Avis n° 112 (2014-2015) de M. Jacques GROSPERRIN et Mme Dominique GILLOT , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 20 novembre 2014

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N° 112

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME V

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Par M. Jacques GROSPERRIN et Mme Dominique GILLOT,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. David Assouline, Mme Corinne Bouchoux, M. Jean-Claude Carle, Mme Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, Colette Mélot, M. Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, MM. Joseph Castelli, François Commeinhes, René Danesi, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Jacques-Bernard Magner, Christian Manable, Philippe Marini, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Cyril Pellevat, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

D'un montant de 31,34 milliards d'euros ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2014, les crédits de paiement de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) s'établissent, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2015, à 25,98 milliards d'euros , soit une diminution de plus de 17 %. Ce montant demeure, néanmoins, supérieur à la cible fixée pour 2015 (25,86 milliards d'euros en crédits de paiement) par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

En outre, il convient de souligner que la MIRES fait l'objet de changements de périmètre dans le projet de budget pour 2015, avec la suppression de trois programmes relatifs à la recherche 1 ( * ) correspondant à un montant total de crédits de paiement de 6,6 milliards d'euros ouverts en LFI 2014. Examinés à périmètre constant, les crédits de paiement de la MIRES demandés dans le projet de loi de finances pour 2015 enregistrent donc une progression de 5,1 % par rapport à leur niveau de 2014 (24,725 milliards d'euros).

Toutefois, à l'initiative du Gouvernement, un amendement réduisant de 136 millions d'euros les crédits de la MIRES par rapport au budget initial a été adopté en seconde délibération par l'Assemblée nationale le 18 novembre 2014, dont 71 millions d'euros de moins pour l'enseignement supérieur et 64,55 millions d'euros de moins pour la recherche. Le budget de la MIRES s'établit ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2015 transmis au Sénat en première lecture, à 25,846 milliards d'euros en crédits de paiement.

Selon les données communiquées par le Gouvernement, le budget placé sous la responsabilité directe du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de ses opérateurs s'élève à 23,05 milliards d'euros, soit une augmentation de 45 millions d'euros par rapport à son niveau de 2014 (+ 0,16 %) 2 ( * ) . Toutefois, cette augmentation est à ramener à 36 millions d'euros en tenant compte des mesures de périmètre et des transferts . En effet, le ministère de l'agriculture bénéficie d'un transfert de 20 postes et de 3,6 millions d'euros au titre des bourses et de l'enseignement supérieur agricole. Dans le périmètre du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, les niveaux respectifs des crédits dédiés à l'enseignement supérieur (12,79 milliards d'euros) et à la recherche (7,76 milliards d'euros) demeurent globalement stables en 2015.

Cette année, le présent rapport présente les crédits de la MIRES de la manière suivante :

- l'avis de M. Jacques Grosperrin , en première partie, retrace les évolutions des crédits en faveur de l' enseignement supérieur sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » , de l' enseignement supérieur agricole sur le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » et de la vie étudiante sur le programme 231 « Vie étudiante » ;

- en seconde partie, l'avis de Mme Dominique Gillot , est consacré à l'étude des crédits consentis aux organismes nationaux de recherche sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et à la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) sur le programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » .

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

PREMIÈRE PARTIE - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

En grande partie, les augmentations de crédits annoncées par le Gouvernement sur les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » résultent logiquement de mesures décidées par l'État, qu'il s'agisse de la création annuelle de 1 000 postes dans les secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche jusqu'à la fin du présent quinquennat ou de la poursuite de la réforme du système des bourses. Dès lors, la marge nouvelle pour les universités est en réalité quasi nulle dans un contexte d'effectifs étudiants qui augmentent à un rythme d'environ 1,4 % chaque année et d'une contrainte forte pesant sur tous les opérateurs de l'État appelés à contribuer au redressement des comptes publics .

Pour rappel, le budget global des opérateurs des deux programmes précités (universités, réseau des oeuvres universitaires et scolaires...) a connu une stagnation en 2014 et une baisse l'année précédente . Le contexte, s'il n'est pas catastrophique, reste donc particulièrement délicat pour les universités à qui l'on continue de demander des efforts conséquents en termes d'investissement, notamment dans le cadre de la structuration de leur recherche sur le long terme avec le soutien des investissements d'avenir, tout en les astreignant à des règles strictes de responsabilisation budgétaire dans le cadre de leur autonomie financière et de gestion des ressources humaines.

Les effets de la rationalisation de l'offre de formation mettent du temps à se faire sentir. Globalement, si la situation financière des universités s'est améliorée, avec un nombre moins important d'établissements en déficit 3 ( * ) , leurs fonds de roulement restent solides, le seuil prudentiel ayant été abaissé à quinze jours de fonctionnement pour les établissements publics d'enseignement supérieur. Selon les données du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015, seulement neuf universités disposent à l'heure actuelle d'un fonds de roulement inférieur au seuil prudentiel réglementaire. Toutefois, il serait étonnamment déresponsabilisant, en termes de discipline budgétaire, d'inciter les universités à prélever sur leurs fonds de roulement pour pallier les carences de l'État dans le transfert à l'euro près des sommes dues au titre de décisions nationales.

En tout état de cause, le budget de l'enseignement supérieur se trouve de longue date dans une impasse , depuis le passage des universités aux responsabilités et compétences partagées (RCE). Par exemple, de fait, la masse salariale notifiée aux établissements reste supérieure aux crédits dont dispose l'État pour la financer et qu'il doit par la suite distribuer aux universités. Le budget des deux programmes 150 et 231 est ainsi traditionnellement conçu sur le postulat qu'il faudra, de façon quasi systématique en fin d'année, dégeler des crédits mis en réserve afin de payer aussi bien les bourses des étudiants que la masse salariale des établissements . Cette pratique est contraire à la recommandation n° 4 formulée par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution budgétaire de la MIRES pour l'année 2013 qui invite l'État, pour les établissements passés aux RCE, à « clarifier en budgétisation initiale les facteurs d'évolution de la masse salariale que doit couvrir la dotation publique » et à « veiller à ce que les notifications des crédits de masse salariale ne soient pas supérieures au montant des crédits ouverts en LFI, nets de la réserve de précaution. »

La présentation par le Gouvernement de son projet de budget en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche s'est focalisée sur la poursuite de la création annuelle de 1 000 emplois dans les universités jusqu'en 2017 et la mise en oeuvre de la deuxième phase de la réforme des bourses. Néanmoins, ces annonces cachent plusieurs revirements budgétaires préoccupants et signaux décourageants pour la situation de notre système d'enseignement supérieur et de recherche :

- les atermoiements du Gouvernement dans le versement à l'automne de la totalité du reste des dotations promises aux universités : la Conférence des présidents d'université (CPU) a fait état d'un dernier versement de l'année amputé de 20 %, qui représenterait un montant de 200 millions d'euros, consécutif à la demande du ministère du budget que tout ou partie de cette somme fasse l'objet d'économies. Or, ce revirement stupéfiant conduirait les universités, selon la CPU, à être dans l'impossibilité d'assurer en décembre le paiement des salaires de leurs personnels ou à prélever dans leurs fonds de roulement, ce qui reviendrait pour l'État à demander aux universités de se « comporter en mauvais gestionnaires » 4 ( * ) . L'épilogue de cet épisode assez navrant est intervenu le 12 novembre 2014, avec l'annonce du versement de la totalité des dotations qui restaient dues aux universités. Pour autant, dans le même temps, le projet de loi de finances rectificatives pour 2014 présenté en Conseil des ministres le même jour prévoit 202 millions d'euros d'annulations de crédits du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche par la voie d'un décret d'avance. L'entourage de la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche aurait alors précisé que « les universités et les organismes de recherche ne seront pas touchés par ces économies car il s'agit pour l'essentiel de crédits déjà mis en réserve » ;

- la perspective d'une diminution des engagements de l'État dans le cadre des discussions sur le renouvellement des contrats de projet État-régions (CPER) pour la période 2015-2020 : dans une motion en date du 25 septembre 2014 5 ( * ) , la Conférence des présidents d'université (CPU) a déploré la baisse significative des enveloppes dédiées à l'enseignement supérieur, à la recherche et à l'innovation (ESRI) envisagées au sein des CPER pour la période 2015-2020, qui ne représenteraient que 25 % à 50 % des montants exécutés 6 ( * ) dans le cadre des précédents CPER de 2007-2014. L'inquiétude des présidents d'université a été immédiatement relayée par l'Association des régions de France (ARF) dont le président de sa commission « Enseignement supérieur, recherche et innovation » a alerté le Gouvernement sur les conséquences d'une baisse des crédits consentis par l'État à l'ESRI de 350 millions d'euros à 180 millions d'euros dans les prochains CPER ;

- une réforme du modèle de financement des universités bien trop timide : la refonte du système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA) entre établissements en vue d'une application en 2015 présente quelques avancées notables, telles que l'intégration d'une partie de la masse salariale dans le modèle, mais ne permet pas encore de réunir les conditions d'un encouragement à la performance dans les domaines tant de la pédagogie que de la recherche. De plus, l'interdiction dogmatique de tout débat sur la question de la modulation et de la détermination des droits d'inscription par les universités les empêche d'envisager une évolution dynamique de leurs recettes propres hors subventions, ce qui mine la crédibilité de leurs projets stratégiques et continue d'aggraver le fossé qui les sépare des grandes écoles, mieux positionnées à l'étranger ;

- la suppression de l'aide au mérite : alors que cette suppression avait été annoncée en juillet 2013, l'aide au mérite ayant été jugée inefficace par l'actuel gouvernement, elle avait été reportée à 2014. Une circulaire du ministère en date du 24 juillet 2014 a finalement confirmé l'extinction du dispositif mis en place par le ministre Claude Allègre en 1998 7 ( * ) , progressivement étendu en 2001 et généralisé en 2009 8 ( * ) à tous les étudiants boursiers sur critères sociaux titulaires d'une mention très bien au baccalauréat ou ayant obtenu d'excellents résultats en licence ou en master. Aux termes de cette circulaire, seuls les étudiants bénéficiaires de cette aide au titre de l'année 2013-2014 pourront continuer à la percevoir en 2014, en complément de leur bourse sur critères sociaux. Le 9 septembre 2014, un collectif d'étudiants 9 ( * ) a déposé auprès du Conseil d'État un recours contre la suppression de cette aide d'un montant de 1 800 euros par an, renouvelable jusqu'en master selon les résultats obtenus par le titulaire. Par une ordonnance en date du 17 octobre 2014, le Conseil d'État a suspendu la mise en oeuvre de la mesure de suppression , qui ne pourra être exécutée en attendant le jugement définitif de l'affaire.

Comme l'a fait observer à votre rapporteur pour avis la Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres (FESIC) représentant une part substantielle de notre enseignement supérieur privé à but non lucratif, l'étude publiée par le cabinet de conseil McKinsey Center for Government en janvier 2014, intitulée De l'enseignement supérieur à l'emploi 10 ( * ) , établit un constat plus que préoccupant sur l' adaptation insuffisante de notre système universitaire aux attentes des jeunes et aux besoins des entreprises :

- 67 % des personnes interrogées feraient un choix d'études différent s'ils avaient la possibilité de revenir en arrière, soit le taux le plus élevé d'Europe, 20 % seulement des étudiants français considérant avoir été correctement informés au lycée sur leur cursus dans le supérieur (contre 36 % en Allemagne) ;

- 35 % des jeunes diplômés pensent que leurs études supérieures les ont aidés à trouver un emploi, soit le taux le plus faible d'Europe juste devant la Grèce ;

- 8 % seulement des diplômés français s'estiment très satisfaits de leurs études et de l'emploi qu'ils ont obtenu à l'issue de leur cursus ;

- 73 % des responsables d'organismes d'enseignement sont convaincus que leurs diplômés sont prêts pour le monde du travail, contre seulement 33 % des jeunes et 27 % des employeurs, soit, en Europe, les écarts les plus forts et le taux le plus bas de satisfaction des employeurs.

I. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, PRIORITÉ GOUVERNEMENTALE ? : DES MOTS D'AMOUR SANS PREUVES

A. UNE SANCTUARISATION DES CRÉDITS EN AFFICHAGE QUI N'EXEMPTE PAS LES UNIVERSITÉS D'EFFORTS DOULOUREUX

En crédits de paiement, les moyens du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » s'établissent, dans le projet de loi de finances pour 2015, à 12,788 milliards d'euros, contre 12,793 milliards d'euros accordés en loi de finances initiale pour 2014, soit une diminution de cinq millions d'euros (- 0,04 %).

Évolution des crédits du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire »

(en euros)

Intitulé de l'action du programme 150

Crédits de paiement ouverts en LFI 2014

Crédits de paiement demandés en PLF 2015

Évolution 2015/2014

01 Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

2 842 803 786

2 882 344 011

+ 1,39 %

02 Formation initiale et continue de niveau master

2 375 790 047

2 381 144 391

+ 0,22 %

03 Formation initiale et continue de niveau doctorat

353 674 136

351 647 169

- 0,57 %

04 Établissements d'enseignement privés

79 665 852

78 895 852

- 0,97 %

05 Bibliothèques et documentation

433 532 960

431 549 636

- 0,46 %

13 Diffusion des savoirs et musées

107 955 691

106 364 231

- 1,47 %

14 Immobilier

1 323 466 591

1 244 881 167

- 5,94 %

15 Pilotage et support du programme

1 496 155 135

1 512 741 627

+ 1,11 %

17 Recherche

3 780 064 234

3 798 175 392

+ 0,48 %

Total

12 793 108 432

12 787 743 476

- 0,04 %

Source : Projet annuel de performances pour 2015

Toutefois, à l'issue d'une seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à minorer les crédits de l'enseignement supérieur sur la MIRES de 71 millions d'euros , dont :

- 70 millions d'euros sur le programme 150, par la voie d'économies que le Gouvernement entend faire porter sur les opérateurs, réduisant d'autant la marge de manoeuvre des universités ;

- un million d'euros sur le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles », que le Gouvernement justifie par une « actualisation à la baisse des déterminants de la dépense ».

1. L'immobilier universitaire, principal poste d'économies budgétaires

Sur le périmètre du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, 111 millions d'euros devraient être économisés, au sein du programme 150, au titre des dépenses immobilières, en raison de la fin du chantier de désamiantage du campus de Jussieu et de son financement sur crédits budgétaires à hauteur de 92 millions d'euros, et de l'extinction des contrats de plan État-régions (CPER) de la période 2007-2013 à hauteur de 19 millions d'euros.

En matière d'immobilier universitaire, le financement de l'opération Campus, lancée en 2008, bénéficie de 400 millions d'euros de crédits sur le programme 150 et d'une dotation « Campus » de cinq milliards d'euros générant plus de 200 millions d'euros d'intérêts annuels confiée à l'Agence nationale de la recherche (ANR). Par ailleurs, il a été attribué à l'opération de Saclay un milliard d'euros de dotation consommable dans le cadre des investissements d'avenir. À la suite de la mission d'évaluation des partenariats public-privé (PPP) universitaires projetés dans le cadre de l'opération Campus, confiée à M. Roland Peylet en 2012, le Premier ministre a pris une série de décisions, le 5 mars 2013, propres à relancer la rénovation des campus universitaires :

- le maintien des PPP là où les procédures sont engagées et là où la nature des opérations peut le justifier, sous réserve des avis de la mission d'appui aux partenariats public-privé (MAPPP) ;

- le basculement sous régime du code des marchés publics des opérations pour lesquelles ces procédures (contrats d'autorisation d'occupation temporaire assortis de mise à disposition ou maîtrise d'ouvrage publique) paraissent plus adaptées ;

- la faculté pour les pouvoirs adjudicateurs de contracter des emprunts auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de la Banque européenne d'investissement pour tout PPP, et, pour les seuls sites financés sur dotation, pour toutes les autres formules de commande publique. Depuis la promulgation, le 1 er janvier 2013, de la nouvelle loi de programmation des finances publiques, tous les établissements porteurs de projet des opérations Campus sont explicitement autorisés à souscrire des emprunts auprès de la Banque européenne d'investissement. Cette faculté s'ajoute aux financements déjà possibles auprès de la Caisse des dépôts.

Parmi les sites financés sur la dotation de cinq milliards d'euros destinée à l'enseignement supérieur, six PPP ont été signés ou devraient être prochainement conclus (un à Aix-Marseille, deux à Grenoble, un à Lyon, un à Condorcet-Aubervilliers et un à Saclay) et deux opérations devraient être poursuivies en maîtrise d'ouvrage classique à Lyon (Lyon Tech La Doua et les Quais). Quant aux projets financés directement sur le programme 150, onze devaient initialement faire l'objet de PPP mais certains d'entre eux vont basculer en maîtrise d'ouvrage publique.

Ventilation de la dépense immobilière

Source : Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

2. La création des 1 000 emplois supplémentaires

En 2015, la création des 1 000 emplois au sein des établissements d'enseignement supérieur nécessitera un abondement estimé à 58 millions d'euros en année pleine. Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche envisage la répartition suivante :

- 529 emplois créés au titre de l'amélioration du taux d'encadrement des étudiants et du rééquilibrage des dotations entre établissements bien et moins bien dotés au regard du système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA) ;

- 361 emplois en vue d'accompagner le dialogue contractuel, en particulier dans le cadre de la mise en oeuvre des regroupements universitaires et de la négociation des contrats de site ;

- 90 emplois en vue de soutenir des dispositifs spécifiques, nationaux ou de site ;

- 20 emplois seront destinés à l'enseignement supérieur agricole.

Le ministère s'appuie sur une enquête auprès des établissements qui ont bénéficié de créations d'emplois dans le cadre du schéma d'emplois pluriannuel afin de connaître l'utilisation de ces emplois, tant sur la cartographie des emplois que sur les missions auxquelles ces emplois ont été affectés. Cette enquête étant une enquête déclarative, la qualité des données dépend des informations transmises par les établissements. Seuls 157 recrutements ont été reportés par les établissements (12 %). 56 emplois attribués au titre de l'année 2014 ont une finalité incertaine à ce jour pour les établissements (4 %). La ventilation des emplois créés en 2013 et en 2014 fait apparaître que :

- 32,2 % des emplois créés l'ont été pour l'amélioration de l'encadrement des étudiants ;

- 11,7 % pour la maîtrise des langues ;

- 11 % pour l'amélioration de l'orientation des étudiants ;

- 10,4 % pour l'innovation pédagogique ;

- 10,4 pour les développements numériques ;

- 1,3 % pour l'entrepreneuriat étudiant ;

- 23 % pour d'autres missions.

Par catégories, 53 % des emplois créés ont été des emplois de personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service (IATOS), soit 583,5 emplois équivalent temps plein (ETP), et 47 % ont été des emplois d'enseignants-chercheurs (279) et d'enseignants (239).

3. Le triste épisode du dernier versement des dotations aux universités

Le 30 octobre 2014, le président de la CPU s'est ému de ce que le dernier versement par l'État aux universités de leur subvention pour charges de service public ne corresponde qu'à 80 % du montant qui leur avait été initialement notifié. Dans ces conditions, il s'est déclaré inquiet quant à la capacité des établissements d'honorer l'intégralité des paies de leurs personnels au mois de décembre. La perspective pour les établissements d'avoir à prélever sur leurs fonds de roulement afin de couvrir la paie des personnels n'a rien de pédagogique et d'incitatif à la responsabilisation de gestion des investissements. D'ailleurs, comme le souligne le président de l'Association des agents comptables d'université (AACU), M. Gilles Hoarau, il faut prendre garde à ne pas confondre fonds de roulement et trésorerie disponible : « il faut être très vigilant et ne pas considérer que le fonds de roulement des universités est [...] disponible et que c'est la réelle marge de manoeuvre des établissements, [...] car il peut cacher des engagements qui n'ont pas été dénoués » 11 ( * ) . Typiquement, le fonds de roulement de certaines universités peut contenir des financements qui n'appartiennent pas à l'établissement lorsqu'ils correspondent à des contrats pluriannuels avec l'Agence nationale de la recherche (ANR).

À la suite de discussions difficiles avec la direction du budget du ministère des finances, qui comptait sur un nouvel effort d'économies des universités au titre du redressement des comptes publics par un prélèvement de l'ordre de 200 millions d'euros, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a finalement obtenu le déblocage des 20 % restants des dotations des universités.

Il n'en demeure pas moins que le projet de loi de finances rectificative pour 2014, présenté en Conseil des ministres le 12 novembre 2014, prévoit désormais 202 millions d'euros d'annulations de crédits sur le budget du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, par la voie d'un décret d'avance « qui sera transmis dans les jours prochains » aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, et doit être ratifié à l'occasion de l'examen du collectif budgétaire par le Parlement. Le cabinet de la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et la recherche indique, cependant, que « les universités et les organismes de recherche ne sont pas touchés par ces économies car il s'agit pour l'essentiel de crédits déjà mis en réserve ».

Pour mémoire, le montant global de la dotation notifiée aux universités en 2013, après déduction de la réserve de précaution, s'est élevé à 9,852 milliards d'euros, dont 8,906 milliards d'euros au titre de la masse salariale et 945 millions d'euros pour les autres dépenses de fonctionnement. Le montant, pour 2014, de la dotation notifiée aux universités s'établit à 9,916 milliards, dont 8,968 milliards d'euros au titre de la masse salariale et 947 millions d'euros pour les autres dépenses de fonctionnement.

En raison de l'absence d'arbitrage du Premier ministre sur le taux de mise en réserve applicable aux universités (qui ont bénéficié jusqu'ici d'un prélèvement forfaitaire de 30 millions d'euros en 2013 et 2014), il n'est pas encore possible de déterminer le montant de la dotation qui devrait leur être notifiée pour 2015. Votre rapporteur pour avis juge indispensable le maintien des dérogations dont bénéficient les établissements publics d'enseignement supérieur en matière de réserve de précaution , étant donné que l'application des taux normés de mise en réserve aux secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche correspondrait à une diminution de 200 millions d'euros de leurs ressources.

B. DES DÉPENSES ADDITIONNELLES OBLIGATOIRES NON COMPENSÉES À DUE CONCURRENCE

1. La compensation aux universités de l'exonération du paiement des droits d'inscription au bénéfice des étudiants boursiers

Les étudiants bénéficiaires d'une bourse sur critères sociaux ou les pupilles de la Nation sont exonérés du paiement des droits d'inscription depuis 1984 par le décret n° 84-13 du 5 janvier 1984 relatif à l'exonération des droits de scolarité dans les universités, devenu l'article R. 719-49 du code de l'éducation. Cette exonération accordée par l'État est supportée par les établissements d'enseignement supérieur qui enregistrent un manque à gagner au niveau de leurs ressources propres. Au début des années 2000, la perte subie par les universités a été partiellement compensée sous la forme d'une « compensation boursière », l'État leur versant une subvention dont le montant était fixé en fonction du nombre d'étudiants boursiers qu'elles accueillaient.

Toutefois, la CPU insiste sur le fait que, depuis 2002, l'État a cessé de compenser ce manque à gagner pour les universités alors que le nombre d'étudiants boursiers a continué d'augmenter et s'est accru entre 2002 et 2013 de 150 000, en raison notamment de la création, à partir de 1999, de l'échelon 0 (correspondant à une augmentation de 100 000 du nombre de boursiers). Or, la charge de cet échelon, qui consiste uniquement en une exonération du paiement des droits d'inscription, incombe exclusivement aux établissements d'enseignement supérieur.

La CPU souligne que cette situation pénalise toutes les universités, en particulier celles accueillant le plus d'étudiants boursiers. Elle chiffre le manque à gagner pour les universités à environ 100 millions d'euros en stock par an, à raison de 210 euros en moyenne par étudiant boursier. Cette perte s'accroît avec l'augmentation du nombre de boursiers et celle des droits d'inscription.

Lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, le 4 novembre dernier, la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche s'est félicitée de la prise en charge par l'État de la compensation aux universités du manque de recettes découlant de l'exonération du paiement des droits d'inscription au bénéfice des étudiants boursiers, en rappelant que « la compensation boursière était réclamée par des universités qui, accueillant un grand nombre de boursiers, sont désavantagées car elles ne perçoivent pas de frais d'inscription. Elle sera complète dans quatre ans - la première année, 25 % seront pris en charge, ce qui représentera une dépense de 13 millions d'euros. » Votre rapporteur pour avis en déduit que le ministère évalue le coût total du rééquilibrage du dispositif de compensation boursière à 52 millions d'euros réparti sur quatre ans.

Entre 2009 et 2011, la compensation boursière est réputée couverte par les augmentations de dotation réparties par le système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA) même en l'absence de fléchage. À la suite de l'interruption de l'application du modèle SYMPA en 2011, 2012 a été identifiée comme la seule année pour laquelle la couverture du flux de l'exonération boursière a fait l'objet d'un abondement supplémentaire, de l'ordre de 7,5 millions d'euros. En revanche, en 2013, l'augmentation du nombre de boursiers n'a pas fait l'objet d'une compensation aux universités des droits d'inscription non perçus. La CPU rappelle que les universités n'ont pas perçu, en 2014, de compensation intégrale au titre de l'exonération des droits d'inscription pour les étudiants boursiers. Le ministère soutient, lui, que cette compensation est, depuis l'année 2014, effectuée en fonction du nombre réel d'inscriptions constaté dans les établissements et que le montant alloué au titre de la compensation boursière s'est élevé, en 2014, à 95,7 millions d'euros au total pour l'ensemble des universités.

Si le ministère s'est engagé à lancer une réforme progressive afin que cette compensation puisse être mise en oeuvre à partir de 2014, il n'y a pas eu d'ouverture de crédits supplémentaires. Pour 2015, la compensation boursière sera donc répartie entre les universités en dehors du modèle d'allocation des moyens, comme elle l'a été hors de SYMPA pour 2014. Le montant alloué au titre de la compensation boursière sera par conséquent déduit du montant global des crédits alloués par le modèle. Les 3,2 millions d'euros qui ont été redéployés à cet effet, en 2014, l'ont été par prélèvement sur l'enveloppe qui devait financer une partie du glissement vieillesse-technicité (GVT) solde des universités. Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution budgétaire de la MIRES pour l'année 2013 rappelle, en effet, que « 3,5 millions d'euros issus du second mouvement de fongibilité asymétrique ont été demandés en report sur 2014 pour financer la réforme du système de compensation boursière. »

Par principe, la CPU rappelle que les crédits correspondant à la compensation boursière, d'un montant de 99,6 millions d'euros en 2015, devraient être extraits du futur modèle d'allocation des moyens afin d'être directement versés aux universités. Toutefois, la conférence estime que cette mesure devrait être financée par l'ouverture de crédits supplémentaires et non pas, comme l'envisage le ministère, par redéploiement de crédits.

Votre rapporteur pour avis plaide pour l'institution d'un mécanisme plus neutre de compensation qui consisterait à augmenter la première mensualité de bourse versée à l'étudiant du montant annuel de ses droits d'inscription . La CPU est favorable à une telle mesure qui permettrait de ne pénaliser aucune université, quel que soit le nombre d'étudiants boursiers qu'elle accueille en son sein, mais il semblerait que cette mesure n'ait pas la faveur des organisations étudiantes. Pourtant, elle mettrait tous les étudiants, boursiers (quel que soit leur échelon) et non boursiers, en mesure de payer leurs droits d'inscription, ce qui aurait un effet responsabilisant. Votre rapporteur pour avis considère que les arguments avancés par le ministère contre cette mesure (complexification de la procédure de gestion des bourses avec risque de retard de paiement en raison de la situation hétérogène des étudiants boursiers) ne sont pas recevables, puisque toutes les informations relatives à la situation de l'étudiant, à son établissement d'inscription et au diplôme poursuivi sont contenues dans son dossier de bourse géré par son centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS).

2. La prise en charge de certaines dépenses de masse salariale dont la maîtrise du coût échappe aux universités
a) Le financement du glissement vieillesse-technicité

La CPU estime que le montant annuel du GVT solde, correspondant à la différence entre le GVT positif et le GVT négatif, varie, selon les années, entre 45 millions d'euros et 55 millions d'euros. Les universités disposent désormais d'outils de prospective leur permettant d'anticiper le montant de leur GVT solde. En revanche, la CPU souligne que les universités ne sont pas encore en mesure de maîtriser ce coût dès lors qu'une grande partie des éléments constitutifs du GVT positif sont conditionnés aux statuts particuliers des personnels, et notamment par les règles d'avancement et de promotion s'appliquant aux fonctionnaires des différents corps. Contrairement aux organismes de recherche ayant statut d'établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), les universités n'ont pas la maîtrise de ces dispositifs qui sont règlementés au niveau ministériel, voire interministériel. C'est la raison pour laquelle la CPU attache une particulière importance au financement du GVT solde par l'État, en application de la règle du « décideur-payeur ».

Jusqu'en 2011, le GVT solde a pu être entièrement financé aux établissements et intégré dans le socle de masse salariale. En fin de gestion 2012, le ministère a décidé de dégager 18 millions d'euros de crédits pour soutenir les établissements, extraits du dégel de la réserve de précaution en fin d'année, dont 10 millions d'euros destinés à compenser une partie du GVT positif constaté au travers de l'enquête de la CPU. La compensation a alors correspondu à 30 % du GVT positif. En 2013, une somme de 25 millions d'euros est dégagée, soit une compensation moyenne de 42 % du GVT positif d'un montant total de 60 millions d'euros. Elle est répartie sur la base des résultats de l'enquête CPU, avec un correctif apporté en fonction du coefficient dotation réelle/dotation théorique (DR/DT) en emplois 2013 (montant maximal de 44 % pour les établissements ayant les taux DR/DT les plus faibles). Cette somme n'est pas intégrée au socle de la masse salariale. En 2014, l'enquête menée par la CPU auprès des établissements passés aux RCE de 2009 à 2013 aboutit à un GVT positif de 55 millions d'euros. Le montant de la compensation par l'État n'est toujours pas connu. Les sommes continuent d'être versées en fin de gestion, en général à l'occasion du dégel d'une partie de la réserve de précaution, et ne sont donc pas prévues dans la loi de finances.

Pour 2015, le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances indique que « les crédits inscrits au PLF permettront par ailleurs de prendre en compte les effets du GVT dans le calcul de la dotation de masse salariale des universités ayant accédé aux RCE ». La CPU s'étonne, néanmoins, que le document reste silencieux sur le montant précis de la mesure annoncée à cet effet. Il est vrai qu'il est pour le moins surprenant que le projet annuel de performances s'aventure encore à indiquer que « l'élaboration du PLF 2015 est fondée sur une hypothèse de GVT solde égal à 0, le GVT positif étant compensé par l'effet des entrées et sorties », alors même qu'il admet, par exemple pour le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » (qui comprend notamment les écoles des mines) ou encore le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles », l'existence d'un GVT solde positif pour les opérateurs de ces programmes qui fait logiquement l'objet d'un provisionnement systématique dont le montant est bien précisé !

De la lecture du projet annuel de performances, votre rapporteur pour avis évalue la contribution du ministère au financement du GVT solde des universités à environ 45 millions d'euros, qui correspondrait à la différence entre l'augmentation des crédits de masse salariale enregistrée sur le programme 150 (+ 89,2 millions d'euros) et la somme des montants provisionnés pour les titularisations de la « loi Sauvadet » et les mesures catégorielles en faveur des personnels des catégories B et C.

b) Le financement des titularisations de la « loi Sauvadet » et des mesures en faveur des catégories B et C

Le projet annuel de performances indique que la mise en oeuvre des décrets du 29 janvier 2014 modifiant divers décrets relatifs à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie B et C de la fonction publique de l'État sera couverte par une enveloppe de 20,46 millions d'euros, alors que le coût de la mesure est estimé par la CPU à 30 millions d'euros.

Le projet annuel de performances précise également que le financement des contributions au CAS « Pensions » au titre des titularisations décidées dans le cadre du protocole de déprécarisation consécutif à la mise en oeuvre de la « loi Sauvadet » 12 ( * ) devrait s'établir, en 2015, à 24,82 millions d'euros, contre 39,05 millions d'euros en 2014 correspondant à 1 573 titularisations. Le ministère indique que la diminution programmée de cotisations, principalement en raison du dispositif « IRCANTEC » (institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques) à hauteur de 7,65 millions d'euros, devrait ramener le solde du coût de l'impact des titularisations de la « loi Sauvadet » sur le CAS « Pensions » à 23,2 millions d'euros. Ce calcul est établi sur le postulat d'un contingent de 2 114 bénéficiaires du dispositif en 2015.

Le ministère précise, en outre, que les moyens inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015 permettent, au-delà de ce qui avait pu être réalisé en 2013 et 2014, de compenser le surcoût indemnitaire moyen pour les personnels titularisés dans des corps de catégorie C et B. S'agissant des emplois, les titularisations ont vocation à être prononcées sur les supports d'emploi vacants du plafond d'emploi État. L'impact indemnitaire fait l'objet d'une mesure inscrite au PLF à hauteur de 1,59 million d'euros.

c) La dette de l'État vis-à-vis des universités au titre de la « loi TEPA »

Enfin, la CPU souligne que l'État ne s'est pas acquitté de la dette accumulée auprès des universités en raison des dispositifs de réduction des cotisations sociales institués par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « loi TEPA ». À ce stade, le schéma de fin de gestion ne permet pas de régler les 33,4 millions d'euros de dette accumulée (hors outre-mer).

3. La participation des universités au redressement des comptes publics, la suppression du jour de carence et la réserve de précaution

Les premiers prélèvements sur crédits récurrents dont les universités ont fait l'objet au titre de la contribution au redressement des comptes publics remontent à la loi de finances initiale pour 2013, pour un montant de 48 millions d'euros. Il n'y a pas eu de prélèvement supplémentaire à ce titre en 2014. Le projet de loi de finances pour 2015 annonce une « participation des établissements d'enseignement supérieur à l'effort de maîtrise des finances publiques » sans que soit précisé le montant de cette participation. À partir des éléments dont elle dispose, la CPU estime que l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur devrait participer à l'effort de maîtrise des finances publiques à hauteur de 100 millions d'euros en 2015 .

La loi de finances initiale pour 2013 a réduit de sept millions d'euros les crédits de fonctionnement des universités en raison de l'instauration d'un jour de carence dans la fonction publique . Ces crédits n'ont pas été rétablis en 2014 en dépit de la suppression de ce jour de carence et du retour au régime antérieur. La majorité gouvernementale à l'Assemblée nationale a refusé de le rétablir en rejetant un amendement centriste, alors même que le rapport pour avis de M. Alain Touret 13 ( * ) , député radical de gauche, appelait à son rétablissement, ne serait-ce que par équité vis-à-vis du secteur privé. Le Gouvernement s'obstine à maintenir cette suppression, sans pour autant rendre aux universités les crédits de fonctionnement qui leur avaient été retirés au titre du jour de carence en 2013 .

Dans ces conditions, votre commission a adopté, à l'initiative de votre rapporteur pour avis, un amendement tendant à transmettre au Parlement et au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), au plus tard le 30 juin 2015, un rapport sur le transfert par l'État aux universités des ressources nécessaires à l'exercice normal de leurs responsabilités et compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines prévues à la section 2 du chapitre II du titre I er du livre VII du code de l'éducation. Ce rapport devra évaluer les conditions dans lesquelles la dotation annuelle versée par l'État aux universités permet d'assurer la compensation intégrale de l'accroissement net de charges résultant de décisions prises par l'État et susceptible d'affecter le montant de la masse salariale des universités.

