attente des professionnels semble être également le maître mot pour caractériser le dossier de la convention collective. Malgré un rapprochement opéré entre les artistes plasticiens et le Syndeac et en dépit de la demande officiellement transmise à la direction générale du travail de création d'une commission paritaire, aucune décision n'a été prise par le Gouvernement.

Comme le rappellent le CIPAC mais aussi le CAAP, l'existence d'une convention collective est essentielle pour le secteur des arts plastiques qui souffre de l'absence d'une structure équivalente au CNPS (Conseil national des professions du spectacle) dont le rôle est aujourd'hui unanimement salué par tout le secteur du spectacle vivant. L'évolution des missions du CNAP pourrait être étudiée dans une perspective d'accompagnement du secteur, sans qu'une nouvelle structure ne soit créée.

4. Les suites données au dossier des intermittents du spectacle

Les crédits de la mission « Culture » ne sont pas liés directement au sujet des intermittents. Mais votre rapporteur pour avis estime que la question de la dimension sociale du soutien à la création ne peut faire abstraction de l'intermittence définie par les annexes VIII et X de la convention d'assurance chômage .

Lors des travaux 12 ( * ) dirigés par Mme Maryvonne Blondin, la question de l'accompagnement social des politiques culturelles prenait une place centrale dans les réflexions. Elles seront certainement traitées par la mission de réflexion sur l'intermittence du spectacle confiée par le Gouvernement à Jean-Patrick Gille, Hortense Archambaud et Jean-Denis Combrexelle, dont on attend les conclusions pour la fin de l'année 2014.

Cette mission a été mise en place en réponse à la contestation de la réforme de l'assurance chômage issue de l'accord signé en mars 2014 par les partenaires sociaux. Les tensions ont notamment porté sur la question du différé d'indemnisation. Celui-ci commence à s'appliquer lorsque l'allocataire dépasse la rémunération horaire moyenne de 1,68 SMIC. Le différé s'impute uniquement sur les jours indemnisés, et est décalé lorsque l'allocataire travaille pendant la période de différé. D'après l'étude d'impact publiée en mai 2014 par l'Unedic, le nombre d'intermittents touchés par une mesure de différé devait passer de 9 à 48 %.

Compte tenu des critiques formulées à l'encontre de cette mesure, l'État a décidé de prendre en charge le différé d'indemnisation des intermittents du spectacle. L'Unedic estime que ce différé représente 100 millions d'euros en année pleine. Interrogé le mercredi 5 novembre 2014 par la commission des affaires sociales du Sénat, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a apporté les précisions suivantes : « le Gouvernement a décidé que les règles du différé pour les intermittents sont celles antérieures à la nouvelle convention. Je crains que ce soit mon budget qui assure la prise en charge du manque à gagner pour l'Unedic. » 13 ( * )

Après la publication du décret du 13 octobre dernier actant la prise en charge par l'État du manque à gagner pour l'Unedic de la non-application des nouvelles règles, les partenaires sociaux ont signé un avenant temporaire à la convention modifiant la formule de calcul en revenant au dispositif antérieur. L'arrêté d'agrément de cet avenant est publié au Journal officiel du jeudi 20 novembre 2014 .

Cette mesure de « neutralisation » prise par l'État devrait prendre fin lorsque la mission aura rendu ses conclusions. Votre rapporteur pour avis sera particulièrement attentif aux préconisations résultant de cette concertation, afin d'en tenir compte dans le cadre du projet de loi sur la liberté de création annoncé par la ministre au cours du premier semestre de l'année 2015.

C. L'URGENCE DE RÉFORMER LA FISCALITÉ QUI PÈSE SUR LES ARTISTES FRANÇAIS

Votre rapporteur pour avis souhaite dénoncer une situation ubuesque qui pénalise la scène française et ne correspond à aucune logique économique .

En application de l'article 8 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, les importations d'oeuvres d'art ont intégré le champ d'application de l'article 278-0 bis relatif au taux de TVA réduit à 5,5 %. Sont précisément concernées :

1° les importations d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquités, ainsi que sur les acquisitions intracommunautaires, effectuées par un assujetti ou une personne morale non assujettie, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qu'ils ont importés sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne ;

« 2° les acquisitions intracommunautaires d'oeuvres d'art qui ont fait l'objet d'une livraison dans un autre État membre par d'autres assujettis que des assujettis revendeurs. ».

Contrairement à tout attente, rien n'a été fait pour appliquer le même taux aux livraisons des oeuvres d'art des artistes de la scène française. Par conséquent, le législateur et l'État, sans s'en rendre compte, ont institutionnalisé un système de concurrence déloyale privilégiant les artistes européens aux artistes français , puisque les achats seront moins coûteux pour une acquisition intracommunautaire qu'une livraison locale, assujettie à un taux de TVA de 10 %.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur a présenté un amendement visant à corriger cette erreur ayant conduit à instaurer un « désavantage comparatif ».

Votre commission a ainsi adopté l'intégration des livraisons d'oeuvres d'art par leur auteur ou ses ayants droit dans le champ d'application de l'article 278-0 bis du code général des impôts relatif au taux de TVA de 5,5 %.

Cette question fiscale n'est qu'un exemple parmi les multiples handicaps qui pèsent sur le secteur des arts plastiques . Beaucoup d'autres sujets mériteraient d'être abordés à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la liberté de création. La question du respect de la propriété intellectuelle est régulièrement posée par les artistes, sans qu'aucune mesure concrète ne soit prise. Comme le rappelle le rapport conjoint de l'IGAC et de l'IGAS précité de juin 2013, « le droit d'exposition est peu, voire pas du tout respecté par les exploitants de musées, de centres d'art, de collectivités qui exigent souvent comme préalable à leur participation à une exposition qu'ils renoncent à toute rémunération au titre de l'exposition de leurs oeuvres. Le non-respect du droit d'exposition se traduit par un manque à gagner pour les artistes et pèse donc négativement sur l'assiette des cotisations à la sécurité sociale . »

Votre rapporteur pour avis s'efforcera donc de traiter ces sujets dans les mois à venir afin que les arts plastiques ne soient plus le parent pauvre de la création en France.

LE SOUTIEN PUBLIC AU CINÉMA

SECONDE PARTIE - LE SOUTIEN PUBLIC AU CINÉMA

Cette année encore, le cinéma français présente les signes d'une réussite exemplaire : la France continue de produire plus de 270 films par an, les films français captent plus du tiers des spectateurs hexagonaux, les salles ont réalisé plus de 200 millions d'entrées l'an passé - le niveau d'avant la vidéo, du cinéma à la télévision et, a fortiori , de la révolution numérique qui est en cours ; le secteur compte 250 000 emplois directs, il exporte et compte des branches très dynamiques, avec des pôles régionaux où l'industrie cinématographique est un levier du développement territorial.

Cette réussite est une exception en Europe et chacun sait qu'elle tient au soutien public apporté depuis près de soixante ans aux talents créatifs et techniques dans l'Hexagone. Notre système de soutien a su préserver une industrie cinématographique, un milieu créatif et technique diversifié et d'un très haut niveau - grâce auxquels la France continue de jouer dans la cour des grands, alors que nos voisins européens ont, sans exception, vu leur cinéma se réduire comme peau de chagrin.

Le financement de ce soutien présente, cependant, des signes inquiétants d'essoufflement face à la révolution numérique , qui bouleverse les usages sociaux, avec une incidence directe sur les sources de financement de notre soutien public au cinéma et à l'audiovisuel.

Pour la deuxième année consécutive, les ressources prévisionnelles du fonds de soutien diminuent : avec 630 millions d'euros prévus pour 2015, ce recul de 10 % est corrélé à l'activité même et à la chaîne de valeur dans l'industrie cinématographique. De fait, la production a reculé cette année : si le nombre des films est stable, les investissements reculent de 10 % au premier semestre et la tendance s'est poursuivie, ce qui est l'indicateur le plus direct, et inquiétant, de la fragilité de l'industrie cinématographique.

Dans ce contexte, le Gouvernement respecte dans son intégralité le principe même de l'affectation des taxes au fonds de soutien : pour la première fois depuis quatre ans, les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ne seront pas « écrêtées » ni ponctionnées au bénéfice du budget général. C'est un acte politique fort de soutien à l'industrie cinématographique et à la création en général dans notre pays - et c'est le fait majeur du « budget cinéma » dans le projet de loi de finances pour 2015. Pour continuer dans ce sens, cependant, des réformes s'imposent pour préserver notre soutien public au cinéma, qui a démontré ses vertus depuis plus d'un demi-siècle.

Votre rapporteur pour avis souhaite poser des jalons pour quelques-unes de ces réformes indispensables, en particulier pour une sanctuarisation du fonds de soutien, un assouplissement de la chronologie des médias, une extension du crédit d'impôt cinéma et un renforcement du soutien à l'exportation.

Et c'est sur sa proposition que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, réunie le 19 novembre 2014, a adopté un amendement élevant à 20 millions d'euros le plafond de crédit d'impôt qu'un producteur établi en France peut obtenir sur les dépenses engagées sur le territoire national pour la production d'une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle - soit le même plafond que celui du crédit d'impôt dit « international », visant les producteurs établis hors de France.

I. UN FINANCEMENT PUBLIC MAINTENU, DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE DES PLUS DIFFICILES

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce que, dans un contexte de raréfaction budgétaire généralisée pour la sphère publique, les taxes affectées au CNC ne seront pas ponctionnées ni écrêtées l'an prochain et l'ensemble du dispositif de soutien est maintenu . Cet arbitrage au service de l'industrie cinématographique et de la création répond à une détérioration du produit prévisionnel de ces taxes affectées et il permet de maintenir l'écosystème public au service de l'activité cinématographique.

A. DES TAXES AFFECTÉES AU CNC QUI DIMINUENT DE MANIÈRE INQUIÉTANTE, MAIS QUI NE SERONT PAS PONCTIONNÉES L'AN PROCHAIN

Votre rapporteur pour avis estime que, loin de constituer un lot de consolation, l'arbitrage rendu cette année en faveur de l'activité cinématographique souligne l'engagement du Gouvernement en faveur du secteur : pour la première fois en quatre ans, les ressources affectées au CNC iront intégralement au soutien public au cinéma, sans ponction pour le budget général de l'État . Pour mémoire, les prélèvements sur le fonds de soutien se sont élevés, en cumulé, à 310 millions d'euros au cours de la période 2008-2013 et l'établissement a absorbé un transfert de charges pérennes de 56 millions d'euros par an entre 2008 et 2012 14 ( * ) .

Les recettes prévisionnelles du fonds de soutien, cependant, diminuent de 10 %, à 630 millions d'euros . Ce recul est principalement dû à un moindre rendement de la taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision (TST) déjà sensible l'an dernier et qui s'intensifie l'an prochain.

Le tableau suivant récapitule l'ensemble des recettes prévisionnelles du fonds de soutien :

Estimation du produit des taxes pour 2015

(en millions d'euros)

Recettes du fonds de soutien

Budget 2013

Exécution 2013

Budget 2014

Reprévisions 2014

Prévisions pour 2015

Taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA)

133,2

130,2

134,2

141,2

134,4

Taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision (TST)

537,2

532,3

537,7

498,5

474,9

dont TST due par les éditeurs

290,2

308,8

266,9

269

274,2

dont TST due par les distributeurs

246,9

223,5

270,7

229,4

200,6

Taxe sur les encaissements réalisés au titre de la commercialisation des vidéogrammes (vidéo et VàD)

29,4

25,7

28

23,2

21

Recettes diverses

0,05

0

0,05

0,05

0,05

Total produit des taxes

700

688,3

700

663

630,4

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

1. Un recul inquiétant de la taxe sur les services de télévision, pour la partie distributeurs

La TST éditeurs

La taxe sur les services de télévision applicable aux éditeurs est assise sur les recettes de publicité et de parrainage, celles liées aux appels surtaxés et SMS, sur la contribution à l'audiovisuel public et sur les dotations budgétaires 15 ( * ) . Recouvrée directement par le CNC depuis 2010, son taux est de 5,5 % de l'assiette imposable au-delà d'une franchise de 11 millions d'euros.

Le CNC évalue le produit de la TST éditeurs pour 2015 à 274,27 millions d'euros, contre 266,7 millions évalués l'an passé (et affinés à 269,05 millions en « reprévisions »). La prévision est cependant fondée sur une hypothèse de recul global de l'assiette imposable des éditeurs historiques entre 2013 et 2014 (-1,7 %) ainsi que des chaînes de la TNT gratuite (-0,6 %), principalement en raison de la dégradation attendue du marché publicitaire en 2014.

La TST distributeurs

La taxe sur les services de télévision applicable aux distributeurs (TST-D), est assise d'une part sur les abonnements à un service de télévision et de toute offre composite donnant accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir des services de télévision 16 ( * ) . Son taux est progressif de 0,5 % à 3,5 % en neuf tranches d'imposition au-delà d'une franchise de 10 millions d'euros. Une majoration de 2,2 % sur la dernière tranche distributeurs vise les éditeurs qui s'auto-distribuent ( de facto , cette disposition ne concerne que Canal+).

Pour 2015, le CNC évalue le produit de la TST-D à 200,7 millions d'euros, en recul de 70 millions par rapport à l'an passé (-26 %) ; cette chute est liée, selon le document stratégique de l'opérateur, à « un recul du chiffre d'affaires de Canal Plus, de Canal Satellite ainsi que des opérateurs télécoms, dans un contexte de concurrence accrue concernant les offres d'internet fixe et mobile » 17 ( * ) .

Le CNC prévoit d'absorber cette chute par des efforts de gestion et par une mobilisation de sa réserve de solidarité.

Au total, le produit de la TST est évalué à 474,9 millions d'euros pour 2015, en net recul par rapport au budget primitif 2014 (- 62,7 millions d'euros, soit -11,7 %) et, dans une moindre mesure, par rapport à la reprévision 2014 (-23,5 millions d'euros, soit - 4,7 %).

2. Une taxe sur les entrées en salle au produit quasiment inchangé

Le taux de la taxe sur billets d'entrée en salle de cinéma (TSA) est fixé à 10,72 % en métropole et sera de 1 % dans les départements d'outre-mer (DOM) à compter du 1 er janvier prochain 18 ( * ) .

L'hypothèse de fréquentation pour 2015 est identique à celle de 2014, à 195 millions d'entrées, avec un prix moyen du billet estimé à 6,42 euros.

Le produit de la TSA en 2015 est estimé à 134,42 millions d'euros, soit une progression de +0,21 million d'euros par rapport au budget primitif 2014 (+0,16 %), liée au produit attendu de la TSA dans les départements d'outre-mer en 2015 (216 000 euros).

3. Des taxes sur la vidéo dont le produit continue de diminuer

Ces taxes sont assises sur le chiffre d'affaires des secteurs de la distribution de vidéo physique (DVD, Blu-ray) et de la vidéo à la demande (VàD). Son taux est de 2 % (majoré à 10 % pour les oeuvres pornographiques ou d'incitation à la violence). L'article 30 de la loi de finances rectificative pour 2013 a étendu le champ de la taxe aux personnes, qu'elles soient établies en France ou à l'étranger. La Direction générale des finances publiques (DGFiP), qui est chargée du recouvrement de cette taxe, prélève 2,5 % au titre des frais de gestion.

Le chiffre d'affaires du marché de la vidéo physique a continué de reculer de manière importante en 2013 (-16,7 % en valeur par rapport à 2012, soit -24 % par rapport à 2011). Ce recul significatif concerne à la fois le DVD (-18,8 % en 2013 par rapport à 2012) et, pour la première fois depuis 2013, le Blu-ray (-8,5 % par rapport à 2012). Alors qu'il était en progression depuis 2008, le marché de la VàD payante a reculé pour la première fois en 2013 (-4,7 % par rapport à 2012).

Les prévisions pour 2015 sont fondées sur une hypothèse de recul du marché de la vidéo physique de 15 % et sur une stabilisation du marché de la VàD, ce qui conduit à estimer le produit brut 2015 de la taxe vidéo à 21,5 millions d'euros. Dans un tel schéma, les recettes nettes perçues par le CNC (après prélèvement par la DGFiP des frais de recouvrement de 2,5 %), s'élèveraient à 21 millions d'euros, en recul de 7 millions par rapport au budget initial pour 2014.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution du produit des taxes alimentant le fonds de soutien au cinéma, à l'audiovisuel et au multimédia de 2012 à 2013 (exécution), en budget 2014, en reprévision 2014 et en prévision 2015 :

Recettes des taxes affectées au Fonds de soutien

*Recettes diverses : taxes sur les films pornographiques ou d'incitation à la violence; sanctions pécuniaires prononcées par le CSA à l'encontre des éditeurs de services de télévision.

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

B. UN « ÉCOSYSTÈME » DE SOUTIEN PUBLIC MAINTENU SUR TOUTE LA CHAÎNE CINÉMATOGRAPHIQUE

1. Les dépenses d'intervention du CNC irriguent l'ensemble de l'activité cinématographique

Le CNC prévoit de mobiliser, l'an prochain, 630 millions d'euros de dépenses d'intervention en matière audiovisuelle et cinématographique ; si cet établissement relève désormais de la mission « Médias, Livre et Industries culturelles», votre rapporteur pour avis ne saurait faire l'économie d'un passage en revue de ces dépenses, qui structurent l'ensemble de la production et de la diffusion cinématographique.

Le fait marquant, c'est que le CNC, qui doit composer l'an prochain avec un nouveau recul des taxes qui lui sont affectées, choisit de maintenir l'ensemble de ses intervention, tout en continuant ses efforts de gestion et en mobilisant des ressources exceptionnelles dont il dispose encore.

Ainsi, le CNC prévoit de mobiliser en 2015 :

- 128,55 millions d'euros pour la production et la création cinématographiques (contre 143,3 millions cette année, un recul de 10,29 %) : 77,71 millions d'euros en aides automatiques et 44,74 millions d'euros en aides sélectives, dont 29 millions d'avance sur recettes et 7 millions pour le court métrage, 4,98 millions d'aide aux cinémas du monde et 2 millions pour les coproductions étrangères ;

- 256 millions d'euros pour la production et la création d'oeuvres audiovisuelles (contre 275 millions cette année, un recul de 6,9 %) : 204,4 millions d'aides automatiques, 46,8 millions d'aides sélectives et 4,76 millions de soutiens sélectifs à la création ;

- 13,8 millions d'euros pour les industries techniques et l'innovation (contre 14,8 millions cette année, un recul de 7 %), principalement pour accompagner la généralisation du numérique et le recours aux technologies les plus innovantes ;

- 42,69 millions d'euros pour la distribution cinématographique (contre 40,98 millions cette année, un recul de 4 %) , dont 32,89 millions de soutiens « automatiques » et 9,8 millions de soutiens « sélectifs » aux distributeurs de films ;

- 89,38 millions d'euros à l'exploitation cinématographique (contre 88,51 millions cette année, un recul de 1 %), dont 67,21 millions d'euros d'aides automatiques et 22,17 millions d'euros d'aides sélectives ;

- 25,38 millions d'euros au soutien sélectif à la diffusion du cinéma (contre 27,56 millions cette année, un recul de 7,9 %) : cette enveloppe regroupe des crédits destinés à la diffusion auprès des jeunes publics (dispositifs scolaires d'éducation à l'image), au financement de l'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC), du fonds Images de la culture (catalogue de films documentaires diffusés publiquement et gratuitement), au financement de la Cinémathèque française ainsi que d'actions en faveur du patrimoine cinématographique ;

- 14,5 millions d'euros pour l'édition et la vidéo à la demande (contre 13,8 millions cette année, un recul de 7 %) : cette aide, pour partie automatique, vise à structurer le secteur, à éditer des catalogues et le travail éditorial ;

- 24,17 millions d'euros pour la promotion du cinéma et de l'audiovisuel (contre 26,80 millions cette année, un recul de 9,8 %), dont 5,6 millions d'aides sélectives à l'exportation ;

- 4,65 millions d'euros pour la conservation numérique des Archives françaises du film (contre 5,2 millions cette année, un recul de 10,6 %) ;

- enfin, 30,4 millions d'euros d'autres interventions (contre 31,7 millions cette année, un recul de 4,2 %), dont 7,22 millions pour les fonds régionaux du cinéma, 6,05 millions pour les fonds régionaux audiovisuels, 8,02 millions pour l'école nationale du cinéma (ENSMIS) et 3,4 millions d'autres aides sélectives (Commission supérieure et technique de l'image et du son, Fonds « Images pour la diversité »...) 19 ( * )

Évaluation des dépenses du fonds de soutien pour 2015

(en euros)

Intitulé des actions

Budget 2013

Exécution 2013

Budget 2014

Reprévisions 2014

Prévisions pour 2015

Action n° 1

Production et création cinématographiques

137 860 000

119 090 818

143 290 000

141 540 000

128 551 000

Action n° 2

Production et création audiovisuelles

274 060 000

285 410 732

275 090 000

267 040 000

255 995 000

Action n° 3

Industries techniques et innovation

15 000 000

17 478 254

14 800 000

14 300 000

13 800 000

Action n° 4

Distribution, diffusion et promotion du cinéma et de l'audiovisuel

198 512 000

242 996 243

197 671 000

196 971 000

196 133 000

Action
n° 4 bis

Plan numérique

6 400 000

51 288 209

5 200 000

5 200 000

4 650 000

Action n° 5

Autres soutiens aux industries cinématographiques et audiovisuelles

35 968 000

56 273 102

31 749 000

31 749 000

30 413 000

Action n° 6

Fonction support

32 200 000

32 200 000

32 200 000

32 200 000

33 900 000

Totaux

700 000 000

804 737 357

700 000 000

689 000 000

663 442 000

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

2. Les investissements des chaînes de télévision, en forte baisse et partiellement obligés, continuent de jouer un rôle moteur dans le financement du cinéma français

En 2013 comme en 2012, les investissements des chaînes de télévision dans les films agréés diminuent globalement pour atteindre le niveau le plus bas depuis 2006 : 291,77 millions d'euros (-18,9 %) 20 ( * ) . Ceux des chaînes à péage reculent de 17,9 %, à 190,22 millions d'euros. Les investissements des chaînes historiques en clair enregistrent une baisse de 20,6 % pour atteindre 101,54 millions d'euros.

Cependant, les chaînes de télévision participent à la production des deux-tiers des films d'initiatives française 21 ( * ) et restent le premier contributeur de la production cinématographique : elles apportent 27,3 % du total des devis 2013, contre 32 % en 2012.

Ces chiffres d'ensemble recouvrent une évolution contrastée puisque les investissements par chaîne :

- progressent de 9,4 % et atteignent 37,4 millions d'euros pour TF1 (14 films contre 17 films en 2012 et 2011) ;

- reculent à France Télévisions (-31,6 %) pour atteindre 42 millions d'euros et se répartissent sur 48 films, contre 60 en 2012. Les investissements reculent de 14,3 % à France 3, avec 19,04 millions d'euros contre 22,21 millions en 2012 (pour 24 films, contre 26 films en 2012) et France 2 diminue ses investissements de 41,4 % avec 24 films produits pour 22,96 millions d'euros (contre 35 films en 2012) ;

- les investissements d'Arte passent de 6,55 millions d'euros en 2012 - 19 films dont 10 films d'initiative française (FIF) - à 7,67 millions en 2013 (25 films dont 17 FIF) ;

- M6, avec 10,48 millions d'euros et 12 films, diminue ses investissements dans la production cinématographique de moitié ;

- 126 films agréés en 2013 ont fait l'objet d'un préachat (dont 113 FIF) de Canal+ pour un montant global de 160,44 millions d'euros, en recul de 13,9 % par rapport à 2012. Ciné+ a investi 18,17 millions d'euros dans 105 films, dont 92 FIF. Sur ces derniers, l'intervention de Ciné+ recule à 17,23 millions d'euros (-25,7 %), pour un nombre de films en baisse également (-13,2 %) ;

- Orange Cinéma Séries a investi en 2013 dans 18 films (tous d'initiative française), pour un montant total de 11,56 millions d'euros (contre 18,52 millions en 2012).

