TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DE MME SYLVIA PINEL, MINISTRE DU LOGEMENT, DE L'ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET DE LA RURALITÉ

Réunie le mercredi 26 novembre, la commission a entendu Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

M. Hervé Maurey , président . - Notre commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a pour mission de suivre la conception et la mise en oeuvre des politiques d'aménagement du territoire qui sont essentielles pour le Sénat. Nous fêterons bientôt les vingt ans de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 dont le rapporteur était un certain Gérard Larcher... Depuis son vote, de nombreux débats, colloques, rapports ont été consacrés à cette question, mais les actes n'ont pas suivi. Sur le terrain, il y a peu de résultats concrets. Nos territoires ruraux connaissent un sentiment de mal-être et d'abandon qui explique certains votes.

Le nouveau gouvernement a manifesté le souhait de faire preuve de volontarisme. L'égalité des territoires a remplacé l'aménagement du territoire ; le commissariat général à l'égalité des territoires a pris la suite de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar). Au-delà de ces modifications sémantiques, quels sont les changements sur le terrain ? Des projets d'infrastructures ont été abandonnés. La réforme des rythmes scolaires a créé une nouvelle fracture entre monde rural et monde urbain.

Le Sénat a fait des propositions sur l'aménagement numérique et la désertification médicale. Ces sujets appellent des réponses urgentes. Les sénateurs attendent du gouvernement des mesures concrètes pour les territoires. Quels sont vos projets ?

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité . - Je vous remercie de m'avoir invitée pour évoquer les grandes orientations de mon ministère, en particulier la destination des crédits du programme 112 « impulsion et coordination de l'aménagement du territoire ».

En 2015, ce programme est doté de 223 millions d'euros en autorisations d'engagement et 271 millions d'euros en crédits de paiement. Ses missions ont évolué en 2014, de manière cohérente avec les objectifs assignés au nouveau commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) - qui résulte de la fusion de la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et du secrétariat général du comité interministériel des villes. Sa création témoigne de la volonté de fonder une nouvelle politique d'intervention territoriale davantage axée sur la coopération entre territoires urbains et ruraux, objectif soutenu par un certain nombre de députés et qui a fait l'objet d'une résolution du groupe RDSE au Sénat. Les conséquences de cette réorientation se traduisent dans l'architecture budgétaire de la mission : les crédits de la mission « politique de la ville » sont rattachés au périmètre budgétaire du Premier ministre, comme ceux du programme 112. Cette gestion unifiée préserve les moyens du CGET et conforte sa dimension interministérielle. Les programmes de la Datar seront préservés et de nouveaux dispositifs seront lancés.

L'année 2015 sera celle du lancement de la nouvelle génération de contrats de plan État-régions, auxquels 12,5 milliards d'euros seront consacrés jusqu'en 2020. Le programme 112 participe à hauteur de 735 millions d'euros, dont 100 millions d'euros dès 2015. Ces crédits abonderont principalement le volet territorial de ces contrats, relatif à la mise en oeuvre de projets spécifiques pour les territoires, notamment ruraux. Cet effort interministériel est significatif, compte tenu des contraintes auxquelles sont soumises nos finances publiques. Les contrats de plan apportent des moyens indispensables au soutien de la croissance, de l'emploi et du développement des territoires. Leurs effets seront décuplés par les cofinancements apportés par les collectivités territoriales. Les mandats de négociation ont été transmis la semaine dernière aux préfets de région. Le dialogue avec les acteurs locaux est permanent, dans un souci de faire converger les stratégies nationales et régionales.

Des évolutions significatives ont été introduites dans leurs volets thématiques pour répondre aux attentes des régions. L'enseignement supérieur et la recherche font l'objet d'un effort financier conséquent pour accompagner les projets de recherche et assurer une partie substantielle des contreparties nationales requises dans le cadre des programmes opérationnels européens. Le volet mobilité a également été renforcé : 6,7 milliards d'euros lui seront consacrés sur l'ensemble de la période. Près de 3 milliards d'euros sont consacrés à la transition écologique. Le volet territorial des contrats de plan, doté de 976 millions d'euros, financera des projets transversaux, notamment en milieu rural : création de maisons de santé, d'équipements améliorant la qualité de vie, services au public, soutien de l'ingénierie au service des territoires, projets de revitalisation des centres-bourgs, etc.

