Avis n° 167 (2015-2016) de Mme Corinne IMBERT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 19 novembre 2015

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N° 167

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

SANTÉ

Par Mme Corinne IMBERT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud , vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Élisabeth Doineau , secrétaires ; M. Michel Amiel, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Olivier Cigolotti, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, M. Jérôme Durain, Mmes Anne Emery-Dumas, Corinne Féret, MM. Michel Forissier, François Fortassin, Jean-Marc Gabouty, Mme Françoise Gatel, M. Bruno Gilles, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Louis Pinton, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin, Mme Evelyne Yonnet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mardi 24 novembre 2015 , sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Corinne Imbert , sur les crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016 .

La commission relève que le projet de loi de finances pour 2016 fixe les crédits de la mission à 1,26 milliard d'euros, en hausse de 4,7 % par rapport aux crédits initialement ouverts pour 2015. Cette évolution résulte de l'effet conjugué d'une baisse de 2,4 % des crédits du programme 204 « prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et d'une hausse de près de 10 % des crédits du programme 183 « protection maladie ».

S'agissant du programme 204 , la commission constate la stabilité de la participation de l'État au fonds d'intervention régional (Fir) et une certaine érosion des crédits de prévention alloués au niveau national.

En ce qui concerne la poursuite de la réduction des subventions pour charges de service public versées aux agences sanitaires, la commission est particulièrement attentive à la situation de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) . Compte tenu des défis considérables auxquels cet opérateur est confronté et de son niveau d'exposition particulièrement élevé, la commission estime que les moyens de l'agence doivent pouvoir être stabilisés à compter de 2017 .

La commission se félicite des conditions de mise en place de l'agence nationale de santé publique , qui permettent une fusion à moyens constants des trois opérateurs réunis au sein de cette nouvelle structure. La préservation des moyens dont dispose l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) lui paraît un point essentiel.

S'agissant du programme 183 , la commission regrette une nouvelle fois la sous-budgétisation manifeste des crédits alloués à l'aide médicale de l'État (AME) et la poursuite de la croissance de la dette de l'Etat vis-à-vis de l'assurance maladie. Pour contribuer à une meilleure maîtrise du dispositif, la commission a adopté un amendement de la rapporteure qui prévoit l'accès des caisses d'assurance maladie aux informations contenues dans le fichier des demandes, délivrances et refus de visas du ministère des affaires étrangères.

Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission a donné un avis favorable à l' article rattaché 62 quinquies relatif à une remise de créance au profit de victimes de l'amiante et d'ayants droit débiteurs du Fiva.

Elle a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Pour 2016, le projet de loi de finances fixe les crédits de la mission « Santé » à 1,26 milliard d'euros , en hausse de 4,7 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015 , après une progression de 3 % entre 2014 et 2015. Comme les années précédentes, cette hausse résulte de l'évolution en sens contraires des deux programmes de la mission :

- le programme 204 relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins représente 44 % des crédits de la mission ; il retrace en particulier les subventions pour charges de service public versées à des opérateurs sanitaires de l'Etat. Ses crédits diminuent de 2,4 % , après une baisse de 5,8 % en 2015 par rapport à la loi de finances initiale pour 2014 ;

- le programme 183 « protection maladie », qui représente 56 % du budget de la mission et se compose à hauteur de 98 % de crédits dédiés au financement de l'aide médicale de l'Etat (AME), affiche quant à lui une hausse de près de 10 % en 2016, après 13,7 %, en 2015.

Figure n° 1 : Evolution des crédits des programmes entre 2015 et 2016

(en euros en AE et en CP)

LFI 2015

PLF 2016

Evolution

Programme 204

515 070 444

502 955 493*

- 2,4 %*

Programme 183

686 425 230

754 530 028

+ 9,9 %

Total mission

1 201 495 674

1 257 485 521

+ 4,7 %*

*en crédits de paiement

Source : Projet annuel de performances pour 2016

Loin de respecter la norme de stabilisation des dépenses du budget général de l'État, cette évolution conduit à un dépassement de 3 % du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. Comme l'année dernière, votre commission estime donc nécessaire d'améliorer l'encadrement du dispositif de l'AME tout en préservant son objectif sanitaire.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE PROGRAMME 204 : LA POURSUITE DE LA NÉCESSAIRE RATIONALISATION DU SYSTÈME D'AGENCES SANITAIRES

A. UNE BAISSE GÉNÉRALE DES CRÉDITS ALLOUÉS À LA PRÉVENTION ET AUX OPÉRATEURS SANITAIRES

Le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui relève de la responsabilité de la direction générale de la santé, poursuit trois objectifs généraux :

- piloter le réseau des agences sanitaires et animer celui des agences régionales de santé (ARS) ;

- développer les stratégies de santé publique et réduire la vulnérabilité de la population face à des évènements sanitaires graves ;

- moderniser l'offre de soins et garantir sa qualité.

La mise en oeuvre de ces orientations se décline en huit actions dont les crédits sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Figure n° 2 : Evolution des crédits des actions du programme 204 entre 2015 et 2016

(en millions d'euros en AE et en CP)

Intitulé de l'action

LFI 2015

PLF 2016

Variation

11 Pilotage de la politique de santé publique

91,3

91,5

+ 0,2 %

12 Accès à la santé et éducation à la santé

25,8

24,6

- 4,8 %

13 Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

8,0

6,9

- 13,6 %

14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

62,7

54,4

- 13,3 %

15 Prévention des risques liés à l'environnement, au travail et à l'alimentation

18,2

19,2

+ 5,5 %

16 Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

11,6

11,3

- 2,3 %

17 Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

138,6

134,6

- 2,9 %

18 Projets régionaux de santé

124,2

124,5

+ 0,2 %

19 Modernisation de l'offre de soins

34,6

36,0*

+ 3,8 %*

Total

515,0

503,0*

- 2,4 %*

*en crédits de paiement

Source : Projet annuel de performances pour 2016

L'évolution des crédits revêt trois caractéristiques principales :

- la stabilité de la participation de l'État au fonds d'intervention régional (Fir) qui sera entièrement géré par les agences régionales de santé (ARS) à compter du 1 er janvier prochain. Inscrite à l'action 18, la contribution de l'État est fixée à 124,5 millions d'euros  pour un budget total du Fir de plus de 3 milliards ;

