C. RENFORCER L'ÉQUITÉ DE LA POLITIQUE D'ACTION SOCIALE POUR SOUTENIR TOUS LES ANCIENS COMBATTANTS EN DIFFICULTÉ

La reconnaissance de la Nation à l'égard des anciens combattants trouve également sa traduction dans une politique d'action sociale qui leur est spécifiquement destinée et est mise en oeuvre par l'Onac à destination de ses ressortissants. Financée par une subvention spécifique , distincte de la subvention pour charges de service public qui assure le fonctionnement de l'Office, elle a vu ses moyens fortement augmenter ces dernières années, afin de répondre à un besoin croissant de la part d'un public âgé et, pour certaines de ses composantes, dans une situation de précarité financière. Entre 2015 et 2016, cette subvention d'action sociale connait une hausse de 2 millions d'euros , pour atteindre 25,4 millions d'euros ( + 8,5 % ). Elle a progressé de 93,9 % en dix ans et de 29,6 % depuis 2010.

Tableau n° 10 : Evolution du montant de la subvention d'action sociale de l'Onac

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Montant
(en millions d'euros)

13,1

14,1

18,6

19,1

19,6

19,6

20,1

20,6

21,9

23,4

25,4

Evolution n/n-1
(en %)

/

+7,6

+31,9

+2,7

+2,6

0

+2,6

+2,5

+6,3

+6,9

+8,5

Evolution globale
(en %)

+ 93,9

Source : Projets annuels de performances annexés aux PLF

Les aides sociales distribuées par l'Onac sont de plusieurs natures et se répartissaient, en 2014, selon la nomenclature suivante :

- des aides pour difficultés financières , pour un montant total de 11,19 millions d'euros , soit une moyenne de 542 euros pour chacun des 20 649 dossiers traités ( 54 % de la dépense totale) ;

- une aide différentielle aux conjoints survivants (ADCS), qui représentait une dépense de 4,73 millions d'euros pour 3 730 bénéficiaires ( 23 % de la dépense totale) ;

- une participation à l'aide-ménagère ou au maintien à domicile en faveur des ressortissants les plus âgés, pour un coût de 3,55 millions d'euros , soit une moyenne de 343 euros pour chacune des 10 353 aides accordées ( 17 % de la dépense totale);

- des aides aux études , à la vie quotidienne, à la majorité et au premier emploi en faveur des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre mineurs à hauteur de 0,87 million d'euros ( 4 % de la dépense totale) ;

- des secours d'urgence , distribués à 1 147 personnes et représentant 0,28 millions d'euros ( 1 % de la dépense totale);

- l'envoi de colis de douceurs , principalement à des anciens combattants et à des veuves, pour un coût de 0,09 million d'euros ( 0,4 % de la dépense totale).

Formulées au niveau local par les intéressés ou par l'intermédiaire des associations représentant le monde combattant, les demandes sont instruites par les services départementaux . La décision d'attribution de l'aide ou de rejet est prise par le conseil départemental pour les anciens combattants et victimes de guerre et la mémoire de la Nation, présidé par le préfet et fonctionnant sur le modèle paritaire du conseil d'administration de l'Onac. En application de l'article R. 573 du CPMIVG, il se prononce sur les demandes individuelles de prêts, subventions et aides diverses en faveur des ressortissants de l'Onac.

La Cour des comptes a souligné le « caractère inflationniste de la politique sociale » de l'Office. Elle a identifié plusieurs faiblesses de son cadre juridique , en particulier concernant le caractère normatif des directives du directeur général qui en définissent le champ, le CPMIVG ne lui reconnaissant aucune délégation de pouvoir du ministre en la matière 50 ( * ) . Elle a surtout souligné, à propos de l'ADCS, la « dérive préoccupante » de la mission de solidarité et formulé plusieurs recommandations visant notamment à réformer la procédure d'octroi des aides sociales.