Certaines régions souhaitent établir des contrats infrarégionaux avec les centres-bourgs non retenus dans le cadre des actions spécifiques qui leur sont destinées : c'est une bonne initiative. Un potentiel de crédits des programmes d'investissement d'avenir dédiés au très haut débit sont aussi inscrits dans chaque mandat régional. Notre objectif est de signer des protocoles d'accord en décembre, de sorte que les régions lancent rapidement les consultations publiques et les études environnementales préalables aux signatures formelles.

J'en viens au budget propre du CGET. Les actions de développement économique seront poursuivies. La prime d'aménagement du territoire sera maintenue à 30 millions d'euros, mais les seuils d'éligibilité en matière de création d'emplois et de niveau d'investissement ont été abaissés afin de la recentrer sur les PME et de renforcer sa compatibilité avec le droit européen.

Les zones de revitalisation rurale - qui ne relèvent pas du programme 112 -, mesures d'exonération fiscale et sociale pour les entreprises créant des emplois ou reprenant des sites en difficultés, coûtent 235 millions d'euros. Les critères sont devenus obsolètes ; le zonage n'a pas répondu aux objectifs de revitalisation des territoires, et les résultats sont contrastés. Une mission d'inspection a été diligentée, et l'Assemblée nationale a confié un rapport à Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier. J'ouvrirai prochainement une large consultation sur la base de leurs propositions et des éléments avancés lors des Assises.

La revitalisation des territoires ruraux et périurbains est un sujet majeur, comme les ateliers des Assises de la ruralité l'ont montré. Plus de vingt départements sont engagés dans l'élaboration de diagnostics et de schémas d'accessibilité des services. L'Allier - où je me suis rendue - est particulièrement avancé puisqu'il finalisera prochainement son plan d'action. Mon administration a d'ailleurs réalisé un guide de confection de ces schémas, inspiré de ces initiatives. Il faudra traduire celles-ci dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ce budget soutient la création et le fonctionnement des maisons des services publics, dont le Premier ministre veut porter le nombre à 1 000 d'ici 2017.

Le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) appuiera l'élaboration des schémas et prendra en charge 25 % du coût de fonctionnement des maisons des services publics, soit un engagement financier total de l'État de plus de 9 millions d'euros. Il appuiera en outre le déploiement des maisons de santé, non plus au moyen d'un programme spécifique, mais via le volet territorial des contrats de plan. Nous soutenons également le développement de la télémédecine, utile pour les personnes éloignées des grands centres hospitaliers. J'ai visité dans les Côtes-d'Armor un établissement d'hébergement de personnes âgées ayant recours à ces techniques, preuve que les territoires ruraux innovent.

En juin 2014, j'ai lancé un dispositif expérimental renforçant les centres-bourgs dynamiques : 50 communes ont été retenues, et leur liste vient d'être publiée. Le FNADT apportera 15 millions d'euros pour soutenir la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation de leurs projets. La dotation de 6,5 millions d'euros correspond au paiement en 2014 des engagements pluriannuels de 14 millions d'euros. L'Agence nationale de l'habitat apporte, via le programme 135, un financement complémentaire. Les 50 communes choisies recevront en moyenne 40 millions d'euros par an pendant six ans. Nous menons également une politique transversale de soutien aux commerces, à l'artisanat, à l'agriculture et aux services publics. Je crois beaucoup en cette approche globale pour répondre aux préoccupations des élus et des habitants. Le choix des 50 projets fera nécessairement des déçus ; j'ai demandé aux préfets que les candidats non retenus fassent l'objet d'un suivi attentif, et bénéficient des crédits engagés dans les politiques de droit commun.

