PREMIÈRE PARTIE - LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT POUR 2016 DANS LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PLURIANNUELLE

I. LES PERSPECTIVES PLURIANNUELLES DES FINANCES SOCIALES

Le redressement des comptes des administrations de sécurité sociale présente une importance centrale dans la trajectoire pluriannuelle des finances publiques en raison du « poids » de celles-ci dans la dépense publique (cf. infra ). Aussi les efforts engagés dans le champ de la protection sociale seront-ils déterminants dans l'atteinte des objectifs budgétaires que le Gouvernement s'est donnés.

À titre de rappel, les orientations budgétaires pluriannuelles ont été arrêtées dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 1 ( * ) . Celle-ci a prévu le retour du déficit structurel à 0,2 % du PIB en 2019 , qui correspond à l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel fixé en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ainsi que celui du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017 . Toutefois, cette dernière « cible » a été arrêtée de manière anticipée, le report de 2015 à 2017 du délai de correction du déficit excessif dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) n'ayant été acté par le Conseil de l'Union européenne que le 10 mars 2015.

Les trajectoires successives des finances publiques

(en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Solde public

LPFP 2012-2017

- 2,2

- 1,3

- 0,6

- 0,3

LPFP 2014-2019

- 4,4

- 4,1

- 3,6

- 2,7

- 1,7

- 0,7

PStab. 2015-2018

- 4,0

- 3,8

- 3,3

- 2,7

- 1,9

PLF 2016

- 3,9

- 3,8

- 3,3

- 2,7

- 1,9

- 1,3

Solde structurel

LPFP 2012-2017

- 1,0

- 0,8

- 0,5

- 0,3

LPFP 2014-2019

- 2,4

- 2,1

- 1,8

- 1,3

- 0,8

- 0,2

PStab. 2015-2018

- 2,0

- 1,6

- 1,1

- 0,6

- 0,1

PLF 2016

- 2,0

- 1,7

- 1,2

- 0,7

- 0,2

0,0

Dette publique

LPFP 2012-2017

90,5

88,5

85,8

82,6

LPFP 2014-2019

95,2

97,1

97,7

97,0

95,1

92,4

PStab. 2015-2018

95,0

96,3

97,0

96,9

95,5

PLF 2016

95,6

96,3

96,5

96,5

95,2

93,2

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

En tout état de cause, après avoir sans cesse reporté l'atteinte de ses objectifs budgétaires, comme le montre le tableau ci-avant, le Gouvernement tirerait partie du retour de la croissance économique pour ramener le déficit effectif sous le seuil des 3 % du PIB , aidé en cela par une estimation du solde révisé à la hausse pour 2014 de - 4,4 % du PIB à - 3,9 % par les données les plus récentes de l'Insee. Ainsi, il ferait du retour du déficit effectif la principale finalité de sa trajectoire des finances publiques , faisant passer au second plan l'amélioration du solde structurel, à laquelle le Gouvernement accordait pourtant tant d'importance lorsque le contexte conjoncturel était moins favorable.

La recommandation du Conseil de l'Union européenne
du 10 mars 2015

(en % du PIB)

2015

2016

2017

Objectifs de solde public effectif

4,0

3,4

2,8

Objectifs d'amélioration du solde structurel

0,5

0,8

0,9

Source : commission des finances du Sénat (d'après la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 visant à ce qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France)

En effet, la trajectoire gouvernementale ne permettrait pas de respecter les cibles d'ajustement structurel arrêtées par le Conseil de l'Union européenne dans sa recommandation du 10 mars 2015 (cf. tableau ci-avant). De même, le Gouvernement ne serait en mesure d'afficher un ajustement structurel de 0,5 point par an au titre de la période 2016-2018, soit le niveau minimal requis par le Pacte de stabilité et de croissance pour les États soumis à la procédure de déficit excessif, qu' au prix d'une modification des hypothèses de croissance potentielle - déterminantes dans le calcul du solde structurel -, fortement critiquée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) 2 ( * ) , dès lors qu'elle est en contradiction avec la lettre et l'esprit de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 3 ( * ) , et qu'elle gêne considérablement le suivi du respect de la trajectoire pluriannuelle de solde structurel. Ce point d'importance a fait l'objet d'une analyse approfondie du rapporteur général de la commission des finances dans le cadre du rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2016 4 ( * ) .

Malgré cela, en raison du « calibrage » initial de la trajectoire de solde structurel et d'une exécution qui s'est révélée plus favorable qu'anticipé, l'objectif de solde structurel figurant dans la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 serait respecté en 2016 , y compris en tenant compte des effets induits par la révision des hypothèses de croissance potentielle. À cet égard, le Haut Conseil des finances publiques s'est appliqué à examiner, dans son dernier avis 5 ( * ) , les estimations de solde structurel calculées avec les hypothèses retenues dans la loi de programmation ; sur cette base, celui-ci a relevé que « la trajectoire de solde structurel [était] en avance sur les objectifs de la loi de programmation ». En effet, le Haut Conseil a indiqué que « pour l'année 2014, le déficit structurel des administrations a été inférieur de 0,4 point à l'objectif de la loi de programmation, notamment en raison d'une augmentation de la dépense publique moins rapide que prévu. Cet écart se reporte en niveau les années suivantes : les déficits structurels présentés dans le projet de loi de finances sont également inférieurs en 2015 et 2016 à ceux fixés en loi de programmation (- 1,7 % du PIB en 2015 contre - 2,1 % en loi de programmation, et - 1,3 % du PIB en 2016 contre - 1,8 %) ».

