B. LES ENJEUX DES NÉGOCIATIONS EN COURS

L'amendement de Doha et la deuxième période d'engagement du Protocole de Kyoto s'inscrivent dans une contradiction. L'amendement affirme la nécessité d'une action urgente et globale de tous les États. Pour autant, il a marqué l'échec à rassembler la communauté internationale dans un accord universel et contraignant. La solution transitoire trouvée, avec la cohabitation d'un système contraignant au sein de la deuxième période d'engagement et des engagements libres dans le cadre de la CNUCC, ne permet pas de faire face aux enjeux alarmants du dérèglement climatique.

L'amendement permet de faire la jonction avec le nouvel accord qui doit être conclu à la COP 21 à Paris en décembre 2015, pour une entrée en vigueur en 2020. Seulement 15 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales étant couvertes par la seconde période d'engagement, il est nécessaire d'adopter un nouvel accord, universel et ambitieux.

C'est dans ce contexte difficile que se tiennent les négociations internationales en cours. La COP 20 à Lima devait notamment permettre de faire avancer les discussions sur deux points cruciaux :

- le calendrier de publication et le contenu des contributions nationales des États en vue de l'accord de 2015 ;

- le traitement du sujet de la responsabilité différenciée des États et du financement des politiques d'adaptation.

C. LES CONCLUSIONS DE LA CONFÉRENCE DE LIMA

Un accord a été adopté de justesse le 14 décembre 2014 au Pérou, « l'appel de Lima pour une action sur le climat », après 36 heures de prolongation de la conférence. Le texte de cinq pages, adopté à l'unanimité, fixe la feuille de route pour l'année 2015. Les négociations ont toutefois achoppé sur le principe de la différenciation entre les pays et sur le contenu des contributions à fournir début 2015 par les États, ce qui a conduit en définitive à l'adoption d'un texte a minima . À un an de la conférence de Paris, beaucoup de points restent encore sur la table.

1. La question sensible de la différenciation des États

La notion de responsabilité commune mais différenciée est un principe fondamental de la convention climat de 1992. La convention de Rio avait réparti les pays en deux catégories, pays industrialisés et pays en développement.

Aujourd'hui, les pays émergents et les pays en développement souhaitent un maintien de cette dichotomie, au nom de l'équité et de la responsabilité historique des pays industrialisés. Ils demandent ainsi une distinction entre pays en développement et pays développés, avec une obligation de soutien financier et technologique pour ces derniers.

A l'inverse, de nombreux pays développés, au premier rang desquels les États-Unis, considèrent que le nouvel accord doit refléter plus fidèlement la nouvelle répartition des responsabilités. L'effort de chaque pays ne serait plus seulement déterminé par ses émissions historiques, mais aussi par le niveau des émissions actuelles et prévisibles. Ces pays prônent donc un abandon de la distinction binaire qui prévalait jusqu'alors.

Les pays vulnérables insistent quant à eux sur la nécessité pour les pays émergents de s'engager davantage.

La négociation bute sur la répartition claire des engagements et des contributions entre les États. Après de nombreuses heures de négociations, l'accord de Lima a inclus quelques gages en faveur des pays en développement sur la différenciation : le paragraphe 3 souligne l'engagement pris par les États d'atteindre un accord ambitieux qui reflète la responsabilité commune mais différenciée et les capacités respectives des différentes parties, « à la lumière des circonstances nationales ». La nécessité de renforcer l'adaptation est réaffirmée, sans pour autant se prononcer sur le sujet du financement. L'accord rappelle simplement le rôle des pays développés dans le soutien financier aux pays plus vulnérables.

Au vu de la difficulté à aboutir à un accord à Lima à cause de cette question, et du résultat peu ambitieux inscrit dans la déclaration finale, la différenciation sera au coeur de la préparation de la conférence de Paris si l'on ne veut pas que ces négociations échouent.

2. Les contributions des États en vue de Paris 2015

L'idée de présenter des contributions nationales au cours de l'année 2015 traduit la volonté de ne pas réitérer l'échec de Copenhague, où les chefs d'État n'avaient pas pu trouver d'accord du fait des trop nombreux points restant en discussion. L'idée est également de rompre avec la logique verticale du Protocole de Kyoto, et de partir des États et de leurs propres engagements.

La conférence de Lima devait permettre de préciser le calendrier de publication des contributions des États, et également leur contenu. Le résultat est en-deçà de ce qui était espéré.

Les contributions nationales que les pays sont invités à communiquer ne devront finalement pas comporter d'informations obligatoires. Il est simplement précisé qu'elles devront représenter une progression par rapport à la situation actuelle, au vu de l'objectif de limitation du réchauffement à 2° C, ce qui n'est pas très contraignant.

Le projet d'accord de Lima prévoyait un examen des contributions nationales par un tiers au cours de l'année 2015, pour s'assurer que les engagements annoncés par les différents pays permettent bien d'atteindre la cible de réduction des émissions. Le document final n'en fait plus mention. Il évoque simplement un rapport de synthèse du secrétariat de la convention, d'ici au 1 er novembre 2015, soit très tardivement par rapport au début de la conférence de Paris.

De manière générale, l'accord de Lima reste très vague sur les actions à mener d'ici à 2020, date d'entrée en vigueur supposée de l'accord de Paris. Le paragraphe 17 encourage uniquement les parties à ratifier et mettre en oeuvre l'amendement au Protocole de Kyoto sur la deuxième période d'engagement.

En annexe de l'accord, un texte de 37 pages est présenté comme le brouillon de l'accord de Paris. Ce texte affirme un certain nombre de principes mais laisse des dizaines d'options ouvertes. Il sera difficile d'obtenir sur cette base une proposition d'accord d'ici à mai 2015 comme cela est pourtant prévu.

Le contenu des contributions à fournir par les États parties à la convention climat, la différenciation de la responsabilité des pays, le financement des politiques d'adaptation sont autant de sujets qui devaient être tranchés, ou tout au moins fortement avancés à la conférence de Lima, pour faire en sorte que la conférence de Paris n'hérite pas de problèmes inextricables. Votre commission regrette que cela n'ait malheureusement pas été le cas. Lima a mis en lumière l'écart entre l'état actuel des négociations et l'ambition d'un accord universel et juridiquement contraignant en 2015.

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