La redynamisation passe également par le soutien à l'accession à la propriété dans l'ancien dans près de 6 000 communes rurales. Le projet de loi de finances pour 2015 élargit le bénéfice du prêt à taux zéro à l'achat de logements anciens à réhabiliter dans les communes rurales où le taux de vacance est élevé et où les services à la population atteignent un niveau minimal. L'objectif est double : répondre à l'impératif économique de soutien à l'activité des PME et du bâtiment ; favoriser l'accès au logement et redynamiser les territoires ruraux.

L'effort total déployé pour cette politique est de 5,6 milliards d'euros. Il dépasse largement, vous le voyez, le programme 112. Transversalité : tel était le maître mot des Assises de la ruralité, qui se sont achevées dans les Hautes Pyrénées lundi dernier, en présence du Premier ministre. Le comité interministériel à l'égalité des territoires qui lui fera suite proposera des mesures concrètes et pragmatiques pour aider les territoires ruraux.

M. Hervé Maurey , président . - La télémédecine est certes une formidable opportunité pour les territoires dépourvus de médecins, mais comment font ceux qui n'ont pas de haut débit ? Ce sont souvent les mêmes...

M. Rémy Pointereau , rapporteur pour avis (politique des territoires) . - Je présenterai demain mon rapport pour avis à la commission.

Le soutien financier de l'État aux pôles de compétitivité a été sanctuarisé à hauteur de 450 millions d'euros pour la période 2013-2015. Et ensuite ? La volonté affichée d'accroître les ressources privées dans leur financement est un signe de désengagement de l'État. Où en est l'évaluation du dispositif ?

Le dispositif relatif aux grappes d'entreprises prend fin cette année. Que fait-on de celles dont la capacité d'autofinancement est insuffisante sans soutien de l'État ?

Le dispositif des pôles d'excellence rurale ne sera pas reconduit après 2015. Or il a bien fonctionné pour les 378 retenus, qui ont élaboré des partenariats public-privé, accéléré des projets, et contribué à redynamiser leurs territoires. Pourquoi cet arrêt brutal ?

Il faut certes revoir le zonage en matière de revitalisation rurale. Vous avez cité le rapport Calmette-Vigier. Mais une commission d'élus des deux chambres avait déjà été créée au sein de la Datar pour y réfléchir ; or elle n'a pas été réunie depuis trois ans ! Les choses se font sans les sénateurs, qui représentent pourtant les territoires... Ce n'est pas normal.

La revitalisation des centres-bourgs est une excellente politique. Nous pouvons remédier aux commerces qui ferment, aux logements devenus vacants car invendables ou louables mais non éligibles aux dispositifs d'amélioration des logements : il faut pour cela une action nationale qui dépasse l'expérimentation, et associer les élus nationaux aux jurys de sélection.

Les contrats de plan État-région ne fonctionnent pas très bien. Les régions n'ont pas encore été regroupées que des retards s'accumulent déjà dans les négociations. Les dotations de l'État vont de surcroît baisser. Quel sera leur montant pour 2015-2020 ?

Mme Sylvia Pinel, ministre . - Les contrats de plan État-région comprennent une clause de revoyure en 2016 pour tenir compte de la réforme territoriale, et ajuster les priorités aux nouveaux périmètres et aux nouvelles compétences. L'État les finance à hauteur de 12,5 milliards d'euros, ce qui est proche de la précédente génération de contrats. Leur volet territorial sera financé par le FNADT à hauteur de 735 millions d'euros. Les négociations sont en cours, au plus proche du terrain. Le dialogue permanent entre l'État et les préfets de région a permis de faire évoluer les mandats de négociation. Tous les niveaux de collectivités territoriales sont associés à ces discussions. De nombreux présidents de région m'ont fait part de leur volonté de signer des protocoles d'accord au plus vite.

Les appels à manifestation d'intérêt pour les expérimentations que nous menons dans les centres-bourgs retiennent une approche globale et transversale. Dans des fonctions antérieures, j'ai donné aux communes et aux intercommunalités les outils pour soutenir le commerce et l'artisanat et préempter plus facilement. En matière de logements vacants, nous avons étendu le PTZ à certaines communes rurales, là où le taux de logements vacants et d'équipements de proximité l'exigeait, afin de limiter l'étalement urbain et de promouvoir l'attractivité des territoires. Les communes non concernées par les expérimentations profiteront des crédits dégagés dans le volet territorial des contrats de plan État-région.