Par ailleurs, pour les universités, le montant de la réserve de précaution s'est élevé à 29 millions d'euros en 2013 et en 2014 . Ce montant n'intègre pas les mises en réserve appliquées aux crédits immobiliers et celles directement prélevées à la source du programme 150. Concernant les universités stricto sensu , un taux uniforme de 1,7 % a été appliqué , calculé hors crédits dédiés aux personnels titulaires (ex-titre 2) transférés aux universités lors de leur passage aux RCE. S'agissant de la mise en réserve 2015, la reconduction d'un taux dérogatoire sera demandée par le ministère. Votre rapporteur pour avis plaide pour le maintien de ce traitement dérogatoire dont ont bénéficié jusqu'à maintenant les opérateurs du programme 150 .

C. LA PARTICIPATION DES UNIVERSITÉS AU FONDS POUR L'INSERTION DES PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE

La contribution des universités au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) devrait s'établir à 15 millions d'euros en 2015 et 40 millions d'euros en 2016 . La CPU souhaite que les universités puissent bénéficier des mêmes dérogations et conditions de traitement dont bénéficient les établissements d'enseignement scolaire dans la mise en oeuvre de leurs obligations pour l'emploi de personnes handicapées. En effet, les universités sont confrontées à un problème de vivier pour le recrutement de personnes handicapées à des postes d'enseignants et d'enseignants-chercheurs . Si elles sont parvenues à rapprocher le taux d'étudiants handicapés inscrits en premier cycle du taux moyen de personnes handicapées au sein de la population nationale, le nombre d'étudiants handicapés poursuivant un troisième cycle reste extrêmement limité , diminuant d'autant la possibilité de recruter par la suite des enseignants-chercheurs handicapés.

Évolution et pourcentage d'augmentation des étudiants
en situation de handicap dans les universités

Année universitaire

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

2003-2004

2004-2005

2005-2006

2006-2007

2008-2009

2009-2010

2010-2011

2011-2012

2012-2013

Nombre d'étudiants handicapés

4 862

5 083

5 391

5 844

6 015

5 930

6 348

7 261

8 462

9 291

10 814

11 957

14 321

% d'augmentation

7,64%

4,55%

6,06%

8,40%

2,93%

-1,41%

7,05%

14,38%

16,54%

9,80%

16,39%

10,57%

19,77%

Source : Direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle

Source : Conférence des présidents d'université

La CPU indique qu'une nouvelle charte « université-handicap » a été signée en 2012 et introduit de nouveaux objectifs à atteindre pour l'université autour de quatre axes :

- la formation des étudiants : consolider les dispositifs d'accueil et d'accompagnement des étudiants handicapés vers l'insertion professionnelle ;

- la formation et la recherche sur le handicap : augmenter la cohérence et la lisibilité des formations et des recherches dans le domaine du handicap afin d'apporter des réponses adaptées et innovantes pour l'accompagnement des personnes handicapées tout au long de leur vie ;

- le développement des politiques de ressources humaines à l'égard des personnes handicapées : favoriser l'intégration des personnels en situation de handicap au sein des établissements de tous statuts, leur adaptation et leur maintien dans l'emploi, y compris pour les personnels en situation de handicap en cours de carrière ;

- le développement de l'accessibilité de l'ensemble des services offerts par les établissements (cadre bâti, numérique, culture, vie associative...).

En outre, la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche impose désormais aux universités de définir un schéma directeur du handicap afin d'inscrire tous ces thèmes au coeur de la politique de l'établissement.

Alors que la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche avait exprimé son intention de donner un avis favorable à l'adoption d'un amendement du rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, M. François André, visant à réduire le montant de la contribution des universités au FIPHFP, cet amendement n'a finalement pas été soutenu en séance en première lecture. M. Patrick Hetzel a déclaré, au nom du groupe UMP de l'Assemblée nationale, lors de la discussion précédant l'adoption des crédits le 4 novembre 2014, que « les handicapés ne [devaient] pas être dans ce secteur la variable d'ajustement ».

D. LA RÉFORME DU MODÈLE DE FINANCEMENT DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : UNE OCCASION MANQUÉE

Le système de répartition des moyens à la performance et à l'activité, dénommé SYMPA, mis en place au 1 er janvier 2009 en remplacement de l'ancien modèle d'allocation du nom de « San Remo », s'est interrompu brutalement en 2011, au moment où les moyens supplémentaires en faveur de l'enseignement supérieur ont fait défaut, ne permettant plus le rattrapage des établissements historiquement sous-dotés sans pénaliser les établissements identifiés jusqu'ici comme mieux dotés par le modèle théorique.

Afin de tenir compte des profonds bouleversements intervenus dans les secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, en particulier le passage aux responsabilités et compétences élargies 14 ( * ) (RCE) de l'ensemble des universités, l'expansion des financements sur projet dans le cadre du programme des investissements d'avenir et la mise en oeuvre de regroupements universitaires par fusions ou sous la forme de communautés d'universités et établissements (COMUE) ou d'associations, une réforme du modèle de financement des universités s'est imposée.

C'est pourquoi le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a lancé, en avril 2013, un chantier de refonte du modèle SYMPA, sur la base des travaux d'un comité de pilotage réunissant des représentants du ministère, de la CPU et de la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI). Ce comité de pilotage s'est réuni à l'occasion d'une table ronde organisée le 11 décembre 2013 au Sénat par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, dans le prolongement du rapport d'information commun aux commissions des finances et de la culture sur le financement des universités de Mme Dominique Gillot et M. Philippe Adnot 15 ( * ) du printemps 2013.

Comme l'indique le ministère, le nouveau modèle envisagé par ce groupe de réflexion se donne pour objectifs :

- d'articuler plusieurs dimensions - aussi bien en termes de territoires, de structures, de modes de financement - au service des missions de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la manière la plus équitable et efficace possible. Dans un contexte d'opérateurs autonomes, il s'agit d'inciter les établissements à déployer leurs stratégies et leurs engagements contractuels, en cohérence avec la stratégie nationale ;

- de permettre à l'État de piloter et réguler le système d'enseignement supérieur et de recherche sur des critères partagés et objectifs. Il doit avoir un caractère incitatif pour les établissements en prenant en compte la dimension de la performance et de la modernisation de l'action publique ;

- d'afficher de manière transparente les différentes composantes des moyens attribués aux établissements.

L'enjeu de la transparence dans l'allocation des moyens est un principe qui anime le ministère dans sa relation aux opérateurs. À titre d'illustration, lors du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) de juin 2013, ont été présentés le bilan et les perspectives de refonte de SYMPA. Les résultats de SYMPA pour chacune des universités et des écoles d'ingénieurs ont été communiqués.

Dans un document de travail en date du 30 septembre 2014, la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP) a dessiné les contours d'un nouveau modèle d'allocation des moyens aux établissements d'enseignement supérieur, renommé « MODAL ». Les principales évolutions envisagées portent sur :

- l'évolution des indicateurs d'activité et de performance afin de mieux prendre en compte les priorités assignées à l'enseignement supérieur et à la recherche dans le cadre des stratégies nationales. Pour le volet « activité », le périmètre de l'indicateur traditionnel du nombre d'étudiants présents aux examens est clarifié afin de prendre en compte les étudiants induisant une charge de formation et non financés par ailleurs et de ne pas retenir les étudiants se présentant aux examens mais ne représentant aucune charge de formation pour l'établissement dans lequel est effectué l'examen. S'ajouteront d'autres critères, tels que la proportion des moyens consentis par un établissement au budget de projet d'une école supérieure du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ). Pour le volet « performance », devraient être retenus le nombre de diplômés en licence et en master (pondérés en fonction de la durée d'étude), la valeur ajoutée de la réussite (destinée à mesurer l'action de l'établissement pour faire réussir les publics étudiants accueillis en prenant en compte un certain nombre de variables socioprofessionnelles), le taux d'étudiants en apprentissage, le nombre d'heures stagiaires par enseignants (afin d'évaluer l'effort de l'établissement en faveur de la formation continue) et le taux d'inscrits titulaires d'un baccalauréat technologique ou professionnel en diplôme universitaire de technologie ;

- la prise en compte des coûts fixes via un montant forfaitaire, et non plus par l'ajout d'étudiants. Ce montant sera calibré en novembre, sur la base du montant correspondant dans le modèle SYMPA en 2014. Jusqu'ici, les coûts fixes étaient pris en compte dans le modèle SYMPA par l'ajout forfaitaire de 500 étudiants (avant pondération) à chaque université ;

- la prise en compte des COMUE, qui devrait permettre d'allouer des crédits et des emplois pour la création d'une COMUE appelée à gérer en propre une des missions reconnues par le modèle (inscription des étudiants et gestion des formations correspondantes, inscriptions et financement des formations des doctorants, mise en commun d'un laboratoire, gestion d'une ÉSPÉ...) ;

- la poursuite des efforts dans le sens d'un rééquilibrage des moyens entre établissements, de sorte que la dotation réelle notifiée aux établissements se rapproche de la dotation théorique calculée par le modèle ;

- l'intégration dans le modèle, en sus du fonctionnement, de la masse salariale : il est proposé d'en sanctuariser 70 % et d'en réinterroger 30 % au regard des indicateurs d'activité et de performance, afin de tenir compte du passage aux RCE des universités et d'une grande partie des écoles d'ingénieurs et de reconnaître la différenciation historique entre les établissements. À cet égard, la DGESIP reconnaît que la masse salariale se caractérise par une très grande inertie (importance des emplois statutaires) et un certain nombre de déterminants qui ne relèvent pas de l'activité ou de la performance des établissements, notamment le taux de cotisation au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » ou le glissement vieillesse-technicité (GVT). En conséquence, les conditions d'actualisation budgétaire des dotations, notamment de la masse salariale, sont appelées à être clairement distinguées de la phase de calcul théorique par le modèle.

Pour mémoire, dans le cadre de SYMPA, seuls 12 % de la masse salariale totale étaient intégrés au modèle et réinterrogés chaque année, 88 % étant en dehors du modèle et de fait sanctuarisés, correspondant aux emplois transférés (titulaires sur plafond état) dans le cadre du passage des universités aux RCE.

Votre rapporteur pour avis regrette que la nouvelle version MODAL, pas plus que le modèle SYMPA, ne prenne en compte les contraintes de sites, comme la superficie, la vétusté des locaux ou l'éclatement des campus sur plusieurs sites . Le ministère justifie la non-prise en compte des contraintes de site par le souci de restreindre le nombre de critères utilisés dans le calcul et de garantir la lisibilité du dispositif de financement. Il soutient que le modèle n'a pas vocation à représenter les coûts constatés, même si ces derniers éclairent des décisions de calibrage du modèle.

En revanche, votre rapporteur pour avis se félicite que le nouveau modèle évalue l'activité de recherche non plus en fonction de ses résultats mais en fonction de ses enseignants-chercheurs environnés , c'est-à-dire pondérés selon le domaine disciplinaire d'exercice. La pondération permet la reconnaissance de l' « environnement » de chaque enseignant-chercheur, en l'espère les moyens alloués pour mener à bien leur activité de recherche (coût de fonctionnement et de personnel scientifique et administratif). Les coefficients de pondération traduisent les différences d'encadrement scientifique et de coût entre champs disciplinaires, ainsi que les arbitrages politiques.

Lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, le 4 novembre 2014, la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche a estimé que « beaucoup de modèles ont été expérimentés, prenant en compte des facteurs comme le nombre de boursiers, de disciplines ou d'étudiants, sans que les simulations financières donnent satisfaction. Le travail n'est pas perdu pour autant. Il a montré que le dispositif s'appliquait facilement aux écoles d'ingénieurs, mais pas aux universités qui offrent trop de diversité ». En soulignant les différences notables de vocation qui existent entre les grandes universités qui se caractérisent par une forte intensité de la recherche et les universités régionales de proximité disposant de moins d'infrastructures mais permettant à des étudiants de commencer leurs études plus près de leur commune d'origine, elle a reconnu la nécessité, pour que l'allocation des moyens soit la plus équitable possible, de prendre le temps de catégoriser les universités. Elle a indiqué redouter, du reste, que l'application aveugle du système SYMPA ne revienne à ce que certaines universités voient leurs dotations diminuer de près de 20 millions d'euros.

Les tensions internes au sein du système universitaire sur l'appréciation du modèle et de ses effets sont très fortes. Par exemple, les représentants des établissements spécialisés dans les sciences humaines et sociales considèrent être particulièrement désavantagés aussi bien par l'ancien modèle que par la nouvelle configuration envisagée. Toutefois, la possibilité de concevoir des modèles de financement par catégories d'établissements affaiblirait considérablement toute idée de solidarité entre universités et changerait la logique même que les gouvernements successifs ont cherché à imprimer au paysage universitaire en incitant aux regroupements pour favoriser l'interdisciplinarité.

En revanche, la secrétaire d'État a annoncé, le 31 octobre 2014, que le nouveau modèle envisagé par le DGESIP s'appliquera à partir de 2015 aux écoles d'ingénieurs qui se caractérisent par une plus grande homogénéité.

La CPU a indiqué à votre rapporteur pour avis les différents points de désaccord qu'elle entretient avec la DGESIP sur les pistes de réforme que celle-ci envisage pour le nouveau modèle d'allocation des moyens :

- le premier point de divergence concerne l'absence de concordance entre les calendriers de deux chantiers pourtant étroitement liés : celui portant sur la réforme du modèle SYMPA et celui portant sur l'analyse des coûts des formations et de la recherche. Or, la CPU souligne que l'un des motifs ayant conduit à ouvrir le chantier de réforme du modèle SYMPA réside dans la contestation des coefficients disciplinaires. C'est la raison pour laquelle a été parallèlement lancé le chantier sur la connaissance des coûts en vue d'objectiver la valeur des coefficients. Par conséquent, la CPU trouve incohérent de mettre en oeuvre, en 2015, un nouveau mode de calcul des dotations alors même que l'analyse de la connaissance des coûts des formations n'est pas encore finalisée ;

- le deuxième point de divergence avec la DGESIP est relatif au calibrage des enveloppes du futur modèle, notamment entre formations et recherche, d'une part, et entre activité et performance, d'autre part. Or, ce calibrage n'a toujours pas été débattu, selon la CPU, alors qu'il s'agit là de sujets éminemment politiques sur lesquels la conférence demande à être entendue ;

- le troisième point de désaccord porte sur les indicateurs liés aux effets d'incitation (c'est-à-dire à la performance) envisagés par la DGESIP, notamment ceux concernant la recherche, que la CPU ne peut en l'état retenir, au motif qu'une inconnue persiste sur la façon dont le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), appelé à remplacer l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) évaluera et restituera la notion de performance des unités de recherche. La CPU s'oppose fermement à ce que des critères de performance individuelle soient retenus pour rendre compte de la performance collective des unités de recherche ;

- enfin, le quatrième point de divergence, le plus important, réside dans l'opposition déterminée de la CPU à une intégration, fût-elle partielle, de la masse salariale dans le modèle d'allocation. En effet, elle considère que, d'une part, le modèle répartit déjà les emplois à l'activité et à la performance et, d'autre part, que les déterminants de l'évolution de la masse salariale, autres que le nombre d'emplois (notamment valeur du point d'indice, taux de contribution au CAS « Pensions », GVT, mesures catégorielles...) sont radicalement différents des indicateurs d'activité et de performance utilisés pour les crédits de fonctionnement et pour le calcul des emplois, ce qui pose, selon elle, un problème de cohérence globale.

E. LE RAPPROCHEMENT ENTRE CLASSES PRÉPARATOIRES ET UNIVERSITÉS

Votre rapporteur pour avis rappelle que, conformément à l'article 33 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, les lycées proposant des formations supérieures et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP, statut de droit commun des universités) sont appelés à conclure des conventions permettant la mise en oeuvre du principe de double inscription des étudiants en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ou en sections de technicien supérieur (STS) au sein de l'établissement d'enseignement supérieur partenaire de leur académie.

Initialement, l'objectif affiché par la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP) et la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) était de parvenir à une signature de toutes les conventions avant la fin de l'année 2014 afin d'être prises en compte dans le cadre de l'application « admission post-bac » (APB) en vue de la session 2015. Par ailleurs, le décret n° 2014-1073 du 22 septembre 2014 relatif aux modalités d'inscription des étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles de lycées publics dans un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel prévoit que ces étudiants doivent être inscrits dans l'EPSCP partenaire au 15 janvier de l'année en cours.

On estime à 255 000 le nombre d'étudiants en STS scolarisés dans un peu plus de 330 lycées et à 83 520 le nombre d'étudiants en CPGE inscrits dans près de 450 lycées. Dans le cadre des conventions qui devront être conclus entre leur lycée d'origine et l'université partenaire, ces étudiants sont appelés à s'acquitter des droits d'inscription de cette dernière (soit 184 euros pour le niveau licence cette année). Il est à noter que près de 30 % des élèves inscrits en CPGE sont boursiers et seront donc exonérés du paiement de ces droits d'inscription. Toutefois, l'Association des proviseurs de lycées ayant des classes préparatoires aux grandes écoles (APLCPGE) souhaite que ces droits fassent l'objet d'un « reversement significatif au lycée » qui permette de prendre en compte les frais de gestion et de suivi des étudiants en double inscription en collaboration avec les services de l'université partenaire, à un taux qui ne devrait pas, selon elle, être « inférieur à un seuil fixé nationalement ».

Pour sa part, le vice-président chargé de la formation au sein de la CPU, M. Gilles Roussel, estime que, dans la meilleure hypothèse, « les inscriptions des étudiants en CPGE dans les EPSCP pourraient rapporter environ 15 millions d'euros ». Dans le cas où l'agent comptable du lycée serait chargé de percevoir les frais d'inscription pour le compte de l'établissement d'enseignement supérieur partenaire, la CPU propose qu' « un minimum » national de 5 % des frais d'inscription (soit dix euros par étudiant) soit reversé au lycée.

F. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ À BUT NON LUCRATIF : UN ENSEIGNEMENT DE QUALITÉ, INSUFFISAMMENT SOUTENU

Dans le projet de loi de finances pour 2015, le montant des moyens consentis aux établissements d'enseignement supérieur privés inscrits dans le programme 150 s'établit à 78,9 millions d'euros, contre 79,7 millions d'euros en 2014, soit une baisse légèrement inférieure à 1 %. Toutefois, le montant budgété en loi de finances, qui a connu une baisse continue depuis 2011, fait régulièrement l'objet de gels significatifs en cours d'année. Ainsi, en 2013, les subventions aux établissements d'enseignement supérieur privés ont non seulement diminué de 6 % mais ont également été soumises à un gel de 7 %. En 2014, la baisse de leurs moyens est estimée à 7 %.

Évolution du financement de l'enseignement supérieur privé associatif

2011

2012

2013

2014

Évolution 2014/2011

Subvention accordée en loi de finances initiale

84,4

82,8

74,5

69,6

- 17,5 %

Exécution

81,9

80,6

70

64,7

- 21 %

Source : Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres

Les quatre fédérations de l'enseignement supérieur privé associatif réunissent 56 établissements sous contrat avec l'État. À la rentrée universitaire de septembre 2013, les établissements privés ayant signé un contrat avec l'État totalisent un effectif de 79 257 étudiants, soit 3 % des effectifs d'étudiants de l'enseignement supérieur. Sur les 79 257 étudiants pris en compte dans les critères de répartition des moyens, 75 640 suivent une formation initiale dans un établissement d'enseignement supérieur libre ou technique (donnant lieu à une subvention totale de l'État aux établissements les accueillant de 68,9 millions d'euros) et 2 717 étudiants suivent une formation préparant aux métiers de l'enseignement (donnant lieu à une subvention de l'État de 10 millions d'euros au profit des établissements privés proposant des formations de master destinées aux métiers de l'enseignement). Les établissements d'enseignement supérieur privés sous contrat avec l'État délivrent 10 % des diplômes de niveau master en France.

La création, par l'article 70 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, d'un statut pour les établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif, inscrit au nouveau chapitre II du titre III du livre VII de la troisième partie du code de l'éducation (articles L. 732-1 à L. 732-3), a permis de clarifier les rapports entre l'État et cette catégorie d'établissements concourant aux missions de service public de l'enseignement supérieur et de reconnaître leur fonctionnement particulier. Cette reconnaissance s'est concrétisée par la publication du décret n° 2014-635 du 18 juin 2014 relatif aux établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général et au comité consultatif pour l'enseignement supérieur privé qui fixe les modalités et la procédure de dépôt des candidatures des établissements souhaitant obtenir le statut d'établissement d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (EESPIG).

Le comité consultatif pour l'enseignement supérieur privé (CCESP), consacré par la loi, donnera un avis sur les candidatures. La composition de ce comité a été officialisée par un arrêté en date du 2 octobre 2014 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. M. Pierre Grégory a été reconduit dans ses fonctions de président de ce comité.

Afin de bénéficier de la qualification d'EESPIG, les établissements devront remplir les missions de service public de l'enseignement supérieur définies à l'article L. 123-3 du code de l'éducation. Seront examinées en priorité les candidatures des établissements privés ayant déjà signé un contrat avec le ministère chargé de l'enseignement supérieur depuis 2010. Une soixantaine d'écoles ou instituts sont ainsi concernés. Tous sont déjà reconnus par l'État au sens de l'article L. 443-2 du code de l'éducation et sont autorisés soit à délivrer un diplôme conférant le grade de master, soit à préparer à la délivrance d'un diplôme national par convention avec une université ou en jury rectoral.

La décision de qualification d'EESPIG sera également fondée sur le respect par l'établissement des notions d'indépendance de gestion. Il devra attester de son caractère non lucratif. L'adossement à la recherche, la qualité de l'insertion professionnelle, l'ouverture sociale seront également des critères déterminants. Enfin, la participation des établissements privés aux regroupements d'établissements sur les sites universitaires constituera un atout pour cette qualification. Celle-ci sera accordée pour la durée du contrat quinquennal.

Le protocole de contractualisation du 19 juillet 2010 entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur privés concourant aux missions du service public de l'enseignement supérieur précisait que la contractualisation « tendra [...] à rapprocher l'évolution des moyens par étudiant pour les établissements représentés par les fédérations signataires de celles dont bénéficient l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur publics ». Or, il s'avère que l'aide moyenne par étudiant inscrit dans l'enseignement supérieur privé a diminué de 37 % en quatre ans, de 2011 à 2014, passant de 1 382 euros à 873 euros :.

2010

2011

2012

2013

2014

Nombre total d'étudiants

52 885

59 277

61 872

66 379

70 292

Montant de la subvention de l'État par étudiant (en euros)

1 298

1 382

1 165

938

858

Source : Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres

Le président de la Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres (FESIC), M. Jean-Philippe Ammeux, a ainsi rappelé, à l'occasion d'un entretien pour le journal L'Étudiant en date du 30 juin 2014, que « nous n'avons pas de capitaux propres, et nous recevons très peu de subventions des pouvoirs publics. Nous vivons dans une précarité qui nous oblige à innover et être performants. Nous contribuons ainsi de façon significative au développement de l'enseignement supérieur. Notre existence permet à l'État d'économiser 700 à 800 millions d'euros par an. » Le fait est que la subvention versée par l'État représente en moyenne 10 % des ressources des établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif. Une telle diminution, qui s'ajoute à l'effondrement des fonds provenant de la taxe d'apprentissage (compris selon la FESIC entre 30 % et 50 %), pèse sur l'équilibre financier d'établissements qui ne souhaitent pas compenser ces pertes par une hausse de leurs frais de scolarité.

Dans ces conditions, la commission des finances du Sénat a adopté, à l'initiative de son rapporteur spécial, M. Philippe Adnot, un amendement tendant à rehausser de 1,57 millions d'euros le montant des crédits consentis à l'enseignement supérieur privé inscrits sur l'action n° 4 du programme 150, en prélevant une somme équivalente sur l'action n° 2 « Aides indirectes » du programme 231 « Vie étudiante ».

Les établissements d'enseignement supérieur, qu'ils soient du reste privés ou publics, s'estiment lourdement pénalisés par les changements résultant de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, en ce qui concerne les règles de versement de la taxe d'apprentissage et, notamment, le fléchage que pouvaient effectuer les entreprises sur leurs financements en faveur de certaines formations professionnelles.

En effet, les entreprises sont désormais tenues d'affecter 65 % de leurs versements au titre du barème (part hors quota de la taxe d'apprentissage, fixée à 23 %) au financement de formations de niveaux III (brevet de technicien supérieur - BTS -, enseignement technologique court...), IV et V (certificat d'aptitude professionnelle - CAP -, brevet d'études professionnelles - BEP -...) et 35 % pour des formations de niveaux I et II (formations de niveau égal ou supérieur à la licence). Les représentants des établissements d'enseignement supérieur rappellent que, depuis un certain nombre d'années déjà, le dynamisme de l'apprentissage est grandement alimenté par l'enseignement supérieur. La loi du 22 juillet 2013 entendait, du reste, renforcer considérablement le développement de l'apprentissage au sein des établissements d'enseignement supérieur.

Le vice-président de la Conférence des grandes écoles (CGE) et directeur général délégué « Enseignement, recherche et innovation » de la Chambre de commerce et d'industrie Paris-Île-de-France, M. Xavier Cornu, s'est ainsi inquiété de ce que « bon nombre de régions ont déjà fait part de leur souhait de favoriser les niveaux IV et V au détriment des formations supérieures ». Il redoute également que l'instauration d'une fraction régionalisée de la taxe d'apprentissage, qui devrait « augmenter les ressources des régions de près de 250 millions d'euros », conduise à « diminuer la part de la taxe librement affectable par les entreprises » alors que « les entreprises sont très attachées au fait de pouvoir choisir l'école qu'elles veulent soutenir financièrement » 16 ( * ) .

G. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AGRICOLE : UNE PÉPINIÈRE DE TALENTS À PRÉSERVER

Le montant des crédits de paiement accordés au programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » devrait s'établir, en 2015, à 330,6 millions d'euros, contre 312 millions d'euros en 2014, soit une progression de près de 6 %. 294,3 millions d'euros seront consentis à l'enseignement supérieur agricole et 36,3 millions d'euros reviendront à la recherche, au développement et au transfert de technologie dans le secteur agricole.

Le réseau de l'enseignement supérieur agricole comprend 12 établissements publics d'enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et paysager, un institut à vocation euro-méditerranéenne et sept écoles d'ingénieurs sous contrat. Il accueille 16 452 étudiants dans l'enseignement supérieur long (de la licence au doctorat), dont plus de 35 % sont boursiers.

Créé par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVFF) succède à Agreenium, constitué en consortium national pour l'agriculture, l'alimentation, la santé animale et l'environnement, établissement public de coopération scientifique (EPCS) regroupant, sur la base du volontariat, des organismes comme le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), l'école nationale vétérinaire de Toulouse, historiquement très liée à l'INRA, et des écoles agronomiques comme MontpellierSupAgro, AgroCampusOuest, AgroParistech, rejoints en juin 2012 par AgroSupDijon et Bordeaux SciencesAgro. Le statut d'EPCS ayant été supprimé par la loi du 22 juillet 2013, le Gouvernement a fait le choix de créer une nouvelle structure sous la forme d'un établissement public national de coopération à caractère administratif.

Chargé de renforcer les coopérations en matière de recherche et de formation entre ses membres, l'IAVFF assurera le fonctionnement du réseau national thématique d'enseignement supérieur et de recherche agricoles au service des politiques publiques portées par le ministère de l'agriculture (agriculture, forêt, alimentation, santé animale et ses liens avec la santé publique, l'environnement et le développement des territoires). En portant et en valorisant à l'international une offre intégrée de formation et de recherche agricoles, l'institut pourra être accrédité pour des formations de licence, master et doctorat, la priorité étant sa co-accréditation pour l'école doctorale ABIES (agriculture, alimentation, biologie, environnement et santé) qu'AgroParisTech a apportée à la COMUE de l'université Paris-Saclay. Un projet de décret mettant en place l'IAVFF devrait être transmis au Conseil d'État avant la fin de l'année.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis rappelle que le réseau de l'enseignement supérieur agricole compte douze établissements publics et sept établissements privés sous contrat avec l'État qui assurent des formations d'ingénieurs, de vétérinaires et de paysagistes dans le cadre des cursus de référence. Dans le projet de loi de finances pour 2015, l'enseignement supérieur agricole associatif sous contrat avec l'État bénéficiera d'un financement de 23,9 millions d'euros inscrit sur le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles », soit un montant équivalent à celui consenti en 2014. Les sept établissements ayant conclu un contrat d'objectifs et de moyens avec l'État ont contribué aux efforts de maîtrise des dépenses publiques en 2013 à hauteur de - 2,7 % et 2014 à hauteur de - 1,5 %.

Il demeure, néanmoins, un report de charges dû à ces établissements d'enseignement supérieur agricole sous contrat découlant de l'ancien dispositif, qui s'élevait initialement à six millions d'euros. Il a été atténué par des versements intervenus au cours de certaines années, notamment un million d'euros en 2013, pour atteindre aujourd'hui 1,9 million d'euros en crédits de paiement. Pour rappel, la Cour des comptes avait appelé l'État, dans son rapport sur l'exécution budgétaire de la MIRES pour l'année 2013, à « décider et construire un schéma de résorption du report de charges sur le programme 142 ».

H. LES CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGIONS : LA PERSPECTIVE D'UN RECUL PRÉOCCUPANT

Lors du Conseil des ministres du 16 juillet 2014, le Gouvernement a décidé de consacrer une enveloppe annuelle moyenne d'1,6 milliard d'euros pour les prochains contrats de plan État-régions (CPER) pour la période 2015-2020. À la fin du mois de septembre 2014, la CPU s'est émue de la baisse significative des montants consentis par l'État au volet « Enseignement supérieur, recherche et innovation » (ESRI) de ces CPER, les premiers mandats de négociation sur les CPER adressés par les préfets aux présidents de région laissant entrevoir des enveloppes réduites à un niveau situé entre 25 % et 50 % des montants exécutés dans le cadre du CPER précédent, qui lui-même ne représentait que 75 % des montants engagés initialement.

À titre d'exemple, l'enveloppe de l'État consacrée au volet ESRI du prochain CPER avec les Pays-de-la-Loire devait s'élever à 45 millions d'euros, contre 128 millions d'euros dans le cadre du CPER pour la période 2007-2013, ce qui a conduit la région à s'insurger contre « un recul inacceptable ». En Bretagne, l'enveloppe aurait été réduite à 50,4 millions d'euros, contre 140 millions d'euros dans le cadre du précédent CPER. Dans ces conditions, les sept présidents d'université du Grand Ouest ont alerté le Premier ministre sur « les risques majeurs que la baisse drastique des crédits de l'État et les reports d'arbitrage font aujourd'hui peser sur les établissements universitaires et de recherche des régions Bretagne et Pays-de-la-Loire ». Pour sa part, la région Nord-Pas-de-Calais a jugé « très humiliante » la proposition de l'État pour le volet ESRI de son prochain CPER, correspondant à un montant de 56,3 millions d'euros, alors que l'enveloppe engagée dans le précédent CPER était supérieure à 131 millions d'euros.

Dès lors, le Premier ministre a annoncé, à l'occasion du congrès de l'Association des régions de France (ARF), le 10 octobre 2014, un « effort supplémentaire substantiel » en faveur de l'ESRI dans le cadre des prochains CPER pour la période 2015-2020.

Le projet annuel de performances, publié le 7 octobre 2014, soit avant l'annonce du Premier ministre, fait état d'une enveloppe allouée aux futurs CPER de 840 millions d'euros, dont 720 millions d'euros pour le programme 150 et 120 millions d'euros pour le logement étudiant. Pour mémoire, les montants consacrés à l'ESRI dans le cadre des CPER pour la période 2007-2013 s'élevaient, en exécution, à 1,27 milliard d'euros en crédits de paiement, dont 1,13 milliard d'euros pour le programme 150 et 118,8 millions d'euros pour la vie étudiante sur le programme 231.

I. L'ÉVALUATION DES ÉTABLISSEMENTS : L'ÉVOLUTION DE L'AERES EN HCERES

Après de multiples reports, la publication du décret en Conseil d'État relatif à l'organisation et au fonctionnement du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES), censé se substituer à l'actuelle Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), était annoncée pour fin octobre ou début novembre 2014. Ce décret est finalement paru au Journal officiel du 16 novembre 2014.

Après l'adoption par le Parlement de la loi du 22 juillet 2013, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche avait confié une mission de préfiguration du HCERES à deux universitaires, les professeurs Denise Pumain et Frédéric Dardel, dont le rapport a été remis à la ministre fin décembre 2013. C'est sur cette base que les services du ministère ont élaboré le projet de décret qui, à la suite du remaniement ministériel au début du mois d'avril 2014, a fait l'objet de plusieurs consultations, avant son examen par le Conseil d'État en juillet 2014. Les consultations du comité technique de l'AERES, du CNESER et du comité technique ministériel se sont déroulées au mois de juin 2014. Le texte a pu être étudié par le Conseil d'État en septembre.

L'article 13 du décret prévoit que « le mandat des membres du conseil de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur est prolongé jusqu'à la mise en place du conseil du Haut Conseil. » En effet, la désignation des nouveaux membres du HCERES nécessite la consultation des instances nationales d'évaluation des universités (Conseil national des universités) et des organismes de recherche (Comité national de la recherche scientifique - CoNRS -, cellule évaluation de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et ses commissions scientifiques spécialisées...), ce qui peut prendre plusieurs mois. Pour mémoire, la mise en place du conseil de l'AERES avait nécessité quatre mois, de novembre 2006 à mars 2007.

En attendant sa transformation en HCERES, l'AERES a déjà considérablement fait évoluer ses pratiques en matière d'évaluation. En particulier, s'agissant de l'évaluation des formations, elle tient compte du passage de l'habilitation à l'accréditation nationale des formations introduite par la loi du 22 juillet 2014. L'AERES a développé depuis peu une évaluation des formations par le prisme « champs de formation », plus large et plus stratégique que le seul niveau de chaque formation prise individuellement. Ces champs correspondent à un ensemble cohérent de formations adossées à une thématique affichée par l'établissement. Une expérimentation identique est conduite sur les champs de recherche. L'AERES se positionne désormais dans une évaluation ex post des formations, qui vise à apprécier la valeur et les résultats des formations au cours des cinq dernières années. À titre d'exemple, l'université de Chambéry s'est distinguée par la présentation de son offre spécifique de formations par le prisme de la montagne. Dans cette logique, l'évaluation devrait conduire à renforcer l'interdisciplinarité dans l'offre de formation d'une université et à favoriser la complémentarité des cartes de formations entre des sites proches géographiquement.

En ce qui concerne l'évaluation des unités de recherche, l'AERES, qui en est réduite à fonctionner avec un conseil amputé de près de la moitié de ses membres, a supprimé définitivement la notation : après avoir supprimé la note globale, elle a donc abandonné la notation multicritères. Son objectif prioritaire consiste à accompagner les entités évaluées dans leur progression en s'appuyant sur une évaluation formative. Pour l'heure, l'agence n'a reçu aucune demande de mise en oeuvre de la validation de la procédure d'évaluation d'une unité de recherche par une autre instance, possibilité désormais offerte par la loi du 22 juillet 2013.

Il n'existe aucune garantie que le rapport d'évaluation d'une entité ne soit pas consulté par un décideur, qu'il soit public ou privé, qui envisage de lui attribuer un financement. Le fait de substituer une appréciation à une note n'empêchera pas, et, du reste, ne doit pas empêcher des présidents d'université, des présidents ou directeurs d'organisme de recherche, des responsables des collectivités territoriales ou des chefs d'entreprise de fonder leurs décisions de financement sur des éléments d'évaluation objectifs.

