Avis n° 165 (2015-2016) de M. Michel LE SCOUARNEC , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 19 novembre 2015

Disponible au format PDF (487 Koctets)


N° 165

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
(PÊCHE ET AQUACULTURE)

Par M. Michel LE SCOUARNEC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, MM. Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen des crédits budgétaires consacrés à la pêche et à l'aquaculture constitue chaque année l'occasion pour le Sénat d'analyser l'état de ce secteur , d'un poids économique modeste mais qui reste important par son rôle d'animation des territoires littoraux.

A l'instar de nombreuses activités économiques, la pêche maritime se déploie dans un environnement législatif et réglementaire largement déterminé par des règles de niveau européen . La nouvelle politique commune de la pêche (PCP) mise en place en 2014, renforce encore les contraintes qui pèsent sur les pêcheurs, afin de prendre en compte davantage encore le risque d'épuisement des ressources halieutiques dans les eaux européennes.

Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) constitue l'instrument financier dédié par l'Union européenne à l'accompagnement des pêcheurs, qui a succédé au fonds européen pour la pêche (FEP) en 2014. Or, depuis deux ans, la mise en oeuvre du FEAMP est toujours en phase de préparation . Une montée en puissance rapide est désormais nécessaire, pour que le FEAMP soit réellement aux côtés des professionnels et au service de la modernisation des pêches maritimes, par une distribution effective des crédits.

Si la taille de la flotte de pêche en France ne cesse de se réduire, la pêche maritime connaît pourtant de réelles perspectives de développement : l'état des ressources halieutiques s'améliore en Atlantique Nord, laissant entrevoir des assouplissements sur les fixations de quotas dans une zone essentielle pour notre flotte hauturière. La demande mondiale de poissons et crustacés progresse également et devrait poursuivre sa progression sur la prochaine décennie, donnant également de l'espoir pour le développement de l'aquaculture.

Encore faut-il que la France dispose de marins et de navires ainsi que d'équipements à terre capables de relever les défis d'une pêche performante, durable et responsable .

Pour 2016, le Gouvernement a choisi de ne pas accentuer le désengagement de l'État dans la pêche maritime et l'aquaculture, avec une enveloppe de crédits consacrés à la pêche qui reste quasi-identique à celle de 2015. Le secteur de la pêche et de l'aquaculture pourra par ailleurs continuer à bénéficier des dispositifs fiscaux existants, comme l'exonération de taxation des carburants servant à l'avitaillement des navires. Le maintien de ces moyens est indispensable pour ne pas pénaliser notre flotte, qui subit déjà le dumping social de nombreux États, y compris à l'intérieur des frontières de l'Europe.

Votre rapporteur se félicite également que l'ambition de la France pour la pêche et l'aquaculture ait été rappelée par le comité interministériel de la mer (CIEM) qui s'est tenu le 22 octobre 2015 à Boulogne-sur-Mer .

Cette ambition peut se déployer dans le strict respect de l'environnement, puisque la reconstitution progressive des stocks halieutiques montre que l'Europe est sur le chemin d'une pêche plus durable.

Parmi les 11 mesures annoncées au CIEM, deux concernent plus particulièrement la pêche et l'aquaculture :

- D'une part, le Gouvernement s'est engagé à faciliter le renouvellement de la flotte de pêche par une réforme de la gestion de la capacité de pêche, passant par une réforme du permis de mise en exploitation, afin notamment de favoriser l'installation de jeunes patrons-pêcheurs. Prolongeant les engagements pris précédemment, le CIEM a également réaffirmé l'utilisation de l'innovation technologique pour des navires plus propres, plus économes en carburant et plus sûrs pour les équipages.

- D'autre part, la nécessité de soutenir l'aquaculture a été soulignée lors du CIEM, dans le but de réduire la dépendance de la France aux importations, avec d'une part un plan de progrès pour la pisciculture continentale et d'autre part la relance du zonage aquacole sur le littoral avec un schéma d'identification des meilleurs sites aquacoles possibles. Une part de 15 % de l'enveloppe du FEAMP devrait être consacrée au soutien à l'aquaculture.

Votre rapporteur estime que de tels engagements vont dans le bon sens, mais qu'il faudra une volonté politique forte pour mettre effectivement en oeuvre un plan de modernisation de notre pêche et de notre aquaculture , car de telles annonces ont déjà été faites dans le passé. À cet égard, bien peu des schémas régionaux de l'aquaculture marine (SDRAM) prévus par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010 ont vu le jour depuis.

Lors de sa réunion du 25 novembre 2015, la commission des affaires économiques a émis, sur proposition de son rapporteur pour avis, un avis de sagesse à l'adoption des crédits relatifs à la pêche et à l'aquaculture inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016 au sein de la mission : « Écologie, développement et mobilité durables ».

I. UN BUDGET DE SOUTIEN À LA PÊCHE ET L'AQUACULTURE STABLE, COMPLÉTÉ PAR D'AUTRES FORMES DE SOUTIEN.

A. L'ENVELOPPE DE CRÉDITS 2016 EN FAVEUR DE LA PÊCHE ET DE L'AQUACULTURE PROCHE DE CELLE DE 2015.

Les crédits en faveur de la pêche maritime et de l'aquaculture figurent pour 2016 comme en 2015 au sein de l'action n° 6 : « gestion durable des pêches et de l'aquaculture » du programme n° 205 : « sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission : « Écologie, développement et mobilité durables ».

