B. LES AIDES PUBLIQUES AU BÉNÉFICE DE LA PRESSE

1. Une aide financière importante en débat

Comme votre rapporteur pour avis l'indiquait l'année dernière, les aides de l'État à la presse ne sont plus exclusivement consacrées à la préservation du pluralisme, « elles répondent aujourd'hui à une multitude d'objectifs, notamment le soutien à la diffusion physique et numérique et l'accompagnement de la modernisation de l'offre » . Le système français d'aides à la presse est ainsi devenu « un ensemble hétérogène d'une grande complexité dont les montants comme les modalités d'attribution ne semblent pas toujours répondre à un souci d'efficacité et dont les objectifs premiers sont souvent dévoyés » .

Votre rapporteur pour avis estime, dans ces conditions, que même si les crédits sont globalement préservés, le projet de loi de finances pour 2015 ne répond pas au besoin de simplification et de remise à plat des aides qui serait nécessaire pour mieux accompagner la mutation technologique de la presse, développer la qualité, la diversité et le pluralisme de l'offre éditoriale. Il s'inquiète par ailleurs des risques qui entourent le taux super réduit de TVA qui constitue un dispositif puissant en faveur de la transition numérique.

a) Un taux super réduit de TVA menacé

Les autorités françaises connaissent un différend avec la Commission européenne sur l'application du taux réduit de TVA à la presse.

Ce différend repose sur l'interprétation de l'article 98 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA et de son annexe III qui liste, de manière limitative, les biens et services éligibles à un taux réduit de TVA en mentionnant « les livres (livraison et location) et produits assimilés tels que les journaux et périodiques (point 6) » . Cette disposition doit toutefois être comparée au paragraphe 2 de l'article 98 de la directive qui dispose que « les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique visés à l'article 56, paragraphe 1, point k » .

Ainsi, la Commission européenne considère-t-elle de manière constante que les services culturels en ligne (livre numérique, presse en ligne, vidéo à la demande, musique en ligne), qui entrent dans la catégorie des services fournis par voie électronique, sont exclus par la réglementation communautaire en vigueur du bénéfice d'un taux de TVA minoré et ne peuvent donc se voir appliquer que le taux normal.

La Commission européenne considère que l'application en France du taux « super-réduit » à la presse en ligne contrevient au droit de l'Union européenne. Elle a donc adressé à la France, le 10 juillet 2014, une lettre de mise en demeure . La France défend la conformité de l'alignement du taux de TVA entre presse en ligne et presse imprimée, sur la base du principe de neutralité fiscale reconnu par le droit de l'Union européenne.

L'objectif du Gouvernement est d'obtenir une évolution du cadre réglementaire européen permettant explicitement l'application de taux réduits pour la presse en ligne et, de manière plus générale, pour les biens et services culturels en ligne.

La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), auditionnée par votre rapporteur pour avis, ne cache pas sa préoccupation compte tenu de l'évolution du contentieux engagé devant la Cour de Justice de l'Union européenne concernant le livre numérique . Les autorités françaises placent maintenant leurs espoirs dans une évolution de la position de la Commission européenne qui pourrait résulter du changement dans la composition du collège des commissaires. Le commissaire européen chargé de la fiscalité, Pierre Moscovici, aura ainsi la responsabilité de trancher cette question.

b) Des aides directes en baisse de 3 % en 2015

Les aides directes à la presse (action n° 2 du programme 180) subissent une nette baisse de 3 %, les crédits étant ramenés de 135 à 130 millions d'euros . Cette baisse ne constitue pas la réponse attendue par les acteurs de la presse à la poursuite de la dégradation du secteur.

Les aides à la presse se divisent en trois catégories : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation.