Dès lors, en raison de l'exécution 2014, le déficit structurel pour l'année 2016 serait inférieur aux orientations pluriannuelles des finances publiques (- 1,8 % du PIB), que celui-ci soit calculé à partir des hypothèses de croissance potentielle de la dernière loi de programmation (- 1,3 % du PIB) ou de celles utilisées pour établir l'article liminaire du projet de loi de finances pour 2016 (- 1,2 % du PIB), commun au projet de loi de financement de la sécurité sociale (cf. tableau ci-après).

Trajectoire du solde structurel calculée à partir
des hypothèses de la LPFP 2014-2019

(en % du PIB potentiel)

2014

2015

2016

LPFP 2014-2019

- 2,4

- 2,1

- 1,8

PLF pour 2016 (article liminaire)

- 2,0

- 1,7

- 1,2

PLF pour 2016 (croissance potentielle de la LPFP)

- 2,0

- 1,7

- 1,3

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données publiées par le Haut Conseil des finances publiques)

Dans la continuité du mouvement engagé en 2015, la consolidation budgétaire reposerait exclusivement sur un effort en dépenses au cours de l'année 2016. En effet, le Gouvernement a arrêté un programme d'économies de 50 milliards d'euros pour la période 2015-2017 qui a vocation à assurer le respect de la trajectoire des finances publiques ; il s'agit désormais, sans aucun doute, de l'élément le plus intangible de la stratégie budgétaire gouvernementale , le quantum d'économies demeurant inchangé en dépit des annonces de dépenses supplémentaires et des nouvelles réductions de la fiscalité.

Quoi qu'il en soit, le choix du Gouvernement a été de répartir les économies entre sous-secteurs des administrations publiques en fonction de leur poids respectif dans la dépense publique , comme le fait apparaître le tableau ci-après.

Répartition de l'effort en dépenses sur la période 2015-2017
entre les administrations publiques

État et ODAC

APUL

ASSO

Part dans les économies

38,0 %

21,4 %

40,6 %

Part dans les dépenses publiques

37,4 %

19,0 %

43,5 %

Part dans le déficit public

84,7%

5,3 %

10,0 %

Part dans la dette publique

81,8 %

9,5 %

8,7 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de finances pour 2016 et des données de l'Insee pour l'exercice 2014)

Ainsi, l' État et ses opérateurs porteraient 19 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017, les collectivités territoriales 10,7 milliards d'euros et les administrations de sécurité sociale (ASSO) 20,3 milliards d'euros, dont une part importante - soit 10 milliards d'euros - serait réalisée dans le champ de l' objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

De même, l'effort serait réparti sur toute la période 2015-2017, le montant des économies attendues étant de 18,6 milliards d'euros en 2015, de 16 milliards d'euros en 2016 et de 15,4 milliards d'euros en 2017 (cf. tableau ci-après).

Économies mises en oeuvre sur la période 2015-2017

(en %)

2015

2016

2017

Cumul

Total

18,6

16,0

15,4

50,0

État et opérateurs

8,7

5,1

5,1

19,0

Collectivités territoriales

3,5

3,5

3,7

10,7

Administrations de sécurité sociale

6,4

7,4

6,5

20,3

ONDAM

3,2

3,4

3,4

10,0

Autres

3,2

4,0

3,1

10,3

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016

Outre le redressement des comptes publics, le programme de 50 milliards d'euros d'économies permettrait de financer la baisse des prélèvements obligatoires s'inscrivant dans le Pacte de responsabilité et de solidarité . En particulier, celui-ci conduirait à une baisse de la charge fiscale des entreprises d'un montant cumulé de 41 milliards d'euros à l'horizon 2017 qui porterait, dans une large mesure, sur les contributions perçues par les administrations de sécurité sociale (ASSO), à l'instar des cotisations sociales et de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) - les pertes afférentes étant toutefois compensées par l'État.

Mesures en faveur des entreprises dans le cadre du Pacte de responsabilité
et de solidarité

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

CICE (créance fiscale)

- 10,0

- 17,5

- 18,5

- 19,5

Pacte de responsabilité et de solidarité

-

- 6,5

- 13,5

- 20,5

Dont allègement des cotisations sociales

-

- 5,5

- 9,0

- 10,0

Dont suppression progressive de la C3S

-

- 1,0

- 2,0

- 5,5

Plans d'investissement et TPE/PME

-

- 0,5

- 1,0

- 1,0

Total des mesures en faveur des entreprises

- 10,0

- 24,0

- 33,0

- 41,0

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016


* 1 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 2 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-01 du 13 avril 2015 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

* 3 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 4 Rapport d'information n° 601 (2014-2015) préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2016 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 23-25.

* 5 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2016.

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