Avis n° 165 (2015-2016) de MM. Gérard CÉSAR , Jean-Jacques LASSERRE et Mme Frédérique ESPAGNAC , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 19 novembre 2015

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N° 165

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

Par MM. Gérard CÉSAR, Jean-Jacques LASSERRE et
Mme Frédérique ESPAGNAC

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, MM. Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen des crédits du budget 2016 en faveur de l'agriculture s'inscrit dans un contexte très particulier, marqué par la crise violente et puissante que traversent les filières d'élevage .

Depuis le printemps, les producteurs de lait, les producteurs de porcs ou encore de viande bovine font face à une baisse importante des prix, qui dégradent considérablement leur trésorerie.

Face à cette crise, une batterie d'instruments a été déployée par les pouvoirs publics : le plan de soutien à l'élevage annoncé en juillet a été renforcé en septembre, notamment pour alléger les charges fiscales et sociales dues par les exploitations touchées par la crise. Des mesures ont également été prises pour alléger les charges financières devenues insupportables.

Mais au-delà des difficultés conjoncturelles qu'elles rencontrent, l'agriculture et l'agroalimentaire semble bien souffrir de difficultés structurelles liées à un déficit de compétitivité , dans un contexte de volatilité accrue des marchés lié au démantèlement des outils de régulation de la politique agricole commune (PAC), qui nécessitent de compter d'abord et avant tout sur ses propres performances pour tirer son épingle du jeu dans la compétition mondiale.

La fin des quotas laitiers au printemps dernier a précipité la filière laitière - qui avait pourtant le temps de se préparer aux conséquences d'une décision prise en 2008 - dans de graves difficultés, alors même que les effets de l'embargo russe avaient contraint les opérateurs économiques européens à se rabattre sur le marché intérieur.

Les facteurs conjoncturels et structurels se sont donc combinés pour rendre la crise que nous traversons à la fois brutale et douloureuse.

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit des crédits en baisse sensible pour l'agriculture, l'alimentation, la forêt et les affaires rurales . Mais les crédits budgétaires représentent moins de 10 % de l'ensemble des contributions publiques en faveur du secteur agricole au sens large. En outre, ils supportent plutôt les « frais de fonctionnement » du support à l'agriculture, en servant surtout à payer les personnels des services du ministère de l'agriculture et des établissements publics rattachés. Les crédits d'intervention ne constituent pas une quantité négligeable mais ne sont pas non plus prépondérants.

Le projet de loi de finances ne comporte par ailleurs aucune disposition fiscale majeure qui pourrait transformer les conditions d'exercice de l'activité des agriculteurs.

Au final, le budget 2016 s'inscrit largement dans la continuité des budgets précédents. Il met l'agriculture à contribution du redressement des finances publiques, en poursuivant la réduction de ses crédits d'engagement ou de paiement, même si une partie importante de la baisse s'explique par des transferts à d'autres budgets, ou par la prise en charge de dispositifs précédemment budgétisés par des crédits européens.

L'exercice de restrictions budgétaires appliqué à l'agriculture trouve cependant assez rapidement ses limites : les crédits de crise étant extrêmement limités en loi de finances initiale, il a été nécessaire en cours d'année 2015 d'abonder les enveloppes de crise en puisant sur les crédits mis en réserve. Ceux-ci n'ont d'ailleurs pas suffi à faire face aux dépenses supplémentaires liées au refus d'apurement communautaire sur les aides directes, qui a des conséquences financières très lourdes pour la France : ainsi, en loi de finances rectificative pour 2015, c'est plus d'1 milliard d'euros de crédits supplémentaires que le Gouvernement est contraint d'affecter à l'agriculture, pour faire face aux engagements pris en cours d'année.

On peut craindre de se heurter au même phénomène d'insuffisance de crédits en 2016 si la crise agricole durait, nécessitant d'activer les mêmes outils de gestion des crises. En outre, le budget 2016, en ne renforçant pas massivement l'investissement en agriculture, ne met pas à disposition du monde agricole les instruments de sa progression. C'est essentiellement hors budget agricole que se trouvent en effet les moyens de soutien aux filières : programme des investissements d'avenir, ou encore compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR).

Lors de sa réunion du 24 novembre 2015, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016 au sein de la mission : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », le rapporteur Gérard César recommandant un avis défavorable, le rapporteur Jean-Jacques Lasserre recommandant un avis de sagesse et la rapporteure Frédérique Espagnac recommandant un avis favorable.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016 au sein du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural », les trois rapporteurs recommandant un tel avis favorable.

I. L'AGRICULTURE MISE À CONTRIBUTION DU REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS.

A. UN BUDGET GLOBALEMENT EN BAISSE, QUI NE REPRÉSENTE QU'UNE FAIBLE PART DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN FAVEUR DE L'AGRICULTURE.

1. La tendance à la baisse du budget de l'agriculture se poursuit en 2016.

Avec presque 2,82 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2,75 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 3,12 milliards d'euros en AE et 2,94 milliards d'euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2015, les crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » baissent respectivement de 9 % en AE et de 6,5 % en CP .

La contraction des crédits budgétaires en faveur de l'agriculture s'inscrit dans une tendance de long terme. Depuis 2012, c'est 1 milliard d'euros qui a disparu des crédits de la mission, soit presque un tiers des crédits .

Si l'on prend en compte le programme 142 « enseignement supérieur et recherche agricoles », qui relève de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » et le programme 143 « enseignement technique agricole », rattaché à la mission « enseignement scolaire », la baisse de crédits est moins prononcé car ces programmes ont bénéficié d'efforts budgétaires importants durant les derniers exercices.

L'objectif de création de 1 000 postes dans l'enseignement technique agricole sur cinq ans explique la tendance à l'augmentation des crédits du programme 143. Pour 2016, ce sont 140 postes d'enseignants et 25 postes d'auxiliaires de vie scolaire qu'il est prévu de créer, ce qui explique en partie la hausse de 7 millions d'euros du plafond de crédits.

Concernant l'enseignement supérieur agricole, le renforcement du soutien financier aux établissements, et en particulier à l'école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort, constitue l'un des axes de la programmation budgétaire.

Outre les crédits budgétaires de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et des programmes rattachés à d'autres missions, d'autres lignes budgétaires relevant d'autres programmes contribuent à soutenir le secteur agricole. D'après les informations fournies à vos rapporteurs, le total des concours nationaux à l'agriculture provenant de crédits budgétaires atteignait en 2014 6,2 milliards d'euros . Le budget agricole ne représente donc même pas la moitié du total des concours budgétaires.

Budget (en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

PROG 154

2 084

2 112

1 780

1 793

1 458

1 632

1 624

1 420

1 390

1 303

PROG 149

350

358

291

315

321

338

279

297

278

291

PROG 206

492

492

511

511

505

505

501

501

489

487

PROG 215

758

751

729

739

722

733

716

724

660

664

Total mission

3 684

3 713

3 311

3 358

3 006

3 208

3 120

2 942

2 817

2 745

CASDAR

111

111

111

111

126

126

148

148

148

148

PROG 142

306

307

396

310

312

312

334

331

334

333

PROG 143

1 316

1 303

1 321

1 325

1 345

1 345

1 380

1 380

1 387

1 387

Total général

5 417

5 434

5 139

5 104

4 789

4 991

4 982

4 801

4 686

4 613

Source : PLF

2. L'importance des autres formes de soutien à l'agriculture.
a) Les soutiens fiscaux.

Au-delà des soutiens budgétaires, le secteur agricole est destinataire de dispositions fiscales sous forme d'exonérations et dégrèvements, dont les plus importants sont l'exonération partielle de taxe intérieure de consommation sur le gazole non routier, l'exonération d'impôt sur les sociétés des coopératives agricoles , l'exonération fiscale dont bénéficient les biocarburants, en voie de forte réduction, la déduction pour aléas ou encore la déduction pour investissement, ou encore le crédit d'impôt remplacement. Il existe aussi des dispositifs d'allègement des impôts locaux, dont le plus important est l'exonération de la part communale ou intercommunale de taxe foncière sur les propriétés non bâties, à hauteur de 20 %, estimée à 168 millions d'euros pour 2016.

Pas moins de 25 dispositifs sont rattachés à la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », pour un montant chiffré en 2016 à 2,7 milliards d'euros, soit autant que les crédits budgétaires de la mission.

Ce chiffrage doit cependant être pris avec prudence :

- d'abord concernant le dispositif d'exonération de taxe intérieure de consommation, la totalité de son coût, soit 1,82 milliards d'euros est imputé à l'agriculture, alors que d'autres acteurs que les acteurs agricoles, notamment le secteur des transports, en bénéficient également ;

- ensuite, certains dispositifs ne sont pas évalués pour 2016, comme la déduction pour aléas ou la déduction pour investissement ;

- enfin, tous les mécanismes de calcul de l'impôt dû par les professionnels de l'agriculture ne font pas l'objet d'une évaluation, alors même que la fiscalité de l'agriculture fait l'objet de nombreuses spécificités.

Au final, il reste assez difficile d'évaluer l'avantage fiscal dont bénéficie l'agriculture française, même si un chiffrage autour de 2 milliards d'euros paraît assez réaliste .

Le projet de loi de finances pour 2016 comprend très peu de nouvelles dispositions fiscales ou parafiscales, avec seulement la disparition de taxes à faible rendement, comme la taxe générale sur les activités polluantes réclamée à l'occasion des déclarations d'installations classées, et l'extension des avantages fiscaux accordés aux installations de méthanisation agricole pour les installations pionnières, qui en avaient été exclues l'année dernière.

Malgré l'abondance de propositions pour moderniser une fiscalité agricole pas assez adaptée aux nouvelles conditions d'exercice de l'activité agricole, et notamment au développement de l'agriculture de groupe et à la montée des aléas de toute nature, le Gouvernement a fait le choix de ne pas bouleverser les règles du jeu fiscal en 2016 .

Lors de la discussion du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, les députés ont toutefois adopté plusieurs dispositions visant à améliorer la transparence fiscale des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), pour favoriser l'exercice en commun des activités agricoles. Les députés ont aussi étendu le bénéfice du suramortissement autorisé par la loi Macron pour les investissements productifs aux coopératives d'utilisation de matériels en commun (CUMA), en rétrocédant l'avantage fiscal aux adhérents de ces coopératives.

Maintes fois annoncée, la réforme du forfait agricole ne figure ni au projet de loi de finances ni au projet de loi de finances rectificative. Pourtant, il y a urgence à agir, pour donner à l'agriculture tous les outils pour s'adapter au monde moderne .

b) Les crédits européens.

L'essentiel des soutiens budgétaires directs aux agriculteurs passe désormais par les crédits européens de la politique agricole commune (PAC).

Le Conseil européen de février 2013 était parvenu à un accord sur le cadre financier pluriannuel s'appliquant aux budgets de l'Union européenne pour les années 2014 à 2020, avec une enveloppe pour la PAC de 408 milliards d'euros (euros courants).

Les aides directes du premier pilier représentent 312,7 milliards d'euros et les aides destinées au développement rural du deuxième pilier représentent 95,6 milliards d'euros sur la période.

Pour la France, une enveloppe de presque 64 milliards d'euros (euros courants) est mise à disposition sur sept ans , la baisse des crédits du premier pilier étant en partie compensée par une hausse de celles du deuxième pilier.

En 2016, les crédits de la PAC devraient représenter en France un peu moins de 9 milliards d'euros , dont 7,3 en provenance du premier pilier et 1,6 en provenance du deuxième pilier (doté de 10 milliards d'euros sur sept ans).

La PAC est donc la source prépondérante des soutiens budgétaires apportés au secteur agricole.

c) Les autres contributions.

Il existe encore d'autres contributeurs publics qui interviennent en faveur de l'agriculture :

- les collectivités territoriales fournissent un appui qui est évalué à environ 1 milliard d'euros , même si l'évaluation est assez approximative. La place des collectivités, en particulier des régions, dans le financement de la politique en faveur de l'agriculture devrait se renforcer avec la régionalisation du deuxième pilier de la PAC, qui devrait aboutir à davantage de cofinancements régionaux des mesures communautaires.

- ensuite, le régime des prestations sociales agricoles distribue plus de 19 milliards d'euros de prestations chaque année. Compte tenu du déficit démographique de ce régime, il est financé pour 13,4 milliards d'euros par les contributions des autres régimes .

B. LE PROGRAMME 154 À SON ÉTIAGE BAS.

1. Une dotation en nette baisse pour le principal programme de la mission.

Principal programme de la mission, le programme 154 intitulé « économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » porte les crédits nationaux destinés aux programmes d'intervention économique dans le secteur agricole et agroalimentaire.

Avec 1,39 milliard d'euros en AE contre 1,62 milliard d'euros proposés en 2015 et 1,3 milliard d'euros en CP contre 1,42 milliard l'année dernière , ce programme enregistre une baisse très sensible de ses dotations.