Action 2 « Aides à la presse »

( en euros )

Titres

AE

CP

Sous-action 1 « Aides à la diffusion »

58 543 125

58 543 125

Aide au portage de la presse

36 000 000

36 000 000

Exonération de charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse

22 543 125

22 543 125

Sous-action 2 « Aides au pluralisme »

11 475 000

11 475 000

Aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires

8 655 000

8 655 000

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

1 400 000

Aide à la presse hebdomadaire régionale

1 420 000

1 420 000

Sous-action 3 « Aides à la modernisation »

60 099 707

60 099 707

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale

7 000 000

7 000 000

Aide à la modernisation de la distribution de la presse

18 850 000

18 850 000

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

3 800 000

3 800 000

Fonds stratégique pour le développement de la presse

30 449 707

30 449 707

Total « Aides à la presse »

130 117 832

130 117 832

Source : Projet annuel de performances pour 2015

Les aides à la diffusion comprennent les aides au portage de la presse ainsi que les exonérations de charges pour les vendeurs colporteurs.

Le soutien à la diffusion au travers des aides au portage ne change pas à 36 millions d'euros. L'aide est toutefois rééquilibrée au bénéfice des réseaux de portage multi-titres. C'est un des enjeux d'avenir car si la PQR est portée à plus de 80 %, compte tenu de la baisse de sa diffusion, elle a maintenant besoin des volumes de la PQN.

La situation difficile des vendeurs colporteurs de presse (VCP)

Le statut de vendeurs colporteurs connaît aujourd'hui une situation difficile du fait de conditions de travail difficiles (horaires de nuit, travail à l'extérieur, 362 jours par an), des revenus très limités, d'absence des garanties sociales associées au statut de salarié, d'absence de représentation collective et d'une dépendance économique aux mandants.

À l'initiative du Gouvernement, une mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des affaires culturelles a été lancée pour étudier la situation des VCP et des porteurs de presse. Les conclusions de cette mission devraient intervenir dans le courant de l'automne.

En 2015, l'exonération de charges sociales pour les VCP s'élèvera à 22,54 millions d'euros.

Les aides au pluralisme (11,475 millions d'euros en 2015) comprennent les aides aux quotidiens nationaux d'information politique et générale (IPG) à faibles ressources publicitaires (8,655 millions d'euros), les aides aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux à faibles ressources de petites annonces (1,4 million d'euros) et l'aide à la presse hebdomadaire régionale (1,42 million d'euros).

Les aides à la modernisation de la presse s'élèvent à 60,1 millions d'euros qui se répartissent en quatre postes : l'aide à la modernisation sociale de la presse IPG (7 millions d'euros), l'aide à la modernisation de la distribution de la presse (18,85 millions d'euros), l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse (3,8 millions d'euros) et le Fonds stratégique pour le développement de la presse (30,449 millions d'euros).

La baisse des aides à la modernisation sociale de la presse d'IPG de 12,57 millions d'euros à 7 millions d'euros s'explique par la baisse du nombre de salariés concernés par les mesures d'accompagnement à la restructuration des imprimeries. Les départs anticipés concerneront, en effet, 105 salariés pour la PQN et 228 pour la PQR contre respectivement 114 et 244 en 2014.

Les crédits consacrés au Fonds stratégique pour le développement de la presse connaissent une baisse de 500 000 euros , qui confirme et accentue la diminution des crédits de 8 % constatée l'année dernière.

(1) L'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires

L'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires vise à soutenir d'une part les titres qui bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles compte tenu de leur positionnement éditorial et, d'autre part, les titres qui traversent de façon conjoncturelle des difficultés financières. L'aide contribue ainsi au maintien de la diversité de l'offre de presse et au pluralisme du débat démocratique.

Le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse a modifié ce fonds, désormais divisé en trois sections . La répartition des crédits entre les trois sections est effectuée chaque année par le directeur général des médias et des industries culturelles.

L'aide attribuée au titre de la première section du fonds bénéficie aux quotidiens répondant à certaines conditions relatives au prix de vente, à la diffusion et au tirage moyens et au pourcentage de recettes de publicité dans leurs recettes totales. L'aide accordée dans le cadre de cette 1 re section ne peut, depuis 2008, dépasser 25 % des recettes totales du titre, hors subventions publiques.