Les recommandations de la Cour des comptes
relatives à la politique d'aide sociale de l'Onac

Recommandation 2 : mettre fin immédiatement aux aides sociales pour les non-ressortissants et modifier le CPMIVG afin que les commissions départementales n'émettent désormais qu'un avis et que les décisions d'intervention soient prises par le directeur départemental par délégation du directeur général, qui se verrait doter de la compétence nécessaire ;

Recommandation 3 : faire délibérer le conseil d'administration sur l'emploi des fonds collectés au titre de l'oeuvre nationale du Bleuet de France et mettre fin au prélèvement annuel par les associations collectrices de plus du quart de la recette ;

Recommandation 4 : supprimer effectivement l'ADCS.

Votre rapporteur pour avis partage le point de vue de la Cour des comptes sur l'ADCS, ainsi qu'il l'avait déjà exprimé l'an dernier. Instituée par une simple décision du directeur général de l'Onac du 31 août 2007, ce dispositif visait à compléter le revenu des conjoints survivants des ressortissants de l'Onac les plus démunis lorsque celui-ci, composé au moins de l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (Aspa) 51 ( * ) , était inférieur à un plafond revalorisé régulièrement et qui devait atteindre, en 2015, 987 euros par mois. Elle était réservée aux personnes d'au moins 60 ans résidant de façon régulière et continue en France.

Tableau n° 11 : Evolution du plafond de ressources mensuel de l'ADCS

Date

1 er août 2007

1 er novembre 2007

1 er janvier 2008

1 er janvier 2010

1 er avril 2010

1 er avril 2011

1 er avril 2012

1 er avril 2014

1 er janvier 2015

Montant
(en euros)

550

681

750

800

817

834

900

932

987

Source : Commission des affaires sociales

Le nombre de bénéficiaires de cette aide, tout comme son coût , ont connu une progression rapide qui a correspondu, ces dernières années, à l'augmentation de la subvention d'action sociale de l'Onac. Les conjoints survivants concernés sont passés de 4 054 en 2009 à 5 114 en 2012, pour une dépense qui a augmenté de 45,6 % sur la même période, passant de 4,2 à 6,1 millions d'euros . Ce n'est qu'à partir de 2013, lorsqu'une application stricte des critères d'éligibilité a été mise en place, que cette évolution s'est inversée. Il y a eu, en 2014, 3 730 bénéficiaires pour un coût de 4,73 millions d'euros (respectivement - 27,1 % et - 22,5 % par rapport à 2012).

Issue d'une demande du monde combattant , l'ADCS a rapidement suscité des critiques en raison de sa fragilité juridique mais également de son périmètre . Ainsi, le fait de la réserver aux conjoints survivants ressortissants de l'Onac résidant en France pouvait s'apparenter à une discrimination ne reposant sur aucun motif légitime. De plus, elle soulevait une question d'équité entre les différentes catégories de ressortissants de l'Onac car il n'existait aucun dispositif comparable pour les anciens combattants les plus démunis , qui sont pourtant les premiers envers qui la Nation doit exprimer sa reconnaissance. Enfin, ses modalités de versement , sur une base trimestrielle , ont eu pour conséquence d'effacer son caractère d'aide subsidiaire et de conduire à ce qu'elle soit considérée comme un revenu régulier, faisant perdre à certains de leurs bénéficiaires le bénéfice des dispositifs d'aide sociale de droit commun.

C'est finalement un jugement du tribunal administratif de Paris du 27 octobre 2014 (veuve Zerhoun, n os 1220513/6-1 et 1304887/6-1) qui a contraint à mettre un terme à l'ADCS. Le juge administratif a relevé que cette aide avait été établie sans base légale , le conseil d'administration de l'Onac ne disposant pas du pouvoir réglementaire requis pour l'instituer et son directeur général étant dépourvu du pouvoir de définir ses critères d'attribution . En conséquence, elle a été abrogée par une décision de la directrice générale du 23 décembre 2014, la commission « mémoire et solidarité » du conseil d'administration en ayant pris acte au début du mois de janvier 2015. A titre transitoire, une aide spécifique attribuée aux conjoints survivants a toutefois été maintenue en 2015.