? Une part de la baisse s'explique par des raisons techniques :

- le projet de budget 2015 avait été marqué par l'inscription de la totalité de l'enveloppe quinquennale des mesures agroenvironnementales (MAE) en AE, soit plus de 300 millions d'euros. Cette enveloppe revient à un niveau de croisière de 72 millions d'euros, destinés d'une part à signer de nouveaux engagements dans des MAE système ou des MAE territorialisées, et d'autre part à engager les cofinancements nationaux des mesures d'aide à l'agriculture biologique prévues dans le cadre du deuxième pilier de la PAC. Ce cofinancement est de 25 % ;

- par ailleurs, le budget 2016 est marqué par la poursuite du transfert de dépenses vers le budget de la PAC , ce qui explique largement les baisses de CP sur l'installation ou encore sur la gestion des risques.

? Une part de la baisse résulte aussi de choix politiques :

- les crédits de l'action n° 11 consacrée à l'adaptation des filières à l'évolution des marchés présentent ainsi une diminution de 8 millions d'euros (4,5 %) en AE et de 9,8 millions d'euros (5,5 %) en CP, du fait de la réduction de 4,5 millions d'euros du montant de la délégation de service public attribuée à la SOPEXA pour les actions de promotion et d'accompagnement à l'export, et de la non reconduction en 2016 de la subvention exceptionnelle accordée au centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) en compensation de la diminution du plafond de sa taxe fiscale affectée. Le financement du CTIFL devrait relever d'une contribution volontaire obligatoire à partir de 2016 ;

- les crédits de l'action n° 15 , qui porte les subventions attribuées pour leur fonctionnement aux opérateurs du programme, sont aussi réduits de 5,7 %, pour s'établir à 266 millions d'euros au lieu de 282 millions d'euros en 2015. Cette réduction s'explique principalement par la baisse de la subvention pour charges de service public (SCSP) attribuée à FranceAgrimer à hauteur de près de 5 millions d'euros 1 ( * ) et par la non-reconduction de la subvention exceptionnelle de l'Agence de services et de paiement (ASP), qui n'est destinataire que de 108 millions d'euros dans le budget 2016, contre 120 millions d'euros en 2015 ;

- enfin, la compensation par l'État des moindres recettes perçues par les organismes de sécurité sociale, principalement la Mutualité sociale agricole, du fait du dispositif d'exonération de charges patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels , représente une enveloppe de 411 millions d'euros pour 2016 contre 418 millions d'euros en 2015, du fait d'une prévision de moindre utilisation de ce dispositif.

? À l'inverse, certaines lignes budgétaires font l'objet de maintien voire de renforcements :

- les crédits à l'agriculture biologique sont préservés , conformément au plan « Ambition bio 2017 » et aux années passées. Le budget alloué au fonds avenir bio est maintenu à 4 millions d'euros ;

- l' aide à la filière canne à sucre outre-mer reste au même niveau qu'en 2015 : 86,4 millions d'euros, et les crédits en faveur de l'agriculture ultramarine programmés dans le cadre du Comité interministériel de l'outre-mer (CIOM) , passent de 31,5 à 35 millions d'euros ;

- l'enveloppe consacrée à l' indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) progresse de 24 millions d'euros, passant de 232 à 256 millions d'euros entre 2015 et 2016, du fait de l'ouverture du bénéfice de l'aide aux éleveurs laitiers en zone de piémont et en zone défavorisée simple. Compte tenu des cofinancements européens, l'ICHN représentera plus d'un milliard d'euros en 2017, soit 300 millions de plus qu'en 2013 pour les deux dispositifs fusionnés de l'ICHN et de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) ;

- enfin, l'appui à la modernisation des exploitations fait l'objet d'une rallonge budgétaire de 30 millions d'euros pour s'établir à 86 millions d'euros en 2016 . Mais cette hausse des AE cache une baisse importante des CP, qui passent de 44 à 30 millions d'euros seulement.

2. L'installation des jeunes agriculteurs : une priorité préservée mais désormais financée essentiellement hors budget.
a) Des soutiens multiples à l'installation des jeunes agriculteurs.

La priorité à l'installation de jeunes agriculteurs afin de favoriser le renouvellement des générations a été réaffirmée encore récemment à l'occasion de la discussion de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, avec un objectif quantitatif de 6 000 installations aidées par an.

Le soutien à l'installation repose sur un panel d'instruments :

- la dotation jeune agriculteur (DJA) , dont le montant varie de 8 000 à 30 000 € selon la zone d'installation et les caractéristiques du projet. La moyenne nationale des montants de DJA attribuées en 2014, toutes zones confondues, s'établit à 16 784. Le coût global de ce dispositif s'élève à environ 125 millions d'euros ;

- les prêts bonifiés à l'installation (dits à moyen terme spéciaux ou MTS-JA), qui ont pour objet d'aider au financement des investissements de démarrage. Ils s'élèvent à 2,5 % pour les exploitations situées en zone de plaine, et 1 % pour les exploitations situées en zone défavorisée ou de montagne. La durée du prêt est ramenée de 7 à 5 ans depuis 2015 et l'avantage financier apporté par la bonification des prêts est plafonnée à 11 800 € en zone de plaine et 22 000 € en zones défavorisées. Une enveloppe du même ordre que celle destinée à la DJA soutient ce dispositif ;

- le programme pour l'installation des jeunes en agriculture et de développement des initiatives locales (PIDIL) , destiné à encourager les transmissions d'exploitations à des jeunes s'installant hors cadre familial ou sur des petites structures ayant besoin d'être confortées. Ce programme n'est pas cofinancé par l'Union européenne. Il représentait environ 12 millions d'euros, financés par le fonds d'incitation et de communication à l'installation en agriculture (FICIA) ;

- les stages à l'installation , qui font l'objet de versement d'indemnités aux organismes de formation, aux stagiaires et aux exploitants maîtres de stage, représentent pour 2016 à peine 2,5 millions d'euros ;

- des dispositions fiscales favorables sont accordées aux jeunes agriculteurs , à travers un abattement sur les bénéfices taxables (pour un montant estimé à 55 millions d'euros en 2014 et non chiffré depuis) et un dégrèvement d'office de taxe foncière sur les propriétés non bâties (pour un montant estimé à 9 millions d'euros en 2016) ;

- des exonérations partielles et dégressives de cotisations sociales pendant cinq ans sont aussi prévues pour les jeunes agriculteurs, pour un coût pris en charge par la MSA de l'ordre de 42 millions d'euros, d'après les annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

- enfin, la réforme de la PAC a permis la mise en place d'une bonification de droits à paiements de base (DPB) pour les jeunes agriculteurs. L'enveloppe correspondante est d'environ 75 millions d'euros.

b) Le désengagement budgétaire de l'État sur l'installation.

Le financement de ces mesures relève de moins en moins de crédits budgétaires et de plus en plus d'autres sources, du fait de plusieurs phénomènes :

- pour la DJA et les MTS-JA, la clé de financement entre le budget national et les crédits européens a évolué en 2014, le soutien de la PAC passant de 50 à 80 %. En 2016, l'enveloppe globale sur ces deux dispositifs sera de moins de 30 millions d'euros contre plus de 100 millions d'euros en 2012 ;

- le budget d'accompagnement à l'installation est de plus en plus réduit : après la fin du financement par le budget de l'État du FICIA depuis la loi de finances pour 2015. Ce sont les recettes provenant de la taxe sur les plus-values réalisées sur les terrains agricoles rendus constructibles, estimées à 12 millions d'euros par an, qui doivent prendre le relais. Dans le même temps, le budget 2016 est marqué par une baisse de 3,7 à 2,5 millions d'euros des crédits en faveur des stages à l'installation. On peut craindre qu'il s'agisse d'un prélude à une débudgétisation totale des aides aux stages .

Au final, d'importants moyens sont consacrés au soutien à l'installation, mais la part des crédits du ministère de l'agriculture tend à devenir, si ce n'est marginale, du moins faible. Il conviendra de rester vigilant sur la disponibilité de tels financements, indispensables pour conserver une ambition forte en matière d'installation .

L'arrivée prochaine à la retraite de nombreux exploitants, en particulier dans les filières animales, constituera un défi majeur pour la politique d'installation et pourrait générer d'importante tensions sur les moyens qui lui sont consacrés.

3. La gestion des risques en agriculture : un dispositif essentiel qui ne fait quasiment plus l'objet de budgétisation.
a) La majeure part du financement de la gestion des risques transférée aux crédits européens.

La gestion des risques constitue l'un des enjeux majeurs pour l'agriculture, auquel le budget 2016 ne répond qu'imparfaitement .

En effet les crédits de l'action n° 12 ne sont plus que résiduels, représentant moins de 4 millions d'euros.


• Le dispositif d'aide aux agriculteurs en difficulté (Agridiff) n'est doté que de 1,85 million d'euros pour 2016, comme en 2015, et ne devrait pas concerner plus de 500 exploitations.


• Le fonds d'allègement des charges (FAC) , qui vise à prendre en charge les intérêts des prêts souscrits par les exploitations fragiles, est doté d'à peine plus de 1,5 million d'euros, là où le traitement de la crise de l'élevage en 2015 a nécessité la mobilisation de 100 millions d'euros de crédits.

Ce choix budgétaire expose en cas de crise en 2016 au risque de manque de crédits, qui ne pourront être apportés que par des redéploiements ou des décrets d'avance .


• En outre, le financement des soutiens à la souscription d'assurances par les agriculteurs est transféré en totalité sur le budget européen, alors même que se met en place le nouveau mécanisme du contrat socle. Cette modification entraîne la disparition des 24 millions d'euros qui figuraient au budget 2015 au titre du soutien aux assurances . Elle impose surtout qu'une enveloppe suffisante de crédits européens, probablement au-dessus de l'enveloppe globale de 97 millions d'euros initialement prévue en 2015 (73 millions d'euros de crédits de la PAC, en plus de 24 millions d'euros de crédits nationaux), soit mise à disposition du soutien aux assurances.

En effet, durant l'actuel exercice budgétaire, une rallonge intégralement financée sur crédits nationaux, de 15,8 millions d'euros, a dû être débloquée par un décret du 2 octobre 2015, afin d'accorder aux agriculteurs un taux de prise en charge global de leurs cotisations d'assurance-récolte proche de 65 %. Au total, le besoin total de crédits pour subventionner le contrat-socle est estimé à 113 millions d'euros. C'est autant de moyens qu'il faudra prendre dans le budget de la PAC.

b) Les calamités agricoles, régime résiduel de protection de l'agriculteur face aux aléas.

L'indemnisation des calamités agricoles est assurée par le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), qui peut, certaines années, être très sollicité, lorsque des évènements climatiques ont causé d'importantes pertes aux agriculteurs.

Alimenté par une taxe additionnelle, prévue à l'article L. 361-2 du code rural et de la pêche maritime, collectée sur les primes et cotisations d'assurance dues par les agriculteurs, le FNGRA devait être abondé par des crédits budgétaire à parité. Or, la pratique a consisté à ne jamais doter le FNGRA en loi de finances initiale, et de n'apporter des crédits budgétaires qu'en cas de besoin, en cours d'exercice.

Depuis plusieurs années, les Gouvernements successifs ont cherché à développer une alternative aux calamités agricoles, à travers les contrats d'assurance. Les risques assurables, comme les pertes de récolte en grandes culture, en horticulture, maraîchage et en raisins, ont été sortis du bénéfice du FNGRA.

L'année 2016 marque une nouvelle étape dans ce mouvement de substitution de l'assurance à la solidarité nationale, avec :

- la mise en place du contrat-socle : il devrait être moins onéreux pour les agriculteurs que les dispositifs d'assurance précédents. Il permet aussi de couvrir les prairies et donc les pertes de fourrage, et pas seulement les grandes cultures, l'horticulture, le maraichage ou la viticulture. Il devrait donc être plus attirant, même si les niveaux de garanties seront moins élevés ;

- la contraction des moyens du FNGRA , du fait d'une baisse du taux de cotisation et du prélèvement sur les réserves du FNGRA opérée en loi de finances rectificative .

En effet, le V de l'article 14 du projet de loi de finances pour 2016 divise par deux le taux de la cotisation additionnelle sur les primes et cotisations d'assurance dues par les agriculteurs, qui passerait ainsi de 11 % à 5,5 %. Le produit de cette taxe devrait ne plus représenter que 60 millions d'euros environ par an, selon les éléments d'évaluation figurant au tome 1 du fascicule des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2016.

Par ailleurs, le Gouvernement fait le choix, avec l'article 2 du projet de loi de finances rectificative pour 2015 actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, de prélever 255 millions d'euros sur les réserves du FNGRA , qui s'élèvent aujourd'hui à 320 millions d'euros, laissant 65 millions d'euros pour faire face aux besoins d'indemnisation anticipés sur 2015 et le début 2016, notamment au titre de la sécheresse.

