II. PRÉSERVER LE DROIT À RÉPARATION DANS UN CONTEXTE DE DIMINUTION DU BUDGET ET DU NOMBRE DE SES BÉNÉFICIAIRES

Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » constitue la traduction budgétaire du droit à réparation reconnu aux anciens combattants ainsi qu'aux conjoints, orphelins et ascendants des soldats morts pour la France par l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG).

Tableau n° 4 : Evolution des crédits de paiement du programme 169 entre 2015 et 2016

(en millions d'euros)

Action

LFI 2015

PLF 2016

Variation

N° 1 : Administration de la dette viagère

2 080

1 946

- 6,4 %

N° 2 : Gestion des droits liés aux PMI

146,37

153,1

+ 4,6 %

N° 3 : Solidarité

352,1

356,7

+ 1,3 %

N° 7 : Actions en faveur des rapatriés

19,4

17,5

- 9,8 %

Total

2 598

2 473

- 4,8 %

Source : Projet annuel de performances de la mission annexé au PLF

Les actions n° 1 (administration de la dette viagère), n° 2 (gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité) et n° 3 (solidarité) assurent le financement des principales mesures et prestations qui concrétisent ce droit à réparation, c'est-à-dire :

- la retraite du combattant , versée aux titulaires de la carte du combattant âgés de plus de soixante-cinq ou, sous certaines conditions, soixante ans (action n° 1) ;

- les pensions militaires d'invalidité (PMI), qui indemnisent la gêne fonctionnelle résultant d'une blessure ou maladie contractée lors d'évènements de guerre, par le fait ou à l'occasion du service
(action n° 1) ;

- les droits liés aux PMI , en particulier la gratuité des soins médicaux et de l'appareillage liés aux infirmités pensionnées, des réductions tarifaires dans les transports ainsi que le financement du régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre , qui prévoit la prise en charge complète des dépenses de soins des personnes dont l'invalidité dépasse 85 % et qui ne bénéficient d'aucune autre couverture sociale (action n° 2) ;

- la majoration des rentes mutualistes auxquelles les titulaires de la carte du combattant et du titre de reconnaissance de la Nation (TRN) peuvent souscrire (action n° 3).

Ce programme prend également en charge, depuis la loi de finances pour 2014, les prestations à destination des harkis et des rapatriés (action n° 7). Depuis le 1 er janvier 2014, c'est en effet l'Onac qui est devenu l'opérateur unique de la politique de l'Etat en leur faveur. Le périmètre de ce programme ne connaît cette année aucune modification, et représente 94,7 % des crédits de la mission , une proportion quasiment identique à celle de la loi de finances pour 2015. Il voit en un an ses crédits diminuer de 124,6 millions d'euros , soit
- 4,8 % , après avoir connu des baisses de 5,4 % entre 2014 et 2015, de 2,8 % entre 2013 et 2014 et 2,6 % entre 2012 et 2013.

A. PRENDRE ACTE DE L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DU MONDE COMBATTANT

C'est un lieu commun de constater, année après année, le déclin démographique du monde combattant . Au fur et à mesure que les conflits au cours desquels il a été fait appel à la conscription s'éloignent, ses effectifs se réduisent , sans connaître de renforts suffisants de la part des générations engagées dans les opérations extérieures (Opex). Il ne s'agit toutefois pas d'un phénomène propre à notre époque , même s'il est accentué par les évolutions qu'ont subies nos forces armées, en particulier leur professionnalisation, mais qui est commun à toutes les « générations du feu ». Ainsi, la deuxième, celle de la Seconde Guerre mondiale, a dû succéder aux poilus de la guerre de 14-18 pour lesquels le droit à réparation avait été établi. La troisième, celle de la guerre d'Algérie, n'a jamais atteint les effectifs de celles des deux conflits mondiaux. Aujourd'hui, la quatrième génération du feu , qui a servi en Opex, est le reflet de l'armée de métier à laquelle elle a appartenu.

Les principaux bénéficiaires des prestations servies par le programme 169 sont les anciens combattants ayant participé à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. Ces derniers ont mobilisé plus de 1,7 million de militaires français , dont 1,3 million d'appelés ou de rappelés. Après s'être tout d'abord vu refuser l'attribution de la carte du combattant 9 ( * ) , puis appliquer des critères inadaptés au conflit algérien, c'est finalement sous l'impulsion du Parlement et du monde combattant que de nouvelles conditions d'obtention ont été définies, reposant sur la durée de présence en Afrique du Nord. Initialement de 18 mois selon la loi de finances pour 1998 10 ( * ) , elle fut progressivement abaissée pour être définitivement fixée à quatre mois par la loi de finances pour 2004 11 ( * ) . Depuis la loi de finances pour 2014 12 ( * ) , la carte du combattant est également attribuée aux anciens combattants ayant servi quatre mois en Algérie dès lors que leur déploiement sur place a débuté avant le 2 juillet 1962, même s'il s'est achevé après cette date ( carte dite « à cheval » ).

Nés, pour les plus jeunes d'entre eux, au premier semestre 1942, ils ont tous aujourd'hui plus de 73 ans et perçoivent donc la retraite du combattant . Ils représentent toujours 81,5 % des 1 159 167 bénéficiaires de celle-ci en 2014 mais poursuivent leur baisse : après un recul de 2,7 % entre 2012 et 2013, leur effectif au 31 décembre 2014 ( 944 500 ) était inférieur de 2,6 % à celui au 31 décembre 2013 ( 969 263 ).