L'article 11 du décret relatif à l'organisation et au fonctionnement du HCERES prévoit que « pour les rapports d'évaluation des unités de recherche, seul le résumé final de l'évaluation, présentant une synthèse des avis et recommandations, est rendu public. »

Depuis la vague D (2012-2013), l'AERES évalue les politiques de sites. Un référentiel a été élaboré en ce sens et récemment adapté au contexte des coordinations territoriales. Il faut cependant préciser que ce ne sont ni les COMUE, ni les associations, mais bien les politiques de site qui sont évaluées, étant donné le faible recul sur cette question. Depuis la vague A (2014-2015), il est ainsi proposé aux établissements d'évaluer ces politiques de site, en amont des évaluations réalisées pour les établissements, les formations et les entités de recherche. Le périmètre des établissements concernés est défini par les établissements eux-mêmes. Des synthèses par site seront établies offrant ainsi une vision plus large et plus stratégique de l'offre de formation et de recherche au niveau d'une coordination territoriale.

L'AERES est encore aujourd'hui confrontée au problème délicat du financement de ses délégués scientifiques. Aujourd'hui, l'évaluation est gratuite pour les universités alors que, dans beaucoup d'autres pays, ce type d'évaluation est payant. La solution retenue en France consiste à dispenser les universités et les organismes de recherche de financer leur évaluation nationale mais à leur demander de mettre à disposition de l'AERES à temps partiel quelques chercheurs ou enseignants-chercheurs appelés à exercer les missions de délégués scientifiques, l'évaluation devant être effectuée par des pairs. Les comités d'experts de l'AERES sont ainsi généralement composés de six à huit chercheurs ou enseignants-chercheurs, pour lesquels l'AERES se porte garante de la méthode et de la déontologie.

À l'heure actuelle, l'AERES rembourse, sur une base modeste, aux universités la mise à disposition de délégués scientifiques, en compensant une partie de la masse salariale, à hauteur de moins de 20 000 euros par délégué. Néanmoins, la CPU a exprimé le souhait que les délégués soient remboursés aux coûts complets, soit à hauteur de 88 000 euros pour charge d'enseignement. L'agence et la CPU semblent, pour l'heure s'être accordées sur un remboursement de 25 000 euros sur la base d'une délégation à temps plein. Mais le problème se reposera l'année prochaine pour l'embauche de nouveaux délégués scientifiques pour lesquels l'AERES ne disposera sans doute pas des moyens suffisants.

Tant l'Association européenne des agences d'assurance-qualité pour l'enseignement supérieur (« European Association for Quality Assurance in Higher Education » - ENQA -) que le registre européen des agences d'assurance qualité pour l'enseignement supérieur (« European Quality Assurance Register for Higher Education » - EQAR -), ont indiqué que leur décision quant à la possibilité que le HCERES soit membre de l'ENQA et inscrit au registre de l'EQAR dépendrait du contenu du décret, c'est-à-dire des changements substantiels qu'il pourrait comporter, en particulier au regard des standards européens pour les agences d'assurance-qualité de l'enseignement supérieur. Il sera donc nécessaire, à l'appui de la demande de renouvellement de l'inscription à l'ENQA et au registre de l'EQAR, de produire un argumentaire indiquant les changements inscrits dans le décret et leurs conséquences au regard des standards et lignes directrices européens (« European Standards and Guidelines » - ESG -).

Dans la mesure où les ESG sont en cours de révision en vue de leur adoption prochaine lors de la réunion des ministres de l'enseignement supérieur, à Erevan en Arménie en mai 2015, l'AERES (et désormais le HCERES) pourraient bénéficier, du seul fait de cette évolution, d'une prolongation de l'inscription actuelle jusqu'en décembre 2016.

II. LA VIE UNIVERSITAIRE : METTRE TOUS LES ÉTUDIANTS EN SITUATION DE RÉUSSIR

Le programme 231 « Vie étudiante » devrait bénéficier, en 2015, de 2,498 milliards d'euros en crédits de paiement, contre 2,456 milliards d'euros accordés en 2014, ce qui représente une augmentation de 1,7 %.

Le réseau des oeuvres universitaires et scolaires, piloté par le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et animé au sein des académies par ses 28 centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS), se voit attribuer 320 millions d'euros de subventions de l'État, dont 275,8 millions d'euros de la part du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche au titre du programme 231 et 44,2 millions d'euros de la part d'autres ministères, soit une augmentation de plus de 8 % par rapport aux moyens qui lui ont été consentis par l'État en 2014 (295,56 millions d'euros).

A. UNE RÉFORME DES BOURSES GÉNÉREUSE MAIS QUI REMET EN CAUSE LA NOTION D'EFFORT

1. La deuxième phase de la réforme des bourses

La réforme des bourses, engagée à la rentrée universitaire de 2013, a permis, dans sa première phase, la création de deux nouveaux échelons en sus des sept échelons (de 0 à 6) préexistants :

- l'échelon « 0 bis » ouvrant droit à une aide de 1 000 euros par an ;

- l'échelon « 7 » permettant aux étudiants les plus modestes de l'échelon « 6 » de bénéficier d'une aide annuelle de 5 500 euros.

Cette première phase de la réforme a permis d'octroyer environ 55 000 bourses à l'échelon 0 bis et 37 400 bourses à l'échelon 7.

Dans le cadre de la seconde phase de cette réforme, le bénéfice de l'échelon 0 bis est étendu, à la rentrée universitaire de 2014, à 77 500 nouveaux étudiants des classes moyennes aux revenus modestes. Au total, ce seront donc 132 500 étudiants d'une classe d'âge qui bénéficieront de cet échelon de bourse. Les taux de bourse ont été augmentés de 2,1 % à la rentrée 2012 et de 0,8 % à la rentrée 2013. Pour l'année universitaire 2014-2015, le montant des bourses a été revalorisé de 0,7 %.

Le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2015 au titre des bourses sur critères sociaux (BCS) s'élève à 1,94 milliard d'euros. Pour le premier semestre 2015, l'effectif prévisionnel des étudiants bénéficiant d'une aide est estimé à 654 570 boursiers. Pour l'année universitaire 2015-2016, il est prévu une augmentation de 1,2 % des effectifs boursiers par rapport à 2014-2015.

Par ailleurs, l'aide à la mobilité internationale se présente sous la forme d'un complément de bourse pour les étudiants bénéficiaires d'une bourse sur critères sociaux. Son montant mensuel s'élève à 400 euros. Elle est accordée sur une période comprise entre deux et neuf mois. Cette aide est attribuée aux étudiants souhaitant suivre une formation supérieure à l'étranger dans le cadre d'un programme d'échanges ou effectuer un stage international et affectés dans un établissement d'enseignement supérieur inscrit dans une démarche de contractualisation avec l'État. Les bénéficiaires de cette aide sont sélectionnés par l'établissement d'enseignement supérieur dont ils dépendent. Un montant de 25,7 millions d'euros est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2015 au titre de l'aide à la mobilité internationale, soit un montant équivalent à celui consenti en 2014.

Le dispositif d'aides d'urgence constitué par le fonds national d'aide d'urgence (FNAU) est destiné à la fois aux étudiants, qu'ils soient boursiers ou non, qui rencontrent momentanément de graves difficultés et peuvent prétendre à une aide ponctuelle et à ceux qui doivent faire face à des difficultés plus durables comme la rupture familiale, la situation d'indépendance avérée et qui relèvent dans ce cas d'une aide annuelle. Il est doté, dans le projet de budget pour 2015, de 48,8 millions d'euros, en augmentation par rapport au montant accordé en loi de finances initiale pour 2014 (44,4 millions d'euros).

2. L'obstination du Gouvernement à supprimer l'aide au mérite

Par une circulaire en date du 24 juillet 2014, le Gouvernement a annoncé l'extinction de l'aide au mérite en faveur des étudiants ayant obtenu leur baccalauréat avec une mention « très bien » et des étudiants se distinguant par leurs résultats dans leurs études en licence et en master. La circulaire précise qu' « une aide au mérite complémentaire à une bourse sur critères sociaux est accordée aux étudiants déjà bénéficiaires d'une aide au mérite au cours de l'année universitaire 2013-2014 », ce qui signifie que le bénéfice de l'aide au mérite n'est plus ouvert aux étudiants qui souhaitent la solliciter pour la première fois à la rentrée 2014.

Cette aide, attribuée en complément d'une bourse sur critères sociaux et d'un montant annuel contingenté de 1 800 euros, a bénéficié d'un abondement de 42,3 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2014 afin de couvrir un contingent prévisionnel d'un peu moins de 27 500 aides au mérite. Afin de tenir compte de la volonté du Gouvernement de mettre le dispositif en extinction à partir de la rentrée 2014, le projet annuel de performances prévoit une dotation, en 2015, de 28,1 millions d'euros, censée permettre d'attribuer un contingent de 15 635 aides au mérite environ.

Évolution du nombre de bénéficiaires et du coût de financement de l'aide au mérite sur la période 2009-2013

2009-2010

2010-2011

2011-2012

2012-2013

2013-2014

Nombre de bénéficiaires

20 934

23 879

26 032

27 506

31 371

Coût total
( en millions d'euros )

18

42

41

53

48

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Toutefois, par une ordonnance du 17 octobre 2014, le juge des référés du Conseil d'État a estimé qu'il existait un doute sérieux sur la légalité de la partie de la circulaire du 24 juillet 2014 relative à l'extinction du dispositif de l'aide au mérite et que son exécution, susceptible de créer une situation d'urgence en privant des étudiants d'une part substantielle de leurs ressources, devait, dès lors, être suspendue, en attendant que le Conseil d'État se prononce sur sa légalité. Le juge des référés a notamment considéré que la circulaire était susceptible d'être entachée d'illégalité au motif que l'existence des aides au mérite, prévue par l'article 1 er du décret n° 2008-974 du 18 septembre 2008 relatif aux bourses et aides financières accordées aux étudiants relevant du ministère de l'enseignement supérieur, ne pourrait être supprimée par la voie d'une circulaire.

Votre rapporteur pour avis regrette l'obstination du Gouvernement à supprimer un dispositif qui entend valoriser l'effort fourni par des élèves et des étudiants au regard de leur situation personnelle ou familiale modeste , et qui avait été créé, du reste, par l'ancien ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, M. Claude Allègre, et renforcé par l'ancienne ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Mme Valérie Pécresse. Le Gouvernement a confirmé la suppression de cette aide dès juin 2015.

Il s'agit là d'un signal extrêmement négatif et décourageant envoyé à des milliers d'élèves qui voient aussi bien leurs efforts pour réussir en dépit de leur origine modeste que l'image même du baccalauréat dévalorisés. D'autant que les économies engendrées par la suppression du dispositif se limiteraient à 14 millions d'euros en 2015 et 2016, et à six millions d'euros en 2017, soit respectivement seulement 0,6 % puis 0,2 % des crédits de paiement du programme 231.

B. LES EFFORTS EN FAVEUR DU LOGEMENT ÉTUDIANT : UN BILAN EN DEMI-TEINTE

1. Un plan national en faveur du logement étudiant qui peine à décoller

En dépit des opérations réalisées dans le cadre des deux plans Anciaux 17 ( * ) , le parc des logements étudiants reste bien en-deçà des besoins identifiés. Sous l'actuel quinquennat, les efforts annoncés par le Gouvernement en faveur de la réhabilitation du parc de logements étudiants et de la création de 40 000 logements étudiants supplémentaires en cinq ans peinent à porter leurs fruits :

- on constate un fléchissement du nombre de logements réhabilités depuis 2010 :

Nombre de logements étudiants réhabilités depuis 2008

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Prévision 2014

Prévision 2015

5 859

4 989

8 523

5 939

5 781

4 096

4 071

5 061

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

- la création, au terme du quinquennat, de 40 000 nouveaux logements étudiants suppose un rythme annuel de construction de l'ordre de 8 000 logements nouveaux par an. Or, à peine plus de 4 000 logements nouveaux ont été livrés en 2013 :

Évolution des logements étudiants construits depuis 2008

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Prévision 2014

Prévision 2015

3 715

2 395

3 007

4 000

3 800

4 034

2 241

2 166

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Des prévisions actualisées font état de moins de 2 500 nouveaux logements étudiants construits par an en 2014 et 2015, alors même que le Gouvernement tablait, dans sa programmation, sur une montée en charge du plan avec 5 380 nouveaux logements en 2014 et 9 263 en 2015 !

Au 31 mars 2014, le potentiel recensé par la mission « Plan 40 000 » est de 42 916 places, principalement dans onze académies (Aix-Marseille, Bordeaux, Créteil, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Nice, Paris, Toulouse, Versailles) qui sont appelées à créer 37 065 places sur la durée du plan.

Le tableau suivant indique la programmation des constructions envisagée par le Gouvernement, dont on constate qu'elle est bien plus ambitieuse que les résultats jusqu'ici enregistrés :

2013

2014

2015

2016

2017

TOTAL

Prévision

6 021

5 380

9 263

9 046

13 206

42 916

Réalisé (constructions CROUS 1 seules)

4 034

1 Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires.

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Le Gouvernement indique que, sous l'égide des ministères chargés de l'enseignement supérieur et du logement, un comité de pilotage du « plan 40 000 logements étudiants » a été mis en place afin d'assurer la coordination de l'action des différents opérateurs publics et privés impliqués. Le parc des résidences universitaires des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) est sollicité pour 30 000 de ces nouveaux logements qui se répartiront géographiquement en priorité dans les six régions où le déficit de logements par rapport au nombre d'étudiants est le plus fort : Île-de-France, Aquitaine, Provence-Alpes-Côte-D'azur, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais.

2. Les efforts inscrits dans les contrats de plan entre l'État et les régions en faveur du logement étudiant

Au sein des CPER pour la période 2007-2013, 10 % de la participation de l'État ont été consacrés à des opérations de rénovation et de construction de logements étudiants, soit un montant de 205 millions d'euros pour une participation totale de l'État de 2,12 milliards d'euros. En 2014, ces CPER ont été prolongés d'une année avec un effort, inscrit sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » de la MIRES, d'un montant de 100 millions d'euros. Au final, le taux d'exécution des crédits engagés par l'État dans le cadre des CPER en faveur du logement étudiant s'établit à 79,5 %.

Dans le cadre des futurs CPER pour la période 2015-2020, dont la signature devrait intervenir d'ici la fin de l'année 2014, le logement étudiant figure dans les priorités de l'État, rappelées dans le cahier des charges du volet « Enseignement supérieur, recherche et innovation ». Les préfets de région ont reçu comme consigne de privilégier les opérations de rénovation lourde des logements étudiants existants et de création de logements dans les secteurs en tension au sein des régions ayant programmé un nombre important d'opérations dans le cadre du « plan 40 000 logements étudiants ». Sur l'enveloppe de 840 millions d'euros qui sera consacrée par l'État au financement du volet immobilier des CPER, 123 millions d'euros seront inscrits sur le programme 231 « Vie étudiante » de la MIRES en faveur du logement étudiant.

Dans chaque région, le préfet et le ou les recteurs d'académie ont été invités par la circulaire interministérielle du 31 janvier 2014 à mettre en place une instance de pilotage afin d'organiser la mutualisation des informations sur l'offre existante et la production de logements pour les étudiants. Cette instance doit permettre de mobiliser toutes les parties prenantes du logement étudiant.

Le tableau suivant récapitule l'ensemble des moyens mobilisés par le réseau des oeuvres universitaires et scolaires en faveur de la réhabilitation de logements :

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Prévision 2014

Prévision 2015

Total mobilisé par le réseau des CROUS

102

81,7

85,5

106,8

71,7

65,4

60,7

65,6

Dont ressources propres et emprunt

40

29,4

26

19,7

17,9

25,2

18,1

8,6

Dont contribution du programme 231

62

52,3

59,5

54,3

53,8

40,2

42,6

57

Total « Autres »

4

27

26,9

16,1

7,56

7,16

1,8

nd

Dont CPER part État (en crédits de paiement)

4

16,74

10,22

16,1

7,56

7,16

1,8

nd

Dont plan de relance de l'économie

10,26

16,68

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

3. L'expérimentation réussie de la caution locative étudiante

Selon l'Observatoire de la vie étudiante (OVE), 16 % des étudiants déclarent avoir des difficultés à trouver un logement faute de garant, alors que le logement constitue le premier poste de dépenses dans leur budget. Le dispositif de caution locative étudiante (CLÉ) permet à des étudiants qui sont dépourvus de garants personnels de bénéficier de la garantie de l'État et qui voient ainsi leur accès au logement facilité. Ce dispositif, expérimenté en 2013, sera généralisé pour l'année universitaire 2014-2015.

Afin de bénéficier du dispositif CLÉ, les étudiants doivent satisfaire les conditions suivantes :

- disposer de revenus mais sans caution familiale, amicale ou bancaire cherchant à se loger en France pour y faire leurs études ;

- être âgés de moins de 28 ans au 1 er septembre de l'année de signature du bail ;

- ou être âgés de plus de 28 ans au 1 er septembre de l'année de signature du bail, sous réserve d'être doctorants ou post-doctorants de nationalité étrangère.

La CLÉ peut être demandée pour tout type de logement dont le loyer est inférieur à 700 euros pour Paris intra-muros , 600 euros pour l'Île-de-France hors Paris intra-muros et 500 euros pour les autres régions, quels que soient les bailleurs (CROUS, bailleurs sociaux, propriétaires particuliers, agences locatives...) ou le mode d'occupation (seul, en couple, en colocation...).

Le fonds de garantie mutualiste est abondé par l'État, à hauteur de 300 000 euros, la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 300 000 euros, la participation des régions souhaitant s'associer au dispositif, à hauteur de 100 000 euros par région, et les cotisations versées par les étudiants, de l'ordre de 1,5 % du montant du loyer mensuel.

À la mi-septembre, ce sont plus de 3 100 demandes de CLÉ qui ont déjà été enregistrées. Le Gouvernement considère que la montée en charge du dispositif est satisfaisante.

C. LA SITUATION SANITAIRE DES ÉTUDIANTS : EN FINIR AVEC DES DYSFONCTIONNEMENTS PERSISTANTS

Le 3 juillet 2014, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a décidé de placer sous administration provisoire La Mutuelle des étudiants (LMDE). Cette décision temporaire ne remet pas en cause le remboursement des soins aux étudiants, qui est garanti et continuera à être assuré. Les étudiants peuvent donc continuer d'envisager leur rattachement au régime étudiant de sécurité sociale géré par la LMDE ou les mutuelles régionales du réseau EMEVIA des mutuelles étudiantes de proximité.

Un plan d'adossement de la LMDE à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) avait été approuvé, en mars 2013, par les organismes délibérants des deux mutuelles. Ce plan prévoit à terme une délégation de la LMDE à la MGEN de l'ensemble de ses activités de gestion opérationnelle et d'une partie de ses fonctions support. Le Gouvernement soutient que cet adossement a permis une amélioration du traitement des feuilles de soins et du délai de remboursement. Il a été demandé aux mutuelles étudiantes d'intensifier leurs efforts dans le sens d'une meilleure visibilité de l'évolution du montant des remises de gestion pour les prochaines années et d'une plus grande qualité de service. Toutefois, la MGEN a récemment renoncé à son adossement à LMDE pour le régime de base, leur partenariat étant maintenu pour le régime complémentaire.

Les organisations étudiantes défendent le maintien d'un régime de sécurité sociale étudiante autonome, en soutenant un scénario de transfert des activités de gestion de la LMDE, dites de « back office », à la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) pour le régime obligatoire et à la MGEN pour la couverture complémentaire, la mutuelle étudiante se concentrant sur ses activités de « front office ». Néanmoins, cette formule ne permettra pas de mettre un terme à l'existence de mutuelles « croupions » qui se borneraient à faire l'interface entre les étudiants et le « back office » et de déterminer le niveau juste et soutenable des remises de gestion.

Le 12 novembre 2014, la commission des affaires sociales du Sénat a amendé la proposition de loi tendant à réformer le système de sécurité sociale des étudiants, dont notre collègue Catherine Procaccia est l'auteure et qui fait suite à la mission menée en 2012 par la même commission 18 ( * ) , au rapport de la Cour des comptes publié en 2013 19 ( * ) et au débat organisé en séance publique le 3 décembre 2013, en présence de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle vise à mettre fin d'ici trois ans à la gestion de la couverture maladie obligatoire des étudiants par les mutuelles étudiantes. Elle part du constat que la délégation, depuis 1948, du service de prestations de sécurité sociale en direction des étudiants à des mutuelles étudiantes souffre de « la lourdeur du processus de mutation inter-régimes » et de « complexités multiples, sources de dysfonctionnements qui, in fine , limitent la qualité du service rendu aux 1,7 million d'affiliés » 20 ( * ) .

Après avoir reporté l'entrée en vigueur de la loi au 1 er septembre suivant la troisième année de sa promulgation afin de permettre de préparer dans les meilleures conditions le rattachement des étudiants au régime de leurs parents, la commission des affaires sociales a précisé que le texte qu'elle a adopté « prévoit le maintien du rattachement des étudiants au régime de leurs parents pendant la durée de leurs études. Les étudiants conserveront un statut propre et resteront indépendants de leurs parents puisqu'ils seront affiliés à part entière. Ils continueront de verser chaque année une cotisation forfaitaire traduisant leur participation à la gestion des risques maladie et maternité. Source de simplifications et d'amélioration de la qualité du service rendu, ce texte génèrera des économies de gestion non négligeables pour l'assurance maladie. »

Ce texte a été adopté par le Sénat le 18 novembre 2014. Le débat qui s'est engagé a eu le mérite de démontrer que certaines améliorations au système de sécurité sociale étudiante pouvaient donner lieu à un accord transpartisan, comme l'illustre l'adoption d'un amendement de Mme Catherine Procaccia visant à exonérer du paiement de la cotisation forfaitaire les étudiants, qui pour l'année universitaire, exercent une activité salariée d'au moins 60 heures par mois, ou 120 heures par trimestre. Il s'agit d'éviter aux étudiants salariés, apprentis ou alternants de payer une double cotisation, étant donné qu'ils ne parviennent jamais à obtenir le remboursement de la cotisation en sus.

III. LE BILAN DES REGROUPEMENTS UNIVERSITAIRES

A. UNE DÉMARCHE DE REGROUPEMENT GLOBALEMENT BIEN ACCUEILLIE

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 2013, les établissements publics d'enseignement relevant du ministère chargé de l'enseignement supérieur et les organismes de recherche partenaires ont désormais l'obligation, en vertu de l'article L. 718-2 du code de l'éducation, de se regrouper afin de coordonner leur offre de formation et leur stratégie de recherche sur un territoire qui peut être soit académique ou interacadémique, selon l'une des trois modalités prévues à l'article L. 718-3 du code de l'éducation : la fusion, l'association d'établissements à un seul établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (statut de droit commun des universités) ou la communauté d'universités et établissements.

À ce jour, quatre fusions ont déjà été réalisées, cinq sont prévues à des horizons plus ou moins rapprochés, 19 COMUE ont vu ou devraient voir le jour à la fin de l'automne 2014 sur des sites académiques, et deux COMUE interrégionales (Bretagne et Pays-de-la-Loire et Centre-Limousin-Poitou- Charentes) devraient être constituées en 2015. Enfin, sur cinq sites, c'est la formule de l'association qui a été privilégiée.

Toutes les universités participent à un regroupement sous l'une des trois formes évoquées, à l'exception de l'université Paris-II, qui a quitté en 2013 le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) Sorbonne Universités 21 ( * ) et pour laquelle la modalité de regroupement n'est pas encore stabilisée.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de sa politique de sites, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ne peut véritablement s'appuyer que sur la distribution d'une partie des 1 000 emplois créés annuellement comme « monnaie » incitative de la contractualisation. En effet, sur les 60 millions d'euros correspondant au financement des 1 000 emplois, 20 millions d'euros font l'objet d'une contractualisation avec les établissements au travers des contrats de site.

Néanmoins, les établissements font preuve d'un bel effort dans la définition d'une stratégie cohérente de site. L'essentiel de cette stratégie est désormais consigné dans le volet commun du contrat de site, généralement d'une vingtaine de pages. On y prévoit des jalons pour évaluer l'état d'avancement de la mise en oeuvre de cette stratégie avec la direction générale pour l'enseignement supérieur et la recherche. Quant aux volets spécifiques à chaque établissement, les présidents des établissements regroupés s'attachent à détailler trois à quatre grands axes de transformation.

La vague C (2013-2017) a permis une première expérimentation du contrat de site autour de deux sites : l'Alsace et la Lorraine avec, respectivement, comme chefs de file l'université de Strasbourg et l'université de Lorraine. En vague D (2014-2018), quatre contrats de site ont été signés en juillet 2014 avec des COMUE chefs de file territoriaux en Île-de-France (Paris Lumières, Paris Sciences et Lettres, Sorbonne Paris Cité et Sorbonne Universités) et un cinquième devrait être conclu d'ici la fin de l'année avec heSam. À la rentrée 2014, tous les sites de France métropolitaine sont en cours de négociation contractuelle avec l'État, ce qui représente 18 sites. En matière de vie étudiante, les contrats de site font apparaître, des actions de mutualisation des offres sportives (équipements), de santé (maisons de santé) et culturelles (commission unique pour le fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes - FDSIE -). Des guichets uniques d'accueil des étudiants sont prévus en collaboration avec les caisses d'allocations familiales (aides au logement), la préfecture (carte de séjour) et le CROUS.

Reproduction avec l'aimable autorisation d'AEF Enseignement-Recherche, www.aef.info/ER

1. Les fusions d'établissements

Les quatre fusions jusqu'ici réalisées sont les suivantes :

- l'université de Strasbourg, créée par le décret n° 2008-787 du 18 août 2008 portant création de l'université de Strasbourg, correspondant à la fusion des universités Strasbourg-I, Strasbourg-II et Strasbourg-III ;

- l'université d'Aix-Marseille, créée par le décret n° 2011-1010 du 24 août 2010 portant création de l'université d'Aix-Marseille, correspondant à la fusion des universités d'Aix-Marseille-I, Aix-Marseille-II et Aix-Marseille-III ;

- l'université de Lorraine, créée par le décret n° 2011-1169 du 22 septembre 2011 portant création de l'université de Lorraine sous la forme d'un grand établissement au sens de l'article L. 717-1 du code de l'éducation, correspondant à la fusion de l'Institut national polytechnique de Lorraine, de l'université de Metz et des universités Nancy-I et Nancy-II ;

- l'université de Bordeaux, créée par le décret n° 2013-805 du 3 septembre 2013 portant création de l'université de Bordeaux, correspondant à la fusion des universités Bordeaux-I, Bordeaux-II et Bordeaux-IV.

Dans le cadre de pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ou de COMUE ayant été constitués en préfiguration d'une future fusion, les fusions à venir, au nombre de cinq, devraient concerner :

- les universités Montpellier-I et -II, à l'horizon de janvier 2015 ;

- les universités Rennes-I et -II, à l'horizon de janvier 2016 ;

- les universités Clermont-I et -II, à l'horizon de janvier 2017 ;

- les universités Paris-XII et Paris-Est-Marne-la-Vallée ;

- les universités Lille-I, -II et -III.

2. Les communautés d'universités et établissements

On dénombre 21 projets de COMUE :

- la COMUE d'Aquitaine ;

- la COMUE « Centre-Limousin-Poitou-Charentes » ;

- la COMUE « Languedoc-Roussillon » ;

- la COMUE « Lille-Nord-de-France » ;

- heSam Université (Hautes études Sorbonne Arts et métiers) ;

- l'Institut polytechnique du Grand Paris, structure elle-même destinée à être membre d'une autre COMUE (université Paris Seine) ;

- Normandie Université ;

- l'université de Bourgogne-Franche-Comté ;

- l'université de Bretagne-Loire ;

- l'université de Champagne ;

- l'université Côte d'Azur ;

- l'université fédérale de Toulouse-Midi-Pyrénées ;

- l'université Grenoble-Alpes ;

- l'université de Lyon ;

- l'université Paris-Est ;

- l'université Paris Lumières ;

- l'université Paris-Saclay ;

- l'université de recherche Paris Sciences et Lettres ;

- l'université Paris Seine ;

- l'université Sorbonne Paris Cité ;

- Sorbonne Universités.

3. Les associations

Les cinq associations sont prévues en Alsace, Lorraine, Picardie, Auvergne et à Aix-Marseille, sites où ont déjà eu lieu des fusions d'établissements, à l'exception de la Picardie.

4. Les difficultés rencontrées dans le fonctionnement des instances de gouvernance des COMUE et des associations

Les COMUE devant être créées par décret à l'automne 2014, et disposant d'un an, à compter de cette date, pour mettre en place leurs nouvelles instances de gouvernance, il semble prématuré d'évaluer les éventuelles difficultés qu'elles rencontreront dans le fonctionnement de ces instances. Le ministère a cependant veillé à ce que la gouvernance des COMUE soit parfaitement conforme aux dispositions des articles L. 718-11 à 718-13 du code de l'éducation qui encadrent la composition et les attributions des trois principaux conseils des COMUE (conseil d'administration, conseil académique et conseil des membres).

S'agissant des dispositions électorales, les règles prévues dans les projets de statuts approuvés par les futurs membres des COMUE respectent les modes de scrutin prévus aux articles L. 718-11 et L. 718-12 dans leur rédaction issue de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Ainsi, le suffrage peut être indirect aux élections au conseil d'administration des représentants des personnels et des usagers si la COMUE comporte plus de dix membres, et il peut être direct ou indirect aux élections de ces représentants au conseil académique quel que soit le nombre de membres.

L'exemple de la COMUE Sorbonne Paris Cité est instructif : afin de ne pas multiplier les conflits, les statuts de la COMUE entendent renforcer la représentation des personnels en augmentant le nombre d'élus présent au conseil d'administration de l'ensemble fédéral. Autant que faire se peut, le dispositif électoral a été conçu de façon à éviter que le conseil d'administration de la COMUE ne soit perçu comme une « super structure » en opposition avec les intérêts des établissements membres, bien qu'il soit composé d'un peu plus de 60 membres (dont plus de 50 % d'élus). Le nombre d'élus est ainsi compensé par leur élection au suffrage indirect, qui s'inspire de l'élection sénatoriale, en tenant compte des différences de taille entre établissements. Les statuts de la COMUE visent à prévenir le risque que les plus gros établissements accaparent les places au sein du conseil d'administration tout en veillant à ce qu'une élection ne puisse conférer de position majoritaire à des listes qui auraient représenté une minorité au sein d'un très gros établissement. En revanche, le choix a été fait de gommer les différences de taille entre établissements membres au sein du conseil académique.

Les difficultés rencontrées en région parisienne par la constitution des COMUE tiennent essentiellement à la qualité des relations personnelles entre les dirigeants des établissements regroupés, comme l'illustre l'expérience d'heSam. Le découpage des universités en Île-de-France ne correspond à rien de cohérent sur le plan intellectuel et scientifique, il est plutôt le résultat des affinités entretenues par les différents présidents d'universités les uns avec les autres.

Le fait que l'université Paris-I, qui jouit d'une belle reconnaissance internationale pour la qualité de sa recherche, se singularise par un système de gouvernance propre particulièrement original n'a pas facilité les choses. En outre, les successeurs des présidents des établissements qui avaient présidé à leur rapprochement dans le cadre d'heSam ne sont pas parvenus à maintenir la confiance initiale. Comme le souligne la CPU, le groupement heSam a été déstabilisé par la disparition de son président fondateur à un moment-clé de sa construction, de même que cela avait été le cas, un temps, pour Sorbonne Universités. Il est important de laisser le temps aux équipes impliquées de lever les interrogations qui subsistent dès lors qu'elles concernent un nombre limité de situations. La contractualisation et les moyens alloués aux politiques de sites, notamment au travers des fonds d'amorçage, constituent les bons leviers de normalisation des COMUE en suspens.

B. LES PRINCIPAUX TYPES DE COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES DES ÉTABLISSEMENTS VERS LES COMUE OU LES ASSOCIATIONS

Tous les établissements regroupés sous forme de COMUE ou d'association doivent coordonner leur offre de formation et leur stratégie de recherche et de transfert, conformément aux dispositions de l'article L. 718-2 du code de l'éducation. Ils doivent également, en application de l'article L. 718-5 du même code, élaborer avec le réseau des oeuvres universitaires et scolaires un projet d'amélioration de la vie étudiante.

Dans ce cadre, les compétences les plus fréquemment transférées sont les suivantes :

. en matière de formation :

- la délivrance de certains diplômes, le plus souvent le doctorat, mais certaines COMUE ont également prévu de délivrer certains diplômes de master et de licence ;

- la définition et le pilotage de la stratégie numérique ;

- l'élaboration de dispositifs communs d'orientation ;

. en matière de recherche :

- la signature commune des publications scientifiques ;

- le lancement de nouveaux programmes ou projets de recherche ;

- la définition et la mise en oeuvre de la politique de transfert et d'innovation.

Par ailleurs, les COMUE porteront également, le cas échéant, la mise en oeuvre de l'idex attribué dans le cadre des investissements d'avenir et du plan Campus, ainsi que les futures candidatures aux appels à projets qui seront présentées dans le cadre du second programme des investissements d'avenir.

En ce qui concerne les composantes le plus souvent transférées aux COMUE, trois académies ont d'ores et déjà réalisé le rattachement de l'école supérieure du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) de leur académie comme composante du PRES au 1 er septembre 2013 (Lille, Rennes et Montpellier). Le maintien du transfert de l'ÉSPÉ dans le cadre du passage à la COMUE est donc implicite dans ces académies. Une note de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) sur la généralisation de cette démarche permet de donner un guide méthodologique tant pour la direction générale que pour les sites candidats.

S'agissant des écoles doctorales, le ministère a fortement encouragé les établissements membres des regroupements à mettre en commun leur politique doctorale. Les statuts de la plupart des COMUE prévoient que la définition et la coordination de cette politique relèvent des compétences propres de la COMUE. Le portage des écoles doctorales et la délivrance du doctorat sont dévolus à la COMUE dans de très nombreux cas : COMUE Bourgogne-Franche-Comté, université Paris-Saclay, université Paris Lumières... La gestion et l'animation des écoles doctorales figurent aussi dans les compétences relevant des COMUE dans certains cas : Normandie Université, université Paris-Est et université Paris Seine. Un collège doctoral ou un institut d'écoles doctorales est parfois créé afin d'assurer le dialogue entre les écoles doctorales relevant des établissements membres (université de Lyon, université Paris Seine, COMUE Languedoc-Roussillon).