La Croix et L'Humanité sont les bénéficiaires historiques de la première section depuis 1986 ; en 2008, deux quotidiens supplémentaires ont rempli les conditions d'éligibilité : Libération et Présent .

En 2013, La Croix , L'Humanité , Libération et Présent ont bénéficié de l'aide de la première section.

L'aide attribuée au titre de la deuxième section bénéficie à des quotidiens qui ne sont pas éligibles à la première mais répondent à un certain nombre de conditions relatives au prix de vente, à la diffusion et au tirage moyen et au pourcentage de recettes de publicité dans leurs recettes totales.

L'aide attribuée au titre de la troisième section est accordée à des quotidiens qui ont bénéficié d'une aide au titre de la première section pendant au moins trois années et dont les recettes de publicité représentent moins de 35 % des recettes totales. L'objectif est d'éviter qu'un accroissement des recettes publicitaires au-delà du plafond réglementaire en vigueur ait pour conséquence une sortie brutale et sans transition du dispositif.

Un titre concerné par le dépassement du seuil sera ainsi transféré dans une troisième section du fonds et percevra pendant trois ans une aide dégressive dont le montant serait fondé sur la dotation annuelle de la section.

Si le titre concerné devait redescendre sous le seuil des 25 % durant cette période de trois ans, le processus de sortie serait annulé et le titre rejoindrait la première section du fonds. En revanche, le titre perdrait le bénéfice de l'aide de la troisième section dès lors que son chiffre d'affaires publicitaire dépasserait 35 % de son chiffre d'affaires total.

Le doublement du fonds en 2009 décidé à l'issue des États généraux de la presse écrite a été prolongé en 2010 pour répondre à la situation difficile des quotidiens éligibles à cette aide. En 2013, le montant de l'aide s'élevait à 9,155 millions d'euros .

Évolution de la dotation du fonds depuis 2006

( en euros )

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Crédits LFI

7 155 000

7 155 000

7 155 000

7 155 000

9 155 000

9 155 000

9 155 000

9 155 000

+ abondement

555 000

550 000

3 000 000

5 946 492

7 000 000

-

-

-

7 705 000

7 705 000

10 155 000

13 091 492

16 155 000

9 155 000

9 155 000

9 155 000

BÉNÉFICIAIRES

La Croix

2 100 000

2 200 000

2 500 000

2 700 000

3 600 000

2 900 000

2 940 000

2 940 000

L'Humanité

2 800 000

2 800 000

2 900 000

4 500 000

3 900 000

3 000 000

3 000 000

3 090 000

France-Soir

2 700 000

2 500 000

2 200 000

2 000 000

1 700 000

-

-

-

Libération

-

-

2 000 000

3 200 000

3 500 000

2 800 000

2 800 000

2 800 000

Présent

-

-

300 000

290 000

260 000

240 000

220 000

210 000

Play Bac presse

7 705

7 705

10 000

30 800

28 941

20 141

20 141

20 141

Source : Ministère de la culture et de la communication, réponse au questionnaire budgétaire

En 2014 le montant de l'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires est de 8,655 millions d'euros euros.

(2) L'aide au développement des services en ligne

Le fonds d'aide au développement des services de presse en ligne, créé en 2009, est devenu en 2012 la deuxième section du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP). À la suite de la réforme des aides à la presse de 2014, les services de presse en ligne sont désormais aidés au sein du fonds stratégique unifié.

Le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 portant réforme des aides à la presse précise les nouvelles modalités de fonctionnement du fonds stratégique et les principes d'attribution .

Cette réforme des aides à la presse a permis un certain nombre d'évolutions dont :

- la fusion des sections du fonds, afin d'unifier et de simplifier l'examen des demandes d'aide ;

- l'éligibilité des services de presse en ligne : les sites de presse en ligne (SPEL) d'information pratique du public ne sont plus éligibles ; par ailleurs, l'article 40 du décret n° 2014-659 prévoit l'éligibilité uniquement en 2014 et 2015 des services de presse en ligne qui développent l'information professionnelle ou qui favorisent l'accès au savoir et à la formation, la diffusion de la pensée, du débat d'idées, de la culture générale et de la recherche scientifique ;

- la prise en compte des dépenses internes pour les projets de développement informatique, qui répond à une demande récurrente de la presse.