Au final, la gestion des risques en agriculture devra passer davantage par une logique d'assurance sur une base large que par une logique de solidarité nationale portée par le budget de l'État .

Parallèlement, il importe de prolonger la réflexion sur les assurances en agriculture, pour aller vers un soutien à l'assurance des aléas économiques, à l'instar de ce que le Farm Bill permet aux agriculteurs américains.

4. FranceAgrimer, bras armé de la politique de soutien aux filières.
a) Un établissement sous contrainte budgétaire forte.

Chargé de mettre en oeuvre la politique d'orientation des filières et de promotion des produits, discutée au sein de ses 11 conseils spécialisés de filières, FranceAgrimer est le bras armé de la modernisation de l'agriculture et gère l'essentiel des crédits d'orientation des filières, ainsi que de nombreux dispositifs européens, notamment les aides distribuées dans le cadre de l'organisation commune de marché vitivinicole et de l'organisation commune de marché des fruits et légumes.

Depuis plusieurs années, comme les autres opérateurs de l'État, FranceAgrimer doit poursuivre ses missions avec des crédits de fonctionnement réduits . Pour 2016, la subvention pour charge de service public de l'établissement baisse de 3,5 % et le schéma d'emplois prévoit la suppression de 43 postes, sur un total de 1 135 équivalents temps plein.

S'il est nécessaire d'apporter la contribution de l'établissement à la réduction des déficits publics, la logique de baisse de moyens de fonctionnement finira aussi par trouver ses limites.

Le budget de l'établissement devrait être légèrement déficitaire de 600 000 euros, sur un budget total de fonctionnement de 127 millions d'euros.

Or, dans le même temps, l'établissement est mis à contribution de la gestion des crises : ainsi, dans le cadre du plan de soutien à l'élevage, FranceAgrimer doit instruire 20 000 dossiers du fonds d'allègement des charges (FAC). Dans le même temps, les tâches habituelles comme la cotation dans les abattoirs et la collecte de statistiques, doivent continuer à être assurées.

Il convient donc de rester vigilants pour ne pas mettre FranceAgrimer dans l'incapacité d'exercer correctement ses missions .

b) Des crédits d'intervention provenant de sources multiples.

Les crédits d'intervention de FranceAgrimer pour 2016 ne connaissent pas la même baisse qu'en 2015.

Comme en 2015, le budget d'aide à l'adaptation des filières attribué à l'établissement sur le programme 154 s'élève à un peu plus de 25 millions d'euros. On est très loin des 97 millions d'euros disponibles en projet de loi de finances pour 2013 .

Mais d'autres financeurs viennent abonder l'enveloppe d'intervention de FranceAgrimer :

- le programme des investissements d'avenir (PIA) prévoit une enveloppe de 120 millions d'euros sur 3 ans pour des projets agricoles et agroalimentaires, essentiellement pour soutenir la modernisation des abattoirs et la modernisation des serres. Les crédits sont effectivement à disposition de FranceAgrimer depuis la fin 2014 ;

- le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR) doit aussi apporter 32,6 millions d'euros aux programmes gérés par FranceAgrimer.

Au final, on peut estimer à 98 millions d'euros l'enveloppe totale d'intervention de l'établissement .

Certaines ressources disparaissent toutefois du budget 2016 : ainsi, le plafonnement à 18 millions d'euros au lieu de 22 millions d'euros de la taxe fiscale affectée sur la collecte de céréales, prévue à l'article 1619 du code général des impôts, opéré par l'article 14 du projet de loi de finances pour 2016, va priver FranceAgrimer de recettes qui lui permettaient de faire de l'action économique au bénéfice de la filière céréalière.

En outre, les crédits d'expérimentation du CASDAR sont loin de suffire à couvrir l'ensemble des besoins : FranceAgrimer reçoit aujourd'hui des demandes deux fois plus importantes que les crédits disponibles.

Là encore, il conviendra de rester vigilants sur la capacité de FranceAgrimer à mener une véritable politique d'orientation des filières, améliorant la compétitivité de l'agriculture.

LES PROJETS AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES D'AVENIR
(EXTRAIT DU JAUNE BUDGÉTAIRE SUR LES INVESTISSEMENTS D'AVENIR)

L'action « Projets agricoles et agroalimentaires d'avenir » (P3A) est instituée dans le cadre du second PIA. FranceAgrimer est l'opérateur de cette action dotée de 120 millions d'euros sous forme de subventions. La convention est parue le 14 décembre 2014.

L'intervention du PIA au travers de l'action « Projets agricoles et agroalimentaires d'avenir (P3A) » permettra grâce à son effet d'entraînement sur l'investissement privé, d'accélérer le développement d'une nouvelle offre alimentaire française, d'accroître la compétitivité et d'accompagner la transformation nécessaire des filières agricoles et agroalimentaires, afin de développer les emplois de demain du premier secteur économique français, tout en réduisant son impact environnemental et en asseyant son ancrage territorial.

Quatre appels à projets ont déjà été lancés.

Deux l'ont été dès janvier 2015 :

- un appel à projets « Reconquête de la compétitivité des outils d'abattage et de découpe » , vise à soutenir des projets de développement de nouveaux équipements ainsi que des projets d'investissement visant la modernisation des outils industriels. Doté de 20 millions d'euros, cet appel à projets est ouvert jusqu'au 29 janvier 2016 ;

- un appel à projets « Modernisation des serres et des équipements dans les secteurs maraîcher et horticole » qui s'inscrit dans les priorités mises en avant dans le cadre du plan stratégique à l'horizon 2025 élaboré par ces filières à la demande du Ministre de l'Agriculture de l'Agroalimentaire et de la Forêt. Doté de 14 millions d'euros, cet appel à projet est ouvert jusqu'au 26 février 2016.

Ces appels à projets sont complétés par un programme « Innovation et compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires » lancé courant avril 2015, composé de 2 volets :

- un volet générique dénommé « Projets structurants des filières agricoles et agroalimentaires (PS2A) » (type action PIAVE) doté de 35 millions d'euros et visant des projets d'a minima 1 million d'euros de dépenses ;

- un volet compétitif avec un accès facilité, visant à stimuler le processus d'innovation dans ces filières, dénommé « Initiatives innovantes dans l'agriculture et l'agroalimentaire » (2I2A) (type CMI) doté de 10 millions d'euros et visant des projets d'a minima 200 000 de dépenses.

Plus de 100 dossiers serres ont été reçus et 53 projets ont été sélectionnés pour un montant total PIA de 12,5M€.

Un dossier « Abattoir du futur » a également été sélectionné ainsi que trois dossiers « Initiatives innovantes dans l'agriculture et l'agroalimentaire ». Cela porte à 16 M€ l'engagement du PIA à l'automne 2015.

C. LE PROGRAMME 149 CONSACRÉ À LA FORÊT.

PRÉSENTATION GÉNÉRALE DU PROGRAMME 149

Le programme 149, qui finance la politique nationale forestière et de la filière bois, vise, en premier lieu, à répondre à trois objectifs prioritaires :

- dynamiser la récolte de bois qui ne représente, d'après le bleu budgétaire, que 60 % de la production biologique ;

- gérer les forêts publiques et privées en développant les plans de gestion de ces dernières ;

- et faire participer la forêt au développement d'une économie plus sobre en carbone.

Ce programme participe également :

- à la gestion des risques : la reconstitution des forêts après les tempêtes de 1999 et 2009 a ainsi bénéficié respectivement 741 et 475 millions d'euros à la suite de ces événements ;

- à la restauration des terrains en montagne (RTM), pour prévenir les risques naturels ;

- et à la défense des forêts contre les incendies (DFCI).

Les crédits du programme 149 sont répartis en trois actions :

- l'action n° 11 « Gestion des forêts publiques et protection de la forêt », relative à la pérennisation du régime et du patrimoine forestiers et à la prévention des risques ;

- l'action n° 12 « Développement économique de la filière et gestion durable », qui vise la compétitivité de la filière bois et la gestion durable des forêts ;

- et, depuis 2014, l'action n° 13 « Fonds stratégique de la forêt et du bois » qui regroupe l'ensemble des moyens destinés au développement et à l'investissement dans l'amont et l'aval de la filière bois.

Globalement, les crédits alloués à la forêt pour 2016 baissent légèrement par rapport à 2015 de 0,4 % en AE et de 0,3 % en CP. Le fait le plus marquant est que ce programme atteint un plancher historique : 277,8 millions d'euros en AE (contre 278,8 millions d'euros en 2015) et 291,3 millions d'euros en CP contre 292,2 millions d'euros en 2015. De plus, le montant des AE est sensiblement inférieur à celui des CP et cela constitue ici un signal plutôt baissier pour l'avenir budgétaire de ce programme.

Depuis le début des années 2000, la trajectoire d'évolution des crédits consacrés à la forêt est sur une pente descendante, et le plancher des 300 millions d'euros a largement été « enfoncé » depuis deux exercices.

Cette diminution des financements publics est contraire aux préconisations de la plupart des rapports publiés sur la forêt et la filière bois depuis 20 ans : la France ne saisit pas suffisamment la chance que constitue sa forêt. En effet, rares sont les secteurs économiques où le potentiel d'emploi est aussi élevé par euro investi. Or, depuis plusieurs décennies, la France consacre quatre à dix fois moins d'argent public à la forêt que les autres pays européens.

ÉVOLUTION DÉTAILLÉE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 149

PLF 2015

PLF 2016

AE

CP

AE

CP

TOTAL 149

279 319 614

296 684 183

277 755 933

291 314 122

Action n° 11 « Gestion des forêts publiques et protection de la forêt »

218 248 048

222 251 706

202 058 713

206 062 371

Classement en forêt de protection et lutte phytosanitaire

693 750

693 750

693 750

693 750

ONF - Versement compensateur et contribution exceptionnelle

171 990 263

171 990 263

155 800 928

155 800 928

ONF - Missions d'intérêt général

22 316 232

22 316 232

22 316 232

22 316 232

Restauration des terrains en montagne

8 686 271

9 686 271

8 686 271

9 686 271

Acquisition de forêts par l'État

925 000

925 000

925 000

925 000

Défense des forêts contre les incendies

13 636 532

16 640 190

13 636 532

16 640 190

Action n° 12 « Développement économique de la filière et gestion durable »

50 404 332

52 609 287

65 108 394

67 506 969

Centre national de la propriété forestière

0

0

15 414 420

15 414 420

Charges de bonification

0

1 000 000

0

1 000 000

Nettoyage et reconstitution suite à la tempête Klaus

41 693 620

42 898 575

40 983 262

42 381 837

Institut technologique Forêt cellulose bois - Construction ameublement

7 500 000

7 500 000

7 043 000

7 043 000

Évaluation, prospectives forestières et appuis aux démarches collectives

1 210 712

1 210 712

1 667 712

1 667 712

Action n° 13 « Fonds stratégique de la forêt et du bois »

10 667 234

21 823 190

10 588 826

17 744 782

Investissements forestiers et filière bois

7 773 116

18 929 072

7 694 708

14 850 664

Animation, études, recherche et innovation

2 894 118

2 894 118

2 894 118

2 894 118

1. L'examen des crédits de gestion de la forêt publique pour 2016 intervient dans une phase décisive de renégociation du contrat de performance de l'Office national des forêts.
a) La sauvegarde des dotations à l'Office National des forêts et à la gestion des forêts publiques.

La gestion des forêts publiques relève de l'action n° 11 dotée pour 2016 de 202,1 millions d'euros en AE, soit une diminution de 7,4 % par rapport 2015, et de 206,1 millions d'euros en CP (- 7,3 % par rapport à 2015).

Près des trois quarts (72,7 %) des crédits du programme concernent ainsi les forêts domaniales de l'État et celles des collectivités qui relèvent du régime forestier. Il s'agit de financer la gestion de ces forêts, l'établissement de plans d'aménagement, la surveillance et la réalisation de programmes de travaux et de coupes. Ces missions sont mises en oeuvre par l'Office national des forêts (ONF) qui joue ainsi un rôle central pour appliquer la politique forestière de l'État.

Il convient ici de rappeler que les forêts publiques représentent le quart de la forêt française mais assurent 40% des coupes de bois, ce qui s'explique essentiellement par le morcellement ainsi que la composition de la forêt privée qui occupe les trois quarts de la superficie forestière.