L'enveloppe de crédits consacrée à cette action dans le projet de loi de finances pour 2016 s'élève à 46,8 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP) , contre 47,9 millions en 2015. Cette baisse de 2,3 % s'inscrit dans le prolongement de la baisse tendancielle des crédits en faveur de la pêche et de l'aquaculture depuis plusieurs exercices.

L'essentiel de ces crédits constitue la contrepartie nationale de crédits européens apportés par le FEAMP . Ils se répartissent en deux blocs : un premier bloc correspond aux missions régaliennes de collecte de données scientifiques et de contrôle, et un second bloc correspond aux interventions socio-économiques en faveur du secteur de de la pêche et de l'aquaculture.

1. Des crédits de suivi scientifique et de contrôle nécessaires à la mise en oeuvre de la politique commune de la pêche.
a) La recherche scientifique : un investissement dans la connaissance essentiel à la gestion des pêches maritimes..

Une bonne connaissance de l'état des ressources halieutiques est indispensable à la conduite de la politique des pêches maritimes , tant pour la fixation des totaux admissibles de capture (TAC) ensuite déclinés en quotas, que pour l'encadrement des activités de pêche dans le temps ou l'espace.

Une enveloppe de 6,8 millions d'euros est inscrite dans le budget 2016 pour la collecte de données et les expertises scientifiques . Ces crédits répondent pour partie à des obligations européennes imposées par les règlements communautaires. D'ailleurs, la plus grande part des financements en faveur de l'expertise halieutique sera apportée par des crédits européens du FEAMP, l'enveloppe 2014-2020 s'élevant dans ce domaine à 66 millions d'euros, soit presque 10 millions d'euros par an.


• Le programme national français de collecte des données de base , reconduit par décision de la Commission européenne pour la période 2014-2016 dans l'attente du nouveau règlement européen sur la collecte de données, s'élève ainsi pour 2015 à 13 millions d'euros, dont 3,3 millions d'euros financés par le programme 205. Les programmes d'observation scientifique à la mer (programme Obsmer) et au débarquement prennent une importance croissante dans les méthodes d'évaluation scientifique des stocks halieutiques. L'évolution des technologies permet aussi de perfectionner la collecte de données scientifiques afin de disposer d'indications plus précises en vue de la définition du rendement maximum durable des stocks soumis à TAC et quotas.


• Un peu plus de la moitié des crédits d'expertise scientifique au sein de l'enveloppe budgétaire dédiée, soit 3,5 millions d'euros, est destinée aux subventions aux organismes scientifiques : l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), dans le cadre d'une convention-socle couvrant notamment la collecte de données sur l'activité des navires, devrait en percevoir la plus grande part, soit 2,65 millions d'euros en 2016.

L'institut de recherche pour le développement (IRD) et le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) sont également destinataires des subventions en provenance du budget de l'État pour mener leurs actions de recherche sur les ressources halieutiques, respectivement pour les pêches thonières en Atlantique du Centre-est et dans l'Océan indien et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Il faut noter que le budget 2016 n'inclut pas de subvention en faveur du programme POKER d'évaluation de la ressource en légines dans les TAAF, la quatrième campagne ne pouvant pas démarrer techniquement avant 2017.

Votre rapporteur note la nécessité de maintenir un haut niveau d'investissement de l'IFREMER dans la connaissance des ressources halieutiques , car cette connaissance est la condition de la capacité de la France à discuter chaque année à Bruxelles des quotas. Plusieurs programmes phares d'observation sont ainsi menés chaque année, comme le programme Langolf sur l'évaluation de la langoustine dans le golfe de Gascogne (effectué en coopération avec les scientifiques irlandais), la campagne Pelgas sur l'anchois dans la même zone, ou encore la campagne Comor sur l'état des stocks de coquille Saint-Jacques en Manche orientale.

Or, les professionnels craignent un désengagement progressif, à bas bruit, dont ils seraient les premières victimes, avec une « réduction de voilure » sur les programmes d'observation.

Les crédits en provenance du budget de la pêche représentent une très faible part du budget total de l'IFREMER, qui est d'environ 215 millions d'euros par an. L'essentiel des 150 millions d'euros de subventions pour charges de service public de l'Institut provient d'ailleurs du programme n° 172 : « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » rattaché à la mission : « recherche et enseignement supérieur ».

D'après les informations fournies à votre rapporteur, l'IFREMER consacre 7,5 à 8 millions d'euros de budget à la collecte de données scientifiques sur l'état des ressources halieutiques, soit plus que les subventions reçues au titre de la convention-socle. Il est absolument indispensable de conserver un tel niveau d'investissement dans la connaissance halieutique en 2016 et les prochains années.

b) Le contrôle des pêches, priorité préservée du budget 2016.

Au même titre que la collecte de données scientifiques, le contrôle des pêches maritimes constitue une obligation européenne résultant de la PCP . La mise en oeuvre de l'interdiction des rejets, depuis le 1 er janvier 2015 pour les pêcheries pélagiques et à partir du 1 er janvier 2016 pour les pêcheries démersales (hors Méditerranée, où les interdictions de rejets ne valent qu'à partir du 1 er janvier 2017), impose de nouveaux contrôles.

Les contrôles constituent aussi une condition indispensable au respect des engagements internationaux de la France en matière de préservation des ressources halieutiques et de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).

Un plan de contrôle national, décliné en plans de contrôle régionaux, est mis en oeuvre par les pouvoirs publics et soumis aux autorités européennes.