Le fonds bénéficie tant aux versions en ligne des titres de presse imprimée qu'aux éditeurs de presse exclusivement en ligne ( pure players ).

Concernant le bilan de la deuxième section du Fonds stratégique pour le développement de la presse, 139 dossiers de demande d'aide ont été déposés au cours de l'année 2013. Au total, 9,7 millions d'euros ont été attribués en 2013 à 101 dossiers.

Le montant unitaire de l'aide proposée, qui est fonction du niveau des dépenses présentées, a été très variable, allant de 800 euros pour la plus modeste à 676 984 euros pour l'aide la plus importante. Le montant moyen de l'aide allouée est de 96 135 euros.

(3) Les journaux tout en ligne

Les journaux tout en ligne sont ceux qui ne constituent pas la déclinaison en ligne d'un titre de presse imprimé.

Au 30 juin 2014, 260 services de presse tout en ligne étaient reconnus comme tels par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) sur un total de 702 sites de presse en ligne (SPEL) reconnus.

En termes d'audience et en restant sur la définition légale et réglementaire de ce qui constitue la presse, Le Huffington Post , premier site de presse tout en ligne d'après la mesure réalisée par l'Office de justification de la diffusion (OJD), se classe au 11 e rang des SPEL en juillet 2014 , avec 64,2 millions de pages vues, soit un niveau équivalent aux sites Internet de L'Express et du Point . Pour autant, ce classement d'audience reste dominé par des sites de titres bimédia (papier + web ou audiovisuel + web).

Les règles en matière d'aide n'établissent aucune différence de traitement entre les services de presse en ligne, selon qu'ils sont ou non tout en ligne, dès lors qu'ils sont reconnus par la CPPAP.

Ainsi, comme l'ensemble des SPEL reconnus en CPPAP, les services de presse tout en ligne sont assujettis depuis le 1 er février 2014 au taux de TVA « super-réduit » de 2,10 % (sur le territoire métropolitain), en application de la loi n° 2014-237 du 27 février 2014 adoptée à l'unanimité par le Parlement. Il s'agit là d'une mesure transversale de soutien à la presse, qui a pour objet de rétablir la neutralité fiscale entre tous les titres de presse, quel que soit leur support. Elle était tout particulièrement demandée par les titres tout en ligne, notamment par l'entremise du Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL).

Les autres aides accessibles aux journaux tout en ligne

Les titres tout en ligne d'information politique et générale (IPG) sont également éligibles au bénéfice de l'article 39 bis A du code général des impôts qui permet la déductibilité fiscale des provisions pour investissement.

Aux termes du 1° ter de l'article 1458 et de l'article 1586 ter du CGI, les titres de presse tout en ligne d'IPG sont également, comme l'ensemble des SPEL d'IPG au sens de l'article 1 er de la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, exonérés de contribution économique territoriale.

En outre, le soutien du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) reste ouvert, après la réforme menée par le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014, aux SPEL d'information politique et générale ou apportant régulièrement des informations et des commentaires sur l'actualité nationale et internationale de l'ensemble des disciplines sportives ainsi - en 2014 et 2015 - qu'aux SPEL « qui développent l'information professionnelle ou qui favorisent l'accès au savoir et à la formation, la diffusion de la pensée, du débat d'idées, de la culture générale et de la recherche scientifique » (article 9 du décret n° 2012-484 ainsi modifié). Le soutien à l'innovation numérique est ainsi accordé sans distinction aux SPEL éligibles des titres bimédia ou tout en ligne.

En 2013, le FSDP a ainsi accordé un total de 181 705 euros à quatre titres tout en ligne d'IPG, ainsi que 7 828 euros à deux titres tout en ligne non-IPG.