L'action n° 11 alimente principalement le « versement compensateur » de l'État à l'Office national des forêts (ONF). Comme son nom l'indique, ce versement compensateur vise à combler la différence entre, d'une part, des charges, c'est-à-dire, le coût du régime forestier pour l'ONF et, d'autre part, des recettes, dits « frais de garderie », versés par les communes pour rétribuer l'ONF en contrepartie des services rendus pour gérer les forêts communales. La loi de finances pour 2016 prévoit de maintenir à 140,4 millions d'euros ce versement à l'ONF, soit 20 millions d'euros de plus que le niveau prévu dans le contrat d'objectifs et de performances conclu entre l'ONF, l'État et la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) pour la période 2012-2016. En revanche, la subvention exceptionnelle d'équilibre à l'ONF allouée pour compenser la baisse des prix du bois s'établit à 15,4 millions d'euros contre 31,6 millions en 2015. La baisse des crédits de l'action n° 1 est donc entièrement subie par l'ONF. Selon les indications recueillies par vos rapporteurs, cette diminution se justifie par la réalisation d'économies de gestion, une intensification de la récolte dans les forêts publiques et un renchérissement du prix de marché du bois.

22,3 millions d'euros, soit un niveau identique à ceux de 2014 et 2015, sont en outre consacrés au financement de diverses missions d'intérêt général (MIG) confiées par voie de conventions spécifiques à l'ONF (défense contre les incendies en région méditerranéenne, appui aux directions départementales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt des départements d'Outre-mer, pour la mise en oeuvre de la politique forestière de l'État, travaux d'investissements nécessaires pour contenir le mouvement des dunes domaniales littorales sur la côte atlantique).

L'action n° 11 finance également la restauration des terrains en montagne (RTM) par l'État sur les terrains domaniaux. 8,68 millions d'euros en AE et 9,68 millions d'euros en CP y sont consacrés en 2016.

b) La fragilité financière de l'ONF et les enjeux de la renégociation anticipée du contrat d'objectifs et de performance (COP) pour 2016-2020.

L'Office national des forêts, reste plus que jamais un acteur majeur de la filière bois.

Établissement public industriel et commercial de l'État - les représentants de l'ONF ont d'ailleurs insisté à juste titre sur ce caractère commercial au cours des auditions conduites par votre rapporteur pour avis - l'ONF a été créé en 1966, succédant à l'administration des eaux et forêts, pour gérer les forêts publiques, et en particulier les forêts domaniales, qui appartiennent à l'État et représentent 1,8 million d'hectares, soit un peu plus de 10 % des forêts françaises. L'ONF gère également les forêts des collectivités, selon le régime forestier. Les forêts des collectivités, principalement communales et sectionnales, représentent 18 % des surfaces boisées en France, soit 2,9 millions d'hectares. Enfin, l'ONF assure diverses missions d'intérêt général et réalise des prestations de service dans le domaine forestier. A ce titre, l'ONF assure l'accueil du public ou encore assure pour le compte de l'État des services de restauration de terrains de montagne (RTM), et de défense des forêts contre les incendies (DFCI).

BREF RAPPEL DES PRINCIPALES DONNÉES RELATIVES À LA FORÊT FRANÇAISE

La forêt couvre 31 % du territoire français métropolitain, ce qui fait de la France le quatrième pays le plus boisé d'Europe.

Les forêts publiques , appartenant à l'État et aux collectivités territoriales, sont gérées et exploitées par l'Office national des forêts (ONF). On distingue dans cet ensemble les forêts domaniales appartenant à l'État (un peu plus du tiers des forêts publiques) et les forêts appartenant aux collectivités territoriales (un peu moins des deux tiers des forêts publiques) Bien qu'elles n'occupent que le quart de la surface forestière totale, les forêts publiques fournissent 36 % du bois commercialisé .

Les trois quarts restants sont des forêts privées , détenues par 3,3 millions de propriétaires forestiers : cela se traduit par un extrême morcellement qui est un des principaux facteurs de sous-exploitation des forêts privées, auquel s'ajoutent une conjoncture économique difficile et la volatilité du prix du bois. La composition de la forêt française est également un facteur de sous-exploitation : les forêts de feuillus , au sein desquels les chênes sont prédominants, occupent les deux tiers de la forêt française . Or on constate un recul constant des débouchés pour ces espèces d'arbres qui ne correspondent pas à la demande en bois des marchés les plus porteurs, comme celui de la construction. Au total, moins de la moitié (48 %) de la production biologique annuelle de l'ensemble des forêts françaises (86,4 millions de m3) a été prélevée en moyenne chaque année (de 2000 à 2011).

Globalement, la filière forêt-bois française emploie environ 440 000 personnes et réalise un chiffre d'affaires de 60 milliards d'euros par an, soit près de 3 % du PIB .

L'ONF dispose d'un statut dérogatoire par rapport aux autres établissements publics industriels et commerciaux, puisque les deux tiers de ses agents sont des fonctionnaires. Au cours des travaux du groupe sénatorial d'études de la forêt, il a été signalé à plusieurs reprises que l'amélioration statutaire des agents de l'ONF, au-delà de son aspect très positif pour les personnes concernées, était une donnée majeure à prendre en compte pour le rééquilibrage du budget de l'Office. Sur ce point, vos rapporteurs ont noté que l'ONF envisageait de recourir à des emplois aidés et à des apprentis pour compenser certains départs en retraites de fonctionnaires, le représentant de l'Office faisant observer que l'occasion serait propice pour relancer, dans ce secteur, l'apprentissage qui, contrairement à l'idée reçue, concerne tous les niveaux de formation jusqu'à celui d'ingénieur.

Économiquement, l'ONF commercialise chaque année environ 40 % des bois mis sur le marché en France (50 % du chêne, 35 % du sapin-épicéa et 90 % du hêtre) : 6,3 millions de mètres cubes (Mm3) provenant de la forêt domaniale et 8,3 Mm3 provenant des forêts des collectivités territoriales, ce qui en fait un acteur majeur de la mobilisation du bois. C'est d'ailleurs grâce à l'ONF que la permanence de l'approvisionnement en bois est assurée. Par ailleurs, il convient de signaler que certains débouchés du bois liés au vin assurent à l'ONF d'importantes recettes : les chênaies domaniales françaises sont ainsi réputées pour la production de bois à merrain qui entrent dans la fabrication des tonneaux, avec des arbres de 160 et 180 ans.

Les difficultés financières de l'ONF : les ventes de bois ne financent plus la masse salariale.

Depuis plusieurs années divers rapports ont souligné les difficultés structurelles de l'ONF qui se traduisent par des déficits d'exploitations récurrents et un endettement qui avoisine aujourd'hui 300 millions d'euros.

La progression des charges de l'ONF résulte largement d'une augmentation de sa masse salariale, passée de 408 millions d'euros en 2004 à 470 millions d'euros en 2014. L'augmentation du taux de cotisation au compte d'affectation spéciale « Pensions » y est pour beaucoup, puisque ce poste est passé durant la même période de 47,7 millions d'euros à 104 millions d'euros. Les revalorisations statutaires ont aussi pesé sur les comptes de l'ONF, la Cour des comptes ayant estimé en 2014 que le cadre fixé par le nouvel espace statutaire (NES) a représenté un surcoût annuel de plus de 5 millions d'euros. Si l'office a respecté l'objectif de baisse de ses effectifs de 1,5 % par an fixé par les deux contrats d'objectifs et de performances (COP) signés avec l'État respectivement pour les périodes 2007-2012 et 2012-2016, la masse salariale n'est stabilisée que depuis 2012. Cette stabilisation a été obtenue au prix d'une forte diminution des effectifs de l'Office, qui sont passés de 10 366 agents en 2004 à 8 968 en 2014, dont 2 953 ouvriers forestiers.

Face à ces dépenses, l'ONF peine à faire progresser ses recettes. Vos rapporteur pour avis soulignent que les deux tiers des produits d'exploitation de l'Office dépendent du marché du bois. Or, si les prix du bois ont connu des niveaux historiquement très élevés à la suite des chocs pétroliers de 1973 et de 1979, ce qui permettait à la fois à l'Office et aux propriétaires privés de financer les rémunérations des personnes exploitant la forêt, les tempêtes de 1999 et de 2009 ont provoqué une forte accumulation des chablis disponibles et une saturation du marché, à l'origine d'une chute du prix du bois. De manière plus structurelle, la mondialisation du marché du bois, ainsi que le contexte actuel de crise économique ont entraîné une instabilité des prix de marché. Aujourd'hui, les ventes de bois constituent une ressource irrégulière et déclinante. C'est d'ailleurs le niveau décevant des recettes tirées de la vente de bois par l'ONF en 2014 qui a conduit à dégrader sa situation financière et à avancer d'un an l'achèvement de son contrat d'objectifs et de performance pour les années 2012-2016.

Le pari sous-jacent au nouveau contrat d'objectifs (COP) entre l'État, l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières

Afin de stabiliser la trajectoire financière de l'Office, le Gouvernement a décidé en 2014 d'anticiper dès 2015 la négociation d'un nouveau COP entre l'État, l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) pour la période 2016-2020. En effet, depuis 2012, l'État a consenti un effort financier supplémentaire de 100 millions d'euros par rapport à ce qui était inscrit au COP 2012-2016 pour permettre à l'ONF de faire face à ses besoins financiers.

En juillet 2015 les parties prenantes au COP ont défini les principes suivants :

- le maintien du régime forestier garant d'une gestion durable des forêts publiques ;

- la valorisation économique des forêts par une meilleure exploitation de celles-ci pour répondre aux besoins de la filière en bois, dans le cadre d'une gestion durable et multifonctionnelle garante de l'intégrité du patrimoine forestier des collectivités ;

- la nécessité de consolidation de l'ONF ;

- et la contribution à l'objectif national de réduction de la dépense publique.

Au cours des auditions du mois de novembre 2015, vos rapporteurs ont pu constater que les communes forestières qui avaient mis en avant un certain nombre de divergences lors des premières phases de la négociation ont finalement obtenu satisfaction : aucune contribution financière supplémentaire ne leur sera demandée. En contrepartie, les communes forestières se sont engagées à augmenter les coupes de bois, avec un objectif fixé à 8,5 millions de mètres cubes en 2020, et à se regrouper, ce qui permettra à l'ONF de réaliser des économies d'échelle.

Du côté de l'ONF, dont le conseil d'administration se prononcera le 3 décembre 2015 sur ce contrat, l'accent est mis, tout d'abord, sur la modernisation et l'optimisation des techniques de ventes de bois, en basculant depuis 2006 ses ventes de bois sur pied par adjudications publiques vers des ventes par contrats de bois façonnés, permettant d'améliorer la valeur ajoutée pour l'ONF. S'agissant des effectifs de l'Office, vos rapporteurs soulignent à nouveau que l'ONF a perdu presque 20 % de ses effectifs depuis 15 ans et que la poursuite de ce rythme de destruction des emplois forestiers, risque de porter atteinte au maillage territorial de l'Office. Par ailleurs, la forêt procure des avantages en termes de préservation de la qualité de l'eau, de fixation du dioxyde de carbone et de réduction des risques naturels majeurs, dont elle ne perçoit pas aujourd'hui les contreparties. Les revenus tirés des « droits carbone », d'un montant d'1,5 milliards d'euros, devraient, pour partie, revenir à l'ONF.

2. Les crédits relatifs à la reconstitution et à la gestion de la forêt privée.

Les crédits de l'action n° 12 « Développement économique de la filière et gestion durable » représentent 23,4 % des moyens du programme et concernent l'ensemble des forêts privées, c'est-à-dire les trois quarts de la superficie forestière de notre pays.

Les objectifs visés par ces crédits sont l'amélioration de la compétitivité de la filière bois, l'accroissement de la récolte de bois et l'amélioration de la gestion des forêts privées, qui demeurent handicapées par leur morcellement entre 3,5 millions de propriétaires.

Les allocations prévues pour 2016 augmentent sensiblement par rapport à 2015 pour atteindre 65,1 millions d'euros en AE, soit + 30,5 % et 67,5 millions d'euros pour les CP (+ 29,6 %). Cependant, cette hausse apparente s'explique par le rétablissement de la dotation allouée au Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui avait dû se priver de subvention en 2015, compte tenu de l'importance de ses réserves.

Les représentants du CNPF ont indiqué au cours de leur audition que cette ponction a des conséquences pénalisantes : des formations en sylviculture n'ont pas pu être effectuées et l'insuffisance de trésorerie a pesé sur le préfinancement de projets forestiers.

En pratique, ces crédits ont principalement pour objet de permettre la reconstitution du potentiel de production des forêts sinistrées par la tempête Klaus de janvier 2009 dans le Sud-Ouest (Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées), avec des dégâts représentant l'équivalent de plus de cinq années de récolte. Les crédits en question atteignent, pour 2016, 40,98 millions d'euros en AE et 42,38 millions d'euros en CP. Un cofinancement communautaire du FEADER est également retenu.

Une subvention de 7 millions d'euros est enfin prévue pour l'Institut technologique Forêt, cellulose, bois-construction, ameublement, qui mène des actions de recherche, d'assistance technique, de formation et de conseil dans le domaine du bois et de sa mise en valeur.