En conséquence, les crédits du programme 169 connaissent une diminution comparable à celle du nombre de ses bénéficiaires . Le graphique suivant illustre ce lien : les deux courbes évoluent sur une trajectoire parallèle.

Graphique n° 5 : Evolution comparée du budget du programme 169
et de l'effectif de ses bénéficiaires

Source : Commission des affaires sociales

La quatrième génération du feu ne vient pas compenser ce déclin démographique : ses effectifs représentent à peine 10 % de ceux de la génération qui l'a précédée. Ses membres sont encore, dans leur très grande majorité, trop jeunes pour bénéficier de la retraite du combattant, bien que les critères d'attribution de la carte du combattant en leur faveur aient été alignés , à compter du 1 er octobre 2015 13 ( * ) , sur ceux en vigueur pour la guerre d'Algérie . Ainsi, selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le nombre de retraites du combattant relevant, selon la classification du ministère de la défense, de la catégorie « hors guerre » 14 ( * ) s'est même trouvé en très légère baisse (de 29 702 à 29 157, soit - 1,8 %) entre 2013 et 2014. Dans le même temps, la diminution du nombre d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale , soldats comme résistants, dont les plus jeunes ont aujourd'hui 87 ans, et de la guerre d'Indochine, se poursuit à un rythme soutenu : le nombre de retraites du combattant versées à ce titre a diminué de 14,5 % entre 2013 et 2014 et s'élevait à 109 965 .

De manière générale, l'âge des titulaires de la retraite du combattant ne laisse présager aucune inversion de la tendance actuelle . Alors que l'espérance de vie à la naissance d'un homme né en 1917 (deuxième génération du feu) était de 51,6 ans et celle d'un homme né en 1938 (troisième génération du feu) était de 67,6 ans 15 ( * ) , 85,3 % des retraites du combattant sont versées à des hommes d'au moins 75 ans, et ce alors que les projections de l'Institut national des études démographiques (Ined) font état d'une espérance de vie, à cet âge, de 11,7 ans . Le nombre de personnes entrées dans le dispositif, en raison de leur âge, depuis moins de cinq ans, c'est-à-dire celles âgées de 65 à 69 ans, ne représente que 0,3 % de l'ensemble des titulaires de la carte du combattant (3 105). En conséquence, le nombre des bénéficiaires des prestations du programme 169, après avoir diminué de 3,4 % entre 2014 et 2015, devrait subir une baisse de 3,8 % entre 2015 et 2016.

Tableau n° 6 : Evolution des effectifs des bénéficiaires du programme 169

Prestation

2014

2015 1

2016 1

Variation 2016/2015
(en %)

Pensions militaires d'invalidité

254 668

242 532

230 974

- 4,8

Retraite du combattant

1 159 167

1 118 667

1 073 177

- 4,1

Soins médicaux gratuits

57 838

58 707

53 634

- 8,6

Remboursement des prestations
de sécurité sociale

11 463

10 061

9 038

- 10,2

Rente mutualiste

385 434

375 054

370 043

- 1,3

Total

1 868 570

1 805 021

1 736 866

- 3,8

1 Effectifs prévisionnels

Source : Commission des affaires sociales à partir du projet annuel de performances de la mission annexé au PLF

Il convient toutefois de noter que la diminution du montant des crédits du programme 169 se fait à un rythme plus élevé que celle de ses bénéficiaires , puisqu'elle s'élève à 4,8 % . Votre rapporteur pour avis reconnaît que les droits acquis sont préservés et donne acte au ministre d'avoir annoncé à plusieurs reprises qu'il n'avait pas l'intention de les remettre en cause.

Il est néanmoins possible de regretter que seule une part très limitée des économies réalisées sur l'action n° 1 du programme, qui porte sur la retraite du combattant et les PMI et perd 134 millions d'euros entre 2015 et 2016, ne vienne abonder d'autres actions du programme . Seule la subvention d'action sociale de l'Onac (sous-action n° 34 de l'action n° 3 « Solidarité) connaît une progression de 2 millions d'euros, soit à peine 1,5 % de ces 134 millions d'euros. Il aurait été souhaitable qu'une proportion plus importante de ces économies, qui sont la traduction d'une réalité démographique et non d'une évolution des politiques publiques concernées, soit conservée au sein du programme pour approfondir le droit à réparation et corriger certaines des inégalités justement dénoncées par les associations représentant le monde combattant, en particulier le rattrapage du rapport constant.


* 9 Finalement accordée par la loi n° 74-1044 du 9 décembre 1974 donnant vocation à la qualité de combattant aux personnes ayant participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord, entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.

* 10 Loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, art. 108.

* 11 Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, art. 123.

* 12 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, art. 109.

* 13 Par l'article 87 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 14 Qui correspond aux Opex ainsi qu'aux pensions attribuées à des militaires alors qu'ils n'étaient pas sur des territoires en guerre.

* 15 Source : Tables de mortalité françaises pour les 19 ème et 20 ème siècles et projections pour le 21 ème siècle, Jacques Vallin et France Meslé, Institut national d'études démographiques, 2001.

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