Les nouvelles chaînes de la TNT très « consommatrices » de films contribuent modestement au financement des films mais augmentent leurs investissements en 2013. Ainsi, les nouvelles chaînes de la TNT gratuite apportent 3,99 millions d'euros (3,75 millions en 2012) sur 18 films (21 en 2012) soit 1,3 % (0,9 % en 2012) de l'ensemble des investissements des chaînes de télévision.

Ce recul de l'investissement s'accompagne d'une augmentation de l'offre de films à la télévision : les chaînes nationales gratuites et Canal + ont diffusé, au total, 2 847 films l'an passé, soit 17,6 % de plus qu'en 2012 ; cette progression est principalement due aux chaînes de la TNT privée gratuite, qui ont diffusé 1 238 oeuvres sont diffusées en 2013 (+ 328 films par rapport à 2012), soit 43,5 % de l'offre totale de films à la télévision. Le nombre de films diffusés sur les chaînes de France Télévisions (hors France Ô) diminue pour la quatrième année consécutive à 489 oeuvres en 2013 (-5 % par rapport à 2012).

3. Les fonds régionaux d'aide à la production et aux tournages en région, outils indispensables à la diversité du cinéma

Les fonds régionaux d'aide à la production en région sont un élément incontournable du financement du cinéma et de l'audiovisuel en France.

En 2013, les collectivités territoriales ont mobilisé 64,5 millions d'euros pour soutenir la production cinématographique et audiovisuelle, les trois-quarts en fonds propres et le quart restant en conventionnement avec le CNC. Cette participation régionale progresse de 2,2 %, après une hausse de 5,7 % entre 2011 et 2012. Cette participation a doublé en une décennie et les collectivités territoriales sont devenues de véritables leviers pour la production, surtout pour les films de moins de 4 millions d'euros ; les aides régionales ont représenté 2,1 % du financement des films de long métrage d'initiative française agréés en 2013 ; la présence d'une région au tour de table peut être décisive pour trouver des financements complémentaires.

Les collectivités territoriales - au premier chef, les régions - interviennent de l'amont des projets (aide à l'écriture et au développement) jusqu'au stade de la production. Elles ont mis en place des comités de lecture, composés majoritairement de professionnels, ainsi que des équipes de suivi des dossiers. Une concurrence se développe pour attirer les tournages, les collectivités territoriales financent des bureaux d'accueil des tournages (également appelés « commissions du film »), qui offrent aux professionnels du cinéma et de l'audiovisuel une assistance gratuite portant sur différents types de services, du repérage à la mise à disposition de locaux et facilitation de démarches administrative.

Dans le cadre des conventions pluriannuelles de développement cinématographique et audiovisuel, le CNC et les régions conjuguent leurs moyens, avec la règle du « 1 euro du CNC pour 2 euros de la région ».

En 2013, les 26 conventions conclues engagent un montant de 113 millions d'euros (soit 0,2 % de plus qu'en 2012) ; les montants engagés en 2013 par le CNC dans le cadre des avenants financiers atteignent 20,4 millions d'euros (dont 15,69 millions pour les fonds d'aide à la création et à la production et 4,68 millions pour les festivals et pour les cinémathèques).

4. La participation utile mais trop limitée des Sofica

Les sociétés de financement d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles (Sofica) collectent des fonds privés - ouvrant droit à réduction d'impôt sur le revenu 22 ( * ) - pour financer de la production cinématographique ou audiovisuelle (à 80 % dans des films d'initiative française), contre des droits à recettes des oeuvres cofinancées. À noter que la dépense fiscale est plafonnée chaque année.

En 2013, la collecte réalisée par les 11 SOFICA agréées s'est élevée à 61,5 millions d'euros. Elle a permis le financement de 152 oeuvres en contrats d'association à la production.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur les suites données aux appels récurrents à renforcer cet outil, qui paraît encore insuffisamment mobilisé.

Pour mémoire, la commission d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales avait, en 2011, très bien « noté » ce dispositif et la mission de MM. Jean-Frédérick Lepers et Jean-Noël Portugal sur L'avenir des industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel en France (2013) 23 ( * ) appelait à le modifier pour en renforcer l'efficacité. De fait, la mobilisation de ressources privées pour le cinéma dans notre pays, paraît bien moins efficace que chez nos voisins belges - le tax shelter wallon mobilise trois fois plus de fonds des entreprises que l'ensemble des Sofica françaises...

MM. Jean-Frédérick Lepers et Jean-Noël Portugal appellent à renforcer et à diversifier cet outil : « à l'heure du Web 2.0, du financement participatif et de la ludification, le système gagnerait à ouvrir sa fenêtre de collecte tout au long de l'année et à défricher de nouveaux modèles. Combiner incitation fiscale et attrait pour le cinéma (invitations, informations exclusives, visites de tournages, événements privés sur le web, festivals, etc.) est un levier puissant et déjà exploité, mais il est possible d'aller plus loin. De nouvelles relations entre producteurs, auteurs et public peuvent être explorées. Sans déroger au cahier des charges des Sofica, il y a place pour des modèles hybrides combinant collecte de fonds, ingénierie de production et fonction de plateforme permettant aux investisseurs d'interagir entre eux et avec les porteurs de projets. Les Sofica sont une passerelle de participation économique entre le public et la production ».

C. UNE TVA RÉDUITE ET DES CRÉDITS D'IMPÔT, LEVIERS DE DÉVELOPPEMENT DE LA FILIÈRE ET DES TERRITOIRES

1. Une TVA réduite, au service d'une diffusion plus large du film en salle

La loi de finances pour 2014 (article 7) a ramené à 5,5 % (au lieu de 10 %) le taux de TVA applicable aux billets d'entrée dans les salles de cinéma.

En évaluant l'impact de ce taux réduit, le ministère des finances escomptait une baisse de 12 centimes du prix unitaire moyen du billet (soit -1,9 %), pour un coût budgétaire de 55 à 60 millions d'euros . Cependant, l'effet du taux réduit de TVA est allé bien au-delà, puisque les acteurs de la filière ont su l'utiliser comme levier de diffusion du cinéma, avec l'opération « 4 euros pour les moins de 14 ans ».

Cette opération, issue de la concertation avec les exploitants de salles, a rencontré un véritable succès public : selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, plus de huit millions de billets ont été vendus dans ce cadre, occasion pour les plus jeunes de se rendre (davantage) au cinéma en famille. Lors de son audition par votre commission de la culture, Mme Frédérique Bredin, présidente du CNC, a souligné l'importance de cette opération pour la diffusion des films en salle et souhaité sa reconduction pour les années à venir.

2. Des crédits d'impôt efficaces pour la localisation des tournages, outils du développement de la filière et des territoires

Le crédit d'impôt cinéma

Institué en 2004 24 ( * ) , ce crédit d'impôt est accordé aux producteurs délégués, avec comme assiette les dépenses effectuées en France pour la production de films ayant accès au soutien automatique à la production de films de long métrage ; il est égal à 20 % du montant total des dépenses éligibles qui ne peuvent représenter plus de 80 % du budget de production et, en cas de coproduction internationale, plus de 80 % de la part française. Il ne peut avoir pour effet de porter le montant total des aides publiques à plus de 50 % du coût de production du film (conformément aux règles communautaires en matière d'aides d'État). Son plafond a été rehaussé au 1 er janvier 2013, de 1 à 4 millions d'euros par oeuvre , puis le collectif budgétaire de 2013 a augmenté le taux du crédit d'impôt à 30 % pour les films dont le coût de production est inférieur à 4 millions d'euros. Le périmètre des dépenses éligibles s'est progressivement élargi 25 ( * ) .

Sont éligibles au crédit d'impôt cinéma les films remplissant les conditions d'accès au soutien financier automatique à la production du CNC, réalisés intégralement ou principalement en langue française et contribuant au développement de la création cinématographique française et européenne ainsi qu'à sa diversité.

Depuis 2004, le crédit d'impôt cinéma a bénéficié à 56,3 % des films d'initiative française produits (76,7 % des films d'animation). D'utilisation simple et prévisible, ce mécanisme est très largement utilisé dans la production ; entre 2005 et 2013, il a représenté en moyenne 7,8 % du coût total des films .

Le montant total de crédit d'impôt cinéma attribué chaque année a progressé régulièrement jusqu'en 2009, passant de 20,6 millions d'euros en 2005 à 54,1 millions d'euros en 2009, avant de connaître une évolution plus erratique entre 2010 et 2013, variant entre 36,5 et 56,6 millions d'euros selon les années .

Le crédit d'impôt international

Introduit en 2009 et codifié à l'article 220 quaterdecies du code général des impôts (CGI), le crédit d'impôt international (C2I), vise les films étrangers tournés pour tout ou partie en France (5 jours minimum de tournage), initiés par une société étrangère, et comportant des éléments rattachés à la culture, au patrimoine ou au territoire français, conformément à un barème de points spécifique à chaque genre. Les oeuvres éligibles sont agréées par le CNC, le C2I s'élève à 20 % du montant total des dépenses éligibles, qui ne peuvent représenter plus de 80 % du coût de production. Initialement fixé à 4 millions d'euros, son plafond a été relevé à 10 millions d'euros au 1 er janvier 2013 puis à 20 millions d'euros à compter du 1 er janvier 2015 26 ( * ) ; les dépenses éligibles ont été élargies et incluent depuis les frais d'hébergement des équipes artistiques.

Entre 2009 et fin 2013, 72 oeuvres ont bénéficié du C2I, issues de quinze pays (la moitié des films provenant des États-Unis, le quart de la Grande-Bretagne) et générant quelque 365 millions d'euros de dépenses en France. Le montant annuel de crédit d'impôt attribué est passé de 5,2 millions d'euros en 2009 à 15,6 millions d'euros en 2013 .

Prévisions de dépenses fiscales pour 2015 dont l'objet principal contribue au soutien
des industries cinématographiques et audiovisuelles

(en millions d'euros)

Intitulé de la mesure

Chiffrage définitif pour 2013

Évaluation actualisée pour 2014

Évaluation pour 2015

Réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de sociétés anonymes agréées ayant pour seule activité le financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA)

22,1

21,2

22,7

Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques

58,8

60,7

64-66

Crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles

55,6

60,5

72

Crédit d'impôt pour dépenses de production de jeux vidéo

3

2,9

8

Crédit d'impôt pour dépenses de production films étrangers tournés en France

12,5

15,6

18

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

II. LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE FRAGILISANT LES SOURCES DE FINANCEMENT DU FONDS DE SOUTIEN, DES RÉFORMES DEVIENNENT URGENTES POUR PRÉSERVER LES PRINCIPES MÊMES DU SOUTIEN PUBLIC AU CINÉMA

Ce constat est désormais largement partagé parmi les professionnels du cinéma : la révolution numérique, en modifiant la façon de fabriquer des films et, surtout, de les diffuser et de les regarder, fragilise notre système vertueux de préfinancement des oeuvres cinématographiques en tarissant les sources de son financement ; il est devenu nécessaire, pour en préserver les principes - le préfinancement, la mutualisation, la progressivité, la diversité -, pour promouvoir une exception culturelle qui ne soit pas qu'une barrière réglementaire décalée des usages sociaux, de l'adapter à ce cadre nouveau où le spectateur est plus autonome, où il « navigue » désormais dans une offre bien plus étendue et globalisée.

Les propositions de réformes sont nombreuses, nécessairement contradictoires au moment où « les cartes sont redistribuées » sur la chaîne de valeur. Votre rapporteur pour avis estime que cet état de fait rend l'intervention de l'État plus nécessaire : pour faciliter et faire respecter les accords utiles aux professions et à l'activité cinématographiques dans leur ensemble, mais aussi pour assurer , à l'intérieur de nos frontières comme dans l'enceinte européenne, que nos règles soient pertinentes dans leur environnement désormais globalisé .

A. LES SOURCES DE FINANCEMENT DU FONDS DE SOUTIEN SONT FRAGILISÉES PAR LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Les Assises pour la diversité du cinéma français (2013) ont fait apparaître un large consensus parmi les professionnels, de ce que l'ensemble du système vivait sous la menace de ruptures majeures : les sources de financement du cinéma se tarissent sous l'effet conjugué de plusieurs facteurs :

- l'érosion des audiences du cinéma sur les chaînes de télévision généralistes : celles-ci déclarent perdre de l'argent en diffusant les films qu'elles préachètent, c'est-à-dire ne pas couvrir ces achats par de la diffusion publicitaire ; de 2008 à 2012, ces pertes s'élèveraient à 119 millions d'euros pour TF1 (24 millions d'euros par an) et à 45 millions d'euros pour M6 (9 millions d'euros par an) ;

- l'effondrement du chiffre d'affaire du secteur de l'édition vidéo (-50 % de son chiffre d'affaires en dix ans) réduit tout à-valoir assis sur les recettes vidéos (ce qui n'empêche pas que des éditeurs disposant de catalogues importants, puissent gagner de l'argent avec l'édition vidéo) ;

- les chaînes de France Télévisions perdent de l'argent dans leurs obligations de coproduire des films de cinéma : ces pertes représenteraient 40 % de leurs investissements pour France 2 et France 3 ;

- la pression exercée par le recul du chiffre d'affaires de la publicité pour les chaînes en clair, les annonceurs se tournant davantage vers les nouveaux médias ;

- le poids croissant de la télévision de rattrapage (TVR), qui diminue l'attractivité de la télévision en direct, donc la valeur commerciale qui est attachée à la diffusion des films de cinéma à la télévision.

Surtout, les changements de pratiques, permis par la révolution numérique en cours, ont des incidences profondes sur notre système de production cinématographique.

Changement majeur, la télévision devient à la demande : le spectateur peut désormais accéder au contenu de son choix, partout où il se trouve; télévision de rattrapage, vidéo à la demande, streaming, téléviseurs « intelligents », ordinateurs, smartphones : en quelques années, les techniques de diffusion et de réception ont été bouleversées, le spectateur y gagne en autonomie, la télévision se regarde en décalé et le spectateur devient son propre programmateur, sur tous les supports. Les chaînes de télévision s'adaptent, elles font plus de place à leurs téléspectateurs via les réseaux sociaux, mais en leur donnant aussi toujours plus de moyens pour s'autonomiser (offre gratuite de « rattrapage », regroupement offre internet/télévision).

Cette transformation des comportements a une incidence sur chacun des supports participant au financement de la production cinématographique . Le plus marquant, c'est que le cinéma perd de son attrait à la télévision, parce qu'il est visible sur le marché avant de passer sur les antennes. Il n'est que de voir comment, aux États-Unis par exemple, les principales chaînes ne diffusent plus de films, lesquels ont trouvé leur place dans des cases spécifiques de chaînes spécialisées. Dès lors, les chaînes de télévision, vont nécessairement perdre de l'intérêt à financer de la production cinématographique. Pour les chaînes publiques et pour Canal+, les obligations vont apparaître de plus en plus décalées par rapport aux avantages. Paradoxalement, c'est au moment où la salle de cinéma a reconquis son public que le cinéma est menacé dans sa production même.

B. DES RÉFORMES DEVENUES URGENTES, POUR MAINTENIR UN SYSTÈME VERTUEUX POUR L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE

À l'issue des Assises pour la diversité du cinéma, René Bonnell a formulé 50 propositions concrètes pour adapter notre modèle de financement de l'industrie cinématographique à l'ère du numérique. Ces propositions portent principalement sur :

- un partage plus équilibré des risques , fondé sur une transparence accrue (rendus de comptes, audits plus fréquents) et une maîtrise des coûts de production (présentation modifiée des devis, modulation des financements encadrés en fonction des pratiques) ;

- une diversification du financement de la production : réorientation du préfinancement (préachat des chaînes de télévision, SOFICA, soutien public), apport de capitaux complémentaires ( crowdfunding , modèle alternatif de production intégrant la distribution) ;

- un développement des différents marchés de la diffusion des films : chronologie des médias, aménagement de la distribution des films de la diversité dans les salles, soutien et contribution accrue de la vidéo à la demande et de l'export dans l'économie des films.

Dans cet ensemble complet de réformes devenues nécessaires, votre rapporteur pour avis souligne ici quatre points qui devront faire l'objet d'une grande vigilance tout au long de l'année 2015.

Dans sa réunion du 19 novembre 2014, la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sur proposition de son rapporteur pour avis, a adopté un amendement élevant à 20 millions d'euros le plafond de crédit d'impôt qu'un producteur établi en France peut obtenir sur les dépenses engagées sur le territoire national pour la production d'une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle - soit le même plafond que celui du crédit d'impôt dit « international », visant les producteurs établis hors de France.

1. S'engager, pour plusieurs années, à laisser au CNC l'intégralité des taxes qui lui sont affectées

Le projet de loi de finances pour 2015 ne prévoit aucun écrêtage ni ponction sur les taxes affectées au CNC et qui abondent le fonds de soutien. Votre rapporteur pour avis s'en réjouit et considère que cela devrait être la règle, y compris lorsque la ressource publique est rare.

De fait, ces taxes affectées, en abondant le fonds de soutien, constituent une épargne forcée pour l'investissement dans l'activité cinématographique , laquelle, on le sait, a un effet de levier sur le développement territorial dans son ensemble. Cette épargne n'a rien d'un « trop perçu » ni d'un « magot » qu'il serait légitime de reverser au budget de l'État ; c'est plutôt une provision pour investissement , dont l'usage est restreint à l'activité cinématographique : les industriels de l'image et les spectateurs du cinéma, lorsqu'ils paient les taxes (la TST, la TSA...), contribuent au développement du cinéma et cette contribution est vertueuse puisqu'elle provisionne la production, tout redistribuant une petite partie des bénéfices (des films à succès, vers les films qui ne le rencontrent pas).

Le prélèvement, dans ces conditions, n'est donc guère incitatif ; il est même contreproductif, puisqu'en plus de rogner un levier d'investissement direct dans l'industrie cinématographique, il « sanctionne » le secteur s'il obtient de bons résultats : à confisquer les provisions de la filière, on ne fait que la décourager de ses efforts et de ses bons résultats.

C'est d'autant plus vrai dans une période de « repli » comme celle que nous traversons. Les chiffres de l'année 2014 , qui ne seront établis définitivement qu'au printemps prochain, sont alarmants : à part la fréquentation des salles de cinéma, qui continue de progresser - car les salles ont été numérisées, c'est encore un acquis du soutien public à cette transition qu'aucun autre pays européen n'est parvenu à faire -, tous les indicateurs de l'industrie cinématographique sont inquiétants. Selon les avis convergents de représentants de la production, de la diffusion et du CNC, les investissements pourraient reculer entre le quart et le tiers en 2014 par rapport à 2013.

Le cinéma étant un marché d'offre, les conséquences en chaîne de ce repli seront importantes : l'industrie cinématographique française pourrait être au seuil d'une crise majeure, telle qu'elle n'en a pas connu depuis des décennies.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis s'est ému des deux amendements adoptés par la commission des finances, l'un pour « écrêter » la taxe sur les services de télévision 27 ( * ) , l'autre pour opérer un prélèvement de 61,5 millions d'euros sur le fonds de roulement du CNC 28 ( * ) .

En effet, la commission des finances indique que le CNC n'ayant pas, comme inscrit dans le tome I « Voies et Moyens » du projet de loi de finances pour 2015, effectué une contribution exceptionnelle de 60 millions d'euros, il convient de « mettre en cohérence le projet de loi de finances pour 2015 avec les documents budgétaire s ». Or, le CNC a dû effectivement « recadrer » ses dépenses d'intervention en tablant sur 630 millions d'euros de taxes affectées au lieu de 700 millions.

De fait, la TST-D avait été « calibrée » fin 2013 pour un rendement de 270 millions d'euros et c'est sur cette base que le CNC a établi ses programmes d'intervention, en particulier les soutiens automatiques. Or, dès le mois de mai dernier, les premiers acomptes ont montré que le rendement de la TST-D ne dépasserait pas 200 millions d'euros et qu'il manquerait donc 70 millions au budget sur lequel le CNC engageait l'action. Dans ces conditions, le Gouvernement a rendu l'arbitrage suivant : la TSD n'est pas augmentée (ce qui était techniquement possible de faire), mais le fonds de soutien sera intégralement « entre ses mains », sans prélèvement - et sans non plus d'écrêtement.

Pour votre rapporteur pour avis, cette double initiative de la commission des finances est malheureuse et dangereuse. Malheureuse, parce qu'elle démontre combien le système vertueux de soutien à l'industrie cinématographique est mal compris au sein même de la représentation nationale ; dangereuse, parce qu'un tel prélèvement fragiliserait le cinéma français au pire des moments et ferait douter l'ensemble de la filière sur la sincérité de l'engagement de l'État.

Le CNC a déjà largement contribué aux efforts d'économies et de rationalisation de la dépense publique : 300 millions d'euros ont été prélevés ces dernières années, des réformes sont engagées pour plus de transparence sur l'ensemble de la chaîne de valeur . Et ce nouveau recul de la TST-D l'oblige à un nouvel effort : cette année, ses dépenses prévisionnelles d'intervention reculent de 10 % (voir supra) , quand, on le répète, les investissements sont en repli important . Un nouveau prélèvement et un « écrêtage » seraient un mauvais coup porté à l'industrie cinématographique et à l'intérêt même de notre pays.

Dans ces conditions, l'ensemble de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, par un vote des membres présents le mercredi 19 novembre 2014, a souhaité que la commission des finances revoie sa position et appelé chacun à voter contre les deux amendements en question.

2. Assouplir la chronologie des médias

La chronologie des médias est un pilier du système vertueux de préfinancement des oeuvres cinématographiques en France ; renouvelée par la loi « Hadopi » du 12 juin 2009 (articles L. 231-1 à L. 234-2 du code du cinéma et de l'image animée) et fixée par l'accord interprofessionnel du 6 juillet 2009 (étendu par arrêté ministériel), elle définit des « fenêtres d'exploitation » des oeuvres soutenues par des chaînes de télévision soumises à des obligations de production et de diffusion ; pour être viables, ces fenêtres doivent être proportionnelles à ces obligations, mais aussi cohérentes entre elles et adaptées au marché de la diffusion. C'est ici que le bât blesse, chaque année davantage : la révolution numérique bouleverse les conditions de diffusion, on voit désormais des films sur de très nombreux supports, partout, mais aussi dans des délais de plus en plus courts - en particulier du fait du piratage.

Depuis l'accord de juillet 2009, les films peuvent être commercialisés dans les délais suivants, à compter de leur sortie en salle :

- DVD et Vidéo à la demande (VàD): quatre mois, avec possibilité d'une dérogation à trois mois pour les films ayant généré un faible public en salle (seuil réglementaire) ;

- télévision payante, en première diffusion : 10 mois, ou 12 mois en cas d'absence d'accord avec les organisations professionnelles du cinéma ; pendant la période d'exclusivité de Canal+, la fenêtre d'exploitation est gelée et toute exploitation en VàD doit être interrompue ;

- télévision payante (2 e diffusion) et télévision en clair et autre services payant consacrant au moins 3,2 % de leur chiffre d'affaires à la coproduction : 22 mois ou 24 mois en cas d'absence d'accord avec les organisations professionnelles du cinéma ;

- télévision en clair et autre services payant consacrant moins de 3,2 % de leur chiffre d'affaires à la coproduction : 30 mois ;

- vidéo à la demande par abonnement : 36 mois ;

- vidéo à la demande gratuite : 48 mois.

