B. UNE SITUATION BUDGÉTAIRE « TENDUE » QUI NE PERMET PAS DE FINANCER LES INVESTISSEMENTS

1. Des relations financières entre l'État et l'AFP amenées à évoluer
a) Le calcul du coût des missions d'intérêt général

À partir du 1 er janvier 2015, les versements de l'État à l'Agence distingueront deux catégories, ce que permettent le statut de 1957 rénové ainsi que la nomenclature budgétaire :

Les missions d'intérêt général (MIG) seront détaillées par le futur contrat d'objectifs et de moyens (COM) et compensées par subvention de l'État. La compensation des MIG ne sera plus implicitement incluse, comme actuellement, dans les abonnements de l'État.

Le COM devra définir les modalités de calcul et de versement de la compensation des MIG, et appliquera pour ce faire la méthode dite de « coût net évité », validée par la Commission. La méthode du coût net évité consiste à calculer le coût net nécessaire, effectif ou escompté, pour exécuter les obligations d'intérêt général. Selon les indications transmises par le Gouvernement à votre rapporteur pour avis, la Commission a validé comme « scénario contrefactuel » l'hypothèse d'une AFP agence nationale, dans lequel :

- le calibrage du réseau est simplifié (moins de bureaux à l'étranger et moins de coûts de supports afférents), l'Agence collecte de l'information au niveau national ;

- l'Agence apparaît comme un fournisseur naturel pour les médias nationaux, la monétisation de l'information est optimisée ;

- l'AFP contracte avec une agence mondiale (américaine) pour obtenir un fil de dépêches internationales et les mettre à disposition de son fil national après sélection, édition et traduction,

- le tout exclusivement en langue française.

Votre rapporteur pour avis a pu mesurer, lors de l'audition des syndicats de l'AFP, combien cette méthode de calcul et les objectifs qu'elle poursuit avaient renforcé l'inquiétude des personnels de l'AFP qui s'interrogent sur la pérennité du réseau international de l'Agence et sur la possibilité qui sera la sienne à l'avenir à pouvoir produire et diffuser de l'information en langues étrangères. Ces ambiguïtés devront certainement être levées à l'occasion du débat sur la proposition de loi de M. Michel Françaix.

b) Le paiement d'abonnements commerciaux

L'État et l'AFP sont actuellement liés par une convention d'abonnements datant de 1958, qui a peu évolué depuis sa conclusion. Elle correspond aux 123 millions d'euros versés en 2014 sur le programme budgétaire 180 à l'AFP. Il existe en outre une série d'abonnements « hors convention d'État », souscrits de façon indépendante par certaines administrations publiques, pour un montant de 1,8 million d'euros environ.

La résolution de la procédure pour aide d'État ouverte par la Commission européenne appelle une remise à plat de cette situation. Une nouvelle convention d'État est en cours d'élaboration et de négociation et entrera en vigueur au 1 er janvier 2015, parallèlement au nouveau contrat d'objectifs et de moyens dont elle est distincte.

Les besoins effectifs de l'État tant en termes quantitatifs (fil d'information général, fil économique, fils des grandes régions géographiques pour le réseau diplomatique...) que qualitatifs (livraison des dépêches à des points de contact pour les administrations centrales et déconcentrées qui en ont l'usage) ont été recensés de façon détaillée.

La nouvelle convention d'abonnements couvrira l'ensemble des besoins des administrations publiques. Aucun abonnement ne pourra être souscrit par ailleurs par un service de l'État pour ses besoins d'information auprès de l'AFP.

En effet, pour écarter tout risque d'aide d'État indirecte, la Commission européenne demande que la France justifie de façon précise le nombre et la nature des abonnements souscrits par les pouvoirs publics auprès de l'AFP et puisse bénéficier d'un rabais de quantité dans le montant acquitté auprès de l'Agence . Ces principes guident la négociation commerciale que la direction générale des médias et des industries culturelles conduit, pour l'ensemble des services de l'État, avec l'AFP.

Enfin, conformément à la lettre de mesures utiles proposées par la Commission, le calcul de l'abonnement de l'État, aujourd'hui défini par référence aux tarifs de la presse française se fera par référence au barème des clients entreprises de l'Agence.

2. Des crédits préservés mais une situation financière qui reste tendue

L'AFP bénéficie, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, d'un transfert de crédits de la part de l'action n° 2 du programme 180 qui portera les moyens de l'action n° 1 à 126,1 millions d'euros, en hausse de 2,5 %.

Le projet de loi prévoit une hausse de 2 millions d'euros de la dotation auxquels s'ajoute le transfert des abonnements de l'État pour un montant de 1,39 million d'euros. Le Gouvernement annonce par ailleurs qu'il poursuivra son effort en faveur de l'AFP à hauteur de 0,8 million d'euros en 2016 et 0,4 million d'euros en 2017.