Toutes les associations d'élus sont représentées dans les jurys de sélection : AMF, ADF, ARF...

M. Rémy Pointereau , rapporteur pour avis . - Je parlais des élus nationaux !

Mme Sylvia Pinel, ministre . - Les pôles d'excellence rurale ont eu globalement un impact positif. Je préfère orienter les crédits du ministère vers la contractualisation, car c'est l'outil le plus adapté et le plus juste. La réussite des pôles a toutefois été contrastée ; une nouvelle génération n'est donc pas prévue. De plus, les meilleurs dossiers sélectionnés dans le cadre des appels à projets avaient souvent bénéficié de l'appui de conseils extérieurs, ce qui n'est guère conforme à l'objectif d'égalité territoriale. Les crédits du FNADT seront par conséquent transférés sur le volet territorial des contrats de plan État-région.

Je suis toute disposée à réunir les parlementaires et le CGET sur la revitalisation rurale. Je souhaite échanger avec les élus locaux, nationaux et leurs représentants sur cette question, pour avancer sur la réforme du zonage et trouver des critères plus adaptés.

Mon ministère n'intervient sur les pôles de compétitivité qu'en ce qui concerne l'animation territoriale des acteurs ; 3 millions d'euros leur sont consacrés dans le programme 112. Le reste provient du fonds interministériel piloté par Emmanuel Macron. Leur évaluation est en cours. Nous n'envisageons pas de nouveaux appels à projets à ce stade.

Le dispositif relatif aux grappes d'entreprises est en effet terminé. Le gouvernement est en train de l'évaluer.

M. Michel Raison . - D'où viennent les fonds relatifs à l'expérimentation dans les centres-bourgs ? Vouloir aider les petits commerces c'est très bien, mais nous n'arrivons plus à mobiliser les crédits du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac). Pouvez-vous intervenir ? Ce fonds est alimenté par la taxe sur la grande distribution. La technique budgétaire a été celle du holdup sur les chambres de commerce, d'agriculture et les agences de l'eau... Y a-t-il eu holdup également sur le Fisac ?

Je n'aime pas beaucoup l'expression d'égalité des territoires. Je préfère parler d'équilibre, même s'il est souvent imparfait. En la matière, votre rôle est très interministériel. Mais avant de financer telle ou telle infrastructure, ne faudrait-il pas identifier celles à supprimer ou celles à préserver de la disparition ? Jadis, Édith Cresson avait engagé - difficilement - la délocalisation de certains établissements, comme l'ENA ou le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles. C'est cela aussi, l'aménagement du territoire ; mais en France, nous n'avons jamais été très bons. Ce n'est certes pas de votre faute si le territoire est déséquilibré, mais que faites-vous pour y remédier ?

M. Jean-François Longeot . - Les territoires ruraux sont une vraie richesse en matière d'espace, de qualité de vie, de développement économique et de vie sociale. Je n'aime guère l'expression égalité des territoires non plus ; je préfère parler d'équilibre, comme pour un être humain : la France doit marcher sur ses deux jambes que sont le rural et l'urbain.

L'État doit nous faire davantage confiance. Si nos concitoyens nous élisent et nous réélisent, c'est que nous sommes capables de gérer nos collectivités ! Nous n'avons pas besoin d'une chape de plomb, de toutes ces contraintes administratives insurmontables, surtout en matière d'urbanisme. Quand je vois que certaines communes mettent dix ans à élaborer un plan local d'urbanisme, les plans locaux intercommunaux m'inquiètent...

En matière médicale, numérique, ou de téléphonie mobile, nous sommes abandonnés. Les opérateurs s'implantent là où les clients potentiels sont les plus nombreux. Mon département du Doubs et ses communautés de communes vont devoir consacrer 184 millions d'euros au numérique sur plusieurs années. On ne cesse de parler du haut débit ; or certains territoires se contenteraient du moyen débit !