Le tableau ci-après présente les différentes « fenêtres » d'exploitation :

La chronologie des médias

Fenêtre d'exploitation

Accord de 2009

Situation antérieure

Sorties en salle

J = sortie en salles

vidéo physique (fixée par la loi)

J+4 mois
(dérogation possible à 3 mois)

J + 6 mois

VàD à l'acte

J + 33 semaines

première fenêtre TV payante de cinéma

en cas d'accord avec les organisations professionnelles du cinéma

J + 10 mois

J + 12 mois

dans le cas contraire

J + 12 mois

seconde fenêtre TV payante de cinéma

en cas d'accord avec les organisations professionnelles du cinéma

J + 22 mois

J + 24 mois

dans le cas contraire

J + 24 mois

services de télévision en clair et autres services payants

s'ils consacrent 3,2 % de leur chiffre d'affaires à la coproduction d'oeuvres cinématographiques

J + 22 mois

J + 24 mois (films coproduits)
J + 36 mois (autres films)

dans le cas contraire

J + 30 mois

J + 36 mois

VàD par abonnement

J + 36 mois

J + 36 mois

VàD gratuite

J + 48 mois

N A

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

Reconduite chaque année depuis 2009, cette chronologie fait l'objet d'un débat de plus en plus intense, une partie des professionnels demandant un raccourcissement du délai à 18 mois, contre 36 mois aujourd'hui, pour la diffusion des films aux services de vidéo par abonnement (le rapport Lescure va également dans ce sens).

Dans une lettre à la ministre de la culture et de la communication, datée du 17 octobre 2014, un ensemble très large de professionnels 29 ( * ) demande « le dégel total des droits » sur la vidéo à la demande payante à l'acte , de manière à ce que les films puissent être continument achetables en vidéo - et non pas « gelés » - le temps de leur diffusion à la télévision.

Ce raccourcissement stimulerait le marché de la vidéo en ligne, puisque des films plus récents y figureraient . Il constituerait également, selon ses partisans, un atout contre le piratage puisque l'offre légale ne serait pas « défaillante » pendant la fenêtre d'exploitation. Cependant, cette présentation plus rapide sur le marché de la vidéo fragiliserait les chaînes en clair (dès lors qu'elles continueraient de devoir attendre 30 mois) et Canal+, qui fait valoir que ses obligations importantes de production sont liées à cette protection de trois ans. De plus, les opposants à ce « dégel » soulignent que les films concernés sont accessibles en ligne - pour les abonnés de ces chaînes -, que le piratage est fonction de la présence d'un film sur internet plutôt que de son absence. Surtout, ils s'alarment de ce que l'absence de délai ne fasse avant tout le jeu des grands opérateurs de la vidéo en ligne, tels Netflix et Lovefilm (Amazon), qui disposent de moyens bien supérieurs aux opérateurs français sur le marché de la vidéo en ligne - et qui ne participent guère au financement de l'activité cinématographique dans notre pays.

Dans ces conditions, le Fonds de soutien y perdrait, sauf si l'on parvenait à soumettre ces grands opérateurs internationaux - qui n'éditeront très probablement pas leur catalogue en France - à un minimum d'obligations de production et de cotisation. La mise en oeuvre de telles obligations suppose également de connaître le chiffre d'affaires que ces entreprises réalisent en France : l'harmonisation, au 1 er janvier prochain, de la TVA dans l'Union européenne, va dans ce sens.

Ce débat, continu depuis la signature de l'accord de 2009, concentre toute l'attention des professionnels et paraît devenir de plus en plus tendu à mesure de n'être pas conduit à son terme.

Pour votre rapporteur pour avis, il est devenu évident que la chronologie des médias actuelle n'est guère tenable et qu' il y a effectivement intérêt à soutenir la présence des films sur le marché de la vidéo en ligne, dans des délais plus courts qu'aujourd'hui. Cependant, il est tout aussi évident que ce changement des règles doit s'accompagner de compensations pour les chaînes de télévision, au premier chef Canal+, qui fait valoir avec raison que le raccourcissement change l'équilibre économique de sa participation - essentielle - au financement du cinéma français.

La décision, cependant, appartient aux professionnels eux-mêmes, qui ont à charge de renégocier, ou non, l'accord passé en 2009 - et reconduit tacitement chaque année.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'utilité qu'il y aurait à limiter dans le temps la validité d'un tel accord professionnel : une échéance légale de trois ans, par exemple, n'éviterait-elle pas à la chronologie des médias un décalage avec les usages, tel qu'il existe actuellement ?

3. Conforter les obligations des chaînes de télévision

Comment faire face à l'inéluctable baisse de la participation des chaînes de télévision au financement de la production cinématographique ?

Le mode de calcul des obligations de production et de diffusion des chaînes de télévision en clair apparaît de plus en plus décalé avec le rôle que le cinéma joue sur leurs antennes ; dans le même temps, le cinéma participe activement à la percée des chaînes de la TNT gratuite : comment adapter nos règles à cette nouvelle donne ?

Le rapport Bonnell, qui pose ces questions, suggère plusieurs pistes pour « redessiner les obligations des chaînes de télévision », leur niveau de détail témoigne du long travail préparatoire à ce rapport. Quelle suite donner, en particulier, à la proposition de décloisonner les obligations au sein de chaque groupe de télévision ? L'idée serait de faire peser les obligations sur les groupes, à charge pour eux de les répartir entre les différentes chaînes, avec ventilation du financement : ne serait-ce pas leur faciliter l'exposition même des films, donc conforter leur participation au financement de la production cinématographique ?

Autre proposition, faut-il faire participer davantage les chaînes de TNT au préfinancement des films ? Un simple relèvement des obligations paraît y suffire : est-il à l'ordre du jour ?

Enfin, quelles inflexions donner aux obligations de production pour Canal+, qui joue un rôle essentiel dans le financement du cinéma français ?

4. Améliorer les crédits d'impôt cinéma, au service de l'activité cinématographique dans l'Hexagone

Dans une étude récente commandée à un bureau d'études externe, le CNC fait la synthèse suivante de l'impact positif des crédits d'impôts 30 ( * ) :

- le crédit d'impôt cinéma relocalise des tournages de long métrages : depuis la mise en place du dispositif début 2004, la part des jours de tournage réalisés en France pour les films de fiction a augmenté sensiblement, passant de 65,1 % en 2003 à 75,5 % en 2013. Il a eu un impact favorable sur l'emploi : entre 2004, année de mise en place du crédit d'impôt cinéma et 2012, les effectifs totaux d'emplois permanents et intermittents déclarés dans la production de films pour le cinéma ont connu une augmentation de 38 %, passant de 49 000 emplois à 68 000. Enfin, il abonde les recettes de l'État : en 2013, pour un crédit d'impôt de 42 millions d'euros, les films concernés ont occasionné quelque 491 millions d'euros de dépenses en France, entrainant elles-mêmes des recettes de l'État estimée à 129 millions d'euros : pour un euro de crédit d'impôt cinéma, 11,6 euros de dépenses seraient réalisées dans la filière et 3,1 euros de recettes fiscales et sociales seraient perçues par l'État ;

- le crédit d'impôt international (C2I) attire des tournages étrangers et ce surcroît d'activité profite à l'ensemble de notre industrie cinématographique et audiovisuelle , renforçant le taux d'utilisation des moyens techniques et des compétences. Le dispositif est monté en régime depuis 2009, les dépenses effectuées en France par les tournages concernés passant de 33 millions d'euros à 110 millions d'euros, avec un effet positif sur l'emploi (130 000 journées d'intermittents par an en moyenne depuis 2009) et sur la technicité de la filière dans le secteur de l'animation et des effets visuels numériques. Le C2I aurait également un solde positif pour les recettes de l'État : en 2013, pour 15,6 millions d'euros de C2I, l'État aurait perçu des recettes estimées à 41,4 millions d'euros sur les quelque 110 millions d'euros de dépenses occasionnées par les neuf films concernés, tous à gros budget, et plus de 3 600 emplois intermittents auraient été générés par les films ayant bénéficié du C2I en 2013.

Or, l'analyse comparée des incitations fiscales montre que nos dispositifs sont moins attractifs, en particulier que ceux de nos voisins belges et allemands, qui présentent des avantages comparatifs à nos frontières mêmes :

- le crédit d'impôt cinéma est moins élevé qu'ailleurs , rapporté au coût de production : 7,9 %, contre 18,9 % en Belgique et 12,2 % en Allemagne ; les dépenses prises en compte sont également moins larges et les plafonds plus bas que chez nos concurrents . Enfin, son taux est moins favorable qu'en Belgique, qui prévoit un seuil jusqu'à 45 % ;

- le C2I est également moins favorable que les dispositifs de nos concurrents les mieux offrants - qui ne distinguent pas tous les avantages selon la « nationalité » du film.

Ces éléments sont très importants pour l'ensemble de l'activité cinématographique dans notre pays. La concurrence pour la localisation des tournages a profondément changé ces dernières années et cette accélération est liée, elle aussi, à la révolution numérique : les techniques numériques rendent beaucoup plus simple de tourner loin des lieux où l'action du film se déroule, de même que le transport des données numériques rend le travail à distance bien plus aisé. Dans ces conditions, le critère financier prend plus d'importance encore et les productions comparent les avantages fiscaux, par nature prévisibles. Depuis quelques années, la concurrence fiscale pour attirer des tournages est très active, avec des effets directs sur l'activité des pays les « mieux offrants » 31 ( * ) . C'est bien le signe d'une évolution très rapide de l'activité cinématographique, dont il faut prendre l'entière mesure, faute de quoi la France perdra les atouts patiemment construits depuis les débuts de l'histoire du cinéma.

Pour y faire face, nous avons relevé l'an passé, à 4 millions d'euros, le plafond des dépenses prises en compte dans le crédit d'impôt cinéma (au lieu de 1 million d'euros), de même que le plafond pour le C2I (10 millions d'euros en 2013, puis 20 millions d'euros en 2014). Ces niveaux, cependant, présentent encore deux défauts importants :

- ils ne sont pas suffisants face à la concurrence : l'étude comparative réalisée pour le CNC montre bien la moindre incitation fiscale de tourner en France ;

- ils introduisent de l'incohérence puisque le C2I est plus favorable que le crédit d'impôt « pour les nationaux » : votre rapporteur pour avis a été saisi de cas où il serait plus intéressant de passer par une société étrangère que par une société française, pour un tournage réalisé en France.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis estime qu'il est devenu nécessaire, et urgent, d'améliorer notre dispositif d'ensemble :

- en élevant les plafonds des crédits d'impôt et en élargissant l'assiette des dépenses retenues : l'assiette pourrait être élargie aux dépenses à caractère social, c'est-à-dire l'ensemble des dépenses d'interprétation - cachets de petits rôles, dépenses de figuration, acteurs de post-synchronisation, cascadeurs - mais aussi aux dépenses de droit d'auteur, sous réserve qu'ils soient fiscalement domiciliés en France (photographes, traducteurs, sous-titrages, oeuvres musicales préexistantes), aux frais de commission versés aux agents artistiques et aux dépenses à caractère logistique (frais de cantine, frais d'hébergement, frais de déplacement du personnel, frais de location de matériel de régie, dépenses annexes aux décors) ;

- en assurant une cohérence entre les différents types d'impôts, ceux qui visent les films français et ceux visant les films étrangers . Votre rapporteur pour avis estime légitime que les films français tournés en France bénéficient du même traitement que les films américains tournés en France, ce qui n'exclurait plus les films dont le budget est ambitieux, favoriserait la relocalisation des tournages et donc l'emploi.

Et c'est sur la proposition de son rapporteur pour avis que votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, réunie le 19 novembre 2014, a adopté un amendement élevant à 20 millions d'euros le plafond de crédit d'impôt qu'un producteur établi en France peut obtenir sur les dépenses engagées sur le territoire national pour la production d'une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle - soit le même plafond que celui du crédit d'impôt dit « international », visant les producteurs établis hors de France.

5. Renforcer le soutien à l'exportation du cinéma français

Comme le note la Cour des comptes dans son rapport d'avril 2014 32 ( * ) , « l'augmentation des ventes à l'international (devient) indispensable au préfinancement et à la rentabilisation » de films qui ne peuvent plus se contenter du marché français. Dès lors, comment élargir les débouchés du film français à l'étranger ?

Le rapport de la Cour des comptes et le rapport Bonnell soulignent que le soutien à l'exportation est le parent pauvre du soutien public à l'activité cinématographique : les aides à la promotion et à l'exportation représenteraient entre 0,5 % et 2,5 % du volume des ventes (hors coproduction) de films et de programmes à l'international En 2010, 82 exportateurs porteurs de 328 projets se seraient partagé 3,1 millions d'euros d'aides du CNC à la promotion et à l'exportation des films, soit un montant moyen de 9 500 euros par film 33 ( * ) . La Cour des comptes précise que le soutien à l'exportation est « fragmenté et peu lisible » parce que notre politique de soutien a été construite pour protéger notre marché domestique des films américains, bien davantage que pour promouvoir, à l'étranger, des oeuvres et des programmes français.

La Cour estime que « la multiplicité d'intervenants dans le soutien à l'exportation des films et des programmes audiovisuels est une source de complexité, voire de redondance : par exemple Unifrance Films et l'Institut français peuvent mener des opérations similaires de sensibilisation au cinéma français (...) tandis qu'Unifrance et le CNC proposent tous deux des aides au sous-titrage ». Dès lors, il apparaît redondant de maintenir deux canaux de soutien très proches, qui sont du reste financés par la même source, le CNC...

La Cour suggère dès lors des pistes de réforme réalistes, composant avec les outils déjà en place :

- la poursuite de l'effort de clarification des compétences voire le rapprochement entre les principaux acteurs intervenant dans ce secteur - UniFrance, l'Institut français et TVFI en particulier - pour éviter les redondances ;

- le basculement des moyens actuels sur le Fonds d'avance remboursables pour l'acquisition, la promotion et la prospection de films à l'étranger (Farap) mis en place fin 2013 34 ( * ) , d'une part, et sur un soutien sélectif ponctuel géré par une commission unique (sous l'égide du CNC, d'Unifrance ou de TVFI).

D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, le CNC se serait saisi de ces pistes de réforme Il sera utile d'en suivre le déroulement dans les tout prochains mois, tant une telle réforme paraît accessible, peu onéreuse et utile, dès lors qu'elle se règle sur les besoins des professionnels et des films.

*

* *

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2015, sous réserve de l'adoption des trois amendements que la commission a adoptés le mercredi 19 novembre 2014.

*

* *

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2015 .

EXAMEN EN COMMISSION

_______

MERCREDI 19 NOVEMBRE 2014

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner les crédits des trois programmes de la mission « Culture ». Je cède d'abord la parole à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 175 « Patrimoines ».

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines » . - Les crédits du programme « Patrimoines » évoluent de la façon suivante en 2015 : -2 % en autorisations d'engagement (AE) avec 745,57 millions d'euros, et +0,6 % des crédits de paiement (CP) avec 751 millions d'euros. Si les crédits sont globalement stables, leur évolution varie fortement d'une action à l'autre.

En observant les subventions aux opérateurs du programme 175, on constate que les efforts qui leur sont demandés sont moins importants que les années précédentes. Deux baisses significatives de crédits sont à signaler : une diminution d'un million d'euros pour le Musée d'Orsay et de deux millions d'euros pour le Musée du Louvre. Ces établissements ont en effet mis en oeuvre des politiques audacieuses visant à assurer leur autofinancement, notamment par une démarche de « labellisation ».

Les arbitrages relatifs aux emplois de titre 2 n'ont pas encore été rendus, mais le ministère a indiqué que le maintien des effectifs placés au contact du public était une priorité d'ores et déjà acquise. En outre, dans le cadre de l'ouverture sept jours sur sept des établissements publics de Versailles, du Louvre et d'Orsay, les emplois nécessaires seront progressivement mis en place. J'observe que certains établissements souhaiteraient pouvoir bénéficier d'une marge de manoeuvre plus grande sur les emplois de titre 3 qu'ils auto-financent, car bien souvent, ils doivent faire face à des vacances de poste durables sur les emplois de titre 2. Cela serait également le gage d'une plus grande souplesse dans leur gestion. Espérons que les mesures catégorielles décidées en matière de ressources humaines pour 2015 permettront de revaloriser les postes en question et d'attirer de nouvelles candidatures.

Je souhaiterais dire un mot du Centre des monuments nationaux (CMN), qui jouit d'une situation financière excellente et de crédits constants, alors même que son périmètre a récemment été élargi. Après le domaine national de Rambouillet en 2009, le fort de Brégançon a rejoint le CMN. Ces élargissements ont été réalisés à budget constant, hormis pour le fort de Brégançon pour lequel un transfert de crédits de 175 000 euros est intervenu en provenance du ministère de la défense, qui assurait jusqu'ici l'entretien du monument.

Le CMN s'est surtout vu confier, cette année, une nouvelle mission par le Président de la République. En effet, il devra assurer la gestion de l'hôtel de la Marine que nous avions visité, il y a quelques années, alors qu'une polémique était née au sujet de sa reprise par une entreprise privée. Le CMN aura pour mission de rendre accessible au plus grand nombre les appartements historiques de l'hôtel et notamment les salons d'apparat. Le reste des espaces, soit 8 000 mètres carrés, seront composés de bureaux et locaux techniques loués à des opérateurs privés. Le coût du projet a été évalué à 59 millions et devrait faire l'objet d'un financement mobilisant des subventions versées par le ministère, le fonds de roulement du CMN et un emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations. La subvention d'investissement du CMN passe cette année de 18 à 18,5 millions d'euros et la subvention de fonctionnement à 9 millions d'euros. L'organisation d'un tirage exceptionnel du Loto à son profit lors des journées du patrimoine, comme l'évoque l'article 50 bis du projet de loi de finances, permettrait de lui apporter une ressource supplémentaire et je vous proposerai donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article rattaché.

Concernant les monuments historiques, on constate la poursuite de la lente érosion des crédits qui s'établissent à 340 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une baisse de cinq millions d'euros, et 327 millions d'euros en crédits de paiement. Si les crédits d'entretiens sont préservés à hauteur de 48 millions d'euros, ceux destinés à la restauration diminuent de 9 millions. Les grands projets financés en 2015 sont principalement la poursuite du schéma directeur de Versailles et le schéma directeur de restauration et d'aménagement du Grand Palais.

J'ai auditionné ce matin le groupement des entreprises de restauration de monuments historiques et du patrimoine (GMH), dont les représentants m'ont fait part de leur grande inquiétude quant à la situation financière de ces entreprises. En effet, depuis le 1 er janvier 2014, six entreprises de restauration ont été placées en liquidation judiciaire, ce qui représente la destruction de deux cents emplois de métiers d'art. Les recrutements d'apprentis sont au point mort. La fragilisation de la situation de ces entreprises, qui est directement liée à la baisse des financements pour la restauration du patrimoine, mène à la perte d'un savoir-faire que nous ne retrouverons plus jamais. Il s'agit là d'un véritable cri d'alarme. Des solutions existent et doivent être mises en oeuvre. Je suis favorable à ce qu'une partie des produits du jeu et de la loterie soient partiellement affectés à la restauration du patrimoine.

La politique muséale est confortée cette année après des baisses importantes de crédits en 2013 et 2014. Les crédits de paiement de l'action 3 se stabilisent à hauteur de 339 millions d'euros. Les dépenses d'intervention en crédits déconcentrés sont fixées à 17 millions d'euros en crédits de paiement pour financer la poursuite du plan « Musées en région ». Parmi les exemples de projets financés par ce plan, on trouve le musée Unterlinden de Colmar ou la cité de la tapisserie d'Aubusson.

Les crédits de l'action 8, relative aux acquisitions des collections publiques, sont maintenus cette année à 8,35 millions d'euros, mais je rappelle qu'ils avaient diminué de 48 % en 2013. Les travaux du récolement décennal sont toujours en cours, avec un taux de réalisation de 63 %. Compte tenu de l'affaiblissement de la capacité d'acquisition des musées ces dernières années, le ministère de la culture encourage désormais la circulation des oeuvres et lance une nouvelle initiative intitulée « l'entreprise à l'oeuvre » : cinq entreprises ont été retenues pour cette expérimentation qui consiste à exposer des oeuvres des collections nationales pendant une semaine sur des lieux de travail. Ainsi, une exposition des oeuvres de Fernand Léger a lieu dans les locaux de l'usine Renault de Flins. J'ajoute, pour conclure sur la politique muséale, que nous devrions très prochainement être destinataires du premier bilan de la commission scientifique nationale des collections, qui doit présenter une stratégie en matière de déclassement ou de cession de biens culturels appartenant aux collections publiques.

Un mot sur les archives, dont les crédits s'élèvent à 24 millions d'euros, pour dire que la politique de numérisation de poursuit et que le projet VITAM (valeurs immatérielles transmises aux archives pour mémoire) bénéficie cette année de 2,3 millions d'euros en AE et 1,7 million d'euros en CP.

Je terminerai ma présentation en évoquant le cas difficile de l'archéologie préventive qui devait être réglé par la réforme de la redevance d'archéologie préventive (RAP). Je vous rappelle que nous avions en effet adopté un nouveau dispositif pour la collecte au sein de la filière urbanisme dans le cadre de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011 afin d'adosser la RAP à la taxe d'aménagement. Nous avions également fixé son rendement à 122 millions d'euros.

Or les acteurs de l'archéologie préventive ont été confrontés à une situation extrêmement préoccupante en 2013 et 2014 puisque la collecte de la filière urbanisme a été empêchée en raison d'un dysfonctionnement grave du logiciel Chorus au sein du ministère du logement. De l'aveu même du ministère de la culture, cette situation a mis en péril l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), établissement public national, mais aussi le Fonds d'aides, le Fonds national pour l'archéologie préventive (FNAP), et les vingt services territoriaux d'archéologie préventive qui perçoivent directement la RAP pour financer leurs activités. 49 millions d'euros, prélevés sur d'autres chapitres, ont dû être versés à l'INRAP pour éviter les défauts de paiement. La ministre nous a expliqué que les choses allaient rentrer dans l'ordre dès la fin de l'année, mais aucune information ne nous a été transmise sur le plafonnement de la RAP, dont le seuil a été abaissé cet été de 4 millions pour servir de « gage » au relèvement du plafond de la taxe sur les spectacles alimentant le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV).

Une grande incertitude pèse donc sur ce secteur déjà fragilisé économiquement, au sein duquel un certain nombre d'opérateurs ont d'ores et déjà disparu.

Compte tenu de ces observations, je propose à la commission un avis de sagesse pour l'adoption des crédits du programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, y a-t-il des questions sur les crédits du programme « Patrimoines » ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Conclure à une « sanctuarisation » des crédits me semble bien optimiste, quand la stabilisation relative que nous observons dans ce budget suit deux années consécutives de forte diminution des crédits. En tenant compte de l'inflation, l'évolution des budgets dédiés au patrimoine me paraît très défavorable.

S'agissant du financement des musées, il est vrai que les établissements déploient des ressources d'imagination et de volonté extraordinaires pour stabiliser leurs budgets, notamment par le recours au mécénat. Pour autant, le mécénat constitue un financement par essence aléatoire. Il ne saurait se substituer à une dotation pérenne. Si le mécène fait défaut, de nombreux emplois et projets sont instantanément compromis : c'est d'ailleurs ce qui a récemment contraint le Centre Pompidou de renoncer à plusieurs initiatives, décentralisées et internationales.