3. Le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) une dotation limitée à moins de 4% des crédits du programme 149.

Le projet de loi de finances pour 2014 a créé un nouvel instrument financier pour la forêt : le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). L'article 67 de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt d'octobre 2014, a inscrit le FSFB dans la loi, et a précisé son rôle à l'article L. 156-4 du code forestier.

Destiné à combler le vide laissé par la disparition en 1999 du fonds forestier national (FFN) créé en 1946, le FSFB a pour double objectif :

- de soutenir des investissements en amont et en aval de la filière bois, par exemple pour améliorer la desserte des massifs forestiers, pour améliorer les techniques de prélèvement du bois en forêt, pour mutualiser entre entreprises forestières les investissements immatériels ou encore pour favoriser la constitution d'outils de transformation.

- et de mener des actions d'animation , d'études, de recherche et d'innovation, par exemple lors des phases de lancement des stratégies locales de développement forestier (SLDF), ou pour favoriser le regroupement de propriétaires.

Les crédits budgétaires ne sont qu'une des ressources du FFSB, et s'inscrivent en recul par rapport à 2015 : 17,7 millions d'euros sont inscrits en CP en 2016, contre 21,8 millions d'euros en 2015 tandis que les AE sont stabilisés à 10,7 millions d'euros.

Outre les crédits budgétaires, le FSFB est alimenté par environ 3,7 millions d'euros de recettes provenant de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, perçue sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois et forêt, et qui était affectée avant 2014 aux chambres d'agriculture, pour financer les actions prévues aux les plans pluriannuels régionaux de développement forestier (PPRDF).

Enfin, le FSFB doit percevoir le produit de la taxe de défrichement, créée par la loi d'avenir, et qui devrait rapporter environ 10 millions d'euros en 2016 et 18 millions par an en régime de croisière.

Complété par des cofinancements assurés par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), le financement total du FSFB pour 2016 est estimé à 25 millions d'euros .

Une fois encore, vos rapporteurs pour avis soulignent que ces moyens très limités sont loin d'être à la hauteur des ambitions forestières de notre pays. Les professionnels du bois estiment qu'il faudrait un flux stable de 150 millions d'euros par an pour relancer la filière bois. Rappelons que le chiffre d'affaires de la filière dans son ensemble est proche des 60 milliards d'euros, répartis entre la sylviculture et l'exploitation forestière, les industries de première transformation du bois - sciages, placages, panneaux, pâtes à papier - et les industries de deuxième transformation - emballages, construction, ameublement et parquets, papiers et cartons.

4. Le fonds chaleur et la forêt

L'insuffisance des financements consacrés à la filière bois renforce l'intérêt porté aux actions relevant du ministère en charge de l'écologie.

Le fonds chaleur, dédié aux investissements soutenant la production d'énergie à partir de sources renouvelables, comporte, en 2015, une enveloppe de 30 millions d'euros consacrée à l'amélioration des peuplements forestiers pauvres. Ces crédits financent des projets sélectionnés par un appel à manifestations d'intérêt intitulé « DYNAMIC Bois » géré par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Cette enveloppe représente à peu près un dixième des crédits du fonds chaleur qui a été doté au total, en 2014, de 221 millions d'euros. Le 20 avril 2015, Mme Ségolène Royal a annoncé le doublement de ces crédits qui devraient atteindre 420 millions d'euros d'ici 2017.

Créé en décembre 2008, le fonds chaleur a été mis en place en application de l'article 19 de la loi Grenelle I afin de soutenir la production de chaleur à partir de sources renouvelables. Sa gestion a été déléguée à l'ADEME. De 2009 à 2014, l'ADEME a engagé 1,202 milliard d'euros pour soutenir 3266 opérations qui ont généré un montant d'investissement de près de 4 milliards d'euros.

Le fonds chaleur a été doté d'une enveloppe de 1,28 milliards d'euros pour la période 2009-2014, soit une moyenne annuelle de 250 millions d'euros et 220 millions en 2014. La ministre de l'écologie a annoncé, le 18 juin 2014, le doublement du fonds chaleur à horizon 2017, avec une montée en puissance progressive dès 2015.

Par ailleurs, afin d'optimiser l'attribution des aides et d'élargir son périmètre, trente millions d'euros ont été fléchés à titre exceptionnel, dans le cadre du contrat de la filière bois, pour financer des investissements portant sur l'approvisionnement en bois, sa préparation et son stockage pour les chaufferies biomasse du fonds chaleur.

On peut faire observer que les modalités concrètes de ce financement destiné à la forêt n'ont pas été détaillées. Par ailleurs, ces crédits ne sont pas inscrits au budget de l'État car la gestion du fonds est déléguée à l'Ademe dont les ressources proviennent pour l'essentiel des produits de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) affectés à l'agence.

Vos rapporteurs ont pu entendre les représentants de la filière bois et constater que contrairement à l'idée reçue de l'éparpillement des opérateurs et des propriétaires privés, toutes les composantes de la filière se sont mobilisées dès qu'un projet solide leur a été proposé : en témoigne le succès de l'appel à projet du fonds chaleur doté de 30 millions d'euros pour la forêt et qui a suscité des demandes à hauteur de 176 millions d'euros.

Vos rapporteurs rappellent que la forêt se gère à long terme et, qu'en conséquence, il conviendrait d'établir un plan de financement stable et solide plutôt que de se contenter d'une succession d'annonces et de mesures ponctuelles d'année en année.

D. LE PROGRAMME 206 : UN DEMI-MILLIARD D'EUROS POUR LA SÉCURITÉ SANITAIRE.

1. Une légère réduction des crédits qui traduit un « optimisme sanitaire ».

Pour la première fois depuis le projet de loi de finances pour 2012, les crédits du programme n° 206 passent dans le projet de loi de finances pour 2016 sous la barre des 500 millions d'euros.


La réduction d'enveloppe de crédits destinés à la sécurité sanitaire est cependant modérée : - 2,6 % en AE et - 3 % en CP (avec respectivement des dotations de 487,9 millions d'euros en AE et 486,6 millions d'euros en CP). C'est un peu moins de 15 millions d'euros qui ont été amputés du budget du programme.


Une partie de la baisse s'explique par des raisons techniques liées aux dépenses de personnel : la rémunération de 71 postes équivalents temps plein travaillé (ETPT) relevant des services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication est basculée du programme 206 vers le programme 333 : « moyens mutualisés des administrations déconcentrées », qui relève d'une autre mission.

En sens inverse, 60 postes sont créés, en plus des 60 postes créés en 2015, pour renforcer les moyens de contrôle sanitaire, en particulier dans les abattoirs de volaille, dans les établissements de remise directe et pour assurer les activités de certification à l'exportation. Vos rapporteurs qui avaient salué cet effort budgétaire en faveur des services vétérinaires l'année dernière, sont satisfaits de constater que l'engagement de renforcement de 120 postes sur deux ans, en particulier pour répondre aux critiques de la Cour des comptes et de l'Union européenne, sera tenu en 2016.

Au final, le nombre d'emplois devrait être quasi-stable , passant de 4 017 postes à 4 003 postes dans les services régionaux de l'alimentation et dans les services départementaux. Les crédits correspondants inscrits à l'action n° 6 passent de 286,4 millions d'euros en 2015 à 285,4 millions d'euros en 2016 et représentent presque 60 % de l'ensemble de l'enveloppe du programme. Vos rapporteurs rappellent à cet égard que seuls les crédits des services déconcentrés figurent au sein du programme 206, les crédits des services centraux relevant du programme n° 215.


• La baisse des crédits de l'action n° 1, destinés à la prévention et à la gestion des risques dans le domaine végétal, qui passent de 22,6 millions d'euros en AE et CP en 2015 à 21,4 millions d'euros en AE et 20,9 millions d'euros en CP pour 2016, ne traduit en rien un désengagement des pouvoirs publics sur la sécurité du végétal :

- l'enveloppe de 3,2 millions d'euros en AE et CP qui était inscrite en 2015 pour financer les indemnisations des producteurs pour les pertes résultants d'évènements sanitaires ou environnementaux, est remplacée par une enveloppe résiduelle de 170 000 euros en AE et CP, destinée à indemniser les pertes liées aux premiers foyers détectés de menaces émergentes, comme la Xylella fastidiosa . Les autres indemnisations seront prises en charge par le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) , alimenté par des crédits européens ;

- en sens inverse, le plan « semences et agriculture durable » est doté pour la première fois de 700 000 euros en AE et 560 000 euros en CP. Les moyens attribués aux fédérations régionales de lutte contre les organismes nuisibles (FREDON), sont de nouveau augmentés de 500 000 euros, après une hausse quasi-identique en 2015, et représentent désormais 12,27 millions d'euros en AE, soit plus de la moitié des crédits de l'action n° 1. Dans le même temps, les crédits destinés aux programmes de lutte contre les organismes nuisibles tant en métropole qu'outre-mer, ou encore ceux destinés aux usages orphelins, sont maintenus en 2015 au même niveau qu'en 2016. Au final, le budget disponible dans le secteur de la santé végétale, même s'il reste modeste, sort plutôt renforcé du projet de loi de finances pour 2016.


• C'est sur les crédits de lutte contre les maladies animales de l'action n° 2 que la baisse des crédits est concentrée au sein du programme , l'enveloppe disponible passant de 94,8 millions d'euros en AE et CP à respectivement 87 millions d'euros en AE et 85,6 millions d'euros en CP.

L'essentiel de l'économie budgétaire est réalisée sur le poste d'indemnisation des éleveurs touchés par des mesures d'abattage en cas de danger sanitaire. L'ensemble de ces moyens s'était élevé à 39,2 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, dont une bonne partie sur la tuberculose bovine, qui reste difficile à combattre, même si les abattages partiels semblent commencer à porter leurs fruits. Le budget total consacré à la tuberculose bovine en 2016 devrait tout de même encore s'élever à un peu plus de 25 millions d'euros.

Globalement, les indemnisations d'éleveurs s'avèrent nécessiter moins de crédits comme le montre le tableau ci-après :

Exécuté 2013

Exécuté 2014

Exécuté 2015 (au 1 er août)

AE = CP

AE = CP

AE = CP

Indemnisations des éleveurs

23,3 M€

17,4 M€

16,2 M€

Une autre part des économies budgétaires est réalisée grâce à l'allègement des dépistages de la tremblante des petits ruminants à l'équarrissage.

En revanche, les moyens destinés aux visites sanitaires d'élevage ou encore au suivi sanitaire des ruchers dans le cadre du plan apiculture durable ont été renforcés au sein de l'action n° 2.


L'action n° 3 consacrée à la prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, l'action n° 5 finançant l'équarrissage et l'action n° 8 consacrée à la qualité de l'alimentation et l'offre alimentaire ont un poids budgétaire modeste, avec respectivement 14,5 millions d'euros en AE et CP pour l'action n° 3, 3,7 millions d'euros en AE et 4,2 millions d'euros en CP pour l'action n° 5 et presque 4 millions d'euros pour l'action n° 8.

L'essentiel de la légère baisse constatée sur l'action n° 3 correspond à de moindres dépenses anticipées d'indemnisation des éleveurs de volailles touchés par la salmonelle, tandis que les autres postes budgétaires, notamment les moyens des inspections dans les abattoirs et dans les autres établissements de la chaîne alimentaire ne sont pas modifiés.

L'enveloppe accordée à l'élimination des cadavres et sous-produits animaux augmente de 800 000 euros en AE pour prendre en compte la passation d'un nouveau marché et faire face aux variations des coûts d'intervention en outre-mer.

Enfin, les crédits de l'action n° 8 sont stables, et permettront notamment de financer le renouvellement de l'appel à projets du programme national de l'alimentation (PNA).


L'action n° 4 , enfin, avec 72 millions d'euros de dotation contre 74 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, comprend essentiellement la subvention pour charges de service public attribuée à Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).

Les missions de l'ANSES ont été étendues à la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques, à la phytopharmacovigilance et à la délivrance des autorisations pour les fertilisants et supports de culture.

Pour autant, sa subvention baisse d'1 million d'euros en 2016 par rapport à 2015, pour s'établir à 62,4 millions d'euros.

Des petites économies, comme par exemple une moindre dépense auprès de l'AFNOR, contribuent à la réduction de la dotation sur cette action.

La baisse des crédits d'indemnisation des éleveurs traduit un réel « optimisme sanitaire » pour l'année 2016 . Il faut souhaiter qu'aucune épidémie ou crise sanitaire ne vienne perturber l'exercice 2016, faute de quoi, le budget de l'État ne disposera pas de marges de manoeuvre pour y faire face.

2. L'ANSES, agence de référence pour les risques de la vie quotidienne.

Seul opérateur rattaché au programme n° 206, l'ANSES s'est imposé comme organisme de référence en matière de santé environnementale.

