B. LA SITUATION D'AIR FRANCE S'AMÉLIORE LÉGÈREMENT MAIS RESTE PRÉCAIRE

1. Le dynamisme de l'activité combiné aux effets du plan Transform 2015 permettent une relative embellie des comptes en 2013-2014

En 2013, l'activité du groupe Air France augmente tant pour les passagers-km (+2,3 %) que pour le nombre de passagers (+1,6 %). Au sein du groupe, les situations sont disparates . La maison mère, qui pèse beaucoup dans le groupe (96 % des passagers-km et 88 % des passagers), continue d'afficher une hausse de son activité (+2,0 % pour les passagers-km et +1,3 % pour les passagers). L' activité de la filiale Transavia France est en plein essor : +28,7 % pour les passagers-km et +40,4 % pour les passagers. En revanche, sur les courts et moyens courriers (Brit Air, Régional, Airlinair fusionnés au 31 mars 2013 pour devenir HOP), les chiffres sont en deçà du niveau de 2012 : -13,6 % pour les passagers-km et -10,1 % pour les passagers.

Au final, le chiffre d'affaires progresse très peu (+0,4 %) pour atteindre 25,5 Mds€. Le résultat d'exploitation courant consolidé est à nouveau positif en 2013 : +130 millions d'euros contre une perte de 336 millions d'euros en 2012 et de 353 millions d'euros en 2011. Ce redressement s'explique notamment par la diminution des achats de carburants (-381 M€) et des charges de personnel (-180 M€ suite à une réduction des emplois de 2,4 %).

Cependant le groupe enregistre un résultat avant impôts négatif (-528 M€) à cause d'un résultat financier toujours déficitaire et de charges non courantes toujours importantes, suite au plan de restructuration présenté en juin 2012 (redimensionnement de la flotte de KLM et réduction d'effectifs d'Air France). Enfin, la forte hausse du poste « impôts » (qui passent de 17 à 957 M€, suite à une grande « variation des actifs d'impôts différés non reconnus » 12 ( * ) ) concourt à la nette détérioration du résultat net du groupe qui se monte désormais à - 1,8 Md€ contre - 1,2 Md€ en 2012 . Corrigé des éléments non récurrents, le résultat net retraité s'établit à -349 M€, soit une progression par rapport à 2012 (-696 M€).

Sous l'impulsion du plan Transform 2015 , le cash-flow opérationnel est passé de 200 M€ en 2011 à 1,5 Md€ en 2013. On observe également un désendettement progressif , puisque la dette nette est passée de 6,5 Mds€ en janvier 2012 à 5,3 Mds€ en décembre 2013 , soit une baisse supérieure à 10 %.

Au premier semestre 2014, le chiffre d'affaires d'Air France-KLM diminue de 1,8 % et s'établit à 12,2 Mds€. Mais les charges externes sont également en baisse de 3,4 %, en raison d'une réduction des dépenses de carburant (-5,9 %) et de personnel (-4 %) : elles s'élèvent au total à 7,61 Mds€. Au final, le résultat d'exploitation reste négatif (-207 M€), mais il est en amélioration de 53,8 % par rapport au premier semestre 2013 (-448 M€). L'endettement se creuse légèrement pour atteindre 5,41 Mds€ au 30 juin 2014.

2. La stratégie de reconquête prévue par le plan Perform 2020 est freinée par la grève de septembre 2014

Air France-KLM doit poursuivre son adaptation à un environnement économique durablement incertain, alimenté par la concurrence du low-cost , des compagnies du Golfe et des autres modes de transport. La plupart des autres compagnies traditionnelles européennes ont déjà engagé ce mouvement : Lufthansa et IAG ont d'ores et déjà transféré à leurs filiales Germanwings et Vueling leurs activités court et moyen-courrier, voire du long courrier en ce qui concerne Lufthansa.

Pour cette raison, après le plan Transform 2015 qui a permis d'améliorer la situation de la compagnie sans pour autant lui permettre de renouer avec la rentabilité, la direction générale d'Air France-KLM a présenté, le 11 septembre 2014, le plan Perform 2020 , qui vise le retour à la croissance.

Le contenu du plan Perform 2020 présenté le 11 septembre 2014

Le groupe entend renforcer ses principaux atouts, à savoir son réseau, ses produits, ses marques, tout en ajustant son portefeuille d'activités. Les objectifs sont très ambitieux : retour sur capitaux propres entre 9 et 11 % en 2017 contre 3 % en 2013, croissance de l'EBITDA de 8% à 10% par an entre 2013 et 2017, ratio de dette ajusté sur EBITDA inférieur à 2,5% contre 4,2% fin 2013. Au niveau opérationnel, ce nouveau plan se traduit par :

- le développement de l'activité « hub » s'appuyant sur une montée en gamme, une orientation client accrue, et le renforcement du portefeuille des partenariats stratégiques ;