Enfin, dans le cadre de la même réforme des aides à la presse menée depuis mai 2012, il a été décidé, le 23 juillet dernier, d'ouvrir le soutien de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), via le Fonds d'avances remboursables aux entreprises de presse (FAREP), à la création de titres tout en ligne d'information politique et générale. Les bénéficiaires sont les entreprises créées depuis moins de trois ans. Les avances octroyées présentent un caractère participatif et sont donc assimilables à des fonds propres. Elles peuvent atteindre jusqu'à 200 000 euros par entreprise.

Elles couvrent l'ensemble des investissements nécessaires au démarrage de l'activité. Les modalités de remboursement sont adaptées à la montée progressive de l'activité avec une durée de maximum de sept ans pouvant inclure une période de franchise de remboursement allant jusqu'à deux ans.

En complément de cette avance du FAREP, les mêmes sites en création peuvent également bénéficier, pour leurs crédits bancaires, de la garantie offerte par le fonds « industries culturelles » de l'IFCIC, le taux de garantie pouvant atteindre 70 % pour des concours de 150 000 euros ou moins.

2. Une régulation du secteur des messageries à nouveau promise à des modifications
a) Un dispositif bicéphale

La loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite « loi Bichet », pose plusieurs principes qui organisent le système de distribution français : la liberté de diffusion, l'obligation de coopération des titres qui souhaitent regrouper leur distribution, l'égalité entre les éditeurs au sein des sociétés coopératives de messageries de presse (un éditeur, une voix) et l'impartialité des coopératives afin de ne pénaliser la diffusion d'aucun titre de presse.

Ces principes fondateurs sont venus répondre à la nécessité d'organiser la diffusion de la presse sur tout le territoire après la seconde guerre mondiale, en assurant la mise en commun des moyens de distribution.

Toutefois, ces dernières années, certains aspects de ce système sont apparus comme n'étant plus totalement adaptés à l'évolution de la situation de la vente de la presse au numéro. Les contraintes particulières de la distribution de la presse quotidienne qui se tourne résolument vers le portage au domicile des abonnés, le développement des éditions numériques, la baisse du nombre de points de vente et les règles du droit de la concurrence sont autant d'éléments nouveaux du contexte de la distribution de la presse.

À la suite des recommandations du livre vert des États généraux de la presse écrite de janvier 2009 et des propositions du rapport de juillet 2009 de M. Bruno Lasserre, alors président de l'Autorité de la concurrence, une première réforme des dispositions de la loi Bichet a été entreprise, afin de permettre une régulation plus efficace du système coopératif de distribution de la presse.

La loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse a entendu répondre à cet objectif.

Cette loi a été l'aboutissement d'une large concertation avec la profession qui a conduit à instaurer une régulation bicéphale, associant une instance professionnelle - le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) rénové - et une autorité administrative indépendante - l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP).

Le Conseil supérieur des messageries de presse (CSPM)

Instance professionnelle dotée de la personnalité morale où siègent des représentants de tous les acteurs de la distribution, y compris les dépositaires et les diffuseurs, le nouveau Conseil supérieur des messageries de presse a pour mission essentielle d'assurer le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau en exerçant les compétences normatives et de contrôle prévues par la loi.

Dans l'exercice de ses attributions, le CSMP doit veiller au respect de la concurrence et des principes de liberté et d'impartialité de la distribution . Il est également garant du respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques du système collectif de distribution de la presse (ces missions particulières incombent également à l'Autorité de régulation de la distribution de la presse dans l'exercice de ses compétences).

Au titre de ses compétences normatives, le Conseil supérieur est notamment chargé de fixer le schéma directeur, les règles d'organisation et les missions du réseau des agents de la vente (dépositaires et diffuseurs), d'établir un cahier des charges du système d'information sur le réseau de distribution au service de l'ensemble des acteurs, de définir les bonnes pratiques professionnelles et de fixer les conditions de rémunération des agents de la vente.

Il lui appartient également de définir de manière précise les conditions d'une distribution directe de titres par le réseau des dépositaires sans adhésion à une messagerie ainsi que les conditions d'une dérogation à l'exclusivité des contrats de groupage.

