D. LES ENJEUX D'ACCESSIBILITÉ

1. Une montée en charge de la mutualisation des services au public

Parmi les mesures destinées à améliorer la vie quotidienne en milieu rural, figure la mise en place d'un socle de services essentiels. Ainsi, un accord national , intitulé « + de services au public » a été signé au mois de septembre 2010 entre l'État, la Caisse des dépôts et consignations, l'Union nationale des points d'information et de médiation multiservices (PIMMS) et neuf opérateurs 7 ( * ) . Les signataires s'engagent à multiplier les points d'accueil dans les zones rurales et à trouver des solutions innovantes pour accroître l'offre de services accessibles dans des lieux uniques. Le bilan de l'expérimentation , menée dans 22 départements métropolitains jusqu'au 31 décembre 2013, devrait être achevé à la fin de l'année 2014 .

Aujourd'hui, de nombreux espaces mutualisés proposent déjà une synergie entre services publics et privés, marchands et non marchands. En particulier, les maisons de services au public (MSAP) regroupent parfois jusqu'à trente partenaires et services , et proposent une offre de proximité articulant présence humaine et usage d'outils numériques (« visio-guichets »).

Au 30 juin 2014, sont recensées 360 MSAP sur l'ensemble du territoire national , présentes dans 19 régions et dans 67 départements. 10 % des départements dotés concentrent 30% des sites : les Vosges, la Saône-et-Loire, la Nièvre, les Ardennes, l'Yonne, le Lot et les Alpes-Maritimes. Six régions concentrent plus de la moitié des MSAP : Bourgogne, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Lorraine, Midi-Pyrénées, Champagne-Ardenne, Rhône-Alpes.

Le Gouvernement a annoncé une montée en charge du dispositif : il est envisagé d'atteindre environ 1 000 espaces mutualisés dans les territoires ruraux et périurbains en 2017. L'exposé des motifs du projet de loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République prévoit de financer cette opération au moyen d'un fonds national de développement des MSAP , alimenté par les contributions des opérateurs nationaux dont la participation serait augmentée à 17,5 M€ (contre 1,5 M€ actuellement). L'objectif serait de rééquilibrer la charge financière en réduisant à 50 % la participation des collectivités territoriales (contre 65 % actuellement).

En parallèle, le projet de loi prévoit l'adoption de schémas départementaux d'accès aux services , précédés d'un diagnostic territorial, établi en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés tout au long de l'année 2015.

Votre rapporteur, qui est également rapporteur pour avis du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, est favorable, dans son principe, à cette démarche. Il craint cependant que ce dispositif ne se traduise par une augmentation inévitable des charges pesant sur les collectivités . Il s'interroge en outre sur la pertinence de l'échelon départemental pour l'élaboration du schéma, alors que la planification stratégique relève davantage du niveau régional .

2. L'heure du bilan pour le déploiement des maisons de santé

L'Observatoire des maisons de santé pluri-professionnelles (MSP) dénombre, au mois d'août 2014, 468 structures ouvertes sur l'ensemble du territoire national , soit une hausse de 76 % par rapport à 2013 (266 MSP). Le nombre de projets supplémentaires continue aussi d'augmenter, avec un total de 462 MSP en cours d'étude ou de réalisation (contre 364 projets de MSP en 2013).

Cependant, le rythme de développement n'est pas homogène sur le territoire national . Dans certaines régions, les acteurs locaux avaient anticipé les difficultés de démographie médicale, ce qui a rendu possible l'émergence rapide de projets déjà mûrs, permettant d'obtenir aujourd'hui un maillage territorial en maisons de santé. Dans d'autres régions, les premiers projets ont été élaborés plus tardivement.

Pour cette raison, le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010 avait lancé un programme national destiné à financer 250 maisons de santé pluri-professionnelles (MSP) sur la période 2010-2013. Ce programme a été renforcé dans le courant de 2013 par l'engagement de 5 millions d'euros supplémentaires, qui devrait permettre de soutenir 50 nouveaux projets en plus des 250 initiatives déjà financées.

RÉPARTITION DES MAISONS DE SANTÉ AU MOIS DE MAI 2014

Source : CGET

Concrètement, le dispositif bénéficie de financements pluriels (FNADT, fonds européens, financements des conseils régionaux et des conseils généraux) à hauteur d'environ 50 000 euros par an en moyenne pour une MSP . On compte en moyenne par maison un peu plus de 4 médecins pour 8 infirmières, 3 pharmaciens et 1,5 chirurgien-dentiste, ce qui atteste le caractère réellement pluri professionnel de ces structures.