- une certaine érosion des crédits de prévention alloués au niveau national . Sont particulièrement touchées l'action 13, relative à la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins, et l'action 14, dédiée à la prévention des maladies chroniques et à la qualité de vie des malades. Votre rapporteure relève en particulier la diminution de plus de 18 % des dépenses d'accompagnement dans le domaine de lutte contre le Sida et les hépatites, de 13,6 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention dans le champ des pratiques addictives et à risques et la diminution de moitié des crédits alloués à la lutte contre Alzheimer et d'autres maladies neuro-dégénératives. Si chacun doit prendre sa part dans les efforts de maîtrise des dépenses publiques, cette évolution ne doit pas venir contrarier les initiatives déployées, notamment par les acteurs associatifs, pour renforcer le pilier préventif de notre politique de santé. Votre rapporteure constate cependant un renforcement des crédits dédiés à la prévention des risques liés à l'environnement (action 15) ;

- la poursuite d'une réduction à un rythme relativement soutenu des subventions pour charges de services public versées aux agences sanitaires , qui sont appelées à réaliser de nouveaux efforts d'optimisation de leurs dépenses.

Comme en 2015, le programme 204 financera l'année prochaine huit opérateurs sanitaires de l'État pour un montant total de subventions de 291,6 millions d'euros contre 301 millions en loi de finances initiale pour 2015. Le montant des subventions se réduit ainsi de 3,1 % après une diminution de 4,4 % entre 2014 et 2015.

La diminution des subventions s'accompagne, comme les années précédentes, d'une baisse des plafonds d'emplois.

Au total, la mise en oeuvre du schéma d'emplois pour 2016 se traduira par une baisse de 50 équivalents temps plein (ETP) après une baisse de 52 ETP en 2015.

Les opérateurs les plus touchés sont l'Institut national du cancer (Inca) qui voit sa subvention réduite de 6,5 millions d'euros par rapport à 2015, soit une contraction de près de 12 %, et son plafond d'emplois diminuer de 2 ETP. Son fonds de roulement sera mis à contribution à hauteur de 5,6 millions d'euros. D'importants efforts sont également demandés à l'agence de biomédecine, avec une baisse de 5,6 % de la subvention et de 4 ETP.

Figure n° 3 : Evolution des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme 204

(en millions d'euros)

Opérateur

Exécution 2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation 2014/2015

Agence de la biomédecine (ABM)

12,8

14,9

14,1

- 5,6 %

Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)

102,4

119,3

116,7

- 2,2 %

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)

12,3

13,6

13,4

- 1,3 %

Ecole des hautes études en santé publique (EHESP)

9,4

10,0

9,6

- 3,6 %

Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus)

16,2

10,7

10,6

- 0,9%

Institut national du cancer (INCa)

42,1

54,2

47,7

- 11,9 %

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES)

21,2

24,0

23,8

- 0,9 %

Institut national de veille sanitaire (InVS)

49,5

55,9

55,7

- 0,4 %

Total à périmètre constant

272,3

301,0

291,6

- 3,1 %

Source : Projet annuel de performances pour 2016

Figure n° 4 : Evolution du nombre d'emplois des opérateurs relevant du programme 204

Opérateur

LFI 2015

PLF 2016

Variation annuelle

(total)

sous plafond

hors plafond

sous plafond

hors plafond

Agence de la biomédecine (ABM)

251

16

247

16

- 4
(- 1,6 %)

Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)

983

6

970

6

- 13
(- 1,3 %)

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)

1281

70

1285

70

+ 4 (+ 0,3 %)

Ecole des hautes études en santé publique (EHESP)

329

71

325

71

- 4
(-1 %)

Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus)

30

0

30

0

0,0 %

Institut national du cancer (INCa)

151

12

149

12

- 2
(- 1,3 %)

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)

127

5

127

5

0,0 %

Institut national de veille sanitaire (InVS)

392

9

411

9

+ 19
(- 4,8 %)

Source : Projet annuel de performances pour 2016

B. LA CRÉATION BIENVENUE DE L'AGENCE NATIONALE DE SANTE PUBLIQUE

A son article 42, le projet de loi relatif à la santé, dont l'adoption définitive devrait intervenir avant la fin de l'année, prévoit la création d'une agence nationale de santé publique résultant de la fusion de trois des huit opérateurs relevant du programme 204. Cet établissement a en effet vocation à reprendre l'ensemble des compétences et des pouvoirs exercés par l'InVs, l'Inpes et l'Eprus, ainsi que leurs biens, personnels, droits et obligations.

Figure n° 5 : Les trois opérateurs réunis au sein de l'agence nationale de santé publique

Opérateur

Missions

Budget

Institut national
de veille sanitaire ( InVS )

Créé par la loi du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme , il a pour mission la surveillance et l'observation permanentes de l'état de santé de la population, la veille et la vigilance sanitaires, l'alerte sanitaire et la contribution à la gestion des situations de crise sanitaire.

Son siège est à Saint-Maurice (94).

Son budget (environ 60 M €) est issu essentiellement de la subvention de l'État inscrite à l'action 11 du programme 204.

Institut national
de prévention et d'éducation
pour la santé ( Inpes )

Institué par la loi relative à la politique de santé publique de 2004 , il met en oeuvre des programmes de santé publique et d'éducation à la santé. Il peut participer à la gestion des situations urgentes ou exception-nelles ayant des conséquences sanitaires collectives, notamment par la diffusion de messages sanitaires.

Son siège est à Saint-Denis (93).

Son budget (environ 76 M €) est constitué à hauteur de 25 % d'une subvention de l'État qui relève de l'action 12 du programme 204 et à hauteur de 63 % d'une dotation de l'assurance maladie. Ses autres produits sont issus de recettes fiscales, d'une subvention de la Cnav et de ressources propres.

Etablissement
de préparation
et de réponse
aux urgences sanitaires
( Eprus )

Créé par la loi de 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur , il assure la gestion des moyens de lutte contre les menaces graves, tant du point de vue humain (réserve sanitaire) qu'au plan matériel (produits de santé).

Son siège est à La Plaine-Saint-Denis (93)

Son budget est d'environ 42 M €. La constitution des stocks stratégiques est financée à parts égales par la subvention de l'État et par la dotation de l'assurance maladie. La réserve sanitaire est financée intégralement par l'État. La subvention relève de l'action 16 du programme 204.

