Avis n° 165 (2015-2016) de M. Serge LARCHER , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 19 novembre 2015

Disponible au format PDF (706 Koctets)


N° 165

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME V

OUTRE-MER

Par M. Serge LARCHER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, MM. Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Comme l'a rappelé la ministre des outre-mer lors de son audition par notre commission des affaires économiques, la stabilité des crédits de la mission outre-mer prévue par le projet de budget pour 2016 est, dans le contexte de rigueur que nous connaissons, un témoignage de l'attention portée par les plus hautes autorités de l'État aux ultra-marins.

Tout en reconnaissant l'aspect positif de cette stabilisation, votre rapporteur pour avis estime avant tout nécessaire de rappeler que ce budget pour 2016 intervient dans une phase critique de l'évolution des outre-mer qui appelle des mesures offensives pour l'investissement et l'emploi .

En effet, dès 2009, notre délégation sénatoriale pour les outre-mer avait signalé un tournant majeur. L'endettement croissant des États, et en particulier de nos administrations publiques, impose une réduction des transferts et des allocations publiques : cela risque de frapper très brutalement les territoires qui en bénéficiaient traditionnellement le plus. Ce danger concerne au premier chef les outre-mer mais aussi les territoires métropolitains de la France dite « périphérique ». Le péril n'est pas seulement économique et social : on constate à l'évidence qu'au-delà de certains seuils de taux de chômage, la confiance dans les institutions et les principes démocratiques sont ébranlés : de ce point de vue, la situation est critique dans l'hexagone mais explosive dans les outre-mer.

Plus que partout ailleurs en France, il nous faut donc offrir aux jeunes ultra-marins d'autres perspectives que le choix entre une probabilité de chômage de 50 % et l'exil vers des zones économiques plus porteuses.

S'agissant des outils opérationnels à mettre en oeuvre, votre rapporteur attire l'attention sur la nécessité de préserver le secteur public mais aussi d'encourager le secteur marchand à proposer des rémunérations attractives aux jeunes diplômés : de ce point de vue, la concentration des allégements de charges sur les bas salaires et le phénomène de « trappe » qui en résulte risquent de favoriser une captation excessive des talents par la fonction publique.

Des études économiques ont constaté l'aptitude des TPE et PME ultra-marines à la performance. Elles font aussi observer que l'étroitesse des marchés des outre-mer n'est pas seulement un handicap, car les entreprises locales ont une capacité d'adaptation supérieure pour produire des biens et services répondant à une demande spécifique. Encore faut-il amplifier ce potentiel de création de richesses ultramarines en favorisant la capacité de ces petites entreprises à travailler en réseau. Sur ce point, les travaux de notre commission des affaires économiques appellent à s'inspirer des ressorts qui permettent aux micro-entreprises d'Italie du Nord de travailler en réseau et de générer de très remarquables excédents manufacturiers donnant ainsi l'exemple d'une alternative au « modèle allemand ».

L'investissement productif, le logement et la formation sont les piliers de cette nouvelle croissance. Encore faut-il - et votre rapporteur pour avis souligne avec force cette exigence fondamentale - que le cadre juridique, fiscal et administratif offre aux opérateurs ultramarins une stabilité et une visibilité suffisante.

La stabilité et la lisibilité des normes doivent être relayées par une plus grande fluidité des procédures. Pour résumer le message qu'expriment les remontées de terrain, « le temps c'est de l'argent » et on en perd encore trop dans les outre-mer. Dans le domaine du logement social, par exemple, qui est particulièrement encadré, il est urgent de permettre aux opérateurs de mieux se concentrer sur leur coeur de métier qui est de construire, car le temps consacré à remplir des dossiers atteint aujourd'hui des seuils excessifs.

Depuis plusieurs années et singulièrement depuis la publication du projet de loi de finances pour 2016, votre rapporteur pour avis s'est mobilisé sur ces différents thèmes : il approuve donc les modifications introduites par les députés et acceptées par le Gouvernement ayant pour effet de proroger les incitations fiscales à l'investissement jusqu'à la fin de l'année 2020 dans les départements d'outre-mer et jusqu'à la fin de 2025 pour les collectivités d'outre-mer (COM) disposant de l'autonomie fiscale.

Lors d'une réunion tenue le 18 novembre 2015, la commission des affaires économiques a émis, sur proposition de son rapporteur pour avis, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « outre-mer » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016.

I. DES CRÉDITS GLOBALEMENT PRÉSERVÉS EN 2016, MAIS QUI DOIVENT ÊTRE ASSORTIS DE MESURES OFFENSIVES POUR STIMULER L'ÉCONOMIE DES OUTRE-MER

Après avoir augmenté entre 2008 et 2010 d'environ 18 %, les crédits de paiement de la mission "Outre-mer" se sont stabilisés depuis 2011 un peu au-dessus de deux milliards d'euros.

La finalité de cette mission, à 90 % composée de crédits d'intervention, est double. La première est de favoriser la création de richesses et d'emplois en stimulant la compétitivité des territoires ultra-marins, ce qui passe principalement par l'allégement du coût du travail outre-mer. La seconde est d'améliorer la cohésion sociale et les conditions de vie des populations qui y résident, grâce au développement du logement social, la résorption de l'habitat insalubre, ainsi que par l'accompagnement des collectivités territoriales dans l'aménagement et le développement de leur territoire.

Le document de politique transversale « outre-mer » pour 2016 permet de replacer ces deux milliards dans le total des dépenses de personnel, de fonctionnement, d'investissement et d'intervention consacrés par l'État aux outre-mer. Toutes missions confondues, avec en particulier 4,7 milliards d'euros consacrés à l'enseignement scolaire, ce montant total s'élève à 14,5 milliards d'euros en PLF 2016.

Votre rapporteur pour avis constate que ce « jaune budgétaire" est une mine d'informations mais il convient de ne pas se méprendre sur sa signification : « l'effort global" qu'il retrace n'a rien d'exceptionnel puisque tous nos concitoyens bénéficient des services publics de base sans pour autant que les chiffres correspondant aux dépenses consenties sur chaque territoire fassent l'objet d'une publication spécifique. Au demeurant, ces 14,5 milliards d'euros représentent 3,9 % des dépenses prévues pour l'ensemble du budget de l'État (374,8 milliards d'euros) alors qu'elles concernent 4,05 % de la population (2,7 millions d'habitants dans les DOM/COM et 66,6 millions pour la France entière, en 2014, selon l'INSEE).

A. LE PRÉSENT ET L'AVENIR BUDGÉTAIRES : LA STABILISATION RASSURANTE DES CRÉDITS DE PAIEMENT ET LA DIMINUTION ALARMANTE DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT

1. La préservation du seuil des deux milliards d'euros pour l'emploi et les conditions de vie des outre-mer face à une situation économique et sociale explosive.

La mission outre-mer du projet de loi de finances pour 2016 peut faire l'objet de plusieurs lectures différentes.

Globalement, elle prévoit une stabilité des crédits de paiement avec un million d'euros supplémentaire par rapport à 2015 mais une diminution de 3,1 % des autorisations d'engagement .

En ce qui concerne ses deux principaux volets, on constate simultanément :

- une baisse des allocations pour le programme « Emploi » , qui mobilise les deux-tiers des moyens de la mission, avec une diminution de 2,3 % des autorisations d'engagement (AE) et de 1,3 % des crédits de paiement (CP).

- et, en revanche, une hausse de 2,7 % des crédits du programme « Conditions de vie » , qui représente un tiers des moyens de la mission.

Soulignant l'aspect positif de ce budget, la ministre George Pau-Langevin a indiqué que dans un contexte de baisse d'autres enveloppes, le budget des outre-mer (2018 millions d'euros) était préservé - avec un million d'euros de plus qu'en 2015 « à structure constante » - ce qui témoigne de l'intérêt porté aux ultra-marins par les plus hautes autorités de l'État.

Le calcul qui permet d'arriver à ce résultat figure en page 8 du « bleu budgétaire » (qui en comporte 96 au total) : il indique qu'en loi de finances 2015 « au format 2016 » 2,017 milliards d'euros (en CP) ont été alloués à la mission outre-mer tandis que, pour 2016, 2,018 milliards d'euros sont prévus.

Ce document budgétaire contient cependant des signes plus inquiétants , au premier rang desquels la diminution des autorisations d'engagements de cette mission « outre-mer », ce qui pourrait préfigurer une baisse des crédits de paiement pour les prochaines années.

Évolution des crédits de la mission « outre-mer » (en millions d'euros)

Autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP)

Programme

LFI 2014

LFI 2015

PLFI 2016

138

Emploi outre-mer

AE 1 402,4

CP 1 386

1 391,9

1 378,6

1 361,1

1111,2

123

Conditions de vie outre-mer

AE 742,7

CP 671,4

700,9

684,6

718,5

701,9

Total de la mission

AE 2145,1

CP 2057,4

2094,9

2064,2

2079,6

2063,3

Source : projets annuels de performances annexés aux projets de loi de finances pour 2015 et 2016.

2. Les outre-mer participent incontestablement à l'effort de redressement des comptes publics tandis qu'ils subissent les contrecoups de la tendance restrictive et de l'instabilité des soutiens fiscaux à l'investissement.

Au-delà de la baisse de 3,1 % des autorisations d'engagement - analysés plus en détail dans la suite du rapport - plusieurs constats témoignent de la participation des outre-mer à la rigueur budgétaire.

Tout d'abord, les crédits de la mission pour 2016 sont inférieurs de 44 millions d'euros au plafond triennal fixé dans la loi de programmation des finances publiques. Ce plafond - qui a d'ailleurs juridiquement une valeur législative et peut donc être modifié par le Parlement - a été fixé à 2,062 milliards d'euros pour 2016 et 2,102 milliards pour 2017.

Ensuite, pour la deuxième année consécutive, les crédits de fonctionnement du ministère des outre-mer diminuent (- 11 % en 2016 après une baisse de 5 % en 2015). Ils s'élèveront à 2,44 millions d'euros en AE comme en CP, contre 2,75 millions d'euros en 2015. Ces baisses de moyens concernent les services du cabinet de la ministre, de la direction générale des outre-mer (DGOM) et de la délégation interministérielle à l'égalité des chances des Français d'outre-mer (DIECFOM).

Les outre-mer subissent également les conséquences des mesures restrictives prises en 2015 . L'article 103 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a ainsi abrogé l'aide à la rénovation hôtelière qui avait été instaurée par l'article 26 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). De plus, l'aide à la continuité territoriale a été réaménagée dans un souci d'économie budgétaire avec le passage d'un droit annuel à un droit que certains avaient interprété comme triennal et qui se révèle, en pratique, quadriennal.

Il convient également de rappeler qu' entre 2009 et 2013, une vingtaine de mesures restrictives ont été adoptées en matière d'aide fiscale à l'investissement.

Par ailleurs, comme en témoigne le document de politique transversale dit « jaune budgétaire » pour 2016, plusieurs missions essentielles enregistrent un fort repli pour 2016 : par exemple, la mission « Justice » baisse de 85 millions d'euros et la mission « Défense » de 70 millions alors même que l'insécurité augmente.

Votre rapporteur pour avis souligne tout particulièrement la poursuite de la baisse des dotations aux collectivités territoriales ultramarines avec une diminution de 80 millions d'euros dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales ultramarines », soit une nouvelle baisse de 4,1 % prévue en 2016 après celle de 3,6 % en 2015. Certes, on constate dans la mission « outre-mer » une légère augmentation de 6 millions d'euros des crédits en faveur de la politique contractuelle entre État et collectivités mais la seconde mesure est loin de compenser la première. Or les taux de chômage élevés engendrent de forts mécanismes d'exclusion et ce sont les collectivités qui sont en première ligne pour prendre en charge ces catégories les plus vulnérables de la population en matière d'aide sociale, de formation, d'aides à la réinsertion et de contrats aidés. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis insiste sur l'idée d'une dotation spécifique d'amorçage pour accompagner, en Guyane et en Martinique, la toute prochaine fusion entre départements et régions .

Dotations aux collectivités territoriales ultramarines
retracées dans le « jaune budgétaire » pour 2016

(en millions d'euros)

CP 2015

CP 2016

Mission Relations avec les collectivités territoriales

2 010 932 150

(AE 1 952 105 770)

1 889 984 365

(AE 1 872 907 611)

119 - Concours financiers aux communes et groupements de communes

En 2015, les programmes 119, 120 (concours financiers aux départements avec 54,6 millions d'euros en 2014) et 121 (concours financiers aux régions avec 135 millions d'euros en 2014) ont été fusionnés.

216 377 858

216 377 858

122 - Concours spécifiques et administration

(Il s'agit des aides aux collectivités déstabilisées par des circonstances exceptionnelles et du financement de certains transferts de compétences.)

150 331 256

138 493 978

Prélèvements sur recettes

Il s'agit des prélèvements directement opérés sur les recettes du budget général de l'État. Ils financent :

- la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes d'outre-mer ;

- les dotations de péréquation communale, à savoir la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation nationale de péréquation (DNP) ;

- la DGF des départements, qui bénéficie aux cinq DOM ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Martin ;

- la dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC) et la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES), transformées en PSR en 2008.

1 573 737 843

1 507 421 293

Source : document de politique transversale outre-mer pour 2016, p. 204 et suivantes.

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » : UNE DIMINUTION DES ALLÉGEMENTS DE CHARGES POUR LES ENTREPRISES

Le programme 138 « Emploi outre-mer » a pour finalité d'encourager la création d'emplois et la compétitivité des entreprises ultramarines.

En effet, l'éloignement géographique, l'exiguïté, l'insularité des territoires, l'étroitesse des marchés, l'exposition aux risques naturels et la proximité de pays à très bas salaires sont autant de handicaps qu'il faut compenser. Les voisins des territoires ultramarins sont également de redoutables concurrents économiques. Ainsi, dans le domaine touristique, pour des produits équivalents, les prix pratiqués sont souvent plus attractifs : rappelons, par exemple, qu'en République Dominicaine, on recrute à 300 euros par mois. En même temps - et on ne le souligne pas assez - les entreprises ultramarines sont soumises à des normes et des exigences de certification similaires à celles de l'hexagone.