Au travers d'un article dans lequel il analyse les COMUE comme un moyen de coopération fédérale innovant entre universités leur permettant de se coordonner sans fusionner, M. Jean-Yves Mérindol, président de la plus grande COMUE d'Île-de-France, Sorbonne Paris Cité, rappelle qu' « il ne peut être question de transférer des compétences aussi essentielles que la formation, ou la recherche ; que deviendrait un établissement d'enseignement supérieur qui abandonnerait en bloc l'une ou l'autre de ces deux missions ? C'est envisageable si on se limite à un type de formation, par exemple la formation doctorale ou l'apprentissage. Mais la COMUE n'assure pas directement ces formations : elle n'emploie pas les directeurs de thèses ou les enseignants, elle n'assure pas la responsabilité directe des unités de recherche. » 22 ( * ) Il souligne ainsi que, dans le cadre de l'université Sorbonne Paris Cité, la COMUE s'est vue transférer une tranche précise de la compétence en matière de recherche, telle que la demande d'accréditation et ce qu'elle implique en termes de détermination de la composition des jurys, de délivrance du diplôme... C'est ainsi que la COMUE « finance des contrats doctoraux, des bourses pour des étudiants de master, des programmes de recherche interdisciplinaire. Elle coordonne l'offre de formation des établissements, en établissant une carte conjointe des licences et masters, et les incite à définir de nouvelles formes de licence et d'études de santé. Les huit établissements regroupés 23 ( * ) ont porté au niveau de l'USPC l'accréditation 2014-2018 des écoles doctorales et la délivrance des doctorats. » 24 ( * )

Il convient de noter qu'à la différence des transferts de compétences des municipalités vers les intercommunalités dont les conditions sont précisées par le code général des collectivités territoriales, il n'existe pas, dans le cadre de l'éducation, de définition juridique de la notion de compétence pour les établissements d'enseignement supérieur. On raisonne bien plus souvent, dans les secteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, en types d'actions, plutôt qu'en compétences.

M. Jean-Yves Mérindol a insisté, auprès de votre rapporteur pour avis, sur le fait que la constitution de la COMUE Sorbonne Paris Cité a apporté une véritable valeur ajoutée à la coopération universitaire sur le site à deux niveaux :

- le collège des écoles doctorales regroupe 6 000 doctorants inscrits dans toutes les disciplines scientifiques des établissements membres, à l'exception de l'agronomie et des études vétérinaires. Le collège offre un cadre aux échanges de vues et de bonnes pratiques d'une discipline à l'autre. Il permet de faire remonter les résultats d'une expérience dans la gestion des formations doctorales et de les étendre à d'autres établissements membres. À titre d'exemple, l'université Paris Diderot avait constitué en son sein une structure chargée de la formation professionnelle des doctorants dont les résultats probants a conduit la COMUE à lui confier la responsabilité de rapprocher les écoles doctorales des milieux professionnels pour le compte de l'ensemble des établissements membres ;

- en l'espace de deux à trois ans, les vice-présidents chargés de la formation des différents établissements membres ont travaillé ensemble à l'élaboration d'une carte des masters sur le site et à la constitution de systèmes de co-accréditation. La COMUE a permis une rationalisation de l'offre de masters sur le site de la coopération. Dans le domaine des langues rares, des établissements sont parvenus à se coordonner dans leurs parcours de formation, notamment sur le coréen entre l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) et l'université Paris Diderot. En revanche, pour le niveau licence, les établissements ont fait le choix du maintien de la proximité de l'offre et n'ont pas cherché à tout prix à supprimer les doublons entre établissements.

C. UN BON NIVEAU D'IMPLICATION DES ORGANISMES DE RECHERCHE

Les organismes de recherche s'impliquent dans la constitution des regroupements universitaires dès lors qu'ils disposent de structures de recherche significativement présentes sur le territoire concerné, sous réserve de leurs propres priorités scientifiques. Ainsi, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui n'était que rarement membre des PRES, a exprimé le souhait de s'engager pleinement dans la démarche de rationalisation de l'offre territoriale de formation et de recherche, en devenant membre d'au moins 13 des 21 COMUE afin d'en renforcer les activités de recherche, de transfert et de coopération internationale.

La politique de participation de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) aux regroupements est élaborée en fonction des trois critères suivants :

- lorsque le périmètre des COMUE recouvre celui des idex, l'INSERM a accepté de devenir membre des COMUE. C'est le cas de Paris Sciences et Lettres, de l'université Paris-Saclay, de Sorbonne Paris Cité et de Sorbonne Universités. Sur le site de Toulouse, les membres de la COMUE ont considéré, en accord avec l'INSERM, que la situation de partenaire permettait à l'organisme de s'impliquer dans le pilotage de l'idex sans pour autant devenir membre de la COMUE ;

- sur les sites lauréats d'un idex qui disposent d'une université issue d'une fusion (Strasbourg, Aix-Marseille, Bordeaux), la gouvernance de l'idex a été précisée entre les partenaires, dont l'INSERM ;

- enfin, concernant les autres COMUE en cours de constitution, l'INSERM peut être partenaire, et participer à la structuration du site en matière de recherche en santé et en sciences de la vie, notamment par la mise en place de pôles thématiques, sans nécessairement en être membre.

L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) sera membre de la COMUE Université de Paris-Saclay. Il envisage un partenariat sous forme de convention avec deux autres COMUE de sites sur lesquels il a une présence significative : Languedoc-Roussillon et université de Toulouse. Les relations avec les autres COMUE sont en cours d'examen.

L'Institut de recherche pour le développement (IRD) s'est rapproché des universités où son engagement scientifique, humain et financier est le plus important. Il devrait être membre des trois COMUE Sorbonne Paris Cité, Sorbonne Universités et Languedoc-Roussillon. La réflexion est en cours concernant les projets suivants : université de Toulouse, université Bretagne-Loire et université de Grenoble-Alpes.

Par ailleurs, l'Institut national de la recherche en informatique et en automatique (INRIA) a annoncé qu'il serait membre de sept COMUE et l'Institut national d'études démographiques (INED) de deux (Sorbonne Paris Cité et heSam). Quant à l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), il était partenaire des PRES de Bretagne, Bordeaux, Lyon et Clermont-Ferrand et devrait demeurer partenaire des regroupements correspondants.

S'agissant des organismes de recherche ayant statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), à ce stade, l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) ont manifesté l'intention de devenir membre d'une COMUE, celle de Paris-Saclay. Le CEA négocie également les modalités de sa participation à la COMUE Université Grenoble-Alpes. Il devrait nouer un partenariat avec d'autres regroupements avec lesquels ses centres entretiennent des relations privilégiées, à l'instar de Bordeaux ou Aix-Marseille.

L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) n'était pas membre des PRES, ni en Bretagne, ni à Bordeaux ni à Montpellier. Sa position n'est à ce jour pas définitivement arrêtée.

Enfin, l'Institut Curie participera à la COMUE Paris Sciences et Lettres en qualité de membre fondateur.

Recherche

RECHERCHE

SECONDE PARTIE - RECHERCHE

Le budget consacré à la recherche au sein de la MIRES s'établit à 7,76 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, ce qui correspond à une augmentation de six millions d'euros par rapport à 2014. La sanctuarisation de l'effort en faveur de la recherche repose sur une stabilisation des moyens de fonctionnement consentis aux organismes de recherche, à hauteur de 6,49 milliards d'euros à structure constante 25 ( * ) , et une légère augmentation des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR), de l'ordre de 4,9 millions d'euros.

Toutefois, l'Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération à l'initiative du Gouvernement, une série d'amendements destinés à réduire de 799 millions d'euros les dépenses inscrites au budget général de l'État afin de respecter les exigences d'équilibre budgétaire posées initialement par le projet de loi de finances. Des arbitrages interministériels ont réparti cette atténuation de dépenses, si bien que les crédits de la MIRES se trouvent minorés de 136 millions d'euros. Les crédits consacrés à la recherche se voient appliquer une réduction de 64,55 millions d'euros, répartie de la façon suivante :

- 35 millions d'euros d'économies sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », auxquelles le Gouvernement entend procéder par une actualisation des contributions de l'État au profit des organisations internationales et au moyen d'économies d'efficience attendues sur les budgets de fonctionnement des opérateurs de recherche ;

- 16,35 millions d'euros d'économies sur le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », par la voie d'économies d'efficience sur le fonctionnement de certains opérateurs et d'une priorisation des interventions discrétionnaires ;

- 13,2 millions d'euros d'économies sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », par la rationalisation des interventions discrétionnaires.

Le secteur de la recherche connaît, à l'heure actuelle, une crise de confiance sans précédent dans ses perspectives d'avenir. Soumise depuis 2006 à des réformes qui ont bouleversé ses modèles de coopération scientifique, ses méthodes d'évaluation et ses systèmes de financement, la recherche publique française s'interroge sur sa capacité à faire vivre et mettre pleinement en valeur le potentiel scientifique exceptionnel de notre pays dans un contexte de concurrence internationale féroce dans l'économie globalisée de la connaissance.

La focalisation sur les enjeux d'innovation et de transfert des résultats de la recherche, encore plus justifiée par les besoins de restructuration de notre appareil industriel en ces temps de crise économique, a fait naître chez nos personnels scientifiques un certain nombre d'angoisses et de frustrations. La crainte d'une forme de court-termisme dans la définition des objectifs stratégiques nationaux de la recherche, accentuée par une montée en puissance des financements sur projet, a conduit des collectifs de chercheurs, avec un nouveau mouvement, « Sciences en marche », mis en place à l'automne 2014, à alerter les pouvoirs publics sur la nécessité d'entreprendre une réflexion sur l'avenir de l'emploi scientifique, réflexion qui devrait englober la recherche publique comme la recherche privée.

Les représentants des chercheurs réclament une nouvelle ambition pour l'emploi scientifique qui permettrait de rééquilibrer les emplois statutaires par rapport aux emplois contractuels dont ils dénoncent l'explosion, consécutive, selon eux, à la montée en puissance des financements compétitifs. Ils sollicitent des moyens supplémentaires, qu'ils évaluent à 3 000 créations de postes par an dans le secteur, et la sécurisation des parcours et carrières de l'ensemble des personnels scientifiques des unités de recherche.

Néanmoins, votre rapporteure pour avis souligne que, contrairement à une idée reçue, l'emploi scientifique continue globalement de progresser en France, la stabilisation du niveau de la masse salariale au sein des organismes de recherche n'ayant entraîné qu'une baisse limitée de l'emploi statutaire. Le problème de repli du dynamisme de l'emploi scientifique porte, de fait, essentiellement sur :

- le rétrécissement des marges de manoeuvre de nos laboratoires publics pour l'embauche de jeunes chercheurs, ingénieurs et techniciens sur des emplois statutaires, en raison d'un nombre plus faible de départs à la retraite, lié à l'achèvement de la séquence des départs en retraite des « baby boomers » alors que le nombre de doctorats continue d'augmenter ;

- la faiblesse structurelle de l'embauche de scientifiques dans la recherche privée en France, comparativement à nos principaux partenaires européens, malgré les incitations en ce sens du crédit d'impôt recherche (CIR).

Dans ces conditions, votre rapporteure pour avis estime indispensable de valoriser et d'encourager de nouvelles voies d'insertion professionnelle pour les professionnels de la recherche, en complément de l'accès à la fonction publique de l'enseignement supérieur et de la recherche : d'une part, par l'intensification des efforts en faveur de l'embauche des jeunes chercheurs et ingénieurs par des entreprises privées dans le cadre de la recherche partenariale ; et, d'autre part, par la promotion de la mobilité internationale de nos scientifiques. Il est possible de définir une politique de l'emploi scientifique intégrée, qui prenne en compte les différents enjeux découlant de la diversité de la communauté scientifique. Votre rapporteure pour avis a ainsi identifié trois principaux enjeux qui pèsent dans l'élaboration d'une stratégie cohérente en faveur de l'emploi scientifique :

- un positionnement institutionnel complexe dicté par l'indispensable interconnexion entre des organismes de recherche à caractère national et des universités impliquées dans la constitution de grands ensembles territoriaux cohérents sur le plan académique et disposant des moyens de rayonner à l'international ;

- un rééquilibrage disciplinaire rendu indispensable par la prééminence des sciences dures et exactes dans l'obtention des financements sur projet, parfois au détriment des sciences humaines et sociales ;

- une très grande variété statutaire au sein des personnels des unités de recherche, des chercheurs aux personnels administratifs, en passant par les ingénieurs et les techniciens.

I. DES MARGES DE MANoeUVRE DE PLUS EN PLUS CONTRAINTES POUR LES OPÉRATEURS DE LA RECHERCHE

A. UNE SITUATION BUDGÉTAIRE FRAGILE

À structure constante, les organismes de recherche bénéficient, en 2015, d'une sanctuarisation de leurs crédits de paiement par rapport à 2014, les évolutions des dotations étant comprises entre - 0,43 % (pour l'Institut national d'études démographiques - INED -) et + 0,30 % (pour l'Institut national de recherche en informatique et en automatique - INRIA -), exceptions faites des organismes n'ayant pas statut d'établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), tels que l'Institut polaire français, groupement d'intérêt public soumis à une diminution de ses moyens de 0,43 %, et de l'Agence nationale de la recherche, établissement public administratif qui connaît une augmentation de sa dotation de 0,81 %.

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Les principaux flux budgétaires observés sur les programmes 172 et 193 concernent :

- l'ajustement de la dotation globale de l'ANR, de 4,9 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement pour 2015 ;

- une économie sur les moyens de fonctionnement des organismes de recherche au titre de leur participation au redressement des comptes publics, de l'ordre de 4,2 millions d'euros.

La stabilisation des moyens consentis aux organismes de recherche, à hauteur de 6,49 milliards d'euros en 2015, ne tient pas compte de l'évolution des taux de mise en réserve applicables à ces établissements qui, s'ils continuent de déroger aux taux normés prévalant pour les autres opérateurs de l'État, pèsent toutefois lourdement sur leurs marges de manoeuvre budgétaires. Il convient d'ajouter que ces marges de manoeuvre sont d'autant plus réduites que l'Assemblée nationale a adopté en seconde délibération un amendement du Gouvernement qui conduit à la minoration des crédits de la recherche inscrits sur les programmes 172, 190 et 192 de presque 65 millions d'euros.

Jusqu'ici, à l'instar des universités, les opérateurs des programmes 172 et 193 de la MIRES ont bénéficié de taux de mise en réserve dérogatoires, inférieurs aux taux applicables aux autres opérateurs de l'État. Les organismes de recherche se sont ainsi vu appliquer des taux de mise en réserve de 0,25 % sur la masse salariale et de 2,5 % sur les autres dépenses de fonctionnement en 2012 (contre des taux pleins de 0,5 % et 5 %), puis de 0,25 % et 3 % en 2013 (contre des taux pleins de 0,5 % et 6 %) et, enfin, de 0,35 % et 4,86 % en 2014 (contre des taux pleins de 0,5 % et 7 %). C'est donc la première fois, depuis la mise en oeuvre du mécanisme de mise en réserve automatique des crédits en 2006, censé permettre un meilleur pilotage de la dépense en cours d'année, que les organismes de recherche ne bénéficient pas de taux réduits de moitié mais de taux « semi-réduits ».

Selon l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2015, le taux plein de mise en réserve des crédits sur le budget général de l'État devrait être porté, en 2015, à 8 % pour les dépenses hors rémunérations. Dans l'attente d'un arbitrage du Premier ministre sur les taux réduits de mise en réserve, les montants des subventions pour charges de service public ne devraient être notifiés, nets de la mise en réserve, aux organismes de recherche qu'en début d'année prochaine, au mieux à la fin de cette année. Par conséquent, les organismes de recherche préparent leurs budgets prévisionnels pour 2015 sur la base des taux de mise en réserve de droit commun, ce qui représente potentiellement des minorations notables de leurs subventions par rapport à l'année précédente : - 47,6 millions d'euros pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et - 17,4 millions d'euros pour l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Or, les organismes de recherche s'efforçant de stabiliser leur masse salariale, l'application des taux normés de mise en réserve reviendrait à contraindre considérablement les crédits disponibles pour le fonctionnement des unités de recherche.

Par conséquent, votre rapporteure pour avis plaide, au mieux, pour le retour à des taux de mise en réserve réduits de moitié, qui permettraient de redonner un peu de « souffle » aux organismes de recherche dans le fonctionnement de leurs unités de recherche (par exemple, pour le CNRS, le retour à des taux réduits de moitié permettrait de redonner 23,8 millions d'euros à ses unités de recherche), ou, à tout le moins, pour le maintien des taux réduits mis en oeuvre en 2014 (ce qui, dans le cas du CNRS, permettrait de dégager 17,7 millions d'euros supplémentaires par rapport aux taux normés). Le maintien de taux de mise en réserve dérogatoires au bénéfice des organismes de recherche est indispensable , afin qu'ils puissent présenter à leurs équipes des dotations qui ne soient pas à nouveau réduites, et d'infirmer l'impression que l'augmentation des financements contractuels vient se substituer aux subventions publiques. Il serait, par ailleurs, plus pertinent que l'arbitrage de la mise en réserve soit communiqué aux organismes avant les conseils d'administration de présentation des budgets initiaux, afin d'éviter le vote de budgets rectificatifs en cours d'exécution.

Des taux réduits de mise en réserve permettraient, du reste, d'assurer le renouvellement de l'emploi scientifique. Dans le cas du CNRS, on estime que 30 millions d'euros sont nécessaires afin de réaliser 500 embauches pour un coût unitaire de l'ETP de 60 000 euros.

Votre rapporteure pour avis constate, en outre, une stabilisation solide du niveau d'emplois au sein des organismes de recherche ayant statut d'EPST sur la période 2012-2015, voire une augmentation globale proche de 2 % par rapport à 2011.

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B. LA REDYNAMISATION DE L'EMPLOI SCIENTIFIQUE : UNE PRIORITÉ ABSOLUE

1. Un effort de la Nation qui n'a pas fléchi

L'effort de la Nation en termes de postes statutaires dans le domaine de la recherche n'a pas fléchi. Sur la période 2009-2013, le nombre d'emplois au sein des EPST a progressé de 1 % (+ 580 ETPT - équivalents temps plein travaillés). Celui des EPIC a, pour sa part, augmenté de 4,4 % sur la même période, principalement grâce à des ressources propres issues des partenariats et de la valorisation. Néanmoins, à effectifs constants, la masse salariale des organismes de recherche serait amenée à progresser mécaniquement en raison de facteurs liés à la pyramide des âges de leurs personnels, notamment le glissement vieillesse-technicité (GVT) nourri par l'allongement des carrières et le report de l'âge de départ à la retraite.

Or, la plupart de nos EPST entendent maintenir leur masse salariale à un niveau constant, cela implique d'agir à la baisse sur le niveau d'emplois. Si le stock d'emplois est maintenu, le flux entrant diminue nécessairement, ce qui explique la baisse du nombre de mises au concours de nouveaux postes de chercheurs au sein des organismes de recherche. Le fait est que le mouvement de départs à la retraite de la génération des baby-boomers semble achevé, si bien que les organismes de recherche ne disposent plus de marges de manoeuvre suffisantes pour recruter de jeunes scientifiques, qu'il s'agisse de chercheurs, d'ingénieurs ou de techniciens.

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On observe ainsi une diminution du nombre de départs à la retraite au sein des EPST de 10 % au cours de la période 2012-2014. Dans le même temps, les recrutements sur les emplois statutaires ont diminué en moyenne de 7 %. Les départs à la retraite - 472 chercheurs et 755 ingénieurs et techniciens pour l'ensemble des EPST en 2015 - passeront à respectivement 368 et 660 en 2017. Ce n'est que par la suite que cette tendance s'inversera.

En revanche, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche indique que le nombre de contractuels au sein des EPST a progressé de près de 6 % au cours de la période 2009-2013. Globalement, depuis 2010, le ratio de contractuels par rapport au nombre total d'emplois au sein des EPST s'est maintenu à un niveau constant d'environ 30 %. Votre rapporteure pour avis souligne que la proportion d'emplois à durée déterminée est généralement corrélée au taux de financements sur projet dans les ressources des organismes de recherche, dès lors que, par nature, un certain nombre d'opérations de recherche sont financées à titre temporaire. Or, la proportion des financements sur projet s'est elle-même stabilisée dans la période récente.

Le CNRS insiste sur le fait qu'il s'est efforcé de faire porter la baisse de son niveau d'emplois sous plafond, d'un peu plus de 1 900 équivalents temps plein travaillés (ETPT) depuis 2011, sur les contrats à durée déterminés (CDD). L'établissement estime, toutefois, être parvenu à ce qu'il considère comme un plancher, d'environ un millier d'ETPT en CDD financés sur subvention de l'État sur un effectif total de 25 763 ETPT sous plafond en 2014, en-dessous duquel ses unités ne pourront plus conduire de projets de recherche innovants et compétitifs.

Votre rapporteure pour avis s'interroge, toutefois, sur le fait qu'un nombre important de CDD ne sont pas renouvelés au-delà de trois ans au sein de certains organismes de recherche, notamment le CNRS et l'INSERM, alors même que les financements sur projet ont été accordés pour des durées bien supérieures (certaines opérations des investissements d'avenir s'étendent sur neuf, voire dix ans). À l'évidence, ces organismes mettent en oeuvre une politique d'encadrement de l'évolution du nombre de CDD très restrictive, qui se manifeste par l'adoption de chartes sur les CDD visant à les limiter en nombre et en durée. Ils justifient cet encadrement strict par un contexte d'insécurité juridique consécutif à plusieurs arrêts de tribunaux administratifs les ayant condamnés pour non-respect des dispositions de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet », au motif que le portage de plusieurs CDD successifs d'une même personne par différentes structures (organisme de recherche, université, association...) au sein d'un seul et même laboratoire revient à un contournement de la législation sur la conversion des CDD en contrat à durée indéterminée (CDI).

Pour mémoire, au sein des EPST, 102 agents contractuels en CDD ont obtenu un CDI (dont 67 au CNRS) depuis la mise en oeuvre de la « loi Sauvadet », ce qui a contribué à la baisse du nombre de recrutements externes pour les ingénieurs et techniciens de recherche.

S'agissant plus particulièrement des organismes de recherche ayant statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), tels que le CEA ou le CNES, il convient de rappeler qu'ils gèrent des contrats de travail de droit privé et qu'à ce titre, ils ont bénéficié d'un dispositif expérimental de contrat à durée déterminée à objet défini (CDDOD) qui devait prendre fin le 26 juin 2014. Ce dispositif a été largement utilisé par l'Institut Curie et le CEA. Le ministre chargé du travail s'est engagé à pérenniser cette mesure, si bien que, sur proposition de la rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat, notre collègue Catherine Procaccia, un amendement en ce sens a été intégré au texte de la commission sur le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises.

Les organismes de recherche aspirent à retrouver la capacité de conduire une politique de gestion des ressources humaines qui ne soit plus principalement dictée par l'exigence de performance dans l'obtention de financements sur projet. Il ne leur est plus possible de procéder à des ajustements à la marge de leur masse salariale à partir de la réduction des emplois non permanents de scientifiques, en l'espèce les post-doctorants, les intérimaires ou les techniciens de laboratoire. Ils réclament désormais que les conditions budgétaires soient réunies pour leur permettre de mettre en oeuvre une politique scientifique qui leur soit propre, sur la base d'une gestion des ressources humaines structurée et durable dotée d'une forte capacité de prospective et d'anticipation, non sujette aux aléas des arbitrages budgétaires annuels, notamment concernant les taux de mise en réserve.

2. Faciliter l'accès des docteurs aux grands corps de la fonction publique

Fin janvier 2014, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a confié à M. Patrick Fridenson, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), une mission sur l'insertion professionnelle des docteurs, avec le concours de M. Michel Dellacasagrande, ancien directeur des affaires financières aux ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'éducation nationale. La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche prévoit plusieurs dispositions destinées à favoriser l'embauche des jeunes scientifiques titulaires d'un doctorat :

- l'article 78 tend à renforcer la reconnaissance du doctorat au sein de la fonction publique. Il consacre ainsi :

. la reconnaissance, dans les concours et les procédures de recrutement des emplois de catégorie A, des acquis de l'expérience professionnelle résultant de la formation à et par la recherche dans le cadre d'un doctorat ;

. le principe d'unicité du doctorat lors de la titularisation dans un emploi de la fonction publique, afin de ne pas opérer de distinction entre les doctorants selon que leurs recherches doctorales ont été financées dans le cadre d'un contrat doctoral assimilant les docteurs à des agents publics ou effectuées en collaboration avec une entreprise ou un État étranger partenaire ;

. les périodes durant lesquelles les docteurs ont bénéficié d'un contrat doctoral peuvent être comptées dans les quatre ans de service public requis pour se présenter au concours interne de l'École nationale d'administration (ENA) ;

. dans la limite de trois ans, la période de préparation du doctorat est assimilée à une période d'activité professionnelle pour se présenter au troisième concours d'entrée à l'ENA.

- l'article 82 vise à renforcer la reconnaissance du doctorat dans le secteur privé, en rendant obligatoire la convocation avant le 1 er janvier 2016 par les ministres chargés de la recherche, du travail et de l'industrie d'une commission appelée à ouvrir les discussions des partenaires sociaux sur la reconnaissance, dans le cadre de conventions collectives ou d'accords de branche, du titre de docteur au sein des entreprises. À cet égard, la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche a installé, le 9 décembre 2013, le comité Sup'Emploi chargé de renforcer le dialogue et les synergies entre l'enseignement supérieur et son environnement socio-économique et d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes. Elle a également signé, avec l'entreprise Schneider Electric France, un accord-cadre destiné à « intensifier et promouvoir les rapprochements favorisant la mise en oeuvre d'actions dans le domaine de l'orientation, de la formation, de l'insertion professionnelle, de la recherche fondamentale et appliquée et [à] encourage [r] le développement d'accords de partenariat territoriaux avec les établissements d'enseignement supérieur. »

Par un avis rendu à l'issue de la réunion de son assemblée générale le 4 septembre 2014, le Conseil d'État souligne la nécessité pour le Gouvernement, dans la mise en place d'aménagements tendant à favoriser l'accès des docteurs aux corps et cadres d'emplois de la catégorie A, de respecter l'exigence constitutionnelle découlant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen « selon lequel les emplois publics sont pourvus en ne tenant compte que de la capacité, des vertus et des talents ». Il reconnaît, néanmoins, que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne s'oppose pas à ce que « les règles de recrutement destinées à permettre l'appréciation des aptitudes et des qualités à l'entrée dans une école de formation ou dans un corps de fonctionnaires soient différenciées pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que de celle des besoins du service public » 26 ( * ) et à ce que des agents bénéficient d'un traitement différencié dans les conditions de déroulement 27 ( * ) de leur carrière comme la majoration d'ancienneté, par exemple.

Dans son avis, le Conseil d'État envisage plusieurs possibilités pour répondre aux objectifs fixés par le législateur à l'article L. 412-1 du code de la recherche, telles que la création d'un concours d'entrée ouvert aux seuls docteurs ou des aménagements apportés aux actuels concours externes. En revanche, il exclut la possibilité d'organiser des concours internes réservés aux docteurs, au motif qu' « il ne saurait être exigé des candidats à un concours interne la possession de certains diplômes et subordonner ainsi leur admission à concourir à une condition autre que celles de durée des services et de formation reçue dans les fonctions exercées, sans méconnaître les dispositions des lois portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière ». En outre, l'accès des docteurs aux corps de la fonction publique à faibles effectifs (Conseil d'État, inspection générale des finances, Cour des comptes...), reste subordonné à la réussite au concours de l'ENA.

En outre, en l'absence de dispositions législatives expresses en ce sens, il n'est pas envisageable pour le Gouvernement de retenir la détention du titre de docteur comme critère à prendre en considération pour les nominations intervenant par la procédure du « tour du Gouvernement » (aux corps d'inspection ou de contrôle tels que l'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires sociales, l'inspection générale de l'éducation nationale, l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale de la recherche...) ou du « tour extérieur ».

Le rapport sur les politiques de recherche et de formations supérieures annexé au projet de loi de finances pour 2015 indique que la mission conduite par MM. Fridenson et Dellacasagrande « envisage de proposer un supplément au diplôme de doctorat » et « pourrait également proposer l'inscription du doctorat au RNCP [répertoire national des certifications professionnelles] ». À cet égard, le mouvement « Sciences en marche » a fait très justement observer à votre rapporteure pour avis qu'une recherche par l'entrée « doctorat » sur le site des fiches du RNCP n'aboutissait qu'à une seule fiche faisant mention du doctorat de l'institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement d'AgroParisTech 28 ( * ) . Il faut, dès lors, souligner la nécessité d'impliquer toutes les écoles doctorales dans la certification et l'enregistrement de leurs formations au sein du RNCP : « c'est la base de toute discussion avec les branches professionnelles et les syndicats de la haute fonction publique », comme le rappelle le mouvement « Sciences en marche ».

3. Favoriser l'insertion professionnelle des chercheurs dans le secteur privé

Tous les chercheurs n'ont pas vocation à être recrutés sur des emplois statutaires au sein des organismes de recherche ou des universités. Avec, d'une part, 12 000 étudiants obtenant le grade de docteur par an et, d'autre part, une baisse du taux de renouvellement des emplois statutaires de chercheurs en raison de la démographie, l'attrition des débouchés pour les jeunes docteurs débouche immanquablement sur un plus grand nombre de scientifiques exposés à des situations précaires.

Dans ces conditions, votre rapporteure pour avis considère que d'autres voies d'insertion professionnelle doivent être exploitées par les jeunes chercheurs, en particulier dans le cadre de la recherche partenariale, que celle-ci intervienne avec une entreprise du secteur privé ou avec un organisme partenaire étranger. Elle recommande, par conséquent, le renforcement des collaborations entre les universités, les organismes de recherche et les entreprises, notamment dans le cadre des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT), afin que le potentiel des jeunes chercheurs soit valorisé dans le secteur privé et débouche idéalement sur une montée en puissance des embauches en contrats à durée indéterminée (CDI) de droit privé.

Les chercheurs dans le secteur privé

Extraits du rapport de 2013 sur L'état de l'emploi scientifique en France

A. L'évolution des effectifs de chercheurs dans les entreprises

En 2010, les activités de R&D des entreprises regroupent 231 000 personnes, en équivalent temps plein (ETP), dont 140 000 chercheurs. Au cours des dix dernières années, les effectifs de chercheurs ont progressé plus vite que ceux de l'ensemble du personnel de R&D : 6 % contre 3 % en taux de croissance annuel moyen. Ainsi en 2010, les chercheurs représentent 61 % de l'ensemble des personnels de R&D, soit 15 points de plus qu'en l'an 2000.

B. Chercheurs par branche de recherche

Entre 2002 et 2010, dans l'ensemble des 32 branches de recherche, les effectifs de chercheurs (en ETP) ont augmenté de 47 %. Parmi les principales branches de recherche, les branches de services « activités informatiques et des services d'information » et « activités spécialisées, scientifiques et techniques », réalisent une croissance très supérieure à celle observée dans les branches industrielles. En 2010, près des deux tiers des chercheurs employés dans le secteur privé, réalisent des activités de recherche dans l'une de ces principales branches.

En termes d'emploi de chercheurs, l'ordre entre les branches de recherche a quelque peu été modifié. Avec un peu moins de 17 000 chercheurs (en ETP), l'industrie automobile conserve le premier rang. En 2010, 12 % des effectifs de chercheurs y exercent leur activité de recherche.

Les « activités informatiques et services d'information » et « activités spécialisées, scientifiques et techniques », occupent respectivement les deuxième et troisième rangs en accueillant respectivement 11 % et 9 % des chercheurs. Pour ces deux branches de services, les frais de personnels représentent près de 70 % des dépenses internes de recherche et développement (DIRD) contre moins de 50 % dans la branche automobile.



C. Taille des entreprises, nombre de chercheurs, dépenses et financements

La recherche privée exécutée sur le territoire national est concentrée dans les grandes entreprises. En effet, les entreprises qui emploient plus de 100 chercheurs en ETP représentent 1 % des entreprises exécutant de la R&D sur le territoire national mais regroupent 55 % des chercheurs, 62 % de la dépense intérieure de R&D (DIRD) et reçoivent 69 % des financements publics.

À l'opposé, les entreprises de petite taille, plus nombreuses, ont un poids plus faible dans les dépenses de R&D. En 2010, les entreprises qui emploient moins de 5 chercheurs en ETP représentent 80 % des entreprises réalisant des travaux de R&D. Ces entreprises accueillent 12 % de l'ensemble des chercheurs, réalisent 9 % de la DIRD et reçoivent 13 % des financements publics.

Source : Rapport du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de 2013 sur L'état de l'emploi scientifique en France

La stricte reconduction des crédits consentis aux contrats des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), à hauteur de 53 millions d'euros sur le programme 172 en 2015, permet de conforter un dispositif qui enregistre d'ores et déjà de belles performances (1 350 nouveaux contrats CIFRE en 2012 et un effectif total de près de 4 000, soit 11 % des thèses financées). Il constitue un tremplin pour l'insertion professionnelle des docteurs dans le secteur privé, puisque 96 % des docteurs CIFRE trouvent un emploi, en un an, au plus près de leur thèse.

Les sociétés destinées à prendre en charge la rémunération de scientifiques (sur le modèle de la jeune entreprise « Innovarion ») affectés sur des missions temporaires auprès d'entreprises pourraient aussi jouer un rôle d'interface utile entre le monde de la recherche publique et le secteur privé. À cet égard, il serait utile de s'inspirer de l'exemple de dispositifs analogues d'intermédiation entre la recherche publique et la recherche privée mis en place dans les secteurs des travaux publics, de la statistique ou des animaleries, mais cela suppose une véritable révolution culturelle dans le monde de la recherche.

Votre rapporteure pour avis rappelle, néanmoins, que l'insertion professionnelle des docteurs dans le secteur privé suppose d'agir sur la formation doctorale et sa capacité à préparer les doctorants aux enjeux de la recherche en entreprise et du monde de la « recherche et développement » (R&D). Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a ainsi mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir à l'amélioration de l'offre de formation doctorale dont les conclusions devraient nourrir le troisième volet du cadre national des formations.

Votre rapporteure pour avis salue le partenariat entre l'université de Lyon (COMUE) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) pour la mise en place d'un dispositif, dénommé « Doctor'Entreprise », destiné à rapprocher les futurs doctorants, les laboratoires de recherche et les entreprises, en se donnant pour objectifs de :

« - développer des collaborations de recherche ;

« - proposer des offres de thèse en entreprise à des futurs doctorants ;

« - sensibiliser les entreprises aux atouts des doctorants et à l'intérêt de les embaucher. » 29 ( * )

Les rencontres annuelles universités-entreprises, organisées par l'agence d'informations spécialisées AEF, permettent également de rapprocher les acteurs académiques, économiques et institutionnels.

Votre rapporteure pour avis estime également que la mobilité internationale des scientifiques doit être encouragée dans le cadre d'accords de coopération. À cet égard, le programme d'accueil de chercheurs de haut niveau (qui remplace les chaires d'excellence) mis en oeuvre par l'Agence nationale de la recherche (ANR) mériterait d'être reproduit, dans le cadre d'accords internationaux, par réciprocité auprès d'autres organismes étrangers de promotion de la recherche nationale afin de favoriser l'accueil de jeunes chercheurs à fort potentiel au sein de laboratoires étrangers.

L'Association nationale des docteurs (ANDès) a communiqué à votre rapporteure pour avis deux propositions destinée à favoriser l'emploi des docteurs, qui mériteraient de faire l'objet d'une réflexion approfondie :

- limiter les dépenses de personnel de recherche et développement prises en compte dans l'assiette du crédit d'impôt recherche, en imposant qu'au moins 20 % de ces dépenses concernent les docteurs. Votre rapporteure pour avis tient à rappeler que les ingénieurs occupent une place prédominante au sein des personnels de recherche des entreprises privées : ils représentent 50 % des chercheurs en entreprise, contre 13,5 % pour les docteurs (qui eux-mêmes sont ingénieurs à hauteur de 23 %), comme le souligne une note de la direction générale du Trésor de novembre 2011 30 ( * ) . La faiblesse des effectifs de docteurs au sein des personnels de la R&D privée n'est toutefois pas une spécificité française, comme le laisse entendre la note précitée. Dans une note d'analyse de juillet 2010, le Centre d'analyse stratégique (CAS) soutient que « c'est surtout le sous-investissement en recherche-développement du secteur privé et, dans une moindre mesure, la préférence donnée aux ingénieurs pour les postes de recherche qui pèsent sur l'insertion professionnelle des titulaires de doctorats, notamment pour certaines disciplines. » 31 ( * ) ;

- supprimer la taxe exigée des entreprises privées, et reversée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lors de l'embauche d'un nouveau salarié de nationalité étrangère, que l'ANDès considère comme un obstacle au recrutement de chercheurs étrangers ayant obtenu leur doctorat en France et qui bénéficient d'un titre de séjour mention « scientifique-chercheur ».