Ce « plan 300 MSP », concentré essentiellement sur le milieu rural, est arrivé à échéance le 31 décembre 2013, et l'année 2014 est celle du bilan. Aucun programme spécifique n'est envisagé pour l'avenir : le déploiement des MSP sera intégré au volet territorial des CPER.

Votre rapporteur pour avis a été membre du groupe de travail relatif à la présence médicale sur l'ensemble du territoire , mis en place par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire en 2013-2013, avec Jean-Luc Fichet comme président et Hervé Maurey comme rapporteur. Il se félicite du déploiement des maisons de santé en milieu rural, tout en soulignant que cet outil ne répond que partiellement au problème du déclin de la démographie médicale en zone rurale . Il renvoie aux mesures fortes préconisées à l'époque par le groupe de travail 8 ( * ) , notamment sur la régulation de l'installation des professionnels de santé.

3. Un aménagement numérique du territoire à double-vitesse
a) Dans le domaine de la téléphonie mobile, les déploiements ont essentiellement progressé pour la 4G en zone urbaine

L'état d'avancement du déploiement des réseaux de téléphonie mobile est le suivant :

- concernant la 2G, on constate la couverture de 79 communes entre le 1 er janvier 2013 et le 30 juin 2014, ce qui porte à 97,6 % le taux de réalisation du programme de résorption des 3 310 zones blanches de téléphonie mobile ;

- concernant la 3G, le programme de mutualisation des réseaux 3G (« Ran sharing ») dans les campagnes, portant sur 3 560 communes, aurait dû être achevé fin 2013 : il a été arrêté très en deçà de l'objectif fixé, ce qui a conduit l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) à engager une enquête administrative pouvant donner lieu à une éventuelle procédure de sanction ;

- concernant la 4G, les opérateurs ont très rapidement déployé leurs réseaux sur les zones urbaines, ce qui a permis d'élaborer des offres pour les deux tiers de la population. Il reste à vérifier que l'engagement réglementaire de couverture en 2017 de 40 % de la population des 22 307 communes de la zone prioritaire sera bien tenu.

Sur la période 2015-2017, le FNADT contribuera, à hauteur de 1 M€ par an, à l'achèvement de la résorption des zones blanches de téléphonie mobile, notamment pour les 75 communes ne disposant encore d'aucune couverture .

Votre rapporteur souligne que les niveaux affichés de couverture en 2G et en 3G sont très élevés mais ne correspondent en rien à l'expérience des utilisateurs . Il suffit qu'un seul point d'une commune soit couvert, pour que celle-ci soit considérée comme couverte dans les statistiques. Votre rapporteur insiste donc sur la nécessité d'accélérer la couverture totale du territoire en 3G .

b) Dans le domaine de la couverture fixe, le plan France THD bénéficie d'un effort financier particulièrement marqué

Lancé au printemps 2013, le Plan France Très Haut Débit (THD) vise à couvrir l'intégralité du territoire en très haut débit d'ici 2022 . Il remplace le programme national très haut débit, lancé en 2010. Pour atteindre son objectif, le Plan France THD s'appuie prioritairement sur le déploiement de réseaux mutualisés de fibres optiques et mobilise un investissement de 20 milliards d'euros sur dix ans , partagé entre l'État (20 %), les collectivités territoriales (20 %) et les opérateurs privés (60 %).

Le PLF 2015 comprend un nouveau programme consacré au plan France THD, pourvu de 1,4 milliard d'euros d'autorisations d'engagement. Ces crédits s'ajoutent aux 900 millions d'euros de subventions initialement prévus dans le cadre du programme investissements d'avenir (PIA). Cette somme vise à permettre la montée en charge du plan.

Les modalités de financement du plan France THD

Les investissements sont répartis entre « zones conventionnées » et « réseaux d'initiative publique » (RIP).

Dans les zones où les opérateurs privés ont manifesté leurs intentions d'investissement, le Plan prévoit qu'ils s'engagent à déployer des réseaux FttH (« Fiber to the home ») d'ici 2020 par des conventions tripartites signées avec les collectivités territoriales et l'Etat. Ces conventions permettent aux élus de définir des zones prioritaires de raccordement et d'effectuer un suivi des déploiements . Les zones dites « conventionnées » concernent 57% de la population et représentent un investissement de 6 à 7 milliards d'euros.