Fondamentalement, cette mission budgétaire vise donc à permettre aux outre-mer de s'adapter au triple espace auquel ils appartiennent : l'espace national, leur environnement géographique immédiat ainsi que l'espace européen pour les DOM.

Évolution des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer »

( en millions d'euros )

Programme et actions

Autorisations d'engagements

Crédits de paiement

ï Exécution
2014

LFI 2015

Prévus pour 2016

Exécutés
en 2014

LFI 2015

Prévus pour 2016

138

Emploi outre-mer

1 383,3

1 391,9

1 361,1

1 370,7

1 378,6

1 361,4

1

Soutien aux entreprises

1136,8

1 136,2

1 111,2

1129,5

1 136,7

1 111,0

2

Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle

243,7

252,9

247,4

238,5

239,1

248,0

3

Pilotage des politiques des outre-mer

2,7

2,7

2,4

2,7

2,7

2,4

Source : Commission des affaires économiques du Sénat, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016.

1. Le soutien aux économies ultramarines

L' action n° 1 « Soutien aux entreprises » représente, en crédits de paiement comme en autorisations d'engagement, plus de 80 % des crédits du programme. Il s'agit principalement de la compensation par l'État de la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale induite par les exonérations de cotisations sociales patronales spécifiques à l'outre-mer et, d'autre part, des mesures de soutien aux entreprises.

La dotation budgétaire relative aux allégements de charges outre-mer s'élève, pour 2016, à 1,11 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2016, en baisse de 28,3 millions d'euros par rapport aux crédits proposés en 2015 (1,129 milliards d'euros).

Il convient ici de rappeler que l'analyse de ces crédits n'est pas simple, car elle doit prendre en considération, depuis le lancement du Pacte de responsabilité, l 'application simultanée de plusieurs mécanismes - généraux et ultramarins - visant à améliorer la compétitivité des entreprises en minimisant le coût du travail , avec des canaux de financement différents.

Le dispositif spécifique aux outre-mer d'allégements de charges a été créé en 1994 et ensuite modifié à de nombreuses reprises, en 2000, 2003, 2007, 2008, 2009 et 2013. Sa base juridique est l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale. Les mesures introduites à cet article par la loi du 27 mai 2009 dite LODEOM visent à concentrer les allégements sur les bas et moyens salaires ainsi que sur les entreprises de moins de 11 salariés quel que soit le secteur d'activité. Par ailleurs, des zones géographiques prioritaires sont plus particulièrement ciblées ainsi que onze secteurs exposés et présentant de forts potentiels.

S'agissant des réaménagements les plus récents, il convient d'abord de rappeler que l'article 130 de la loi de finances pour 2014 a amplifié le recentrage sur les plus bas salaires. Il a également pris en compte la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) :

- les entreprises non éligibles au CICE, qui sont peu nombreuses, continuent de bénéficier du régime antérieur d'allégement de cotisations ;

- les entreprises bénéficiant du CICE sont en revanche soumises à un régime d'exonération plus restrictif, avec des seuils resserrés sur les salaires les plus bas.

Parallèlement, le Pacte de responsabilité , visant à abaisser le coût du travail grâce au CICE et à des allégements supplémentaires de charges sociales, a fait l'objet d'une déclinaison spécifique outre-mer pour que le tissu économique ultramarin, constitué à plus de 90 % de très petites entreprises, puisse également bénéficier d'un « coup de pouce » supplémentaire. La loi de finances pour 2015 a ainsi porté à 7,5 % en 2015 puis à 9 % en 2016 - de la masse salariale éligible - le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour les entreprises situées dans les départements d'outre-mer.

La dernière réforme , encore en « navette », est prévue par l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Elle vise à maîtriser la dépense associée aux exonérations de charges patronales en outre-mer. Le choix qui a été fait par le Gouvernement consiste non pas à diminuer ces aides pour l'ensemble des entreprises ultramarines mais à les recentrer , une nouvelle fois :

- sur les bas et moyens salaires , avec une exonération totale de cotisations maintenue pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,4 SMIC ;

- et sur les entreprises des secteurs particulièrement exposés à la concurrence dont la situation ne devrait ainsi pas changer.

Comme l'a fait observer M. Christian Eckert, lors du débat au Sénat, avec la multiplication des réformes, certains allégements généraux de droit commun deviennent paradoxalement plus favorables que les exonérations spécifiques prévues pour les outre-mer, et, par conséquent, la diminution de ces dernières sera partiellement compensée.

Pour sa part, la ministre des outre-mer a souligné qu'elle avait insisté, dans les arbitrages budgétaires, pour que le taux ultramarin du CICE soit bien porté en 2016, comme prévu, à 9 % des rémunérations qui ne dépassent pas 2,5 SMIC - c'est-à-dire inférieures à 3 643,79 euros bruts mensuels en 2015 - contre 6 % en métropole.

En résumé, le Gouvernement fait valoir que la diminution des exonérations spécifiques aux outre-mer, qui se traduit par la baisse des crédits de l'action 1 du programme 138, serait compensée, d'un autre côté, par l'augmentation des allégements de charges de droit commun et par des taux majorés du CICE outre-mer. Votre rapporteur pour avis tient ici à souligner l'autre versant de cette affirmation : les bénéfices attendus du CICE majoré seront neutralisés par la diminution globale des allégements de charges spécifiques aux outre-mer, ce qui ne permettra pas de réduire l'écart de compétitivité entre la métropole et les départements ultramarins. En outre, selon l'étude d'impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, plus du quart des salariés seraient affectés par les restrictions prévues par la réforme, essentiellement dans les entreprises de plus de 10 salariés dont 12,3 % des effectifs devraient être exclus du dispositif, contre 3,6 % de ceux des entreprises de moins de 11 salariés.

Sans entrer plus avant dans la querelle de chiffres relative à la mesure exacte de cette compensation et sur ses effets différenciés selon les entreprises, votre rapporteur pour avis formule trois observations .

Tout d'abord, il faut reconnaître que le dispositif antérieur est préservé dans les secteurs prioritaires définis par la loi du 27 mai 2009, à savoir : le tourisme, les énergies renouvelables, l'agro-nutrition, la recherche/développement et les technologies de l'information.

Cependant, en pratique, le droit applicable à ces allégements et au CICE n'est pas simple, et cette complexité risque d'ailleurs de dissuader certaines entreprises d'y recourir.

Votre rapporteur pour avis insiste surtout sur l'impact du principe même de la concentration des allégements sur les bas salaires .

Certes, selon les modèles économétriques, ce ciblage est le plus efficace à court terme pour favoriser les embauches et il est tout à fait compréhensible que nos Gouvernements favorisent les mesures dont l'impact est le plus immédiatement perceptible.

Cependant, à plus long terme, il faut également tenir compte des effets de structure de ces allégements de charges . Il ressort de l'analyse du rapport sur la compétitivité de Louis Gallois et de son audition par notre commission que la politique d'encouragement des embauches au salaire minimum n'est pas sans lien avec la désindustrialisation de notre pays et une spécialisation insuffisante de notre production dans le haut de gamme. Votre rapporteur ajoute que cette trappe à bas salaires a tendance à conduire les diplômés ultramarins à s'orienter vers la fonction publique ou vers l'exil, alors qu'il est impératif :

- de rééquilibrer le secteur public et le secteur marchand ;

- de monter en gamme ;

- et d'éviter les effets de seuils qui conduisent les entreprises à limiter les salaires d'embauche ainsi que les augmentations salariales pour ne pas franchir un palier légal.

Les autres dispositifs de soutien aux entreprises

L'action 1 finance également l'aide au fret à hauteur de 9,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 9,3 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2016, contre 7 millions d'euros en loi de finances pour 2015. Cette augmentation permet à cette aide de s'approcher du niveau de 9,9 millions d'euros atteint en 2012.

Instituée par l'article 24 de la LODEOM, l'aide au fret vise à améliorer la compétitivité des entreprises dans les départements d'outre-mer ainsi qu'à Saint Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna. Il s'agit de diminuer les prix à la consommation en abaissant le coût du fret des matières premières ou des produits importés. Elle concerne également les produits exportés vers l'Union européenne après un cycle de production dans les DOM ou dans ces collectivités, afin de compenser l'éloignement géographique.

2. Le service militaire adapté et la formation professionnelle des ultramarins
a) Le service militaire adapté (SMA)

L'action 2 du programme 138, prévoit, pour 2016, 58 millions d'euros - en additionnant crédits de fonctionnements et d'investissement - pour le service militaire adapté (SMA) et la formation de 5 800 bénéficiaires , ce qui correspond à une stabilité des crédits par rapport à 2015. Ces financements sont complétés en cours d'année par ceux des collectivités ultramarines et du Fonds social européen (FSE).

Le service militaire adapté a été créé en 1961 : il s'agissait, à l'époque, de conjuguer les obligations du service national avec un besoin en formation professionnelle. Lors de la suspension de la conscription en 1996, le dispositif du SMA a été maintenu avec une inflexion de ses missions vers le développement économique et la protection civile.

Concrètement, le stage de six à douze mois qui s'adresse aux jeunes ultramarins, garçons ou filles, âgés de dix-huit à vingt-six ans, comprend un mois de formation militaire, 800 heures de formation professionnelle dans l'une des cinquante filières existantes, une remise à niveau scolaire, la préparation et le passage du permis de conduire ainsi que de l'attestation de premiers secours et enfin des chantiers d'application. Grâce à ces derniers, le SMA participe à la mise en valeur des collectivités d'outre-mer et aux plans d'urgence et de secours en cas de catastrophe naturelle.

Plus de 120 000 jeunes sont passés par le SMA depuis sa création en 1961 avec des taux d'insertion avoisinant 80 % pour l'ensemble des jeunes incorporés. Votre rapporteur pour avis suit donc très attentivement l'état d'avancement de la montée en charge du SMA pour atteindre, sans porter atteinte à la qualité des stages, l'objectif de 6 000 jeunes bénéficiaires en 2017 . Cet objectif, défini en 2009, correspondait alors à un doublement des volontaires. Le rythme de progression envisagé initialement n'a pas pu être suivi en raison des restrictions budgétaires ainsi que de retards liés aux opérations d'infrastructure. Cependant, d'après les indications fournies à votre rapporteur pour avis, les arbitrages budgétaires obtenus pour la période 2015-2017 garantissent que le but sera atteint en 2017 avec, en particulier, la réalisation d'infrastructures d'accueil et la création de cursus ouverts aux jeunes diplômés en situation de chômage.

Progression du nombre de bénéficiaires du SMA

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Objectif 2015

Objectif 2016

Nombre de bénéficiaires

2 975

3 029

4 013

4 990

5 429

5 666

5 750

5 800

Source : Commission des affaires économiques du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire.

b) L'appui à la formation - mobilité

Fondamentalement, malgré les actions menées par les collectivités locales, l'offre de formation ne permet pas de couvrir localement les besoins des outre-mer et la formation hors du territoire ultramarin est donc une nécessité.

Dans un souci de rationalisation, l'ensemble des crédits dédiés à la formation professionnelle en mobilité des ultramarins a été regroupé, depuis la loi de finances pour 2015, au sein de la mission outre-mer, par transfert de crédits en provenance du ministère du travail en charge de la formation professionnelle.

L'action 2 finance l' Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM). Placé sous la tutelle du ministère chargé de l'outre-mer et du ministère chargé du budget, cet opérateur de l'État a pour mission essentielle d'améliorer l'employabilité et de favoriser l'insertion professionnelle des ultramarins à l'issue de leur formation. Afin de développer la politique nationale de continuité territoriale définie par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, l'opérateur LADOM gère les trois grandes actions financées par l'État à travers le fonds de continuité territoriale :

- le « passeport pour la mobilité de la formation professionnelle » qui finance les dépenses de formation professionnelle en mobilité, lorsque la filière recherchée n'existe pas sur place ;

- le « passeport pour la mobilité des études », qui finance tout ou partie des titres de transport des étudiants et des lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy contraints de suivre en Europe une formation non disponible sur place ;

- et l'aide à la continuité territoriale, qui finance une partie du titre de transport des résidents des départements et collectivités d'outre-mer, entre leur collectivité de résidence et l'hexagone.

Les financements de LADOM prévus pour 2016 atteignent au total 72 millions d'euros en AE et 67 millions en CP et proviennent de plusieurs canaux complémentaires :

- les crédits de l'action 2 du programme 138 « Emploi outre-mer », avec une dotation pour 2016 de 43,5 millions d'euros en AE et 38,5 millions en CP, constituée d'une subvention pour charges de service public de 7,6 millions en AE/CP et de crédits dédiés à la formation des stagiaires ultramarins en mobilité à hauteur de 35,9 millions en AE et 30,9 millions en CP.

- et, une enveloppe centrée sur le volet transports provenant de l'action 3 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de 28,5 millions d'euros en AE/CP qui progresse d'un million par rapport à 2015 et comprend la création d'un nouveau dispositif de continuité funéraire vers les DOM.

Par ailleurs, LADOM reçoit des subventions des régions et collectivités d'outre-mer ainsi que du Fonds social européen.

S'agissant de ses moyens en personnel, l'opérateur dispose d'un plafond d'emplois fixé à 131 pour l'année 2014, puis abaissé de deux unités en PLF 2016 et complété par un hors-plafond autorisé de 35 emplois répartis entre 20 volontaires de service civique et 15 contrats aidés.