Poussé par ces événements, l'Onac a pu engager la nécessaire refonte de sa politique d'action sociale , appelée de ses voeux par votre rapporteur pour avis l'an dernier et envisagée par le COP. Ses nouvelles orientations ont été adoptées à l'unanimité par le conseil d'administration du 27 mars 2015, répondant ainsi à une remarque de la Cour des comptes qui avait souligné que les lignes directrices de cette politique devaient être approuvées par l'organe de gouvernance de l'Onac. Elles définissent un public prioritaire : les plus démunis , les plus isolés et les plus fragiles , quelle que soit leur catégorie. Elles reposent sur des critères objectifs visant, après un examen individuel de chaque demande, à proposer l'aide la plus adaptée. Ceux-ci seront non-seulement financiers mais aussi sociaux et de qualité de vie , en particulier liés aux conditions de logement . L'isolement géographique, familial et social sera pris en compte, tout comme différentes formes de fragilités (physique, psychologique, etc.) et de précarités (énergétique, professionnelle, etc.). L'accent sera également mis sur les anciens combattants de la quatrième génération du feu et les plus âgés , qui devraient bénéficier d'un renforcement des actions de maintien à domicile.

Cette réforme s'accompagne d'une simplification de la typologie des aides proposées , qui prendront désormais trois formes :

- des secours pour ressources modestes , sur la base des revenus et des charges du ressortissant de l'Onac, quel qu'il soit ;

- des secours répondant à des difficultés financières ponctuelles , qui seront accordés sur la base de devis ou de factures ;

- des aides correspondant à des prestations de services (aide-ménagère, maintien à domicile, aménagement de l'habitat).

Une nouvelle circulaire d'application , se substituant à la précédente qui remonte au 1 er janvier 2011 et à laquelle le conseil d'administration de l'Onac a donné un avis favorable le 27 octobre 2015, devrait prochainement être publiée afin de préciser les modalités de mise en oeuvre de cette nouvelle politique d'action sociale. Elle devrait notamment rappeler que l'action sociale de l'Onac répond au principe de subsidiarité , c'est-à-dire qu'elle n'a pas vocation à se substituer aux dispositifs de droit commun (RSA, Aspa, etc.) et qu'il appartient aux services départementaux, lors de l'instruction des demandes, de s'assurer que les ressortissants concernés ont bien fait valoir leurs droits en la matière. Elle réaffirmera également le principe d'une prise de décision collective pour l'attribution ou le rejet des demandes, par les conseils départementaux, ne suivant ainsi pas la recommandation n° 2 de la Cour des comptes.

Votre rapporteur pour avis est par ailleurs satisfait que cette refonte s'accompagne d'une modernisation des procédures d'examen des dossiers et de la professionnalisation des acteurs . Il est en effet indispensable que l'anonymisation devienne la norme, comme c'est le cas dans toutes les structures d'aides sociales, qu'elles soient communales, intercommunales ou départementales. Il s'agit d'une garantie d'impartialité , alors que dans certains territoires il est fort probable que des considérations personnelles puissent venir troubler l'égalité de traitement entre demandeurs qui doit pourtant prévaloir. De même, c'est une condition du respect de la vie privée et du secret médical dû à tous les ressortissants de l'Onac.

La directive fournit également des montants indicatifs pour chaque type d'aide, qui figurent dans le tableau suivant. La seule différence par rapport à 2011 est la revalorisation de 40 euros (+ 12,9 %) du plafond des secours d'urgence, qui est porté à 350 euros . Ils peuvent être modulés en fonction de chaque situation individuelle, et tout dépassement devra être approuvé par la direction générale.