Mme Corinne Bouchoux . - Ma question a pour objet les réserves des musées. La mission d'information de l'Assemblée nationale sur la gestion des réserves et dépôts des musées créée fin 2013 a rendu l'été dernier un rapport d'étape dont les constats me semblent particulièrement préoccupants, notamment en ce qui concerne les oeuvres issues de la spoliation, dites « Musées Nationaux Récupération » (MNR). Contrairement aux engagements répétés du Gouvernement, aucun financement n'est prévu pour la quête de provenance des MNR. Il s'agit là d'une niche à contentieux qui risque de nous coûter beaucoup plus cher qu'une quête de provenance mise en oeuvre en amont !

M. Jacques Grosperrin . - Connaît-on l'impact financier et budgétaire de l'ouverture sept jours sur sept des musées concernés, c'est-à-dire le Louvre, Orsay et Versailles ? Quels rapports peuvent être noués entre l'archéologie préventive et l'archéologie commerciale ? N'y aurait-il pas là des pistes d'amélioration ?

Mme Marie-Annick Duchêne . - Je souhaite revenir sur le sujet de la participation du Loto au financement du patrimoine. L'installation de la statue équestre de Louis XIV sur la place d'armes du palais de Versailles a été financée par la Française des jeux, grâce, notamment, à l'implication de M. Aillagon. En l'occurrence, la Française des jeux s'était montrée très disponible. Il revient aux acteurs du patrimoine de prendre l'initiative de les solliciter.

Mme Marie-Pierre Monier . - Après les baisses des crédits du programme « Patrimoines » observées les années précédentes, il nous faut nous réjouir de la hausse des crédits pour 2015, si petite soit-elle. De plus, ces baisses correspondaient à l'achèvement de grands projets de rénovation. Le projet de loi relatif au patrimoine, qui devrait nous être présenté sous peu, nourrit de grandes attentes.

M. Philippe Bonnecarrère . - Ma question porte sur le rôle en matière de maîtrise d'ouvrage public pour les équipements culturels de l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), évoqué notamment dans les documents qui nous ont été présentés par le Gouvernement. Nous savons que la maîtrise d'ouvrage publique dans le domaine patrimonial n'a pas toujours été aussi pertinente qu'on aurait pu le souhaiter. Avez-vous un avis à nous présenter sur l'efficacité de cet opérateur immobilier propre au ministère de la culture ?

Dans un contexte de stabilisation - ou d'érosion, selon le point de vue - de ce budget, je souhaite émettre une réserve liée aux pertes financières qui vont concerner le patrimoine à travers les contrats de plan État-régions. Nombre de contrats de plan comprenaient des volets « patrimoine » et certains d'entre eux ont permis le financement d'opérations ambitieuses, à l'instar de la rénovation de la cathédrale de Chartres, qui a été permise en partie par le contrat de plan de la région Centre. Je m'inquiète car on constate un glissement des financements depuis le volet « patrimoine » des contrats de plan vers les volets territoriaux, sans engagements de l'État à ce jour. Or, à ma connaissance, l'État a indiqué qu'il ne serait pas signataire de ces volets territoriaux. Ce renvoi aux collectivités me préoccupe et laisse prévoir une perte sèche de financements en faveur du patrimoine, avec pour conséquence les effets de levier que nous connaissons.

Mme Sylvie Robert . - Ma question porte sur l'architecture. La loi dite « Grenelle II » prévoit la transformation des zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) en aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) à la date du 14 juillet 2016. Le budget prévoit le financement d'une partie des études préalables à cette transformation. En tout état de cause, toutes les ZPPAUP devront donc être converties en AVAP avant cette date. Avez-vous des informations sur le nombre de ZPPAUP en cours de transformation en AVAP ?

Pourriez-vous nous en dire plus sur les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui sont financés par une taxe spécifique, et sur l'évolution de leur rôle en matière d'aménagement de l'espace ? Le futur projet de loi sur le patrimoine devra-t-il prévoir des évolutions en la matière ?

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis . - Je répondrai à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, qu'effectivement les budgets ont subi une forte baisse pendant deux ans, en 2013 et 2014, et que la stabilisation actuelle des crédits pour 2015 me satisfait. Je suis d'accord pour rester très vigilant quant à la suite de l'exécution du budget, sur les annulations de crédits en loi de finances rectificative et les mesures de régulation budgétaires en cours d'exercice. C'est le rôle de notre commission que d'y veiller.

Mon rapport ne contient aucun élément quant à la recherche de provenance des MNR, mais je vous propose de me faire l'interprète de notre commission sur ce point lors de l'examen des crédits de la mission en séance.

Le ministère de la culture a d'ores et déjà accompagné les musées dans la mise en oeuvre de la mesure d'ouverture sept jours sur sept. Le projet annuel de performances indique que les emplois seront créés progressivement.

Je ne dispose pas d'éléments particuliers sur les collaborations possibles entre archéologie préventive assurée par l'INRAP et par les opérateurs privés mais je pense que tous subissent les mêmes difficultés.

La loi « Patrimoine » devrait être examinée au premier semestre 2015, selon les informations données par M. Vincent Berjot, directeur général du patrimoine, auditionné dans le cadre du groupe d'études sur les patrimoines, et confirmées par Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, lors de son audition par notre commission le 12 novembre dernier.

Un crédit de 3,35 millions d'euros est prévu au titre de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, question posée par notre collègue Bonnecarrère.

Compte tenu des éléments budgétaires et en conclusion de ce débat, je proposerai à la commission d'adopter une position de sagesse sur ces crédits, sachant qu'à titre personnel je serai favorable à leur adoption.

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits « Création et cinéma » de la mission « Culture » . - J'ai l'honneur de présenter cette année l'avis de notre commission sur les crédits du programme 131 « Création » et sur le soutien public au cinéma.

Je débuterai ma brève présentation sur le budget destiné à la création. Nous pouvons nous féliciter du maintien des crédits visant à encourager la création et à favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. Hors investissements dans la Philharmonie, les crédits sont en hausse de 2 %. C'est un excellent signe en période de contrainte budgétaire, et je note que la promesse du Premier ministre a été tenue.

Le programme mobilise au total un peu plus de 734 millions d'euros en crédits de paiement, dont 667 pour le spectacle vivant et 66 millions pour les arts plastiques. Certes, les amoureux des arts plastiques les trouveront injustement minorés mais la stratégie du ministère est cohérente et dynamique, et propose une maquette de performance qui montre bien le souci de rationalisation des objectifs et des moyens mis en oeuvre.

Les dépenses de fonctionnement des opérateurs du spectacle vivant diminuent encore légèrement de 2 millions d'euros environ, avec un effort demandé pour une année supplémentaire à l'Opéra de Paris et à l'Orchestre de Paris. Le chantier de la Philharmonie, que les gouvernements successifs ont eu à gérer depuis le début de l'année 2009. Le projet, qui a fait l'objet de dépassements budgétaires faramineux suite à des prévisions sous-estimées arrive enfin à terme avec le lancement de la première saison début 2015 et 9,8 millions d'euros de crédits d'intervention. Ce nouvel équipement devrait constituer un atout réel pour le rayonnement de la France et pour la démocratisation culturelle puisque de nouveaux publics seront privilégiés dans la programmation et la politique tarifaire. Son emplacement dans les quartiers populaires du Nord-Est de la capitale illustre d'ailleurs cette volonté d'ouverture. D'autres équipements du programme 131 sont soutenus dans le cadre de ce budget, je pense notamment aux fonds régionaux d'art contemporain, avec la réalisation de FRAC « de nouvelle génération », les prochaines ouvertures étant prévues en Basse-Normandie et en Aquitaine.

Les crédits déconcentrés de fonctionnement dans le domaine du spectacle vivant s'élèvent à 284 millions d'euros, dont 192 millions pour les labels et réseaux.

Malgré une hausse de 5 % des crédits de paiement, qui mérite d'être soulignée, les arts plastiques continuent à faire figure de « parent pauvre » de la création française. J'ai découvert à l'occasion de cet avis et des nombreuses auditions que j'ai effectuées les difficultés rencontrées par les artistes plasticiens :

- ils bénéficient de moins de 10 % des crédits du programme ;

- ils ne peuvent pas s'appuyer sur un régime d'indemnisation du chômage comme celui des intermittents ;

- beaucoup d'entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté avec un revenu médian des artistes visuels affiliés à la Maison des artistes de 14 010 euros en 2010 ;

- ils attendent toujours une réponse du ministère du travail pour mettre en place une convention collective ;

- alors que la contractualisation devrait bientôt atteindre le taux de 100 % pour les structures du spectacle vivant, les artistes plasticiens se voient refuser tout contrat avec les galeries d'art, même si une réflexion a été mise en oeuvre l'année dernière ;

- les acteurs privés, mais aussi - et c'est le plus choquant - les structures publiques ne respectent pas leur droit d'exposition, les privant ainsi de revenus complémentaires, et diminuant l'assiette de leurs cotisations à la sécurité sociale ;

- enfin des dérives des systèmes de cotisations ont été dénoncées à plusieurs reprises par l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui ont décrit la situation dramatique d'artistes privés de retraite.

Je souhaiterais que nous prenions le temps d'appréhender ensemble tous ces sujets en amont du projet de loi, par l'organisation de tables rondes et d'auditions, sur la liberté de création, l'architecture et les patrimoines, que la ministre a annoncé pour le printemps 2015.

J'aimerais maintenant prendre le temps d'évoquer deux sujets qui me paraissent essentiel pour la création française, et pour lesquels je vous proposerai tout à l'heure deux amendements.

Le premier concerne le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). Principalement financé par une taxe sur les spectacles, cet établissement public est aujourd'hui un outil essentiel pour la filière musicale. En s'appuyant sur la vitalité des plus importantes sociétés, il collecte la taxe - en forte augmentation ces dernières années du fait, non pas tant de la diversification que de la concentration du public sur les grosses productions - pour en redistribuer 35 % sous forme d'aides sélectives qui visent à soutenir les entreprises les plus fragiles et faire émerger de nouveaux talents. Cette année, après avoir été abaissé à 24 millions d'euros lors de la loi de finances pour 2014, le plafond de cette taxe sur les spectacles a été relevé à 28 millions d'euros par la loi de finances rectificative du 8 août, sur la base d'un « gage » financier pesant sur la redevance d'archéologie préventive, momentanément affaiblie en raison de problèmes de collecte. Or dès 2014 le rendement devrait être compris entre 28,5 et 29 millions d'euros, pour croître jusqu'à 30 millions en 2015. Alerté par les nombreux professionnels sur ce sujet, je m'en suis ému auprès de la ministre de la culture. J'ai été très heureux de constater que mes propos avaient été entendus puisqu'elle nous a indiqué la semaine dernière qu'un arbitrage favorable avait été rendu pour relever le plafond. Je vous proposerai donc de ne pas attendre le collectif budgétaire et d'adopter dès aujourd'hui un amendement proposant les mêmes mesures. À terme, il me semble urgent d'envisager un déplafonnement de cette taxe pour que le CNV puisse remplir de nouvelles missions et répondre aux attentes du secteur. Ma religion sur cette question est que quand un secteur est potentiellement dynamique, écrêter décourage la production et réduit alors le montant des aides qu'il est possible de verser aux entreprises les plus fragiles.

Le second sujet concerne la TVA applicable aux livraisons d'oeuvres d'art, qui est passée au taux intermédiaire de 10 % tandis que les importations sont assujetties au taux de 5,5 %.

Après la théorie de l'avantage comparatif démontré par Ricardo au début du 19 e siècle, nous avons inventé, en 2014, la théorie du « désavantage comparatif » : en privilégiant les importations d'oeuvres d'art aux livraisons locales de nos artistes, nous avons en effet institutionnalisé une concurrence déloyale dont la scène française est aujourd'hui victime. Nous avons en quelque sorte inventé le contraire du protectionnisme ! Vous comprendrez aisément pourquoi je vous présenterai un amendement tendant à revenir sur cette situation insensée, en proposant que les livraisons d'oeuvres d'art soient assujetties au taux de TVA réduit de 5,5 %.

En ayant préservé les crédits de la création en période de contrainte budgétaire, le ministère de la culture a donné un signal fort. À nous de prendre le relais, de montrer que la culture est autre chose qu'un supplément d'âme. La création est garante de notre liberté d'expression, à nous de la défendre, notamment au moyen d'une volonté budgétairement bien affirmée.

Côté cinéma, le projet de loi de finances préserve ce qui doit l'être, mais on voit bien qu'il en faudra davantage pour pérenniser notre système original et vertueux de soutien à l'activité cinématographique : je vous proposerai de nous opposer à une tentative malheureuse et dangereuse de la commission des finances, qui se propose d'écrêter les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) d'opérer un prélèvement sur son fonds de roulement. Pourquoi vouloir mettre à bas notre système vertueux de soutien à l'industrie cinématographique, quand tout le monde salue ses résultats, alors que c'est grâce au fonds de soutien que le cinéma français a pu résister au cinéma américain comme nul autre cinéma européen ? C'est un mystère, que nous devrons éclaircir avec nos collègues de la commission des finances.

Une diminution des crédits de 61,5 millions serait un coup terrible porté au secteur. Plus de 300 millions d'euros ont déjà été prélevés ces dernières années et le CNC n'a plus de marges s'il veut tenir les engagements qu'il a pris en matière de financement des profits.

Le rendement des taxes affectées au fonds de soutien va encore diminuer l'an prochain : on était à 800 millions d'euros il y a quatre ans, à 700 millions l'an dernier et les prévisions sont à 630 millions l'an prochain : le recul est de 20 % en quatre ans et de 10 % en un an.

Je rappelle que ces taxes sont par ordre croissant :

- la taxe sur la vidéo, qu'elle soit physique ou en ligne : son produit est estimé à 21 millions d'euros, contre 28 millions l'an passé, c'est 25 % de moins et la baisse va se poursuivre ;

- la taxe sur les entrées en salle, qui, heureusement, reste stable à 134 millions d'euros. Les salles de cinéma attirent toujours plus de public, notamment grâce à leur numérisation désormais achevée ;

- enfin, le nerf de la guerre, c'est la taxe sur les services de télévision, qui représente les trois-quarts du fonds de soutien : elle passe de 537 à 474 millions d'euros, parce que la partie due par les distributeurs, la TST-D, diminue de 70 millions d'euros.

La TST-D a été créée en 2007 pour faire contribuer au fonds de soutien tous les distributeurs de télévision, y compris CanalSat, Numéricable, SFR, Bouygues Télécom et Orange ; on se souvient que pour éviter de la payer, les opérateurs avaient séparé la télévision de leur offre triple-play , puis nous avons élargi l'assiette à l'ensemble de l'abonnement ; les opérateurs l'ont contesté devant la justice européenne, elle a finalement validé l'élargissement. C'est pourquoi le budget pour 2014 a été établi sur une estimation de 270 millions d'euros.

Or, dès le mois de mai dernier, les premiers acomptes ont montré que le produit de cette taxe ne dépasserait pas 200 millions d'euros et qu'il manquerait donc 70 millions d'euros au financement que le CNC pourrait engager cette année pour les nouvelles productions. Dans ces conditions, le Gouvernement a rendu l'arbitrage suivant : la TST-D n'est pas augmentée, le CNC devra se contenter de ces 200 millions sur la ligne TST-D, mais le fonds de soutien sera intégralement « entre ses mains ». Il ne subira ni écrêtement de la taxe, ni prélèvement supplémentaire sur son fonds de roulement.

Pourquoi cet arbitrage est-il si important ? Parce que le fonds de soutien et la « réserve » qui figurent dans le bilan du CNC ne sont pas un « magot » que l'établissement garderait pour des jours meilleurs ; ces fonds ont été prélevés sur l'activité cinématographique spécifiquement pour financer de nouveaux films, c'est le principe. Mais, techniquement, cela veut dire aussi que le CNC n'en dispose pas complètement, car ces lignes de compte correspondent à des provisions et à des contreparties de films qui sont en production ou qui vont l'être rapidement : cet argent n'est pas « disponible », il est déjà engagé dans l'activité cinématographique.

Le CNC pilote une politique publique de soutien à l'activité cinématographique et audiovisuelle, ses dépenses d'intervention irriguent l'ensemble de l'industrie cinématographique, à quoi s'ajoutent les obligations faites aux chaînes de télévision de produire et de diffuser des films, ainsi que des règles pour protéger l'exclusivité des nouveaux films en salle, ce que l'on appelle la chronologie des médias. Cet ensemble constitue notre système de soutien au cinéma, c'est grâce à lui que nous continuons de produire 270 films par an, que les films français captent plus du tiers des spectateurs hexagonaux, que les salles ont réalisé plus de 200 millions d'entrées l'an passé, que la branche représente 250 000 emplois directs et que notre industrie cinématographique est exportatrice.

Or, c'est au moment où le financement du fonds de soutien est en difficulté que notre commission des finances nous propose... de ponctionner encore le fonds de roulement du CNC et d'écrêter les taxes qui lui sont affectées.

La révolution numérique, parce qu'elle change les usages, parce qu'elle facilite les contournements de règles, parce qu'elle limite la valeur marchande du cinéma à la télévision, bouleverse le cadre que nous avons patiemment construit pour le cinéma et l'audiovisuel. Nous devons le moderniser, l'adapter encore à la révolution numérique, certainement pas le fragiliser et faire douter l'ensemble de la filière de l'engagement de l'État. Le CNC ne dispose pas de la trésorerie pour être prélevé de 61,5 millions d'euros, comme le propose notre commission des finances, une telle ponction arrêterait dans l'heure un nombre important de projets sur lesquels le CNC s'est déjà engagé.

C'est pourquoi je vous proposerai de nous mobiliser, collectivement, contre les deux amendements adoptés par la commission des finances sur la première partie du projet de loi de finances : le premier à l'article 15, qui « écrête » les taxes affectées au CNC ; le second qui insère un article additionnel après l'article 16, pour prélever 61,5 millions d'euros sur le fonds de roulement du Centre.

Je vous proposerai, ensuite, un amendement pour corriger un décalage en matière de crédit d'impôt « cinéma », qui joue contre les producteurs établis en France : le crédit d'impôt pour dépenses de production est plus avantageux pour les films produits par des entreprises établies hors de France que pour les entreprises établies en France. En effet, un producteur établi hors de France peut bénéficier jusqu'à 20 millions d'euros d'un crédit d'impôt dit « crédit d'impôt international » (C2I) pour des dépenses effectuées en France, tandis que le plafond est fixé à 4 millions d'euros pour un producteur établi en France.

L'attraction de tournages étrangers est un enjeu pour l'activité cinématographique, ce qui justifie le montant du crédit d'impôt international. Mais il est incompréhensible que les entreprises établies en France soient moins bien traitées, ce qui revient à les décourager, ou à tourner à l'étranger : La Belle et la Bête , film financé par des producteurs français, a été tourné en Allemagne parce que les conditions y étaient plus avantageuses... C'est pourquoi je vous proposerai d'élever à 20 millions d'euros le plafond du crédit d'impôt « national », c'est-à-dire de s'aligner sur celui du crédit d'impôt « international ».

J'interrogerai le Gouvernement, enfin, sur les réformes utiles à notre industrie cinématographique. L'année 2014 a été très riche en analyses, en concertation, le temps est venu d'agir, il faut de la cohérence et, aussi, de l'ambition pour notre activité cinématographique et audiovisuelle. J'en évoque des aspects dans mon rapport, sur le fonds de soutien, sur la chronologie des médias et sur le soutien à l'exportation, autant de sujets où il y a beaucoup à faire, dans les meilleurs délais.

Compte tenu de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Création», au sein de la mission « Culture ».

M. Jean-Pierre Leleux . - Je vous félicite pour votre excellent rapport. Vous avez raison de rappeler comment le système fonctionne dans son ensemble, car ce cycle vertueux du fonds de soutien est méconnu ou mal compris. Notre soutien public au cinéma, qui remonte au lendemain de la dernière guerre mondiale, est un succès incontestable, c'est grâce à lui que la France est au premier rang européen pour l'industrie cinématographique, vous avez raison de rappeler qu'il y a des emplois à la clé. Nos voisins nous envient un tel système, ils le copient, pourquoi devrions-nous le fragiliser, le déstabiliser ?

Notre commission a toujours su trouver un consensus pour défendre ces principes vertueux - c'est pourquoi j'aurais pu signer votre rapport et pourquoi j'aimerais que nous travaillions avec nos collègues des finances. Vous le dites bien : les « réserves » du CNC ne sont pas un « magot », mais des provisions pour investissements, il y a des films à la clé qui sont déjà en production, pour lesquels l'État a déjà donné sa parole. Le CNC a déjà fourni des efforts puisqu'au lieu de percevoir 270 millions d'euros au titre de la TST-D, il n'en percevra que 200 millions : il a déjà ajusté ses interventions, pourquoi lui demander un effort supplémentaire ? C'est pourquoi je m'associe très volontiers à votre suggestion de nous mobiliser contre les deux amendements de la commission des finances. La Fédération des industries du cinéma nous alerte : la production est en baisse, attention à ne pas la fragiliser davantage, la menace est bien réelle !

Quant au crédit d'impôt, je crois que le ministère des comptes publics a fini par comprendre qu'effectivement, un tel crédit rapporte finalement davantage qu'il ne coûte à l'État, ce qui a facilité le relèvement du plafond l'an passé.

Mme Marie-Christine Blandin . - Nous confirmez-vous ce que Mme la ministre nous a dit la semaine dernière : le budget est-il en légère augmentation, même sans compter la contribution exceptionnelle pour la Philharmonie de Paris ?

Vous vous félicitez de la Philharmonie, mais la provinciale que je suis ne peut manquer de constater qu'entre la salle Pleyel, l'auditorium rénové de la Maison de la Radio et maintenant la Philharmonie, il n'y en a que toujours pour les mêmes : une analyse comparée des investissements de l'État entre Paris et les autres territoires serait intéressante...

J'adhère parfaitement à votre approche sociale des professions artistiques ; le sujet est effectivement important et nous manquons également ici de relations de travail avec la commission des affaires sociales. Mme la ministre nous a dit qu'elle réserverait le meilleur accueil à un amendement sur le cumul d'un emploi et d'une pension de retraite pour les auteurs, il faudra y être vigilant. J'observe que les documents budgétaires mentionnent une contribution de l'État aux régimes de retraites de la Comédie Française et de l'Opéra national de Paris. Il est tout à fait normal que ces artistes bénéficient de pensions de retraite, mais d'autres artistes qui ont travaillé longtemps dans d'autres établissements et qui ont cotisé pour des retraites complémentaires, trouvent leurs pensions bloquées ou minorées du fait d'ambiguïtés entre affiliation et assujettissement au régime dont ils dépendent.

Je partage votre plaidoyer pour les arts plastiques et j'y ajouterai les musiques actuelles, qui sont plébiscitées par le public mais pour lesquelles nous ne faisons rien ou presque : il y a 86 scènes importantes, mais nous consacrons à peine 9,7 millions d'euros pour les musiques actuelles, alors que des actions très peu dispendieuses peuvent avoir une grande utilité. Je pense, en particulier, à Skip the use , groupe du Nord : il n'a fallu que très peu de subventions pour les aider, pour leur mettre le pied à l'étrier. Il faut aller dans ce sens, il y a beaucoup à faire en la matière.