Pour sa part, la Confédération des jeunes chercheurs (CJC) propose de développer les missions complémentaires des doctorants dans le cadre des contrats doctoraux, en valorisant, aux côtés des activités de recherche proprement dite, celles liées au conseil et à l'expertise auprès des entreprises et au transfert des résultats de la recherche vers les entreprises.

Le mouvement « Sciences en marche » reconnaît « l'insuffisance des débouchés industriels en particulier pour les jeunes docteurs », en soulignant que « du fait du manque de dynamisme et d'investissement du secteur R&D privé, les débouchés y sont dans certaines disciplines (sciences humaines et sociales - SHS -, biologie...) très insuffisants pour offrir aux jeunes scientifiques formés dans l'enseignement supérieur et la recherche des perspectives d'emploi. » 32 ( * ) Il regrette également le « manque de culture scientifique au sein de la haute administration française (1,8 % de docteurs dans l'administration hors ESR, contre environ 20 % dans la plupart des autres pays développés 33 ( * ) ), de la fonction publique territoriale, de la représentation nationale (25 députés docteurs, contre plus de 100 en Allemagne) et des formations politiques d'où sont issus nos dirigeants (6 ministres docteurs en Allemagne, aucun en France). » 34 ( * )

Dans ces conditions, le mouvement « Sciences en marche », repris par d'autres relais d'opération, prône une augmentation du budget de la MIRES d'environ deux milliards d'euros par an, qui serait alimentée par :

- la réduction d'un tiers du volume du crédit d'impôt recherche (CIR), notamment par le plafonnement du CIR à 100 millions d'euros pour les grands groupes intégrés, toutes filiales confondues, pour une dépense fiscale moindre qui en résulterait, évaluée par le mouvement à 500 millions d'euros. Le mouvement appelle également à une réduction du taux de prise en compte des dépenses R&D pour les grandes entreprises, un conditionnement à l'emploi de chercheurs, en particulier de docteurs, et un conditionnement à des recherches partenariales avec les laboratoires publics ;

- le maintien de l'enveloppe dédiée à l'ESRI au sein des CPER 2015-2020 à son niveau de 2007-2013.

Les crédits ainsi dégagés devraient, selon ces interlocuteurs, être consacrés, à hauteur d'un milliard d'euros par an, à la mise en place d'un plan décennal d'emploi scientifique public avec 3 000 nouveaux postes statutaires par an en sus des départs à la retraite. La seconde moitié de ces crédits supplémentaires pourrait être affectée à l'augmentation des budgets de fonctionnement des universités et des organismes de recherche.

Chacun s'accorde cependant pour appeler également à une meilleure reconnaissance du rôle sociétal des docteurs de l'université, notamment dans les conventions collectives et les recrutements dans les fonctions publiques centrale et territoriale. Ces différentes propositions, reçues par les parlementaires, ont pu faire l'objet d'amendements non retenus à l'Assemblée nationale ou qui n'ont pas franchi l'examen par la commission des finances du Sénat.

C. LES FINANCEMENTS SUR PROJET : DES RESSOURCES PROPRES COMPLÉMENTAIRES CRUCIALES POUR LES OPÉRATEURS PUBLICS DE LA RECHERCHE

1. L'Agence nationale de la recherche : pivot du soutien à des projets à fort effet de levier

L'Agence nationale de la recherche (ANR) se voit attribuer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, des crédits de paiement d'un montant de 610 millions d'euros, contre 605,1 millions d'euros en 2014. Disposant d'un budget de gestion de l'ordre de 30 millions d'euros permettant de couvrir des dépenses de personnel et de fonctionnement somme toute assez limitées, ce sont un peu plus de 580 millions d'euros qui seront consacrés au budget d'intervention de l'ANR en 2015.

Pour les années 2011, 2012 et 2013, sur la base des ressources comptabilisées aux comptes financiers des sept EPST du programme 172 dont la dotation pour charges de service public est portée par le ministère chargé de la recherche, la part des financements récurrents a légèrement augmenté entre 2011 et 2012, passant de 75,49 % à 76,78 %, puis plus légèrement diminué à 75,74 % en 2013. Au cours de la même période, la part des ressources issues des financements de l'ANR a décru, passant de 5,21 % en 2011 à 4,82 % en 2013, tandis que la part des ressources issues du programme des investissements d'avenir (PIA) est montée en puissance, passant de 0,07 % en 2011 à 2,36 % en 2013. Quant à la part des ressources issues des programmes européens, elle a légèrement progressé (de 2,39 % en 2011 à 2,86 % en 2013). Enfin, la part des ressources issues des financements nationaux sur projets ou sur programmes incitatifs de recherche autres que ceux portés par l'ANR 35 ( * ) a diminué, passant de 7,81 % en 2011 à 6,58 % en 2013.

Un certain nombre d'organismes de recherche ont bénéficié du redéploiement de crédits de l'ANR opéré en 2013. Le CNRS a ainsi vu son budget abondé de près de 25 millions d'euros, ce qui lui a permis d'augmenter les dotations globales déléguées aux unités de recherche de 10 % en début d'année 2013. L'INSERM, pour sa part, a bénéficié en 2013 d'une mesure de périmètre de 7,644 millions d'euros au titre du redéploiement des financements de l'ANR, qui ont été consolidés depuis dans sa subvention pour charges de service public, et reversés en totalité aux unités de recherche à travers soit le soutien de base des laboratoires (fonctionnement courant), soit l'achat d'équipements des unités de recherche.

Toutefois, les organismes de recherche s'inquiètent d'une baisse du budget d'intervention de l'ANR constatée depuis plusieurs années qui conduit à un repli progressif des ressources propres des laboratoires. En effet, à titre d'exemple, le CNRS a reçu, hors investissements d'avenir, au titre des contrats financés par l'ANR, 189 millions d'euros en 2011, 186 millions d'euros en 2012, 181 millions d'euros en 2013 et s'attend à bénéficier de 157 millions d'euros en 2014, ce qui représente une diminution de ce type de financements de 17 % au cours de la période 2011-2014.

Évolution du taux de sélection des appels à projets de l'ANR de 2010 à 2014

2010

2011

2012

2013

2014

Engagements sur appels à projets

629,255 M€

557,036 M€

555,563 M€

432,469 M€

~ 395 M€

Nombre de projets soumis

6 447

6 311

6 829

7 029

~ 4 750

Nombre de projets financés

1 373

1 296

1 301

1 068

~ 950

Taux de projets financés

21,30 %

20,54 %

19,05 %

15,19 %

~ 20 %

Source : Agence nationale de la recherche

En 2014, un processus de sélection des projets en deux étapes a été mis en place pour l'appel à projets générique qui regroupe désormais la plupart des appels à projets antérieurs (thématiques et « blanc »). Les porteurs de projets soumettent d'abord une pré-proposition de cinq pages maximum, puis, à l'issue d'une première phase d'évaluation, seuls les porteurs de projets retenus constituent un dossier complet de 40 pages environ (auparavant, tous les candidats devaient rédiger une proposition complète). Pour cet appel à projets générique, le taux de sélection des pré-propositions s'est élevé à 33 % et le taux de sélection des projets à 27 % : ainsi 8,9 % des pré-propositions ont abouti à un projet sélectionné. Pour les appels à projets qui ont conservé une seule étape d'évaluation, le taux de sélection devrait être de l'ordre de 13 % pour environ 1 500 projets soumis.

La réduction sensible du taux de sélection pratiqué par l'ANR comporte un aspect aléatoire, connu de tous, pour la viabilité d'un certain nombre de projets pourtant prometteurs et qui présente un haut niveau d'excellence scientifique. Dans ces conditions, les organismes de recherche réexaminent leur politique de levée de ressources propres et entendent privilégier les contrats européens et les contrats directement conclus avec les entreprises. La baisse du taux de sélection de l'ANR présente également un risque de désintérêt de la part des entreprises pour la recherche collaborative.

Le décret n° 2014-365 du 24 mars 2014 modifiant le décret n° 2006-963 du 1 er août 2006 portant organisation et fonctionnement de l'Agence nationale de la recherche a considérablement renforcé le positionnement de l'agence au coeur de la coopération européenne et internationale. Il lui appartient désormais de rationaliser ses interventions dans le cadre de la construction et de l'intégration de l'Espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche (EEESR), notamment en se coordonnant plus fortement avec les autres agences européennes de la recherche avec lesquelles elle ne collaboraient jusqu'ici qu'au travers de quelques accords bilatéraux. La part de son budget consacrée à ces activités de coopération devrait ainsi augmenter d'une vingtaine de millions d'euros en 2011-2012 à près de 60 millions d'euros en 2015.

Votre rapporteure pour avis tient à rappeler la distinction qui doit être opérée entre les appels à projets annuels organisés par l'ANR et les appels à projets financés par le grand emprunt dans le cadre du PIA, pour lequel l'ANR intervient en tant que prestataire de service pour leur mise en oeuvre. Les premiers visent à soutenir des opportunités permettant de redonner de la souplesse à des équipes de recherche qui cherchent à créer une dynamique sur des explorations de court et moyen termes. Les seconds se concentrent sur le soutien aux initiatives structurantes pour le système d'enseignement supérieur et de recherche de la France à moyen et long termes.

Votre rapporteure pour avis estime , à cet égard, indispensable que l'ANR exerce au travers de ses appels à projets annuels une force d'impulsion plus forte dans la promotion de la recherche partenariale entre les universités, les organismes de recherche et les entreprises . En effet, la dépense privée de R&D est encore trop faible en France pour que nous puissions nous situer dans la moyenne de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de ratio de la dépense consacrée à la recherche par rapport au produit intérieur brut. La France privilégie traditionnellement les crédits de structure (en particulier, la masse salariale des chercheurs, les équipements...) et n'accorde encore qu'une part relativement faible de financements compétitifs par rapport à d'autres pays de l'OCDE, qui se situent entre 40 % et 60 % de financements sur projet.

Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, la précarité générée par les appels à projets de l'ANR est limitée. Ces appels à projets ne sont à l'évidence pas la première source de CDD embauchés dans le cadre de projets de recherche. En effet, l'ANR limite à 30 % le nombre de post-doctorants employés en CDD sur l'ensemble des personnels financés par un appel à projets. En revanche, elle n'applique pas de limitation au nombre de thèses pouvant être rémunérées par des financements sur projet, compte tenu de l'encadrement dans le temps de la formation doctorale et de la nécessité pour les doctorants de pouvoir solliciter différents types de financement.

Le pourcentage du préciput versé par l'ANR à l'établissement hébergeur des équipes soutenues s'établit à 11 %, soit 5,5 millions d'euros en 2014 dans le cas du CNRS. De l'avis de l'ensemble des organismes de recherche, ce taux couvre très mal les charges encourues dans les unités elles-mêmes (maintenance des équipements, fluides, ménage, etc., non imputables aux projets ANR) et les charges indirectes de support (gestion financière, contractuelle, de ressources humaines, environnement social des personnel temporaires...). Il convient de noter que ce préciput s'ajoute à un prélèvement de 4 % sur le montant du financement accordé à un projet au titre des frais de gestion reversé à l'établissement gestionnaire. Dans ces conditions, la subvention de l'État supporte de facto une part des coûts induits des contrats de recherche, évaluée à 20 millions d'euros en 2014 pour le CNRS. Cette situation sur les contrats financés par l'ANR concourt à annuler toute marge de manoeuvre sur la subvention alors qu'elle forme la partie arbitrable par la direction de l'organisme.

Dans ces circonstances, le CNRS appelle à une amélioration de la prise en compte des coûts induits par les contrats, via une majoration de la part des coûts indirects éligibles au sein des contrats financés par l'ANR, qui se limite, à l'heure actuelle, à 4 %. Il plaide pour un alignement de ce pourcentage sur le taux d' « overheads » des contrats européens qui atteint jusqu'à 25 %. L'INRIA souligne, pour sa part, que les frais de gestion représentent de 35 % à 40 % des coûts directs de ses projets.

Un certain nombre d'organismes de recherche pratiquent d'ores et déjà la présentation de leurs projets en coûts complets dans le cadre de financements européens. Ils sont donc prêts à mettre en oeuvre cette méthodologie de coûts complets pour les projets financés par l'ANR afin de justifier plus précisément leurs frais de gestion et leurs coûts indirects.

Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a lancé une concertation avec les organismes de recherche et les universités en vue d'opérer une augmentation progressive du préciput de l'ANR sur les cinq à six prochaines années, tout en veillant à ce que cette mesure ne grève pas d'autant l'enveloppe de l'agence disponible pour le financement de projets de recherche. Un premier palier devrait être franchi prochainement à 18 %, puis à 21 %, aussi bien pour les appels à projets de l'ANR que ceux du PIA. En effet, le PIA pratique un préciput de 8 %, ce qui semble insuffisant pour des projets de recherche de moyen et long terme, pouvant s'étendre sur dix ans, qui entraînent des charges fixes extrêmement lourdes pour les structures qui les portent.

2. L'indispensable renforcement de la capacité de nos laboratoires à solliciter des financements sur projet européens

Les appels à projets européens empruntent principalement deux canaux :

- les bourses « ERC » attribuées par le Conseil européen de la recherche (« European Research Council ») : les principaux organismes de recherche français enregistrent généralement d'excellentes performances dans le cadre de ces appels d'offre qui financent essentiellement des projets portés par un seul chercheur. Dans leurs domaines d'excellence respectifs, le CNRS, l'INSERM et l'INRIA font ainsi partie des premières institutions européennes en termes d'accueil de lauréats de bourses ERC au sein de leurs structures de recherche et de projets ERC gérés. À titre d'exemple, l'INRIA a enregistré un taux de succès de 22 % au programme « Idées » de l'ERC, contre une moyenne européenne de 10 %, et 5 % des personnels permanents de l'institut bénéficient d'un financement de l'ERC ;

- les appels à projets financés dans le cadre du programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT) en faveur de la recherche collaborative dans les domaines des technologies clés et des défis sociétaux : ces appels à projets exigent la constitution de consortia complexes associant plusieurs équipes de recherche issues de différentes structures publiques ou privées dans plusieurs pays européens. L'ingénierie pour le montage de tels projets pose des difficultés certaines aux équipes de recherche françaises.

La France a été le troisième pays bénéficiaire du 7 e PCRDT, bien qu'elle enregistre une diminution sensible de la participation de ses équipes de recherche aux appels à projets européens, par rapport au 6 e PCRDT. En effet, les financements obtenus par les participants français sont passés de 13 % pour le 6 e PCRDT à 11,4 % pour le 7 e PCRDT, cette tendance à la baisse étant particulièrement marquée dans la seconde partie du PCRDT (pour la période 2011-2013). Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche considère que ces performances sont insuffisantes au regard des capacités de recherche de notre pays tout autant que de la contribution de la France au budget de l'Union européenne, de l'ordre de 16,4 % pour la période 2007-2013. Il est à noter que la France contribue désormais au budget communautaire à hauteur de près de 18 %. Un différentiel de 7 % pour le taux de retour de notre pays sur ce budget correspondrait à une perte de 700 millions à 800 millions d'euros en matière de recherche, soit plus que le budget d'intervention de l'ANR et presque 10 % du budget national en faveur de la recherche.

Il s'avère que les acteurs français de la recherche répondent moins aux appels à projets communautaires, comparativement à leurs partenaires européens, et se situent ainsi au cinquième rang seulement des déposants. Cependant, la France se hisse au troisième rang des pays bénéficiaires, avec un taux de succès moyen de 24 % pour les projets déposés par les équipes françaises, soit l'un des meilleurs taux parmi ceux des grands participants et sensiblement supérieur au taux de succès moyen au 7 e PCRDT, estimé à 20 %. Cette situation appelle une analyse partagée : les difficultés et les lourdeurs à constituer des équipes sont souvent évoquées à un moment où les chercheurs se plaignent de trop de bureaucratie.

Fort heureusement, l'ERC est relativement épargné de la « fureur bureaucratique » de la Commission européenne. En revanche, les organismes de recherche regrettent vivement que les efforts de simplification administrative promis par la Commission européenne n'aient pas véritablement produit d'effets concluants sur la complexité du montage des projets candidats au PCRDT. Pour rappel, le CNRS avait été particulièrement « épinglé » par les audits conduits par les autorités bruxelloises pour la gestion de ses projets financés dans le cadre du 6 e PCRDT. Or, le CNRS avait souligné l'incohérence qu'il y avait à privilégier la capacité de « reporting » administratif d'une équipe de recherche sur l'évaluation de l'excellence scientifique de ses activités. L'audit des projets du PCRDT est ainsi très mal perçu au sein de la communauté française de recherche qui redoute l'immixtion d'armada d'auditeurs dans la revue des agendas personnels. Dans ces conditions, les chercheurs français semblent peu enclins à s'aventurer dans la coordination de projets européens d'envergure.

Face à ce constat, votre rapporteure pour avis juge incontournable l'émergence de nouveaux profils de chercheurs expérimentés, appelés à développer et consolider des compétences en matière de coordination scientifique et administrative de projet. Ce type de profil mériterait d'être mieux valorisé dans le déroulement des carrières scientifiques au sein des organismes de recherche et des universités . En effet, alors que les bénéficiaires de bourses ERC perçoivent des primes d'excellence scientifique, les coordonnateurs de projets dans le cadre du PCRDT ne sont pas rétribués pour leurs efforts de conception et d'animation et leur mission pèse donc sur le financement des frais de structure du projet collectif.

Votre rapporteure pour avis se félicite, toutefois, de la mise en place par les organismes de recherche de stratégies proactives dans la recherche de financements européens, destinées à accompagner leurs équipes de la veille jusqu'au terme des projets subventionnés. L'INRIA a ainsi constitué en son sein, en 2006, une direction scientifique chargée des partenariats européens disposant de cinq permanents, qui lui a permis d'impliquer fortement ses chercheurs dans le montage du KIC EIT ICT Labs (« Knowledge and Innovation Communities - European Institute of Innovation and Technology - Information and Communication Technologies »). L'INSERM a, pour sa part, créé une cellule ERC et une cellule Europe chargées de diffuser les informations nécessaires à la préparation des dossiers de candidature, au choix stratégique des panels de dépôt et à la mise en place de contrats européens des nouveaux lauréats.

Le CNRS, particulièrement offensif en la matière, a mis en place un dispositif qui mobilise près de 100 ETPT (hors ressources internes des laboratoires, difficiles à évaluer) à tous les niveaux de l'établissement, dont une dizaine d'ETPT au sein de la direction « Europe de la recherche et coopération internationale » et du réseau de correspondants pour l'Europe de la direction générale déléguée aux ressources, des chargés d'affaires européennes auprès des dix instituts de l'établissement, 75 ETPT au sein des services « Partenariats et valorisation » des délégations régionales et 8 ETPT d'ingénieurs de projet européen 36 ( * ) .

Les universités semblent moins bien armées que les organismes de recherche dans l'ingénierie de projets européens, les services universitaires de coopération européenne et internationale en matière de recherche demeurant encore embryonnaires dans la plupart des établissements. À cet égard, votre rapporteure pour avis plaide pour la constitution, au sein des nouvelles communautés d'universités et établissements (COMUE), de cellules « Europe » d'une masse positive qui permette aux établissements regroupés de mutualiser leurs moyens en matière d'ingénierie de projet et de gagner en visibilité dans le cadre des appels à projets européens . Il est impératif d'inscrire le montage de projets candidats aux financements européens comme un objectif stratégique porté par la COMUE au sein de son contrat de site signé avec l'État.

L'ANR a également inséré dans son plan d'action le soutien à la constitution de consortia associant des structures de recherche françaises en vue de l'obtention de financements européens.

Les organismes de recherche et les universités peuvent également compter sur le réseau des points de contact nationaux (PCN) destinés à informer les participants potentiels sur les opportunités offertes par le PCRDT et leur apporter conseil dans la préparation de leurs propositions. Le réseau est composé, pour chaque ligne d'action du PCRDT, d'un consortium réunissant des représentants des différentes institutions de recherche et d'innovation. La coordination générale est assurée par la mission Europe et international pour la recherche, l'innovation et l'enseignement supérieur (MEIRIES). Cette mission est remplie par trois ETP au sein du département des affaires européennes et internationales de la direction générale de la recherche et de l'innovation du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le ministère dispose, en outre, d'une enveloppe de 300 000 euros annuels répartis entre les différents consortia de PCN, afin de les aider à remplir leur mission. La mise en ligne du portail www.horizon2020.gouv.fr devrait également faciliter l'accompagnement des porteurs de projets français, candidats aux financements communautaires.

3. Le programme des investissements d'avenir : un apport déterminant pour la structuration de notre recherche sur le long terme

Le second programme des investissements d'avenir (PIA 2) en matière d'enseignement supérieur et de recherche a démarré au début du mois d'octobre 2014 avec le lancement de l'appel à projet « idex/i-site » doté de trois milliards d'euros en dotation non consommable. Le taux de sélection des projets est estimé à 4,5 %, ce qui limiterait le nombre de projets bénéficiaires à trois ou quatre idex et trois ou quatre i-sites. Le lancement de l'appel à projets « equipex » du PIA 2 est, lui, prévu pour le courant de l'année 2015.

Le Commissariat général à l'investissement (CGI) souligne que, sur ces deux types d'appels à projets, le premier PIA avait plutôt été marqué par l'abondance de candidats de très bonne qualité, qui n'avaient pu être retenus en raison du montant limité des financements disponibles (notamment dans le cas des equipex, pour lesquels plusieurs dizaines de projets considérés comme excellents par le jury n'ont pas été financés) ou des caractéristiques spécifiques des cahiers des charges (notamment dans le cas des idex, dont le cahier des charges obligeait à une puissance scientifique très élevée excluant certains projets, tels que ceux des universités de Lorraine et de Bourgogne-Franche-Comté, ce qui avait conduit le jury à demander à l'État de trouver les moyens de les soutenir).

Les deux appels à projets du PIA 2 ont ainsi été précisément pensés afin de dégager la possibilité de financer ces candidatures excellentes qui avaient émergé lors du PIA 1. Le CGI n'envisage donc aucun essoufflement des candidatures dans le cadre du PIA 2 et souligne que les premières indications en provenance de la communauté universitaire et scientifique donnent à penser que ces appels à projets sont très attendus.

S'agissant plus spécifiquement des initiatives d'excellence en formations innovantes (idefi) financées dans le cadre du premier PIA, votre rapporteure pour avis souhaite insister sur la nécessité de favoriser leur essaimage et d'en faire des leviers de transformation de l'enseignement supérieur, en particulier en capitalisant sur les expériences réalisées par les 36 idefi et en encourageant l'innovation en formation et en pédagogie dans le cadre de la politique contractuelle de site.

Les idefi ont enregistré des premiers succès particulièrement prometteurs. Les porteurs de projets s'illustrent par leur fort dynamisme dans le déploiement de leurs actions, la diversité des dispositifs pédagogiques innovants, au nombre de 259, des taux de réussite (87 %) et de satisfaction très élevés, des premiers essaimages sur le territoire, au nombre de huit, des cofinancements solides (quatre millions d'euros de « chiffre d'affaires » et sept millions d'euros de cofinancements) et un nombre d'étudiants suffisamment significatif (22 000) pour faire des idefi des démonstrateurs crédibles.

Contrairement à un certain nombre d'idées reçues, le PIA n'a jamais tenu de discours visant à privilégier la recherche technologique et la recherche appliquée au détriment de la recherche fondamentale. Il est dérisoire, du reste, de vouloir diviser la recherche en fonction de ses finalités. L'histoire regorge d'exemples démontrant que des recherches fondamentales sans autre objet que d'élargir le champ des connaissances ont débouché, par la suite, sur la conception d'applications permettant le développement économique (les lasers, par exemple).

En tout état de cause, le PIA soutient tout autant le développement de l'excellence scientifique que l'ouverture aux applications économiques et industrielles potentielles :

- l'appel à projets « idex » (initiative d'excellence), doté dans le cadre du premier PIA de près de dix milliards d'euros, de même que les appels à projets « labex » (laboratoires d'excellence), « equipex » et « santé-biotechs » entendent accompagner la constitution d'universités de recherche de premier rang mondial et améliorer nos positions au sein des grands classements internationaux (tels que le classement de Shanghai) qui accordent une très large place aux performances en recherche de pointe. Un grand nombre d'idex permettent de concilier les exigences d'excellence scientifique et de conversion des résultats de la recherche en création de valeur ;

- certains appels à projets du premier PIA ont été spécifiquement conçus pour la valorisation et le transfert : sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT), instituts de recherche technologie (IRT)...

Le PIA est un programme national fondé sur l'excellence. Il n'a pas pour objectif de mettre en oeuvre une procédure de rattrapage afin d'assurer le rééquilibrage territorial dans la répartition des moyens de la recherche. Néanmoins, le CGI considère que la carte des projets financés montre que l'ensemble des régions sont parvenues à valoriser leurs points forts dans le cadre du premier PIA. Si le PIA 2 ne remet pas en cause le principe de non-régionalisation dans l'attribution de ses financements, les dossiers seront examinés en tenant compte de la nécessité de soutenir des projets qui n'auraient pas été sélectionnés dans le cadre des idex du premier PIA compte tenu de l'exigence d'un champ d'excellence scientifique très large mais qui représentent une belle opportunité de promouvoir l'excellence thématique plus restreinte d'un territoire. Le PIA 2 n'adopte donc pas d'approche d'équilibre territorial, pas plus que le premier PIA, mais, en élargissant l'espace des excellences, il pourrait permettre de mobiliser plus fortement les forces territoriales, notamment à Pau et en Auvergne. Toutefois, vu le nombre de candidatures annoncées, le processus de sélection fera assurément beaucoup de déçus.

En outre, le PIA participe de la structure du paysage universitaire autour de regroupements puissants puisque les projets doivent faire la preuve de la mise en commun de compétences substantielles attestant de la volonté des établissements de fonder une université moderne à visibilité internationale : des universités de recherche de premier rang mondial pour les idex, des universités à forte identité thématique en lien solide avec l'économie pour les i-sites.

D. LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE : UN LEVIER PUISSANT POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECHERCHE PARTENARIALE ET L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES DOCTEURS

Depuis la réforme de 2004 qui a introduit une part en volume dans le calcul du crédit d'impôt recherche (CIR), le nombre d'entreprises déclarantes et le montant de la créance fiscale correspondante ont fortement augmenté. La réforme, qui a instauré un dispositif uniquement en volume et sans plafond avec un taux de 30 % pour la plupart des entreprises, a rendu le CIR beaucoup plus simple et attractif. Entre 2008 et 2012, le nombre d'entreprises déclarantes a ainsi augmenté de plus de 50 %, dépassant le seuil des 20 000, pour un montant de dépenses éligibles de 19,2 milliards d'euros et un crédit d'impôt de 5,3 milliards d'euros. Néanmoins, l'augmentation de la créance ralentit désormais.

Évolution du CIR depuis 2009

Nombre de déclarants

Montant du CIR (M€)

2009, au titre de l'année 2008

14 012

4 452

2010, au titre de l'année 2009

17 193

4 880

2011, au titre de l'année 2010*

19 214

5 250

2012, au titre de l'année 2011*

20 807

5 210

2013, au titre de l'année 2012*

20 441

5 333

* Données provisoires. Pour une année n, les données du CIR sont définitives en décembre n+3 car les entreprises ont trois ans pour déposer des déclarations rétroactives. Les données 2012 étant les plus récentes, elles subiront plus de modifications que celles de 2010 et 2011. Les données 2012 définitives devraient donc être plus élevées que 2011, contrairement à ce qu'indiquent ces données provisoires.

Source : Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

La quasi-totalité des nouveaux entrants dans le CIR sont des petites, voire de très petites entreprises. En 2012, plus de 13 000 entreprises de moins de 250 salariés ont bénéficié du CIR, soit 89 % du total des bénéficiaires. Parmi elles, plus de 11 000 entreprises fiscalement indépendantes, représentant 76 % des bénéficiaires. 85 % des nouveaux entrants sont de petites entreprises indépendantes, qui reçoivent 86 % du montant du CIR des nouveaux entrants.

Le 19 octobre 2014, le Président de la République a déclaré que « le crédit impôt recherche est le mécanisme le plus puissant pour favoriser l'investissement en haute technologie. Il m'a toujours été demandé de garantir sa pérennité et je vous le confirme encore aujourd'hui : le crédit impôt recherche sera sur les trois prochaines années dans les mêmes dispositions qu'aujourd'hui. » Cet engagement a été confirmé par le Premier ministre, lors de sa visite de l'entreprise L'Oréal le 4 novembre 2014.

Dans sa publication intitulée Le crédit impôt recherche en 2012 , publiée le 25 septembre 2014, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche souligne que « les travaux externalisés par des entreprises à des institutions publiques de recherche comptabilisés dans l'assiette du CIR ont représenté 449 millions d'euros, soit une hausse de 159 % par rapport à 2007. Le CIR généré s'est élevé à 268 millions d'euros en 2012 », ce qui démontre l'efficacité du CIR dans le soutien à la recherche partenariale. Les organismes de recherche demeurent les principaux partenaires des entreprises en matière de recherche collaborative, loin devant les universités : le même document signale, en effet, que « les dépenses externalisées à des organismes de recherche représentent 72 % du total, dont 60 % pour les seuls EPIC », alors que « les établissements d'enseignement supérieur (les universités, les écoles d'ingénieurs, etc.) représentent 13 % du total, une part en accroissement par rapport à 2011 ».

L'étude précitée relève également que 1 305 déclarants ont embauchés des jeunes docteurs en 2012, un nombre qui « a pratiquement triplé depuis 2007 ». Elle précise que « le montant des dépenses de personnel déclarées au titre du dispositif jeunes docteurs a augmenté de 14 % entre 2011 et 2012 : ces dépenses génèrent un crédit d'impôt de 90 millions d'euros ».

Dans une étude de novembre 2011, l'Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) avait souligné que « grâce au CIR, la France se situe au niveau le plus compétitif en Europe. Cependant, si le dispositif n'existait pas, la France serait le pays le plus cher » 37 ( * ) .

En matière de recherche partenariale, votre rapporteure pour avis tient à souligner le rôle déterminant des structures de recherche sous contrat (SRC), qui constituent des acteurs dynamiques, complémentaires aux partenaires publics traditionnels que sont les organismes de recherche et les universités pour les entreprises qui souhaitent solliciter le concours d'entités extérieures pour développer leur R&D. Les SRC sont des structures privées qui réalisent plus de la moitié de leur chiffre d'affaires en contrats de R&D pour le compte de tiers. Ce sont principalement de petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui ont été agréées « SRC » par la Banque publique d'investissement (BPI) (qui a absorbé l'entreprise Oséo) pour leur capacité à mener des travaux de R&D à forte valeur ajoutée, dans l'ensemble des filières industrielles, auprès de start-up, de PME, d'ETI et de grands groupes, notamment dans le cadre des pôles de compétitivité, des projets collaboratifs du fonds unique interministériel, des programmes de l'ANR et des programmes-cadres européens.

En 2010, les SRC ont réalisé 100 millions d'euros de chiffre d'affaires en recherche sous contrat réalisés pour le compte de tiers. Le soutien public consenti aux SRC, au titre du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » s'élevait, en 2010, à dix millions d'euros, ce qui établit leur taux d'aide publique à 10 %, soit le taux de soutien public le plus faible d'Europe.

Les SRC dénoncent les éléments de distorsion de la concurrence qui les désavantagent, par rapport aux organismes publics de recherche, auprès des entreprises qui entendent externaliser leurs travaux de R&D :

- un CIR que l'association des structures de recherche sous contrat (ASRC) considère comme « à trois vitesses », dans la mesure où un organisme public de recherche donne droit à 60 % de CIR au donneur d'ordre, un organisme privé de R&D agréé « CIR » donne droit à 30 % de CIR au donneur d'ordre, et un organisme privé de R&D non agréé « CIR » ne donne droit à aucun CIR ;

- la pratique de certains organismes publics de recherche consistant à ne pas facturer aux coûts complets, c'est-à-dire au prix réel.

Dans ces conditions, l'ASRC indique que, pour des travaux de R&D similaire, on peut rencontrer un différentiel de prix d'un à cinq.

Dès lors, l'ASRC plaide pour l'introduction, en droit français, de la notion d' « acteur de RDT », c'est-à-dire de prestataire ou de partenaire de R&D ou de développement technologique, correspondant au concept de « RTD performer » (« Research or Technological Development performer ») que l'Union européenne définit comme « une entité juridique menant des activités de recherche ou de développement technologique dans le cadre de régimes de financement au profit de groupes particuliers » 38 ( * ) . L'ASRC considère qu'une telle notion permettrait d'identifier et d'agréer les acteurs de la recherche partenariale non pas en fonction de leur forme juridique ou de leur taille mais en fonction de leur capacité et de leur degré de professionnalisation à mener des travaux de R&D pour le compte de tiers.

L'ASRC s'est récemment ému des points 220 et 225 de l'instruction fiscale BOI-BIC-RICI-10-10-20-30-20140404 relatifs aux conditions de prise en compte des dépenses externalisées auprès des organismes de recherche privés. Les organismes de recherche privés agréés ont, en effet, l'obligation de déduire de la base de calcul de leur CIR la rémunération de la prestation de R&D fournie à une entreprise (point 220), alors qu'un organisme public de recherche non lucratif n'est pas tenu de déduire de la base de calcul de son propre CIR les sommes reçues d'une entreprise qui lui sous-traite une activité de R&D (point 225) lorsque cette entreprise ne peut pas bénéficier du CIR parce qu'elle ne satisfait pas à l'ensemble des conditions prévues par le code général des impôts.

Par ailleurs, l'article 44 du projet de loi de finances pour 2015 vise à majorer le taux du crédit d'impôt recherche (CIR), actuellement fixé à 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros, dans les départements d'outre-mer (DOM). Dans ces conditions, pour les dépenses de recherche exposées à compter du 1 er janvier 2015, il est prévu que le taux du CIR soit porté de 30 % à 50 % dans le souci, comme le souligne l'exposé des motifs de l'article, de « dynamiser et renforcer l'attractivité des projets de recherche » susceptibles de s'implanter en outre-mer. Cette mesure est l'une des traductions des engagements annoncés par le Président de la République, lors de son déplacement à La Réunion au mois d'août 2014, en faveur de la croissance et de l'emploi outre-mer.