Par ailleurs, le Conseil supérieur est investi d'une mission de conciliation obligatoire des litiges survenant entre des acteurs de la distribution, avant toute action contentieuse. Cette mission, exercée dans le cadre d'une procédure transparente, impartiale et contradictoire, reprend une recommandation du livre vert des États généraux de la presse écrite, approuvée par le rapport Lasserre. Elle est de nature à favoriser la diminution des procédures contentieuses dans ce secteur.

La réforme a préservé les principes fondateurs de la loi Bichet dont le titre I er n'a pas été modifié. Elle a répondu également au souhait de la profession de garder une réelle maîtrise de la régulation sectorielle ainsi qu'à la nécessité d'instituer un contrôle objectif des décisions normatives de l'instance professionnelle et un arbitrage des différends survenant entre les acteurs du secteur, par une autorité indépendante.

Les missions de l'ARDP

L'ARDP est une Autorité administrative indépendante composée d'un membre du Conseil d'État, d'un magistrat de la Cour des comptes et d'un magistrat de la Cour de cassation.

L'ARDP est d'abord chargée d'arbitrer les différends relatifs au fonctionnement des messageries de presse ou concernant l'organisation et le fonctionnement du réseau de distri b ution, en cas d'échec de la procédure de conciliation devant le CSMP.

L'ARDP est par ailleurs chargée de rendre exécutoires les décisions de portée générale prises par le CSMP. Toutes les décisions de cette nature sont obligatoirement transmises à l'Autorité qui exerce un contrôle de conformité aux règles et principes de la loi Bichet avant de les rendre exécutoires. La force exécutoire des décisions de portée générale du Conseil supérieur est acquise à défaut d'opposition formulée par l'Autorité dans un délai de six semaines suivant leur réception.

L'Autorité peut adresser des recommandations au CSMP sur les décisions de ce dernier qu'elle refuse de rendre exécutoires.

L'ARDP est enfin appelée à formuler un avis, d'une part, sur l'exécution par le CSMP du contrôle des comptes des messageries de presse, de leur fonctionnement coopératif et de leur équilibre financier, d'autre part, sur l'évolution des barèmes tarifaires des messageries de presse.

Ce nouveau cadre a permis au CSMP d'engager en peu de temps de nombreuses réformes, dont certaines étaient depuis longtemps en attente, en particulier : l'assortiment des titres fournis aux points de vente, la restructuration du réseau des dépositaires de presse (dit « niveau 2 »), la durée des préavis contractuels liant les éditeurs aux messageries ou aux coopératives, la péréquation des charges liées à la distribution de la presse quotidienne nationale, la réforme de la rémunération des diffuseurs de presse ou encore la mise en place d'un système informatique commun à l'ensemble de la filière de distribution.

Entre décembre 2011 et septembre 2014, 21 décisions ont été prises par le CSMP et rendues exécutoires par l'ARDP. Depuis sa création, l'Autorité a émis six avis sur l'exécution par le CSMP du contrôle des comptes des messageries de presse, de leur fonctionnement coopératif et de leur équilibre financier, et sur l'évolution des barèmes tarifaires des messageries de presse.

b) Les modifications prévues par la proposition de loi « Françaix »

Malgré les avancées issues de cette première réforme, le système de distribution de la presse vendue au numéro en France rencontre toujours d'importantes difficultés, liées en particulier à la baisse continue du nombre de ventes de la presse.

Le rapport remis le 2 mai 2013 à la ministre de la culture et de la communication par le groupe d'experts animé par M. Roch-Olivier Maistre, formulait plusieurs propositions pour aller plus loin afin de rendre la régulation de la distribution plus efficace.

Dans cette perspective, une proposition de loi de modernisation du secteur de la presse 2 ( * ) a été déposée par M. Michel Françaix le 17 septembre à l'Assemblée nationale, dont un volet est consacré à l'amélioration de la régulation de la distribution de la presse.