Le recensement précis des moyens consacrés aux contrôles des pêches maritimes est difficile, car pas moins de sept services de l'État prêtent leur concours au contrôle des pêches maritimes :

- En mer , les contrôles sont effectués par les unités des affaires maritimes, des douanes, de la gendarmerie départementale, de la gendarmerie maritime et de la Marine nationale. Le contrôle opérationnel des moyens de surveillance des pêches en mer est confié depuis 2012 au Centre national de surveillance des pêches (CNSP) ;

- Au débarquement , les contrôles sont effectués par les mêmes services, à l'exception de la Marine nationale ;

- Enfin, lors de la commercialisation , les contrôles sont effectués par les agents des affaires maritimes, les agents des douanes et de la gendarmerie, mais aussi par la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) et par les services de la direction générale de l'alimentation (DGAl).

Pourtant, l'action n° 6 du programme 205 ne comprend aucun des moyens humains destinés au contrôle des pêches à ces différents stades. Au titre du contrôle, une enveloppe de 6,2 millions d'euros est inscrite en 2016 au sein de cette action, comme en 2015 et 2014 .

Un peu moins de 60 % de l'enveloppe, soit 3,6 millions d'euros, vise à financer des investissements visant à améliorer les systèmes d'information de gestion des pêches et de l'aquaculture. La part restante, soit 2,6 millions d'euros, vise à financer les actions de pilotage du contrôle.

Effectifs et matériels consacrés en France au contrôle des pêches

Dans le cadre de la rédaction du programme opérationnel du FEAMP, les effectifs consacrés au contrôle des pêches maritimes ont été estimés à 460,5 équivalents temps plein (ETP) dont 451 hors de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA)

1. Effectifs du ministère de l'Écologie du Développement durable et de l'Énergie (MEDDE) :

1.1. Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) Supervision :

- Bureau des contrôles des pêches - 8 ETP

- Autres services - 1,5 ETP

1.2. Direction des Affaires Maritimes (DAM) :


• Centre National de Surveillance des pêches (CNSP) - Coordination - 24 ETP


• Moyens nautiques hauturiers - Contrôle hauturier - 120 ETP


• Unités littorales des affaires maritimes (ULAM) - Contrôle côtier et à terre - 150 ETP

1.3. Agence des aires marines protégées - Contrôle côtier - 1 ETP

2. Effectifs du ministère de la Défense :

- Marine nationale - Contrôle hauturier - 77 ETP

- Gendarmerie maritime - Contrôle côtier et à terre - 24 ETP

3. Ministère des finances et des comptes publics :

- Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) - Contrôle hauturier, côtier et à terre - 29 ETP

4. Ministère de l'intérieur :

- Gendarmerie nationale - Contrôle à terre - 8 ETP

5. Ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique :

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - Contrôle à terre - 9 ETP

6. - Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

- Direction générale de l'alimentation (DGAL) - Services vétérinaires - Contrôle à terre - Nombre ETP non défini

- FranceAgrimer - Unité base d'information sur la pêche - Saisie des fiches de pêches et recueil des notes de ventes - 9 ETP

Les moyens de contrôle des pêches mobilisables en mer sont mis en oeuvre par :


• les affaires maritimes avec trois patrouilleurs hauturiers, trois vedettes régionales et les moyens nautiques légers de vingt-deux unités littorales des affaires maritimes (ULAM),


• la gendarmerie maritime avec quatre patrouilleurs, vingt-trois vedettes côtières et les moyens des dix brigades de surveillance littorale,


• la gendarmerie nationale avec différents types de vedettes,


• les douanes avec deux patrouilleurs, vingt vedettes, douze avions et huit hélicoptères,


• l'agence des aires marines protégées avec des embarcations semi-rigides,


• la marine nationale avec une frégate, dix patrouilleurs, deux remorqueurs, un bâtiment d'essais de guerre des mines et des avions de patrouille maritime.

Source : DPMA

c) L'assistance technique à la mise en oeuvre de la nouvelle PCP : une nécessité budgétaire maintenue.

Outre les crédits en faveur de la connaissance scientifique et des contrôles, l'action n° 6 du programme 205 comporte pour 2016 une enveloppe de 3,5 millions d'euros destinés à prendre en charge la participation de la France aux organismes internationaux, aux conseils consultatifs régionaux et les dépenses de fonctionnement de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture.

Cette enveloppe, comparable à celle de 2015, sert également à régler les frais de gestion du nouveau FEAMP, engagés par l'Agence de services et de paiements (ASP), chargée d'instruire les dossiers et de les régler.

2. Un budget d'intervention économique en très légère baisse, principalement destiné au cofinancement de mesures européennes.

Avec 30,32 millions d'euros, contre 31,2 millions d'euros dans le précédent projet de loi de finances, l'enveloppe des soutiens économiques aux secteurs de la pêche maritime et de l'aquaculture est en légère décrue, essentiellement du fait de la réduction des contreparties nationales aux mesures mises en oeuvre dans le cadre du FEAMP.

a) Une part résiduelle des crédits résultant de choix nationaux.
(1) Le maintien de la participation de l'État aux caisses de solidarité chômage intempérie des marins.

Chaque année, le budget de l'État porte des crédits destinés à alimenter les caisses d'assurance chômage auxquelles cotisent volontairement les marins pêcheurs. Ces caisses indemnisent les marins qui ne peuvent pas travailler pour cause de mauvais temps, dans la limite de 40 jours de mer. Pour 2016, l'enveloppe correspondante s'élève à 6,5 millions d'euros. Un montant équivalent de cotisations est versé par les marins pêcheurs.