Afin d'accompagner les projets de formation en mobilité des jeunes, LADOM dispose d'un réseau de neuf délégations régionales dans l'hexagone et d'une délégation dans chacun des cinq départements d'outre-mer. LADOM développe également des partenariats avec les principaux acteurs de la formation et de l'insertion professionnelle que sont les conseils régionaux, Pôle Emploi, les missions locales et les OPCA mais aussi avec le SMA et les acteurs économiques pour que les formations proposées aux ultramarins s'inscrivent dans des secteurs porteurs en termes d'emploi.

L'exercice 2016 constituera une année de transition et de recherche d'amélioration de la performance de ces formations avec :

- la transformation de LADOM en établissement public de l'État à caractère administratif ;

- l'implantation de son siège social dans les locaux du ministère des outre-mer à Paris ;

- le renouvellement de son contrat d'objectifs et de performance ainsi que de sa convention triennale de gestion avec le ministère des outre-mer ;

- le renouvellement des marchés publics de formation professionnelle et de transport aérien ;

- et la réorientation de ses formations professionnelles en mobilité vers des publics spécifiques tels que les volontaires stagiaires du SMA détenteurs d'un certificat d'aptitude personnelle à l'insertion (CAPI).

LADOM assure la prise en charge des parcours de formation d'environ 4 600 stagiaires par an.

C. LA HAUSSE GLOBALE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 : « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » S'ACCOMPAGNE D'UNE BAISSE DE 9 MILLIONS D'EUROS DE L'ACTION LOGEMENT

Alors que les crédits de paiement du programme 138 « Emploi outre-mer » prévus pour 2016 baissent de 17,3 millions d'euros (- 1,3 %), ceux du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » augmentent d'un montant à peu près similaire (+ 18,4 millions d'euros, soit + 2,7 %) pour atteindre 718,6 millions d'euros en AP et 702 millions en CP.

Comme son nom l'indique, le programme 123 a pour finalité d'améliorer les conditions de vie des populations outre-mer en facilitant leur accès au logement, à la santé et à l'éducation, en contribuant avec les collectivités territoriales à l'aménagement des territoires ultramarins ainsi qu'en mettant en oeuvre le principe de continuité territoriale.

Pour justifier la nécessité de ces actions, il convient ici de rappeler que le produit intérieur brut moyen par ultramarin reste inférieur de près de 40 % à celui de l'Hexagone et que la proportion de bénéficiaires des minima sociaux est quatre fois plus élevée, avec 12 % de la population des quatre DOM initiaux contre 3 % en métropole en 2014.

Évolution des crédits du programme 123

« Conditions de vie outre-mer »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagements

Crédits de paiement

ï Exécutée
en 2014

LFI 2015

Demandées pour 2016

Exécutés
en 2014

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

2016-2015

123

Conditions de vie outre-mer

665,9

701,0

718,6

667,4

683,5

702,0

18,5

1

Logement

194,3

247,7

247,6

228,6

243,7

234,7

-9

2

Aménagement du territoire

119,8

142,9

144,2

153,5

170,7

176,7

6

3

Continuité territoriale

64,4

41,1

42,5

68,5

41,2

43,2

2,1

4

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

10,6

9,0

17,8

10,4

9,0

17,8

8,8

6

Collectivités territoriales

200,1

191,7

199,0

174,3

182,7

189,1

6,4

7

Insertions économiques et coopérations régionales

1,1

1,0

1,0

1,0

1,0

1,0

0

8

Fonds exceptionnel d'investissement

51,0

39,3

40,0

24,4

25,7

27,9

2,2

9

Appui à l'accès aux financements bancaires

24,5

28,3

26,6

6,7

9,6

11,7

2,1

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016.

Trois évolutions se singularisent pour 2016 dans ce programme .

La principale augmentation concerne l'action 04 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » dont les crédits doublent pour atteindre 17,8 millions d'euros en 2016. Cette hausse résulte d'une reprise de la participation de l'État au financement du régime de solidarité territorial de Polynésie française .

Il convient de rappeler que, dans le prolongement des conclusions du rapport de la Cour des comptes de février 2011 sur le système de santé de Polynésie française, l'État avait suspendu ses financements en subordonnant la reprise de cette aide à l'engagement d'actions par cette collectivité d'outre-mer pour contenir les dépenses sociales. À la suite des engagements pris par la Polynésie française, le Gouvernement a décidé de verser à nouveau une dotation.

Contrastant avec la hausse globale des crédits du programme 123, on constate une baisse de 9 millions d'euros des crédits de paiement de l'action 1 consacrée au logement qui passent de 243,7 à 237,7 millions d'euros, alors que cette politique demeure une priorité gouvernementale et que 2016 est l'année du premier budget de mise en oeuvre concrète du plan logement outre-mer . Ce dernier doit s'étaler sur cinq ans avec un minimum de 10 000 logements sociaux par an devant être créés. Votre rapporteur pour avis rappelle ici que le soutien budgétaire est fondamental pour compléter l'aide fiscale à l'investissement et le crédit d'impôt en faveur du logement social dont le terme a été porté à 2020, dans le texte du projet de loi de finances pour 2016 adopté par les députés.

Malgré son montant limité, il convient de souligner la mesure nouvelle incluse dans l'action 3 relative à la « Continuité territoriale » : il s'agit de la création d'un nouveau dispositif d'aide à la continuité funéraire visant à faciliter le rapatriement du corps des ultramarins et à permettre aux familles d'assister aux obsèques. Il y a là un symbole très fort car nos outre-mer restent marqués par le souvenir du déracinement d'un certain nombre de jeunes.

1. Une politique du logement fragilisée par la baisse des crédits dédiés à la ligne budgétaire unique (LBU)

Afin de mieux prendre en compte les particularités des outre-mer, l'action de l'État dans le domaine du logement et de la résorption de l'habitat insalubre relève, depuis 1997, de la responsabilité du ministère des outre-mer .

Dans les DOM les besoins en logements sociaux sont très importants pour des raisons démographiques et parce que la proportion des ménages à bas salaires est élevée. Concrètement, en Martinique, on recense aujourd'hui près de 11 500 demandes de logement social et, selon l'INSEE, il faudrait construire pour la période 2010-2040, 2 500 à 3 000 logements neufs par an. Or en moyenne depuis 2006, 489 logements sociaux ont été financés tandis que 403 ont été livrés par an. De plus, le nombre de logements classés comme insalubres par l'État est d'environ 68 000 et concerne plus de 150 000 personnes. Les cinq DOM à travers des situations différentes ont cependant en commun une urbanisation rapide et mal maîtrisée.

Besoins en logements dans les départements d'outre-mer

DOM

Nombre de demandeurs

de logements sociaux

Besoins par an en logements dont sociaux et en accession

Besoins sur le secteur libre et intermédiaire

Nombre de logements insalubres

Guadeloupe

9 357

3 120 à 4 100 logements par an dont 1 900 à 2 240 logements aidés

2 200

15 000

Martinique

11 457

2 300 à 3 000 logements par an dont 1 200 logements sociaux

2 700 à 3 300

6 à 8 000

Guyane

6 760

4 500 à 5 150 par an dont 1 465 logements sociaux et 870 en accession

2 244

12 000

La Réunion

28 607

9 000 logements dont 4 000 logements sociaux et 1 000 en accession

4 000

16 235

Mayotte

2 120

2 300 logements dont 500 logements sociaux et 300 en accession

1 800

20 000

Total DOM

58 301

De 21 000 à 24 000 logements neufs dont près de 11 600 logements sociaux et en accession

de 12 300 à environ 13 600

de 68 à 71 240

Source : réponse au questionnaire budgétaire, ministère des outre-mer.

Pour le financement de la politique du logement, la ligne budgétaire unique (LBU) représente un tiers des crédits du programme. Stables en autorisations d'engagement (247,6 millions d'euros) les allocations prévues pour 2016 sont en retrait de 3,5 % en crédits de paiement (234,6 millions d'euros) par rapport à l'année précédente, avec la décomposition suivante :

- 50,3 millions d'euros de crédits de paiement en faveur des ménages , dont 20,1 millions en faveur de l'accession à la propriété et 29,7 millions d'euros destinés à l'amélioration de l'habitat privé. Ces deux postes sont les principaux impactés par la baisse des subventions en faveur du logement ;

- 140,5 millions d'euros en crédits de paiement en faveur des opérateurs, dont 125,8 destinés au logement locatif social et 6 à l'amélioration du parc locatif social ;

- et 54 millions d'euros de crédits de paiement sont destinés aux fonds régionaux d'aménagement foncier urbain (FRAFU) ainsi qu'à la résorption de l'habitat insalubre dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

La construction de logements locatifs sociaux constitue la priorité absolue , ce qui comprend non seulement le logement locatif social (LLS) et très social (LLTS), mais aussi les logements spécifiques comme les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), les logements étudiants et l'hébergement d'urgence.

Rappelons qu'on distingue deux grandes catégories de logements sociaux suivant les prêts et subventions accordés aux organismes pour leur production : les PLAI - prêt locatif aidé d'intégration - destinés aux personnes en difficulté et les PLUS - prêt locatif à usage social - dont les loyers maximaux sont un peu supérieurs à ceux des PLAI. Les logements PLS - prêt locatif social - correspondent, quant à eux, au logement dit intermédiaire destiné aux classes moyennes : ce ne sont pas stricto sensu des logements sociaux et le plafond de ressources exigé du locataire est supérieur de 30 % au plafond demandé pour un logement social classique.

Le but fixé pour 2016 est de financer 6 953 logements locatifs, en retrait de 12,5 % par rapport à l'année précédente , puisque l'objectif était de 7 950 logements en 2015. Pour l'instant, nous sommes donc encore éloignés des objectifs fixés par le plan logement outre-mer, qui vise un minimum de 10 000 logements sociaux par an.

Parallèlement, le nombre de logements sociaux financés par les incitations fiscales dans les DOM en 2014 s'élève à 5 764, dont plus de la moitié à la Réunion, contre 6 603 en 2013, ce qui confirme la tendance baissière en matière de logement social. Il convient de préciser que le dispositif relevant de l'article 199 undecies C du code général des impôts est l'outil le plus utilisé avec 73 % du total des demandes d'agrément. Le régime prévu par l'article 217 undecies représente 27 % des demandes d'agrément et concerne, pour sa part, toutes les catégories de logements sociaux.

Dans le cadre budgétaire et fiscal actuel, l'agrandissement du parc de logements intermédiaires ultramarins ne fait pas l'objet de subventions. Il est cependant encouragé par le dispositif dit de défiscalisation « Duflot -Pinel » mis en place au 1 er janvier 2013 qui prévoit un avantage d'impôt attractif dans les outre-mer.

Quelques précisions sur le dispositif « Duflot-Pinel » dans les DOM et les COM - L'article 80 de la loi de finances pour 2013 a institué une réduction d'impôt sur le revenu, dite « Duflot », en faveur de l'investissement locatif intermédiaire. Afin d'en accroître l'attractivité auprès d'un plus grand nombre d'investisseurs, l'article 5 de la loi de finances pour 2015 a réformé cette réduction d'impôt, renommée « Pinel », applicable aux investissements réalisés à compter du 1 er septembre 2014. Codifié à l'article 199 novovicies du code général des impôts (CGI), ce mécanisme s'applique à l'acquisition ou à la construction de logements neufs ou assimilés.

Par rapport au dispositif « Duflot », dont la durée de location a été fixée à 9 ans, le dispositif « Pinel » a introduit la possibilité de réduire à 6 ans ou d'allonger cette durée à 12 ans. L'écart entre la métropole et les collectivités ultramarines dans le taux de réduction d'impôt sur le revenu, qui est de 11 % de plus pour les outre-mer, a été reconduit en fonction de la durée de location : cette réduction est de 23 % pour un engagement de six ans, 29 % pour un engagement de neuf ans et 32 % pour un engagement de douze ans. Le niveau de cette réduction d'impôt doit permettre d'ouvrir ces investissements à une nouvelle catégorie de contribuables non éligible au dispositif de la loi LODEOM.

2. La hausse des crédits consacrés à l'aménagement du territoire et le financement des contrats de plan avec l'État

L'action n° 2 « Aménagement du territoire » soutient l'investissement public et l'action des collectivités territoriales. Cette action est dotée, pour 2016, de 144,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 176,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,5 % de ces derniers par rapport à 2015.

94 % des crédits de cette action financent les projets d'investissements par le canal de la politique contractuelle :

- 42,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 57,5 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus pour 2016 pour les opérations engagées au titre des contrats de plan État-régions conclus avec les cinq DOM ;

- 94,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 103,1 millions en crédits de paiement sont destinés pour les investissements relevant des contrats de projets et de développement dans les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie .

5,7 millions d'euros sont également alloués à des interventions spécifiques comme le Plan séisme Antilles ou le Plan d'accompagnement du parc amazonien.

La nouvelle génération de contrats de plan État-régions (CPER) couvre la période 2015-2020 et vise à créer des emplois dans plusieurs domaines prioritaires comme l'amélioration des infrastructures ultramarines, la transition énergétique, l'innovation et la cohésion sociale, conformément aux objectifs définis par une circulaire du Premier ministre du 2 août 2013. Pour ces contrats 2015-2020, le montant de l'engagement de l'État s'établit à 865,9 millions d'euros, en nette augmentation par rapport à la génération 2007-2014.

Pour sa part, la nouvelle génération de contrats de projets entre l'État et la Polynésie française bénéficie d'une enveloppe totale de 360 millions d'euros sur 6 ans, de 2015 à 2020, à parité entre l'État et le Pays. 22,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 25,5 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus à ce titre pour 2016 contre respectivement 20 et 20,3 millions d'euros en 2015.

3. Les crédits en faveur de la continuité territoriale en hausse mais dont le niveau est insuffisant.

La politique nationale de continuité territoriale est définie par l'article L. 1803-1 du code des transports : elle tend « à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».

Elle se traduit par le versement d'aides aux résidents des outre-mer pour des déplacements en métropole et, pour les personnes en formation professionnelle en mobilité, de prestations de vie quotidienne et pédagogiques.