Ses missions ont été singulièrement renforcées depuis deux ans . Outre son rôle d'évaluation des risques liés aux produits phytopharmaceutiques, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a confié à l'ANSES la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché pour ces produits, auparavant assurée directement par le ministère de l'agriculture. L'ordonnance n° 2015-615 du 4 juin 2015 a étendu la compétence de l'Agence à la gestion des autorisations de mise sur le marché pour les matières fertilisantes, supports de culture et adjuvants.

Par ailleurs, l'ANSES est chargée de mettre en oeuvre la phytopharmacovigilance, c'est-à-dire le recensement des effets indésirables des produits phytopharmaceutiques, constatés en situation réelle.

L'ANSES joue également le rôle d'agence nationale du médicament vétérinaire, en évaluant les risques et procédant aussi aux autorisations de mise sur le marché.

Enfin, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la prévention des risques en cours d'adoption au Parlement prévoit le transfert à l'ANSES des autorisations de mise sur le marché pour les produits biocides au 1 er juillet 2016. De même, l'ANSES devrait assurer le pilotage de la toxicovigilance, c'est-à-dire l'animation du réseau des centres antipoison, à compter de la même date.

L'extension des missions de l'ANSES s'accompagne d'une complexification de celles-ci et de l'ouverture permanente de nouveaux champs d'expertise :

Le développement des techniques alternatives aux pesticides conventionnels amène l'ANSES à intervenir dans le domaine des produits de bio-contrôle (macro-organismes, stimulateurs de défenses naturelles des plantes, médiateurs chimiques à base de phéromones ...), qu'il faut évaluer avant les autorisations de mise sur le marché.

De la même manière, l'ANSES est appelée à développer ses travaux pour perfectionner l'analyse des risques pas suffisamment bien documentés, par exemple dans le domaine des perturbateurs endocriniens ou encore des nanomatériaux.

Le renforcement permanent des exigences sociétales en matière sanitaire et environnementale demandent à l'ANSES de perfectionner ses travaux, en prenant en compte de nouvelles menaces.

Dans le même temps, les moyens de l'ANSES sont globalement stables , voire en baisse. Pour 2016, le budget de l'Agence devrait atteindre 134,6 millions d'euros.

L'essentiel des ressources est apportée par des subventions pour charges de service public (SCSP) des cinq ministères de tutelle : le ministère chargé de l'agriculture, le ministère chargé de l'environnement, le ministère chargé de la santé, le ministère chargé de de la consommation et le ministère chargé du travail. Elles représenteront 94,7 millions d'euros en 2016 (94 millions d'euros en 2015), soit près de 70 % des recettes.

Le programme 206 reste cependant le plus gros contributeur en fournissant environ les deux tiers de la subvention. Mais cette contribution s'établit aujourd'hui plus de 4 millions en dessous de celle attribuée en 2012.

L'équilibre du budget de l'ANSES dépend donc de manière croissante des ressources fiscales affectées , qui représentent désormais 25,9 millions d'euros. Pour 2016, la nouvelle taxe sur les produits phytopharmaceutiques, issue du projet de loi de finances rectificative pour 2015, devrait permettre de financer la phytopharmacovigilance, à hauteur de 4 millions d'euros.

L'équilibre du budget de l'ANSES dépend aussi des ressources apportées par des conventions de recherche avec d'autres acteurs que l'Etat : organismes de recherche ou collectivités territoriales. Le projet de loi de finances prévoit une progression forte de ces recettes en 2016, qui devraient passer de 9,1 millions d'euros en 2015 à 13,5 millions d'euros.

Le regroupement de l'ensemble des services de l'ANSES sur le nouveau site de Maisons-Alfort en juillet 2015 permet de rationaliser l'organisation de l'Agence. Mais l'Agence ne se réduit pas à son siège. Elle gère 11 laboratoires de référence chargés de mettre au point les méthodes des laboratoires d'analyse.

Avec 1 350 agents, un réseau de 800 experts, 250 publications scientifiques par an, l'ANSES a une place centrale et essentielle dans l'expertise scientifique et entretient un dialogue permanent avec les organismes similaires des autres États membres de l'Union européenne.

Vos rapporteurs attirent l'attention sur la nécessité de ne pas créer d'effet de ciseaux, avec des missions en progression et des dotations en baisse.

Vos rapporteurs notent avec satisfaction que la levée des obstacles mis au recrutement d'agents hors plafond d'emploi financés sur ressources propres de l'ANSES a permis d'accélérer le stock des évaluations en matière de produits phytopharmaceutiques, mais le retard n'est pas encore totalement résorbé. La rapidité des réponses de l'ANSES sera plus difficile en situation de budgets trop serrés.

3. Un enjeu pour 2016 : faire face au retour de la fièvre catarrhale ovine (FCO).

Le retour de la fièvre catarrhale ovine (FCO) dans les élevages français en septembre 2015 constitue un défi majeur, à la fois sanitaire et économique .

Maladie virale vectorielle, transmises par les moucherons, la FCO est susceptible de toucher en réalité tous les ruminants : ovins, caprins ou bovins. Elle n'est pas transmissible à l'homme et ne présente pas de danger pour la santé humaine.

Il en va différemment pour la santé animale : la FCO entraîne des baisses de productivité, perturbe la reproduction des ruminants en augmentant considérablement le nombre des avortements et réduit la productivité, notamment en production laitière.

Considérée initialement comme touchant uniquement les régions chaudes, la FCO s'est- étendue au Nord de l'Europe lors de la précédente crise de 2006-2009. Avec le réchauffement climatique, il faut probablement s'attendre à ce qu'elle s'installe durablement.

La lutte contre la FCO passe dans un premier temps par la limitation des mouvements d'animaux pour ralentir la propagation de la maladie, et ensuite par la vaccination du cheptel touché, pour endiguer l'épidémie . C'est la stratégie qui avait été mise en place lors de la précédente crise, qui avait fortement perturbé le commerce des animaux vivants.

Entre 2008 et 2011, la vaccination des troupeaux était obligatoire et financée par l'État, ce qui a permis d'éradiquer la FCO, le nombre de foyers passant de 15 800 en 2007 et 32 300 en 2008 à 83 en 2009 et un seul en 2010. La France avait retrouvé son statut de pays indemne fin 2012, avec une simple obligation de surveillance par une enquête annuelle.

Un autre foyer de FCO existe en Corse depuis le début des années 2000, mais le virus ne correspond pas aux mêmes souches que celles présentes sur le continent . Une campagne de vaccination obligatoire, financée par l'Etat, y est menée depuis 2013, pour un coût d'1 million d'euros par an.

C'est le coeur du croissant allaitant français, autour du massif central, qui est aujourd'hui touché par la résurgence sur le continent de la FCO . Le premier cas de FCO de sérotype 8 a été détecté dans l'Allier et des cas supplémentaires ont rapidement été détectés dans les régions voisines. Des interdictions de circulation des animaux vivants ont été prises immédiatement dans ces départements. Seuls les animaux vaccinés ont été autorisés à quitter les zones infectées. Mi-octobre, la zone règlementée a été étendue, tandis que la surveillance concerne l'ensemble du territoire national.

L'interdiction de faire circuler des animaux non vaccinés a de lourdes conséquences économiques pour les élevages , en particulier ceux qui habituellement vendent leurs broutards à l'export pour l'engraissement en Italie ou en Espagne, ou encore pour les éleveurs qui vendent leurs animaux en vue de la reproduction.

Une campagne de vaccination, systématique est désormais lancée, mais elle se heurte au manque de disponibilité des vaccins. Le ministre Stéphane Le Foll a annoncé devant notre commission lors de son audition du 4 novembre dernier, que la France s'était portée acquéreur de tous les vaccins existants sur le marché mondial, soit 2,8 millions de doses. Les 3 millions de doses disponibles pour chaque sérotype devraient permettre de vacciner en priorité les 900 000 bovins destinés à l'exportation.

Par ailleurs, la production de 4 millions de doses qui devraient être disponibles en février prochain a été annoncée par le ministre.

Au-delà de ces annonces, la direction générale de l'alimentation (DGAl) du ministère de l'agriculture pilote la mise en place d'une banque d'antigènes spécifique à la FCO, d'un coût de 5 millions d'euros devant permettre la vaccination d'urgence de l'ensemble du cheptel. Une ouverture de crédits supplémentaires sur le programme 206 est ainsi prévue par le projet de loi de finances rectificative pour 2015, actuellement discuté à l'Assemblée nationale.

La période hivernale met en sommeil la propagation de la FCO, mais de nouveaux foyers risquent fortement d'apparaître au printemps prochain.

Vos rapporteurs pour avis insistent sur la nécessité d'anticiper cette crise en se dotant des quantités adéquates de vaccins . Ils insistent également sur la nécessité d'anticiper les besoins en crédits budgétaires liés à la lutte contre la FCO. Au plus fort de la crise en 2008 et 2009, la prise en charge de la FCO par les pouvoirs publics coûtait 50 millions d'euros par an. Une telle enveloppe n'est pas inscrite dans le budget 2016, et aucune marge de manoeuvre d'une telle ampleur ne peut être dégagée sur le programme 206.

Par ailleurs, le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) doit être mis à contribution pour indemniser les éleveurs pour l'immobilisation de leurs animaux dans les zones touchées, mais il n'est pas certain qu'il dispose de ressources suffisantes pour faire face aux besoins, estimés pour la seule année 2015 à 20 à 25 millions d'euros par les professionnels.

Au final, vos rapporteurs demandent que la période hivernale soit mise à profit pour définir un « plan FCO » comprenant d'une part les mesures sanitaires et de prophylaxie propres à endiguer la propagation de la maladie et d'autre part les mesures d'accompagnement permettant de neutraliser les effets économiques de l'épidémie sur les éleveurs touchés.

LES TERRITOIRES TOUCHÉS PAR LA FCO

Source : MAAF

E. LE PROGRAMME 215 : LA POURSUITE DE LA RÉDUCTION DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT DES SERVICES CENTRAUX ET DÉCONCENTRÉS.

1. La réduction des moyens de fonctionnement du ministère : un transfert de charge vers les agriculteurs ?

Comme toutes les administrations de l'État, les services centraux et déconcentrés du ministère de l'agriculture sont mis à contribution de la réduction du déficit public par des baisses d'effectifs et des réorganisations fréquentes.

Au 1 er janvier 2016, les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) devront fusionner dans les régions concernées par la réorganisation territoriales. Vos rapporteurs espèrent que ces fusions ne se traduiront pas par une désorganisation des services régionaux, qui jouent un rôle important pour l'animation économique des filières, en lien avec les chambres d'agriculture.

Les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2016 mentionnent l'importance des téléprocédures, en particulier en matière de déclarations au titre de la PAC. Le taux d'utilisation des télédéclarations atteint désormais 90 %. Une telle évolution est satisfaisante, toutefois, le monde agricole souligne que la dématérialisation de la plupart des procédures entraîne un transfert de charge sur les agriculteurs, surtout pour les procédures complexes.

Par ailleurs, les téléprocédures doivent s'accompagner d'efforts de simplification des normes . La simplification est une demande forte du monde agricole mais aussi de l'administration, qui ne peut pas faire face autrement en situation de baisses des effectifs.

Or, les déclarations PAC 2015, effectuées pour la première fois dans le cadre de la nouvelle PAC, se sont révélées être pour les agriculteurs un véritable « parcours du combattant ». Le délai-limite de déclaration a dû être repoussé du 15 mai au 15 juin dernier, car les agriculteurs manquaient d'information et rencontraient de réelles difficultés dans l'accomplissement de leurs obligations déclaratives.

2. Une baisse des crédits et des effectifs qui s'inscrit dans la continuité des précédents budgets.

Avec 660 millions d'euros en AE et 664 millions d'euros en CP, la dotation du programme n° 2015 est en nette baisse par rapport au projet de loi de finances pour 2015, au sein duquel respectivement 716 et 724 millions d'euros avaient été inscrits.

Dans la mesure où plus de 85 % des crédits du programme sont des crédits de personnel, cette baisse s'explique en quasi-totalité par des réductions d'effectifs, le plafond d'emploi sur le programme baissant de 663 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour tomber à 8 099 ETPT.

Plus des deux tiers de cette baisse sont cependant imputables à des transferts de personnels vers d'autres budgets :

- le budget correspondant aux personnels des services informatiques des directions départementales est en effet transféré aux services du premier ministre, au titre des moyens interministériels (programme 333). Ce transfert explique la baisse de 81 ETPT ;

- le budget correspondant aux personnels des services déconcentrés chargés des missions d'environnement est lui aussi transféré pour partie sur le budget de l'écologie (programme 217). Ce transfert explique à lui seul la baisse de 400 ETPT. Ce mouvement devrait se poursuivre l'année prochaine ;

- enfin, d'autres transferts expliquent la baisse de 5 ETPT.