La participation de l'État s'inscrit donc de nouveau en très légère baisse, cette décrue suivant celle des effectifs de marins-pêcheurs. Une réflexion a été engagée par l'État sur la prise en charge de l'indemnisation des marins-pêcheurs pour leur non-activité liée au mauvais temps par un mécanisme d'assurance pris en charge en partie par les crédits européens du FEAMP, celui-ci permettant la création de fonds de mutualisation des risques climatiques et environnementaux, sur le modèle des fonds de mutualisation pour les agriculteurs mis en place dans le cadre de la politique agricole commune (PAC).

Toutefois, l'adoption d'un mécanisme inspiré par les fonds de mutualisation agricoles paraît difficile , notamment du fait de l'exigence d'un seuil de déclenchement à partir d'une perte de chiffre d'affaires annuel de plus de 30 %. Une expérimentation du dispositif devrait donc concerner dans un premier temps le secteur de la pêche à pied professionnelle, puis dans un second temps les pêcheurs de coquillages embarqués, qui subissent parfois des fermetures prolongées des gisements de coquillages. Une enveloppe de 1,75 millions d'euros pour ces mesures de mutualisation est prévue au sein du FEAMP, avec un cofinancement national de 25 %. La généralisation des fonds de mutualisation ne constitue pas une perspective à court terme.

Votre rapporteur souligne que, quelles que soient les modalités choisies pour moderniser le dispositif d'indemnisation des pêcheurs, ceux-ci, qui exercent une profession risquée et fortement soumise à l'aléa météorologique, doivent voir leurs droits à indemnisation préservés .

(2) Quelques actions hors PCP nécessitent des crédits nationaux.

Outre la participation de l'Etat aux caisses de solidarité chômage intempéries, l'action n° 6 du programme 205 comporte 3,1 millions d'euros de crédits destinés à financer en 2016 des actions en faveur de la pêche maritime qui pas de lien direct avec la PCP :

- 2,1 millions d'euros sont destinés comme en 2015 à financer le plan de repeuplement de civelles dans les estuaires, conformément au plan de gestion anguilles ;

- 1 million d'euros contribue comme en 2015 au financement du plan interministériel de lutte contre la pollution au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe.

b) Le cofinancement des mesures européennes, principale source des besoins budgétaires 2016.

Plus de 43 % des crédits de l'action en faveur des pêches maritimes et de l'aquaculture, soit 20,72 millions d'euros, sont destinés à cofinancer les mesures de soutien économique en faveur de la pêche et de l'aquaculture mises en oeuvre dans le cadre du FEAMP .

Pour la plupart des mesures soutenues par le FEAMP, un taux de cofinancement national de 35 % est prévu. Il s'élève à 50 % pour la compensation des arrêts temporaires et des arrêts définitifs de l'activité de pêche.

Le total des cofinancements nationaux à mobiliser sur l'ensemble de la période d'exécution du FEAMP 2014-2020 s'élève à un peu plus de 100 millions d'euros. L'enveloppe de 20,72 millions d'euros pour 2016 correspond donc à une annuité de contreparties nationales, tenant compte de l'absence de mobilisation du FEAMP en 2014 et 2015. Elle devrait être principalement répartie sur les actions suivantes :

- Plans de production et de commercialisation des organisations de producteurs.

- Aide au stockage par les organisations de producteurs.

- Arrêts temporaires et définitifs de l'activité de pêche.

En outre, 15 millions d'euros de contreparties sur mesures régionales, principalement financées par les régions, doivent être mobilisés sur l'ensemble de la période d'exécution du FEAMP.

B. L'ESSENTIEL DES SOUTIENS À LA PÊCHE ET À L'AQUACULTURE SONT HORS BUDGET DE L'ETAT.

1. Les crédits européens, principale source des soutiens publics à la pêche et l'aquaculture.
a) Le FEAMP : une enveloppe de 588 millions d'euros sur 7 ans.

La mise en place de l'Europe bleue a été accompagnée de la mise en place d'outils financiers de soutien à la filière pêche et aquaculture. L'instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP) créé en 1993 a été remplacé par le Fonds européen pour la pêche (FEP) en 2006.

La dernière réforme de la PCP a vu la création du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), qui couvre la période 2014-2020. La dotation pour la France sur l'ensemble de la période s'élève à 588 millions d'euros , soit bien plus que sur la période précédente, ce qui permettra la mobilisation d'un total de 234 millions d'euros de crédits nationaux provenant soit du budget de l'État soit de celui des régions, pour un montant total d'aides publiques mobilisables de 822 millions d'euros . La France dispose après l'Espagne de la deuxième enveloppe la plus importante du FEAMP.

Conformément aux règles communautaires, un programme opérationnel a été élaboré par la France pour définir les modalités d'intervention du fonds et répartir l'enveloppe financière disponible entre les différentes actions permises par la réglementation européenne. Cette répartition figure en annexe du présent rapport 1 ( * ) .

Un examen des consommations de crédits sera réalisé en cours de programmation, en 2017-2018 pour permettre des ajustements, et notamment l'allocation de la réserve de performance. Les enveloppes ne sont donc pas figées.

L'élaboration du programme opérationnel a permis d'associer les acteurs socio-économiques et la société civile à travers les organisations non gouvernementales, mais aussi les régions littorales, qui géreront les mesures régionales comme les investissements à bord des navires, l'installation des jeunes, et l'aménagement du territoire.