M. Hervé Maurey , président . - Nous avons conscience que votre mission n'est pas facile, précisément parce qu'elle est transversale. Tous ces sujets sont aussi de la compétence d'autres ministères. Nous essayons simplement de mesurer ce qui n'a pas été fait. Nous savons évaluer l'impact des politiques sur l'environnement, l'égalité entre les hommes et les femmes, mais pas sur l'aménagement du territoire. Notre commission entend s'y employer.

Je rejoins Jean-François Longeot : il faut faire confiance aux élus. Mais la promotion de l'égalité des territoires est une fonction régalienne par excellence. C'est précisément là que nous attendons l'État ! À lui de mettre en place des mesures fortes pour lutter contre les déserts médicaux ou la fracture numérique, sans lesquelles rien ne bougerait. Que puis-je dire aux élus de mon territoire qui n'ont aucun espoir d'avoir la téléphonie mobile ? L'État ne fait rien, les opérateurs n'ont aucune contrainte, et les départements n'ont pas tous signé la convention relative aux zones blanches. Que puis-je dire aux élus de la vallée de la Levrière qui n'ont pas de couverture en téléphonie mobile ? Le cabinet de votre prédécesseur m'a reçu très aimablement, mais rien n'a bougé. Il y a en effet une forme d'indécence à faire de la publicité pour le très haut débit ou la 4G quand certains n'ont pas même la 2G ! Dans mon département, le numérique ou la présence médicale importent plus que les bureaux de poste.

Mme Sylvia Pinel, ministre . - Nous partageons certains constats. Ces enjeux ont donné lieu à de longues heures de débat au cours des Assises de la ruralité.

Monsieur Longeot, je suis moi-même élue rurale ; les territoires ruraux n'ont pas attendu les Assises pour prendre leur destin en main. Mais nous n'arrivons pas à dupliquer les bonnes initiatives. Comment créer de la complémentarité entre zones urbaines et rurales pour favoriser le développement économique ? J'ai visité une cuisine centrale implantée dans une commune de zone rurale, qui livre des repas aux établissements pour personnes âgées de zone urbaine. L'idée de contrats de réciprocité a été avancée au cours des Assises.

Les Assises ont fait émerger un certain nombre de sujets. D'abord, la dotation globale de fonctionnement. La réforme annoncée par le Premier ministre a pour but de rectifier les inégalités. Ensuite, le numérique et la téléphonie mobile, sans lesquels ne serait-ce que le télétravail ne serait pas possible. Enfin, l'économie de proximité, le petit commerce, l'artisanat, l'économie agricole. Ce ne sont pas seulement des clichés ; des initiatives utiles ont émergé. Nous allons accompagner ce travail. Le Comité interministériel a été créé pour faire des propositions concrètes et pragmatiques. Les Assises ont également permis à de nombreux acteurs, peu associés à ces décisions, de s'exprimer. C'était fondamental pour les territoires ruraux, qui ont trop souvent le sentiment d'être oubliés.

Monsieur Raison, je comprends votre déception. Les 300 dossiers retenus contenaient de très bons projets. Tous n'avaient toutefois pas le même potentiel, ni les mêmes ressources humaines et financières. J'ai demandé aux préfets d'accompagner spécifiquement les communes dont les projets n'ont pas été retenus. À mon arrivée à Bercy, j'ai trouvé un certain nombre de dossiers du Fisac en souffrance, car les budgets précédents n'avaient cessé de diminuer. Songez que le retard de traitement de ces dossiers avait atteint trois ans ! Il a fallu un effort de gestion et un abondement de 140 millions d'euros pour résorber le stock et lancer la réforme de l'artisanat et du commerce en ciblant les crédits du Fonds sur les territoires prioritaires et les territoires ruraux.