La nouvelle agence se verra également transférer l'activité et les personnels du groupement d'intérêt public (Gip) « Adalis » , qui assure le service national d'information et de prévention à distance sur les drogues et les dépendances (Drogue info service, Alcool info service). Son budget, qui s'élève à 3,2 millions d'euros, est aujourd'hui intégralement couvert par une subvention versée par l'Inpes. Il compte 36 ETPT.

Les travaux préparatoires à l'installation du nouvel établissement ont été menés à compter de septembre 2014 par François Bourdillon, directeur général de l'InVS et directeur par intérim de l'Inpes. Le rapport de préfiguration, qui rappelle le contexte institutionnel, présente les modalités d'organisation du futur opérateur et identifie les objectifs et les enjeux liés à ce projet, a été rendu à la ministre le 22 avril et rendu public le 2 juin 2015 suivant 1 ( * ) . Il définit trois phases successives dans le déroulement du regroupement : le diagnostic de l'existant d'octobre à décembre 2014, la définition des principes organisationnels de janvier à mars 2015, et la mise en oeuvre de la convergence d'avril à décembre 2015 pour une création effective au 1 er janvier 2016.

Il est proposé de faire reposer l'agence nationale de santé publique sur quatre conseils :

- le conseil d'administration, qui rassemblerait les représentants institutionnels et associatifs, avec un partage de voix équilibré entre l'État, l'assurance maladie et la société civile ;

- le conseil scientifique, qui aurait pour mission d'assurer la cohérence de la politique scientifique ;

- le comité d'éthique et de déontologie, chargé de veiller à ce que les missions de la nouvelle agence soient exercées dans le respect des principes déontologiques et éthiques applicables au domaine de la santé ;

- et le comité d'orientation et de dialogue, qui devrait permettre d'éclairer la nouvelle agence sur les attentes et les propositions de la société civile.

Le schéma ci-après décrit de manière synthétique l'organisation fonctionnelle de la nouvelle agence.

Figure n° 6 : Projet de schéma fonctionnel de la nouvelle agence

Source : Rapport de préfiguration de l'agence nationale de santé publique, page 173

Le futur établissement assurera ainsi une triple mission de surveillance, de prévention et d'alerte et de réponse aux urgences sanitaires. Votre rapporteure est convaincue que ce regroupement très attendu permettra de bénéficier d'une plus grande efficience et d'une meilleure visibilité nationale et internationale.

Dans un premier temps, le regroupement des 585 agents et l'harmonisation des systèmes d'information induiront des surcoûts inévitables. Selon les informations transmises par le ministère de la santé, des affaires sociales et des droits des femmes, les gains d'efficience à attendre du regroupement, du fait notamment de la mutualisation des fonctions support, se produiront ensuite progressivement à partir de l'exercice 2017.

L'agence nationale de santé publique sera implantée sur un site unique, à Saint Maurice dans le Val de Marne, où siège actuellement l'InVS. Les aménagements immobiliers rendus nécessaires par le regroupement avec l'Inpes et l'Eprus devraient pouvoir être amortis en l'espace de cinq ou six ans.

Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2016 exonère l'ensemble des agences fusionnées de la contraction des plafonds d'emploi prévus pour les autres opérateurs. La participation à l'effort de maîtrise des dépenses publiques est quant à elle limitée à 0,6 % du montant total des subventions accordées en 2015. Au total, les trois agences bénéficieront d'une subvention pour charges de service public de 88 millions d'euros et d'un effectif sous plafond de 585 ETPT.

Figure n° 7 : Niveaux des subventions et des effectifs des agences fusionnées au sein de la nouvelle agence en 2015 et 2016

Subventions (en M €)

LFI 2015

PLF 2016

Effectifs
en ETPT

LFI 2015

PLF 2016

InVS

54,3

54,1

InVS

392

392

Inpes + Adalis

24,0

23,8

Inpes

127

127

Adalis

36

36

Eprus

10,7

10,6

Eprus

30

30

Total

89,0

88,4

Total

585

585

Source : réponses au questionnaire budgétaire de la commission des affaires sociales.

Dans l'exercice de ses missions, l'établissement devra respecter un principe de subsidiarité par rapport aux missions dévolues aux agences régionales de santé (ARS). Pour la bonne articulation de ces acteurs, votre rapporteure estime que la clarification du statut des personnels des cellules d'intervention en région (Cire), dont certains dépendaient de l'InVS et d'autres des ARS, est bienvenue. Ces effectifs relevaient jusqu'à présent du programme 123 « Conduite et soutien des politiques sanitaires » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Ils seront désormais rattachés dans leur intégralité à l'agence nationale de santé publique. Cette opération se traduit par un transfert de 21 ETPT à l'InVS en 2016.

Votre rapporteure se félicite des conditions de mise en place de la nouvelle agence, une fusion à moyens constants étant la seule raisonnablement envisageable pour ne pas fragiliser la mise en oeuvre du projet dans un contexte où d'importants efforts ont déjà réalisés par les trois opérateurs lors des derniers exercices budgétaires. Le rapport de préfiguration indique que les sensibles réductions d'emplois intervenues au cours des cinq dernières années ont nécessité « des retraits d'activités scientifiques en plus des gains réels opérés sur les fonctions support. Le nouvel établissement porte donc des ambitions et des espoirs pour les personnes, mais également, de fait, des doutes et des interrogations » 2 ( * ) .

Entre 2010 et 2015, le montant total des subventions allouées aux trois opérateurs a en effet diminué de 80,2 millions d'euros au total, soit une réduction de 23 %, tandis que leurs plafonds d'emplois étaient réduits de 65 ETP. La contraction des moyens a tout particulièrement affecté l'Eprus. Au cours des cinq dernières années :

- l'Inpes a connu une baisse d'un tiers de son budget (de 119 à 77,5 millions d'euros) et de 14 % de ses effectifs autorisés (de 147 à 127 ETP) ;

- l'InVS une baisse de 10 % de son budget (ramené de 64,5 à 57,5 millions d'euros) et de 9 % de ses effectifs autorisés (passés de 432 à 392 ETP) ;

- et l'Eprus une baisse de plus de 40 % (ramené de 73,6 à 41,7 millions d'euros) et de 14 % des effectifs autorisés (de 35 à 30 ETP).