Le FEAMP constitue l'instrument financier principal du soutien au secteur de la pêche et de l'aquaculture, les crédits d'État et des régions venant en complément des actions programmées au sein du programme opérationnel. Il est le véritable pivot de toutes les interventions publiques pour la pêche et l'aquaculture.

b) La mise en route effective du FEAMP : une nécessité pour soutenir la pêche et l'aquaculture.

Le processus de mise en place du FEAMP a été particulièrement long. Le règlement européen mettant en place le FEAMP pour la période 2014-2020 n'a été adopté par le Parlement européen et le Conseil qu'à la fin mai 2014. L'élaboration du programme opérationnel par la France ne s'est achevée qu'à la fin mars 2015 et son approbation par la Commission européenne n'est toujours pas intervenue , la Commission ayant demandé à la France en juillet d'apporter des corrections au programme proposé.

Votre rapporteur insiste sur la nécessité d'accélérer la mise en place effective du FEAMP pour permettre enfin la consommation des crédits correspondants.

Certes, la réglementation européenne permet d'effectuer certains versements à l'avance, avant même l'approbation du programme opérationnel. Mais celle souplesse ne concerne pas l'ensemble des dispositifs.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, environ 450 dossiers ont déjà été déposés en 2014 pour bénéficier des aides du FEAMP. Les aides aux plans de production et de commercialisation, les aides au stockage, les aides concernant le contrôle des pêches et la collecte des données peuvent être mises en oeuvre rapidement.

En revanche, les aides aux projets d'investissement, aux projets innovants ou encore aux projets de développement local, ne seront disponibles qu'après approbation du programme opérationnel, et à l'issue d'appels à projets qui ne pourront être lancés qu'à partir de 2016, et qui ne pourront donner lieu à des versements que fin 2016. Au final, ce sont presque trois années (2014, 2015 et une partie de 2016) qui se seront déroulées sans crédits européens disponibles pour l'action structurelle en direction de la filière pêche.

Votre rapporteur a été alerté par les professionnels sur le risque, compte tenu du retard pris dans la mise en oeuvre du FEAMP, de ne pas pouvoir consommer l'enveloppe dans sa totalité durant la période 2014-2020, exposant la France en fin de programmation à des dégagements d'office. Il serait regrettable qu'après avoir négocié une enveloppe importante, la France ne puisse pas l'utiliser .

Enfin, votre rapporteur souligne que la mise en place rapide d'un système de gestion et de contrôle des crédits utilisés dans le cadre du FEAMP est indispensable , afin d'éviter les sanctions financières de la Commission européennes, qui peut demander le remboursement des sommes utilisées en cas de mauvaise utilisation ou d'insuffisance des contrôles.

2. La nécessité de conforter la place de France filière pêche.

A l'approche de la fin en décembre 2016 de l'accord interprofessionnel instituant France filière pêche (FFP), organisme privé doté d'une contribution volontaire d'environ 31 millions d'euros par an, un bilan positif peut d'ores et déjà être tiré .

Les frais de structure de FFP restent limités, avec seulement 11 salariés permanents.

Les 8 millions d'euros par an investis pour faire connaître la marque collective « Pavillon France » semblent aussi porter leurs fruits : 57 % des consommateurs connaissent ce label et 70 % en ont une image très positive sur la qualité, la traçabilité et la fraîcheur. Le label, lancé sur la pêche fraîche par des navires battant pavillon français et répondant à un référentiel qualité, devrait être étendu aux produits surgelés et aux conserves.

La meilleure valorisation des produits de la pêche française a permis de voir le chiffre d'affaires des ventes réalisées dans les criées en France progresser entre septembre 2014 et septembre 2015 de 7 %, grâce à une meilleure valorisation, alors que les quantités mises en vente diminuaient de 5 % 2 ( * ) . La popularisation du label « Pavillon France » joue probablement un rôle non négligeable dans cette meilleure valorisation du poisson français auprès des consommateurs.

Une part prépondérante de l'enveloppe de FFP, soit un peu plus de 20 millions d'euros, est consacré à la démarche « pêche durable » .


• Une part de cette enveloppe est destinée aux soutiens à la recherche appliquée , notamment dans le domaine de la diminution des rejets et de la connaissance scientifique sur l'état des stocks, la biologie des ressources et l'état des écosystèmes marins. Ce sont environ 3 millions d'euros qui sont distribués à la recherche appliquée chaque année, sur la base d'appels à projets.


• La modernisation des navires de pêche
constitue une autre préoccupation majeure de FFP, et mobilise une enveloppe d'aides individuelles et d'aides aux investissements d'environ 20 millions d'euros. Les aides vont de 2 350 à 20 125 euros, avec une bonification de 50 % pour les primo-installants, et la possibilité de grouper les aides de deux années sur une seule en cas de gros investissement. Les aides aux investissements ont eu une forte diffusion puisque 60 % de la flotte métropolitaine est inscrite auprès de FFP pour ce dispositif.

Au final, FFP joue un rôle essentiel pour la filière, qui devrait se poursuivre en 2016 . La pérennisation de FFP et surtout de ses ressources constitue un enjeu essentiel. Aussi, votre rapporteur souhaite que les négociations en vue de la reconduction de la convention constitutive de FFP aboutissent rapidement, au premier semestre 2016 , faute de quoi il conviendrait de se réinterroger lors de la discussion de la prochaine loi de finances sur le rétablissement de la « taxe poissons » et son affectation à la filière.