II. LE PARTAGE DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE, TECHNIQUE ET INDUSTRIELLE : UNE NOUVELLE GOUVERNANCE POUR UNE NOUVELLE AMBITION

A. UNE LECTURE BUDGÉTAIRE DIFFICILE DES MOYENS PUBLICS CONSENTIS AU PARTAGE DE LA CSTI

Au sein du budget général de l'État, le partage de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) bénéficie d'un soutien que l'on peut estimer autour de 200 millions d'euros. Cette estimation ne tient pas compte des ressources conséquentes que consacrent spécifiquement à la CSTI notre vaste réseau de musées nationaux et territoriaux et les collectivités territoriales. L'analyse de la MIRES laisse entrevoir au moins 186 millions d'euros en crédits de paiement qui se décomposent de la façon suivante :

- 3,6 millions d'euros correspondant au financement des centres de CSTI, l'octroi des subventions ayant été transféré par la loi du 22 juillet 2013 de l'établissement public Universcience aux régions. Ces crédits sont désormais inscrits sur l'action n° 5 « Dotation générale de décentralisation des régions » du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » ;

- 2,54 millions d'euros au titre de la sous-action n° 8 « Renforcement des liens entre science et société » de l'action n° 1 « Pilotage et animation » du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », répartis entre :

. 1,55 million d'euros pour l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST) ayant statut d'établissement public administratif ;

. 0,99 million d'euros pour les actions de diffusion de la culture scientifique et technique financées par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche : la Fête de la science avec 565 événements et des milliers d'animations à travers toute la France et le soutien aux acteurs nationaux de la CST, notamment l'Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle (AMCSTI), le collectif inter-associatif pour la réalisation d'activités scientifiques, techniques internationales (CIRASTI), Planète Science, l'Association française d'astronomie...

- 117,14 millions d'euros au titre du programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », contre 114,54 millions d'euros consentis en 2014 (soit une progression de 2,3 %), répartis entre :

. 8,79 millions d'euros au titre de la recherche culturelle, en faveur de la connaissance des patrimoines archéologique, ethnologique, immobilier et mobilier, muséographique, archivistique, écrit et oral, en faveur de la conservation et de restauration et en faveur de la création artistique et de ses méthodes d'enseignement ;

. 108,35 millions d'euros en faveur de l'établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie, dit « Universcience », créé le 1 er janvier 2010, qui constitue le pôle national de référence pour l'accès de tous à la culture scientifique et technique, dont 97,8 millions d'euros de subvention pour charges de service public et 10,55 millions d'euros de dotation en fonds propres pour opérations financières ;

- 27,955 millions d'euros correspondant au soutien des centres de CSTI (CCSTI) dans le cadre des contrats de plan État-régions (CPER) pour la période 2007-2013 et prolongés d'un an pour 2014 (le montant des crédits dédiés à la CSTI dans les prochains CPER pour 2015-2020 n'est pas encore connu) ;

- 38,6 millions d'euros au titre du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », dont :

. 36,9 millions d'euros au titre du financement par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche des musées scientifiques nationaux dont il exerce la tutelle, parmi lesquels on compte le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN, 9,9 millions d'euros), le Musée du Quai Branly (21,3 millions d'euros), le Musée des arts et métiers du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM, 5,4 millions d'euros), la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI, 0,3 million d'euros) ;

. 0,5 million d'euros pour l'Office de coopération et d'informations muséales (OCIM), service général de l'université de Bourgogne ;

. 1,2 million d'euros pour des actions spécifiques visant à diffuser la CSTI au niveau des muséums d'histoire naturelle en région et des musées scientifiques nationaux (0,9 million d'euros) et financer des acquisitions pour le Musée du Quai Branly (0,3 million d'euros).

Le budget que le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche consacre au financement d'actions de CSTI sur les programmes 150 et 172 s'est élevé, pour l'année 2014, à plus de 44 millions d'euros :

Financement, en 2014, des actions « Patrimoine scientifique »,
« Culture scientifique, technique et industrielle » et « Sciences et société »
sur les programmes 150 et 172

Opérateur, acteur ou mission financés

Nature de l'action financée

Somme attribuée
(en euros)

A - Programme 150 - Actions 13 et 14 - géré par la DGESIP

Musée du quai Branly

Fonctionnement, gratuités, acquisition

21 471 716

MNHN

Contrat, gratuités, compensation fermeture zoo

11 476 827

Musée du CNAM

Contrat, gratuités

5 637 833

Musée national de l'éducation (CNDP)

Gratuités

2 400

CNHI

Fonctionnement

279 000

OCIM (Université de Bourgogne)

Fonctionnement

500 000

Sociétés savantes

Fonctionnement

18 500

Total A.1

39 386 276

1. Subventions accordées sur projets à des actions spécifiques

Sciences à l'école

Dispositif de CSTI piloté par le MEN

100 000

INRIA

Projet CERVIN

0

Accords France Canada

Appel à projets muséaux

21 352

Musée du CNAM

Expositions, restauration de collections, animation réseaux

215 511

Musée national de l'éducation (CNDP)

Exposition « 50 ans de pédagogie par les petits écrans »

0

Muséums d'histoire naturelle en région

Inventaire, informatisation, récolement et restauration des collections

399 493

OCIM

Formation, enquêtes, journées d'étude, publications, actions réseaux

147 000

Total A.2

883 356

Total A (Prog. 150) : A.1 + A.2

40 269 632

B - Programme 172 - géré par la direction générale de la recherche et de l'innovation

1. IHEST Subvention pour charges de service public et subventions

Total B.1

1 985 373

2. Organisations d'événements

Fête de la science et soutien aux manifestations nationales, innovantes ou emblématiques

Participation aux opérations : CNRS-Jeunes à Poitiers, Les Fondamentales, exposition «Femmes et sciences dans les écoles et les Universités, Horizon 2020 et la CSTI, Formations IHEST élus / média, soutien à la mission CSTI et numérique, année de la cristallographie, Arts et Science projet de l'Hexagone, etc.

250 700

Total B2

3. Subventions déléguées aux DRRT pour le déploiement régional de la Fête de la Science

Total B.3

868 000

4. Subventions aux associations nationales de CSTI et d'actions S&S

Total B.4

400 000

5. Subventions aux colloques

Total B.5

300 000

Total B.2 + B.3 + B.4 + B.5

1 818 700

Total B (Prog. 172)  B1 à B5

3 804 073

Total programmes 150 et 172 : 44 073 705 euros

Source : Direction générale de la recherche et de l'innovation

La CSTI bénéficie également d'une enveloppe de 100 millions d'euros dans le cadre du PIA. Au 23 octobre 2014 :

- 77 millions d'euros ont été engagés par décision du Premier ministre pour 30 projets de diffusion de la culture scientifique ;

- 60 millions d'euros ont été effectivement contractualisés ;

- 16,8 millions d'euros ont été décaissés.

Afin de répondre aux inquiétudes exprimées par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014 sur l'apparente lenteur de la contractualisation et des décaissements des montants du PIA en faveur de la CSTI, le CGI indique que ce champ ne connaît pas de sous-consommation. Après un premier temps de sélection intense des projets, un premier bilan a été tiré à l'automne 2013 en vue d'orienter au mieux la deuxième partie de la sélection, notamment sur la culture technique et industrielle. Cette relance a permis d'insuffler une nouvelle dynamique à l'appel à projets dans ce champ. À la fin du mois de novembre 2014, l'intégralité des 100 millions d'euros seront engagés et le montant contractualisé devrait atteindre plus de 70 millions d'euros.

Par ailleurs, le rythme de décaissement est proportionnel au déploiement des projets sur cinq ans en moyenne, à partir de leur date de sélection. L'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), opérateur de l'action, a multiplié en 2013 les efforts de simplification afin d'accélérer le rythme de ses décaissements, ce qui a été salué par les porteurs de projet.

Enfin, le programme européen Horizon 2020 comporte un volet intitulé « Science avec et pour la société » (« Science with and for society »), pour lequel l'Association des musées et centres pour le développement de la culture scientifique, technique et industrielle (AMCSTI) a été identifié comme le point de contact national (PCN) français. Il existe pour les acteurs français de la CSTI une marge de progression nette dans l'obtention de financements européens.

B. UN ÉTAT CONFORTÉ DANS SON RÔLE DE STRATÈGE, DES RÉGIONS CONSACRÉES DANS LEUR RÔLE DE COORDINATION ET D'ANIMATION TERRITORIALES

En application du principe de subsidiarité, l'article 19 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a modifié l'article L. 214-2 du code de l'éducation afin de confier aux régions le soin de « coordonne [r] , sous réserve des missions de l'État et dans le cadre de la stratégie nationale de recherche, les initiatives territoriales visant à développer et diffuser la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès des jeunes publics » et de « participe [r] à leur financement. » Il est précisé que « l'État transfère aux régions les crédits qu'il accordait à ces initiatives. » Le Parlement a ainsi pris acte du fait que c'est au niveau régional et local qu'est pensée et mise en oeuvre la majorité des actions de CSTI, et a transféré la responsabilité de la gestion des crédits de soutien aux centres de CSTI (CCSTI) de l'établissement public Universcience vers les régions.

L'État est appelé à se recentrer sur sa mission de stratège. Il lui appartient de donner le cap à suivre et de définir, en concertation avec les organismes de recherche, les universités et les régions, les grandes priorités nationales. Il lui revient ainsi de veiller à l'établissement d'une cohérence solide entre stratégie nationale et stratégies régionales et à la mise en synergie des initiatives et des moyens en matière de CSTI sur l'ensemble du réseau national. En effet, l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013 précise que « la culture scientifique, technique et industrielle fait partie de la stratégie nationale de recherche et est prise en compte dans sa mise en oeuvre. »

Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche indique que, après quelques années de mise en retrait, l'État est désormais déterminé à s'impliquer à nouveau directement dans la coordination des acteurs. L'ensemble des ministères concernés, soit en raison de leur champ de compétence, soit en raison du public visé, ont entrepris de coordonner leurs efforts, dans un souci de cohérence et d'efficience.

C'est à l'initiative de la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche qu'un département de la culture scientifique et des relations avec la société a été créé au sein du service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche au début de l'année 2014 39 ( * ) . En outre, le service de la stratégie de la recherche et de l'innovation au sein de la direction générale de la recherche et de l'innovation du ministère comporte un secteur « Sciences et société », doté d'une directrice scientifique. Ces personnes sont placées sous l'autorité du directeur général de la recherche et de l'innovation qui a confié à sa directrice de cabinet la mission d'animer et de coordonner les efforts du ministère et de ses opérateurs en faveur de la CSTI.

Le département de la culture scientifique et des relations avec la société du ministère est, en particulier, chargé de l'évolution et du suivi de la gouvernance nationale de la CSTI, qui a été modifiée afin de tenir compte des nouvelles compétences des collectivités territoriales en matière de partage de la CSTI et de les accompagner dans l'exercice de leurs missions de coordination et d'animation territoriales dans ce domaine.

Cette évolution de la gouvernance nationale est envisagée sans continuité avec celle qui a été instituée en 2012. En effet, le fait qu'un établissement public fût chargé de la gouvernance d'un domaine qui était habituellement celui de l'État a été d'autant plus mal ressenti par les acteurs qu'Universcience disposait non seulement de la maîtrise de la gouvernance mais aussi du pouvoir de déléguer des crédits, et que l'opérateur était de surcroît, en tant qu'acteur lui-même de la CSTI, éligible aux projets au même titre que les autres, ce qui le plaçait à la limite du conflit d'intérêt. La mise en place des pôles territoriaux de référence sous l'impulsion d'Universcience a d'abord été difficilement perçue, mais, au final, les acteurs sont aujourd'hui plutôt satisfaits d'un système de coordination et de mutualisation d'expériences et de moyens dont ils avaient besoin.

Le dispositif de gouvernance, qui restait centralisé sous la houlette d'un opérateur national, accordait une reconnaissance insuffisante aux musées et aux CCSTI situés en région, de même qu'aux organismes de recherche. Or, la très grande majorité des actions de diffusion de la CSTI se fait au plus près du terrain et est le fait quotidien des chercheurs, des animateurs, des médiateurs... Le Conseil national de la CSTI offrait une très petite place aux musées (à l'exception du Muséum national d'histoire naturelle et du Conservatoire national des arts et métiers) et une assez petite place aux CCSTI. Cet organe n'était donc pas reconnu comme véritablement représentatif de la communauté des acteurs, et surtout de leur diversité. Son rôle purement consultatif n'a pas été déterminant dans la structuration de la gouvernance nationale.

La place d'Universcience dans le dispositif a été complètement revue dans le nouveau dispositif de gouvernance nationale de la CSTI : l'établissement public se recentre désormais sur ses missions propres, il n'est désormais plus considéré comme le pôle national de référence en matière de CSTI et n'a donc plus en responsabilité les crédits d'État (3,6 millions d'euros) dévolus aux régions pour leurs actions de CSTI 40 ( * ) .

Le rôle d'Universcience au sein du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle (CNCSTI) 41 ( * ) et dans le pilotage des outils de la gouvernance a été également modifié, notamment par le décret n° 2014-761 du 2 juillet 2014 portant modification du décret n° 2012-572 du 24 avril 2012 relatif au Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, afin de prendre en compte la place accordée aux territoires et aux acteurs de terrain dans le dispositif. La capitalisation des acquis du travail de structuration efficacement mené par Universcience depuis 2012 à la demande et avec les moyens de l'État est un atout dont les collectivités territoriales sauront se saisir pour la mise en place de leur stratégie et de leur action. Ainsi, les pôles territoriaux de référence, qui ont fait la preuve de leur efficacité en matière de structuration et de mise en synergie des moyens et des initiatives dans 19 des 22 régions où ils ont été créés (selon une enquête menée auprès des délégations régionales à la recherche et à la technologie - DRRT -), sont un outil sur lequel ces collectivités pourront continuer de s'appuyer. Cette enquête fait apparaître que 17 pôles territoriaux de référence fonctionnaient globalement de manière satisfaisante, dont une dizaine qui fonctionnait très bien.

Article 3 du décret modifié n° 2012-572 du 24 avril 2012
relatif au Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle

« Le président du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle est nommé par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture et de la recherche.

« Le conseil comprend, outre son président, vingt-deux membres, répartis de la façon suivante :

« 1° Huit représentants de l'État et des établissements publics, répartis comme suit :

« a) Le directeur général de la recherche et de l'innovation, ou son représentant ;

« b) Le secrétaire général du ministère chargé de la culture, ou son représentant ;

« c) Le directeur général de l'enseignement scolaire, ou son représentant ;

« d) Le président de l'Établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie, ou son représentant ;

« e) Le président du Muséum national d'histoire naturelle, ou son représentant ;

« f) L'administrateur du Conservatoire national des arts et métiers, ou son représentant ;

« g) Le président du musée du quai Branly, ou son représentant ;

« h) Le président de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie, ou son représentant ;

« 2° Trois représentants de l'Association des régions de France désignés par son président ;

« 3° Un député et un sénateur désignés par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

« 4° Deux représentants du monde associatif dont :

« a) Un représentant des centres de sciences et des musées ;

« b) Un représentant d'associations d'éducation populaire ;

« 5° Sept personnalités qualifiées désignées en raison de leur compétence en matière de culture scientifique, technique et industrielle, dont deux sur proposition de l'Association des régions de France, une sur proposition du Centre national de la recherche scientifique et une sur proposition de la conférence des présidents d'université.

« Les deux représentants du monde associatif et les sept personnalités qualifiées sont nommés par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture et de la recherche.

« Le conseil est composé en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes. »

En outre, le projet « ESTIM » pour l'égalité d'accès aux sciences, aux technologies, à l'innovation et aux multimédias, financé par le PIA, qui court jusqu'en 2015, préserve les moyens financiers d'Universcience en ce qui concerne la mise en place du portail numérique ESTIM-SCIENCES, outil majeur pour la diffusion des actions de CSTI dans l'ensemble des régions. Comme le rappelle l'ANRU, le projet ESTIM comporte trois volets :

- un premier programme, intitulé ESTIM--Gouvernance, doté de 4,1 millions d'euros, qui visait à accompagner la mise en place d'une nouvelle organisation des acteurs et accélérer leur mise en réseau afin d'impulser au niveau national et territorial une politique commune de CSTI, augmenter sa visibilité, son impact et optimiser la gestion des ressources et favoriser les co-productions ;

- un deuxième programme, intitulé ESTIM--Numérique, doté de 13,2 millions d'euros, qui consiste en la création d'un dispositif de soutien à la production audiovisuelle et multimédia de CSTI et la mise en place d'une plateforme numérique de services aux professionnels de la culture scientifique et de support à la diffusion des ressources numériques de la CSTI

- un troisième programme, intitulé « École de la médiation », doté d'1,4 million d'euros, qui vise à développer de nouveaux modes d'apprentissage et de médiation scientifique fondés sur l'expérimentation, l'interdisciplinarité et les nouveaux usages notamment en matière numérique.

Toutefois, votre rapporteure pour avis estime particulièrement regrettable qu'à la différence du ministère de la culture et de la communication, qui exerce la tutelle principale d'Universcience, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'ait jamais été représenté au comité de pilotage de l'appel à projets du PIA « ESTIM », et ne dispose donc pas d'informations sur la réalisation et la consommation de l'enveloppe qui lui a été dévolue.

Temps fort de la réflexion, de la coopération et de la co-construction de projets sur les territoires, le forum annuel national de la CSTI, sera maintenu avec un pilotage modifié afin de tenir compte de la place des régions et des missions de l'État stratège.

Cette évolution est largement prise en compte dans le décret du 2 juillet 2014 qui a refondé le Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle. Le décret renforce la représentation des acteurs de terrain avec, en particulier, trois représentants de l'Association des régions de France désignés par son président, un député et un sénateur désignés par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et deux personnalités qualifiées désignées sur proposition de l'Association des régions de France. Il prévoit que son président sera une personnalité nommée par les ministres chargés de la culture et de la recherche. Le secrétariat du conseil est confié au ministère chargé de la recherche. Il sera assuré par le département de la culture scientifique et des relations avec la société chargé d'établir un lien étroit avec les régions, en relation avec l'ARF.

Le décret recentre les missions du conseil sur l'expertise de la politique nationale en matière de CSTI. Il sera chargé de valider une véritable stratégie nationale en matière de CSTI et de veiller à une coordination de l'ensemble des acteurs de la CSTI : les organismes de recherche, les universités, les régions, les associations et les établissements et opérateurs de l'État (musées, muséums, Universcience...).

La gouvernance se situe d'abord sur le terrain, la priorité étant de ne pas empêcher les acteurs de mener leurs actions. C'est pourquoi il n'a pas été retenu de mettre en place une procédure de labellisation des organismes intervenant dans le secteur de la CSTI. La gouvernance mise pleinement sur la capacité des acteurs à s'autoréguler. Le Conseil national de la CSTI aura notamment pour mission d'assurer une meilleure lisibilité de l'activité du secteur, en faisant remonter au niveau national des données concernant le nombre et les différents types d'acteurs impliqués, leur volume global d'activités et les publics concernés.

L'État s'efforcera, dans son rôle de stratège, de concilier dans son pilotage les logiques de « bottom-up », de « top-down » et de transversalité, en s'appuyant notamment sur le forum national annuel de la CSTI, chargé d'organiser le partage d'expériences sur une thématique et dont la prochaine édition est prévue pour le 18 mars 2015 et devrait être consacrée au thème « La CSTI à l'heure de l'Europe ». L'organisation de ce forum a ainsi été transférée d'Universcience, qui bénéficiait à ce titre de crédits du PIA, au ministère. Par ailleurs, le ministère réunit, tous les trois mois, les responsables des budgets dédiés à la communication des organismes de recherche en vue de l'organisation de la Fête de la science qui devrait comporter la promotion d'un nouveau projet de développement de la CSTI sur les réseaux sociaux.

Sur ses crédits propres incitatifs, d'un montant de 2,5 millions d'euros, la direction générale de la recherche et de l'innovation du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche concentre ses subventions, d'un montant minimal de 10 000 euros afin d'éviter tout saupoudrage, sur les associations proposant un projet national structurant ou sur les associations oeuvrant au renforcement de la parité ou de l'égalité sociale dans l'accès à la culture scientifique.

Enfin, l'État a confié des missions nationales à des acteurs de la CSTI. Trois personnalités ont ainsi été chargées de l'analyse des conditions du déploiement de certaines priorités stratégiques, en impliquant notamment les alliances scientifiques : le numérique, les sciences participatives et les missions éducatives en matière de CSTI. Le président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi), M. François Houllier, également président-directeur général de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), devrait ainsi se voir confier par le ministère une mission d'étude sur l'émergence des sciences participatives dans plusieurs secteurs scientifiques (oiseaux, insectes, plantes...), en portant une attention particulière à la définition de protocoles scientifiques destinés à renforcer la méthodologie des sciences participatives, à la sensibilisation des jeunes à la déontologie de la recherche et à son importance pour la crédibilité de l'étude scientifique. Leurs rapports, dont la remise est prévue pour le début de l'année 2015, éclaireront les décisions de l'État tout autant que des collectivités territoriales dans le cadre de leurs nouvelles compétences en matière de CSTI. L'Institut national des hautes études scientifiques et technologiques (IHEST) est, quant à lui, chargé de mettre en place des sessions de formation à destination des journalistes et des responsables politiques et économiques.

C. LE RÔLE DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DES ORGANISMES DE RECHERCHE

La loi du 22 juillet 2013 renforce la part prise dans les missions des établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche par « la diffusion de la culture humaniste, en particulier à travers les développements des sciences humaines et sociales et de la culture scientifique, technique et industrielle ». En outre, l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation prévoit désormais que la commission de la recherche du conseil académique des universités « adopte les mesures de nature à permettre aux étudiants de développer les activités de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. »

L'article L. 114-3-1 du code de la recherche confie au Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) la mission de « s'assurer de la valorisation des activités de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle dans la carrière des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche ». À cet égard, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) indique qu'elle a inclus le sujet de la valorisation des activités de partage de la culture scientifique, technique et industrielle dans son référentiel d'évaluation externe des établissements d'enseignement supérieur. Le domaine 4 de ce référentiel porte ainsi sur « la valorisation et la culture scientifique ». Deux champs d'évaluation sont distingués en son sein : le premier, sur « la valorisation des résultats de la recherche » ; le second, sur « la diffusion, l'enrichissement du patrimoine et le développement de la culture scientifique et technique ». S'agissant de l'évaluation des organismes de recherche, le sujet est aussi toujours inclus dans le référentiel d'évaluation.

Il en résulte que, sauf exception, les rapports d'évaluation des établissements comprennent un chapitre consacré à cet ensemble de sujets. La place donnée aux activités de partage de la culture scientifique, technique et industrielle est cependant variable. Elle dépend à la fois de l'importance de ces activités dans l'établissement et de la problématique construite par les experts eux-mêmes. Les rapports récents d'évaluation du Museum national d'histoire naturelle (2013), des universités de Montpellier-I et -II (2014, évaluation concomitante par le même comité) et du CEA (2014) sont des exemples qui illustrent de façon pertinente la démarche.

S'agissant de l'évaluation des entités de recherche, la modification du référentiel effectuée au début de l'année 2012 a permis d'identifier qu'un des six critères (critère 3) est consacré au thème de l'interaction avec l'environnement social, économique et culturel. Parmi les faits observables, sont identifiées les actions contribuant, notamment, à l'organisation d'événements culturels ou à la collaboration avec des institutions culturelles, à la diffusion de la culture scientifique et au débat public. Des indices de qualité sont aussi définis pour ce critère.

Votre rapporteure pour avis est convaincue que le rapport des universités avec la CSTI et l'enjeu de son partage aura toutes les chances d'être développé dans le cadre de la politique de site.

En ce qui concerne l'implication des chercheurs, des universitaires et des doctorants dans le partage de la CSTI, les remarques de l'atelier 7 « Comment élargir la pratique de la médiation culturelle scientifique » du 3 e Forum national de la CSTI de janvier 2014 sont éclairantes :

« D'autres voies de démultiplication ont été évoquées, avec leurs difficultés inhérentes et leur degré de réussite variable selon les régions, comme notamment le recours aux chercheurs et doctorants. Expérience réussie à la canopée des Sciences puisque sur 80 chercheurs, 50 d'entre eux font de la diffusion ( Experimentarium ), moins ailleurs où inciter des doctorants à s'orienter vers de la diffusion des sciences semble une véritable gageure alors que ces actions ne sont pas valorisées, ni prises en compte dans leurs cursus de carrière. Il existe une très grande disparité entre universités sur la prise en compte de la CST alors que les doctorants ont normalement une formation obligatoire en CST via les écoles doctorales. Par ailleurs se repose toujours la question des objectifs pour ces chercheurs et futurs chercheurs : communication de leur recherche ou des sciences en général avec un aspect promotionnel ou médiation des sciences avec prise en compte des enjeux sociétaux et des points de vue et inquiétudes des publics et de leur formation ? Être un expert d'un domaine scientifique ne fait pas forcément quelqu'un d'apte à interagir avec des publics, d'autres compétences sont en jeu (adaptabilité des discours au public, construction d'outils et de démarches pédagogiques, changement de posture...) et sont à acquérir. » C'est bien la question de l'interaction des sciences avec la société dans son ensemble qui est en jeu.

Votre rapporteure pour avis tient à rappeler que nombre de collections scientifiques universitaires sont vouées à disparaître si rien n'est fait pour favoriser leur récolement et leur entretien. À ce titre, elle plaide pour une intervention coordonnée de l'OCIM et du MNHN auprès des universités qui nécessiteraient un soutien logistique et technique pour l'élaboration d'inventaires de leurs collections. Pour mémoire, un rapport d'information de 2003 de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat estimait que les universités constituaient l'un des secteurs de l'État qui enregistraient les pertes les plus importantes en matière de récolement : en 2001, 157 oeuvres y ont été contrôlées ainsi que 1 233 objets et 20 lots archéologiques, mais 118 biens n'avaient pu être localisés dans les universités visitées, soit 75,2 % de pertes, 20 oeuvres étant, en outre, présumées détruites ; à ces oeuvres non retrouvées, il faut ajouter 198 objets et 13 lots non retrouvés pour les universités 42 ( * ) .

Comme l'a rappelé la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche lors du 3 e Forum national de la CSTI des 29 et 30 janvier 2014 consacré aux « Cultures scientifiques, technique, industrielle et de l'innovation dans les territoires », la CSTI doit également irriguer les hautes sphères de l'État et le monde de l'entreprise, qui n'ont encore qu'une expérience très marginale de la recherche. Elle souligne, à juste titre, que « la France est marquée par la familiarité limitée de ses élites à la recherche : seuls 2 % des cadres de la haute fonction publique sont titulaires d'un doctorat, contre 35 % en Allemagne ou aux États-Unis. Les entrepreneurs ont rarement l'expérience de la recherche. Les journalistes ont majoritairement suivi des cursus en sciences humaines et sociales et sont souvent moins au fait des sciences dites exactes. La promotion des cultures scientifiques, technologiques et industrielles réclame pourtant le concours actif de ces groupes professionnels influents. Des programmes de sensibilisation adaptés seront déployés à leur intention. C'est aussi valable pour les décideurs, institutionnels et politiques. » C'est pourquoi elle recommande de s'appuyer sur l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST), avec le soutien des académies et de l'OPECST, pour sensibiliser les principaux acteurs du débat public aux enjeux de la CSTI, « à l'image de ce que fait la Royal Society au Royaume-Uni ».

Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans leur rapport produit au nom de l'OPECST, intitulé Faire connaître et partager les cultures scientifiques, techniques et industrielles : un impératif et publié en janvier 2014 43 ( * ) , nos collègues Maud Olivier et Jean-Pierre Leleux ont formulé une série de recommandations tendant à favoriser le partage des cultures scientifique, technique et industrielle. Ils soulignent, en particulier, la nécessité de « développer les actions de médiation des chercheurs », notamment en les valorisant dans les carrières des scientifiques et dans les parcours des doctorants. En matière de gouvernance, ils préconisent une simplification et une amélioration de la gouvernance , aux niveaux national, par la désignation au sein chaque ministère d'un référent CSTI sous la coordination du ministre chargé de la recherche , et territorial, par l'identification et le renforcement de têtes de réseau régionales chargées d'articuler les acteurs et les interventions sur le terrain .

CONCLUSION

Réunie le 26 novembre 2014, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté à l'unanimité, sur proposition de ses deux rapporteurs pour avis, un amendement qui vise à rétablir dans le montant prévu initialement par le projet de loi de finances pour 2015 les crédits de la MIRES qui avaient été réduits, à l'issue de la seconde délibération à l'Assemblée nationale, de près de 136 millions d'euros.

Compte tenu de l'ensemble des réserves qu'il a émises sur les problèmes de sincérité posés par le budget consenti par l'État aux universités, votre rapporteur pour avis, M. Jacques Grosperrin, a proposé à votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission.

Étant donné le contexte difficile dans lequel tous les opérateurs de l'État sont appelés à contribuer au redressement des comptes publics, votre rapporteure pour avis, Mme Dominique Gillot, a estimé que l'on devait se féliciter d'un budget de la recherche qui résiste globalement et que l'on pouvait considérer comme protégé des rigueurs budgétaires pourtant nécessaires. Elle a proposé, en conséquence, à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche au sein de la MIRES.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2015.

EXAMEN EN COMMISSION

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » . - Le budget placé sous la responsabilité directe du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de ses opérateurs est en augmentation de 45 millions d'euros, ramenés à 36 millions d'euros si l'on tient compte de mesures de périmètre en faveur du ministère de l'agriculture. Les crédits dédiés à l'enseignement supérieur devaient initialement rester stables à 12,79 milliards d'euros. Mais la seconde délibération demandée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale nous a réservé un coup de théâtre très grave, qui a choqué l'ensemble du secteur : le vote d'un amendement du Gouvernement tendant à minorer de 136 millions d'euros le budget de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES). Ce sont 70 millions qui seront retirés à nos universités. L'aveu de faiblesse de Mme  Najat Vallaud-Belkacem estimant que « les diminutions ciblées de budget des établissements d'enseignement supérieur sont inévitables » est préoccupant, alors qu'elle est responsable d'un ministère dit sanctuarisé.

Quels établissements vont payer le plus lourd tribut ? Va-t-on faire porter la plus grande partie de l'effort sur nos quelques universités intensives de recherche, les seules à pouvoir s'insérer dans les classements internationaux ? Va-t-on punir les universités les plus vertueuses dans leur gestion, elles qui sont parvenues à maintenir leur équilibre budgétaire au prix de lourds sacrifices ? Va-t-on puiser dans des fonds de roulement qui contiennent souvent les provisions obligatoires pour investissement dans le cadre de contrats de recherche ? La désillusion est si grande à la suite de cet épisode désastreux que notre commission des finances, revenant sur son avis initial, a rejeté les crédits de la MIRES.

Ne nous leurrons pas, les augmentations de crédits annoncées au départ par le Gouvernement sur les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » résultaient en grande partie de mesures déjà actées de longue date par l'État, qu'il s'agisse de la création annuelle de 1 000 postes dans l'enseignement supérieur et la recherche jusqu'à la fin du quinquennat ou de la poursuite de la réforme du système des bourses. Dès lors, la marge nouvelle pour les universités était déjà quasi nulle compte tenu de l'augmentation des effectifs étudiants - au rythme d'environ 1,4 % par an - et des contraintes budgétaires.

Le budget global des opérateurs des deux programmes précités a connu une stagnation en 2014 et une baisse l'année précédente. Les universités sont contraintes à des efforts d'investissement conséquents et des règles strictes de responsabilité budgétaire. Le budget de l'enseignement supérieur se trouve dans une impasse. La masse salariale des établissements reste supérieure aux crédits que l'État débloque. Le budget des deux programmes 150 et 231 est fondé sur le postulat qu'il faudra en fin d'année dégeler des crédits mis en réserve. Cette pratique est contraire aux recommandations de la Cour des comptes. Fin octobre 2014, la Conférence des présidents d'université (CPU) s'est émue de ce que le dernier versement de l'État aux universités au titre de leur subvention pour charges de service public ne corresponde qu'à 80 % du montant initialement notifié, avec le risque que les établissements ne puissent honorer la paie de décembre. Le ministère a finalement obtenu de Bercy le déblocage des 20 % restants mais le projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoit 202 millions d'euros d'annulations de crédits sur le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. S'y ajoute la ponction décidée en seconde délibération à l'Assemblée nationale de 70 millions sur les crédits du programme 150 déjà évoquée.

Le Gouvernement ne respecte pas le principe de décideur-payeur vis-à-vis des universités. Il échoue à compenser à l'euro près les conséquences de décisions prises au niveau national, comme l'exonération du paiement des droits d'inscription pour les étudiants boursiers. La secrétaire d'État s'est engagée à financer le rééquilibrage à hauteur de 25 % par an sur quatre ans, soit un montant de 13 millions d'euros. Les universités n'ont pas obtenu compensation pour l'augmentation du nombre de boursiers en 2013 et n'ont perçu que 3,2 millions d'euros en 2014, prélevés sur le financement prévu pour couvrir le solde positif du glissement vieillesse-technicité (GVT). L'augmentation de la première mensualité de bourse versée à l'étudiant, incluant le montant des droits d'inscription, garantirait un traitement neutre de la compensation, équitable pour tous les établissements, et responsabiliserait les étudiants. Le gouvernement s'y refuse au motif fallacieux d'une complexification de la procédure de gestion des bourses.

Le montant de la contribution de l'État au financement du GVT solde des universités n'est pas précisé dans le projet annuel de performances. Je l'évalue à environ 45 millions d'euros, en faisant la différence entre l'augmentation des crédits de masse salariale enregistrée sur le programme 150 et la somme des montants provisionnés pour les titularisations de la loi Sauvadet et les mesures catégorielles en faveur des catégories de personnel B et C, mesures qui doivent être couvertes par une enveloppe de 20,5 millions d'euros alors que leur coût est estimé par la CPU à 30 millions. Encore une occasion pour l'État d'accumuler une dette auprès des universités !

Enfin, la CPU évaluait au départ à 100 millions d'euros la participation des établissements publics d'enseignement supérieur au redressement des comptes publics. Ce chiffre devra être majoré compte tenu des 70 millions retirés lors de l'examen par l'Assemblée nationale...

Pour beaucoup de dépenses imposées par l'État aux universités, le compte n'y est pas. L'État doit s'engager à assurer une compensation intégrale, comme il le fait pour les collectivités territoriales, au moins dans le cadre d'un plan quinquennal. Aucun des gouvernements récents, de gauche et de droite, n'a su respecter le principe décideur-payeur réclamé de longue date par les universités. L'article 40 de la Constitution nous empêche d'imposer à l'État cette compensation intégrale. Le seul moyen à notre disposition est de l'y inciter en demandant la remise au Parlement avant la fin du premier semestre 2015 d'un rapport détaillant un échéancier quinquennal. C'est le sens de l'amendement que je vous proposerai d'adopter.

La réforme du modèle de financement des universités est trop timide. Les pistes envisagées par la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) pour la refonte du système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA), telles que l'intégration d'une partie de la masse salariale dans le modèle et de nouveaux indicateurs d'activité et de performance, étaient intéressantes. Il est dommage que le Gouvernement ait reculé face aux critiques de la CPU, pour n'appliquer le modèle qu'aux écoles d'ingénieurs.

La perspective d'une diminution des engagements de l'État dans le cadre des discussions sur le renouvellement des contrats de projet État-régions (CPER) pour la période 2015-2020 inquiète le milieu universitaire, qui déplore la baisse significative des enveloppes dédiées à l'enseignement supérieur, à la recherche et à l'innovation. Les présidents d'université des régions Bretagne et Pays-de-la-Loire ont dénoncé les risques majeurs de la baisse drastique des crédits de l'État et des reports d'arbitrage, et la région Nord-Pas-de-Calais a jugé « très humiliante » la proposition de l'État.