De fait, les budgets de l'Inpes et de l'InVS n'ont pu être présentés en équilibre ni en 2014, ni en 2015, ce qui a conduit à des prélèvements sur les fonds de roulement des deux opérateurs.

La stabilisation des moyens est par ailleurs rendue nécessaire par les adaptations de l'organisation interne qu'appellera à compter du 1 er janvier la mise en oeuvre des nouvelles règles de gestion financière liées à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP).

Enfin, compte tenu de la spécificité de ses missions, la préservation des moyens de l'Eprus paraît aujourd'hui essentielle afin de permettre une mobilisation rapide et à la hauteur des enjeux en cas d'alerte.

C. L'AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ DU MÉDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTÉ : UN OPÉRATEUR SOUS FORTE TENSION

Instituée par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) s'est substituée le 1 er mai 2012 à l'Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (Afssaps) à la suite de la crise du « Médiator ». Sa mission est d'assurer la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie et de garantir à tous les patients un accès équitable à l'innovation. Elle dispose pour ce faire d'un pouvoir de police sanitaire et prend chaque année plus de 80 000 décisions.

Depuis 2012, les ressources de l'agence sont principalement constituées d'une subvention de l'État, qui représente à elle seule 40 % du montant total des subventions allouées sur la mission « Santé ». Ses autres ressources sont constituées de produits provenant de l'agence européenne du médicament (EMA), de l'OMS, du Conseil de l'Europe ainsi que de conventions d'études et de recherche. Le mode de financement qui prévalait antérieurement, reposant sur des taxes affectées, a été supprimé afin de renforcer l'indépendance de l'opérateur par rapport à l'industrie pharmaceutique.

Particulièrement exposée compte tenu de l'importance de ses responsabilités, l'ANSM doit aujourd'hui tout à la fois assumer de nouvelles missions, se moderniser et réaliser des efforts de productivité, ce qui en fait un opérateur sous forte tension. L'agence rencontre en effet des difficultés d'organisation et de fonctionnement que plusieurs évaluations récentes ont permis de mettre en évidence.

Tant la Cour des comptes en 2014 3 ( * ) que l'Igas en 2015 4 ( * ) constatent en effet que les missions de l'ANSM n'ont cessé de s'étendre sans que la question de l'adéquation des moyens aux objectifs poursuivis n'ait reçu de réponse. En particulier, malgré l'engagement dont font preuve ses personnels, l'agence n'est pas en mesure de résorber les retards significatifs apparus dans le traitement des signalements et des demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM).

A l'échelle européenne, l'ANSM a subi ces dernières années une perte d'influence indéniable, qui se manifeste par le recul sensible du nombre de dossiers considérés comme stratégiques traités par la France au sein des instances européennes.

Il semble par ailleurs que la généralisation des règles déontologiques formalisées à la suite de la crise du « Médiator » ne soit pas tout à fait achevée, faute de temps et d'outils adaptés.

L'agence est enfin appelée à poursuivre la remise à niveau de ses outils de gestion et de ses systèmes d'information afin de sécuriser les procédures et de gagner en productivité.

Auditionnée par votre rapporteure, la direction de l'ANSM partage les principaux constats établis dans le cadre de ces évaluations. Le nouveau contrat d'objectifs et de performance (Cop) signé le 17 juillet dernier pour les années 2015 à 2018 tente d'y répondre en recentrant l'activité de l'opérateur sur la mission de surveillance du marché et la poursuite de la recherche d'une meilleure efficience.

Le Cop érige en effet la surveillance du marché au rang de première priorité, après l'innovation. Afin de renforcer les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), des conventions triennales pour 2016-2018 devraient prochainement être conclues avec l'agence, les ARS et les CHU, fixant les objectifs poursuivis par ces centres et les indicateurs utilisés.

La mise en place d'un échelon régional en « matério-réacto-vigilance » a par ailleurs été expérimentée à partir de 2015 dans deux régions pilotes, une généralisation étant prévue pour la fin 2016.

S'agissant de l'activité européenne, des indicateurs sont mis en place pour renforcer la contribution de l'agence aux travaux de l'Union européenne et accroître l'attractivité de la France en matière d'essais cliniques et de mise à disposition précoce des produits de santé. Seront ainsi suivis le taux de dossiers à enjeux majeurs (notamment les rapports périodiques actualisés de pharmacovigilance) où l'avis de la France aura été partiellement ou totalement suivi et le nombre de procédures centralisées attribuées à la France en tant que rapporteur ou co-rapporteur.

Pour poursuivre la modernisation de ses outils, il est prévu que l'agence s'approprie le système d'information financier unique dit « Sifas » qui sera mis en place pour la future agence nationale de santé publique et qui sera également partagé avec l'Inca.

Synthèse du contrat d'objectifs et de performance
de l'ANSM pour 2015-2018

Il est construit autour de quatre orientations stratégiques, douze objectifs à atteindre à travers 22 actions à mettre en place et 28 indicateurs permettant de les évaluer.

Orientation stratégique n° 1 : garantir un haut niveau de sécurité sanitaire des produits de santé tout au long de leur cycle de vie

- Renforcer les organisations et développer les méthodes appropriées pour assurer l'évaluation des bénéfices et des risques liés à l'utilisation des produits de santé en vie réelle ;

- Développer une stratégie de sécurité sanitaire qui prenne en compte notamment les actions et les positions des autres Etats membres et le dialogue avec les partenaires institutionnels ;

- Développer la capacité de prévention des risques et menaces, la réactivité face aux urgences et l'efficience dans la gestion des crises.

Orientation stratégique n° 2 : favoriser un accès rapide, encadré et large à l'ensemble des produits de santé

- Accélérer l'accès précoce aux produits de santé innovants ;

- Renforcer l'efficience des processus d'évaluation des produits de santé innovants ;

- Assurer l'évaluation des produits de santé dans les délais impartis.

Orientation stratégique n° 3 : consolider les liens de l'ANSM avec les parties prenantes et améliorer leurs implications

- Renforcer la transparence et la traçabilité des procédures décisionnelles ;

- Assurer l'implication adéquate des parties prenantes aux travaux de l'agence et leur information.