Enfin, je suis très attachée, tout comme vous, à la préservation des instruments réunissant culture et cinéma.

Mme Maryvonne Blondin . - Si Jean-Pierre Leleux aurait pu écrire ce rapport, je ne suis pas certaine qu'il en serait de même pour moi, car je ne peux me satisfaire d'un budget « préservé » quand je vois toutes les craintes qu'il inspire, et d'abord celle de voir les grands équipements franciliens absorber les crédits au détriment de nos territoires où, par exemple, les scènes nationales ont le plus grand mal à boucler leur budget. Même chose pour les scènes de musiques actuelles (SMAC) confrontées à la baisse des subventions des collectivités territoriales. Je suis devenue comme allergique à la Philharmonie et à ses demandes sans cesse renouvelées de rallonges... Je comprends qu'il faille terminer un chantier, mais jusqu'à quand faudra-t-il payer pour cet équipement ? Et quelle sera la participation de la Ville de Paris ?

S'agissant des arts plastiques et des plasticiens, il y a effectivement beaucoup à dire et à faire - mais ce budget évite soigneusement le sujet, tout comme celui des intermittents.

M. Philippe Bonnecarrère . - Je m'associe également aux réserves émises sur les amendements diminuant les ressources du CNC.

La « stabilisation » des crédits doit être mise en perspective, elle intervient effectivement après plusieurs années de recul et il faut compter aussi avec le repli annoncé des collectivités territoriales, qui participent beaucoup aux projets culturels. Voyez les contrats de plan État-région (CPER), leur volet culturel et patrimonial est souvent très riche, mais les moyens vont manquer ; on nous a dit, par exemple, que pour le soutien aux scènes nationales, aucun crédit nouveau ne serait attribué l'an prochain, au-delà de ceux déjà engagés : c'est très inquiétant.

S'agissant de la répartition territoriale des équipements culturels, je me souviens du « contrat moral » en faveur d'une pause sur les grands équipements effectivement implantés en Ile-de-France, auquel Aurélie Filippetti avait souscrit. Toutefois ces équipements devraient prévoir davantage de programmation en région : or je ne trouve nulle trace d'un tel engagement dans ce budget.

Enfin, vous ne faites nulle mention des intermittents, monsieur le rapporteur, alors que ce sujet est sur notre agenda. La semaine dernière, en audition, Mme la ministre nous a dit que la mission Archambaud travaillait à une solution pérenne : qu'est-ce à dire ? Et ne faudrait-il pas provisionner des crédits ? Sinon il n'y aura tout simplement aucun moyen pour la réforme ?

Pour toutes ces raisons, je suis très réservé sur ces crédits.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Je soutiens notre rapporteur lorsqu'il s'intéresse au volet social de la situation des artistes ; cette question, du reste, est liée à celle des intermittents.

Je réserve notre vote sur les amendements, jusqu'à ce que nous ayons pu les examiner au sein de mon groupe. Je suis personnellement favorable aux deux premiers, mais je m'interroge sur le troisième : à qui profitent les crédits d'impôt ? Si l'on élève le plafond, ne va-t-on pas privilégier les grandes sociétés de production, qui profitent déjà tant du système de l'intermittence ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - Effectivement, la question artistique et la question sociale sont étroitement liées, la grande majorité des artistes plasticiens doivent se résoudre à des conditions de vie difficiles, au seuil de pauvreté : ils le font par passion pour l'art, mais dans des conditions matérielles précaires, et je considère de notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les aider - mes amendements vont dans ce sens.

Avec la commission des finances, nous constatons que tout est à recommencer à chaque renouvellement sénatorial. Nous étions parvenus à faire comprendre l'intérêt du fonds de soutien pour l'industrie cinématographique, pour l'économie de notre pays, mais nous devons expliquer à nouveau ces éléments - et je dois dire que je ne m'attendais pas à de tels amendements... C'est pourquoi j'aimerais que nous nous manifestions collectivement, au nom de la commission, pour bien marquer l'importance de notre engagement contre un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement du CNC : peut-être pourrions-nous adopter une sorte de motion en ce sens.

S'agissant la Philharmonie, nous sommes tous d'accord pour dire que les surcoûts sont regrettables, nous nous en sommes tous émus. Mais, maintenant, il faut finir le chantier, personne du reste ne propose d'en rester là et de ne plus rien payer... C'est donc la dernière année de contribution exceptionnelle. La situation sera ensuite dans un cadre plus ordinaire.

Quant à la programmation « hors les murs », en région, je suis parfaitement d'accord avec vous : il faut accélérer les choses, je pense par exemple au Palais de Tokyo, qui n'a rien fait hors Paris depuis trois ans, alors que c'est explicitement dans la lettre de mission de la direction !

Enfin, si je n'ai pas parlé des intermittents, c'est que je n'ai pas lu la dernière page de mon intervention et que je ne vous ai pas exposé tout ce qui figure dans mon rapport, préférant, dans le temps imparti, me concentrer sur le budget.

Mme Sylvie Robert . - Merci à notre rapporteur pour la qualité de sa présentation. Je pense que nous pouvons effectivement nous féliciter du maintien des crédits même si un certain nombre de fragilités sont soulignées. Nous soutiendrons les amendements présentés par notre rapporteur car il faut préserver les outils vertueux tels que le CNV ou le CNC. Dans les éléments positifs que nous pouvons mentionner figure le maintien des crédits déconcentrés. Je partage vos réserves sur le taux de TVA applicable aux plasticiens et l'idée de travailler sur ce sujet me paraît excellente. Mais il me semble également important de mener une réflexion sur l'aménagement du territoire, au-delà de la question de l'équilibre entre Paris et les régions : il faut se pencher sur la situation à l'intérieur des régions pour étudier les leviers en matière de solidarités territoriales, que le ministère de la culture n'actionne pas aujourd'hui. Nous devons rester vigilants sur ce point.

M. Philippe Bonnecarrère . - J'ai omis de mentionner le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) : l'objectivité me conduit à préciser que son impact n'est pas négligeable. Notre collègue a posé la question en pensant aux sociétés de production mais nos acteurs culturels publics en bénéficient également puisque leurs budgets ne sont jamais que des charges salariales qui ouvrent droit à ce crédit d'impôt. L'évaluation de l'effet pour une scène nationale que je connais bien constitue une indication intéressante : le gain est de 40 000 euros pour un budget compris entre 2,5 et 3 millions d'euros.

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - À qui profite le crédit d'impôt cinéma ? À l'ensemble des producteurs, à l'ensemble des films produits en France.

L'an passé, nous avons augmenté à 30 % le taux de crédit d'impôt pour les films à « petit » budget, c'est-à-dire de moins de 4 millions d'euros : c'est bien la production dans sa diversité qui est visée. Le relèvement du plafond bénéficiera effectivement aux films à plus gros budget, mais je ne crois pas qu'il faille opposer les uns aux autres, tous participent de l'activité cinématographique dans notre pays, tous créent de l'emploi en France... plutôt que chez nos voisins. C'est le sens de mon amendement : il ne faut pas décourager la production en France, c'est important et urgent.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » . - J'ai l'honneur de présenter pour la première année les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Pour résumer mon analyse du budget pour 2015, je dirais qu'au-delà des crédits du programme, globalement préservés, les décisions du ministère de la culture révèlent un désengagement de l'État et un pilotage défaillant.

Les crédits sont préservés pour l'ensemble du programme, avec 1 099 millions d'euros en crédits de paiement soit une hausse très nuancée de 0,38 %. Cependant les évolutions sont très inégales d'une action à l'autre :

- ils sont en forte hausse (3,8 % à périmètre constant) pour l'action 1 relative à l'enseignement supérieur culturel qui bénéficie de 264 millions d'euros en crédits de paiement,

- ils baissent de 5 % au sein de l'action 2 malgré le renforcement des moyens destinés à l'éducation artistique et culturelle. En effet, 41 millions d'euros sont dédiés à l'éducation artistique et culturelle, dont 10 millions pour le plan pluriannuel éponyme qui bénéficiait de 7,5 millions l'année dernière ;

- les crédits baissent de 2 % encore au sein de l'action culturelle internationale mais sont confortés pour l'action 7 dédiée au fonds de soutien du ministère avec une augmentation de 29 équivalents temps plein travaillé. J'ajoute que 3,6 millions d'euros sont prévus pour 2015 au titre des mesures catégorielles et 7 millions pour la mesure de glissement vieillesse-technicité (GVT).

J'aimerais maintenant m'attarder sur la notion de désengagement de l'État qui est flagrante lorsqu'on analyse ce programme. L'illustration la plus évidente de mon propos est la suppression de l'action 3 qui regroupaient les crédits relatifs aux enseignements artistiques, accordés par les directions régionales de l'action culturelle (DRAC) aux communes pour le fonctionnement des conservatoires classés, soit 40 conservatoires à rayonnement régional et 102 conservatoires à rayonnement départemental. Je rappelle que les crédits de cette action devaient être sanctuarisés en attendant leur transfert aux départements et régions en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Plusieurs articles de cette loi organisaient la décentralisation des enseignements artistiques avec une répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État.

Alors que nous étions sur le point de pouvoir enfin donner une nouvelle impulsion à cette décentralisation avec la réforme territoriale, le ministère a choisi de faire disparaître les crédits ou presque, puisque seuls 5,5 millions d'euros sont préservés mais au sein de l'action 1 relative à l'enseignement supérieur.

Nous observons aujourd'hui le résultat d'un processus engagé il y a trois ans. Rappelez-vous : dès le projet de loi de finances pour 2013, ils étaient passés de 29 à 22 millions d'euros. L'année dernière, leur montant était à nouveau diminué de 31 %, pour atteindre 15 millions. La suppression de l'action est donc la suite logique de ce désengagement réalisé sans aucune concertation avec les acteurs concernés.

J'ai rencontré l'association des directeurs des conservatoires de France : ils m'ont fait part des conséquences de ce désengagement de l'État, déjà observées sur le terrain en 2014. La première d'entre elles est relative à l'emploi : trois postes ont ainsi été supprimés au conservatoire à rayonnement départemental d'Orléans, quatre dans celui de l'Aveyron. Compte tenu des perspectives annoncées pour 2015, les directeurs s'interrogent sur la pertinence du classement des conservatoires qu'ils dirigent, et c'est la deuxième conséquence que je souhaitais évoquer. Ils estiment que ce classement induit des contraintes coûteuses qui n'ont plus nécessairement d'intérêt compte tenu de la disparition du soutien financier de l'État, perçu jusqu'alors comme une contrepartie. Enfin, ils sont très inquiets en découvrant la nouvelle logique du ministère qui attribuera les crédits résiduels aux conservatoires adossés à un pôle d'enseignement supérieur. En effet, les disparités entre territoires sont fortes et la dynamique d'intégration voulue par la loi dite du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche varie beaucoup selon les pôles. Aussi la rupture d'égalité a-t-elle été évoquée lors de mes auditions, ce qui me paraît particulièrement alarmant.

Désengagement, c'est le mot qui m'est également venu à l'esprit en découvrant le cas de l'école nationale supérieure des beaux-arts de Paris (ENSBA). Cette institution est non seulement la plus prestigieuse école d'enseignement des arts plastiques, mais c'est aussi un musée dont les collections ont été constituées à des fins pédagogiques.

Dans son dictionnaire inachevé des idées reçues, Gustave Flaubert donnait la définition suivante : « Hémicycle : Ne connaître que celui des Beaux-Arts ». Je peux vous dire que cela ne serait pas facile aujourd'hui car les lieux sont dans un tel état qu'il est désormais impossible d'y organiser les cours normalement, avec un système électrique devenu dangereux, un plafond d'amphithéâtre qui s'est récemment effondré, et des menaces de fermeture pour raison de sécurité.

Ce triste état des lieux intervient alors que la Cour des comptes a rendu public, le 3 février 2014, un référé très sévère à l'encontre de l'ENSBA portant sur les années 2001-2011. De nombreuses critiques y sont évoquées. Elles concernent le rayonnement international de l'école, les conditions de conservation des oeuvres, la politique éditoriale et d'expositions, et enfin la gestion administrative de l'établissement.

Malgré ce constat très alarmant, le ministère ne semble pas avoir considéré le cas de cet établissement comme une priorité. L'image de notre enseignement artistique dans le monde entier est en jeu, mais l'effort financier de l'état reste quasi identique, puisque la subvention n'augmente que de 300 000 euros pour atteindre 7,3 millions d'euros, après deux baisses successives en 2013 et 2014.

Au-delà de ce cas, qui me semble particulièrement important, c'est le pilotage de l'enseignement supérieur culturel qui semble faire défaut aujourd'hui. Permettez-moi d'évoquer la situation des écoles d'art, qui reflète cette carence de l'État. En effet, de nombreuses disparités existent entre :

- d'une part, les écoles nationales, désormais sous la double tutelle du ministère de la culture et celui du ministère en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- d'autre part, les écoles territoriales, constituées en majorité sous forme d'établissements publics de coopération culturelle (EPCC), donc sous tutelle des collectivités territoriales, sous contrôle du ministère de la culture qui autorise à délivrer les diplômes nationaux.

Nous le savons depuis longtemps, les disparités entre ces deux types d'écoles constituent un handicap : les statuts des enseignants sont très différents et celui des enseignants des écoles territoriales ne prévoit pas de temps de recherche alors que les écoles sont tenues de structurer les activités de recherche afin de répondre aux recommandations du Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) et du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).

La marge de manoeuvre financière est également très différente entre les deux types d'écoles, les écoles nationales ne pouvant aujourd'hui rémunérer convenablement leurs professeurs. Ces derniers sont payés entre 1 500 et 3 000 euros en fin de carrière, alors que chez nos voisins européens les salaires sont de 6 000 euros. Comment, dans ces conditions, favoriser le rayonnement international de nos établissements d'enseignement supérieur ?

Ce qui me semble regrettable, c'est que le rapport que nous avions demandé au Gouvernement dans le cadre de l'article 85 de la loi du 22 juillet 2013 n'a pas été rendu. Notre collègue Corinne Bouchoux n'a d'ailleurs, à ma connaissance, pas eu de réponse à sa question écrite sur le sujet, alors que le délai prévu par la loi était fixé au 30 juin 2014.

Je dois reconnaître que le ministère n'a pas tiré les conséquences de la réforme de l'enseignement supérieur puisqu'il n'a pas modifié son organisation interne. En effet, le secrétariat général n'a qu'un rôle de coordination au sein du ministère, mais le pilotage est laissé aux directions générales. Comment, dans ces conditions, relever tous les défis de l'enseignement supérieur culturel ? Il ne suffit pas d'augmenter les crédits comme c'est le cas pour 2015, ainsi que je viens de vous le démontrer.

Vous le constatez, malgré des crédits globalement préservés, l'analyse du programme 224 me paraît extrêmement alarmante.

Compte tenu de ces observations, je vous propose un avis défavorable pour l'adoption des crédits de la mission « Culture ».

Mme Marie-Annick Duchêne . - À la suite du rapport de notre présidente sur ce sujet, j'avais été moi-même alertée en temps voulu sur l'évolution possible des conservatoires en région. Très vite, nous nous sommes rapprochés d'une université afin que le conservatoire y soit adossé. Sur le plan stratégique, c'est la bonne démarche. Il est regrettable que d'autres conservatoires aient raté le coche, l'information ne leur étant pas parvenue à temps. Nous ne pouvons pas laisser tomber tous ces professeurs de musique qui tiennent leur maison à bout de bras. Le ministère de la culture et de la communication va très loin dans ses exigences, peut-être serait-il judicieux de donner à ces conservatoires quelques années supplémentaires pour se repositionner ?

Mme Marie-Christine Blandin . - L'état des lieux de ces écoles supérieures dressé par nos collègues Jean-Pierre Bordier et Cécile Cuckierman dans le cadre du groupe de travail de notre commission sur l'application de la loi relative aux EPCC avait produit le même constat : le statut d'EPCC, qui devait être un statut de désir commun, a été abusivement utilisé par l'État et parachuté autoritairement sur des structures pour lesquelles ce mécanisme n'était pas pertinent, d'où cette difficulté pour ces écoles de sortir de l'ornière en matière de budget, de rémunération et de statut de leurs enseignants.

M. David Assouline . - Nous partageons en grande partie l'état des lieux du rapporteur, nous accompagnons un certain nombre des critiques qui ont été formulées. Permettez-moi de demander une précision : comment procédera-t-on pour le vote de l'avis de la commission sur les crédits de la mission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous nous prononcerons par un seul vote sur l'ensemble de la mission « Culture » qui regroupe les trois programmes que nous venons d'examiner. Chaque rapporteur émet un avis spécifique sur les crédits du programme qu'il présente. Il revient ensuite à la commission de se prononcer par un avis global sur l'ensemble de la mission.

M. David Assouline . - Même si nous partageons les constats du rapporteur sur ce programme, nous voterons globalement en faveur des crédits de mission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous proposerai volontiers, après les congés de fin d'année, d'auditionner dans le cadre d'une table ronde un certain nombre de directeurs de conservatoires représentatifs de nos territoires, car je pense que persiste une mauvaise connaissance ou appréciation de ces établissements qu'on qualifie encore parfois d'élitistes, alors qu'ils ont beaucoup changé, sont désormais plus tournés vers les pratiques amateurs et ont revu leurs méthodes qui étaient par le passé contestées et contestables. Il ne faut pas opposer éducation artistique et culturelle et enseignement artistique, c'est un continuum , une complémentarité nécessaire.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis . - Je me réjouis de votre proposition car elle va nous permettre de mieux comprendre les objectifs et les perspectives d'avenir de ces conservatoires. Si on diminue les moyens de nos conservatoires, c'est bien notre développement culturel de demain qui est en jeu. Chaque collectivité a sa spécificité, il sera intéressant d'auditer et de croiser les différentes formules trouvées.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - J'avais déjà vivement alerté notre commission sur le risque que ces crédits disparaissent un jour, faute d'accord sur une décentralisation assumée collectivement par l'ensemble des élus en faveur d'une ambition pour les enseignements artistiques. Nous voilà désormais devant une réalité préoccupante telle que l'a présentée notre collègue.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous allons maintenant nous prononcer sur les amendements. Il faut bien noter que les amendements de la commission des finances seront examinés dans la partie recettes tandis que les crédits de la mission sont présentés en seconde partie du projet de loi de finances. Concernant la question du CNC, c'est la troisième année de ponction sur le fonds de roulement. Je tiens à rappeler que c'est antiéconomique puisque cela revient à dire aux producteurs « plus vous faites de films et moins cela a d'intérêt pour vous et pour la création ». Ce n'est pas un bon signe à envoyer et cela risque de pervertir le système sur le moyen terme. Je me suis déjà émue auprès de la commission des finances à ce propos. Je vous invite à alerter nos homologues dont le rapporteur général de la culture pour la commission des finances.

Je laisse M. Assouline présenter les amendements et me permettrai d'émettre une réserve sur le troisième.

M. David Assouline . - Je pense que le premier amendement a été suffisamment développé, il doit corriger une inégalité flagrante. Le taux de TVA à 10 % pour les artistes de la scène française n'est pas acceptable s'il est de 5 % pour les artistes des autres pays européens.

Le deuxième concerne l'écrêtement prévu par les amendements de la commission des finances. Il ne faut pas bouleverser le CNV et les petites salles, sachant que 35 % des fonds du CNV sont redistribués à ces dernières.

Le troisième porte sur le crédit d'impôt audiovisuel donnant un avantage comparatif aux producteurs hors de France par rapport aux producteurs français. En effet, le plafond est de 4 millions d'euros pour les producteurs établis en France et de 20 millions pour ceux établis hors de France. Certains producteurs français partent ainsi tourner de grands films à l'étranger. On attire des producteurs étrangers mais on ne sait pas retenir nos propres producteurs. Je suis en accord avec le commentaire de M. Leleux : le désavantage pour les caisses de l'État est compensé par les recettes fiscales et sociales liées aux tournages réalisés dans notre pays.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je tiens à préciser que les amendements n° 1 et 3 sont gagés car il y a une perte de recettes pour l'État.

M. Jean-Claude Carle . - Nous ne sommes pas opposés sur le fond aux amendements de David Assouline mais je m'abstiendrai ainsi que mon groupe à cause du gage. Il y suffisamment de taxes et de prélèvements pour ne pas en ajouter de nouveaux.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je suis personnellement favorable aux deux premiers amendements mais aurai une question concernant le troisième. Je pense que la question est justement soulevée, la localisation du tournage est un sujet important. Nos voisins européens se sont lancés dans des politiques d'exonération afin d'attirer des tournages sur leur sol. Le CNC nous a bien sûr sollicités à ce propos mais ces crédits d'impôt sont des produits d'appel, tandis que notre crédit national est davantage un crédit de soutien. L'année dernière, le plafond du crédit d'impôt a été relevé de 1 à 4 millions d'euros et nous avons relevé son taux de 20 à 30 % pour les films à petits moyens. L'objectif est de soutenir le film mais pas d'exonérer systématiquement tout une branche professionnelle. Je livre donc cette réflexion, c'est un sujet auquel il faudra être attentif.

M. David Assouline . - Je prends note de l'absence de désaccord sur le fond. M. Carle s'interroge, où entend-on prendre cet argent ? Vous connaissez la difficulté de l'exercice pour trouver l'exacte formule financière qui permette de respecter les exigences de l'article 40 de la Constitution. Je n'ai pas l'expertise de la commission des finances, je ne peux pas au moment où je vous parle trouver un mécanisme de redéploiement au débotté. Je vous fais donc la proposition suivante, et je m'y engage en tant que rapporteur : afin que cet amendement soit discuté en séance, car il serait utile que l'on aborde cette question de façon concomitante avec l'examen de la mesure qui vient d'être annoncée sur le crédit d'impôt international dans le prochain collectif budgétaire, je vous propose que cet amendement soit présenté en séance comme un amendement d'appel, pour ensuite le retirer parce que la formule de compensation n'est effectivement pas complètement sécurisée.

M. Jean-Claude Carle . - Nous nous abstiendrons de façon positive !

La commission adopte les amendements n° 1, 2 et 3.

Mme Marie-Christine Blandin . - Si j'entends bien, l'amendement 3 est biodégradable...

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous rappelle que ces amendements, qui portent sur la première partie, n'affectent pas les crédits de la mission. Nous en venons au vote de l'avis de la commission sur les crédits de la mission. Concernant les amendements de la commission des finances, il faudra nous mobiliser en séance.

M. Philippe Bonnecarrère . - Je ne reviens pas sur l'argumentation que j'ai développée précédemment sur la combinaison de réduction des crédits culturels année après année, de la diminution des dotations des collectivités en matière culturelle et du fait que le volet culturel se trouve dangereusement écarté des contrats de plan État-région (CPER). Je reconnais que la décision sur cette mission n'est pas évidente, c'est un budget finalement assez gris, ni blanc ni noir. Ce budget fait l'objet d'une forme d'affaissement progressif où tous les opérateurs sont mis sous pression. Notre collègue Jean-Claude Luche a largement insisté sur cet aspect. J'ai le sentiment, en définitive, que le vrai problème de ce ministère est l'absence de priorisation : il veut tout tenir quand la situation ne le permet pas. L'affaissement de l'ensemble du dispositif serait regrettable. L'avis défavorable de notre groupe vise à inciter le ministère à mieux prioriser à l'avenir son budget.