Les appels à projets des centres-bourgs seront soutenus par des crédits supplémentaires aux crédits déjà fléchés : 40 millions d'euros par an pour 50 communes, dont 14 millions d'euros en provenance du FNADT, sans parler les fonds de l'Anah et ceux relatifs à l'aide à l'acquisition de logements anciens en zone rurale. Le dispositif sera évalué, et nous trouverons un moyen de généraliser ce dont les territoires ruraux ont besoin.

La notion d'équité territoriale - tendant vers l'égalité - a en effet une forte dimension interministérielle. La création du CGET l'atteste, qui dépend directement du Premier ministre. Il renoue avec une forte ambition de solidarité entre territoires et entre ministères, pour répondre à trois enjeux : la lutte contre les inégalités entre les territoires - en termes d'emplois, en matière sociale, d'infrastructures -, la fin de la dichotomie entre urbain et rural, et la réconciliation de la décentralisation et de l'aménagement du territoire. Tous les ministères en charge de ces dossiers étaient présents lors des Assises de la ruralité. Je vous laisse votre appréciation sémantique ; je trouve pour ma part qu'égalité est un joli mot dans une République - il ne signifie pas uniformité -, et un objectif à ne pas perdre de vue.

Vous citez les expérimentations d'Édith Cresson en matière de délocalisation des services publics. Des expériences ont été conduites - voyez le rapport d'Alain Bertrand sur l'hyper-ruralité. La Caisse d'allocations familiales de Guéret traite des dossiers pour la Caisse d'allocations familiales de Seine-Saint-Denis : voilà une expérience à reproduire ailleurs.

M. Michel Raison . - Nous vous soutiendrons !

Mme Sylvia Pinel, ministre . - Je fais bien sûr confiance aux élus locaux. Leurs territoires sont source de richesse et de dynamisme - parfois démographique - et leurs élus mettent en oeuvre des politiques innovantes et attractives. Nous devons partir du terrain, et de l'expérience des acteurs locaux, qui font un travail remarquable d'aménagement du territoire.

Mon ministère a déjà financé la création de 300 maisons de santé. Nous poursuivrons ce chantier, essentiel pour les territoires ruraux, dans le cadre du volet territorial des contrats de plan État-région.

Le plan Très haut débit rassemble 60 projets dans 71 départements, financés par le Fonds national pour la société numérique à hauteur de 7 milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros publics, auxquels l'État contribuera pour 2 milliards. Dans ma région, le Gers et le Tarn-et-Garonne ont reçu un accord de principe du Premier ministre pour financer des infrastructures de déploiement de très haut débit.

Je compte m'attaquer fortement au problème de la couverture du territoire par le réseau de téléphonie mobile. Les 7 milliards d'euros du FNADT seront mobilisés pour résorber les zones blanches. Le sénateur Pierre Camani et le député Fabrice Verdier ont rendu récemment un rapport sur le service universel des télécommunications. Je n'oublie pas non plus la question des zones grises. Axelle Lemaire et moi-même ferons des propositions. J'ai rencontré de nombreux maires dont les projets de construction sont bloqués par l'absence de couverture mobile, qui nuit à l'attractivité de leur territoire. Le numérique est en effet essentiel pour l'éducation, la culture, les entreprises comme les administrations. Le promouvoir est une manière de lutter contre les inégalités. D'ici 2022, 20 milliards d'euros de financements publics et privés seront mobilisés pour déployer le très haut débit sur tout le territoire.

Je salue votre initiative d'évaluer plus systématiquement les politiques menées en matière d'aménagement du territoire. Je suis consciente que certaines normes pèsent davantage sur les territoires ruraux que sur les territoires urbains.

M. Hervé Maurey , président . - J'ai noté votre souhait de faire évoluer les choses en matière de téléphonie mobile. Mais il y a pire : le manque total d'espoir, sur certains territoires, de voir un jour arriver le haut débit ! En la matière, le gouvernement n'a qu'un rôle de financeur, ce qui favorise le creusement des inégalités. L'égalité est un beau mot, en effet, mais j'aimerais qu'il désigne une réalité... Nous soutiendrons en tout cas vos initiatives en ce sens. Nous vous remercions.

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