Orientation stratégique n° 4 : renforcer l'efficience de l'ANSM et poursuivre sa modernisation

- Assurer la mise en oeuvre d'un système d'information conforme aux besoins prioritaires de l'ANSM ;

- Renforcer l'expertise interne en assurant la montée en compétences des personnels ;

- Achever la réorganisation de l'agence et rendre son organisation pérenne ;

- Améliorer en continu la maîtrise des risques encourus par l'ANSM.

Un comité de suivi est chargé de réaliser une évaluation annuelle de la mise en oeuvre du Cop. Un bilan final sera effectué en 2018.

Pour 2016, la subvention allouée à l'ANSM est fixée à 116,7 millions d'euros, ce qui représente une baisse de plus de 9 % par rapport à 2013 et de 2,3 % par rapport à 2015.

Le dernier budget de l'Afssaps prévoyait un plafond d'emplois de 978 ETP pour l'exercice 2011, porté à 1 003 ETP en 2012 dans le cadre du plan de renforcement ayant accompagné la création de l'ANSM. Le plafond d'emplois a ensuite été maintenu à 1 003 ETP en 2013 et 2014, puis réduit de 20 ETP pour être ramené à 983 en 2015. Pour 2016, la baisse atteindrait 13 ETP, les 6 postes hors plafond étant maintenus.

Figure n° 8 : Evolution des emplois de l'ANSM depuis 2010 (en ETP)

Afsspas

ANSM

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Sous plafond

991

978

1003

1003

1003

983

970

Hors plafond

14,5

16

16

6

6

6

6

Total

1005,5

994

1019

1009

1009

989

976

Variation

+ 25

- 10

0

- 20

- 13

Source : ANSM

La baisse importante de la subvention de l'État s'est conjuguée avec l'extinction des ressources propres de l'agence fin 2014, entraînant une diminution des recettes globales de l'agence. Pour ne pas mettre en danger son équilibre financier, l'agence a réalisé des efforts d'économies et effectué des prélèvements sur son fonds de roulement.

Le niveau du fonds de roulement devrait être ramené de 45 millions d'euros en 2012 à 17 millions l'année prochaine. Fin 2015, son niveau est estimé à 25 millions d'euros, ce qui correspond à 2,5 mois d'activité. Le contrat d'objectifs et de performance 2015-2018 fixe le niveau plancher à 2 mois en 2016 et 1,8 mois en 2018.

Figure n° 9 : Evolution du niveau du fonds de roulement de l'ANSM depuis 2011

(en millions d'euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Niveau

28,55

44,62

42,6

32,31

27,1

17,1

Source : ANSM

Compte tenu des défis considérables auxquels est confrontée l'ANSM, il convient de veiller à ce que l'évolution de ses moyens tienne compte de sa capacité d'adaptation. C'est pourquoi, votre rapporteure estime que les moyens de l'agence doivent pouvoir être stabilisés à compter de 2017.

II. LE PROGRAMME 183 : RÉUNIR LES CONDITIONS D'UNE MEILLEURE MAÎTRISE DE L'AIDE MÉDICALE DE L'ETAT

Placé sous la responsabilité de la direction de la sécurité sociale, le programme « Protection maladie » rassemble les crédits dédiés au financement de l'aide médicale de l'État (AME) et à la contribution de l'État au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva).

Pour 2016, le projet de loi de finances fixe les crédits de ce programme à 754,5 millions d'euros , contre 686,4 millions en 2015 et 604,9 millions en 2014. Les crédits alloués connaissent ainsi une augmentation très soutenue, qui atteint près de 10 % entre 2015 et 2016 après 13,7 % entre 2014 et 2015.

Cette forte progression résulte intégralement des crédits destinés à l'AME, qui représentent 98,5 % des crédits du programme, le montant de la dotation au Fiva étant maintenu au même niveau qu'en 2015.

Figure n° 10 : Evolution des crédits des actions du programme 183 entre 2015 et 2016

(en millions d'euros)

LFI 2015

PLF 2016

Evolution

Action 02 : AME

676,4

744,5

+10,1 %

Action 03 : Fonds d'indemnisation
des victimes de l'amiante

10,0

10,0

0,0 %

Total

686,4

754,5

+9,9 %

Source : Projet annuel de performances pour 2016

A. L'AIDE MÉDICALE DE L'ETAT : DES CRÉDITS DE PRÈS DE 745 MILLIONS D'EUROS, D'ORES ET DÉJÀ SOUS-EVALUÉS

L'AME vise à assurer une couverture du risque maladie aux personnes étrangères en situation irrégulière dans un double objectif humanitaire et de santé publique. Elle regroupe de fait trois dispositifs distincts :


L'AME de droit commun, entrée en vigueur le 1 er janvier 2000 parallèlement à la couverture maladie universelle (CMU), permet la prise en charge des soins des personnes résidant en France de façon ininterrompue depuis plus de trois mois et disposant de ressources inférieures à un plafond identique à celui fixé pour le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) 5 ( * ) . Financé par l'Etat, le dispositif est géré par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) qui avance les frais avant leur prise en charge par l'Etat.


L'AME « soins urgents » concerne les étrangers en situation irrégulière ne justifiant pas de la condition de résidence nécessaire pour bénéficier de l'AME de droit commun et nécessitant des soins urgents « dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ». Sont également considérés comme urgents les soins destinés à éviter la propagation d'une pathologie à l'entourage ou à la collectivité ainsi que les soins liés à la maternité et à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Les soins sont assurés par les hôpitaux et réglés aux établissements de santé par la Cnam à partir d'une subvention forfaitaire de l'Etat fixée à 40 millions d'euros depuis plusieurs années.


L'AME « humanitaire » est quant à elle accordée au cas par cas, sur décision individuelle du ministre compétent, à des personnes ne résidant pas sur le territoire français de façon habituelle (personnes françaises ou étrangères en situation régulière). Elle représente environ une centaine d'admissions pour soins hospitaliers.

L'action n° 02 du programme 183 regroupe par ailleurs des dispositifs connexes tels que les évacuations sanitaires d'étrangers résidant à Mayotte vers des hôpitaux de La Réunion ou de la métropole et les frais pharmaceutiques et soins infirmiers des personnes gardées à vue.