L'action n° 3 « Continuité territoriale » finance cette politique au moyen de plusieurs outils :

- l' aide à la continuité territoriale pour tous publics (9,8 millions d'euros en AE et CP pour 2016) ;

- le passeport mobilité études pour les étudiants et les lycéens (16 millions d'euros en AE et CP pour 2016) ;

- et le passeport mobilité formation professionnelle pour les personnes ayant un projet d'insertion professionnelle (7 millions d'euros en AE et CP pour 2016).

En 2015, les crédits de cette action 3 ont baissé de 20 %, l'aide à la continuité territoriale ayant principalement subi cette restriction budgétaire. Afin de contenir l'augmentation des dépenses, la loi de finances pour 2015 a, en effet, modifié les critères d'éligibilité de l'aide à la continuité territoriale en instituant un délai d'au moins trois années entre le versement de deux aides et en divisant son montant par deux pour les foyers dont le quotient familial annuel est supérieur à 6 000 euros.

Pour 2016, avec 43,2 millions d'euros en crédits de paiement et 42,5 millions d'euros en autorisations d'engagement, les dotations augmentent légèrement à partir du plancher atteint en 2015 (+ 2 millions d'euros en CP et + 1,5 millions d'euros en AE).

Certes, le rééquilibrage ainsi intervenu entre les aides a permis d'améliorer le passeport mobilité mais la baisse des crédits par rapport à 2014 ne favorise pas le désenclavement des territoires ultramarins.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis se félicite de la création d'un nouveau dispositif d' aide à la continuité funéraire visant, d'une part, à faciliter le rapatriement du corps des ultramarins ayant leur résidence outre-mer et décédés dans l'hexagone, et d'autre part de participer aux frais de déplacement des membres de la famille pour assister aux obsèques. On ne peut comprendre l'importance de cette mesure qu'en évoquant la création, dans les années 1960, du « Bumidom » - Bureau des Migrations pour les Départements d'Outre-Mer - qui avait pour objectif de fournir des emplois aux jeunes ultramarins tout en répondant aux besoins de main-d'oeuvre de la métropole pendant les années de croissance des Trente Glorieuses. Dans la réalité concrète, cette idée s'est traduite par un déplacement massif de population , dont on trouve peu de traces dans les livres d'histoire , avec 160 000 personnes entre 1963 et 1983, et une désillusion qui a souvent laissé des traces indélébiles dans la mémoire des ultramarins.

4. Une dotation au fonds exceptionnel d'investissement qui n'est pas à la hauteur des ambitions ni des annonces.

Créé par l'article 31 de la loi pour le développement économique des outre-mer, le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) finance le plan de rattrapage en matière d'équipements publics outre-mer.

Un appel à projets a été lancé en janvier 2013 dans chacun des territoires pour sélectionner, par exemple, des opérations d'adduction d'eau potable, de gestion des déchets, de désenclavement et de création d'infrastructures numériques. Depuis 2013, 108 projets ont été sélectionnés pour un volume d'investissement s'élevant à 365 millions d'euros.

Pour 2016, les autorisations d'engagement sont prévues pour un montant de 40 millions d'euros (+ 1,8 % par rapport à 2015), et les crédits de paiement s'élèvent à 27,9 millions d'euros (+ 8,6 %). Malgré cette hausse, l'objectif fixé par le président de la République de doter le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) de 500 millions d'euros entre 2013 et 2017 semble désormais difficile à atteindre . En effet, le total cumulé des AP s'établit à 412 millions d'euros entre 2009 et 2016 et il faudrait donc ajouter, en loi de finances, pour 2017, 88 millions d'euros à cette somme pour parvenir aux 500 millions annoncés. Votre rapporteur pour avis souligne que ces crédits ont un effet de levier considérable pour l'investissement : leur augmentation favoriserait l'offensive économique dont nos outre-mer ont besoin.

II. STIMULER L'INVESTISSEMENT OUTRE-MER EN AMÉLIORANT LA STABILITÉ DES INCITATIONS FISCALES ET EN LIMITANT LA COMPLEXITÉ DES PROCÉDURES ADMINISTRATIVES

Longtemps focalisées sur certaines dérives, les critiques adressées aux dispositifs d'aide fiscale à l'investissement outre-mer sont peu à peu contrebalancées par des analyses à la fois plus globales et plus précises qui font apparaitre trois réalités économiques essentielles :

- tout d'abord, la dépense fiscale est, à moyen terme, largement restituée, sous forme de rentrées fiscales, par l'activité générée grâce aux investissements aidés ;

- ensuite, les entreprises ultramarines souffrent d'une insuffisance de fonds propres, d'un accès restreint au crédit et, dans le meilleur des cas, d'un coût du crédit supérieur à celui offert dans l'hexagone ;

- enfin, les dérives du passé ont été endiguées par des correctifs successifs et un encadrement globalement renforcé des dispositifs fiscaux.

A. LES DÉPENSES FISCALES : UN RÔLE MOTEUR MAIS UN CHIFFRAGE BUDGÉTAIRE DIFFICILE À ANTICIPER.

Avec un montant un peu inférieur à quatre milliards d'euros - l'estimation pour 2016 est de 3,87 milliards - les dépenses fiscales rattachées à la mission « outre-mer » représentent presque le double des crédits budgétaires.

Plus de la moitié de la dépense fiscale réalisée dans les DOM se rattache aux dispositions spécifiques à la TVA . La fixation du taux normal de TVA à 8,5 % (au lieu de 20 % en métropole) et du taux réduit à 2,1 % (contre 5,5 % ou 10 %) permet de compenser l'effet sur les prix à la consommation imputable à l'octroi de mer qui frappe importations et production locale et constitue une source de financement essentielle des collectivités.

On peut regrouper dans un second ensemble les dépenses fiscales bénéficiant aux ménages : il s'agit de mesures d'incitation en faveur de l'investissement, en particulier locatif. Seule la dépense fiscale en faveur des particuliers visant à réduire l'impôt sur le revenu des contribuables ultramarins, évaluée à 380 millions pour 2016, n'entre pas dans ce cadre.

S'ajoute enfin le dispositif des zones franches d'activités (ZFA) créé par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique de l'outre-mer (LODEOM), qui permet d'alléger l'impôt sur les sociétés, la contribution économique territoriale et les taxes foncières des entreprises qui souscrivent des engagements précis en matière d'investissement et de formation.

Les principales dépenses fiscales sont détaillées dans le tableau ci-dessous. A l'évidence, le chiffrage de 3,87 milliards d'euros qui ressort pour 2016 est prévisionnel et comporte une marge d'incertitude notable puisqu'il a été effectué avant de connaitre le contenu précis des mesures de « défiscalisation » prévues par le présent projet de loi de finances pour 2016 et qu'il ne peut pas non plus anticiper les comportements fiscaux induits.

Principales dépenses fiscales rattachées à la mission Outre-mer
(montant estimé en millions d'euros)

Source : projet annuel de performances outre-mer 2016.

B. LES INCITATIONS FISCALES ULTRAMARINES  DANS LE PROJET DE BUDGET POUR 2016 : DONNER UNE PRIORITÉ ABSOLUE À LEUR PRÉVISIBILITÉ POUR QU'ILS PUISSENT ETRE PRIS EN COMPTE DANS LES PLANS DE FINANCEMENT

Deux mesures prévues par le projet de loi de finances pour 2016 appellent un commentaire particulier.

Votre rapporteur pour avis souligne avant tout la nécessité de stabiliser le cadre fiscal, juridique pour lui donner plus de visibilité et de crédibilité aux yeux des investisseurs.

De plus, votre rapporteur pour avis suit attentivement les mesures tendant à limiter la complexité et, parfois, la lenteur excessive des procédures d'agrément, le but étant de garantir l'efficacité des contrôles tout en permettant aux opérateurs de mieux se concentrer sur leur coeur de métier : « le temps, c'est de l'argent » et on en perd trop dans les outre-mer, selon les remontées de terrain.

1. Un assouplissement en faveur de la construction de logements sociaux (article 42 bis du projet de loi de finances pour 2016).

L' article 42 bis du projet de loi de finances pour 2016 résulte de l'adoption par les députés d'un amendement du Gouvernement qui, comme l'avait annoncé la ministre lors de son audition par notre commission des affaires économiques, vise à favoriser la construction de logements sociaux .

Cet article :

- supprime une disposition de l'article 21 de la loi de finances pour 2014 qui a introduit une obligation minimale de financement par subvention publique de 5 % pour que les logements sociaux outre-mer puissent bénéficier de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer ;

- remplace cette condition légale par un agrément délivré par le représentant de l'État ;

- limite à 15 % du nombre total de logements sociaux livrés l'année précédente la proportion de logements PLS pouvant être agréés et ainsi bénéficier de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer afin de maintenir la priorité à la construction de logements sociaux ;

- et prévoit enfin un rapport annuel au Parlement sera établi par le ministre chargé des outre-mer précisant, par territoire, le bilan de construction des différentes catégories de logements.

Votre rapporteur pour avis approuve la suppression d'une condition légale qui est apparue sur le terrain comme un obstacle à la construction de logements sociaux dont les outre-mer ont tant besoin.

La limitation du nombre d'agréments avec le recours à un seuil fixé à 15 % pourrait cependant susciter, comme toute fixation rigide d'un nouveau seuil, des effets pervers ou inattendus. La règle d'or, dans ce domaine, consiste à tenir compte de la diversité des situations et des besoins selon les territoires.

2. Le réaménagement des régimes d'aide fiscale à l'investissement outre-mer (article 43 du projet de loi de finances pour 2016).

Constatant que l'aide fiscale à l'investissement ultramarin est un enjeu majeur, le Gouvernement a souhaité pérenniser et réaménager les dispositifs en privilégiant une évolution vers la technique du crédit d'impôt dans le secteur du logement social et, plus progressivement, dans le domaine de l'investissement productif. Pour les petits investissements dans les DOM et pour les territoires dotés de l'autonomie fiscale dans lesquels le crédit d'impôt ne peut pas s'appliquer, le mécanisme de la défiscalisation doit être maintenu.

L'article 43 vise à aménager les régimes d'aide fiscale à l'investissement outre-mer.

Dans sa version initiale, le texte du projet de loi de finances comporte trois volets.

- Tout d'abord, il étend le régime de crédit d'impôt en faveur du logement social outre-mer - prévu à l'article 244 quater X du code général des impôts (CGI) - aux travaux de réhabilitation de logements âgés de plus de vingt ans et situés dans les quartiers du « nouveau programme national de rénovation urbaine » (NPNRU) pour rénover le parc social des organismes de logements sociaux (OLS). Le parc de logements sociaux des OLS ultra-marins souffre en effet de vieillissement et il est donc important, en complément du soutien à l'offre de logements neufs, de remettre aux normes le parc existant afin de diminuer les risques sanitaires et sismiques. Le coût de cette extension du crédit d'impôt est financé par la suppression de la réduction d'impôt accordée au titre des travaux de réhabilitation de logements (prévu au e du 2 de l'article 199 undecies A du CGI).

- Ensuite, il aménage l'extinction de certains régimes d'aide fiscale à l'investissement outre-mer, dont le terme est fixé au 31 décembre 2017. Pour assurer la sécurité juridique des opérateurs et des projets il clarifie le fait générateur de l'avantage fiscal.

- Enfin, conformément à l'engagement pris par la France pour assurer la mise en conformité de l'aide avec le droit de l'Union européenne, le bénéfice de la réduction d'impôt, prévue au f du 2 de l'article 199 undecies A du CGI, au titre de la souscription au capital de certaines sociétés ultramarines (sociétés de développement régional ou sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés effectuant des investissements productifs outre-mer dans certains secteurs d'activité) est subordonné au respect du règlement général d'exemption par catégorie (RGEC).

Au stade de l'examen en commission des finances, les députés ont adopté un amendement de M. Joël Giraud visant à proroger le terme du dispositif d'aide fiscale à l'investissement à 2020 pour les DOM , afin d'envoyer un signal fort aux entreprises et d'encourager la création d'emplois.

En séance publique, les députés ont adopté, outre des modifications rédactionnelles, plusieurs amendements de fond.

- Le premier, de Mme Maina Sage a pour but de préserver le dispositif actuel de défiscalisation pour la réhabilitation des logements privés anciens dans les COM . En effet, le texte du projet de loi de finances initial vise à supprimer le e du 2 de l'article 199 undecies A qui porte sur la réhabilitation des logements privés anciens à la fois dans les DOM et les COM. Pour les seuls DOM, une nouvelle disposition du projet de loi prévoit la possibilité de mobiliser le crédit d'impôt pour la rénovation des logements locatifs sociaux de plus de 20 ans. Afin de remédier au « vide fiscal » ainsi créé pour les COM, le texte adopté par les députés propose le maintien des dispositions actuelles pour ces collectivités à autonomie fiscale.

Opposé à cette modification, le Gouvernement a indiqué qu'il avait choisi d'axer la dépense fiscale sur les bailleurs sociaux par un crédit d'impôt, plutôt que par les anciens dispositifs de défiscalisation.

- Le second, présenté par le Gouvernement, propose une nouvelle rédaction de l'article 43 pour répondre aux préoccupations des opérateurs ultra-marins.

Il maintient la proposition d' extension du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater X du code général des impôts (CGI) aux travaux de réhabilitation de logements de plus de vingt ans situés dans les quartiers du « nouveau programme national de rénovation urbaine » (NPNRU) en contrepartie de la suppression progressive de la réduction d'impôt accordée au titre des travaux de réhabilitation de logements prévu au e du 2 de l'article 199 undecies A du CGI.

Il prolonge également les mesures transitoires aménageant la fin du régime de la réduction d'impôt en faveur du logement social (article 199 undecies C) en clarifiant le fait générateur de l'avantage fiscal prévu en matière de travaux de réhabilitation hôtelière.