Cette proposition de loi qui devrait être débattue en décembre à l'Assemblée nationale et pourrait être susceptible de venir en examen au Sénat au premier trimestre 2015 comprend trois évolutions majeures :

- le rééquilibrage des pouvoirs entre le CSMP et l'ARDP au profit de cette dernière. Ce nouvel équilibre devrait permettre d'accélérer la mise en oeuvre des réformes les plus complexes, tout en maintenant le rôle représentatif et décisionnel du CSMP. L'ARDP aurait ainsi la possibilité de demander l'inscription d'une question à l'ordre du jour du CSMP, d'imposer un calendrier, ou de réformer les décisions du CSMP ;

- le renforcement des prérogatives de ces instances au regard de la fixation par les coopératives des barèmes tarifaires applicables aux éditeurs que le CSMP à l'avenir homologuera, l'objectif étant d'assurer l'équilibre financier des messageries de presse ;

- l'élargissement des compétences du CSMP aux conditions de distribution de l'étape dite du « dernier kilomètre », afin que les éditeurs puissent assurer, en dehors du système des messageries, le transport des publications sur des zones géographiques déterminées. Cette initiative vise à permettre un rapprochement entre les circuits de distribution locaux et nationaux, en créant des synergies entre des réseaux qui aujourd'hui se superposent sans communication.

3. La baisse du portage en 2013

Les États généraux de la presse écrite (EGPE) avaient prévu des moyens financiers supplémentaires de soutien et de développement de la presse, notamment un plan de soutien massif du portage.

Outre une exonération partielle des charges sociales patronales appliquées aux porteurs, le fonds d'aide au portage, doté en 2008 de 8 millions d'euros, a bénéficié à compter de 2009 d'une dotation de 70 millions d'euros . C'est dans ce contexte que le fonds d'aide au portage de la presse quotidienne d'information politique et générale, créé par le décret n° 98-1009 du 6 novembre 1998, a été modifié en 2009 afin d'inciter les éditeurs de presse à développer ce mode de distribution.

La dotation du fonds a diminué en 2012 pour atteindre 45 millions d'euros, puis en 2013 (37,6 millions d'euros). En loi de finances initiale pour 2014, la dotation du fonds était de 36 millions d'euros. Ce montant est maintenu en 2015.

Le dispositif existant avait fait l'objet de nombreuses critiques notamment de la Cour des comptes, concernant son manque d'efficacité et l'effet d'aubaine qu'il aurait entraîné pour certains éditeurs. Dans le cadre de la réforme annoncée par la ministre de la culture et de la communication en juillet 2013, les conditions d'attribution de l'aide ont été réformées.

La baisse du portage en 2013

Le portage a progressé régulièrement entre 2007 et 2012 mais les objectifs fixés lors des États généraux de la presse n'ont pas été atteints. Les premières estimations montrent une baisse des exemplaires portés en 2013 de -3,2 %. Plusieurs causes peuvent être avancées .

Pour toutes les familles de presse, la baisse récente de la vente par portage est liée à la crise de la diffusion papier dont les ressorts sont bien connus : concurrence des nouveaux médias, accès généralisé via la TNT gratuite à l'information en continu, modification des comportements d'information, etc. Le portage est spécifiquement affecté par l'élévation du prix des carburants, notamment en province où le portage est effectué par voiture.

La famille de titres de la PQN voit le nombre d'exemplaires portés croître régulièrement entre 2007 et 2012. Le portage des titres de PQN par les réseaux de la PQR pose des difficultés techniques certaines, notamment logistiques.

Les difficultés auxquelles se heurte la PQR sont le coût croissant du transport (avec une desserte des zones rurales étendues), le recul du pouvoir d'achat, le vieillissement de la population et des marges de progression faibles parmi les clients potentiels du portage. La PQR ayant déjà atteint un plafond dans les abonnements portés « semi-institutionnels » (hôtels, cafés, mairies, etc.). Il est peu probable que le portage de cette famille de presse progresse encore de manière significative.


* 2 Proposition de loi n° 2224 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse présentée par M. Michel Françaix et plusieurs de ses collègues.

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