1. Une nouvelle sous-budgétisation des crédits prévus pour 2016
a) Caractéristiques des bénéficiaires

De façon générale, l'évolution des dépenses d'AME s'explique par la hausse du nombre de bénéficiaires qui a plus que doublé depuis la création du dispositif. Au 31 décembre 2014, le nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun s'élevait à près de 294 300 , ce qui correspond à une hausse de 4,2 % par rapport à fin 2013 et de 16,6 % par rapport à fin 2012.

Figure n° 11 : Evolution du nombre de bénéficiaires de l'AME depuis 2008

Au 31/12

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Bénéficiaires AME de droit commun

202 503

215 763

228 036

208 974

252 437

282 425

294 298

Evolution annuelle

+ 6,6 %

+ 5,7 %

- 8,4 %

+ 20,8 %

+ 11,9 %

+ 4,2 %

Source : Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Selon les informations transmises par le Gouvernement, l'âge moyen des bénéficiaires de l'AME est de 31 ans. Les hommes représentent 57 % de l'effectif total.

La caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) indique que la dépense hospitalière représente près de 70 % de la dépense totale , loin devant les médicaments et les dispositifs médicaux (13 %) ainsi que les dépenses d'honoraires de la médecine de ville (9 %). Une forte proportion des bénéficiaires (71 %) recourt aux soins de ville mais pour un montant limité de dépenses. Le coût moyen des dépenses par bénéficiaire au titre de l'AME de droit commun est estimé à 3 360 euros en 2014, dont 1 094 euros pour les soins de ville et 2 314 euros pour les dépenses hospitalières.

Malgré l'insuffisance des données épidémiologiques, la Cnam souligne que les personnes bénéficiaires de l'AME ont une probabilité plus importante que la population générale d'être hospitalisées au titre des maladies infectieuses, de l'hématologie, de l'obstétrique, de la pneumologie, des chimiothérapies et radiothérapies hors séances et de l'ophtalmologie.

b) Evolution des dépenses d'AME

Entre 2001 et 2014, les dépenses annuelles de la Cnam au titre de l'AME de droit commun sont passées de 208 à 723 millions d'euros, soit une progression de 248 %.

Figure n° 12 : Evolution des dépenses d'AME de droit commun de la Cnam depuis 2001

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses

208

377

505

422

377

459

470

477

540

580

609

582

715

723

Ä en %

+81,6

+34

-16,4

-10,8

+21,7

+2,4

+1,5

+13,3

+7,4

+4,9

-4,5

+23,0

+1,1

Source : Cnam

La baisse des dépenses d'AME constatée en 2012 est à mettre en relation avec la réforme du mode de tarification des séjours hospitaliers des bénéficiaires de l'AME (cf. infra ). En 2013, la hausse des dépenses est liée à la fois à l'augmentation du nombre de bénéficiaires (+ 12 %) et à un report de facturation d'une partie des dépenses hospitalières de 2012 sur 2013.

Les dépenses exécutées au titre de l'AME restent relativement concentrées sur le territoire, plus de la moitié des bénéficiaires étant enregistrés à Paris et en Seine-Saint-Denis. Selon la Cnam cependant, bien que les huit départements franciliens représentent 64 % des effectifs de l'AME, ils n'expliquent que 19 % de la croissance des effectifs sur la France entière entre fin mars 2014 et fin mars 2015 (+ 5%). On constate en effet depuis plusieurs années que la contribution à la croissance des effectifs d'AME est essentiellement portée par une forte hausse dans les autres départements.

En 2014, les dépenses totales exécutées au titre de l'AME se sont élevées à 830,8 millions d'euros , en baisse de 1,7 % par rapport à 2013 en raison de la diminution des dépenses relatives aux soins urgents mais en hausse de 10 % par rapport à 2012.

c) Une nouvelle sous-budgétisation des crédits pour 2016

Les dépenses d'AME font l'objet d'une sous-budgétisation chronique qui appelle des abondements de crédits récurrents en loi de finances rectificative. A l'exception de l'exercice 2012, les crédits consommés ont en effet toujours été supérieurs aux crédits votés, le reste à payer cumulé dû par l'État à l'assurance maladie continuant par ailleurs d'augmenter.

• Pour 2015 , la loi de finances initiale fixe les crédits de la mission « Santé » au titre de l'AME de droit commun à 632,7 millions d'euros malgré une dépense totale constatée de 744 millions en 2013 (hors dette de l'État envers l'assurance maladie). Dès l'origine, la budgétisation pour 2015 est donc apparue largement sous-estimée. Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 adopté le 13 novembre dernier en Conseil des ministres prévoit ainsi l'ouverture de 87,6 millions d'euros supplémentaires sur le programme 183 afin de couvrir les besoins constatés au titre de l'AME de droit commun. L'exposé des motifs du projet de loi indique que « cette hausse de la dépense s'explique principalement par une progression du nombre de bénéficiaires de l'AME ». Les crédits votés en LFI pour 2015 reposaient sur une hypothèse de croissance annuelle des effectifs de 3,9 % alors que la progression constatée avait été de 4,2 % en 2014 et même de 11,9 % en 2013. Au total, les dépenses totales de l'État au titre de l'AME s'élèveraient à 764 millions d'euros en 2015.

• Pour 2016, la prévision de dépenses d'AME inscrite dans le projet de loi de finances s'élève à 744,5 millions d'euros, contre 676,4 millions d'euros en 2015, soit une progression de 9,9 %. Ce montant se décompose comme suit :

- 700 millions d'euros pour l'AME de droit commun , un montant supérieur de 67 millions au montant inscrit en LFI pour 2015 ;

- 40 millions d'euros pour l'AME « soins urgents » , une dotation forfaitaire identique à celle prévue chaque année depuis 2008 ;

- 4,5 millions d'euros pour les autres dépenses d'AME .

Dès à présent, le montant budgété dans le projet de loi de finances pour 2016 apparaît inférieur de 19,6 millions d'euros à la prévision actualisée par le projet de loi de finances rectificative pour 2015.

Les dotations inscrites dans les lois de finances ne permettent pas de couvrir la totalité des dépenses d'AME et accroissent donc la dette de l'État vis-à-vis de la Cnam. Des apurements de dette de l'État au titre de l'AME ont eu lieu en 2007 (920 millions d'euros) et 2009 (280 millions d'euros). Une dette s'est cependant de nouveau constituée dès 2011. Son montant est passé de 6,2 millions à 57,3 millions d'euros fin 2014. Il était de près de 75 millions d'euros fin septembre 2015.