En réalité, l'effort de réduction d'effectifs du ministère de l'agriculture est plus limité et s'élève à environ 220 emplois, soit un peu plus qu'en 2015, dans la mesure où le « projet FEAGA » consistant à recruter du personnel supplémentaire pour répondre à la commission européenne sur le contentieux concernant le calcul des surfaces des aides directes PAC, a pris fin. La baisse des effectifs permanents est par ailleurs en partie compensée par un effort de recrutement supplémentaire d'apprentis, pour 25 ETPT.

Vos rapporteurs notent aussi que ce mouvement de baisse des effectifs sur la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » sont contrebalancés par une hausse des effectifs de l'enseignement agricole, budget géré par le ministère de l'agriculture mais qui relève d'une autre mission.

F. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL ».

1. Des missions stratégiques.

Depuis quelques années, le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR) a connu une évolution de ses missions.

Destiné initialement à financer les actions des chambres d'agriculture, de Coop de France et des autres organismes en matière de développement rural, ainsi que les programmes de recherche des instituts techniques agricoles, le CASDAR a vu ses missions étendues progressivement. Les crédits de génétique animale ont été sortis du budget de l'Etat en 2011 pour relever depuis du CASDAR. En 2014, le CASDAR a dû porter une dotation de 10 millions d'euros destinée à FranceAgrimer, apportée précédemment par le budget de l'État. Ce mouvement s'est poursuivi en 2015, avec près de 18 millions d'euros supplémentaires destinés à FranceAgrimer compensant les baisses de dotation du budget de l'Etat.

Le CASDAR est divisé en deux programmes distincts :


Le programme n° 775 « développement et transferts en agriculture » a pour objectifs la diffusion des connaissances, le transfert et la généralisation des innovations issues des résultats de la recherche, des études et des expérimentations auprès des agriculteurs et des entreprises du secteur agricole.

Piloté par la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l'agriculture, il est doté de 70,5 millions d'euros pour 2016, comme en 2015, destinés à financer cinq dispositifs :

- les programmes pluriannuels des chambres d'agriculture et de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) en consomment la plus grande part : 40 millions d'euros pour 2016, comme en 2015 ;

- les programmes pluriannuels des organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), dont Coop de France, représentent 7,7 millions d'euros pour 2016, comme en 2015 ;

- le programme d'appui à la génétique animale représente 8 millions d'euros pour 2016, comme en 2015 ;

- le programme d'assistance technique mis en oeuvre par FranceAgrimer s'élève à 8,85 millions d'euros, en légère baisse par rapport à 2015 ;

- enfin, l'ensemble des lignes budgétaires ciblées sur des objectifs spécifiques sont regroupées sur une seule ligne destinée à financer les actions thématiques innovantes, pour 5,4 millions d'euros.


Le programme n° 776 « recherche appliquée et innovation en agriculture » a un objectif proche du premier programme, mais est géré par une autre direction du ministère de l'agriculture, la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER).

Comme en 2015, il est doté de 76,5 millions d'euros en 2016 afin de financer trois dispositifs :

- une enveloppe de 40,5 millions d'euros, contre 42,7 millions d'euros l'année dernière, doit financer les programmes pluriannuels de recherche et de développement agricole et rural des instituts techniques agricoles ;

- une enveloppe de 30,3 millions d'euros sera distribuée dans le cadre de quatre appels à projets répondant aux orientations stratégiques du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) : « Innovation et partenariat » (9,7 millions d'euros), « Recherche technologique » (3,5 millions d'euros), « Semences et sélection végétale » (1,3 million d'euros) et « Expérimentation » (15,75 millions d'euros), ce dernier programme étant mis en oeuvre par FranceAgrimer ;

- enfin, une enveloppe de 5,8 millions d'euros financent des « actions d'accompagnement » portant sur des problématiques d'actualité ou des situations d'urgence, dont 2,2 millions d'euros contribuent au financement d'actions thématiques transversales au sein du réseau des instituts techniques agricoles afin de mutualiser les travaux de recherche appliquée sur des thématiques d'intérêt commun prioritaire.

Le CASDAR est donc appelé à financer des actions essentielles d'accompagnement au changement de l'agriculture française. La thématique de l'agro-écologie a d'ailleurs été mise au coeur du PNDAR, et les crédits correspondants visent à favoriser les modifications de pratiques des exploitations agricoles.

2. Le risque de ne pas disposer de tous les crédits en 2016 ?

La construction du budget 2016 du CASDAR n'est toutefois pas sans risques . En effet, le compte est alimenté par une seule recette : la taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises agricoles, régie par l'article 302 bis MB du code général des impôts.

Le Gouvernement a fait le choix d'inscrire 147,5 millions d'euros de recettes pour le CASDAR en 2016, comme en 2015.

Or, la conjoncture agricole dégradée fait peser un lourd risque de moindres recettes, risque qui pèse déjà sur l'année 2015. D'après les informations fournies à vos rapporteurs, la perspective de recette au 31 décembre 2015, compte tenu de la prévision de chiffre d'affaires de l'agriculture 2014 est de l'ordre de 138 millions d'euros, soit presque 10 millions d'euros en dessous des recettes théoriques.

Le régime juridique applicable aux comptes d'affectation spéciale prévoit que le montant des engagements soit ajusté au niveau de la recette réelle, si bien qu'une forte réduction des ambitions des programmes 775 et 776 devrait être impérative en 2015 comme en 2016.

Vos rapporteurs craignent donc que ces programmes soient amputés de moyens conséquents, obligeant à réduire les enveloppes versées à leurs bénéficiaires , qui pourraient réduire le nombre de projets sélectionnés dans le cadre des appels à projets ou supprimer des actions.

II. LES ENJEUX DE 2016 : RÉPONDRE À LA CRISE AGRICOLE ET PRÉPARER L'AVENIR DE NOTRE AGRICULTURE DANS UN CONTEXTE DE CONCURRENCE ACCRUE.

A. L'ANNÉE 2015 MARQUÉE PAR LA CRISE DES FILIÈRES D'ÉLEVAGE.

L'année 2015 est marquée par la dégradation très forte de la situation des agriculteurs, en particulier dans les filières d'élevage. Dans leur rapport de l'année dernière, vos rapporteurs pour avis avaient déjà repéré « le spectre du retour de la crise agricole ». En juin dernier, le ministre Stéphane Le Foll avait estimé que 10 % des éleveurs, soit 22 à 25 000 exploitations, étaient au bord du dépôt de bilan. La prédiction de vos rapporteurs s'est hélas avérée exacte, voire même pire que prévu dans les secteurs du lait, du porc et de l'élevage bovin.

1. La filière porcine.
a) Des difficultés structurelles pour la filière.

La filière porcine décline depuis le début des années 2010. La production qui s'était maintenue entre 2000 et 2010 à environ 25,5 millions de porcs par an, s'établit désormais à 23 millions de porcs par an. La France est devenue importatrice nette de viande de porc.

Le maillon abattage-découpe est peu compétitif par rapport aux concurrents européens qui ont fortement investi (Danemark, Espagne Allemagne) ou bénéficiaient d'avantages compétitifs en termes de coûts de main d'oeuvre (Allemagne), et a connu une lourde restructuration avec le dépôt de bilan du groupe GAD début 2013 (suivi d'un redressement judiciaire) et la mise en redressement judiciaire des abattoirs AIM en janvier 2015. L'interprofession porcine (Inaporc) estime ainsi que le différentiel de compétitivité entre la France et l'Allemagne serait de 10 centimes par kilo de porc.

b) Aggravées par des difficultés conjoncturelles.

En février 2014, la Russie a décrété un embargo sur la viande de porc européenne, suite à la découverte d'un cas de peste porcine dans les pays baltes. Les productions à destination du marché russe se sont reportées sur le marché interne de l'Union européenne.

Dans le même temps, les producteurs européens ont augmenté leur production de 5 % entre la mi-2014 et la mi-2015 2 ( * ) (+ 8 % en Espagne, + 3 % en Allemagne, + 9 % en Allemagne, + 7 % aux Pays-Bas) alors qu'elle stagne en France (+ 0,8 %).

Dans un tel contexte, les éleveurs français semblent souffrir plus que leurs voisins, avec des exportations en repli. La balance commerciale sur le porc est équilibrée en volume, mais déficitaire de 100 millions d'euros par an en valeur.

Sur le premier semestre 2015, les prix du porc se sont établis à un niveau 12 % inférieur à celui de 2014. Les faibles cours du porc pèsent fortement sur la trésorerie des exploitations, même si le prix de l'alimentation a un peu baissé aussi dans le même temps. Au printemps dernier, les éleveurs estimaient à 1,40 € par kilo le prix minimal permettant aux exploitations de couvrir leurs charges. Or, dans un contexte de baisse des cours européens, ce niveau de prix n'a pu être atteint durablement .

En août, les cotations au marché du porc breton (MPB) de Plérin, qui donnait les références de prix pour la quasi-totalité des transactions, ont dues être suspendues suite au retrait des deux principaux opérateurs du marché, refusant de voir les prix français être déconnectés des prix européens.

La baisse du coût de l'alimentation (qui peut représenter jusqu'aux deux tiers du coût de production du porc) a en partie compensé en 2014 la baisse des prix de vente, mais seulement en partie, car le résultat courant avant impôt (RCAI) par actif non salarié s'établit à 24 800 € en 2014, en repli de 18 % par rapport à la moyenne de longue période 2000-2013 et de 33 % par rapport à la moyenne 2011-2013 .

Le porc est un produit d'appel dans les grandes surfaces, qui tiennent à ce que les prix de vente au consommateur soient les plus serrés possibles, poussant les prix d'achat à la baisse.

c) Les solutions mises en oeuvre.

Suite au rapport du délégué interministériel aux industries agroalimentaires Alain Berger d'avril 2013, plusieurs mesures ont été prises en faveur de la filière porcine :

- l'allègement des procédures administratives a été mis en oeuvre, avec la création début 2014 d'une procédure d'enregistrement, plus simple que la procédure d'autorisation, au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), pour les élevages entre 450 et 2 000 équivalents-animaux (mais les élevages de plus de 750 truies ou de plus de 2 000 porcs de plus de 30 kg restent soumis au régime d'autorisation). La loi Macron prévoit une réduction des délais de recours contre les décisions d'autorisation ;

- les investissements de mise aux normes et les investissements de modernisation sont éligibles au programme des investissements d'avenir (PIA) et au plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) piloté par le ministère chargé de l'agriculture ;

- l'export est encouragé , en ouvrant de nouveaux marchés extérieurs : en mars 2015, le marché chinois a été ouvert à la charcuterie française ;

- pour les producteurs de porcs en difficulté, la MSA a ouvert le dispositif d'allègement de charges sociales ;

- la promotion de l'origine France est préconisée : le règlement européen sur l'information des consommateurs avait été modifié pour imposer l'indication de l'origine sur la viande de porc fraîche à partir du 1 er avril 2015. L'apposition du logo « viande de porc française » est par ailleurs encouragée ;

- le ministre de l'agriculture a pris le 12 juin 2015 un arrêté limitant les périodes de promotion sur le porc à seulement deux périodes par an, contre la possibilité de proposer des promotions toute l'année auparavant ;

- plusieurs rencontres ont eu lieu au ministère de l'agriculture, pour demander aux distributeurs de favoriser la filière porcine française, et pour permettre un meilleur dialogue entre producteurs et abatteurs, à travers un système de cotation accepté par tous ;

- au niveau européen, la France a demandé la prolongation de la période de soutien au stockage privé, pour éviter le retour sur le marché en septembre de la viande stockée, ce qui risquerait d'effondrer les cours.

La restauration de la compétitivité du secteur porcin constitue un impératif pour la survie de la filière, qui représente 100 000 emplois directs.

2. La crise dans le secteur du lait.
a) La baisse récente des prix du lait.

Alors que l'année 2014 a été une bonne année - voire une année record - la baisse des prix du lait est générale en Europe depuis l'été 2014.

En France, le prix pour l'année 2015 devrait avoisiner les 310 euros les 1 000 litres. C'est un retour au niveau de 2010, qui s'explique par un déséquilibre entre l'offre et la demande mondiale, amplifiée en Europe par les effets de la fin des quotas laitiers qui encadraient la production depuis 1984.

L'embargo russe a aussi eu pour effet de reporter les productions de lait et de fromage sur les marchés européens.

Or, la production de lait est exposée très fortement à la concurrence internationale. Une part importante de la production est destinée à l'exportation, les produits laitiers ayant généré 3,8 milliards d'euros d'excédent commercial en 2014.

Les producteurs français comme les industriels doivent donc faire face aux conditions du marché.