D'autre part, lorsque l'initiative privée est insuffisante , le Plan France Très Haut Débit accompagne le déploiement de réseaux d'initiative publique (RIP) portés par les collectivités territoriales . Le déploiement de ces réseaux concerne 43% de la population et s'appuie sur un mix technologique (FttH, montée en débit, technologies hertziennes). D'un investissement de 13 à 14 milliards d'euros, ces déploiements bénéficieront d'une subvention de l'État de 3,3 milliards d'euros , issue des fonds du programme investissements d'avenir (PIA) et des redevances payées par les opérateurs pour l'utilisation de certaines bandes de fréquences 4G : cette enveloppe permettra d'apporter 50% des besoins de subventions publiques. L'accès à des prêts de longue maturité (jusqu'à 40 ans) et à taux faible (taux Livret A + 1%) est également prévu auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Ces prêts sont susceptibles d'être complétés par des emprunts auprès de la Banque européenne d'investissement.

Le déploiement des réseaux fibrés atteint ainsi 3 420 000 prises raccordables à l'été 2014 . Ce résultat est essentiellement dû aux travaux financés par les opérateurs de télécommunication sur les zones denses 9 ( * ) . En effet, la plupart des projets de réseaux d'initiative publique étaient encore en phase de préfiguration ou de négociation, à l'exception de ceux du Calvados, de l'Auvergne et de l'Ain, dont la construction a démarré. Fin novembre 2014, 68 dossiers impliquant 80 départements ont été déposés devant le Fonds national pour la société numérique .

ÉTAT DES LIEUX DES PROJETS DE RÉSEAUX D'INITIATIVE PUBLIQUE EN NOVEMBRE 2014

Source : www.francethd.fr

Afin que les progrès réalisés puissent être suivis en toute transparence, le Gouvernement a lancé l'Observatoire France Très Haut Débit (observatoire.francethd.fr). Ce répertoire cartographique et analytique présente les niveaux de débits et reflète les différentes technologies disponibles par département, par commune et par quartier, tant en métropole qu'outre-mer.

Enfin, pour plus d'efficacité, la création d'une Agence du numérique a été annoncée en mai dernier : elle regroupera la Mission France THD, chargée du plan de déploiement de la fibre, la Délégation aux usages de l'internet, et les équipes de la French Tech et sera placée sous l'égide du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Votre rapporteur souligne la nécessité de faire porter prioritairement les efforts sur la couverture des milieux ruraux les plus enclavés. L'objectif du très haut débit est certes louable, mais il rappelle qu' un certain nombre de ménages n'ont toujours pas accès au haut débit, ni même au bas débit .

Il s'interroge en outre sur l'opportunité de pouvoir faire évoluer à la marge le cadre réglementaire relatif à la concurrence, de telle sorte qu' en cas de carence simultanée d'offres de services fixes et mobiles , le maître d'ouvrage d'un projet de réseau d'initiative publique puisse avoir recours à la 4G et ainsi apporter des offres fixes et mobiles à partir du même équipement .

c) Le lancement de la « French Tech »

Pour aider les start-up françaises à croître très vite et porter une ambition mondiale , la secrétaire d'État au Numérique, vient d'attribuer à neuf écosystèmes le label « Métropole French Tech » : Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Nantes, Montpellier, Rennes et Toulouse. Leur mise en réseau autour de l'écosystème parisien et francilien vise à créer une « équipe de France » du numérique , qui agit comme un vaste accélérateur de start-up . Ces pôles dynamiques concentrent en effet tous les ingrédient s (culture entrepreneuriale, talents, maîtrise technologique, financement) répondant aux besoins des start-up françaises, des investisseurs et des talents étrangers.

La Halle Freyssinet à Paris servira à la fois d'étendard international de la French Tech et de point de ralliement national , avec, en son sein, des espaces d'accueil proposés par la Caisse des dépôts aux start-up issues des écosystèmes en région labellisés French Tech.

Sur le plan financier, un budget de 15 millions d'euros, géré par l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) , est mobilisé pour des opérations d'attractivité internationale, à l'instar de la campagne « Invest in France ». Un fonds d'investissement de 200 millions d'euros (enveloppe du PIA gérée par BPI France) cofinancera à partir de 2015 des accélérateurs de start-up privés.

LES NEUF MÉTROPOLES FRENCH TECH

Source : www.lafrenchtech.com


* 7 EDF, GDF Suez, La Poste, la SNCF, Pôle Emploi, l'Assurance maladie, la Caisse nationale d'Allocations familiales (CNAF), la Mutualité sociale agricole (MSA), la Caisse nationale d'assurances vieillesse (CNAV).

* 8 « Déserts médicaux : agir vraiment » - Rapport d'information n° 335 (2012-2013) de M. Hervé Maurey, fait au nom de la commission du développement durable du Sénat (5 février 2013).

* 9 À noter, l'opération de fusion SFR-Numericable, effective au 27 novembre 2014, a incité le secteur à un moment de prudence concernant les investissements privés dans le déploiement de la fibre optique.

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