Le programme 231 « Vie étudiante » bénéficie de la seule petite éclaircie : un peu moins de 2 milliards d'euros reviendront aux bourses sur critères sociaux, au profit de près de 655 000 étudiants.

L'application de la circulaire de juillet 2014 visant à supprimer à partir de la rentrée 2014 l'aide au mérite au bénéfice des étudiants boursiers sur critères sociaux ayant obtenu leur baccalauréat avec une mention « très bien » ou s'étant distingués par leurs résultats en licence a été suspendue par le Conseil d'État dans le cadre d'un référé à la mi-octobre. Mais le Gouvernement s'obstine à vouloir supprimer cette aide. Cela est regrettable car il s'agit d'un signal négatif et décourageant envoyé à des milliers d'élèves qui se battent pour réussir. L'image et la valeur du baccalauréat ne s'en trouvent pas rehaussées. Le Gouvernement regretterait-il que le nombre de mentions « très bien » ait autant augmenté ? Considère-t-il qu'il n'est plus souhaitable de rétribuer les plus méritants ? Les économies tirées de la suppression de l'aide au mérite, au mieux 0,6 % des crédits du programme, seraient ridicules. En quoi cette suppression serait-elle juste, puisque l'aide au mérite n'est attribuée qu'aux étudiants considérés comme boursiers sur critères sociaux ?

Si l'expérimentation réussie du dispositif de la caution locative étudiante (CLE) est source de satisfaction, les efforts annoncés pour la mise en oeuvre du plan de 40 000 nouveaux logements créés à la fin du quinquennat sont longs à se concrétiser. Des prévisions actualisées font état de moins de 2 500 logements étudiants construits par an en 2014 et 2015, très loin des prévisions du Gouvernement.

Compte tenu de l'ensemble de ces réserves, de l'insincérité du budget consenti aux universités, et du revirement du Gouvernement en seconde délibération à l'Assemblée nationale, je propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits de la recherche au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». - Le budget consacré à la recherche au sein de la MIRES s'établit à 7,76 milliards d'euros pour 2015. Les organismes de recherche devront réaliser une économie sur leurs moyens de fonctionnement de l'ordre de 4,2 millions d'euros. Toutefois, à la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale en seconde délibération d'amendements d'équilibrage du budget de l'État à hauteur de 800 millions d'euros, une réduction des crédits de la recherche de l'ordre de 65 millions d'euros va contraindre les organismes de recherche à redoubler d'efforts.

A l'instar des universités, les organismes de recherche bénéficiaient jusqu'à présent de taux de mise en réserve dérogatoires, généralement réduits de moitié par rapport aux taux applicables aux autres opérateurs de l'État. En 2014, les organismes de recherche n'ont bénéficié que de taux dits « semi-réduits ». Dans l'attente d'un arbitrage du Premier ministre, les montants des subventions pour charges de service public ne devraient être notifiés aux organismes de recherche, nets de la mise en réserve, qu'en début d'année prochaine. La préparation de leurs budgets prévisionnels 2015 se fait donc sur la base des taux de droit commun. Cela pourrait représenter des minorations notables de leurs subventions par rapport à l'année précédente : 48 millions d'euros pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et 17 pour l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Compte tenu des efforts de stabilisation de la masse salariale, l'application des taux normés de mise en réserve réduirait considérablement les crédits disponibles pour le fonctionnement des unités de recherche. Je plaide pour le retour à des taux de mise en réserve réduits de moitié, afin d'assurer le renouvellement de l'emploi scientifique. Au CNRS, 30 millions d'euros sont nécessaires pour réaliser 500 embauches.

Le secteur de la recherche connaît une crise de confiance. Un nouveau mouvement, « Sciences en marche », a mis au coeur du débat l'avenir de l'emploi scientifique et les efforts demandés pour sortir nos jeunes chercheurs, ingénieurs et techniciens d'une précarité qu'ils ressentent comme insupportable et indigne. Il convient de dessiner des perspectives réalistes et opérationnelles, à partir d'un diagnostic rigoureux, en étant conscient que les scientifiques n'ont pas tous vocation à occuper un emploi statutaire dans la recherche publique.

L'effort de la nation en postes statutaires dans la recherche n'a pas fléchi. Sur la période 2009-2013, le nombre d'emplois au sein des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) a progressé de 1 % et celui au sein des établissements publics à caractère industriel et commercial, comme le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables, a augmenté de 4,4 %. À effectifs constants, la masse salariale des organismes de recherche progresse mécaniquement en raison de facteurs liés à la pyramide des âges, notamment au GVT.

Par souci de bonne gestion, la plupart des EPST maintiennent leur masse salariale à un niveau constant. À stock d'emplois fixe, le flux entrant diminue, ce qui explique la baisse du nombre de mises au concours de postes de chercheurs. Le mouvement de départs à la retraite des baby boomers semble achevé - le nombre de départs à la retraite au sein des EPST a diminué de 10 % au cours de la période 2012-2014, réduisant d'autant les marges de manoeuvre pour recruter de jeunes scientifiques : le nombre des entrants recule de 7 % sur la période. Depuis 2010, le ratio de contractuels par rapport au nombre total d'emplois au sein des EPST, soit 30 %, s'est maintenu. La proportion des financements sur projet s'est stabilisée.

Un nombre important de contrats à durée déterminée (CDD) ne sont pas renouvelés au-delà de trois ans au sein des organismes de recherche, notamment le CNRS et l'Inserm, alors que les financements sur projet ont été accordés pour des durées bien supérieures. Ces organismes mènent une politique d'encadrement du nombre de CDD trop restrictive. Ils la justifient par l'insécurité juridique consécutive à plusieurs arrêts de condamnation rendus par les tribunaux administratifs. Pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes scientifiques, il conviendrait de faciliter l'accès des docteurs aux grands corps de la fonction publique. Les conclusions de la mission conduite par Patrick Fridenson sur le sujet seront rendues prochainement. Les efforts doivent aussi concerner l'insertion professionnelle dans le secteur privé. Le doctorat pourrait être inscrit dans le répertoire national des certifications professionnelles.

Les opportunités ouvertes par la recherche partenariale et le renforcement des collaborations entre les universités, les organismes de recherche et les entreprises, notamment dans le cadre des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT), doivent être saisies afin de valoriser le potentiel des jeunes chercheurs dans le secteur privé et faciliter leur embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) de droit privé. Je me réjouis de la reconduction des crédits consentis aux contrats des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), à 53 millions d'euros en 2015. Ce dispositif enregistre de belles performances : 96 % des docteurs Cifre trouvent, en un an, un emploi au plus près de leur sujet de thèse, dans le secteur privé.

Les sociétés destinées à prendre en charge la rémunération de scientifiques affectés à des missions temporaires auprès d'entreprises, sur le modèle d'Innovarion, peuvent aussi jouer un rôle d'interface utile entre le monde de la recherche publique et le secteur privé. La formation doctorale doit mieux préparer les doctorants aux enjeux de la recherche en entreprise et du monde de la « recherche et développement » (R&D) privée. Je salue le partenariat de l'Université de Lyon avec le Medef pour la mise en place d'un dispositif Doctor'Entreprise, destiné à rapprocher les futurs doctorants, les laboratoires de recherche et les entreprises ainsi que l'accord-cadre signé entre la secrétaire d'État et Schneider Electric. Les Rencontres annuelles universités-entreprises (RUE) facilitent la compréhension réciproque entre les milieux professionnels et académiques.

La réduction sensible du taux de sélection pratiqué par l'Agence nationale de la recherche (ANR) remet en cause un certain nombre de projets prometteurs d'un haut niveau d'excellence scientifique. Dans ces conditions, les organismes de recherche réexaminent leur politique de levée de ressources propres et entendent privilégier les contrats européens et les contrats conclus avec les entreprises. Réjouissons-nous de l'annonce par la ministre de l'augmentation du préciput de l'ANR de 15 % à 18 %, dans un premier temps, puis à 21 %, afin de se rapprocher du taux de 25 % mis en oeuvre dans le cadre du programme européen.

Au sein du budget général, le partage de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) bénéficie d'un soutien public d'environ 200 millions d'euros, dont 108 millions d'euros pour Universcience. Ce montant n'intègre pas les ressources consacrées à la CSTI par notre réseau de musées nationaux et territoriaux. Les 3,6 millions d'euros au titre du financement des centres territoriaux de CSTI sont reconduits en 2015 dans les concours financiers de l'État aux régions relevant du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ». La CSTI bénéficie aussi d'une enveloppe de 100 millions d'euros dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA). À la suite des inquiétudes exprimées l'an dernier sur la lenteur de la contractualisation et des décaissements, le Commissariat général à l'investissement a assuré que le champ de la CSTI ne connaissait plus de sous-consommation de son enveloppe. Fin novembre 2014, l'intégralité des 100 millions d'euros seront engagés et le montant contractualisé devrait dépasser 70 millions d'euros. Enfin nos associations doivent se saisir du volet « Science avec et pour la société » du programme européen Horizon 2020.

La réforme de la gouvernance de la CSTI a conforté le rôle de stratège de l'État et consacré les régions dans une mission de coordination et d'animation territoriales. Attribuer à Universcience la gouvernance d'un domaine qui était habituellement celui de l'État a été mal ressenti, d'autant que cet établissement disposait du pouvoir de déléguer des crédits et qu'en tant qu'acteur de la CSTI, il était éligible aux projets, ce qui le plaçait à la limite du conflit d'intérêts. Désormais l'État s'impliquera directement dans la coordination des acteurs, au travers de la stratégie nationale de la recherche.

La nouvelle gouvernance peut s'appuyer sur le forum annuel de la CSTI, temps fort de la réflexion et de la co-construction des projets sur les territoires, et sur le Conseil national de la CSTI refondé dans sa composition. Ses missions sont recentrées sur la définition d'une stratégie nationale et sur la coordination de l'ensemble des acteurs pour sa mise en oeuvre. Afin de ne pas empêcher les acteurs de terrain de mener leurs actions, la mise en place d'une labellisation des organismes intervenant dans le secteur de la CSTI n'a pas été retenue.

Le budget de la recherche résiste globalement dans une conjoncture difficile ; il est protégé des rigueurs budgétaires nécessaires. Je propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche au sein de la MIRES.

Mme Corinne Bouchoux . - Je salue le travail synthétique des rapporteurs. Les crédits comportent des aspects encourageants, tels l'attention portée à l'enseignement agronomique et le budget maintenu de la vie étudiante. Néanmoins, le vote intervenu de manière acrobatique en seconde délibération à l'Assemblée nationale et le montant colossal retiré à la recherche et à l'enseignement supérieur sont inacceptables. Si des économies sont nécessaires, elles appellent une méthode et des choix différents - pourquoi la recherche spatiale ou la recherche duale sont-elles sanctuarisées, au détriment de la recherche scientifique et technique pluridisciplinaire ? Le budget suscite l'inquiétude et le mécontentement des milieux universitaires qui s'en sont ouverts auprès de nombreux sénateurs. Une dizaine d'établissements, qui pensaient revenir à l'équilibre budgétaire, voient leurs efforts de gestion anéantis. Initialement conciliants malgré nos réserves, nous sommes à présent très critiques et nous déposerons un amendement en séance publique pour revenir sur ces économies.

M. Jean-Léonce Dupont . - La modération des rapporteurs est remarquable. Je serai plus brutal. Que signifie l'autonomie des universités dans un pays où l'État reste décisionnaire ? Le parallélisme avec la situation des collectivités territoriales est frappant. Obtenir aujourd'hui des moyens supplémentaires de l'État est impossible alors même que la recherche et l'enseignement constituent des domaines stratégiques. La loi sur l'autonomie des universités devait être suivie de l'octroi de ressources propres, de la liberté encadrée sur les droits d'inscription, de l'analyse des débouchés des filières de formation, de la gestion autonome des patrimoines, de la flexibilité dans la gestion des ressources humaines. Mais nous sommes restés au début du chemin. Pas plus qu'envers les collectivités territoriales, l'État n'a respecté ses engagements vis-à-vis des universités. Il ne leur a pas accordé les moyens nécessaires pour faire face à l'augmentation de charges -je veux parler de la revalorisation du traitement de certaines catégories de personnel qu'il a décidée ou de l'application du GVT. Dès cette année, les universités auront des difficultés à régler les deux derniers mois des salaires... Si l'autonomie des universités est consacrée, il convient d'être conséquent et de donner à leurs équipes de managers la capacité de les gérer.

M. David Assouline. - Nous n'avons pas voté en son temps la loi sur l'autonomie des universités car les moyens n'étaient pas mis en face des ambitions et des délégations de pouvoir. Nous pensions qu'en l'état cette loi allait déstabiliser le système. J'ai fait un rapport d'évaluation de l'application de la loi qui soulignait la nécessité de ces moyens.

Avec un budget de 26 milliards d'euros, les objectifs affichés par le Gouvernement actuel sont plus ambitieux que ceux de l'ancienne majorité. Cette année 77 500 élèves boursiers supplémentaires percevront une aide annuelle de 1 000 euros, qui s'ajoute à l'exonération de droits d'inscription dont bénéficient aussi 56 000 étudiants ; 1 000 nouvelles bourses sont mises en place ; la caution locative est généralisée ; afin de préserver le pouvoir d'achat des étudiants, l'augmentation des droits d'inscription a été modérée. Nous poursuivons l'objectif d'une création de 1 000 emplois par an, même si le rapporteur parle d'insincérité. L'amélioration de la vie matérielle des étudiants est la condition de leur réussite, qui est notre but. Ces mesures sont à comparer avec celles du quinquennat Sarkozy : pas de création de poste de 2010 à 2012, suppression de 225 postes de titulaires et de 225 postes de non-titulaires en 2009 à l'université et de 450 postes de chercheurs, 287 au CNRS, 96 à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), 59 à l'Inserm.

Les crédits retirés aux universités, 70 millions d'euros, ne justifient pas un rejet des 26 milliards d'euros attribués à la mission. Le groupe socialiste les votera mais nous devrions demander solennellement au Gouvernement que la priorité accordée à la jeunesse, à la recherche et à l'éducation se traduise dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année par une réinscription des 70 millions d'euros de crédit au bénéfice des universités et des 65 millions au bénéfice de la recherche, qui ont été supprimés.

Mme Colette Mélot . - Je m'associe aux observations de Jacques Grosperrin sur l'enseignement supérieur. Il convient d'être vigilant sur le budget et le devenir des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) désormais intégrées aux universités. Supprimer les bourses au mérite constitue un mauvais choix. Ces bourses, facteur de stimulation, devront être réintroduites : elles manifestent la reconnaissance de la nation à des jeunes méritants et contribuent au fonctionnement de l'ascenseur social.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je suis consternée par la ponction opérée par le Gouvernement. La responsabilité de la précédente majorité est également écrasante. Nous avions voté contre la loi sur l'autonomie des universités car la réforme était mal pensée. En l'absence d'attribution de moyens nouveaux, l'autonomie constituait selon nous un facteur de déstabilisation. Le temps a hélas validé nos prévisions. Or l'actuelle majorité ne remet pas en cause le choix de l'autonomie. Le désarroi des universitaires, dont témoignent tous les mails que nous avons reçus, est d'autant plus important que les intéressés ont consenti beaucoup d'efforts. Au-delà des difficultés financières, le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche souffre d'une immense précarité. L'annonce d'une nouvelle ponction budgétaire constitue un signal défavorable. Je ne suis pas certaine de voter les crédits sauf à ce qu'on me démontre que notre intervention pourra efficacement changer la donne.

Mme Françoise Laborde . - La diminution des crédits survient tardivement et de façon surprenante sur la forme. Je m'abstiendrai à ce stade, et mon groupe réfléchira aux amendements à présenter en séance publique.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Nous critiquons la méthode et le montant de la coupe budgétaire. Les membres de la CPU nous ont fait part - ainsi qu'à nos collègues députés - de leur inquiétude. Ils ont voté une motion à ce sujet et ils ont été suivis en ce sens par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et par les syndicats. Les acteurs du secteur sont choqués par ce vote en catimini demandé par le Gouvernement. Jean-Léonce Dupont pose les bonnes questions. J'ai toujours été favorable à ce que les universités soient présidées par des enseignants-chercheurs. Mais peut-il y avoir autonomie sans ressources propres, avec un État qui fixe les règles d'évolution des salaires et augmente les charges sans les compenser ? L'interdiction de moduler les droits d'inscription est regrettable. Je doute que les créations d'emploi annoncées se concrétisent car les présidents d'université n'ouvrent pas un certain nombre de postes par souci d'équilibrer leur budget : ils constituent ainsi une variable d'ajustement. Nous sommes tous d'accord pour demander le rétablissement des « 70 + 65 » millions d'euros pour 2015 ; mais reste la question de ces 200 millions d'euros d'annulations de crédits en loi de finances rectificative pour 2014...

Nous sommes favorables aux ÉSPÉ car les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), créés sous l'influence du pédagogisme et de Philippe Mérieux, étaient déconnectés des réalités du terrain. On a remis les élèves au coeur du système mais oublié l'apprentissage. La suppression des bourses au mérite est un mauvais signal. Il y a les mots d'amour et les preuves d'amour. Le Président de la République a déclaré son amour de l'enseignement et de la recherche, nous en attendons les preuves.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis . - L'équilibrage du budget en seconde délibération ne s'est pas fait « en catimini », la procédure est parfaitement normale. Le montant des crédits retirés est infime au regard de l'ensemble du budget de l'État. Je partage la surprise et la consternation exprimées ; il nous faut nous mobiliser pour défendre le secteur de la recherche, essentiel au redressement de la France ; mais ne prétendez pas que la procédure a été faite « en catimini » !

S'agissant des crédits alloués pour les créations de postes, les cellules d'observation mises en place par la DGESIP depuis deux ans ont constaté qu'un tiers des crédits servent de variable d'ajustement financière, un tiers concernent des emplois dans les fonctions support, et un tiers des créations de poste académiques. Je sais que les établissements universitaires ont fait beaucoup d'efforts pour s'approprier l'autonomie de gestion prévue par la loi, loi que la majorité n'a pas abrogée pour ne pas créer de nouveaux bouleversements. L'État a pris ses responsabilités, notamment en ce qui concerne la prise en charge d'une partie du GVT et de la contribution au compte d'affectation spéciale « pensions ».

Les chefs d'établissement sont néanmoins inquiets. Ces restrictions de 70 millions d'euros pour l'université et de 65 millions d'euros pour la recherche doivent appeler notre attention. Soyons vigilants aussi sur les ÉSPÉ, ces objets vivants qui regroupent l'académique et le professionnel. Elles vivent bien, les derniers conseils d'école le montrent : les budgets de projet pour 2015 ont tous été adoptés et la dévolution des moyens par l'université hôte ne fait plus problème. Nous devons faire preuve de conviction pour soutenir nos établissements, la force vive de la connaissance. Il serait dommage de jeter leurs efforts aux orties.

M. Jean-Louis Carrère . - Plutôt que de me lancer dans une exégèse des expressions de l'amour, je reste concret : hier après-midi, nous avons exprimé ensemble notre solidarité avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et nous avons obtenu gain de cause. Nous pouvons nous étriper et faire de la politique politicienne - pour le plus grand profit de certains ; ou rechercher une position plus en phase avec la place du Sénat dans la République. Pourquoi ne pas nous rassembler pour demander au Gouvernement de rétablir le budget initial ? Faut-il jeter de l'huile sur le feu, prendre le risque de faire sortir les étudiants dans la rue ? Je préfère conforter le Sénat et la démocratie.

Mme Françoise Cartron . - L'autonomie nous avait été vendue comme la solution à tout, une source d'économies, une augmentation des marges de manoeuvre des établissements. Or il faut toujours autant, voire davantage de crédits pour les établissements. Cette recette miracle ne fonctionne pas si bien : gardons-nous de l'étendre au premier et au second degré. Le budget actuel serait bien suffisant si l'autonomie avait porté ses fruits, or nous en sommes à nous battre pour maintenir le budget prévu !

M. Bruno Retailleau . - Ne confondons pas l'autonomie et le niveau des moyens alloués. Dans une société plus complexe, plus horizontale que verticale, l'autonomie est un atout. La question des moyens est différente. Je rappelle que les deux tiers des investissements d'avenir ont été consacrés à la MIRES. Dans l'optique de construire une croissance potentielle, l'innovation et la recherche sont indispensables. Je suis, comme certains d'entre vous, aux prises avec l'État dans la négociation des contrats de plan État-région : il manquera 2 milliards pour l'enseignement supérieur et la recherche - ce n'est pas moi, c'est l'Association des régions de France qui le dit. Nos rapporteurs comptent-ils interpeller le Gouvernement à ce sujet ?

M. Jean-Pierre Leleux . - En janvier dernier, la députée Maud Olivier et moi-même avons déposé un rapport sur la culture scientifique, technique et industrielle, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) comportant 80 propositions, souvent peu chères, voire gratuites. Comme bon nombre de ses pareils, il est aujourd'hui dans un tiroir. Les rapporteurs ne voudraient-ils pas reprendre ces propositions dans leur rapport ?

Mme Marie-Christine Blandin . - Je suis consternée par le choix de l'Assemblée nationale : on ne construit pas un pays sans production de connaissances. La copie qui nous est présentée est inacceptable. L'autonomie, dont le renforcement est souhaité par Jean-Léonce Dupont, a non seulement été conçue dans de mauvaises conditions, mais elle est aujourd'hui trop vivante, avec des effets que je regrette : elle n'améliore pas la parité entre les hommes et les femmes, ni la coopération des équipes pédagogiques, encore moins la formation des animateurs d'éducation populaire. Les établissements font ce qu'ils veulent. Cela reste un vrai débat. Vous parlez des contrats de plan : nous verrons ce qu'il en sera après la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ; si l'État baisse sa participation et interdit aux régions d'intervenir, c'en est fini des universités.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis . - La fin des universités en France n'est pas pour demain. Je ne crois pas que la loi NOTRe fasse cesser la coopération entre l'État et les régions sur les questions universitaires. La culture scientifique et technique est capitale pour l'innovation et la créativité, et un élément essentiel de la stratégie nationale de recherche. J'intégrerai donc vos propositions dans le rapport, monsieur Leleux. Je compte aussi sur l'installation du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle afin que tous les partenaires participent à la mise en oeuvre de la stratégie nationale. Sans vouloir les offenser, nous avons peut-être plus de sensibilité que nos collègues députés quant à une contraction de 135 millions d'euros sur 25 milliards de crédits ; notre mobilisation est donc essentielle.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Je remercie M. Carrère pour son oecuménisme ! La CPU l'affirme, les députés ont pris cette réfaction, qui est passée en fin de réunion, pour un ajustement technique. Ils n'ont pas vu que 135 millions d'euros étaient en jeu.

Mme Françoise Cartron . - Heureusement que le Sénat existe !

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Le concept d'autonomie est inséparable des moyens. Mais les investissements d'avenir sont un effort inédit en faveur de la recherche. Nous avons raison de nous inquiéter des dispositions des contrats de projet État-région. Pour les Pays-de-la-Loire, les sommes prévues sont passées de 125 à 45 millions d'euros, en Bretagne de 140 à 50 millions d'euros et en Nord-Pas-de-Calais de 131 à 55 millions d'euros. Sept universités du grand Ouest s'en sont plaintes au Premier ministre.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La qualité de nos débats prouve notre mobilisation. Nous devrions continuer le travail qu'avait entrepris notre mission d'information sur les ÉSPÉ. Nous comptons sur sa présidente et son rapporteur pour y veiller.

M. David Assouline . - Nous devrions pouvoir exprimer - pas forcément sous une forme traditionnelle - le fait que nous réclamons le rétablissement des crédits initialement prévus. Un amendement a l'inconvénient de devoir être gagé : nous retomberions dans le piège où est tombée l'Assemblée nationale. Il y a bien la vieille solution de puiser dans les crédits de l'armée... mais ce n'est sans doute pas le moment ! Nous pourrions faire semblant de ne pas connaître cette règle et tomber sous le coup de l'article 40. Je préfère que nous nous exprimions par une motion unanime. Ce serait un signal fort, susceptible de produire un résultat.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Cela s'est déjà fait pour l'enseignement agricole.

M. David Assouline . - Le montant n'est pas le même...

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Nous pourrions en effet procéder comme le propose M. Assouline. Mais notre groupe veut exprimer sa désapprobation sur ce budget en général. Voter pour cette motion ne nous empêchera pas de voter contre les crédits.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis . - J'appelle une telle motion de mes voeux. Le Sénat peut s'exprimer en faveur du rétablissement des crédits, sans s'exprimer sur l'équilibre général.

M. Jean-Léonce Dupont . - Cette motion n'exclut pas le vote de l'amendement du rapporteur.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Il ne porte pas sur ce sujet, mais sur la demande d'un rapport.

M. Jean-Louis Carrère . - M. Grosperrin a raison : vous pouvez avoir une position sur le rétablissement du budget, et la majorité sénatoriale peut avoir par ailleurs une position sur l'équilibre général du budget.

La réunion est suspendue pour quelques minutes et reprend à 11 h 05.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Vos rapporteurs signent ensemble une proposition d'amendement qui devrait rassembler tous les membres de la commission : il tend à rétablir les crédits initiaux de la MIRES, sans avoir à trouver un montant équivalent d'économies, puisque c'est le projet de loi de finances dans sa version initiale qui constitue le droit de référence pour l'application de l'article 40 de la Constitution.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis . - Cet amendement est conforme à la conclusion de nos débats : consentir un effort conjoint et unanime pour l'université et la recherche.

M. David Assouline . - Cela va dans le sens que je proposais. Un amendement engage même plus qu'une motion, ce qui n'empêchera pas la majorité sénatoriale de voter différemment de nous au moment où il nous faudra nous prononcer sur les crédits. Il ne faudrait pas trop instrumentaliser ce vote unanime, qui est rare - cela nous a rarement été accordé lorsque nous disposions de la majorité : mais qu'à cela ne tienne. L'objet de l'amendement devra refléter la convergence de vues au sein de notre commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je fais toute confiance à nos deux rapporteurs pour rédiger ensemble un exposé des motifs qui satisfasse tout le monde.

L'amendement de Mme Dominique Gillot et M. Jacques Grosperrin, rapporteurs pour avis, est adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La commission publiera un communiqué de presse sur cet amendement adopté à l'unanimité.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2015.

Article additionnel après l'article 57 ter rattaché

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Mon amendement prévoit la remise d'un rapport au Parlement et au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) à la fin de l'année 2015, pour inciter l'État à s'engager sur la compensation intégrale des charges qu'il transfère aux universités.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis . - J'y suis défavorable : il y a déjà des rapports, et des rapports, et encore des rapports... Votre exposé des motifs cite des augmentations de charges qui ont déjà été prises en compte, tel le GVT ou l'exonération des droits de scolarité pour les étudiants boursiers.

M. Jean-Louis Carrère . - Vous découvrez les vertus d'un rapport maintenant, alors que c'est vous qui avez créé cette situation, soit dit sans procès d'intention. Ce rapport ne doit pas vous dédouaner de l'échec de l'autonomie des universités. Trouvons pour ce rapport, qui n'est pas inutile, une formulation moins sujette à une interprétation politique. Mesurer par un rapport la validité de ce que vous avez créé, maintenant que vous n'êtes plus aux affaires, donc plus comptables de cette politique : la ficelle est un peu grosse.

M. Jean-Léonce Dupont . - Je ne suis pas un fanatique des rapports ; mais il s'agit ici de vérifier que les engagements pris par le Gouvernement sont tenus. C'est essentiel. Si nous pouvons nous assurer qu'ils le sont pour les universités, nous pourrions avoir de l'espoir pour les collectivités territoriales... La prise en compte du GVT est annuelle : avoir voté pour l'autonomie n'empêche pas de vérifier qu'il est pris en compte quelques années plus tard.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En 2013, Ambroise Dupont et Dominique Gillot avaient fait un rapport sur la mise en oeuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.

M. David Assouline . - C'était dans le cadre de la commission pour le contrôle de l'application des lois que j'avais l'honneur de présider et qui a été supprimée à l'initiative du Président Larcher..

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis . - Ce Gouvernement a pris à son compte l'autonomie : la loi Fioraso ne l'a pas supprimée. Il s'agit de vérifier la compensation par l'État.

L'amendement de M. Jacques Grosperrin, rapporteur, est adopté.

M. David Assouline . - Le fait d'émettre un avis défavorable aux crédits ne compromet-il pas le chemin vers la séance publique de notre amendement commun ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nullement. Il sera présenté tel quel.

AMENDEMENTS

A M E N D E M E N T S

Amendement présenté par

Mme Dominique GILLOT et M. Jacques GROSPERRIN,
rapporteurs pour avis

au nom de la commission de la culture,
de l'éducation et de la communication

_________________

Article 32

ÉTAT B

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire
Dont Titre 2

70 000 000

70 000 000

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Dont Titre 2

35 000 000

35 000 000

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables
Dont Titre 2

16 350 000

16 350 000

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
Dont titre 2

13 190 834

13 190 834

Enseignement supérieur et recherche agricoles
Dont Titre 2

1 000 000

1 000 000

TOTAL

135 540 834

135 540 834

SOLDE

135 540 834

135 540 834

Objet

Cet amendement, adopté par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à l'unanimité de ses membres, vise à rétablir les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) dans leur montant prévu initialement par le projet de loi de finances pour 2015.

En effet, en seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement tendant à réaliser :

- 71 millions d'euros d'économies sur le budget des universités et des établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ») et du ministère de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ») ;

- 64,5 millions d'euros d'économies sur les programmes de la MIRES relatifs à la recherche.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication entend préserver les moyens de l'enseignement supérieur et de la recherche qui constituent des secteurs prioritaires et structurants pour le redressement et l'avenir du pays.

Amendement présenté par

M. Jacques GROSPERRIN, rapporteur pour avis

au nom de la commission de la culture,
de l'éducation et de la communication

_________________

Article additionnel après l'Article 57 ter

I. - Après l'article 57 ter , insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmet au Parlement et au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, au plus tard le 30 juin 2015, un rapport sur le transfert par l'État aux universités des ressources nécessaires à l'exercice normal de leurs responsabilités et compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines prévues à la section 2 du chapitre II du titre I er du livre VII du code de l'éducation. Ce rapport évalue les conditions dans lesquelles la dotation annuelle versée par l'État aux universités permet d'assurer la compensation intégrale de l'accroissement net de charges résultant de décisions prises par l'État et susceptible d'affecter le montant de la masse salariale des universités. Il précise, en particulier, l'évolution des moyens prévus par l'État pour permettre aux universités de supporter le coût des effets du glissement vieillesse-technicité résultant de décisions nationales et la perte de ressources liée à l'exonération du paiement des droits de scolarité au bénéfice des étudiants boursiers.

II. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Recherche et enseignement supérieur

Objet

Cet amendement vise à inciter l'État, par la remise d'un rapport au Parlement et au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) à la fin du premier semestre de l'année 2015, à assurer la compensation intégrale des charges qu'il transfère aux universités. En effet, les universités ont vu le coût de leur masse salariale augmenter mécaniquement en raison de décisions prises au niveau national, sans que l'État leur transfère les ressources équivalentes aux charges transférées. C'est en particulier le cas pour :

- l'augmentation du solde positif de leur glissement vieillesse-technicité (GVT) résultant des statuts particuliers des personnels des universités, et notamment des règles d'avancement et de promotion s'appliquant aux fonctionnaires des différents corps. Le montant de la compensation du GVT pour 2015 n'est pas connu et le schéma d'exécution budgétaire fait qu'en fin de gestion, les crédits promis au titre du GVT ne sont pas intégralement reversés aux universités ;

- l'augmentation du financement des contributions des universités au CAS « Pensions » au titre des titularisations décidées dans le cadre du protocole de déprécarisation consécutif à la mise en oeuvre de la « loi Sauvadet ». Les mesures en faveur des catégories B et C seront couvertes en 2015 par une enveloppe de 20,5 millions d'euros, alors que leur coût est estimé par la CPU à 30 millions d'euros ;

- l'augmentation du manque à gagner pour les universités résultant de l'exonération du paiement des droits de scolarité au bénéfice des étudiants boursiers et de croissance du nombre des bénéficiaires de cette exonération et du taux des droits de scolarité. Les universités n'ont pas obtenu de compensation au titre de l'augmentation du nombre de boursiers (c'est-à-dire la compensation du flux) en 2013 et n'ont perçu que 3,2 millions d'euros en 2014 ;

- le non remboursement, jusqu'à aujourd'hui, aux universités des crédits de fonctionnement (plus de sept millions d'euros) qui leur avaient été prélevés au titre de la mise en place d'un jour de carence pour les agents de la fonction publique, mesure qui avait été supprimée en 2013 par le Gouvernement sans que ces crédits soient reversés aux établissements ;

- le nom remboursement aux universités de la dette accumulée par l'État (plus de 33 millions d'euros) au titre des dispositifs de réduction des cotisations sociales institués par la « loi TEPA », également abrogée par le Gouvernement.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Audition conjointe aux deux rapporteurs pour avis

Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES)

M. Didier HOUSSIN, président

Auditions de M. Jacques Grosperrin,
rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur

M. Jean-Yves MÉRINDOL, président de Sorbonne Paris Cité

M. Jean-Michel BLANQUER, directeur général de l'École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), et M. Jean-Philippe AMMEUX, président de la Fédération d'écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres (FESIC)

Conférence des présidents d'université (CPU)

M. Jean-Loup SALZMANN, président

Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Mme Simone BONNAFOUS, directrice générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP), et M. Frédéric FORREST, sous-directeur du financement de l'enseignement supérieur

Associations d'étudiants

Mme Laure DELAIR, vice-présidente de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF), et M. Jérémy LECOMTE, trésorier de Promotion et défense des étudiants (PDE)

Table ronde avec les syndicats

Mme Claudine KAHANE et M. Marc NEVEU, secrétaires généraux du Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP), M. Franck LOUREIRO et Mme Chantal DEMONQUE, secrétaires nationaux du Syndicat général de l'éducation-Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT), M. Stéphane LEYMARIE, secrétaire général de Sup'Recherche-Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)

Auditions de Mme Dominique Gillot,
rapporteure pour avis des crédits de la recherche

Table ronde avec les organismes de recherche

M. Alain FUCHS, président du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) , M. Antoine PETIT, président-directeur général de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et M. Thierry DAMERVAL, directeur général délégué de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

Agence nationale de la recherche (ANR)

M. Michael MATLOSZ, président-directeur général

Confédération des jeunes chercheurs (CJC)

Mme Juliette GUÉRIN, trésorière, et M. Clément COURVOISIER, membre

Table ronde sur la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI)

Mmes Sylvane CASADEMONT, directrice de cabinet du directeur général de la recherche et de l'innovation, et Aliette ARMEL, directrice scientifique « Sciences et société », M. Didier HOFFSCHIR, chef du département de la culture scientifique et des relations avec la société au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et M. Laurent BEAUVAIS, président du conseil régional de Basse-Normandie et président de la commission « Enseignement supérieur, recherche et innovation » à l'Association des régions de France (ARF)

Cabinet de la secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. Christophe STRASSEL, directeur de cabinet, Mme Anne PEYROCHE, conseillère « recherche » et M. Anthony ALY, chargé des relations avec le Parlement

Contributions écrites

Association nationale des docteurs (ANDès)

Association des structures de recherche sous contrat (ASRC)

ANNEXES

Audition de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État
chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche
sur le projet de loi de finances pour 2015

_______

4 NOVEMBRE 2014

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Madame la ministre, vous allez nous présenter les crédits du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour 2015. Pour compléter notre information, nous recevrons demain le ministre de l'agriculture, responsable notamment du programme 142 « Enseignement supérieur et recherches agricoles ». L'intérêt que notre commission porte à l'enseignement supérieur et à la recherche n'est pas nouveau, comme en témoignent les récents travaux de notre collègue Dominique Gillot sur le financement des universités - en collaboration avec la commission des finances. Les économies demandées aux établissements d'enseignement supérieur dans le cadre du redressement des comptes publics, avez-vous annoncé, tiendront compte de la situation financière de chacun d'entre eux. Qu'en est-il précisément ? Ces économies ne risquent-t-elles pas de remettre en cause les engagements pris par le Gouvernement en matière d'emploi scientifique - remplacement de toutes les personnes qui partent à la retraite, chercheurs comme ingénieurs, sans oublier les perspectives d'avenir que nous devons pouvoir offrir à nos jeunes chercheurs ?