Le redressement des prix observé durant l'été 2015, dans un contexte de coûts de production stables depuis janvier 2015, devrait redonner des marges de manoeuvre aux éleveurs, mais les les grands pays exportateurs de lait, comme la Nouvelle-Zélande, anticipent au mieux une stabilité des prix en 2016.

Prix du lait payé aux producteurs - Source : FranceAgrimer

b) La mise en place de dispositifs de soutien ne doit pas masquer la nécessité de réformes structurelles.

Les actions des éleveurs avant l'été ont conduit le ministre de l'agriculture à organiser des rencontres entre professionnels pour définir des stratégies communes et apaiser les conflits de répartition au sein de la filière entre producteurs, transformateurs et distributeurs. La table ronde du 24 juillet 2015 devait permettre de faire remonter les prix. Le médiateur des relations commerciales agricoles a estimé que globalement, distribution et transformation ont appliqué les engagements pris à cette occasion.

En septembre, la commission européenne a également annoncé reverser une partie des pénalités payées par les producteurs ayant dépassé leurs quotas jusqu'à 2015 pour soutenir les agriculteurs : pour la France, c'est une enveloppe de 63 millions d'euros qui a ainsi été débloquée.

Mais l'expérience montre que la régulation politique des prix est un leurre en économie ouverte , ce qui doit amener la filière à engager sa restructuration.

Le rapport d'information de la commission des affaires européennes du 25 juin 2015 sur la situation du secteur laitier après les quotas, établi par nos collègues Claude Haut et Michel Raison, insistait sur la nécessité de définir une stratégie pour la filière laitière française , combinant le maintien des exploitations sur l'ensemble du territoire et la recherche de gains de productivité.

A la veille de la négociation de la prochaine génération de contrats laitiers, qui devrait intervenir en 2016, le renforcement du pouvoir de négociation des éleveurs à travers la constitution d'organisations de producteurs puissantes paraît également nécessaire.

Enfin, le rapport portait une appréciation plutôt positive sur la constitution de grandes fermes, capables de répondre aux enjeux économiques et environnementaux de la production laitière.

3. La crise dans la filière bovine.
a) Des revenus parmi les plus bas du monde agricole.

En 2014, le revenu courant après impôt des éleveurs spécialisés en viande bovine s'est élevé à seulement 15 900 euros, soit un niveau inférieur de 17 % à la moyenne observée en 2011-2013 et de 22 % par rapport à la moyenne sur longue période (2000-2013). Ces dernières années, les revenus moyens ont oscillé entre 12 000 et 18 000 euros, et s'établissent parmi les plus bas du monde agricole.

Les prix payés aux producteurs ont peu varié sur longue période : entre 1995 et 2015, le prix de la viande payé au producteur a augmenté de 12 % quand les prix à la consommation ont augmenté de 60 %.

En revanche, les coûts de production (fermages, coûts vétérinaires, alimentation animale) ont progressé de manière beaucoup plus dynamique.

Le secteur de l'élevage bovin allaitant est économiquement peu attractif et nécessite des investissements lourds à l'installation (achat du cheptel, acquisition de terres).

Des difficultés supplémentaires se profilent comme l'obligation de nouvelles mises aux normes pour le stockage de fumier dans les nouvelles zones vulnérables ajoutées à la liste déjà existante pour respecter davantage la directive « nitrates ».

Toutefois, il faut nuancer le panorama : les résultats économiques des exploitations sont très différents selon les choix faits dans la conduite d'exploitation, comme le montre un rapport de février 2015 du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux.

b) Des interrogations sur l'avenir de la filière.

La baisse tendancielle de consommation fait peser une menace lourde à long terme sur la filière bovine française.

La filière viande bovine est concurrencée par la production de viandes issues de vaches laitières de réforme, qui assurent 40 % de l'approvisionnement en viande du marché français. Dès lors que 50 % de la consommation de viande se fait sous forme de steak haché surgelé, le marché est tiré à la baisse par l'entrée de gamme, rendant difficile la valorisation des « pièces nobles » issues de races à viande.

Les marchés d'export de bovins vifs partant à l'engraissement en Italie ou Espagne sont en contraction, ce qui contribue à fragiliser la filière. Depuis septembre, la résurgence de la FCO constitue une difficulté nouvelle qui ralentit le commerce de bétail vif.

Il existe une surcapacité globale d'abattage en France, qui fragilise l'ensemble du secteur de l'abattage-découpe, qui ne peut pas optimiser l'utilisation des capacités de production, alors que c'est cette optimisation qui assure la rentabilité des outils industriels.

Le dernier rapport de l'observatoire des prix et des marges montre que ni les producteurs, ni les transformateurs, ni les distributeurs ne dégagent de marge nette importante dans le secteur de la viande bovine : la faiblesse des marges entraîne une grande dureté des négociations commerciales.

Enfin, les négociations commerciales, en particulier du traité transatlantique en cours inquiètent la filière viande française, car les États-Unis disposent d'avantages compétitifs structurels considérables sur la production européenne.

c) L'action des pouvoirs publics se heurte à la réalité.

Les pouvoirs publics ont affirmé leur objectif de soutenir spécifiquement l'élevage allaitant français :

- la priorité à l'élevage a été affirmée dans le cadre de la réforme de la PAC 2014-2020 : elle se traduit par une revalorisation de l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) ainsi que le maintien d'une prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) ;

- l' arsenal des mesures de précaution mises en place à la suite de la crise de la vache folle du début des années 2000 (et notamment des tests systématiques en abattoirs) a été allégé pour réduire les coûts ;

- le dispositif d'allègement de charges de la MSA a été ouvert aux producteurs de bovins allaitants, et le dispositif d'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties a été activé ;

- les professionnels et les pouvoirs publics encouragent la conquête de nouveaux marchés extérieurs porteurs (Turquie, Moyen-Orient, Chine) et les des dispositifs permettant de lever plus rapidement les freins sanitaires et administratifs ont été mis à disposition (plate-forme Exp@don) ;

- la viande bovine bénéficie d'une obligation d'étiquetage de l'origine depuis une quinzaine d'années (indication du pays de naissance, d'élevage et d'abattage), mais qui ne s'étend pas aux produits transformés à base de viande. La diffusion du logo viande bovine française est en cours de déploiement et le respect par les grandes surfaces de l'étiquetage de l'origine fait l'objet d'une mission de contrôle du ministère de l'agriculture ;

- le système des cotations, critiqué par certains, doit faire l'objet de contrôles par FranceAgrimer, pour vérifier que le « bon prix » est payé aux éleveurs.

Il est par ailleurs indispensable d'avancer sur l'étiquetage de l'origine de la viande utilisée comme ingrédient , en débloquant ce dossier au niveau européen. Les engagements pris en loi agricole ou lors de la discussion de la loi consommation n'ont pas été tenus sur ce point.

La viande issue du troupeau allaitant devrait être davantage valorisée dans la grande distribution, avec une piste : un engagement des distributeurs sur un pourcentage de leur offre en viande de race à viande (et non pas en viande de réforme laitière).

L'organisation de la mise en marché est perfectible, afin de mieux faire correspondre l'offre à la demande, tout en optimisant le planning de production des abattoirs : la contractualisation constitue cependant une piste contrecarrée par l'habitude de passer par des intermédiaires dans l'allotissement.

B. AU-DELÀ DES PLANS DE CRISE, LA RÉUSSITE DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE PASSE PAR DES MESURES STRUCTURELLES.

1. Le plan de soutien à l'élevage, combinaison de mesures conjoncturelles et de mesures structurelles.

Devant les difficultés des filières d'élevage, le Gouvernement a mis en place en juillet 2015 un plan de soutien à l'élevage français, qui visait d'abord et avant tout à soulager les trésoreries des exploitations. Ce plan a été renforcé en septembre, pour faire face aux nouvelles demandes. Il repose notamment sur :

- le report des charges financières des éleveurs en difficulté, appelée « année blanche », grâce à une négociation avec les banques. Le coût de cette mesure est estimé à 100 millions d'euros, pris en charge sur le FAC ;

- la réduction de la cotisation minimale maladie , invalidité et maternité due par les agriculteurs, de 833 à 453 euros en 2015, avant une suppression totale en 2016. Le coût de ce dispositif est estimé à 45 millions d'euros ;

- la prise en charge d'une partie des cotisations sociales dues par les exploitants agricoles, représentant une enveloppe de 50 millions d'euros, pris en charge par la mutualité sociale agricole (MSA) ;

- la remise gracieuse de taxe foncière sur les propriétés non bâties au bénéfice des agriculteurs en difficulté, représentant une enveloppe de 50 millions supplémentaires ;

- le report du paiement des impôts et cotisations sociales pour les éleveurs en difficulté. Cette mesure s'accompagne de la possibilité, ouverte par le projet de loi de finances rectificative pour 2016, de revenir sur les modalités de calcul des cotisations sociales, en révoquant le calcul sur la moyenne triennale. Le coût potentiel de cette mesure est estimé à 87 millions d'euros.

Ces mesures de soutien conjoncturel sont complétées par des mesures plus structurelles parmi lesquelles :

- le renforcement du PCAE de 30 millions d'euros, pour atteindre 350 millions d'euros par an, pour soutenir l'investissement ;

- la mise en oeuvre du PIA , doté pour l'agriculture et l'agroalimentaire de 120 millions d'euros, doit par ailleurs être accélérée ;

- la recherche de nouveaux débouchés à l'export fait l'objet de mesures pratiques : la plate-forme « France Viande Export » est mise en place pour permettre aux opérateurs de se regrouper pour conquérir des marchés extérieurs.

2. La nécessité de renforcer la compétitivité de l'agriculture et de l'agroalimentaire sur le long terme.

Dans un marché mondialisé, la compétitivité de l'agriculture et de l'agroalimentaire constitue un impératif incontournable, même si une multitude de chemins sont possibles.

La qualité des productions françaises, reconnue sur le territoire mais aussi à l'extérieur, constitue un atout indéniable qui peut justifier des prix plus élevés. Mais la logique de segmentation sur le « haut de gamme » ne peut pas être la seule à l'oeuvre.

Les mesures d'allègements de charges salariales dans l'agriculture et l'agroalimentaire constituent un pas en direction d'une amélioration de la compétitivité de la France. D'après les informations fournies à vos rapporteurs, ces allègements représentent pour 2016 4,2 milliards d'euros et monteront à 4,6 milliards d'euros en 2017.

ALLEGEMENT CHARGES SOCIALES ET FISCALES

2013

2014

2015

2016

2017

Production agricole

1 027

1 294

1 710

1 780

1 814

dont baisse des cotisations individuelles des exploitants

206

223

225

dont allègements de cotisations patronales

1 027

1 035

1 111

1 151

1 174

dont CICE

259

388

392

397

dont suppression progressive de la C3S

5

14

18

Coopératives et IAA

792

1 223

1 604

1 758

1 991

dont allègements de cotisations patronales

792

820

944

1 050

1 100

dont CICE

403

612

622

638

dont suppression progressive de la C3S

48

86

253

Services agricoles

223

470

642

722

812

dont allègements de cotisations patronales

223

243

295

364

398

dont CICE

227

347

358

368

dont suppression progressive de la C3S

46

TOTAL

2 042

2 987

3 956

4 260

4 617

En millions d'euros - Source : MAAF

Au-delà de l'amélioration de la compétitivité-prix, une action doit être menée sur la simplification des normes en agriculture, qui constituent autant de freins aux projets des opérateurs économiques. À cet égard, la commission des affaires économiques du Sénat a mis en place un groupe de travail sur cette question, qui doit présenter ses conclusions dans les mois qui viennent.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 10 novembre 2015 :

- Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) : MM. Dominique Jarlier , président, et Yves Lessard , conseiller du président ;

- Office national des forêts (ONF) : M. Patrick Soulé , directeur général adjoint.

- France Bois Industries Entreprises (FBIE) : MM. Luc Charmasson , président de FBIE et Vice-Président du CSF Bois, Vincent Petitet , délégué général et Mme Emmanuelle Bour Poitrinal , animatrice du Comité Stratégique de Filière Bois ;

- France Bois Forêt (FBF) : MM. Cyrille Le Picard , président et Bruno de Jerphanion , 1 er vice-président.

Jeudi 12 novembre 2015 :

- France Agrimer : MM. Eric Allain , directeur général, et Alexandre Censoni , chef du service des affaires financières au secrétariat général ;

- Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) : M. Marc Mortureux , directeur général et Mme Alima Marie , directrice de l'information, de la communication et du dialogue avec la société.


* 1 Dont deux millions d'euros ne constituent pas une baisse réelle de subvention mais un transfert des moyens du programme 154 vers le programme 304, pour prendre en charge les frais relatifs à la gestion du Fonds européen d'aide aux plus démunis mettant en oeuvre l'aide alimentaire.

* 2 Source : note de conjoncture de FranceAgrimer - juin 2015.

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