E. AMÉLIORER LA SITUATION DES CONJOINTS SURVIVANTS DES GRANDS INVALIDES

L'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre reconnaît, au décès du titulaire d'une pension militaire d'invalidité, le droit à son conjoint survivant de bénéficier d'une pension de réversion dès lors que les infirmités du pensionné représentaient un degré d'invalidité au moins égal à 85 % ou à 60 % . Selon l'article L. 50 du même code, la pension dans le premier cas s'élève à 500 points de PMI 29 ( * ) , auxquels vient s'ajouter une majoration forfaitaire de 15 points , soit 7 210 euros par an, et dans le second à 333 points , auxquels est appliquée la même majoration, soit 4 872 euros par an.

Au 1 er janvier 2015, 69 246 conjoints survivants touchaient une pension de réversion, soit une baisse de 6 % en un an et de 28,4 % depuis 2010. Ces données globales reflètent toutefois mal l'hétérogénéité de la situation de ces personnes et de leurs parcours, en particulier du rôle qu'elles ont pu jouer dans les soins donnés à leur conjoint, tout particulièrement lorsqu'il s'agissait d'un grand invalide . Selon l'article L. 31 du CPMIVG, entrent dans cette catégorie les titulaires d'une pension d'invalidité égale ou supérieure à 85 % . Toutefois, pour les personnes que leur invalidité a rendues inaptes à poursuivre une activité professionnelle , voire à effectuer les actes de la vie quotidienne de manière autonome, la pension peut dépasser 100 %, soit 1 000 points de PMI 30 ( * ) , et être complétée par des allocations spéciales . Ainsi, au 31 décembre 2014, cinq personnes touchaient des pensions représentant un taux d'invalidité de 100 % , auxquelles s'ajoute une allocation représentant au moins 130 degrés , chaque degré équivalant à 16 points de PMI 31 ( * ) . Alors que le montant moyen annuel d'une PMI est de 3 986 euros , le plus grand invalide a perçu en 2014 268 531 euros , ce qui représente une allocation spéciale de 475 degrés.

La situation de tels invalides requiert une prise en charge , des soins et une attention constants de la part des conjoints, qui sont forcés d'interrompre leur carrière et se privent ainsi de toute source de revenus indépendante. Au décès du grand invalide, ils subissent, en plus de la perte d'un être aimé, une dégradation immédiate de leur situation financière . En effet, alors que la pension d'invalidité, qui était très souvent la seule ressource du couple, pouvait dépasser les 10 000 points de PMI, la pension de réversion est plafonnée à 515 points .

Depuis le début des années 2010, à l'initiative de leurs représentants et du Parlement, une prise de conscience sur la situation précaire des conjoints survivants des grands invalides s'est produite. Ainsi, les lois de finances pour 2011 32 ( * ) , 2012 33 ( * ) et 2014 34 ( * ) ont institué une majoration de 360 points , soit 5 040 euros par an, de la pension de réversion des conjoints survivants de grands invalides dont l'indice de pension était supérieur à 12 000 , puis 11 000 et enfin 10 000 points de PMI. Ces mesures ont toutefois eu une portée très limitée : ainsi, en 2014, seules sept pensions ont bénéficié de la majoration instituée par la loi de finances pour cette même année, tandis qu'une seule pension supplémentaire l'a reçue au premier semestre 2015.

Dans le même temps, une note du contrôle général des armées (CGA) de mars 2014 a estimé qu'il y avait, en 2013, 80 conjoints survivants d'invalides dont l'indice de pension était supérieur ou égal à 10 000 points. Ce document appelait à une « nécessaire revalorisation de la pension de ces personnes ».

En conséquence, l'article 89 de la loi de finances pour 2015 35 ( * ) avait modifié le régime de la majoration spéciale de la pension de réversion prévue à l'article L. 52-2 du CPMIVG, qui bénéficie aux conjoints survivants des invalides relevant de l'article L. 18 du même code, c'est-à-dire ceux « que leurs infirmités [rendaient] incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie ». Elle s'élevait à 310 points pour les conjoints survivants des bénéficiaires de l'allocation dite « 5 bis a) », versée à tous les invalides entrant dans le champ de l'article L. 18, et à 410 points pour ceux dont le conjoint invalide percevait l'allocation dite « 5 bis b) », réservée aux aveugles, aux amputés de deux ou plus de leurs membres et aux paraplégiques.