Par ailleurs, conformément aux annonces du Gouvernement, il vise à proroger les régimes d'aides en faveur du logement social jusqu'en 2020 , à savoir le crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater X du CGI pour les départements d'outre-mer (DOM), et la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C du CGI pour les collectivités (COM) dans lesquelles le crédit d'impôt ne s'applique pas.

S'agissant des régimes d' aide à l'investissement productif , il prévoit également une prorogation jusqu'en 2020 avec, pour les départements d'outre-mer, une obligation progressive de recourir au crédit d'impôt . En effet, le seuil de chiffre d'affaires interdisant le recours à la défiscalisation en matière d'impôt sur le revenu (réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du CGI) est abaissé progressivement de sorte qu'en 2020, seules les petites entreprises des DOM (moins de cinq millions d'euros de chiffre d'affaires) pourront encore bénéficier de ce régime.

- Les députés ont ensuite adopté quatre sous-amendements de M. Serge Letchimy à l'amendement du Gouvernement qui ont un but commun : conditionner l'extinction du dispositif de défiscalisation des investissements productifs à la mise en place d'un mécanisme institutionnalisé de préfinancement du crédit d'impôt ou d'avance remboursable à taux zéro en complément.

S'agissant des conséquences pratiques, pour les opérateurs, du remplacement de la défiscalisation traditionnelle par le crédit d'impôt, le Gouvernement a estimé que dans le secteur du logement social, la Caisse des dépôts et consignations pourra assurer le préfinancement dans des conditions satisfaisantes recours à des sociétés intermédiaires. En ce qui concerne l'investissement productif, il a estimé que les grandes entreprises, parviendraient assez aisément à trouver des solutions de préfinancement tout en convenant que les plus petites entreprises risquent de rencontrer de sérieuses difficultés. Le principal argument du Gouvernement en faveur du choix du crédit d'impôt reste cependant qu'il permet d'éviter aux entreprises de supporter le coût de l'intermédiation qui rémunère l'important travail de collecte de fonds et de montage de sociétés de défiscalisation.

Votre rapporteur pour avis souligne que les petites entreprises ultramarines ont effectivement besoin d'un mécanisme permettant de mobiliser la créance sur le Trésor public que constitue le crédit d'impôt pour disposer des fonds nécessaires à leur projet d'investissement. Rien n'empêche, en principe, à tout banquier de répondre à ce besoin de préfinancement, mais en pratique, les banques exigent des garanties importantes et facturent ce crédit à des taux élevés. Interrogée sur ce point en commission sénatoriale des affaires économiques, la ministre a signalé, dans les outre-mer, les difficultés de préfinancement du crédit d'impôt par la Banque Publique d'Investissement et exprimé sa volonté de trouver une solution adéquate.

- L'Assemblée nationale a enfin adopté deux sous-amendement identiques, l'un de M. Patrick Ollier et l'autre de MM. Victorin Lurel et Jean-Paul Tuaiva qui vise à proroger les dispositifs de défiscalisation (art. 199 undecies B et C) dans les collectivités d'outre-mer jusqu'au 31 décembre 2025 . En effet, l'autonomie fiscale des collectivités d'outre-mer empêche celles-ci de bénéficier des dispositifs nouveaux de crédit d'impôt. Le texte adopté par les députés limite cependant à 2020 prorogation de la défiscalisation à Saint-Martin car son statut de région ultrapériphérique (RUP) entraine l'application des règles communautaires.

Votre rapporteur pour avis souligne, tout d'abord, avec force que c'est surtout en travaillant à rendre plus stable et plus lisible le cadre juridique et fiscal que nous pourrons faciliter l'offensive économique dans nos outre-mer. Comme le rappelle le Conseil d'État, l'instabilité plus encore que l'inflation est le principal défaut de notre législation. Plus précisément, le doute récurrent qui plane sur la pérennité des dispositifs handicape l'attractivité des territoires car elle crée de l'incertitude sur la viabilité économique des projets d'investissement.

En second lieu, s'agissant des contraintes européennes , il convient de rappeler que les aides publiques aux entreprises sont strictement encadrées par les articles 107 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Les aides doivent, en règle générale, faire l'objet d'une notification à la Commission européenne et elles ne peuvent être octroyées qu'après approbation de la Commission.

Cependant, depuis 2001, par souci de simplification, la Commission a adopté des règlements qui permettent aux États membres d'accorder certaines catégories d'aides aux entreprises sans notification préalable lorsque celles-ci remplissent les critères prescrits. C'est dans ce cadre que l'État, les collectivités territoriales et les organismes publics peuvent utiliser le règlement général d'exemption par catégorie (RGEC) n° 651/2014, publié le 26 juin 2014. Ce règlement permet aux États membres d'adopter des régimes d'aides aux entreprises, sous réserve qu'ils contiennent une référence expresse au règlement et soient publiés sur internet. Depuis le 1 er janvier 2015, le système d'autorisation des aides d'État pour les outre-mer est adossé à ce RGEC. Par la suite, en juin 2015 le plafond des aides prévu par le RGEC a été modifié pour que les dispositifs l'outre-mer soit couvertes par ce règlement et la Commission a émis plusieurs lettres de confort pour sécuriser le versement de ces aides.

C'est dans ce contexte qui dénote une certaine fragilité juridique du RGEC, qu'une révision de ce règlement est programmée à l'horizon 2020. Sur la base de cette analyse, votre rapporteur pour avis ne voit aucun empêchement pour le législateur de porter à 2025 plutôt qu'à 2020 la limite temporelle des incitations fiscales envisagées pour les DOM par le projet de loi de finances pour 2016.

Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement le logement social, il convient par ailleurs de veiller à ce que l'article 43 du projet de loi de finances permette de calibrer les opérations de réhabilitation de logements de façon aussi réaliste que possible.

3. L'amélioration de la fluidité dans les procédures d'agrément.

Comme en témoignent les remontées de terrain, les difficultés relatives à la construction de logement ne sont pas seulement budgétaires mais tiennent aussi à des difficultés et lenteurs juridiques et administratives.

Votre rapporteur pour avis se félicite que le Gouvernement, tout à fait conscient de ces risques d'enlisement des projets, ait pris deux initiatives.

D'une part, une instance de concertation entre l'État et les représentants de bailleurs sociaux a été réunie et formulera des propositions opérationnelles pour fluidifier les agréments. En particulier, la ministre des outre-mer a indiqué que l'obligation de présenter un permis de construire purgé de tout recours sera supprimée.

D'autre part, comme cela a été mentionné plus haut, l'article 42 bis du présent projet de loi de finances prévoit l'abrogation, à compter de 2016, du frein législatif que constituait l'obligation minimale de financement par subvention publique de 5 % pour que les logements sociaux outre-mer puissent bénéficier de l'aide fiscale à l'investissement.

Rappels sur les procédures d'agrément

Selon la nature des investissements - productifs ou dans le logement social - et leur montant, différents acteurs interviennent dans le processus d'agrément nécessaire avant la mise en oeuvre d'un projet.

S'agissant des investissements dans le domaine productif, l'avantage fiscal est soumis à un agrément préalable du ministre du budget, après avis du ministre de l'outre-mer lorsque le montant des investissements par programme est supérieur à un million d'euros dans le cadre d'un investissement direct ou à 250 000 euros dans le cadre d'un investissement financé et donné en location par un tiers. En outre, l'agrément préalable de l'administration fiscale est requis dès le premier euro pour les investissements réalisés dans les secteurs des transports, la navigation de plaisance, l'agriculture, la pêche maritime et l'aquaculture, l'industrie charbonnière et la sidérurgie, la construction navale, les fibres synthétiques, l'industrie automobile, la rénovation et la réhabilitation d'hôtel, de résidences de tourisme et de villages de vacances classés. Les investissements qui sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel ou commercial sont également soumis à un agrément au premier euro.

Dans le secteur du logement social, les projets de moins de deux millions d'euros ne nécessitent pas d'agrément, à l'exception des opérations réalisées par des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés.

Lorsque le montant du programme d'investissement est compris entre deux et 20 millions d'euros, l'agrément est délivré par la direction régionale des finances publiques du département dans lequel les logements sont réalisés. Au-delà de 20 millions d'euros, l'agrément est délivré par le ministre du budget après avis du ministre des outre-mer chargé de se prononcer sur les aspects économiques et environnementaux du projet.

Conformément aux dispositions de l'article 1649 nonies du code général des impôts, toute demande d'agrément auquel est subordonnée l'application d'un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l'opération qui la motive. Dans le cas contraire, la demande d'agrément est irrecevable, car frappée de forclusion et aucune aide ne peut être accordée.

L'agrément est accordé si le programme présente un intérêt économique pour le département, s'il s'intègre dans la politique d'aménagement du territoire et de l'environnement et s'il garantit la protection des investisseurs et des tiers. En outre, l'un des buts principaux de l'investissement doit être la création ou le maintien d'emplois dans le département où il est réalisé. L'impact sur l'emploi est systématiquement vérifié lors de l'instruction des demandes et fait l'objet d'un suivi annuel après la réalisation du projet.

Le contrôle du respect de la condition légale d'octroi de l'agrément relative à l'emploi s'effectue au travers des engagements que souscrivent les bénéficiaires d'agréments fiscaux et qui sont repris dans les décisions d'agrément.

En outre, les investissements ne doivent pas porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou laisser présumer l'existence de blanchiment d'argent. Ils doivent s'intégrer dans la politique de développement durable du territoire dans lequel ils sont réalisés. Les bénéficiaires de l'agrément doivent respecter leurs obligations fiscales et sociales et s'engager à autoriser la vérification sur place des modalités de réalisation et d'exploitation des investissements aidés.

Par ailleurs, une commission consultative interministérielle, centrale ou locale, peut être saisie par l'investisseur lorsque l'administration envisage un refus d'agrément. Enfin, l'organe exécutif des collectivités d'outre-mer compétent en matière de développement économique doit être tenu informé des opérations réalisées sur son territoire.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DE MME GEORGE PAU-LANGEVIN, MINISTRE DES OUTRE-MER

Réunie le jeudi 12 novembre 2015, la commission a procédé à l'audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Nous accueillons Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, qui vient nous présenter les crédits de son ministère pour 2016. Notre rapporteur, M. Serge Larcher, de retour de Martinique, a vu son vol dérouté sur Lille en raison du brouillard. Je vous prie d'excuser son retard, ainsi que l'absence de plusieurs collègues, bloqués dans des aéroports pour les mêmes raisons. Néanmoins, nombreux sont les commissaires venus assister à votre audition ! Parmi eux, je salue notamment M. Magras, qui préside la délégation sénatoriale à l'Outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer . - J'arrive moi-même ce matin de Mayotte ! Merci de votre accueil et de votre intérêt pour le développement des Outre-mer. Le budget pour 2016 s'inscrit dans l'engagement de long terme pris par notre pays envers eux et formulé par le Président de la République et le Premier ministre. Stable par rapport à 2015, en dépit du contexte budgétaire, il montre la priorité que nous leur accordons. L'aide à l'investissement et la politique de l'emploi sont les deux axes centraux de mon budget.

La défiscalisation, qui concerne plus de 2 milliards d'euros d'investissements, est plébiscitée par les élus et les organisations patronales. M. Gattaz, que j'ai croisé à l'aéroport, a tenu à m'en entretenir... Nous avons prolongé jusqu'à fin 2017 les dispositifs existants et je précise que tout dossier présenté jusqu'à cette échéance aura une suite. À partir de 2018, des modalités modernisées seront introduites, pour plus d'efficacité. Le secteur du logement social bénéficiera d'un crédit d'impôt, comme l'investissement productif. Pour les territoires dotés de l'autonomie fiscale, comme la Polynésie, la défiscalisation sera maintenue - ainsi que pour les petits investissements dans les DOM. Ainsi, nous assurons une visibilité à cinq ans. On nous demande de la prolonger après 2020. Mais nous n'avons pas toutes les données nécessaires, et notre démarche est calée sur le calendrier des cadres communautaires pour les régions ultrapériphériques (RUP). Je vous rappelle aussi le principe d'annualité budgétaire... J'ai d'ailleurs reçu une lettre de la Fédération des entreprises d'Outre-mer (Fedom) réclamant un bilan du crédit d'impôt avant toute décision nouvelle.

Les acteurs du BTP sollicitent un soutien plus massif à la construction de logements sociaux, qui est en effet l'une de nos priorités. Aussi avons-nous étendu le crédit d'impôt aux opérations de réhabilitation dans les périmètres relevant de la politique de la ville. Le 2 novembre dernier, le groupe de travail réunissant l'État et les bailleurs sociaux a tenu sa première réunion. Il formulera des propositions opérationnelles pour fluidifier la délivrance d'agréments. L'obligation de présenter un permis de construire purgé de tout recours sera supprimée, par exemple. Nous abrogeons également en 2016 l'obligation de 5 % de subventions publiques pour la défiscalisation des opérations en prêt locatif social. Cela consommait inutilement de la ligne budgétaire unique (LBU) et compliquait la constitution des dossiers. Pour 2015, nous débloquons les crédits nécessaires pour libérer le maximum d'opérations.

Nous préservons les crédits principaux de soutien à l'activité outre-mer : la LBU est maintenue à 247 millions d'euros, 160 millions d'euros de crédits de paiement sont affectés aux contrats de développement et le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) ou le troisième instrument financier en Polynésie conservent intégralement leurs dotations. La commande publique joue en effet un rôle important pour l'activité économique dans ces territoires. Ainsi, l'emploi sera sauvegardé dans les Outre-mer.