S'agissant de l'AME « soins urgents », la participation forfaitaire de l'État n'a couvert que 38 % des dépenses de soins à la charge de la Cnam en 2014. Les dépenses exécutées se sont en effet élevées à 105,2 millions d'euros en 2014 après 129,2 millions en 2013. Fin septembre 2015, la dépense cumulée dépasse déjà le plafond de la dotation forfaitaire puisqu'elle s'établit à 62,5 millions d'euros.

Le désengagement progressif de l'État envers l'assurance maladie dans la construction de la mission « Santé » a été souligné par la Cour en 2014 6 ( * ) . Constatant une sous-budgétisation, la Cour affirme que « pour faire face à l'insuffisance récurrente des crédits AME, toutes les autres lignes budgétaires du programme sont progressivement réduites, voire annulées » (sont mentionnées la disparition du fonds CMU du périmètre de la loi de finances pour 2014, l'annulation de la dotation de l'État au Fiva en 2014 et sa sous-budgétisation en 2015). Pour la Cour, « ces évolutions de périmètre ne suffisent pas à résoudre les difficultés provoquées par la croissance des dépenses d'AME, auxquelles la croissance de la dette vis-à-vis de la Cnamts devient la réponse récurrente ».

Sans remettre en cause la nécessité même de l'AME, qui répond à d'indéniables enjeux de santé publique, tant pour ses bénéficiaires que pour la population en général, votre rapporteure considère que la sous-budgétisation de l'AME appelle un meilleur encadrement du dispositif.

2. La nécessité d'approfondir les efforts de meilleure maîtrise du dispositif

Depuis le 1 er janvier 2015, la réforme de la tarification des séjours hospitaliers prévue par la loi de finances rectificative pour 2011 est pleinement applicable 7 ( * ) . Cette réforme prévoit une tarification de droit commun fondée à hauteur de 80 % sur les tarifs nationaux (T2A) pour les actes en MCO au lieu d'une tarification basée sur 100 % des tarifs journaliers de prestations (TJP). Selon les informations communiquées à votre rapporteure par le Gouvernement, cette réforme a permis de réaliser une économie de 25 % par rapport aux dépenses qui auraient résulté de l'ancienne tarification, avec une réduction de 95 millions d'euros de la dépense en 2014. L'économie a cependant été moindre que celle escomptée en raison de la hausse du nombre de séjours (+ 5 %) et de patients (+ 3 %) ainsi que de l'accroissement de la gravité des pathologies. L'économie attendue est de de 55 millions en 2015 et de 60 millions en 2016.

De la même façon que les cures thermales et l'assistance médicale à la procréation (PMA) depuis 2011, les médicaments dont le taux de prise en charge est fixé à 15 % ne sont plus pris en charge par le dispositif de l'AME depuis le 1 er janvier 2012 pour les bénéficiaires majeurs 8 ( * ) . Les économies escomptées sont de 4,2 millions en 2015 et de 5 millions sur les exercices suivants.

De leur côté, les services instructeurs et gestionnaires du dispositif AME ont cherché à renforcer l'efficience des procédures. Selon les informations communiquées à votre rapporteure par la Cnam, le service du contrôle médical de chaque caisse primaire dispose depuis 2008 d'une compétence générale pour les soins dispensés aux bénéficiaires de l'AME dans les mêmes conditions que pour les assurés. Le bénéfice de certaines prestations peut être subordonné à l'accord préalable du service (notamment pour les reconnaissances d'affection de longue durée). Le service des prestations non justifiées médicalement peut être suspendu. L'activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l'AME peut être contrôlée.

La Cnam a par ailleurs défini des modalités communes d'instruction des demandes d'AME afin de permettre une application plus homogène de la réglementation. Les contrôles ont été renforcés afin de détecter les fraudes à l'identité, à la condition de résidence, à la condition de ressources ou liée à l'arrivée en France dans un but médical. Il en va de même pour les fraudes en rapport avec la facturation d'actes fictifs par des professionnels de santé sur des bénéficiaires de l'AME ou pour les bénéficiaires suspectés de détourner les traitements de substitution aux opiacés.

La Cnam envisage en outre de diffuser une instruction en vue d'une harmonisation sur les documents à retenir pour l'appréciation de l'éligibilité des demandeurs. Le décret qui fixe les listes de pièces permettant de justifier de l'identité et de la présence ininterrompue depuis trois mois sur le territoire français ouvre en effet la possibilité de prendre en considération sur ces deux sujets « tout autre document », ce qui est de nature à susciter des interprétations divergentes 9 ( * ) .

Compte tenu du caractère déclaratif des informations fournies par les demandeurs, le travail d'instruction des dossiers reste singulièrement difficile. Il arrive en particulier que l'étude des demandes d'AME laisse pressentir que les requérants disposent d'un visa et qu'ils sont donc en principe couverts par une assurance. A cet égard, les personnes entendues par votre rapporteure ont insisté sur le fait qu'il conviendrait que les caisses puissent disposer d'un accès aux informations contenues dans la base « Réseau Mondial Visas 2 » (RMV 2) du ministère des affaires étrangères ou qu'elles puissent adresser périodiquement aux services ministériels une demande de renseignements concernant certains requérants. A l'initiative de votre rapporteure, votre commission a adopté un amendement qui ouvre cette possibilité (amendement n° II-195).

D'autres mesures pourraient être prises pour améliorer l'encadrement du dispositif AME. La Cpam de Paris entendue par votre rapporteur souligne la nécessité d'encourager l'entrée des bénéficiaires dans le parcours de soins classique, permettant a priori un meilleur suivi, en prévoyant notamment une incitation à la déclaration d'un médecin traitant.

La caisse constate par ailleurs qu'en aval de l'hospitalisation, les patients bénéficiaires de l'AME ont davantage recours, depuis la nouvelle tarification hospitalière, à des hospitalisations en établissements de soins de suite et de réadaptation. Il conviendrait donc de développer l'accompagnement des sorties d'hospitalisation pour les personnes précaires en situation irrégulière, en partenariat avec les associations d'aide aux étrangers.