Alors qu'elle était conditionnée à une durée de mariage et de soins donnés de manière constante de quinze ans , cette durée a été abaissée à dix ans . Son montant a été revalorisé de 100 points en deux étapes , une première hausse de 50 points intervenant au 1 er janvier 2015 et une seconde devant se produire au 1 er janvier 2016. Le coût de cette mesure était alors estimé à 0,7 million d'euros en 2015 et 1,3 million d'euros en 2016 et 2017. Force est de constater que ces prévisions se sont révélées trop optimistes . Du 1 er janvier au 10 août 2015, seules trois nouvelles majorations ont été concédées en raison de l'abaissement de la durée de mariage requise, pour un coût annuel total d'environ 15 000 euros . L'augmentation de son montant, qui a concerné ses 892 bénéficiaires , a quant à elle entraîné une dépense supplémentaire de 624 400 euros en 2015.

L'article 49 du présent projet de loi de finances apporte de nouvelles modifications aux conditions d'attribution de la majoration de l'article L. 52-2. Il fixe à cinq ans la durée de vie commune minimale, sous le régime du mariage ou du pacte civil de solidarité (Pacs), pour que la pension du conjoint survivant soit majorée. Il introduit également un mécanisme de lissage de l'évolution de cette majoration selon la durée du mariage ou du Pacs. Ainsi, les niveaux fixés en loi de finances pour 2015 pour dix ans de mariage restent inchangés. Il est prévu que l'entrée dans le dispositif se fasse dès cinq années de mariage , avec une majoration de 150 points ( 2 100 euros ) dans le cas de l'allocation « 5 bis b) » et de 105 points ( 1 470 euros ) pour la « 5 bis a) ». La première serait relevée de 150 points (pour un total de 300 points, soit 4 200 euros ) et la seconde de 125 points (pour un total de 230 points, soit 3 220 euros ) en cas de mariage ou de Pacs d'une durée d'au moins sept ans .

Alors qu'il est difficile de connaître, à partir de l'évaluation préalable de l'article annexée au projet de loi de finances, le nombre de bénéficiaires potentiels sur lequel le Gouvernement s'est basé pour établir ses prévisions, il estime que le coût de cette mesure sera de 1,9 million d'euros en 2016 et 3,8 millions d'euros en 2017. Votre rapporteur pour avis est heureux que le Gouvernement consente un tel effort en direction des conjoints survivants des plus grands invalides . Néanmoins il faut reconnaître que la disposition proposée ne fait pas l'unanimité parmi les associations les représentant et que le débat autour de la mise en place d'un mécanisme de réversion proportionnel n'est à leurs yeux pas clos. S'il semble difficile, dans le contexte budgétaire actuel, de remettre à plat les règles relatives à la réversion des PMI, il convient de s'assurer que les mesures prises en faveur de ces veuves ne constituent pas une mesurette mais contribuent bien à améliorer le niveau de vie très précaire qui est le leur. Le Gouvernement et le législateur n'ont jusqu'à présent pas réussi à apporter de réponse appropriée aux difficultés qu'elles rencontrent. A l'heure où la plupart d'entre elles ont atteint un âge avancé et que leur nombre décroît, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de corriger les injustices du passé .


* 29 La valeur du point de PMI ayant été fixée à 14 euros au 1 er janvier 2015 par l'arrêté du 14 octobre 2015 fixant la valeur du point d'indice de pension militaire d'invalidité au 1 er janvier 2015 en application des articles L. 8 bis et R. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; NOR : DEFH1521492A.

* 30 Selon le barème fixé par l'article L. 9 du CPMIVG.

* 31 En application de l'article L. 16 du CPMIVG.

* 32 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, art. 147.

* 33 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, art. 117.

* 34 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, art. 110.

* 35 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

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