Tableau n° 12 : Montant indicatif des aides sociales de l'Onac

Catégorie

Définition

Montant

Aides pour difficultés financières

Secours d'urgence

Entre 50 et 350 euros

Difficultés financières

Entre 160 et 800 euros

Aides aux prestations
de service

Aide-ménagère

En fonction
du nombre d'heures
et des participations
des organismes de droit commun

Maintien à domicile

En fonction du coût
de la prestation

Colis

Plafond de 40 euros

Source : Onac

Votre rapporteur pour avis est conscient que cette réforme a suscité des craintes légitimes au sein du monde combattant, ainsi qu'il a pu le constater lors des auditions qu'il a réalisées. Ce dernier est très attaché à l'Onac et perçoit son rôle en matière de solidarité comme l'un des piliers de la reconnaissance de la Nation envers ses anciens combattants. Il ne saurait accepter une quelconque remise en cause de son périmètre.

Votre rapporteur pour avis ne soutiendrait pas les initiatives prises par la direction générale de l'Onac s'il estimait que c'était le cas. Au contraire, ces craintes doivent être dissipées mais il appartient désormais à l'Onac de réaliser un travail de pédagogie auprès des associations mais également de ses services départementaux pour présenter les raisons qui ont présidé à ces changements et les avancées concrètes qu'ils représentent pour les ressortissants de l'Onac les plus démunis.

Ainsi, l'équité du modèle d'action sociale de l'Onac en sort renforcée, tout comme le souci de justice sociale qui le guide. Malgré la disparition de l'ADCS, les moyens qui y étaient consacrés sont préservés et seront consacrés non seulement aux conjoints survivants mais aussi aux anciens combattants les plus démunis . Dans la mesure où ces conjoints survivants rentrent dans le droit commun et pourront bénéficier, pour les plus démunis d'entre eux, de secours pour ressources modestes sans autre justificatif que leur situation précaire, il est logique que les aides soient attribuées par les conseils départementaux, ce qui était déjà le cas de l'ADCS. Par ailleurs, en 2016 comme en 2015, des moyens supplémentaires sont accordés pour renforcer la capacité d'intervention de l'Office.

Il n'en reste pas moins qu'il convient d'être vigilant dans l'application de cette réforme. En confortant l'échelon départemental, il est possible que des divergences d'appréciation entre départements apparaissent. Il ne serait pas dans l'intérêt des anciens combattants, ni de l'Onac en tant qu'établissement public national chargé, au nom de l'Etat, de mettre en oeuvre une politique publique de solidarité, qu'apparaisse une trop grande hétérogénéité dans l'examen des demandes et dans les priorités de l'action sociale entre départements. Les instructions données au niveau national devraient permettre de diminuer ce risque, tout comme l'existence de voie de recours . Ainsi, en application de l'article D. 400 du CPMIVG, le conseil d'administration de l'Onac « statue, en appel, sur les recours formés contre les décisions rendues, à l'échelon départemental, en matière d'aide aux ressortissants ». Selon l'article R. 573 du même code, tout ressortissant dispose de trente jours suivant la notification de la décision du conseil départemental pour former un recours , par l'intermédiaire du préfet, devant l'Onac. Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, une commission ad hoc émanant du conseil d'administration se réunit deux fois par an pour examiner ce type de recours. Il est essentiel que la direction générale soit en mesure de garantir l'effectivité de la possibilité de contester une décision d'un conseil départemental et adresse, si elle décèle des anomalies dans certains départements, des instructions aux services départementaux pour y remédier. Elle devrait également sensibiliser les associations représentant les anciens combattants à l'échelle nationale à ce sujet, afin qu'elles s'en fassent l'écho au niveau de leurs structures locales.


* 50 Contrairement, en application de l'article R. 572-2, aux décisions relatives, par exemple, à la carte du combattant ou au TRN et aux indemnités et pécules qui y sont rattachés.

* 51 Dont le montant en 2015 pour une personne vivant seule et sans ressources est de 800 euros par mois.

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