II. LE RENOUVELLEMENT DES HOMMES ET DES NAVIRES, NECESSAIRE POUR DONNER UN AVENIR À LA PÊCHE MARITIME EN FRANCE.

A. UN CONTEXTE FAVORABLE À LA MODERNISATION DE LA PÊCHE MARITIME ET AU DÉVELOPPEMENT DE L'AQUACULTURE.

1. Une conjoncture économique plus favorable.
a) Une consommation qui se maintient, malgré un faible taux d'auto-approvisionnement.

Avec une consommation annuelle moyenne par habitant de 35 kg de poissons, crustacés et coquillages par personne, et une dépense totale des ménages de 7 milliards d'euros, la France se situe dans la fourchette haute de l'Union européenne.

Pour autant, environ 85 % de notre consommation provient d'importations . Sans prendre en compte le saumon et la crevette, qui sont massivement consommés et très peu produits en France, le taux d'autosuffisance atteint à peine 50 %.

La tendance à la réduction des quantités pêchées s'est accompagnée d'une meilleure valorisation : le total des débarquements de pêche fraiche ou congelée dans les criées de France métropolitaine est passé de plus de 600 000 tonnes au début des années 2000 à un peu plus de 500 000 en 2014, mais la valeur de la pêche française a désormais tendance à progresser légèrement pour s'établir à 1,1 milliards d'euros 3 ( * ) , notamment tiré par l'activité touristique dans les zones côtières. Conchlyliculture et pisciculture représentent respectivement des productions de 546 millions d'euros et 162 millions d'euros.

Les perspectives de consommation domestique restent bien orientées. En outre, il existe de réelles perspectives de développement de la demande mondiale de produits aquatiques : l'Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime qu'elle augmentera de 2,6 % en 2015. Dans ce contexte, les cours de plusieurs espèces-phares, comme le saumon et le cabillaud, continuent de progresser. La tendance lourde à l'augmentation de la demande devrait aussi favoriser le développement de l'aquaculture.

b) Une amélioration de la situation économique des pêcheurs.

Le secteur des pêches maritimes a connu de graves difficultés économiques depuis le début des années 2000 . La hausse des prix du carburant, combinée au renforcement des règlementations environnementales réduisant l'accès à la ressource, ont conduit à de nombreux arrêts d'activité.

Certes, en 20 ans, la taille de la flotte de pêche a été fortement réduite, passant en France métropolitaine de 6 593 navires en 1995 à 4 537 en 2013, comme partout ailleurs en Europe. Le segment de la flotte hauturière, qui apporte l'essentiel des captures, a été presque divisé par deux, passant de 1 715 navires de plus de 12 mètres à 916 navires sur la même période.

Comme le montre le rapport Deprost-Suche 4 ( * ) publié en février 2015, la rentabilité de l'activité de pêche maritime en France a décru sur longue période, et a plutôt tendance à être plus faible pour les plus gros navires.

Mais, la période récente a permis une amélioration de la rentabilité, du fait de la baisse des prix mondiaux du pétrole . Les dépenses de carburant représentent certes encore 214 millions d'euros sur un total de 970 millions d'euros de charges de fonctionnement des entreprises de pêche françaises, mais le maintien de prix bas de l'énergie constitue une réelle bouffée d'oxygène pour les pêcheurs depuis maintenant un peu plus de deux années.

2. L'impératif de maîtrise accrue de l'enjeu environnemental.
a) Une meilleure maîtrise des ressources halieutiques.

L'activité de pêche maritime est étroitement dépendante des ressources halieutiques disponibles . La PCP a dû faire face au problème structurel de la surpêche, avec une stratégie constante de réduction de la taille des flottes de pêche.

La dernière réforme de la PCP a ajouté de nouvelles contraintes, en particulier l'obligation de débarquement de toutes les captures, avec interdiction de rejeter les poissons à la mer.

En outre, la détermination des quotas devra être effectuée en recherchant l'atteinte du rendement maximum durable (RMD) d'ici 2020, ce qui implique des réductions de quotas sur certaines espèces et dans certaines zones.

L'impératif environnemental suppose aussi de mettre en oeuvre des techniques de pêche plus respectueuse des écosystèmes marins, par exemple en interdisant la pêche dans certaines zones à certains endroits, ou encore en réglementant la taille des filets pour ne pas attraper de juvéniles.

Les efforts entrepris commencent à payer . Si l'état des stocks est toujours problématique en méditerranée, la situation s'améliore en Atlantique Nord-Est, zone au sein de laquelle près de 80 % des pêches des flottilles métropolitaines sont réalisées. La plus grande disponibilité du poisson dans les zones de pêche traditionnelles dans lesquelles la France a été plutôt bien dotée en quotas lors de la mise en place de la PCP, constitue indéniablement un atout économique pour la pêche française.

Au niveau européen, la connaissance des stocks s'améliore , avec 72 stocks évalués dans le secteur de l'Atlantique Nord-Est, de la mer du Nord et de la Baltique, contre seulement 59 en 2006, selon la dernière communication de la commission européenne sur les possibilités de pêche 5 ( * ) . Le nombre de stocks exploités au niveau du RMD est passé dans le même temps de 2 à 26. Enfin, désormais, ce sont 36 stocks pour lesquels les totaux admissibles de capture (TAC), déclinés ensuite en quotas par pays, sont fixés en fonction du RMD.