- une stricte discipline en termes de gestion des capacités , avec une croissance des capacités « passage » attendue de l'ordre de 1 à 1,5% sur la période 2015-2017 ;

- la restructuration de l'activité point-à-point , avec l'objectif d'un retour à l'équilibre d'exploitation à l'horizon 2017 grâce à de nouvelles initiatives de restructuration du réseau et de réduction des coûts, ainsi que la mise en place d'une business unit unique regroupant HOP et le point-à-point d'Air France ;

- l' accélération du développement d'Air France-KLM dans le marché du loisir en Europe, qui s'effectuera sous la marque Transavia à partir des deux compagnies existantes (Transavia France et Transavia Pays-Bas) ainsi que de nouvelles bases à créer dans d'autres pays européens ; l'objectif étant que Transavia s'impose parmi les acteurs low costs leaders du secteur en Europe à horizon 2017 , comptant plus de 20 millions de clients et opérant une flotte de 100 avions, la rentabilité d'exploitation étant attendue pour 2018 ;

- la finalisation du repositionnement de l'activité cargo : la forte réduction de la flotte d'avions tout-cargo, de 14 avions en opération en 2013 à 5 avions fin 2016 devrait permettre à cette activité de retrouver l'équilibre d'exploitation en 2017 (contre 110 M€ de pertes en 2013 et -200 M€ en incluant les soutes) ; le groupe entend rester un acteur majeur du cargo en Europe grâce à son réseau de soutes très étendu, mais il ne sera plus exposé que de manière résiduelle (15% des capacités) à la forte volatilité de l'activité tout-cargo ;

- la poursuite du développement de l'activité « maintenance » (résultat positif en 2013, à 120 millions d'euros, +12 %), notamment dans les moteurs et les équipements, y compris par des acquisitions ciblées.

Sur le plan financier, le groupe entend poursuivre la réduction des coûts unitaires (à un rythme de 1 à 1,5% par an), la gestion ciblée des investissements et adopter une approche disciplinée des opportunités de développement.

L'annonce de ce plan dans un contexte tendu, a entraîné une grève de pilotes d'une durée exceptionnelle (14 jours). Le bilan est lourd : 340 millions d'euros d'impact sur le compte de résultat et une image de la compagnie sévèrement abîmée : 10 000 touristes ont dû annuler leurs vols et 30 000 voyages d'affaires ont été perdus.

Le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) souhaitait s'opposer aux délocalisations et aux transferts d'activités. Il réclamait notamment un contrat de travail unique pour les pilotes d'Air France et ceux de Transavia , ce qui revenait à supprimer l'intérêt même de l'activité low cost . La direction d'Air France-KLM n'a pas cédé sur ce point symbolique, et va imposer, à la place, un « bi-contrat » aux pilotes d'Air France.

Les pilotes d'Air France volontaires opéreront sur Transavia aux conditions d'utilisation et de rémunération de cette dernière , avec toutefois plusieurs avantages : le maintien simultané de leur contrat Air France (ce qui leur permettra de passer d'une compagnie à l'autre sans compromettre leur avancement ni leur retraite), une prime de transfert de 35 000 euros, un « accord de périmètre » leur réservant les appareils de plus de 110 sièges et la garantie de la maîtrise de l'évolution de leur contrat par les syndicats de pilotes représentatifs chez Air France.

En revanche, la direction de la compagnie a été contrainte de retirer le projet de création d'une compagnie à bas coût paneuropéenne , au profit d'une accélération du développement de Transavia France. Elle a donc dû renoncer à la création de Transavia Europe, c'est-à-dire à la création de bases au Portugal (à Lisbonne et Porto) et en Allemagne (à Munich) et à l'embauche de personnel sur place avec des contrats aux conditions locales.

Votre rapporteur comprend la nécessité des évolutions d'Air France-KLM : il regrette simplement que cette prise de conscience se déroule tardivement par rapport aux autres grandes compagnies européennes, et que les conditions d'un dialogue constructif n'aient pas pu être réunies . Il reste cependant convaincu de la solidité du groupe, qui dispose du deuxième réseau intercontinental au monde et s'est engagé dans un profond mouvement de modernisation et de montée en gamme. La situation financière du groupe demeure dégradée mais des signaux positifs sont enregistrés.


* 12 Les lois de finance pour 2011 et 2012 ont introduit une limitation dans le montant des déficits fiscaux imputables chaque année à hauteur de 50% du montant du bénéfice de la période au-delà du premier million d'euros. Les perspectives de récupération de ces déficits sur bénéfices futurs ayant par ailleurs été rallongées dans un contexte de crise économique durable et de marché mondial fortement concurrentiel, le groupe a, par mesure de prudence, décidé de limiter son horizon de recouvrabilité sur le périmètre fiscal français pour prendre en compte les évolutions possibles de l'environnement fiscal et la volatilité accrue de l'activité. Une provision de 937 millions d'euros a donc été enregistrée au 31 décembre 2013.

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