Pour l'année 2013, le chiffre d'affaires de l'Agence s'est établi à 282,9 millions d'euros , en retrait par rapport à ce que prévoyait le plan d'affaires 2009-2013. Pour les années 2014-2018, l'AFP ambitionne d'atteindre une croissance du chiffre d'affaires commercial compris entre 2 % et 2,5 % en moyenne annuelle. L'Agence entend également rétablir sa marge d'exploitation qui est descendue en dessous des 5 % du chiffre d'affaires du fait d'une hausse des charges supérieure à celle des produits. Or, l'AFP doit disposer d'une marge d'exploitation comprise entre 7 % et 10 % pour financer ses investissements (environ 13,5 millions d'euros par an sur cinq ans) et réduire sa dette.

Même si les crédits consacrés à l'AFP sont maintenus voire progressent légèrement, votre rapporteur pour avis regrette que l'examen du budget de l'AFP intervienne sans qu'ait été adopté formellement le prochain contrat d'objectifs et de moyens 2014-2018 qui devrait pourtant avoir un impact important sur le fonctionnement de l'Agence . Dans ces conditions, les crédits présentés dans le projet de loi de finances pour 2015 constituent le montant maximal susceptible d'être versé à l'AFP, à partir de la compensation estimée des missions d'intérêt général et du paiement estimé des abonnements sachant que 119,6 millions d'euros ont été versés par l'État en 2013 au titre des abonnements. Votre rapporteur pour avis souhaite que la revalorisation de la subvention à l'AFP soit poursuivie tout au long du COM pour atteindre la totalité de la compensation estimée des MIG et du paiement estimé des abonnements.

Ces incertitudes budgétaires nourrissent les interrogations des salariés de l'AFP qui s'inquiètent, en particulier, des difficultés de trésorerie de l'Agence. Ils observent que l'AFP n'est plus propriétaire de son siège et qu'elle continue à vendre des actifs ce qui les amène à nourrir des craintes sur le devenir de la filiale rassemblant les moyens techniques de l'Agence.

La direction de l'AFP a confirmé à votre rapporteur pour avis que la trésorerie de l'Agence était « tendue » mais elle indique aussi que ses comptes ont été bénéficiaires en 2013 à hauteur de 0,2 million d'euros.

L'AFP doit toutefois encore rembourser un emprunt auprès de l'État de 20 millions d'euros qui a été nécessaire pour refondre et moderniser le système rédactionnel de l'Agence. Elle doit également faire face à un crédit-bail souscrit en 2004 sur l'immeuble de la place de la Bourse, qui fait l'objet d'un remboursement conforme à l'échéancier prévu.

L'AFP reconnaît ne pas disposer des fonds pour autofinancer les investissements nécessaires dans le cadre de son plan de développement , ce qui explique le projet de création d'une filiale technique de moyens permettant de les préfinancer. La direction travaille à la création de cette société, en lien étroit avec la Caisse des dépôts et consignations, le Commissariat général à l'investissement et la Banque publique d'investissement.

La direction de l'AFP a tenu à préciser à votre rapporteur pour avis que « l'intégrité du statut de l'Agence ne sera nullement remise en cause par la création de cette société. La qualité et la performance de notre système d'information reste et restera un des piliers de la mission d'intérêt général dévolue à l'AFP. Cette obligation fondamentale sera exercée par des personnels techniques qui resteront sous contrat avec l'AFP et y seront affectés » .

Votre rapporteur pour avis prend acte de ces précisions apportées par l'AFP sur la création de la filiale technique qui inquiète beaucoup les personnels qui voient en elle une menace pour l'unité de l'Agence. Il considère que des garanties devront être apportées dans le cadre du débat sur la proposition de loi de M. Michel Françaix.

Au final, si on peut se féliciter que l'accord trouvé avec la Commission européenne pérennise la subvention de l'État pour les missions d'intérêt général, votre rapporteur pour avis estime qu'il reste encore du chemin pour porter à 100 % la compensation de ces missions qu'il appelle de ses voeux d'autant plus que la négociation du COM semble programmer l'érosion progressive de la revalorisation de cette subvention.

Votre rapporteur pour avis rappelle enfin que l'AFP est le produit d'une volonté politique et qu'elle ne pourra survivre sans le maintien d'aides publiques . Il souligne, à cet égard, qu'aucune des grandes agences mondiales ne vit de ses seules ressources propres , ce qui devra être gardé à l'esprit lors de l'examen de la proposition de loi « Françaix » qui pourrait avoir lieu au Sénat au début de 2015.

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