M. David Assouline . - Ce qui a été marquant, pour tout le secteur de la création, c'est l'engagement du Premier ministre de ne pas réduire ces crédits. Je trouve que s'il y a un domaine où donner un avis défavorable revient à envoyer un mauvais signal, c'est bien celui-là. Face à cet effort de stabilisation, je trouve dommage de donner un avis défavorable.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - L'examen de ces crédits intervient dans un contexte particulier. La question de l'avenir des collectivités territoriales et des restrictions budgétaires auxquelles elles sont confrontées est importante. Les arbitrages en cours risquent de déboucher sur des décisions dont les conséquences pourraient être graves. Avec les restrictions imposées aux collectivités territoriales dans le domaine de la culture et la restriction apportée au budget des régions de 776 millions, je suis très inquiète.

Mme Corinne Bouchoux . - Bien que nous ayons des sujets d'inquiétude et de préoccupation, comme par exemple le statut des enseignants des écoles d'art, nous voterons favorablement car nous observons certains signaux positifs et encourageants.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mes chers collègues, je vous propose de nous prononcer sur l'ensemble des crédits de la mission « Culture ».

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2015.

Nous devons aussi nous prononcer sur l'article rattaché 50 bis prévoyant l'affectation du produit d'un tirage du loto au profit du Centre des monuments nationaux (CMN).

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 50 bis du projet de loi de finances pour 2015.

M. David Assouline . - Mme la présidente, serait-il possible, à titre d'information, de consulter notre commission sur les amendements de réduction de la dotation du CNC adoptés par la commission des finances ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Comme vous le constatez, nous sommes unanimement défavorables à ces amendements.

AMENDEMENTS

A M E N D E M E N T S - présentés par M. David Assouline, rapporteur pour avis

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 8 BIS

Après l'article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L'article 278?0 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les livraisons d'oeuvres d'art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit. » ;

2° Le 2° de l'article 278 septies est abrogé.

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci?dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

OBJET

La loi de finances du 29 décembre 2013 a intégré les importations et acquisitions intracommunautaires d'oeuvres d'art au champ d'application de l'article 278-0 bis du GCI relatif au taux réduit de TVA à 5,5 %, au même titre que les ventes de livres ou la billetterie du spectacle vivant.

Le législateur n'a toutefois pas été jusqu'au bout de la logique car il a concomitamment laissé s'appliquer aux livraisons d'oeuvres d'art des artistes de la scène française le taux intermédiaire de TVA de 10 %. Cette distorsion pénalise les artistes de la scène française, créant ainsi un mécanisme de protectionnisme à l'envers.

Cet amendement vise à unifier les taux de TVA sur la vente d'oeuvres d'art à 5,5 % afin de mettre fin à cette situation inacceptable pour la création française.

ARTICLE 15

Après l'alinéa 16

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - À la vingt-huitième ligne de la dernière colonne, le montant : « 28 000 » est remplacé par le montant : « 30 000 ».

OBJET

Le présent amendement vise à augmenter le plafond de la taxe sur les spectacles de variété affectée au CNV (Centre national de la chanson, des variétés et du jazz). Malgré un relèvement à 28 millions pour 2014, l'établissement public devrait être visé par les mesures d'écrêtement puisque le rendement attendu cette année est supérieur à ce seuil. Il sera proche de 30 millions en 2015.

Or le mécanisme de redistribution du CNV est extrêmement vertueux et doit être préservé pour garantir la vitalité de la filière musicale en évitant un phénomène de concentration.

Le gage a été donné par la ministre de la culture et de la communication lors de son audition du 12 novembre 2014 par la commission de la culture du Sénat : « Le CNV sera un outil essentiel de notre politique et j'ai pu obtenir en réunion interministérielle que la taxe qui lui est reversée ne soit pas écrêtée. Plus précisément, le plafond de la taxe sera déterminé en fonction de son rendement, afin de préserver les ressources des bénéficiaires : en 2014, les recettes attendues se situant entre 28,3 et 28,8 millions d'euros, le plafond sera fixé à 29 millions. Les recettes prévisibles en 2015 s'élevant à environ 30 millions d'euros, le plafond évoluera en conséquence. »

Il conviendra d'adopter un autre amendement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014 afin d'ajuster dès cette année le plafond à hauteur de 29 millions d'euros.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 16

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au 1 du VI de l'article 220 sexies du code général des impôts, le montant : « 4 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 20 millions d'euros ».

II. - Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1 er janvier 2015.

III. - Le I ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

IV. - La perte de recettes résultant pour l'État des I à III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

OBJET

Le crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques, dit « crédit audiovisuel et cinéma », est plus avantageux pour les films produits par des entreprises établies hors de France, que pour les entreprises établies en France.

En effet, un producteur établi hors de France peut bénéficier jusqu'à 20 millions d'euros de « crédit d'impôt international » (C2I) pour des dépenses effectuées en France (article 220 quaterdecies du code général des impôts), tandis que le plafond est fixé à 4 millions d'euros pour un producteur établi en France (article 220 sexies du même code).

On comprend que l'attraction de tournages étrangers soit un enjeu pour l'activité cinématographique dans son ensemble et le crédit d'impôt a eu des résultats très positifs ; cependant, le décalage de traitement entre les films selon qu'ils sont portés par des producteurs établis en France ou à l'étranger, joue contre notre filière.

Cet amendement élève donc le plafond du crédit d'impôt « national » sur celui du crédit d'impôt « international ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Au titre du programme 131 « Création »

Ministère de la culture et de la communication

M. Michel ORIER, directeur général de la création artistique, Mme Laurence TISON-VUILLAUME, chef de service, adjointe au directeur général de la création artistique, M. Pierre OUDART, chef de service, directeur adjoint chargé des arts plastiques à la DGCA, Mme Silvy CASTEL, conseillère auprès du directeur général de la création artistique, Mme Patricia STIBBE, sous-directrice des affaires financières et générales, M. Stéphane MARTINET, adjoint à la sous-directrice des affaires financières et générales, secrétaire général de programme.

Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC)

M. Romaric DAURIER, président délégué-trésorier, Mme Françoise BALAIS, directrice adjointe

PRODISS, Union du spectacle musical et de variété

Mmes Malika SEGUINEAU, déléguée générale, Mme Aline RENET, responsable de communication institutionnelle, M. Jean-Philippe DANIEL

Syndicat des musiques actuelles (SMA)

Mme Aurélie HANNEDOUCHE, déléguée générale, M. Thierry DUVAL, membre du Conseil national du SMA

Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV)

M. Philippe NICOLAS, directeur

CIPAC, fédération des professionnels de l'art contemporain

Mme Catherine TEXIER, présidente, M. Xavier MONTAGNON, secrétaire général

FRAAP , Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens)

M. Pascal PESEZ, co-président, M. Joël LÉCUSSAN, secrétaire

CAAP, Comité des artistes-auteurs plasticiens

Mme Katerine LOUINEAU, membre du conseil d'administration

SCAM, Société civile des auteurs multimédia

M. Hervé RONY, directeur général, M. Nicolas MAZARS, responsable juridique de l'audiovisuel et de l'action professionnelle

Au titre du cinéma

- Par la commission

Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)

Mme Frédérique BREDIN, présidente, MM. Christophe TARDIEU, directeur général délégué et Pierre-Emmanuel LECERF, directeur financier et juridique

- Par le rapporteur

Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)

M. Pascal ROGARD, directeur général

Association des producteurs indépendants du cinéma (API)

Mme Hortense DE LABRIFFE, secrétaire générale et M. Marc LACAN, coprésident

M. René BONNELL, auteur du rapport Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l'heure du numérique

Cour des comptes

M. Patrick LEFAS, président 3 e chambre, et Mme Blandine SORBE, conseillère référendaire

Syndicat des producteurs indépendants (SPI)

Mme Juliette PRISSARD-ELTEJAYE, déléguée générale, et M. Cyril SMET, délégué Cinéma

Canal+

MM. Manuel ALDUY, directeur OTT, Laurent VALLÉE, secrétaire général du groupe Canal+, et Mme Peggy LE GOUVELLO, directrice des relations extérieures

ANNEXES

Audition de Mme Fleur Pellerin,
ministre de la culture et de la communication

Le 12 novembre 2014

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. - Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, je veux remercier votre commission pour son invitation à venir présenter devant elle le budget de la culture pour 2015. Permettez-moi, puisqu'il s'agit de ma première audition au Sénat, de vous féliciter, madame la présidente, pour votre élection à la présidence de cette commission. Nous avons travaillé ensemble par le passé sur les questions d'équité fiscale en matière de numérique, aujourd'hui une ambition majeure nous réunit à nouveau : la culture.

Venons-en à ce budget qui est l'objet de nos débats.

Après deux ans de baisse et de rationalisation en 2013 et 2014, le budget du ministère de la culture et de la communication est conforté pour les trois prochaines années. Il connaît même une légère augmentation de 0,33 % en 2015 s'agissant de l'ensemble des crédits budgétaires pour s'élever à 7,08 milliards d'euros.

Cette stabilisation est bien le signe d'une priorité donnée par le Gouvernement à la culture et aux médias, dans le contexte de finances publiques que l'on connaît.

C'est un signe fort donné à l'égard de l'ensemble des professionnels, des artistes, des hommes et des femmes qui oeuvrent au quotidien pour notre patrimoine et notre création. C'est un engagement puissant aussi vis-à-vis des collectivités locales : l'État ne se désengage pas et reste à leurs côtés pour porter les politiques culturelles sur l'ensemble des territoires C'est un enjeu essentiel pour moi puisque, comme vous le savez, la culture est un champ de responsabilité éminemment partagé entre l'État et l'ensemble des niveaux de collectivités locales. À l'heure où les débats à venir dans le cadre de la loi relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), de même que ceux qui ont eu lieu lors du vote de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), réinterrogent les modes de partenariat entre les collectivités et l'État et, à l'heure où la contrainte sur les finances publiques locales induit des retraits ou l'abandon de certains projets, il était indispensable de montrer que l'État continuera à prendre toute sa part.

Cette stabilisation du budget demandera de poursuivre les efforts, de maintenir des équilibres délicats. Mais elle permettra, en les hiérarchisant, de financer les priorités de mon action. Ces priorités transversales, j'ai déjà eu l'occasion de les évoquer lors de mon audition devant la commission des affaires culturelles il y a quelques semaines.

Il s'agit d'abord de repenser l'accès à la culture, en partant des pratiques culturelles des Français, et particulièrement des jeunes. Je suis heureuse aujourd'hui de pouvoir vous dire que le budget 2015 poursuit résolument l'effort en faveur de l'éducation artistique et culturelle qui aura vu ses moyens spécifiquement dédiés augmenter d'un tiers entre 2015 et 2012.

Il s'agit ensuite de renforcer l'excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays : le budget 2015 prévoit ainsi les moyens nécessaires à l'ouverture de la Philharmonie. Au-delà des questions, légitimes, sur le coût et l'avancement des travaux, c'est surtout un magnifique équipement d'excellence et de rayonnement qui permettra à notre pays de trouver une place sur la carte européenne et internationale des métropoles « qui comptent » en matière musicale. Engager, après deux années d'efforts importants, le processus de consolidation de nos opérateurs muséaux et patrimoniaux, c'est aussi leur permettre de poursuivre ou accélérer leurs initiatives comme le Centre Pompidou à Málaga ou le Louvre Abou Dhabi en faveur du rayonnement de nos collections et de nos savoir-faire à l'étranger.

Je souhaite enfin encourager le renouveau créatif, celui de nos artistes, de nos auteurs, de toutes nos industries culturelles. C'est pourquoi le budget 2015 préserve les crédits dédiés à la création dans son ensemble et met aussi l'accent sur les moyens dédiés aux écoles d'enseignement supérieur qui accueillent chaque année plus de 36 000 étudiants qui sont les créateurs de demain.

Ces grandes orientations se déclinent dans l'ensemble des politiques culturelles, multiples, que porte le ministère et que je souhaite vous présenter en commençant par les crédits de la mission culture.

Priorité à la jeunesse, il me semble important de pouvoir commencer mon propos par le programme transmission des savoirs et démocratisation de la culture qui permet de concrétiser deux priorités. La première, c'est la poursuite du plan en faveur de l'éducation artistique et culturelle. Il verra ses moyens augmenter pour atteindre 40 millions d'euros afin que les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) - puisque cet argent, vous le savez, est déconcentré - puissent en particulier accompagner les collectivités locales et proposer des projets culturels de qualité sur le temps libéré par la réforme des rythmes scolaires : un tiers des activités proposées aux enfants concerne en effet une activité culturelle. C'est une véritable mobilisation de tous les acteurs de terrain, associations, bibliothèques, écoles de musiques, théâtres et compagnies, qui s'organise. Je souhaite que les DRAC soient encore plus présentes à leurs côtés. C'était un engagement : plus d'un tiers de ces crédits sont consacrés aux territoires issus de la cartographie prioritaire. C'est un choix politique que le Gouvernement assume. Car la culture joue un rôle majeur pour recréer du lien social et lutter contre les inégalités. C'est au fondement de la mission de ce ministère.

La seconde priorité est celle de l'enseignement supérieur, à commencer par les étudiants eux-mêmes, dont on connaît les conditions économiques parfois difficiles. J'augmenterai ainsi de plus de 14,5 % les bourses sur critères sociaux et les aides pour les étudiants, afin de ne pas fragiliser le recrutement des écoles parmi des populations à faible revenu. Il y va de notre responsabilité sociale. S'agissant des écoles elles-mêmes, le budget 2015 permettra de poursuivre la structuration des formations professionnalisantes. Pour mener à bien cet enjeu de structuration, j'ai dû faire le choix difficile de concentrer désormais les moyens sur les seuls conservatoires à rayonnement départemental et régional adossés à des pôles supérieurs d'enseignement du spectacle vivant, mission qui relève de la responsabilité de l'État. 2015 verra aussi, et j'en suis particulièrement heureuse, le lancement de nouveaux projets d'investissement, qu'il s'agisse de la création d'une école de la photographie à Arles ou de la modernisation nécessaire des écoles d'architecture de Marseille puis de Toulouse.

Des créateurs de demain aux créateurs d'aujourd'hui il n'y a qu'un pas. Le Premier ministre s'y était engagé dès le mois de juin dernier, les crédits du programme création sont consolidés, en 2015 mais aussi pour les trois années à venir. À l'heure où la mission tripartite de MM. Gille, Combrexelle et de Mme Archambault travaille avec l'ensemble des acteurs concernés sur des solutions viables et pérennes s'agissant du régime de l'intermittence, c'était un signe indispensable pour tous les professionnels de l'engagement de l'État en faveur de la création. Les moyens budgétaires alloués au spectacle vivant participent du reste à la structuration de l'économie de ce secteur et à l'amélioration des conditions d'emplois des artistes. On l'oublie trop souvent, mais ces moyens budgétaires représentent avant tout de l'emploi : l'aide aux compagnies, c'est la garantie de leur activité et de leur capacité à salarier les artistes. La commande publique est une source de revenus pour les auteurs et les plasticiens. Les subventions aux labels nationaux comme les centres dramatiques incluent des moyens de production qui, tout simplement, permettent de payer des artistes et des techniciens !

Je le disais en introduction, le budget de 2015 permet l'ouverture de la Philharmonie, un nouvel équipement de référence pour la diffusion musicale mais aussi pour la sensibilisation de nouveaux publics grâce à son programme éducatif ambitieux. Au-delà des vicissitudes de la fin du chantier, ce que marque ce budget 2015 est bien l'ouverture de l'établissement. Les crédits de l'État sont bien prévus, en matière de fonctionnement, la Philharmonie étant appelée à travailler, et c'est bien normal, dans un souci de synergie avec la Cité de la Musique et les structures musicales qu'elle accueillera.

D'un mot, j'évoquerai les arts plastiques, avec la rénovation des hôtels de Montfaucon et de Caumont qui accueilleront à Avignon la collection Lambert, plus grande donation faite depuis 20 ans en France, dont l'ouverture est prévue en juillet 2015.

Voilà, à grands traits, les points saillants des crédits budgétaires alloués au secteur de la création. Mes propos ne seraient pas complets si je n'évoquais pas avec vous la richesse des secteurs des patrimoines.

En matière d'archéologie, une subvention pour charge de service public de 5 millions d'euros sera mise en oeuvre pour l'Institut de recherches en archéologie préventive (INRAP). Il ne s'agit pas de modifier le régime de financement de cet opérateur dont nous aurons peut-être l'occasion de reparler - le ralentissement de l'économie, associé à la fin des difficultés dans les circuits de recouvrement, rend toujours l'équilibre financier de l'établissement fragile, mais bien de reconnaître pleinement l'existence des missions de service public qui lui sont confiées en matière scientifique comme territoriale.

Mais, plus généralement, en matière de patrimoines, l'État répondra aussi présent avec un maintien des crédits déconcentrés, soit plus de 224 millions d'euros s'agissant des monuments historiques, dont on sait l'importance pour les monuments, mais aussi pour l'emploi et l'activité économique de nos territoires. Du reste, et c'est un point saillant du budget 2015, grâce aux marges dégagées par la fin de grands chantiers décidée dès 2012, l'effort d'investissement peut aujourd'hui reprendre tout en s'accompagnant d'une vision plus structurée et plus rationnelle. Et ce grâce à l'élaboration de schémas directeurs d'entretien et de restauration qui se substituent progressivement à une logique d'opérations au coup par coup : l'État joue ainsi plus pleinement son rôle de contrôle scientifique et technique en se dotant d'outils plus efficaces et plus rationnels. Le schéma directeur de Versailles se poursuit, celui de Fontainebleau prend une nouvelle dimension opérationnelle alors que s'engagent les schémas du centre Pompidou et du Grand Palais.

L'amélioration de l'accueil du public sera également au coeur de nos priorités, avec la rénovation de l'accueil du musée de Cluny, la restitution au public de l'hôtel de la Marine grâce à la mobilisation des moyens et de l'expertise du Centre des monuments nationaux et de la Caisse des dépôts, le projet Pyramide du Musée du Louvre ou encore l'expérimentation de l'ouverture 7 jours sur 7, à l'horizon 2017, de trois grands musées nationaux très fréquentés que sont Versailles, le Louvre et le musée d'Orsay.

Même s'il s'agit d'un projet dématérialisé, c'est bien la meilleure accessibilité du public au patrimoine archivistique qui est aussi à l'oeuvre avec le projet interministériel de plateforme d'archivage électronique, dit VITAM. Grâce à la mobilisation des moyens des investissements d'avenir et suite à un travail de large coopération avec les ministères de la défense et des affaires étrangères, il permettra d'assurer la conservation des archives électroniques, de plus en plus importantes compte tenu de la dématérialisation croissante des décisions administratives. On aurait bien tort - c'en est un bel exemple - d'opposer patrimoine et modernité !

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme patrimoines . - Je vous remercie, madame la ministre, pour cette présentation, ainsi que pour l'annonce que vous avez faite d'une augmentation des crédits consacrés au patrimoine, qui revêt une grande importance pour notre pays, s'agissant de notre mémoire collective, mais aussi des emplois qu'il crée et maintient.

Je souhaiterais que vous nous donniez des informations sur les situations respectives de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et du Centre des monuments nationaux.

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits du programme création . - Même si, dans un contexte contraignant, le budget de la culture est inférieur à ce qu'il devrait être, force est de constater qu'il est stabilisé, en principe pour les trois ans à venir.

S'agissant du programme 131, les promesses ont été tenues et hors crédits alloués au chantier de la Philharmonie, nous aurions même pu observer une légère augmentation.

Le système de la taxe sur les spectacles, dont les recettes viennent principalement des grosses structures, telles que les Zénith ou le Palais omnisport de Bercy et qui alimente le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), est économiquement vertueux, dans la mesure où les sommes sont réemployées au bénéfice de lieux plus modestes. Je souhaitais vous interroger sur l'écrêtement actuel, fixé à 29 millions d'euros et que l'on peut considérer comme acceptable, sinon dans son principe, du moins dans son montant : pouvez-vous nous garantir un maintien à ce niveau dans les années qui viennent ?

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliquée aux oeuvres d'art importées est de 5 %, alors que celle imposée aux oeuvres créées en France est de 10 %. Ce protectionnisme inversé m'apparaît tout à fait anormal et je déposerai un amendement sur cette question.

De même, dans le secteur du cinéma, le crédit d'impôt proposé aux sociétés étrangères étant plus important que celui accessible aux entreprises françaises, celles-ci sont tentées de passer par l'international pour obtenir des conditions plus avantageuses : le plafond appliqué aux entreprises françaises devrait être relevé.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En l'absence de notre collègue Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis sur les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, je souhaiterais aborder la question de l'éducation artistique et culturelle et vous interroger sur l'articulation des actions respectives de votre ministère et du ministère de l'éducation nationale, ainsi que sur la cartographie des priorités susceptibles de se mettre en place en ce domaine, telles que la ruralité ou les activités péri-scolaires.

Par ailleurs, j'aimerais avoir des précisions sur l'avancée de la politique des pôles supérieurs d'enseignement du spectacle vivant, ainsi que sur la situation des conservatoires, dont certains pourraient être menacés par les diminutions de leurs subventions.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - M. Nachbar m'a interrogée sur la redevance d'archéologie préventive (RAP) qui s'applique aux travaux soumis à une étude d'impact et sur les travaux soumis à permis de construire et alimente l'Institut de recherches archéologiques préventives (INRAP), les collectivités agréées, ainsi que le fonds national d'archéologie préventive. La refonte de la RAP a été adoptée en deux temps, en loi de finances rectificative pour 2011 puis en loi de finances pour 2012 : effective à partir de 2013, elle n'atteindra son plein rendement qu'en 2016, après résorption des difficultés de liquidation rencontrées en 2014, qui ont quelque peu menacé l'équilibre financier de l'INRAP, au point que le ministère de la culture a dû lui consentir à des avances de trésorerie. Aujourd'hui les circuits d'ordonnancement et de liquidation fonctionnent.

La double mission du Centre des monuments nationaux consiste à conserver les monuments appartenant à l'État tout en les ouvrant au public - lorsque c'est possible - à l'instar du fort de Brégançon, récemment, ou de l'hôtel de la Marine en 2017. La subvention d'investissement passe de 18 à 18,5 millions d'euros et sa subvention de fonctionnement passe de 6 à 9 millions d'euros.

À M. Assouline qui m'interrogeait sur le CNV, je voudrais préciser que nous préparons un certain nombre de mesures en faveur de la filière musicale pour la diversité culturelle et pour l'émergence de nouveaux talents avec des aides, non pas seulement aux « majors » mais aussi aux petites entreprises du secteur. Le CNV sera un outil essentiel de notre politique et j'ai pu obtenir en réunion interministérielle que la taxe qui lui est reversée ne soit pas écrêtée. Plus précisément, le plafond de la taxe sera déterminé en fonction de son rendement, afin de préserver les ressources des bénéficiaires : en 2014, les recettes attendues se situant entre 28,3 et 28,8 millions d'euros, le plafond sera fixé à 29 millions. Les recettes prévisibles en 2015 s'élevant à environ 30 millions d'euros, le plafond évoluera en conséquence.

Je suis en plein accord avec ce que vous avez rappelé s'agissant de la TVA appliquée aux oeuvres d'art. Je n'ai pas, à ce jour, la possibilité de proposer un amendement sur ce point, ceci d'autant moins que nous ne disposons pas encore de données fiables sur la perte fiscale qu'un retour au taux antérieur représenterait. Mais nous y travaillons.

S'agissant du crédit d'impôt cinéma, et face à la mobilité des tournages, j'ai fait un certain nombre de propositions visant à rendre notre dispositif aussi attractif que les dispositifs mis en place à l'étranger. Elles n'ont pu être prises en compte, pour l'instant, mais cela fait partie de mes objectifs.