Le Programme 138 « emploi outre-mer » demeure le plus important, avec 1,2 milliard d'euros - soit plus de 50 % de notre budget - essentiellement consacrés à la compensation des réductions de charges sociales patronales. Plus de 97 % de ses crédits sont préservés en 2016, ce qui est remarquable. Nous faisons porter l'effort sur l'allégement des charges pesant sur le travail peu qualifié. Le dispositif demeurera inchangé pour plus de 70 % des salariés en dessous de 1,6 Smic. En le réformant, nous avons souhaité préserver le réseau des TPE et des PME : les entreprises de moins de onze salariés jouiront toujours d'une exonération complète jusqu'à 1,4 Smic. Pour renforcer la compétitivité des entreprises dans les secteurs stratégiques comme le tourisme, l'hôtellerie, l'agro-nutrition, la recherche ou les nouvelles technologies, les exonérations seront renforcées le 1 er janvier 2016 - nous n'avions pu les aider l'an dernier avec le CICE en raison des contraintes européennes. Le passage du CICE au taux de 9 % et l'extension du champ d'application des exonérations de cotisations familiales constituent des allègements supplémentaires de 200 millions d'euros.

Les crédits consacrés à la formation atteindront 36 millions d'euros : ils ne baissent donc pas, non plus que ceux du service militaire adapté (SMA), qui seront de 57 millions d'euros en crédits de paiement, afin que l'objectif de 6 000 soit atteint en 2017. Les crédits de continuité territoriale sont également maintenus, en faveur des étudiants, des personnes en formation, des familles ; une aide aux familles endeuillées est créée, pour le rapatriement d'un corps ou le déplacement pour assister à des funérailles.

Bref, ce budget est satisfaisant. Avec 2,18 milliards d'euros de crédits de paiement contre 2,17 milliards d'euros en 2015, il témoigne du respect des engagements pris par le Président de la République en faveur des Outre-mer sans méconnaître la solidarité nationale, indispensable en temps de crise. Il accompagne une démarche cohérente en faveur de la croissance, de l'emploi, du logement, de la jeunesse et de la santé outre-mer. Je suis déterminée à réaffirmer toujours la solidarité entre notre géographie lointaine et l'hexagone et à mettre en lumière les apports inestimables des Outre-mer à la communauté nationale.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Notre rapporteur voulait vous poser les questions suivantes. Comme vous l'avez souligné, les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » pour 2016 sont préservés. Mais les autorisations d'engagement diminuent de 3,1 %. Ces diminutions portent principalement sur les allègements de charges salariales, comme un certain nombre d'acteurs économiques n'ont pas manqué de le faire observer. Il faut offrir des perspectives salariales attrayantes aux jeunes diplômés ultra-marins dans le secteur marchand. Or la concentration des allègements de charges sur les bas salaires favorise l'augmentation du nombre de salariés payés au salaire minimum, ce qui les incite à se diriger vers le secteur public ou à s'exiler, notamment aux États-Unis, au Canada ou en Amérique du Sud. En somme, ce budget est-il suffisamment offensif pour favoriser la création d'emplois et de richesse par le secteur marchand ultra-marin ?

Dès 2009, la délégation sénatoriale à l'outre-mer a annoncé l'achèvement d'un cycle économique. Notre pays a connu de nombreux chocs économiques et, depuis 30 ans, c'est l'emploi public qui a servi d'amortisseur, tant outre-mer que dans un certain nombre de territoires de l'hexagone. Ce qui caractérise la crise actuelle, c'est avant tout l'impossibilité d'appliquer ce remède traditionnel. Il faut donc désormais mobiliser l'épargne productive pour financer la création de richesses. Or les investisseurs ont avant tout besoin de lisibilité et de stabilité fiscale et réglementaire. C'est pourquoi j'approuve pleinement le principe de la clarification du cadre fiscal applicable aux investissements outre-mer avec la visibilité la plus étendue possible : vous avez évoqué une prorogation jusqu'au 31 décembre 2020.

À la différence des départements d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d'outre-mer ne sont pas soumises à la réglementation européenne. De plus, ces collectivités sont dotées de l'autonomie fiscale et ne peuvent donc pas bénéficier de crédits d'impôts comme le CICE. Dans ces conditions, Madame la Ministre, que pensez-vous d'une prorogation en leur faveur, jusqu'en 2025, des dispositifs d'aide à l'investissement existants ?

La simplification des normes, des procédures administratives et des contraintes de certification ne concerne pas seulement les entreprises ultramarines du secteur privé. En particulier, les opérateurs du logement social doivent se concentrer sur leur coeur de métier qui est de construire. Ils sont soumis à un cadre législatif et réglementaire à juste titre assez contraignant, mais il faut que le temps consacré à remplir des dossiers soit contenu dans des limites raisonnables.

Fin 2015, la Martinique et la Guyane vont se doter d'une collectivité unique exerçant les compétences départementales et régionales. Les fusions d'entités publiques ou privées dégagent des économies à moyen terme mais elles s'accompagnent toujours de surcoûts initiaux. Il est donc légitime de se poser la question du financement de la période transitoire. Aussi soutenons-nous l'idée d'une dotation spéciale d'amorçage.

Notre première préoccupation est le taux de chômage des jeunes, qui s'élève à 50 % et conduit souvent à leur exil. Le développement d'un territoire ne nécessite pas forcément de gros investissements, comme le montrent bien quelques exemples en France ou dans le Nord de l'Italie, où quelques petites entreprises suffisent à créer de nombreux emplois. Face à ces enjeux, le projet de loi de finances pour 2016 préserve l'essentiel. Vous proposez également, Madame la Ministre, des mesures permettant de clarifier le cadre de l'aide fiscale aux investissements outre-mer au-delà de leur terme légal actuel, c'est-à-dire le 31 décembre 2017, en offrant une visibilité aux investisseurs jusqu'en 2020.

M. Michel Magras, président de la délégation sénatoriale à l'Outre-mer . - Merci de l'énergie que vous mettez à défendre les intérêts de l'Outre-mer, surtout lors du vote du budget, que vous parvenez à préserver dans un contexte difficile. Votre effort pour la sauvegarde de l'emploi et pour la formation est notable. Le CICE continue sa progression : le recentrage des allègements de charges sociales patronales nous semble nécessaire, en compensation. Je remercie le Gouvernement d'avoir compris ma demande que Saint-Barthélemy, qui ne bénéficie pas du CICE, puisse conserver les dispositifs ailleurs menacés. J'espère que l'Assemblée nationale respectera ce choix.

Les économies d'outre-mer souffrent d'une faiblesse en capital et d'un déficit de visibilité. Le Gouvernement a annoncé le prolongement de la défiscalisation jusqu'à 2020, ce qui est accueilli avec soulagement par le monde économique, qui aurait toutefois souhaité qu'il soit plus long. En effet, la limite de 2020 est liée aux contraintes européennes, et plus particulièrement au règlement général d'exemption par catégorie (RGEC). Ce RGEC doit être renégocié en 2020, mais il durera. Surtout, si la COM de Saint-Martin est une RUP, donc soumise au RGEC, il n'en va pas de même d'autres COM. L'échéance de 2020 se comprend pour les RUP mais pas pour les pays et territoires d'outre-mer (PTOM), associés à l'Europe mais non soumis au RGEC. Certes, à Saint-Barth, c'est la collectivité qui choisit les domaines dans lesquels peut s'appliquer la défiscalisation. Mais les collectivités territoriales de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie sont attachées à la défiscalisation car elles souhaitent bénéficier d'une visibilité à plus long terme, appropriée aux investissements lourds. Pourquoi le Gouvernement ne recule-t-il pas l'échéance, pour les PTOM, jusqu'en 2025 ?

M. Ladislas Poniatowski . - Vous ne vous étonnerez pas de m'entendre parler d'énergie... Le programme de remplacement de toutes les centrales électriques outre-mer est bien avancé : une nouvelle centrale a été mise en marche en 2012 à La Réunion, une autre l'a été en Martinique en 2013, et une autre en Guadeloupe en deux tranches, en 2014 et 2015. En Guyane en revanche, ce programme est bloqué, à la fois pour des raisons techniques et des problèmes fonciers. Le ministère refuse d'y installer une centrale à fioul, pour une raison inconnue, et alors qu'ailleurs des centrales à fioul de nouvelle génération, peu polluantes et au rendement excellent, ont été acceptées. La centrale actuelle, de 80 mégawatts, toussote, pollue et a un mauvais rendement. La nouvelle centrale produirait 100 mégawatts. L'économie en a besoin, sans parler des populations. Il y aura de surcroît des problèmes fonciers si EDF doit changer d'emplacement. Une centrale à biomasse, 5 à 10 mégawatts, ne répondra jamais aux besoins couverts par une centrale à fioul. Comment débloquer la situation ?

M. Joël Labbé . - Merci pour cette présentation. Bravo d'avoir réussi à maintenir votre budget. Qu'entendez-vous par agro-nutrition ? L'industrie de la pêche est-elle comprise dedans ? Le soutien aux projets alimentaires territoriaux est-il inclus dans votre budget ?

Mme Delphine Bataille . - Je souligne, au nom de mon groupe, la stabilité de vos crédits, dans une période de forte contrainte budgétaire : cela prouve que l'outre-mer est une priorité gouvernementale. Pour favoriser l'emploi et encourager le développement économique, une action déterminée est nécessaire. Le programme dédié aux conditions de vie et à la lutte contre la vie chère est en hausse de 12 millions d'euros. Les crédits consacrés au logement social, au soutien à l'investissement public et aux collectivités territoriales sont préservés. Je salue aussi la création d'une mesure d'aide aux familles endeuillées. Le fort soutien au SMA favorisera l'insertion des jeunes.

Près de 80 % de la biodiversité française est localisée outre-mer, grâce à un domaine maritime immense. Le Gouvernement est engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique. Vous souhaitez préserver cette biodiversité et développer l'énergie renouvelable. Les outre-mer cumulent les risques environnementaux, ce qui les place en première ligne face au changement climatique. Bénéficieront-ils d'un accompagnement financier spécifique ? La recherche peut aider à prévenir certains phénomènes, comme la prolifération des algues sargasses, qui envahissent les côtes antillaises. La loi sur la transition énergétique a fixé des objectifs ambitieux aux outre-mer, qui doivent atteindre l'autonomie énergétique en 2030, avec un objectif intermédiaire de 50 % dans cinq ans. Quels financements sont prévus par l'État pour les y aider ? Les conseils départementaux de la Guadeloupe et de la Martinique ont financé des études de géothermie dans le cadre d'un projet avec la Dominique. Or il semble qu'il y ait quelques difficultés dans les relations avec EDF. Comment comptez-vous y remédier ?

Le droit à la terre est l'un des derniers qui restent à conquérir pour les populations. C'est un problème complexe. Un rapport, signé par plusieurs de nos collègues, dont M. Serge Larcher, formule des propositions concrètes pour dépasser les blocages historiques. Comptez-vous les mettre en oeuvre ?

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Merci pour vos compliments. Vous avez signalé que le recentrement sur les bas salaires des allégements de cotisations sociales posait problème pour les jeunes diplômés. J'en suis consciente, mais ce n'est pas la seule cause de chômage des jeunes. Il existe en effet un hiatus entre le moment où le jeune rentre après une formation et celui où le chef d'entreprise recherche un employé qualifié. Conséquence, les jeunes quittent le territoire, tandis que les chefs d'entreprise embauchent plus cher des personnes à l'extérieur. Il convient donc d'organiser une gestion prévisionnelle des emplois, surtout dans la commande publique, où les chantiers s'étalent sur plusieurs années et où les besoins sont donc connus à l'avance. Je le sais pour avoir dirigé l'Agence nationale de promotion et d'insertion des travailleurs d'outre-mer (ANT). De surcroît, l'ordonnance de l'an dernier sur les marchés publics mentionne la nécessité pour les entreprises de faire appel aux compétences locales.

Sur le crédit d'impôt, nous avons entendu vos inquiétudes : un amendement du Gouvernement accroîtra la visibilité par rapport à la rédaction initiale. Jusqu'au 31 décembre 2017, le dispositif est stabilisé, rien ne change. Pour la suite, nous proposerons l'extension au logement social du crédit d'impôt - que Bercy préfère à la défiscalisation, car cela évite le problème du préfinancement. Le crédit d'impôt productif sera aussi progressivement étendu aux entreprises dont le chiffre d'affaires est de 15 millions d'euros, puis 10 millions d'euros, puis 5 millions d'euros. Il convient d'abord de voir si le système marche bien - certains chefs d'entreprise le contestent. Quoi qu'il en soit, le crédit d'impôt ne fonctionnera que s'il est préfinancé. L'intervention de la Banque publique d'investissement (BPI) avait soulevé de grands espoirs, parfois déçus.

Dans les DOM comme dans les COM, pour les plus petites entreprises, la défiscalisation n'est pas modifiée, puisque le crédit d'impôt ne s'applique pas. Nous avions proposé de fixer son terme à 2020 par référence aux échéances européennes. Les incertitudes, notamment en Nouvelle-Calédonie, ont d'autres sources que l'instabilité du régime fiscal. Il y a la consultation sur les institutions, la situation sur le nickel,...

Vous demandez une dotation d'amorçage pour la nouvelle collectivité unique. Mais nombre de modifications ont affecté d'autres collectivités - je pense aux nouvelles métropoles - sans que la question budgétaire ait été posée.

Avec l'Agence départementale d'insertion et la Caisse des dépôts et consignations, nous épaulons les très petites entreprises, notamment pour le premier emploi qu'elles créent.

Merci, Monsieur Magras, pour vos propos. La collectivité unique pose surtout une question, celle de la compensation du RSA - devenue un sujet complexe dans les petites collectivités comme Saint-Martin. Nous avons pu régler des problèmes épineux et qui restaient en suspens pour Saint-Barth. La défiscalisation dans les COM jusqu'en 2025 : nous verrons cela dans le débat parlementaire. Mon souci est de travailler utilement. Mais c'est le Parlement qui vote la loi, nous ne nous opposerons pas à ce qu'il décidera, même si nous estimons ne pas avoir aujourd'hui tous les éléments pour y voir clair jusqu'à cette échéance.