Votre rapporteur se félicite d'une telle évolution, même si la plus grande vigilance doit s'appliquer aux autres zones de pêche , pour lesquels une discipline collective aussi forte que celle imposée par la PCP n'existe pas.

b) Des inquiétudes persistantes.

Si l'enjeu environnemental semble mieux maîtrisé, il ne l'est pas encore totalement et une vigilance s'impose pour reconstituer les stocks qui ne sont pas encore au RMD . Pour la France, plusieurs pêcheries sont concernées : la sole en golfe de Gascogne et en Manche-Est, le cabillaud et l'églefin en mer celtique, pour lesquels les quotas devraient drastiquement baisser, ou encore le bar dans l'Atlantique, espèce pour laquelle la Commission européenne envisage un moratoire sur la pêche durant six mois.

Il est évident que les restrictions imposées aux pêcheurs menacent la survie même de l'activité de certains navires. Au-delà des mesures d'accompagnement socio-économiques, qui sont plus difficiles à mettre en oeuvre désormais dans la mesure où les crédits européens ne pourront plus financer de plans de sortie de pêche après 2017, une nouvelle approche des modalités de gestion des TAC et quotas pourrait être envisagée. À cet égard, votre rapporteur souligne la nécessité de passer d'une approche annuelle à une approche pluriannuelle de la gestion des quotas . L'ancien ministre Frédéric Cuvillier l'affirmait lui-même lors des Assises de la pêche et des produits de la mer organisés à Boulogne-sur-Mer les 16 et 17 juin dernier : « c'est vers les quotas pluriannuels qu'il faut mettre le cap ». Une telle gestion pluriannuelle a besoin de s'appuyer sur une expertise scientifique solide.

Enfin, la pêche reste la cible de fortes critiques sur ses effets sur les écosystèmes marins . Des efforts ont été faits pour moderniser les engins de pêche ou encore prévenir les prises accessoires, mais les critiques se poursuivent. La question de la pêche en eaux profondes, par exemple, fait l'objet de demandes récurrentes d'interdiction pure et simple. Or, la pêche est nécessaire au renouvellement de la biomasse marine . En outre, il est préférable de mener la pêche maritime dans le cadre des règles nationales, avec des navires français, plutôt que de laisser libre cours à une pêche effectuée par des navires battant d'autres pavillons, ne respectant aucune règle sociale et environnementale.

Si votre rapporteur n'est pas défavorable au développement des aires marines protégées, il convient que celles-ci ne deviennent pas de vastes zones de non-pêche , ce qui au passage modifierait potentiellement les équilibres des écosystèmes marins.

B. L'INDISPENSABLE RENOUVELLEMENT DES HOMMES ET DES NAVIRES.

1. Le renouvellement des générations, nécessaire à la pérennité de la pêche maritime.
a) Malgré les atouts du métier de pêcheur ...

Si le métier de marin est difficile et dangereux, il est aussi varié, avec des possibilités d'évolution de carrière, de simple matelot vers les fonctions de second voire de patron-pêcheur, ou encore de mécanicien.

C'est aussi un métier polyvalent : le matelot participe à l'ensemble des activités de pêche (préparation, mise à l'eau et relève des engins de pêche), du traitement des captures (tri, préparation, conditionnement et stockage des captures), de l'entretien du navire et du matériel et du débarquement au port.

L'amélioration de la situation économique des entreprises de pêche a permis également de revaloriser les rémunérations des pêcheurs. La part représente entre 2 000 et 8 000 euros mensuels , d'après les informations fournies à votre rapporteur par le CNPMEM.

b) ... de réelles difficultés à recruter et fidéliser.

Avec 16 887 marins-pêcheurs inscrits au fichier des affaires maritimes en 2013, leur nombre continue de se réduire. Le renouvellement du personnel est assez fort, avec 11,9 % des marins inscrits dans le fichier en 2013 qui ne l'étaient pas en 2012. L'âge moyen des marins-pêcheurs est de seulement 41 ans.

Une partie de l'activité est donc assurée par des salariés qui ne font qu'un passage rapide par le secteur de la pêche, sans y faire carrière. Pour autant, la professionnalisation des pêcheurs constitue un enjeu fort. Un brevet de technicien supérieur (BTS) maritime spécifique à la pêche a ainsi été lancé en 2014, afin de répondre à ce besoin.

Mais la filière a aussi des besoins quantitatifs . D'après le CNPMEM, il manquerait entre 800 et 1 000 matelots en France. Par manque de main d'oeuvre, certains navires sont restés à quai durant l'été 2015. Les difficultés de recrutement ont été confirmées par l'ensemble des personnes et organismes que votre rapporteur a pu auditionner, et sont concentrées sur le segment de la pêche au large, pour des marées de plus d'une semaine, qui ne correspondent pas au rythme de vie que souhaitent les salariés.

La modernisation des navires peut constituer une réponse à ce besoin de recrutements : en disposant d'un outil de travail plus adapté, plus confortable, le marin améliore ses conditions de vie à bord.

Enfin, pour perpétuer l'activité de pêche, la filière a aussi besoin de favoriser l'installation de jeunes . La programmation française du FEAMP prévoit d'ailleurs une enveloppe de 14,3 millions d'euros sur l'ensemble de la période 2014-2020 pour aider les jeunes pêcheurs à la création d'entreprise, dont 9,3 millions d'euros financés sur crédits européens et 5 millions d'euros de crédits nationaux.