En matière d'éducation artistique et culturelle, Mme la présidente, Najat Vallaud-Belkacem et moi-même sommes en train d'élaborer une feuille de route conjointe, qui sera présentée en décembre, visant à réduire les difficultés qui, dans le passé, ont pu nuire à une collaboration fructueuse entre nos deux ministères. Mon action va notamment se concentrer sur le temps péri-scolaire qui m'apparaît être un temps à privilégier pour ce type d'apprentissages.

Vous avez aussi évoqué la cartographie prioritaire, dont nous souhaitons qu'elle accentue les efforts consentis en direction des zones d'éducation prioritaires urbaines, mais aussi des zones rurales : j'assisterai la semaine prochaine aux assises de la ruralité.

Il existe aujourd'hui sept pôles d'enseignement supérieur du spectacle vivant et le prochain sera créé à Aix-Marseille.

J'évoquerai enfin les crédits recentrés des enseignements spécialisés, qui n'ont pas encore pu être attribués aux collectivités comme le prévoyait la loi de 2004, faute d'avoir trouvé un accord sur le niveau de décentralisation pertinent, que ce soit la ville ou la région.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - J'appelle maintenant un orateur représentant chaque groupe à s'exprimer, dans la limite des trois minutes que nous avons fixées ce matin lors de la réunion du bureau de la commission.

Mme Françoise Férat . - Ma question ne porte pas directement sur les crédits, il s'agit davantage d'une question politique.

Nous avions déposé, avec mon collègue Jacques Legendre, une proposition de loi portant sur le patrimoine, qui devait être intégrée et étoffée dans un projet de loi porté par le ministère de la culture. Auriez-vous un calendrier prévisionnel à nous communiquer au sujet de ce projet de loi que l'on annonce depuis longtemps déjà ?

Par ailleurs, la presse s'est faite l'écho d'un possible financement du CMN par prélèvement sur les gains d'un tirage exceptionnel du Loto. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Mme Maryvonne Blondin . - Le budget de la création est préservé et nous en sommes tous heureux. Néanmoins, des interrogations demeurent, notamment en ce qui concerne les intermittents du spectacle, sujet sur lequel notre commission a beaucoup travaillé.

Vous avez évoqué l'augmentation du budget des établissements supérieurs. Avez-vous des informations sur le devenir des étudiants à l'issue de leurs études? Comment les aider dans leurs réalisations concrètes ?

La Philharmonie de Paris a été récemment évoquée dans la presse sous un titre évocateur : « Paris en disharmonie avec sa philharmonie ». Il semblerait que la Ville de Paris ait du mal à compléter le surcoût phénoménal de construction de cette structure. Avez-vous des éclaircissements à nous donner sur ce sujet ?

Les crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale pour l'année 2014 font l'objet d'une mise en réserve à hauteur de 7 % de l'autorisation budgétaire. Cette mise en réserve sera-t-elle levée d'ici la fin de l'exercice ?

En ce qui concerne le projet de loi relatif au patrimoine et à la création, comptez-vous y intégrer les pratiques amateurs, qui sont particulièrement développées dans certaines régions et notamment en Bretagne ?

Enfin, pouvez-vous nous communiquer des informations sur la mise en place des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) dans le domaine de la culture ?

M. Pierre Laurent . - Vous nous avez présenté la stabilisation pour les trois années à venir de crédits qui ont pourtant reculé deux années de suite. Je n'y vois pas là un motif de satisfaction. Je suis également préoccupé par la baisse programmée des budgets des collectivités territoriales, qui constituent l'autre pilier du soutien à la politique culturelle, et qui laisse présager une diminution de la dépense globale en faveur de la culture.

J'ai deux questions à vous soumettre. Premièrement, quid de la grande loi sur la création artistique ? Un calendrier est-il envisagé ? Va-t-on enfin pouvoir parler sérieusement d'ambition culturelle et non plus seulement de rigueur budgétaire ? J'espère que nous pourrons, dès 2015, avoir ce débat qui n'a toujours pas eu lieu. Cela constitue un motif de préoccupation des professions artistiques, en tout cas de tous ceux que j'ai eu l'occasion de rencontrer.

Par ailleurs, l'échéance de décembre prochain, promise pour la remise du rapport de la mission sur les intermittents du spectacle, approche à grands pas. Il s'agit là d'une échéance cruciale, puisque, au cas où elle ne déboucherait pas sur une véritable solution, nous risquons de nous retrouver dans une impasse. Quel est votre sentiment à ce sujet ? Les travaux d'expertise se poursuivent, mais pensez-vous que l'on se dirige vers une solution satisfaisante ?

Mme Marie-Christine Blandin . - J'ai trois courtes questions. Tout d'abord, au sujet de l'évolution des crédits : si l'on ne considère pas les sommes consacrées au fonctionnement de la Philharmonie de Paris, ce budget est-il toujours en augmentation ?

En ce qui concerne l'éducation artistique et culturelle, nous avons bien compris que vous faisiez du développement des activités sur le temps périscolaire votre priorité. Néanmoins, le ministère de la culture financera-t-il encore des activités organisées dans le temps scolaire obligatoire ?

Enfin, en ce qui concerne les intermittents du spectacle, je considère qu'il ne peut y avoir de culture sans artistes. J'ajouterai un sujet qui nous préoccupe particulièrement, à savoir les retraites et la couverture sociale des intermittents et notamment des artistes. En effet, les artistes ont la particularité de cotiser deux fois : tantôt en tant que salariés, mais sans jamais atteindre le plafond nécessaire pour l'ouverture de droits, tantôt auprès de l'association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa). Cette double cotisation ne leur rapporte quasiment rien. La loi sur la création devait prévoir une solution à ce problème. De plus, les amendements déposés en ce sens à l'occasion du projet de loi de finances pour 2015 ont tous été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, alors que cela ne coûterait pas un centime aux collectivités et à l'État. Seul le Gouvernement est en mesure de déposer cet amendement en faveur de la retraite des artistes percevant des droits d'auteur.

M. Jean-Pierre Leleux. - J'interviendrai tout à l'heure sur la mission médias, livre et industries culturelles. Ma question porte sur le cinéma et plus particulièrement sur l'évolution de la chronologie des médias. Le débat est ouvert depuis très longtemps sur son éventuelle remise en cause. Quelle est votre position à ce sujet ?

Une demande émane de producteurs de spectacle vivant, visant à créer un droit sui generis afin de tenir compte de la multiplication des captations et des diffusions de leurs spectacles, notamment sur Internet et sur les réseaux sociaux, qui échappent en partie à ce qu'ils considèrent comme un droit à percevoir. Qu'en pensez-vous ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - Le projet de loi sur la création devrait être examiné en première lecture au printemps prochain. Il comportera deux grands volets : l'un sur la création, où nous affirmerons notre attachement aux grands principes liés à la liberté de la création, aussi bien qu'au soutien public à la création, à la protection sociale des artistes et à l'accessibilité des oeuvres ; le second volet portera sur l'architecture et le patrimoine, avec des mesures visant la préservation et la valorisation du patrimoine, les espaces protégés. Ce sera également l'occasion de mener un débat sur la place de l'architecture actuelle dans les politiques urbaines.

Je suis très attachée aux pratiques amateurs, parce qu'elles comptent dans la vie de nos concitoyens, pour leur vie quotidienne aussi bien que comme vecteur d'accès à la culture et aux vocations artistiques. À ce stade, le projet de loi ne comporte pas de mesures sur ces pratiques, il n'y a pas eu de concertation avec les professionnels, mais il y a effectivement matière à débat, en particulier pour sécuriser le bénévolat.

Un tirage spécial du Loto pourrait-il abonder les crédits consacrés au patrimoine ? À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a accepté un amendement, venu des bancs de l'opposition, pour remettre au Parlement avant mars 2015 un rapport sur la possibilité « d'affecter au Centre des monuments nationaux les bénéfices d'un tirage exceptionnel du Loto réalisé à l'occasion des Journées européennes du patrimoine » : c'est dire que nous ne sommes pas fermés aux propositions utiles de l'opposition, nous y travaillerons, en regardant notamment les expériences de nos voisins britanniques.

La question de l'avenir professionnel des étudiants en écoles d'art et en écoles du spectacle est évidemment centrale ; l'activité artistique et des métiers du spectacle se développe, mais le nombre d'étudiants a progressé plus vite encore depuis une dizaine d'années : le travail est donc à partager entre un nombre toujours plus grand de professionnels ; c'est bien pourquoi nous devons faire connaître les spectacles, soutenir les festivals : la solution est du côté de l'activité.

La fin du chantier de la Philharmonie de Paris rencontre, effectivement, des difficultés. Ce qu'il faut assurer cependant, maintenant que nous ne sommes plus qu'à deux mois de l'échéance, c'est que l'ouverture de cet équipement exceptionnel soit une réussite : les meilleurs acousticiens du monde y ont travaillé, nous avons là de quoi être fiers, Paris est au centre de l'attention comme il l'a été avec l'ouverture de la Fondation Louis Vuitton, du Musée Picasso restauré, de la Foire internationale d'art contemporain (Fiac). Le projet avait été sous-dimensionné, les ultimes dépassements sont évalués à 45 millions : le Gouvernement s'est engagé à les prendre en charge pour tenir les délais et que l'ouverture ait lieu comme prévu.

Le Fonds de soutien à l'expression radiophonique local est effectivement abondé par des crédits budgétaires et non par une taxe affectée. À ce titre, il subit la mise en réserve de 7 % des crédits, dont j'espère, comme vous, un dégel très rapide.

S'agissant des intermittents, la mission de concertation confiée à Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et Jean-Patrick Gille poursuit ses travaux. Une première étape a été franchie, chacun s'accordant désormais sur les chiffres, ce qui était nécessaire pour évaluer l'impact de toute mesure portant sur l'indemnisation ; la mission rendra son rapport en décembre, comme prévu.

Les nouveaux moyens consacrés à l'éducation artistique et culturelle hors temps scolaire, ou pendant le temps périscolaire, n'enlèvent rien à ceux des actions conduites pendant le temps scolaire : les options facultatives, l'éducation à l'image, tout ce qui existe actuellement est maintenu.

Le programme 131 est en légère hausse, même hors dépenses exceptionnelles pour la Philharmonie de Paris : c'est bien comme cela qu'il faut lire les chiffres.

La possibilité pour les auteurs de cumuler leur retraite et un emploi est effectivement un sujet, il faut y travailler et nous examinerons l'amendement que vous nous annoncez, monsieur Assouline.

La chronologie des médias relève d'un accord interprofessionnel, je crois pouvoir dire que l'ensemble des professionnels conviennent qu'il faut aménager la chronologie actuelle, pour l'adapter à l'évolution des usages. Les négociations se poursuivent sur un plan très concret et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) joue le rôle qui doit être le sien, celui de facilitateur.

Enfin, l'Inspection générale des affaires culturelles n'a pas jugé utile de définir un droit sui generis pour les captations vidéos de spectacles : la question n'est pas à l'ordre du jour.

Mme Sylvie Robert . - Quelles conséquences le projet de loi pour une nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) aura-t-il sur l'organisation des politiques culturelles ? Des conférences territoriales de l'action publique se sont-elles saisies de ce sujet ? La culture a-t-elle fait l'objet d'une demande de délégation de compétence ? Comment les services déconcentrés de l'État vont-ils évoluer ?

Mme Françoise Cartron . - Vous évoquez de nouveaux moyens pour l'accompagnement des nouveaux rythmes scolaires : feront-ils l'objet d'une ligne spécifique, par exemple au sein des crédits des DRAC ? Viseront-ils les lieux, ou les compagnies ? Où pourra-t-on s'adresser ? Quelle en sera la répartition dans les territoires ?

Ensuite, quelle conséquence la loi NOTRe aura-t-elle sur les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) : suivront-ils l'évolution des DRAC ?

M. Christian Manable . - Les centres culturels de rencontres (CCR), au carrefour de la création actuelle et de la valorisation du patrimoine, sont des outils tout à fait intéressants pour développer la culture dans les territoires - je pense à celui que j'ai quelque raison de bien connaître, le CCR Saint-Riquier, en baie de Somme. Cependant, les CCR anciens touchent davantage de subventions que les jeunes, alors que les opérations les plus récentes ont besoin le plus de soutien, surtout lorsque les réhabilitations ont été coûteuses : pourquoi cette prime à l'ancienneté dans les subventions ?

M. Jacques Grosperrin . - Les crédits de la culture sont-ils « sanctuarisés », le train de réformes avance-t-il à bon rythme ? En réalité, les crédits n'ont pas cessé de diminuer ces dernières années et les réformes ont été constamment reportées, à l'instar de la loi « création » que vous nous annoncez maintenant pour le printemps prochain... Une question, cependant : pourquoi les crédits reculent-ils pour le spectacle vivant alors qu'ils se maintiennent pour les arts plastiques ? N'est-ce pas le signe que, dans tous les cas, vous comptez sur les collectivités territoriales pour suppléer l'État ?

Mme Nicole Duranton . - Héritières de la décentralisation culturelle et fruit de la coopération entre l'État et les collectivités locales, les quelque 70 scènes nationales forment le premier réseau pour la production et la diffusion de spectacles vivants dans notre pays. Cependant, leurs directeurs - et directrices - s'inquiètent des conséquences de la loi NOTRe : un transfert à la région est-il à l'ordre du jour ? Ce serait la fin pour plusieurs scènes nationales... Que leur répondez-vous ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - Le projet de loi NOTRe revient sur la clause générale de compétence, mais la culture y est explicitement inscrite parmi les compétences partagées : l'État et les collectivités territoriales auront à en débattre au sein des conférences territoriales de l'action publique (CTAP), c'est cohérent avec les pratiques en cours depuis de nombreuses années. Des CTAP se sont déjà saisies du sujet : la région Bretagne, par exemple, demande à exercer la compétence Livre et Cinéma, dans le cadre du Pacte d'avenir pour la Bretagne.

Les services déconcentrés de la culture évolueront, je l'ai dit aux préfets et aux directeurs régionaux. Cependant, l'échelon administratif de proximité restera indispensable à la mise en oeuvre des politiques nationales, c'est particulièrement vrai pour la culture. Les services auront donc tout leur rôle à jouer pour cette proximité, autant que pour l'expertise des politiques publiques ; il est possible, aussi, d'adapter les interventions aux territoires : par exemple pour intervenir davantage dans les « zones blanches », peu couvertes par l'offre culturelle, tout ceci fera l'objet de négociations.

Il n'est pas prévu de décentraliser les scènes nationales ; cependant, si une collectivité demande la compétence, il en sera débattu en CTAP.

Les FRAC viennent de fêter leur 30 e anniversaire, c'est un acquis des politiques culturelles de l'État et des régions, en témoignent les quelque 25 000 oeuvres qu'ils ont achetées et qu'ils conservent ; la nouvelle carte régionale les renforcera, en particulier pour la circulation des oeuvres d'art : ce sera un atout, plutôt qu'un affaiblissement.

Les CCR les plus anciens reçoivent effectivement davantage de subventions, parce que l'État les a créés seuls, dans des bâtiments qui lui appartiennent et dont il a la charge - par exemple la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon.

S'agissant de la mission médias, presse et industries culturelles, l'augmentation est de 0,42 % avec près de 4,4 milliards de crédits. Le CNC pourra quant à lui pleinement utiliser l'ensemble de ses ressources, sans qu'aucune ponction ne soit effectuée sur ses réserves.

Là encore, la mission médias matérialise parfaitement les grandes ambitions politiques que j'ai souhaité mettre en avant avec ce budget.

Un exemple, que j'évoquais en ouverture de mon propos : celui de la nécessité de renforcer l'excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays. La mission média illustre parfaitement cette priorité, puisqu'elle comporte de nombreux champions nationaux, si l'on songe à l'Agence France-Presse (AFP) ou à notre modèle de financement cinématographique.

Un mot de chaque secteur de cette mission budgétaire afin de vous en donner les grandes lignes et rappeler nos priorités et l'ambition du Gouvernement.

Dans le secteur audiovisuel, en cohérence avec la loi de novembre 2013 confiant à nouveau au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le pouvoir de nommer les présidents des sociétés de l'audiovisuel public, le Gouvernement a fait le choix de renforcer l'indépendance financière de ces sociétés en réduisant progressivement la part de leur financement public reposant sur le budget général qui aura disparu en 2017. La diminution de 102,7 millions d'euros de subvention de 2015 sera compensée par la hausse des apports de la contribution à l'audiovisuel public (redevance) qui progressera de 3 euros en 2015 en métropole et de 1 euro en Outre-Mer. Par ailleurs, comme vous le savez, une réintroduction de la publicité en soirée sur les antennes nationales du service public n'a pas été retenue pour l'année 2015 car elle aurait, sans étude d'impact préalable solide, potentiellement déstabilisé un secteur audiovisuel confronté à un marché publicitaire en crise et à l'arrivée de nouveaux acteurs réinterrogeant leur modèle économique. Parallèlement, comme l'a annoncé le Président de la République, une réflexion doit être engagée sur la modernisation du financement de l'audiovisuel public au-delà de 2015, le Parlement y sera évidemment associé.

La stabilisation des crédits de l'audiovisuel public sur les trois prochaines années nécessitera de la part des sociétés un réel effort de maîtrise et d'économies, compte tenu de la progression automatique de certaines de leurs charges. Cependant, il ne remettra pas en cause leur capacité à assurer leurs missions : ainsi, les grands équilibres des contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et de France Médias Monde sont respectés, les dotations publiques à Radio France et Arte sont stables ou en légère progression, et la dotation de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) retrouve un niveau proche de celui de 2013, après la diminution exceptionnelle de 20 millions d'euros de l'an passé compte tenu du prélèvement sur son fonds de roulement. Le Président de la République souhaite, par ailleurs, que l'État clarifie sa vision stratégique du rôle et des missions de France Télévisions à l'horizon 2020, avant que le CSA ne nomme le président ou la présidente du principal opérateur du service public de l'audiovisuel au printemps prochain. Mes services et ceux du ministère des finances engagent ce travail sur lequel vous serez bien entendu consultés.

Dans le secteur du cinéma, le Gouvernement n'affectera pas les capacités d'action du CNC par un prélèvement sur les réserves de l'établissement. De même, il ne sera procédé à aucun plafonnement des taxes prélevées sur le marché de la diffusion cinéma et audiovisuelle, conformément à la décision prise dès son arrivée par la majorité de restaurer l'intégrité du modèle de financement mutualiste du fonds de soutien au cinéma et à l'audiovisuel. Au contraire, afin de prendre en compte le recul prévisionnel de 10 % des recettes attendues du CNC par rapport au budget primitif 2014, l'établissement sera autorisé à puiser dans sa réserve de solidarité pluriannuelle pour amortir l'impact conjoncturel de cette baisse sur les investissements du secteur et éviter ainsi un effet récessif préjudiciable à la diversité de la création et à l'emploi.

L'année 2015 sera pour le CNC l'occasion de poursuivre les actions de modernisation des soutiens cinématographiques et audiovisuels, pour soutenir la création, promouvoir la diffusion sur tous les supports d'oeuvres françaises dans toute leur diversité, consolider les entreprises et renforcer leur compétitivité y compris à l'export, et rendre plus transparentes les relations entre professionnels. 2015 verra aussi la mise en oeuvre effective, après autorisation de la Commission, des dispositifs de soutien automatique et sélectif en faveur de la vidéo à la demande, dont l'objectif est de mieux structurer l'offre légale française, pour favoriser notamment la meilleure visibilité pour le public.

Un autre des enjeux qu'il nous appartiendra collectivement de relever dans les mois à venir est celui de la mutation structurelle du secteur de la presse. Conformément à l'engagement du Président de la République, l'année 2014 a été consacrée à la réforme des dispositifs des aides à la presse élaborée en 2013 : désormais, le fonds stratégique pour le développement de la presse est modernisé en faveur de la transition numérique, par un décret de juillet dernier. Nous ne distinguons plus aujourd'hui entre la presse papier et la presse en ligne car, comme le Gouvernement a eu l'occasion de l'affirmer lors de l'abaissement du taux de TVA aux services de presse en ligne, il n'existe pas de distinction fondamentale entre les supports d'accès à l'information : le principe de neutralité technologique doit s'appliquer. De même, le fonds stratégique privilégie désormais les projets mutualisés - c'est indispensable à l'heure de la contraction des volumes que nous constatons - de même qu'il s'est adjoint des compétences d'experts en matière numérique, afin d'être plus pertinent et plus réactif dans le choix des projets financés. Parallèlement, les critères de l'aide au portage ont été refondus, conformément aux engagements : si l'année 2014 est bien une année de transition, le dispositif créé met fin à la distinction, si souvent critiquée, entre aide au flux et aide au stock. Afin de mutualiser les outils de production, l'aide est désormais versée aux réseaux de portage eux-mêmes, et elle est bonifiée en cas de portage multi-titres. De la même manière, l'aide versée aux éditeurs prend désormais davantage en compte l'évolution des volumes portés, tout en étant plus prévisible : c'est désormais, je crois, une aide plus intelligente et plus efficace pour faire évoluer les comportements économiques.

Il n'en reste pas moins que des enjeux d'ampleur attendent la presse dans les mois qui viennent, notamment dans le domaine de sa diffusion : les travaux d'inspection menés conjointement par l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), l'Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET) sur l'avenir de la diffusion, chargé de faire des propositions de schéma industriel soutenables pour les trois réseaux actuels de diffusion, le portage, le postage et la vente au numéro sont en cours de finalisation. La chute des volumes constatée depuis deux ans, de près de 10 % par an pour la vente au numéro s'agissant de la presse quotidienne nationale (PQN), de 3 à 5 % pour les autres acteurs, ne sera pas soutenable pour la filière si l'ensemble de celle-ci n'engage pas des réformes à la hauteur des enjeux. Car ce sont bien les éditeurs eux-mêmes et les autres acteurs de la filière qui ont en main les conditions de leur mutation. Cela passe par l'ouverture résolue des réseaux de portage, par une mutualisation des moyens à la disposition des messageries - je ne peux qu'insister pour que les travaux engagés entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) autour de leur système d'information commun accélèrent leur résultat afin de générer les économies et les améliorations de services attendues par tous. Cela passe aussi par une recherche de plus grande efficacité économique du postage : les travaux en cours entre La Poste et la presse magazine doivent porter leurs fruits. Dans ce contexte, les moyens en faveur des différents réseaux de diffusion de la presse sont préservés en 2015, dans mon budget ou dans celui de mon collègue en charge de l'économie.

Les moyens en faveur du pluralisme sont également préservés.

Mais dans ce contexte de forte mutation, l'État a souhaité concentrer ses moyens en faveur de la qualité de l'information : c'est le sens de la priorité appuyée du Gouvernement à l'Agence France-Presse (AFP) qui verra ses moyens augmenter de 5 millions d'euros en 2015. Ce soutien budgétaire est un élément d'un soutien plus large à ce champion national que constitue l'AFP, l'une des trois seules agences de presse d'échelle mondiale. Non seulement l'agence participe pleinement du rayonnement de notre pays à l'étranger mais elle permet à l'ensemble de nos journaux, y compris sur les théâtres difficiles d'opération où les éditeurs peinent désormais à envoyer leurs journalistes, de disposer d'une information de qualité. L'année 2014 a ainsi permis de sécuriser le financement public de l'agence au plan communautaire, et d'élaborer, grâce aux travaux du député Michel Françaix, les voies et moyens d'assurer la nouvelle vague d'investissements nécessaires à la complète mutation numérique de l'agence. Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFP qui devra être signé avant la fin de l'année traduira l'ambition que nous avons collectivement pour le devenir de l'agence.