Monsieur Poniatowski, je comprends vos arguments contre les capacités de la biomasse ; mais s'il y a une forêt importante en France, elle est bien en Guyane. Importer du fioul dans un département doté de larges fleuves, de beaucoup de soleil et de bois n'est pas une solution. Nous devons obéir aux nécessités environnementales ; la loi prévoit ainsi une programmation pluriannuelle de l'énergie dans laquelle des objectifs ambitieux sont fixés aux Outre-mer...

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Bienvenue à notre rapporteur pour avis, M. Serge Larcher.

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Qu'il soit remercié d'avoir fait son possible pour nous rejoindre.

Monsieur Labbé, les exonérations concernant l'agro-nutrition sont préservées ; la pêche en fait effectivement partie, elle est très soutenue, notamment via les fonds européens. Madame Bataille, vous avez raison de souligner que 80 % de la biodiversité est outre-mer. J'ai visité récemment les îles Glorieuses, situées dans un parc naturel marin, véritable sanctuaire de la biodiversité dans l'Océan Indien. Il n'y a pas de réunion spécifiquement consacrée aux Outre-mer dans la COP21, mais j'ai organisé un séminaire le 15 octobre dernier pour aborder ces sujets ; et de nombreux événements les mettront en valeur. Nous avons pris l'initiative d'une rencontre sur les petits États insulaires. Les territoires français du Pacifique seront en première ligne dans la coopération avec eux.

Les sargasses empoisonnent la vie des Antilles depuis deux ans. Nous avons mis en place un plan d'action pour aider les communes à organiser le ramassage et pour financer un programme de recherches sur les perturbations écologiques, peut-être lointaines, qui sont la cause du phénomène. Lequel affecte, massivement, tous les États de la Caraïbe. Nous avons ouvert des prêts bonifiés pour les collectivités touchées.

Sur le foncier, un rapport parlementaire au titre combattif se promettait de mettre fin à « une gestion par l'État jalouse et stérile »... Il avait en tout cas le mérite de poser un certain nombre de questions sur le foncier outre-mer. Ainsi dans la zone des cinquante pas géométriques, les habitants ne peuvent devenir propriétaires ; autre problème, dans de nombreux cas, il n'est pas possible de construire des équipements publics parce que la propriété du foncier est incertaine. Il faudra nous pencher sur ces sujets. Déjà, la loi a transféré aux régions la gestion des cinquante pas géométriques et des équipements ont été créés pour aménager certaines zones.

Le projet de géothermie avec la Dominique est ancien. Hélas, on a observé la défection de partenaires. Et après le violent cyclone qu'elle a subi, cette île aura peut-être d'autres priorités - reconstruire tout ce qui a été dévasté. C'est dommage, car le projet avait bien avancé ; mais il n'est pas totalement abandonné.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis . - Notre partenaire EDF est-il prêt à bouger enfin ? Aux dernières nouvelles, son président-directeur général nous opposait un niet sans appel.

On trouve des sargasses partout dans la Caraïbe. Une précision s'impose : elles ne viennent pas de la mer du même nom, où Christophe Colomb, dont les bateaux n'avançaient pas, avait dû faire face à une mutinerie... Plus sérieusement, ce phénomène pose un problème pour le tourisme ; ne pourrait-on pas en trouver un usage agricole ?

Nous, départements français, devons participer à l'effort de redressement des comptes publics. Mais encore faut-il choisir les cibles : avec 1,4 Smic, ce sont les diplômés qui sont visés ! Notre délégation a montré dans une étude que deux diplômés sur trois originaires des DOM vivent en métropole. Par un effet de trappe pernicieux, les employeurs proposent des salaires très bas qui incitent les jeunes à partir ou à préférer la fonction publique territoriale. Les élites sont condamnées à l'exil.

La France est championne des normes ; il faudra pourtant les simplifier pour que les logements sortent de terre : la demande est énorme !

Nous, les outre-mer, souffrons d'un manque de visibilité sur les aides aux entreprises. Pas un budget sans qu'elles subissent un coup de rabot ! Selon les années, c'est le rabot du charpentier ou celui de l'ébéniste, aux copeaux plus ou moins épais... Mais petit ou gros, c'est toujours un rabot. La date de 2020 pour l'horizon de la défiscalisation est acceptable. Mais je vois mal le rapport avec le RGE ! Nous aurions préféré 2025 ou au-delà pour les COM, toujours par souci de stabilité.

En Guyane, en Guadeloupe et en Martinique, la collectivité unique n'ira pas sans difficultés. Il aurait fallu l'accompagner d'une dotation...

Mme George Pau-Langevin, ministre . - D'amorçage ?

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis . - C'est cela. Elle aurait pu prendre la forme d'une absence de coup de rabot, d'un gel des dotations toujours à la baisse. Nous avions déposé des amendements en ce sens lors de l'examen de la loi en 2011 : « nous verrons cela lors de la mise en place », nous avait-il été répondu à l'époque. Or nous y sommes, et, Anne, ma soeur Anne, je ne vois rien venir !

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Les difficultés du projet de géothermie ne tiennent pas seulement à EDF, mais aussi au cyclone qu'a subi la Dominique. EDF semble traîner les pieds, mais nous ne pouvons pas décider à sa place.

Cela fait cinq ans que nous préparons le rapprochement des collectivités. Les contrats de plan prévoient des moyens pour faire face à cette situation ; n'oublions pas que l'objectif était aussi de rationaliser.

Avec Mme Lebranchu, nous travaillons sur la compensation du RSA ; nous avons aussi prévu des avances de trésorerie.

Les exonérations vont jusqu'à 2,3 Smic, voire 3,5 Smic, soit de 2 500 à 4 000 euros dans les secteurs les plus exposés. Je connais bien des jeunes diplômés qui aimeraient retourner en Martinique s'ils y étaient payés à ce niveau, celui auquel ils peuvent prétendre s'ils entrent dans la fonction publique. L'anomalie, c'est qu'il n'existe pas de structure qui les rapproche des employeurs lorsqu'ils reviennent : pas d'Apec dans les Outre-mer ! J'ai rencontré le directeur de Pôle Emploi pour le mobiliser sur cette question. L'État paye à grand frais des formations, la région ajoute au pot, mais après ? Les jeunes s'exilent et leurs enfants naissent canadiens ou américains, pendant que la population de nos îles vieillit. Je le répète, ils s'en vont non parce que les salaires sont trop faibles mais parce que les offres d'emplois sont trop rares. J'en appelle aux entreprises pour qu'elles embauchent, en entreprises citoyennes.

Les communes sont aidées à hauteur de 2 millions d'euros pour le ramassage des sargasses, ce qui doit être fait rapidement pour éviter les mauvaises odeurs. Qu'en faire une fois qu'elles sont séchées ? Engrais, cosmétiques, les pistes sont nombreuses. Nous avons lancé des appels à projets pour les recenser. J'ai vu en Martinique l'expérimentation d'une machine de ramassage américaine. C'est intéressant. Nous réunirons un sommet pour en discuter avec les autres États de la Caraïbe. Pour que les communes recrutent du personnel supplémentaire affecté à ces opérations, nous avons mis des crédits à leur disposition. Je les encourage à les utiliser ! Nous sommes déjà début novembre ; il serait regrettable qu'ils ne soient pas consommés.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis . - L'école de la République réussit plutôt bien outre-mer. Nous avons ainsi beaucoup de candidats heureux aux concours de la fonction publique, notamment à l'agrégation - du moins à l'admissibilité, car il y a beaucoup d'échecs à l'oral. Les universités n'y préparent pas. Or pour passer cette épreuve avec succès, il faut en connaître les codes. Des conventions avec des universités en métropole pourraient y remédier.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Vous connaissez le sujet, Madame la ministre, ayant été chargée de la réussite éducative. Je vous remercie.

II. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 novembre 2015, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs à l'Outre-mer du projet de la loi de finances pour 2016.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je passe à présent la parole à notre collègue M. Serge Larcher qui va nous présenter son avis budgétaire sur la Mission « Outre-mer ».

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis de la mission « Outre-mer » . - Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous présente aujourd'hui les principaux axes de mon rapport sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2016.

L'idée directrice est que ce budget est globalement sauvegardé, mais il doit être assorti de mesures offensives pour stimuler l'économie des outre-mer. Entendons-nous bien : à mon sens, l'offensive ne consiste pas à multiplier les normes, mais à réduire l'instabilité et la complexité du cadre juridique et fiscal. Je formulerai donc quelques propositions fiscales et non-fiscales pour encourager l'investissement dans ces douze territoires situés dans le Pacifique, dans l'Atlantique, dans l'Océan indien et en Amérique du Sud.

Mon premier thème porte sur le présent et l'avenir budgétaire avec une stabilisation rassurante des crédits de paiement et une diminution plus inquiétante des autorisations d'engagement.

Vous vous en souvenez, lors de son audition en commission la ministre a présenté, à juste titre, la stabilité des crédits de la mission outre-mer comme un point positif. Je précise que nous parlons ici du maintien pour 2016 des crédits de paiements (CP) au-dessus du seuil de deux milliards d'euros, soit un demi pour cent du budget de l'État, mais nous nous situons 44 millions d'euros en-dessous du plafond triennal. On constate aussi une baisse de 3,1 % des autorisations d'engagement (AE) par rapport à 2015 et c'est un signal plus inquiétant pour l'avenir budgétaire ultramarin.

Économiquement, que signifie pour les outre-mer cette stabilité ? Dès 2009, j'avais, avec notre délégation sénatoriale aux outre-mer, annoncé l'achèvement d'un cycle. Depuis 30 ans, c'est l'emploi public qui a servi d'amortisseur - ou de « buvard social » - face aux chocs économiques, tant outre-mer que dans un certain nombre de territoires de l'hexagone. Ce qui caractérise la crise actuelle c'est avant tout l'impossibilité d'appliquer ce remède traditionnel.

Dès lors, pour offrir aux jeunes ultramarins des perspectives autres qu'un taux de chômage de 50 % ou l'exil, il nous faut absolument éviter de brutaliser la sphère publique tout en favorisant la création de richesse par les entreprises locales. Car, comme vous le savez, lorsque le taux de chômage dépasse certains seuils, ce sont les bases de la démocratie qui vacillent. De ce point de vue, si la situation est critique en métropole elle est explosive dans les outre-mer.

En même temps, je tiens à y insister, les ultramarins participent à l'effort de rigueur budgétaire. Tout d'abord, les mesures restrictives prises en 2015 produisent leurs effets : par exemple, l'an dernier, l'aide à la rénovation hôtelière a été abrogée et l'aide à la continuité territoriale a été recalibrée. Je rappelle également qu'entre 2009 et 2013, une vingtaine de mesures restrictives ont été adoptées en matière de défiscalisation. Ensuite, pour 2016 comme en 2015, les moyens du ministère de l'Outre-mer sont revus à la baisse, conformément la norme générale de productivité.

Enfin, je veux souligner tout particulièrement la poursuite de la baisse des dotations aux collectivités territoriales ultramarines avec une diminution de 80 millions d'euros dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales ultramarines ». Certes, on constate dans la mission « outre-mer » une légère augmentation de 6 millions d'euros des crédits en faveur de la politique contractuelle entre État et collectivités mais le compte n'y est pas. Or ce sont bien les collectivités ultramarines qui sont en première ligne pour prendre en charge les personnes les plus fragiles. C'est pourquoi j'insiste sur l'idée d'une dotation spécifique d'amorçage pour accompagner, en Guyane et en Martinique, la toute prochaine fusion entre départements et régions.

En définitive, pour 2016, les crédits directement gérés par le ministère des Outre-mer devraient progresser de plus de 0,3 % par rapport à la loi de finances pour 2015, pour s'établir à 2,08 milliards d'euros en AE et à 2,06 milliards d'euros en CP. Toutefois, cela ne représente qu'une petite partie de l'effort global de l'État au bénéfice des départements et collectivités d'outre-mer, qui s'élève à 14,5 milliards d'euros. Cet effort n'a rien d'exceptionnel par rapport aux autres territoires puisqu'il s'agit principalement de dépenses relatives aux pouvoirs régaliens de l'État (Intérieur, Éducation, Justice). Globalement, j'observe que ces 14,5 milliards d'euros représentent 3,8 % des dépenses de l'État pour 2,7 millions d'ultramarins, soit 4,05% de la population totale (66,7 millions en 2015).

J'en viens à l'analyse des deux programmes de la mission « outre-mer ».

Le programme 138 « Emploi outre-mer » a pour finalité d'encourager la création d'emplois et la compétitivité des entreprises ultramarines. L'éloignement géographique, l'exiguïté, l'insularité des territoires, l'étroitesse des marchés, l'exposition aux risques naturels et la proximité de pays à très bas salaires sont autant de handicaps qu'il faut compenser. N'oublions pas que nos voisins sont aussi nos concurrents. Dans le domaine touristique, par exemple, pour des produits équivalents, les prix pratiqués sont souvent inférieurs aux nôtres et je rappelle qu'en République Dominicaine, on recrute à 300 euros par mois. En même temps - on ne le souligne pas assez - les entreprises ultramarines sont soumises à des normes et des exigences de certification similaires à celles de l'hexagone.

L'action 1 du programme porte sur la compensation des exonérations de charges sociales spécifiques aux outre-mer. Les crédits s'élèvent à 1,11 milliard d'euros pour 2016, en baisse de 28,3 millions d'euros par rapport à 2015. Cette baisse concerne les allègements de charges spécifiques à l'outre-mer et, sur ce point, la réforme adoptée en loi de finances pour 2014 et celle que prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 vise à renforcer de plus en plus la concentration de ces allègements sur les bas salaires et sur les secteurs exposés prioritaires.

Selon le Gouvernement, la diminution des exonérations spécifiques aux outre-mer est compensée, d'un autre côté, par l'augmentation des allègements de charges de droit commun et par des taux majorés du CICE outre-mer, soit 9 % de la masse salariale en 2016 contre 6 % en métropole.