2. La modernisation de la flotte de pêche : à la recherche de solutions intelligentes.
a) La nécessité de renouveler la flotte de navires de plus de 12 mètres.

Le constat du vieillissement de la flotte de pêche française n'est pas nouveau . Le rapport Deprost-Suche a permis de caractériser la situation et a mis en évidence les difficultés spécifiques à la flotte hauturière.

L'âge moyen des navires de pêche atteint 26 ans . La fin des subventions à la construction de navires de pêche en 2004 a conduit à une forte baisse des constructions de navires neufs : seulement 35 nouveaux bateaux ont été mis à l'eau en France métropolitaine en 2013, soit 0,7 % de la flotte totale. Parmi ces navires, seulement 6 faisaient plus de 12 mètres.

Or, ce segment de la flotte de plus de 12 mètres, comportant surtout des chalutiers, est stratégique pour l'avenir de la pêche française . Il assurait en 2013 70 % des captures en volume et 73 % en valeur. Ce segment permet de générer les volumes d'approvisionnement des criées. Mais il permet aussi d'éviter que la pêche se concentre trop sur la côte, car une surpêche côtière a des effets environnementaux délétères.

Enfin, c'est ce segment de la pêche française qui permet de consommer effectivement les quotas. Le rapport Deprost-Suche met en évidence une sous-consommation de quotas d'environ 40 %. Certes, seulement 50 % de la pêche française concerne des espèces sous quotas, mais votre rapporteur partage la crainte des auteurs du rapport de voir une situation durable de sous-consommation amener à remettre en cause les quantités allouées à la France, en application du principe de stabilité relative.

Au final, les auteurs du rapport Deprost-Suche considèrent qu'un effort particulier de renouvellement de la flotte des navires de plus de 12 mètres doit être entrepris d'urgence .

b) Des leviers pour le renouvellement de la flotte.

Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont encouragé les innovations technologiques pour aller vers le navire de pêche du futur, plus efficace, plus confortable, et moins gourmand en carburant. Le projet Arpège a permis la mise à l'eau du premier navire de ce type en septembre 2015. D'un coût de 8 millions d'euros (pour un navire de 25 mètres), il a été financé à hauteur de 2 millions d'euros par l'ADEME, au titre du programme des investissements d'avenir (PIA). La construction en série permettrait d'en abaisser le coût, probablement autour de 3,5 millions d'euros.

Au-delà des innovations technologiques, le rapport Deprost-Suche met en avant la nécessité de modifier le modèle économique de la pêche, en donnant de la visibilité économique aux pêcheurs , et en facilitant l'investissement.

Les auteurs du rapport soulignent l'urgence à réformer le système des permis de mise en exploitation , (PME), qui ne facilite pas l'installation. Le Gouvernement a suivi ces propositions en annonçant une réforme des PME lors du dernier CIEM.

Les auteurs du rapport soulignent surtout la nécessité d'attirer des investisseurs dans le secteur de la pêche maritime . S'ils considèrent que les outils d'incitation fiscale existent déjà largement, ils regrettent qu'ils ne soient que peu utilisés.

D'une manière générale, les pistes ouvertes par le rapport orientent l'action des pouvoirs publics vers un encouragement au regroupement des marins. Compte tenu de l'importance des investissements dans les navires, le modèle économique d'une pêche pilotée par un patron-pêcheur capitaine de son navire n'est probablement plus adapté que pour la petite pêche côtière effectuée par les navires de moins de 12 mètres.

La valorisation du produit en circuits courts permettra toujours à cette petite pêche de vivre, avec des investissements réduits.

En revanche, le segment de la pêche hauturière nécessite des regroupements et des investissements, car l'activité d'un seul navire ne peut suffire pour dégager suffisamment de revenu afin d'en financer un second. En outre, les banques ne peuvent suffire à financer de lourds investissements qui ne sont rentabilisés que sur des durées longues et dans des conditions aléatoires, dépendant notamment des quotas attribués.

Votre rapporteur souhaite vivement que la filière pêche profite de la conjoncture actuelle plutôt favorable pour entreprendre les réformes nécessaires à assurer son avenir, qui passent par la relance de l'investissement dans des navires neufs.

ANNEXE : MAQUETTE FINANCIÈRE DU FEAMP 2014-2020

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Jeudi 5 novembre 2015 :

- Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) : M. Frédéric Gueudar Delahaye , directeur, et Mme Laure Tourjansky , difrectrice-adjointe ;

- France filière pêche (FFP) : MM. Gérard Higuinen , président, et Pierre Leenhardt , conseiller.

Mardi 17 novembre 2015 :

- Comité national des pêches maritimes et élevages marins (CNPMEM) : M. Hubert Carré , directeur général ;

- MM. Pierre Deprost et Jean-Michel Suche , auteurs du rapport sur le renouvellement de la flotte de pêche .


* 1 Voir annexe n°1 : maquette financière du FEAMP 2014-2020.

* 2 Source : FranceAgrimer, Note de conjoncture présentée au conseil spécialisé Pêche et Aquaculture du 4 novembre 2015.

* 3 FranceAgrimer, les filières pêche et aquaculture en France - Edition mai 2015.

* 4 Le renouvellement de la flotte de pêche, rapport de MM. Pierre Deprost et Jean-Michel Suche.

* 5 Communication du 2 juin 2015 de la Commission au Parlement et au Conseil sur la consultation sur les possibilités de pêche pour 2016 au titre de la politique commune de la pêche (COM(2015) 239 final).

Page mise à jour le

Partager cette page