Mes propos ne seraient pas complets si je n'évoquais pas avec vous les crédits en faveur des industries culturelles. Les crédits de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) sont maintenus cette année au même montant que ceux de l'année dernière, 6 millions d'euros. Ce montant a été retenu, en tenant compte de la situation financière globale de cette autorité administrative qui pourra encore, en 2015, et même s'il s'agit probablement là de la dernière année où cette solution pourra être retenue, prélever sur son fonds de roulement pour assurer le financement de ses missions.

En matière de livre et de lecture enfin, je suis heureuse que ce programme puisse illustrer, après deux années d'efforts très importants, une reprise des capacités d'investissement du ministère de la culture. L'avancement du grand chantier de remise aux normes du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF) pèse désormais moins sur notre budget. Cette marge de manoeuvre sera redéployée, à la fois pour augmenter la dotation dédiée aux travaux de maintenance, de renouvellement et de mise en sécurité des installations du site de Tolbiac : une enveloppe exceptionnelle de 18 millions d'euros sera dégagée en trois ans. C'est l'un des objectifs importants du contrat de performance signé avec l'établissement cette année. Les autres axes concernent notamment la poursuite des chantiers d'excellence que mène la bibliothèque en matière numérique, l'enrichissement continu de Gallica du fait de la politique de numérisation mais aussi de développement du dépôt légal numérique, l'élaboration des outils de référencement international des métadonnées, capacité d'expertise et de coopération pour l'ensemble des bibliothèques universitaires et de lecture publique de notre pays. Ce budget triennal permettra aussi, j'en suis très heureuse, le lancement du projet de rénovation de la Bibliothèque publique d'information (BPI), afin d'améliorer les conditions d'accueil du public, en lien avec le Centre Pompidou et de redonner à la BPI son rôle central d'animateur du réseau des établissements de lecture publique. Alors que l'année 2013 et le début de l'année 2014 ont pu voir se concrétiser la priorité présidentielle en faveur des librairies indépendantes, l'année 2014 a été consacrée aux bibliothèques : ce budget en est la traduction concrète pour les deux établissements publics de l'État.

Voilà ce que je voulais dire à ce stade avant que nous n'entrions dans le temps de la discussion et des réponses aux questions que vous voudriez me poser.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits du programme audiovisuel et avances à l'audiovisuel public . - Un débat est aujourd'hui ouvert sur l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public à tous les supports qui permettent de recevoir les émissions de télévision. Que pensez-vous de la réforme adoptée en Allemagne qui, depuis janvier 2013, applique une redevance uniforme à hauteur de 17,98 euros par mois à chaque foyer fiscal ? Une telle évolution serait-elle envisageable en France afin de tenir compte du fait que chacun a aujourd'hui les moyens de recevoir les programmes de l'audiovisuel public ?

Concernant toujours la contribution à l'audiovisuel public (CAP), madame la ministre, Mme la présidente nous avons écrit au ministre en charge du budget le 30 octobre dernier afin d'obtenir de sa part des informations sur le contrôle du recouvrement de la CAP et les moyens mobilisés pour lutter contre la fraude. Or, nous n'avons toujours par reçu de réponse ni même d'accusé de réception. Vous serait-il possible d'intercéder auprès de lui afin d'appeler son attention sur ce sujet ?

Concernant le renouvellement du mandat du président de France Télévisions, pouvez-vous nous préciser quels seront les rôles respectifs de l'État, du CSA et du candidat retenu dans le processus de désignation ? Plus précisément, le CSA sera-t-il libre de choisir le futur président en fonction du projet de chaque candidat ou bien estimez-vous qu'il lui reviendra de désigner le candidat qui lui semblera être le mieux à même de mettre en oeuvre le projet déterminé par l'État à l'issue de la mission de Marc Schwartz ?

Selon le journal Libération du 10 novembre, le Président de la République aurait indiqué la semaine dernière que la législation avait été modifiée par la loi du 15 novembre 2013 « pour permettre au CSA d'ouvrir LCI à l'ensemble des téléspectateurs » et que la question « méritera d'être reposé(e) le moment venu » . Quelles sont les conditions qui pourraient justifier un tel réexamen par le CSA et selon quel délai ?

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur . - France 24 est présente depuis septembre sur la télévision numérique terrestre (TNT) en Île-de-France. Une présence sur l'ensemble du territoire est-elle également envisageable à brève échéance ?

M. Pierre Laurent, rapporteur pour avis des crédits du programme presse . - Le secteur de la presse connaît une transition difficile vers le numérique qui nécessite un volet d'aides publiques important. Il y a eu un conflit dans les messageries de presse. Confirmez-vous les engagements qui ont été pris à la fin du conflit à Presstalis ? Il y a une convergence des systèmes informatiques des deux messageries. Ne serait-il pas temps de promouvoir l'émergence d'un seul acteur ?

La Poste a connu une réduction sensible des aides qu'elle recevait pour la distribution de la presse. Quel sera le calendrier de la renégociation de l'accord État/presse/La Poste ?

Concernant l'AFP, un accord a été trouvé avec la Commission européenne qui a permis de sanctuariser la subvention pour charge de service public. La subvention progresse mais les chiffres pour la trajectoire des années suivantes sont en baisse. Pourquoi ne pas compenser à 100 % la charge de service public ?

Concernant le taux super réduit de TVA applicable à la presse en ligne qui a été adopté par la loi du 27 février 2014 au nom du principe de « neutralité technologique », il semble que le risque de contentieux européen se confirme au regard de ce qui se passe sur le livre numérique. La fiscalité relève du portefeuille du nouveau commissaire français Pierre Moscovici, avez-vous pu le sensibiliser à cette question ? Ne craignez-vous pas une remise en cause du taux super réduit de TVA qui constitue une aide appréciable pour accompagner la transition numérique de la presse ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme livre et industries culturelles . - Je voudrais évoquer la question de la Hadopi. Vous avez choisi, madame la ministre, de reconduire la subvention de 6 millions d'euros après deux années de très forte baisse. La stabilité de la subvention se traduit en réalité par une baisse des ressources de la Hadopi. Vous avez constaté vous-même que le fonds de roulement pouvait permettre un complément budgétaire confortable mais le montant de 6 millions d'euros est tout de même très insuffisant pour permettre à cet organisme de remplir sa mission. Il serait souhaitable d'apporter à la Hadopi, dans le respect de l'indépendance qui est la sienne, une information claire sur les perspectives budgétaires. C'est la dernière fois qu'elle pourra puiser dans son fonds de roulement. Mais qu'en sera-t-il en 2015 ? Y a-t-il un projet de suppression de la Hadopi ou un projet de réforme ? Quelles sont vos intentions ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .- Monsieur Leleux, concernant l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public, le Président de la République a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur la modernisation du financement de l'audiovisuel public au-delà de 2015 qui prenne en compte sans tabou les équilibres de l'exception culturelle française et la situation économique de nos concitoyens. Ce travail a été engagé avec Emmanuel Macron afin de mieux prendre en compte les modes de consommation de nos concitoyens aujourd'hui. Par exemple, de moins en moins de téléspectateurs utilisent le canal hertzien, mais de plus en plus regardent la télévision par l'intermédiaire de l' Asymmetric Digital Subscriber Line (ADSL) ou d'une box. Pour moderniser cet instrument de financement de l'audiovisuel, il est nécessaire de tenir compte des pratiques et usages des Français.

Vous citez, monsieur Leleux, l'exemple de l'Allemagne où le montant de la redevance est plus élevé qu'en France. Il faut trouver un équilibre entre la modernisation de l'assiette et le rendement de la taxe.

En ce qui concerne le recouvrement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), je n'ai pas d'information sur ses modalités ou sur le contrôle effectué par les services du ministère de l'économie et des finances. Mais je transmettrai le message à Michel Sapin pour qu'il réponde au courrier que vous lui avez adressé à ce sujet.

S'agissant de France Télévisions, le Président de la République s'était engagé à ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) nomme le prochain président de France Télévisions. Il a indiqué dans un discours au CSA que l'État actionnaire avait vocation à exprimer sa vision de l'audiovisuel public à un moment où les usages et les attentes des Français vis-à-vis de l'audiovisuel public peuvent changer en matière d'accès à l'information, à des oeuvres culturelles ou créatives et aux propositions des différentes chaînes. Il me semble légitime que l'État actionnaire, tout en respectant les prérogatives du CSA, puisse exprimer les grands défis ou les grandes attentes qui sont les siennes à l'égard de l'audiovisuel public plutôt que d'avoir une approche exclusivement budgétaire, sans s'interroger sur les missions ou les ambitions du service public.

La mission que nous pilotons au sein de mon cabinet en lien avec le ministère de l'économie s'appuie sur l'expertise d'un certain nombre de hauts fonctionnaires qui connaissent bien l'audiovisuel public, et cela dans le plus grand respect de la liberté de choix du CSA.

S'agissant de la chaîne info (LCI), le CSA a pris sa décision à partir d'une étude d'impact prévue dans la loi du 15 novembre 2013. Il y a un contentieux. Il faudra examiner la décision du Conseil d'État. Au-delà, cette décision pourra être probablement réexaminée par le CSA si la situation liée à l'étude d'impact devait évoluer.

En ce qui concerne la lutte contre le piratage, mission confiée à la Hadopi, les crédits ont été fixés à 6 millions d'euros au terme d'une discussion avec les services de Bercy. Cela impliquera, pour fonctionner, de la part de la haute autorité, qu'elle puise dans ses réserves - c'est la dernière année qu'elle pourra le faire - et devrait lui permettre d'assurer l'ensemble de ses missions, définies par la loi et qu'il n'est pas question de remettre en cause.

Le point important est le développement de l'offre légale et la Hadopi n'est pas le seul acteur à intervenir sur ce sujet. Les travaux réalisés par le CNC ont permis de faire avancer la réflexion sur la chronologie des médias. Des progrès sont nécessaires dans l'indexation des offres de films afin de les rendre plus accessibles aux téléspectateurs qui peinent aujourd'hui à s'y retrouver dans les différentes offres de vidéo à la demande (VOD) et de vidéo à la demande par abonnement (SVOD).

L'offre légale, ergonomique, riche, accessible en termes de prix, est le meilleur rempart contre le piratage. Je souhaite également mettre en oeuvre un certain nombre de mesures, à partir des propositions de Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits de la Haute autorité, pour lutter contre le piratage commercial, pour une meilleure coordination entre les services de la police, de la justice et du ministère de la culture, pour déjouer la contrefaçon ou empêcher les annonceurs de faire de la publicité sur ces sites.

En réponse à Mme Lepage qui m'a interrogée sur la couverture de l'ensemble du territoire français par France 24, je dirai qu'il faut attendre les résultats de France 24 en Ile-de-France avant de songer à aller au-delà. Par le câble et le satellite, France 24 connaît déjà une diffusion nationale.

Monsieur Laurent, les engagements de l'État concernant Prestaliss ont été tenus s'agissant de l'accord de 2012. La réforme industrielle de la messagerie doit être accélérée en raison de la baisse des volumes diffusés depuis. Il faut accélérer cette convergence des messageries pour mutualiser un certain nombre de charges ou de dépenses.

La baisse des dotations à La Poste correspond au tarif Schwartz défini en 2008. Cela ne met pas La Poste en difficulté. L'accord État/presse/La Poste court jusqu'à la fin de l'année 2015. À cette échéance, le contrat devra être revu. Le rapport de la mission tripartite est en train de s'achever. Le Gouvernement va étudier ses travaux.

Le chantier de la rationalisation de la distribution papier est prioritaire. C'est une étape indispensable pour assurer la soutenabilité et la pérennité de notre système. Vos collègues de l'Assemblée nationale ont du reste fait des propositions pour moderniser la régulation de ce secteur.

S'agissant de la TVA sur la presse en ligne et sur le livre numérique, le Gouvernement avait pour objectif, en défendant le principe de neutralité technologique entre livre numérique et livre imprimé, comme pour la presse en ligne et la presse imprimée, de convaincre au niveau communautaire. Certains pays sont alignés sur nos positions. Les procédures sont en cours. La France va défendre sa position d'une modification de la directive TVA visant à inscrire la presse en ligne parmi les secteurs éligibles aux taux réduit ou super réduit de TVA. Cette modification doit pouvoir être sollicitée par l'ensemble des États membres.

M. Claude Kern . - France 3 propose de belles émissions en langues régionales qui font partie de la diversité et de la richesse culturelles de notre pays. Nous ne pouvons que regretter la régression de leur programmation. Quelles actions comptez-vous mettre en oeuvre pour leur maintien ou leur développement ?

M. David Assouline . - Il semblerait que le projet de loi préparé par M. Macron pour lever certains blocages de notre économie contienne des dispositions que nous attendions plutôt dans un projet de loi consacré à la création. On attend de nous, législateur, que nous soyons cohérents et je considère que ce qui touche au culturel doit être traité par le ministère de la culture et de la communication.

Il semble que le Président de la République soit favorable à l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public : pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Quels échanges avez-vous sur cette question avec les services de Bercy ?

Je terminerais en indiquant que je partage votre position s'agissant de l'adaptation de la chronologie des médias.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je voudrais compléter les interventions de MM. Leleux et Assouline et rappeler que c'est notre commission qui, en 2009, avait été la première à évoquer une adaptation de la chronologie des médias.

S'agissant de la contribution à l'audiovisuel public, je souhaiterais recueillir votre avis sur l'élargissement envisagé de l'assiette à d'autres supports, la mensualisation ou encore la réintégration de la résidence secondaire dans son champ d'application.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - Le Président de la République est favorable à la modernisation de la CAP et toutes les pistes sont ouvertes, notamment la mensualisation et l'extension de l'assiette, mais nous devons faire en sorte que cet impôt conserve un caractère acceptable pour le contribuable. Rien ne figure dans le projet de loi de finances pour 2015, mais le ministère de la culture et de la communication a commencé les études et les discussions avec le ministère de l'économie et des finances.

La loi relative à l'activité économique préparée par Emmanuel Macron ne contient pas de dispositions qui concerneraient les industries créatives : d'autres véhicules législatifs sont envisagés.

S'agissant des émissions en langues régionales, notamment sur France 3, je pense que les possibilités techniques offertes par le numérique permettront de proposer des services plus fournis tout en en préservant les temps d'antenne.

Note circulaire du ministre de la culture et de la communication
du 31 août 2010

Conclusion du rapport de M. Serge Kancel,
inspecteur général des affaires culturelles,
sur le droit d'exposition (2005)

Source : Ministère de la culture et de la communication,

direction générale de la création artistique

Le présent rapport s'est donné pour objectif d'imaginer ce que pourrait être un droit d'exposition mesuré, progressif et adaptable à la diversité des situations. S'il propose un système à certains égards original (mode de gestion à deux paliers, licence légale), il s'inscrit néanmoins dans les grands principes du modèle français de propriété littéraire et artistique : à cet égard, il écarte par exemple certaines dispositions en vigueur chez nos voisins comme l'extinction du droit d'exposition dès lors qu'une oeuvre est divulguée ou lorsque l'auteur n'en est plus propriétaire.

Si les propositions contenues dans ce rapport venaient à être retenues, une loi et des textes réglementaires seront nécessaires, et leur élaboration supposera une concertation étroite avec notamment les sociétés d'auteurs, dont la cohérence et la modération seront des éléments-clés de l'équilibre d'ensemble.

Dans les délais précédant la mise en oeuvre d'une telle loi, une campagne d'information et de sensibilisation, aussi large et rapide que possible, serait sans doute nécessaire, qu'elle vienne des pouvoirs publics ou des sociétés et syndicats d'auteurs, en direction des collectivités locales, des lieux d'exposition traditionnels, des structures privées de tous types qui exposent, des artistes eux-mêmes, voire du grand public.

Il appartiendra aux collectivités publiques, État et collectivités territoriales, de décider des suites budgétaires qu'elles entendront donner à l'introduction du droit d'exposition. On a vu que, selon les barèmes actuellement proposés par les sociétés d'auteurs, le droit d'exposition pourrait représenter un alourdissement moyen de 2 à 12 % du budget de production des expositions, et de 0,10 à 9 % du budget global des structures analysées. Compte tenu des limites méthodologiques du présent rapport, mais aussi des propositions fonctionnelles qu'il contient, ces chiffres devront être considérablement précisés. Il demeure qu'il s'agira, pour les structures exposantes, d'une charge supplémentaire qui, si les subventions ne suivent pas, supposeront soit une économie dans le nombre ou l'ambition des expositions proposées, soit la recherche de ressources propres supplémentaires.

La consolidation d'un droit d'exposition constituerait une avancée considérable pour les artistes, au même titre que la généralisation du droit de suite par la transposition de la directive européenne de 2001, et que l'amélioration des systèmes de protection sociale et de formation qui font l'objet de différentes réflexions en cours. On peut noter que les efforts supplémentaires induits en contrepartie se trouveraient pris en charge de façon relativement partagée entre les galeries d'art (pour l'extension du droit de suite), les sociétés de ventes volontaires et le régime général de la sécurité sociale (pour le financement de la protection sociale des artistes et son élargissement éventuel aux accidents du travail et aux maladies professionnelles), les collectivités publiques, les structures privées - hors commerçants d'art - et le public payant des expositions (pour le droit d'exposition), et les artistes eux-mêmes (pour la formation professionnelle). Par ce partage même, il y a là une occasion, peut-être historique, d'améliorer de façon significative la prise en compte collective, qu'on peut juger aujourd'hui insuffisante, de la situation des artistes-plasticiens dans notre pays.


* 1 Rapport d'information n° 941 « Métiers artistiques : être ou ne pas être des travailleurs comme les autres ? » de M. Jean-Patrick Gille, député, publié en avril 2013.

* 2 Ce chiffre de 2010 figure dans la mise à jour du tableau des revenus des affiliés déclarés à la maison des artistes, transmise par le ministère de la culture et de la communication et de la communication dans le cadre des réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis.

* 3 Comité des artistes auteurs plasticiens.

* 4 Le Syndeac représente plus de 370 institutions, parmi lesquelles la grande majorité des centres dramatiques nationaux, des scènes nationales, des centres chorégraphiques nationaux, de nombreuses scènes conventionnées, compagnies théâtrales et chorégraphiques, ensembles musicaux, des salles de musiques actuelles, des festivals, des lieux de production et de diffusion des arts du cirque et des arts de la rue, des entreprises travaillant dans le domaine des arts plastiques et graphiques.

* 5 Voir annexe ci-après.

* 6 La seule variation, de 10 000 euros, relève d'un transfert des aides à la création et à la diffusion vers les métiers d'art.

* 7 L'article 30 du règlement intérieur du CNV précise que les crédits portés sur le compte entrepreneur restent disponibles pour une durée limitée à 3 ans. Dans le cas où un affilié n'aurait jamais exercé son droit de tirage ni obtenu d'aide liée à l'inscription de sommes sur son compte entrepreneur, au 31 décembre 2013, son compte sera débité des sommes inscrites entre le 1 er janvier 2010 et le 31 décembre 2010. Pour faire valoir son droit de tirage, la demande de l'entreprise de spectacles affiliée, doit nous parvenir au plus tard le 3 décembre 2013.

* 8 CNV, « Les entreprises de spectacle de variétés en 2012 et éléments d'évolutions 2008-2012 », octobre 2014.

* 9 Mission « Acte II de l'exception culturelle ». Contribution aux politiques culturelles à l'ère numérique. Pierre LESCURE. Mai 2013.

* 10 Études « Spectacles et innovations numériques : révolution sur scène », février 2014 et « Spectacles en ligne : une nouvelle scène ? Décryptage et leviers de croissance », mai 2014.

* 11 « L'unification des organismes de sécurité sociale des artistes auteurs et la consolidation du régime », Michel Raymond et Jean-Marc Lauret, juin 2013.

* 12 Rapport d'information n° 256 (2013-2014), Régime des intermittents : réformer pour pérenniser , de Mmes Marie-Christine Blandin et Maryvonne Blondin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, 23 décembre 2013.

* 13 http://senat.fr/compte-rendu-commissions/20141103/soc.html#toc7

* 14 Source : Document stratégique de performance du CNC, 25 septembre 2014.

* 15 Article 115-6 du code du cinéma et de l'image animée.

* 16 L'assiette de la taxe distributeurs a été modifiée dans le cadre de la loi de finances pour 2012, compte tenu des pratiques commerciales de certains opérateurs télécoms depuis 2011, visant à restreindre l'assiette imposable en isolant et en minimisant la part des services audiovisuels dans les offres qui étaient jusqu'alors forfaitaires. Validée par la Commission européenne le 21 novembre 2013, cette réforme est entrée en vigueur au 1 er janvier 2014.

* 17 Document stratégique de performance du CNC, 25 septembre 2014.

* 18 L'article 117 de la loi de finances pour 2014 étend la TSA aux DOM à compter du 1 er janvier 2015 ; le taux passera de 1 % en 2015 à 10,72 % en 2021.

* 19 À noter que le CNC ne prévoit pour 2015 aucune dotation pour l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), estimant que les reversements correspondant aux dotations antérieures non consommées devraient permettre de couvrir les besoins en dotations nouvelles.

* 20 Pour les films d'initiative française, le recul est de 18,3 % en 2013 à 278,21 millions d'euros.

* 21 Parmi les films où la télévision ne participe pas, neuf sur dix ont un budget inférieur à 2 millions d'euros et la moitié sont des premiers films.

* 22 Prévue à l'article 199 unvicies du code général des impôts (CGI).

* 23 L'avenir des industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel en France (2013), p. 16.

* 24 Loi de finances du 30 décembre 2003, article 88, codifié à l'article 220 sexies du code général des impôts.

* 25 Depuis le 1 er janvier 2006, tout ou partie des dépenses des postes suivants étaient éligibles : le personnel, l'interprétation, les charges sociales, les décors et costumes, les coûts de transports, défraiements et régie, les moyens techniques, les frais de pellicules et de laboratoires. À compter du 1 er janvier 2013, ce périmètre comprend aussi les acteurs de complément et les frais d'hôtellerie et de restauration.

* 26 Article 15 bis de la loi de finances pour 2014 adopté à l'Assemblée nationale, sur la proposition de MM. Patrick Bloche et Dominique Lefebvre.

* 27 Amendement n° 16 à l'article 15.

* 28 Amendement n° 20 insérant un article additionnel après l'article 16.

* 29 Lettre cosignée par le Bureau de liaison des industries cinématographiques (Blic), le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) et par l'Union des producteurs de films (UPF), adressée à Mme Fleur Pellerin, le 17 octobre 2014.

* 30 Évaluation des retombées économiques directes et indirectes des crédits d'impôts, CNC, 7 octobre 2014.

* 31 Parmi les dispositifs concurrents, voir le tax shelter en Belgique (2004), l' Act on Motion Picture en Hongrie (2005), le Tax credit au Royaume-Uni (2007), le DFFF en Allemagne (2007), le CIAV au Luxembourg, ou encore le crédit d'impôt irlandais, régulièrement renforcé.

* 32 Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle. Des changements nécessaires. Rapport public thématique. Avril 2014.

* 33 Rapport précité de la Cour des comptes, p.154.

* 34 Doté initialement de 8 millions d'euros par le CNC, ce fonds offre à ses bénéficiaires des avances pouvant atteindre 600 000 euros pour une durée comprise entre 12 et 36 mois, assorties d'une clause d'allègement conditionnel pouvant atteindre 25 % de leur montant en fonction de la qualité et du succès du programme d'investissements financé.

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