Sans entrer dans une très complexe querelle de chiffres sur la mesure exacte de cette compensation, je formule trois observations. Tout d'abord, il faut reconnaitre que le dispositif antérieur est préservé dans les secteurs prioritaires définis par la loi du 27 mai 2009, à savoir : le tourisme, les énergies renouvelables, l'agro-nutrition, la recherche-développement et les technologies de l'information. Cependant, en pratique, le droit applicable à ces allègements et au CICE n'est pas simple, et cette complexité risque d'ailleurs de dissuader certaines entreprises d'y recourir.

J'insisterai surtout sur l'impact du principe même de la concentration des allègements sur les bas salaires. Certes, selon les modèles économétriques, ce ciblage est le plus efficace à court terme pour favoriser les embauches. Cependant, à plus long terme, il faut tenir compte des effets de structure de ces allégements de charge. J'ai retenu de l'audition de Louis Gallois par notre commission que l'encouragement des embauches au salaire minimum n'est pas sans lien avec la désindustrialisation de notre pays et une spécialisation insuffisante de notre production dans le haut de gamme. J'ajoute que cette trappe à bas salaires a tendance à conduire les diplômés ultramarins à s'orienter vers la fonction publique ou vers l'exil vers l'Hexagone ou l'étranger, alors qu'il est impératif, d'une part, de rééquilibrer le secteur public et le secteur marchand, d'autre part, de monter en gamme et enfin, d'éviter les effets de seuil pour les entreprises.

Dans ce programme 138, je mentionne également l'action n° 2 qui finance principalement le service militaire adapté (SMA), c'est-à-dire un stage d'un an qui s'adresse aux jeunes ultramarins, garçons ou filles, âgés de dix-huit à vingt-six ans, et comprend un mois de formation militaire, ainsi que 800 heures de formation professionnelle. Le succès de cette formule - 80 % de taux d'insertion - a conduit, depuis 2009, à viser le doublement des effectifs pour les porter à 6 000 en 2017. Je suis très attentif au maintien de la qualité des stages et je me demande s'il ne faudrait pas s'inspirer de ce dispositif pour l'Hexagone.

J'en viens à présent au programme 123 « Conditions de vie outre-mer » qui se décline en 8 actions. Ses crédits augmentent de 2,7 % en 2016, avec une dotation de 702 millions euros.

Un mot sur une mesure nouvelle incluse dans l'action n° 3 relative à la « Continuité territoriale » : il s'agit de la création d'un nouveau dispositif d'aide à la continuité funéraire visant à faciliter le rapatriement du corps des défunts ultramarins et à permettre aux familles d'assister aux obsèques. Il y a là un symbole très fort, car les Ultramarins restent marqués par le souvenir du déracinement de nombre de leurs jeunes, notamment à la Réunion, durant les années 60.

Par ailleurs, au sein du programme 123, je me félicite de la montée en puissance de la nouvelle génération des contrats de plan État-Région. Les crédits qui y sont dévolus s'élèvent à 137 millions d'euros en autorisations d'engagement - c'est une stabilisation mais augmentent de 4 % en crédits de paiement, avec 161 millions d'euros pour 2016.

Bien que la plupart des actions soient préservées ou augmentent légèrement, je regrette tout particulièrement que l'objectif fixé par le Président de la République de doter le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) de 500 millions d'euros entre 2013 et 2017 ne soit désormais pas en mesure d'être atteint. Pour 2016, les autorisations d'engagement se limitent à 40 millions d'euros, soit une hausse de 1,8 % par rapport à 2015, et les crédits de paiement à 27,9 millions d'euros, soit une hausse de 8,6 %. Ces crédits ont un effet de levier considérable pour l'investissement, et leur augmentation favoriserait l'offensive économique.

Je me concentrerai ici sur le logement qui est une des principales difficultés de la vie quotidienne des Ultramarins. Je rappelle que les besoins en logements sociaux sont très importants pour des raisons démographiques et parce que la proportion des ménages à bas salaires est élevée. Concrètement, en Martinique, on recense aujourd'hui près de 11 500 demandes de logement social et, selon l'INSEE, il faudrait construire pour la période 2010-2040, 2 500 à 3 000 logements neufs par an. Or en moyenne depuis 2006, 489 logements sociaux ont été financés tandis que 403 ont été livrés par an. Nous sommes donc très loin du compte !

De plus, le nombre de logements classés comme insalubres par l'État est d'environ 68 000 et concerne plus de 150 000 personnes. Les cinq DOM, à travers des situations différentes, ont en cependant en commun une urbanisation rapide et mal maîtrisée.

Or, bien que cette politique demeure une priorité gouvernementale, on constate, dans ce programme 123, une baisse de 9 millions d'euros, en crédits de paiements, sur l'action Logement. Je précise que sur les 234,6 millions d'euros prévus en 2016, 50,3 millions d'euros sont destinés aux ménages, dont 20,1 millions en faveur de l'accession à la propriété et 29,7 millions d'euros destinés à l'amélioration de l'habitat privé, et 140,5 millions d'euros sont destinés aux opérateurs, dont 125,8 millions d'euros au logement locatif social et 6 millions d'euros à l'amélioration du parc locatif social.

Le but fixé pour 2016 est de financer 6 953 logements locatifs, en retrait de 12,5 % par rapport à l'année précédente, puisqu'il était de 7 950 logements en 2015. Pour l'instant, nous sommes donc encore éloignés des objectifs fixés par le plan logement outre-mer, qui doit s'étaler sur cinq ans, et vise un minimum de 10 000 logements sociaux par an.

Je rappelle ici que le soutien budgétaire est fondamental pour compléter l'aide fiscale à l'investissement et le crédit d'impôt en faveur du logement social, dont le terme a été porté à 2020, dans le texte du projet de loi de finances pour 2016 qui vient d'être adopté par les députés et à 2025 pour les autres collectivités ultramarines relevant de l'article 74 de la Constitution.

En définitive, nos possibilités d'actions sur ces crédits sont limitées : nous avons d'un côté une diminution des crédits du programme 138 qui porte sur l'emploi et une augmentation de même montant du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » : compte tenu des besoins dans ces deux domaines, il me parait difficile de modifier les équilibres prévus, à enveloppe globale inchangée.

C'est donc surtout en travaillant à rendre plus stable et plus lisible le cadre juridique et fiscal que nous pourrons faciliter l'offensive économique dans nos outre-mer. Je proposerai ou soutiendrai donc plusieurs amendements à l'article 43 du projet de loi de finances qui porte sur le soutien à l'investissement dit « défiscalisation ». Ces modifications sont inspirées par le pragmatisme et, en particulier, le souci de calibrer les opérations de réhabilitation de logements de façon aussi réaliste que possible.

Je résumerai le message qu'expriment les remontées de terrain en rappelant que « le temps c'est de l'argent », et on en perd encore trop en Outre-mer. En matière de logement social, par exemple, qui est un domaine particulièrement encadré, il est urgent de permettre aux opérateurs de se mieux se concentrer sur leur coeur de métier qui est de construire, car le temps consacré à remplir des dossiers atteint aujourd'hui des seuils excessifs. Ce dont souffrent aujourd'hui nos outre-mer, c'est surtout d'un manque de stabilité et de visibilité. Tous les ans, lors de la discussion de la Loi de Finances, nous redoutons que surgissent de nouvelles incertitudes juridiques et la modification du paradigme économique et fiscal de nos territoires. Afin de rétablir et d'instaurer un climat de confiance propice à l'investissement, il faut que les gouvernements garantissent le maintien de dispositifs pluriannuels et pérennes.

Dans le contexte difficile que nous connaissons, les crédits de la mission outre-mer sont malgré tout sauvegardés et par conséquent, chers collègues, je vous invite à les voter.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Merci Monsieur le Rapporteur pour le travail que vous avez accompli. Je passe la parole, dans un premier temps, à notre collègue  Michel Magras.

M. Michel Magras . - Je tiens à féliciter notre rapporteur pour son rapport qui est d'une grande précision et d'une réelle exhaustivité. Force est de constater qu'au fil des années le budget de la « mission Outre-mer » a effectivement été sanctuarisé. Certes, des difficultés réelles, que le rapporteur a mises en évidence, subsistent, mais nous connaissons tous la situation dans laquelle se trouvent les finances de la France. Notre rapporteur a également insisté sur une chose importante : le budget de la mission n'est pas le seul que la France consacre à ses Outremers qui sont également parties intégrantes de la République. Un certain nombre des lignes budgétaires dont ils bénéficient se retrouvent également dans d'autres missions.

Je souhaitais faire deux observations. Ma première porte sur l'abaissement des charges. Je ne peux que souscrire à la volonté du Gouvernement de recentrer ses actions en faveur des bas salaires. Néanmoins, en diminuant les avantages prévus par la Loi pour le développement économique des Outre-mer (LODEOM), ce recentrage se solde par un basculement de l'aide vers les crédits d'impôts compétitivité emplois (CICE), à savoir le crédit d'impôt recherche (CIR) et le crédit d'impôt innovation (CII). Sauf que dans ce basculement, une réalité demeure : les collectivités d'Outre-mer ne disposent pas du CICE. Ce qui signifie que ces collectivités-là subissent la baisse des avantages dont elles étaient précédemment bénéficiaires et ne les récupèrent pas par ailleurs. Il faut avoir conscience de cette situation. C'est un choix puisque ces collectivités ont opté pour l'article 74 de la Constitution et pour avoir l'autonomie fiscale. Ce qui signifie que ce n'est pas à l'État de compenser par les crédits d'impôts, mais plutôt à la collectivité elle-même de l'assumer. Je ne critique pas cette situation ; je la constate simplement.

Mon deuxième constat concerne la défiscalisation. Bien qu'en tant que représentant de la Collectivité de Saint-Barthélemy, je ne sois pas un gros défenseur de la défiscalisation, je ne peux qu'en constater les bienfaits pour l'Outre-mer. Sur ce point-là, Madame la Ministre nous a indiqué, la semaine passée, que la défiscalisation devrait être garantie jusqu'à 2020 pour les Départements d'Outre-mer (DOM) et la Collectivité de Saint-Martin qui est une région ultrapériphérique. Mais pour les autres collectivités, qui ne sont pas en lien avec l'Europe, la défiscalisation devrait être assurée jusqu'à 2025. Je reste pour ma part persuadé que nous pouvons aller au-delà de 2020 pour les DOM ! D'ailleurs, le Gouvernement n'est pas hostile à cette réflexion et je pense que certains amendements sénatoriaux pourraient préconiser la prolongation de ce dispositif d'une, voire de plusieurs années. Ce n'est certes pas un engagement, mais cette démarche existe ! Elle souligne l'importance de donner davantage de lisibilité à ceux qui investissent en Outre-mer. Car il est certain qu'un projet de défiscalisation s'inscrit dans la durée et celui qui s'engage doit recevoir des garanties pluriannuelles avant de se décider. À titre personnel, je pense que la mission Outre-mer a toujours fait l'objet d'un consensus. Aussi, je propose que mon groupe en adopte les crédits.

Mme Delphine Bataille . - Un mot pour féliciter notre rapporteur et pour vous confirmer que notre Groupe votera les crédits dont il faut souligner la stabilité globale. Ce qui prouve que les Outremers restent une priorité dans l'action gouvernementale. Je veux, à cet égard, souligner les crédits destinés à l'investissement public aux collectivités et au logement, de même que ceux alloués au service militaire actif et à la formation professionnelle qui permettront de favoriser l'insertion des jeunes. Je souhaite également souligner le rôle important de l'Outre-mer, comme nous l'avions fait il y a quelques jours avec Madame la Ministre, à l'approche de la COP 21. La question majeure demeure celle de la sauvegarde et de la préservation de la biodiversité. En dépit de la grande vulnérabilité des communautés ultramarines aux risques naturels et aux conséquences du changement climatique, ils restent une chance pour la France dans de nombreux domaines, tels que l'énergie, l'agriculture, la recherche, avec un développement notoire de projets innovants, et la coopération décentralisée.

M. Joël Labbé . - Je voterai en faveur de ce budget. Toutefois, je souhaiterai que soit bel et bien assuré un suivi efficace des aides fiscales, puisqu'il s'agit d'argent public.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis . - Nous voulons danser la biguine, où l'on tourne pour mieux avancer, tandis que les gouvernements successifs nous ont fait danser le cha-cha-cha, avec deux pas en avant et trois pas en arrière ! Nous voulons avancer ! Au-delà de la boutade, lorsqu'on met en place des dispositifs de soutien à l'investissement, il faut laisser du temps ! Or, si chaque année apporte son lot de modifications qui vient saper la confiance des investisseurs, ceux-ci sont dissuadés d'investir. Stabilisons et pérennisons plutôt les dispositifs d'aide à l'investissement. Si je n'avais qu'une seule idée à vous faire passer, ce serait bien celle-là ! Je vous remercie.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Très bien, Monsieur le rapporteur. Je vais mettre aux voix les crédits de la mission « Outre-mer ».

La Commission émet un avis favorable aux crédits de la mission « Outre-mer ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mercredi 28 octobre 2015

- Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM) : M. Jean-Pierre Philibert , président et Philippe Mouchard, délégué général.

- Ministère de l'outre-mer : MM. Brice Blondel , directeur adjoint de cabinet, et Matthieu Denis-Vienot , conseiller en charge des affaires politiques et parlementaires, et Mme Amélie Renaud , conseillère en charge du développement durable, de la transition énergétique et du logement.

Jeudi 29 octobre 2015

- Union sociale pour l'habitat (USH) : M. Mahieddine Hedli , directeur à l'outre-mer ;

- Direction générale des collectivités locales (DGCL) :M. Bruno Delsol , directeur général, et Mmes Françoise Taheri , sous-directrice des finances locales, et Anne Baretaud , adjointe au chef du bureau des concours financiers.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page