L'Agence nationale de la recherche (ANR) a un nouveau président-directeur général. Il doit appliquer le décret de mars dernier qui renouvelle le cadre de fonctionnement de l'agence, en renforçant ses missions et en modifiant sa gouvernance. Quelles orientations lui avez-vous données pour mener à bien cette tâche ? Enfin, à l'occasion de la table ronde que nous avions consacrée aux Moocs au printemps dernier, nous avions reçu les responsables de France Université Numérique. Pouvez-vous nous faire le point sur ce dossier, sachant que nous ne pouvons rester à l'écart du développement des nouveaux modes d'enseignement fondés sur le numérique.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Même si ce ne sont pas des sujets à forte portée médiatique, l'enseignement supérieur et la recherche sont une priorité pour notre pays. J'ai du reste déploré que lors du vote de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, les médias se soient focalisés sur deux ou trois éléments - je songe notamment à l'article 2 sur les cours dispensés en langues étrangères -, occultant tous les autres. Dans son ensemble, mon budget 2015 est placé sous le signe de la stabilité, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre. Les moyens sont préservés, 26,6 milliards d'euros pour la mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur (MIRES) et 23,5 milliards pour le périmètre de l'enseignement supérieur et de la recherche. La MIRES recouvre tous les programmes du Secrétariat d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche ainsi que les programmes de recherche des ministères de l'agriculture, de l'environnement et de la défense. Les crédits consacrés à l'enseignement supérieur - ceux du programme 150 - sont stables et même en légère hausse, à 12,8 milliards d'euros. Les dépenses immobilières chutent, la fin des travaux à Jussieu - désamiantage et reconstruction - dégageant une économie de 111 millions d'euros. C'est une bonne nouvelle, 106 millions d'euros supplémentaires ont ainsi pu être consacrés à la masse salariale et au fonctionnement des établissements. Ces moyens dévolus aux universités ont permis de financer les grands engagements du Gouvernement. Mille emplois supplémentaires sont alloués chaque année aux universités jusqu'en 2017, pour 60 millions d'euros par an. Des mesures catégorielles ont été rendues possibles en faveur des catégories B et C, avec une augmentation des crédits correspondants de 20 millions d'euros. La compensation boursière était réclamée par des universités qui, accueillant un grand nombre de boursiers, sont désavantagées car elles ne perçoivent pas de frais d'inscription. Elle sera complète dans quatre ans - la première année, 25 % seront pris en charge, ce qui représentera une dépense de 13 millions d'euros. Enfin, le glissement vieillesse-technicité (GVT), qui n'avait pas été pris en compte lors du passage des universités aux responsabilités et compétences élargies (RCE), figurera pour la première fois dans le budget. C'est une grande victoire, il nous a fallu deux ans pour convaincre !

Les mesures engagées par le ministère ont amélioré la situation des universités, fortement dégradée après leur passage aux RCE. Dix-sept universités étaient en déficit en 2012, huit en 2013 et quatre en 2014 ; quatre universités seulement sont en double déficit, et elles ne seront probablement plus que trois en 2015, car l'université de Versailles-Saint-Quentin devrait retrouver une trésorerie positive, en dépit de tous les dysfonctionnements qu'elle a pu connaître. Ces progrès sont le résultat d'un accompagnement très serré et de formations coordonnées par le ministère et dispensées auprès des équipes de gouvernance des universités.

Les crédits consacrés à la vie étudiante progressent de 45 millions d'euros. Ils serviront à financer la deuxième vague de réforme des bourses d'études. Cette année, 77 500 étudiants - contre 57 000 l'an dernier - qui bénéficiaient seulement de la dispense des frais d'inscription ont obtenu une allocation de 1 000 euros. Mille nouvelles aides d'un montant de 4 000 à 5 500 euros ont été prévues pour les étudiants en rupture familiale - 8 000 sont concernés. Enfin, nous avons augmenté de 0,7 % - soit deux fois l'inflation -, le montant de l'ensemble des bourses. L'effort global s'élève à 100 millions d'euros. En cette période de restriction budgétaire, il s'agit d'un acte politique fort. Pourquoi avons-nous privilégié les aides sur critères sociaux ? Toutes les études montrent qu'une situation sociale déficiente est le premier facteur qui compromet la réussite dès la première année d'études. Il est donc logique que sur le total de 600 millions d'euros de bourses, nous y consacrions 458 millions.

Les moyens de la recherche sont sauvegardés à hauteur de 7,77 milliards d'euros, en légère hausse, de 6 millions. Les organismes de recherche conservent leurs moyens, de même que l'Agence nationale de la recherche (ANR) qui se maintient à 580 millions d'euros - elle n'a jamais dépensé plus. Dans un contexte démographique rendu défavorable par la fin des départs à la retraite de la génération du baby boom , la loi Sauvadet, pourtant votée unanimement sous le précédent quinquennat, a eu un impact négatif : beaucoup de contrats à durée déterminée (CDD) ont été conclus, lors d'appels d'offre nombreux et mal préparés. À présent ces contrats se terminent. J'ai négocié avec les organismes de recherche afin que chaque départ à la retraite soit remplacé et même davantage - et cela pour tous les métiers exercés, chercheurs, ingénieurs, personnels administratifs, etc. J'ai également demandé que la priorité soit donnée à l'embauche des jeunes chercheurs. Forte de ses 12 000 docteurs par an, la France devance le Royaume-Uni et l'Allemagne en nombre de chercheurs dans la population active. Pour élargir les perspectives d'embauche, nous avons également sollicité les entreprises privées.

La priorité budgétaire accordée à l'enseignement supérieur et à la recherche s'inscrit dans le droit fil de l'effort engagé depuis 2012. Cet effort a conduit à une augmentation de 638 millions d'euros en trois ans des crédits accordés à ce secteur déterminant pour l'avenir. Dans une période de budget contraint, cette performance m'est enviée par mes collègues !

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur . - La contribution au redressement des comptes publics prévue pour les établissements supérieurs, 100 millions d'euros, suscite quelques inquiétudes. Les économies tiendront-elles compte de la situation financière de chaque établissement ? C'est indispensable. La fin de la sanctuarisation des crédits ne nous rassure pas non plus. Devant notre commission, il y a quelques instants, Mme Frédérique Bredin, présidente du centre national du cinéma et de l'image animée, a évoqué les salles obscures et les premiers baisers ; je voudrais parler des mots d'amour et des preuves d'amour. Fin 2012, lors des assises de l'enseignement supérieur, le Président de la République affirmait vouloir insuffler une ambition nouvelle à la recherche. Les mots d'amour sont là ; les preuves d'amour n'y sont pas, car ni la loi de juillet 2013, ni le budget que vous nous présentez ne contribuent à mettre en place une stratégie de long terme pour la recherche. La loi fondatrice d'avril 2006 prévoyait, dans une période également contrainte, de faire de la recherche le socle de la relance économique. Les investissements d'avenir avaient alors mobilisé 35 milliards d'euros.

Il est indispensable de relancer notre recherche dans un monde de plus en plus compétitif, en prévoyant le renouvellement des équipes et le remplacement des départs en retraite, pour combler le trou générationnel. Vous nous avez parlé d'une augmentation de 7 millions d'euros sur le fonds consacré à la recherche et d'une baisse de 5 millions d'euros sur celui de l'enseignement supérieur. C'est un équilibre.

Les difficultés budgétaires des universités persistent, néanmoins. La Conférence des présidents d'universités (CPU) a évalué à 200 millions d'euros l'écart entre la prévision des dépenses obligatoires pour les établissements et les dotations de l'État. Dans une motion, elle indique que la création des postes d'enseignement supérieur ne saurait masquer l'ampleur des besoins de financement globaux des établissements et l'urgence à y répondre. Les difficultés budgétaires des universités les incitent à revoir leurs priorités. Une stratégie d'austérité se met en place : fermeture de certaines filières, baisse des volumes horaires, gel des postes...

Quant aux 1 000 emplois, le Snesup lui-même a parlé de « jeu pipé », car certains établissements n'ont pas créé les postes attribués en 2013, utilisant les fonds pour maintenir l'équilibre de leurs comptes. Le bilan positif que vous dressez au sujet de la réduction du déficit des universités est peut-être un peu optimiste. Le manque de postes pousse les enseignants à faire davantage d'heures supplémentaires et met le personnel administratif en difficulté. La CPU regrette que les crédits soient alloués en priorité à la vie étudiante plutôt qu'aux établissements. Le dernier versement 2014 de l'État, fin octobre, a été amputé de 20 % ; un versement additionnel est prévu en novembre. Les universités les plus fragiles n'arrivent plus à payer leur personnel.

Dans le contrat de projets État-régions 2015-2020, le volet enseignement supérieur et recherche est très légèrement en baisse par rapport à celui de 2007-2014. Selon l'Association des régions de France (ARF), ces crédits passeraient de 2,19 milliards à 850 millions d'euros. Participez-vous aux négociations ? Avez-vous des informations sur cette diminution des crédits ? Les universités concernées vont-elles percevoir en 2015 une compensation intégrale pour l'exemption des droits d'inscription des étudiants boursiers ? La répartition entre établissements sera-t-elle équitable ? Quelles pistes de réforme envisagez-vous pour le nouveau modèle d'allocation des moyens aux universités, Modal ? Le Gouvernement avait prévu la suppression des bourses au mérite - cela concerne 16 000 bacheliers. Le Conseil d'État a décidé de suspendre cette suppression. Quelles en sont les conséquences budgétaires ? Enfin, l'État respectera-t-il en 2015 ses engagements budgétaires vis-à-vis des établissements d'enseignement supérieur privés ? Quand commencera-t-il à attribuer la qualification d'établissement d'enseignement supérieur d'intérêt général, conformément à ce qu'a prévu la loi du 22 juillet 2013 ?

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis des crédits de la recherche . - De la CPU, je n'ai pas entendu la même chose que ce qu'en a retenu M. Grosperrin : il faut croire que nous n'avons pas les mêmes oreilles. Le maintien des crédits consacrés à la recherche est un effort remarquable dans la période actuelle. Quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour limiter la précarité de l'emploi scientifique ? Tous les chercheurs n'ont pas vocation à occuper un emploi statutaire. Leur nombre augmente. Comment favoriser leur embauche par des entreprises - au-delà du crédit impôt recherche ? Comment développer la recherche partenariale entre les entreprises qui bénéficient du crédit impôt recherche et les universités, en particulier les universités de technologie ? Dans quelle mesure l'ANR pourra-t-elle renforcer son préciput afin de mieux prendre en compte les frais de gestion associés à la conduite des projets de recherche ? Le taux de prise en charge de ces frais est en moyenne de 20 % dans l'Union européenne, contre 12 % en France. Sous quelles conditions et dans quel délai pourrons-nous nous aligner sur l'objectif européen ? Des comités sont au travail pour définir les stratégies nationales d'enseignement supérieur et de recherche. Ces stratégies s'appuient sur des acquis et sur l'évolution des pratiques de transmission et de partage de la connaissance. Comment favoriser la recherche en formation et en pédagogie innovante ? Les investissements d'avenir pourront-ils porter la dimension participative du partage de la culture scientifique ? Dans la recherche, les évolutions de carrière dépendent beaucoup du nombre de publications. Comment intéresser les chercheurs à la pédagogie sans qu'ils y voient un handicap pour leur avancement ?

Quels seront les taux de mise en réserve des crédits dans les organismes de recherche en 2015 ? Quelle sera la nature des économies qui leur seront demandées pour contribuer aux efforts de la nation ? Conformément à la loi de 2013, quelles mesures favoriseront l'accès des titulaires d'un doctorat à la haute fonction publique ? Des campagnes de promotion sont-elles envisagées pour changer le regard du secteur économique sur ces diplômés formés à la recherche ? Enfin, la mobilité internationale est souvent considérée comme une fuite des cerveaux plutôt que comme une chance pour la jeunesse. N'est-ce pas confondre mobilité entrante et sortante, émigration et immigration ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche . - J'apprécie l'étendue et la variété de vos questions. Je le redis : dix-sept universités étaient en déficit lorsque j'ai pris mes fonctions ; elles ne sont plus que quatre. Nous avons accompagné le changement. Nous avons fait des diagnostics flash plutôt que de nous limiter à constater les dysfonctionnements et les échecs - comme à l'université de Versailles-Saint-Quentin. Nous avons fait en sorte que les universités adoptent de plus en plus un système de comptabilité analytique qui facilité la lisibilité des évolutions budgétaires. Le passage aux RCE nécessite un accompagnement et une formation des équipes administratives, au sein des universités. C'était le maillon manquant après le vote de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). Dans une entreprise, tout changement est accompagné. Pourquoi ne le serait-il pas dans les universités ? Nous avons consacré beaucoup de temps à la formation des équipes, notamment dans le cas de l'université de Saint-Quentin. Je suis reconnaissante à mon cabinet et aux services du ministère d'avoir joué ce rôle nouveau, indispensable.

La simplification a également porté ses fruits. Sans parler de matières rares, 30 % des masters avaient une seule université de référence, voire un seul enseignant-chercheur de référence, pour moins de quinze étudiants parfois. Une offre de formation avec 10 000 parcours de masters et 5 000 intitulés différents est-elle encore lisible ? Non. La réduction de leur nombre est une clarification, non un appauvrissement. La formation universitaire est la seule à être irriguée par la recherche. Elle est diverse et n'est pas formatée. Les entreprises ont besoin d'ingénieurs, de gens qui anticipent les mutations, sentent les usages et mesurent l'acceptabilité des produits fournis par l'entreprise. La formation universitaire est la plus à même de fournir ce type de compétences. La simplification des masters contribue à rendre l'offre universitaire lisible pour les entreprises. Elle s'est faite au bénéfice de l'insertion professionnelle des étudiants, et en dialogue avec les responsables de département. Nous avons réduit le nombre des masters à un peu plus de 400. À présent, nous nous adapterons au fil de l'eau. L'université est un organisme vivant et pluraliste. Le dogmatisme ne lui convient pas. La même règle ne peut pas s'appliquer à tous les établissements. Nous avons également simplifié les licences générales, en réduisant leur nombre de 1 800 à moins de 300, et nous sommes en négociation avec les départements pour simplifier le système des licences professionnelles. Ainsi, les familles devraient y voir plus clair.

La remise en place du dispositif « Système de répartition des Moyens à la Performance et à l'Activité » (Sympa) participe du même esprit de simplification. Beaucoup de modèles ont été expérimentés, prenant en compte des facteurs comme le nombre de boursiers, de disciplines ou d'étudiants, sans que les simulations financières donnent satisfaction. Le travail n'est pas perdu pour autant. Il a montré que le dispositif s'appliquait facilement aux écoles d'ingénieurs, mais pas aux universités qui offrent trop de diversité. Qu'y a-t-il de commun entre une grande université centrée sur la recherche et une université régionale, plus petite, mais utile aux étudiants qui souhaitent commencer leurs études en restant dans leur région ? Pour avoir des modèles équitables, nous devons prendre le temps de catégoriser les universités. Si nous appliquions le modèle Sympa, certaines universités verraient leur dotation baisser de 20 millions d'euros. Ce n'est pas réaliste. Chaque année, cinq versements sont alloués aux universités. Ceux qui m'ont précédée dans mes fonctions se sont battus pour obtenir le maximum de crédits jusqu'à la fin de l'année. C'est aussi ce que je fais. Jusqu'à présent, les arbitrages ont toujours été favorables.

Quant aux aides au mérite, elles ont été mises en place par Claude Allègre, à un moment où il y avait moins de 3 % de mentions « très bien » au baccalauréat. Aujourd'hui, le pourcentage dépasse 12 %. Or les bacheliers qui obtiennent une mention « très bien » appartiennent rarement aux classes défavorisées. Ces aides n'ont aucun effet levier social. Compte tenu de l'avis négatif du Conseil d'État, qui portait sur la forme et non sur le fond, il a finalement été décidé de maintenir ces aides, dont la suppression avait été annoncée près d'un an à l'avance, afin de ne pas pénaliser les bénéficiaires ; elles représentent en tout 39 millions d'euros et 14,6 millions pour la première année. Nous réfléchissons à la création d'un système capable de prendre en compte la dimension sociale, pour aider les étudiants à améliorer leurs conditions de vie - logement, santé, etc. La majorité des organisations étudiantes nous soutient dans cette démarche. Mme Pécresse avait vu les limites du système et déjà réduit de 20 % à 2 % le nombre de boursiers concernés, au niveau du master. Du reste, le système de notation variant selon les disciplines et les universités, les étudiants n'étaient pas tous traités pareillement, ce qui donnait lieu à de nombreux recours.

Dans la recherche, avec la fin du baby boom , le volume de départs à la retraite a effectivement diminué. Nous entretenons un dialogue soutenu avec les organismes de recherche pour qu'ils orientent leur politique de ressources humaines vers l'embauche des jeunes chercheurs et l'insertion des post-docs. Le secteur privé finance la recherche à hauteur de 63 % et 60 % des chercheurs travaillent dans le privé, mais seulement 12 % d'entre eux sont titulaires d'un doctorat académique. Les entreprises embauchent plutôt des ingénieurs. Il faut changer la culture à la fois du côté des entreprises et du côté académique. Les jeunes qui s'engagent dans une thèse doivent pouvoir envisager la recherche privée comme un débouché possible. Nous formons 12 000 docteurs par an dont 41 % sont étrangers - c'est important pour la défense de la francophonie. Il faut en finir avec le préjugé selon lequel la recherche privée est une issue pour ceux qui ne réussissent pas à faire une carrière académique. En Allemagne, on compte quatre fois plus de docteurs dans l'industrie qu'en France. Dans notre pays, cinq ans après leur diplôme, 50 % des docteurs exercent dans la recherche publique, 25 % dans des établissements privés et 25 % ailleurs, dans des start-ups , comme journalistes ou autres. Il y a là une anomalie de la culture française. En rapprochant les écoles des universités, nous ferons tomber bien des cloisonnements. Plus qu'un infléchissement, nous voulons un changement culturel.

Une difficulté particulière concerne la biologie. Les jeunes filles, titulaires d'un bac S avec mention « bien » ou « très bien » se dirigent vers la biologie ou les sciences de la vie plutôt que vers la physique ou les mathématiques. Combien de masters en informatique ou en mathématiques 100% masculins ! J'ai pu constater que le master « Big data » de l'université Pierre et Marie Curie comptait seulement trois filles sur 100 étudiants : deux Algériennes et une Syrienne. Il y a en France un problème manifeste ! D'autant que la biologie fournit dès lors des promotions trop nombreuses, que nous ne parvenons pas à gérer.

La frénésie d'appels d'offre durant le dernier quinquennat a conduit à la multiplication d'embauches en CDD dans les organismes de recherche : à l'Inserm, la proportion de contrats à durée déterminée est passée de 10 à 35 %. À cela s'est ajoutée la loi Sauvadet. Si bien que nous connaissons maintenant des difficultés d'insertion. Les quatre années qui viennent vont être délicates, nous étudions comment éviter un trop grand creux dans les recrutements, d'autant que la file d'attente ne diminuera pas.

Entre 2012-2013 et 2013-2014, le nombre de postes d'enseignants dans le supérieur est passé de 91 300 à 91 771. Des postes ont été gelés, mais 1 000 ont été créés : 23 % dans les fonctions de soutien et de support, 1,5 % au service de l'entreprenariat, 10,5 % pour le numérique et 65 % au profit direct de l'étudiant (amélioration de l'orientation, innovations pédagogiques, insertion, maîtrise des langues).

Nous demandons aux universités de réduire leurs charges de 100 millions d'euros, certes, mais nous leur accordons 206 millions supplémentaires, soit 106 millions nets. Oui, un effort de mutualisation des services généraux est nécessaire : comment accepter que certaines universités, parce que chacun entend préserver son pré carré, conservent quatre services de relations internationales ou quatre services informatiques ?

Il existe aujourd'hui 53 Moocs, comptant 400 000 inscrits. Cédric Villani m'a assuré hier qu'il mettrait en place en 2015 trois Moocs qui seront paraît-il assez surprenants. Les Moocs ne suppriment pas la place des enseignants, ils rétablissent un lien de proximité avec l'étudiant sur la base de connaissances déjà acquises. Les cours théoriques sont diffusés par voie numérique ; l'enseignant rencontre ensuite des étudiants plus avertis. Il y a peu, un jeune Allemand m'a dit sa surprise lorsqu'il a constaté qu'en France seul l'enseignant parlait. Eh oui : l'interactivité doit progresser !

Enfin, la fuite des cerveaux est un marronnier des médias, mais elle n'existe pas. Au cours des dix dernières années, le solde positif se monte à 900 000 personnes diplômées qualifiées, ce qui nous place en deuxième position après les États-Unis. Notre pays compte 41 % de doctorants étrangers et 31 % de chercheurs étrangers au CNRS. Tous les grands scientifiques ont un parcours international.

Mme Marie-Annick Duchêne . - Les étudiants en master 2 qui sont en apprentissage ont du mal à trouver des entreprises pour les accueillir. Ainsi en est-il pour le master en ingénierie éditoriale et communication (IEC) à Cergy. Les entreprises sont-elles contactées en amont par l'établissement ? Les effectifs étudiants sont-ils décidés en fonction des engagements des entreprises ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Les inquiétudes persistent sur le rétablissement financier des universités. Vous indiquez que 1 000 postes ont été créés, mais combien sont réellement ouverts ? Les universités gèlent les recrutements parce qu'il faut d'abord payer les dépenses courantes, comme le chauffage !

La Cour des comptes a calculé que 900 équivalents temps plein (ETP) avaient été supprimés en 2012, et encore 2 231 en 2013. Vous mentionnez quant à vous 471 créations...

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Sur l'année universitaire 2013-2104, oui.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Vous annoncez des redéploiements en fonction des priorités du gouvernement mais les services administratifs universitaires souffrent de carences d'emplois...

Nous sommes hostiles à la logique et à la méthode de financement de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Nombre d'organismes de recherche, comme le CNRS, ont vu leur budget et leurs effectifs diminuer. En outre, les places aux concours se raréfient. Le crédit impôt recherche, coûteux, est-il efficace ? Sanofi en a largement bénéficié, ce qui ne l'a pas empêché de fermer des centres de recherche.

M. Daniel Percheron . - J'ai vu à Grenoble comment le modèle français, qui ne repose pas sur la cogestion avec les entreprises comme en Allemagne, mais sur l'intelligence des territoires, peut fonctionner. Quels que soient demain les contours des régions et des départements, les futurs contrats de projets État-région (CPER) devront faire la part belle à cette intelligence des territoires. Vous incarnez, madame la ministre, l'État stratège, le territoire stratège, et, ajouterai-je, le bonheur grenoblois. François Hollande n'a-t-il pas dit : « Mon modèle, c'est Grenoble » ? Et le brillant Christian Blanc a lui aussi affirmé : « Pour moi, l'avenir, c'est Grenoble ». Comment avez-vous abordé l'épreuve de vérité des contrats de projets, qui vont nous engager pour longtemps ? Dans la première mouture, pour ma région, 3 millions d'euros ont été prévus sur six ans.

Votre ministère est au coeur de l'avenir de notre pays, qui repose fondamentalement sur la formation, la recherche, l'innovation. Ma région, qui compte 4 millions d'habitants, est attributaire de 2 % des investissements d'avenir, contre 42 % à l'Île-de-France. Nous consommons 1,6 % du CIR, l'Île-de-France 67 %. Mais le Nord-Pas-de-Calais fournit 9 % des exportations : nous sommes ancrés dans l'économie mondiale. Votre expérience grenobloise peut nous éclairer : comment procéder aux adaptations territoriales qui s'imposent ?

Mme Françoise Laborde . - Il existe une inadéquation entre les étudiants désireux de suivre une formation en alternance et le nombre d'entreprises disposé à les accueillir. Ne pourrait-on utiliser le CIR pour rapprocher l'offre de la demande ? Le RDSE se satisfait de ce budget en relative augmentation, depuis plusieurs années, ces crédits sont privilégiés.

Mme Maryvonne Blondin . - Les sept universités de Bretagne et des Pays de la Loire veulent construire une communauté d'universités et d'établissements (Comue), mais s'inquiètent aussi du contenu des futurs CPER.

La santé des étudiants me tient à coeur : que va-t-il se passer, dans la mesure où la MGEN n'a pas souhaité prendre en charge la gestion de La Mutuelle des étudiants (LMDE) ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Madame Duchêne, 75 % des étudiants estiment qu'il faut renforcer les liens entre les entreprises et l'université afin d'accroître leurs chances de trouver un emploi. Ils ont l'obsession, bien légitime, de l'insertion dans la vie professionnelle. Nous prenons des initiatives à ce sujet.

Nous voulons aussi faire une plus grande place, dans les enseignements, à la conduite de projets, car notre système de formation est basé sur la performance individuelle et jamais sur le travail d'équipe. J'ai travaillé dans une start-up , j'ai vu quelles pertes de synergie et de compétitivité pouvaient résulter de ces lacunes.

Les universités savent à quelles entreprises s'adresser pour leur demander d'accueillir des étudiants en master 2. Cela est d'autant plus vrai pour les universités situées en ville nouvelle, comme à Cergy et Marne-la-Vallée. Sans environnement préexistant, elles n'ont d'autre choix que de se tourner vers les milieux économiques extérieurs.

Grâce à l'apprentissage et l'alternance, les jeunes gagnent leur vie durant leurs études, cela est précieux notamment pour ceux issus de milieux modestes. Les chiffres sont éloquents : 23 % de la population active est considérée comme modeste, or on trouve 13,5 % des enfants de cette catégorie en première année de licence, 9 % en première année de master et moins de 5 % en doctorat. Il y a donc aggravation des inégalités, ce qui est désespérant pour ces jeunes : leur destin scolaire serait prédéterminé par leur origine sociale. Voilà pourquoi, j'y insiste, les bourses au mérite ne sont pas une bonne solution. J'ajoute que les enfants de familles modestes qui n'acquièrent pas à l'école primaire les savoirs fondamentaux ne récupèrent jamais leur retard, alors que dans les milieux aisés, cela reste possible. Il faut donc mobiliser les créations de postes dans les zones les plus difficiles afin de lutter contre ce déterminisme social.

Notre pays ne compte que 135 000 apprentis sur 2,4 millions d'étudiants. Nous voudrions parvenir à 150 000 d'ici deux ans et à 200 000 dans dix ans. Trouver des stages pour les étudiants en fin d'études n'est pas un problème, ils intéressent les entreprises. La situation est beaucoup plus difficile avant le baccalauréat, notamment pour le stage de 3 e !

Le plan d'adossement de la LMDE, envisagé avec la MGEN, a connu une fin moins positive qu'espéré. Nous avons pourtant besoin de mutuelles spécialisées pour les étudiants : les comportements addictifs se multiplient, les désordres mentaux également. Les jeunes consultent peu les ophtalmologues, les dentistes, les gynécologues. Or c'est lorsque des jeunes parlent aux jeunes que la prévention est la plus percutante. La communication de Sidaction est plus efficace que toutes les campagnes institutionnelles. Il est donc impératif que les mutuelles étudiantes continuent d'exister et qu'elles soient plus visibles que les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (Sumpps), notamment grâce à des points santé installés sur les campus. Le logo « campus santé » sera plus parlant que le sigle Sumpps...

Enfin, je partage l'amour de M. Percheron pour Grenoble, mais je suis une ministre de la République et m'interdis toute partialité ! Quoi qu'il en soit, la première version des CPER ne satisfaisait pas non plus mon ministère. Nous sommes en train de les renégocier pour obtenir plus, région par région. La réunion qui aura lieu demain devrait être déterminante.

M. Daniel Percheron . - Quelle coordination s'opère entre votre action et le programme des investissements d'avenir (PIA) ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Louis Schweitzer et moi-même avons décidé de nous voir plus régulièrement afin de mener des actions conjointes. Il n'y a pas d'un côté une administration assoupie, poussiéreuse, de l'autre une cellule réactive et dynamique. Le ministère doit faire face à un problème concret : comment amener plus de titulaires de bacs pro à l'enseignement supérieur ? Nous devons construire une véritable filière pro, au service de l'industrie. Les investissements d'avenir doivent être solidaires de cet objectif. Nous allons travailler en étroite collaboration, M. Schweitzer et moi-même.

Les derniers chiffres du CIR sont beaucoup plus positifs que ceux sur lesquels la Cour des comptes avait fondé ses analyses : 439 docteurs embauchés grâce au dispositif CIR en 2007, 1 305 par an à présent. En outre, pour un euro non perçu par l'État, l'effet de levier pour la recherche n'est plus de 1,1 euro mais de 1,51 euro. Le coût du CIR n'augmente plus. Le crédit impôt recherche bénéficie aux deux tiers aux PME et à des entreprises innovantes, même si, en montants, l'essentiel est versé à des grands groupes.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Merci pour toutes ces précisions.

Fiche RNCP du doctorat de l'Institut des sciences et industries du vivant
et de l'environnement d'AgroParisTech


* 1 Programme 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », programme 409 « Écosystèmes d'excellence » et programme 410 « Recherche dans le domaine de l'aéronautique ».

* 2 Dossier de presse du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le projet de loi de finances pour 2015.

* 3 17 universités étaient en déficit en 2012, huit en 2013 et quatre en 2014 ; quatre universités sont en double déficit en 2014, et elles ne devraient être plus que trois en 2015.

* 4 Dépêche n° 489796 de l'agence d'informations spécialisées AEF du 7 novembre 2014.

* 5 Motion intitulée « CPER : l'avenir sacrifié », adoptée par le conseil d'administration de la CPU le 25 septembre 2015.

* 6 Ces montants ne correspondent eux-mêmes, en exécution, qu'à 75 % des sommes qui avaient été initialement engagées dans les CPER 2007-2014.

* 7 Circulaire n° 2000-111 du 24 juillet 2000 du ministère de l'éducation nationale relative aux modalités d'attribution des bourses au mérite.

* 8 Décret n° 2008-974 du 18 septembre 2008 relatif aux bourses et aides financières accordées aux étudiants relevant du ministère de l'enseignement supérieur.

* 9 Collectif « Touche pas à ma bourse, je la mérite ».

* 10 http://www.croissance-responsable.fr/wp-content/uploads/2014/02/Rapport-de-lenseignement-%C3%A0-lemploi-janvier-2014-EN.pdf

* 11 Dépêche n° 490087 de l'agence d'informations spécialisées AEF du 14 novembre 2014.

* 12 Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

* 13 Avis fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale sur le projet de loi (n° 2234) de finances pour 2015, tome III « Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Fonction publique », par M. Alain Tourret, député.

* 14 Autonomie de gestion budgétaire et financière et des ressources humaines, ce qui a impliqué le transfert aux établissements de leur masse salariale.

* 15 Financement des universités : l'équité au service de la réussite de tous , rapport d'information de Mme Dominique Gillot et M. Philippe Adnot, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances, n° 547 (2012-2013), 24 avril 2013.

* 16 Dépêche n° 478512 de l'agence d'informations spécialisées AEF en date du 2 avril 2014.

* 17 Le plan Anciaux 1 fait suite aux recommandations du rapport de janvier 2004 de la mission confiée par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, à M. Jean-Paul Anciaux, intitulé Le logement étudiant et les aides personnalisées . Le plan Anciaux 2 fait suite aux préconisations du rapport de février 2008 de la mission confiée par le Premier ministre, M. François Fillon, à M. Jean-Paul Anciaux, intitulé Le logement étudiant et les aides personnelles au logement .

* 18 Groupe de travail sur la sécurité sociale et la santé des étudiants , rapport d'information de M. Ronan Kerdraon et Mme Catherine Procaccia, fait au nom de la commission des affaires sociales n° 221 (2012-2013) - 12 décembre 2012.

* 19 Cour des comptes, « La sécurité sociale des étudiants », chapitre XVIII du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, intitulé La sécurité sociale et publié le 17 septembre 2013.

* 20 Communiqué de presse de la commission des affaires sociales du Sénat du 12 novembre 2014.

* 21 PRES à statut de fondation de coopération scientifique.

* 22 Mérindol, Jean-Yves, « L'innovation des COMUE, ou comment coordonner sans fusionner », à paraître dans les Cahiers de la fonction publique (n° 384, octobre 2014).

* 23 À l'exception de Sciences Po qui a reporté sa décision à 2016.

* 24 Ibidem .

* 25 Dotations des organismes de recherche inscrites sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et le programme 193 « Recherche spatiale » (pour le Centre national d'études spatiales - CNES).

* 26 Cf. considérant 5 de la décision n° 82-153 DC du 14 janvier 1983 portant sur la loi relative au statut général des fonctionnaires.

* 27 Cf. considérant 12 de la décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 portant sur la loi organique modifiant l'ordonnance n° 28-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 28 Cf. annexe : « Fiche RNCP du doctorat de l'institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement d'AgroParisTech ».

* 29 http://www.doctorentreprise.fr/

* 30 Lettre « Trésor-Éco », n° 94, novembre 2011.

* 31 Centre d'analyse stratégique (Mohamed Harfi et Laudeline Auriol), « Les difficultés d'insertion professionnelle des docteurs : les raisons d'une « exception française » », in La note d'analyse « Travail - Emploi » , n° 189, juillet 2010.

* 32 Argumentaire du mouvement « Sciences en marche » à l'attention de Mme Dominique Gillot, 7 novembre 2014.

* 33 Avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2014, tome IX « recherche et enseignement supérieur enseignement supérieur et vie étudiante » par M. Emeric Bréhier, député.

* 34 Ibidem .

* 35 Comme les financements attribués par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ou encore par la Banque publique d'investissement (BPI).

* 36 Métier lancé par le CNRS au cours du 6 e PCRDT pour soutenir les chercheurs chargés de la coordination de grands projets européens ambitieux.

* 37 ANRT, Comparaison internationale sur le cours d'un chercher : CIR, la France redevient compétitive , 10 novembre 2011.

* 38 Article 2 du règlement (CE) n° 1906/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en oeuvre du septième programme-cadre de la Communauté européenne et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2013).

* 39 Arrêté du 17 février 2014.

* 40 Universcience s'est occupé de gérer, de 2011 à 2013, ces crédits de financement aux centres de CSTI en régions.

* 41 Universcience assurait jusqu'ici la présidence et le secrétariat du Conseil nationale de la CSTI.

* 42 Rapport d'information n° 379 (2002-2003) de M. Philippe Richert, fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 3 juillet 2003.

* 43 Rapport n° 274 (2013-2014) de M. Jean-Pierre Leleux, sénateur et Mme Maud Olivier, députée, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 9 janvier 2014.

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