B. L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE : LA FAIBLESSE PERSISTANTE DE LA PARTICIPATION DE L'ÉTAT

Comme votre commission l'année dernière, votre rapporteure regrette le désengagement dont continue de faire preuve l'État dans le financement du Fiva depuis plusieurs années. Bien que le projet de loi de finances pour 2016 maintienne une dotation complémentaire de l'Etat de 10 millions d'euros comme en 2015, cette contribution ne correspond qu'à environ un cinquième du montant des participations assurées par l'Etat avant 2013. Pour rappel, la contribution de la branche AT-MP du régime général est fixée à 430 millions d'euros en 2016.

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture une majoration de 3,4 millions d'euros du montant de la dotation de l'État au Fiva, gagée par une baisse à due concurrence des crédits du programme 204. Cette majoration doit permettre le financement de la remise de créance en faveur de victimes de l'amiante prévue à l'article 62 quinquies rattaché à la mission « Santé ».

*

* *

Suivant la proposition de sa rapporteure, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016. En revanche, elle a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 62 quinquies rattaché à la mission.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 62 quinquies - Remise de créance pour des victimes ou des ayants droit reconnus débiteurs du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, prévoit la remise gracieuse des sommes dues par des victimes de l'amiante ou par leurs ayants droit au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) à l'issue d'une procédure contentieuse. Il tire les conséquences d'une clarification jurisprudentielle sur la déductibilité des prestations de sécurité sociale de l'indemnité versée par le fonds.

I - Le dispositif proposé

Etablissement public administratif créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 10 ( * ) , le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) est chargé d'assurer l'indemnisation intégrale des préjudices des personnes atteintes de pathologies liées à l'amiante et de leurs ayants droit, que ces maladies soient ou non d'origine professionnelle. Le barème d'indemnisation prend en compte à la fois l'incapacité fonctionnelle et les préjudices extrapatrimoniaux.

La question de savoir si les prestations versées par la sécurité sociale au titre de l'indemnisation des maladies professionnelles doivent être déduites de l'indemnité versée par le Fiva a fait l'objet d'une divergence de jurisprudence entre cours d'appel . Celle de Douai en particulier a d'abord reconnu la possibilité du cumul avant de voir sa position remise en cause par la Cour de cassation en 2009, à l'issue d'un recours du Fiva contestant cette possibilité. La Cour de cassation a en effet posé le principe de la déduction des prestations de sécurité sociale de l'indemnité versée par le Fiva .

Consécutivement aux jugements de cours d'appel statuant sur renvoi après cassation, les victimes ont été amenées à devoir rembourser au Fiva le montant des rentes AT-MP qui n'avaient pas été déduites de l'indemnité versée initialement par le Fiva ainsi que les différences résultant de l'application d'un barème d'indemnisation révisé selon un principe de progressivité en fonction du degré d'incapacité.

Le nombre de victimes concernées était estimé à 664 début 2014 11 ( * ) .

Par une lettre en date du 28 juin 2012, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a indiqué avoir demandé au conseil d'administration du Fiva d'accorder la remise gracieuse des sommes dues par les victimes. Celui-ci a pris acte de cette mesure qu'il a également étendue aux décisions jurisprudentielles ultérieures.

Le présent article, inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoit ainsi la remise gracieuse des sommes dont les victimes sont redevables en application des décisions juridictionnelles rendues de manière irrévocable entre le 1 er mars 2009 et le 1 er mars 2014.

Le Gouvernement a indiqué qu'une disposition législative était nécessaire « dans la mesure où le Fiva ne saurait, compte tenu de ses propres contraintes juridiques, renoncer de lui-même au recouvrement de ses créances ».

Cette mesure conduit à majorer la dotation de l'État au Fiva pour 2016 de 3,4 millions d'euros . Cette contribution est ainsi portée à 13,4 millions d'euros.

II - La position de la commission

Malgré le caractère tardif du dispositif proposé au présent article, votre commission accueille favorablement cette mesure qui met fin à une situation particulièrement préjudiciable à des victimes de l'amiante confrontées à l'instabilité des règles jurisprudentielles.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article additionnel après l'article 62 quinquies (art. 252-1 du code de l'action sociale et des familles) - Accès des caisses d'assurance maladie aux informations du fichier des demandes, délivrances et refus de visas

Objet : Cet article additionnel permet aux caisses d'assurance maladie, qui assurent l'instruction des demandes d'aide médicale de l'État (AME) par délégation de l'État, d'accéder aux informations contenues dans le fichier des demandes, délivrances et refus de visas du ministère des affaires étrangères lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le demandeur dispose d'un visa et qu'il est donc en principe couvert par une assurance.

Le travail d'instruction des demandes d'AME par les caisses d'assurance maladie est souvent rendu difficile par le caractère déclaratif des informations fournies par les demandeurs. Il arrive notamment que des personnes demandent à être prises en charge au titre de l'AME alors qu'elles sont arrivées en France au moyen d'un visa et qu'elles sont donc en principe couvertes par une assurance.

Les caisses indiquent ainsi qu'à l'issue de l'examen d'une demande d'AME, il existe parfois des raisons sérieuses de penser que le requérant dispose d'un visa, par exemple lorsque celui-ci ne présente pas de photocopie de son passeport.

Il convient donc de prévoir, comme les caisses le demandent, leur accès aux informations contenues dans la base « Réseau Mondial Visas 2 » (RMV 2) du ministère des affaires étrangères, leur permettant de connaître la nature et la durée de validité des visas éventuellement détenus par les demandeurs.

Il pourrait s'agir d'un accès indirect par lequel les caisses se verraient communiquer à leur demande par les services du ministère les renseignements nécessaires à la bonne instruction des dossiers.

Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel (amendement n° II-195) dans la rédaction qu'elle vous soumet.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

_______

Réunie le mercredi 25 novembre 2015, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Corinne Imbert sur la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour avis . - A 1,26 milliard d'euros, les crédits de la mission « Santé » sont en hausse de 4,7 % par rapport à 2015. Comme les années précédentes, cette tendance résulte de l'évolution en sens contraires des deux programmes de la mission. Tandis que le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », voit ses crédits diminuer de 2,6 % en raison de la poursuite des efforts de rationalisation demandés aux agences sanitaires, le programme 183 « Protection maladie » affiche une progression de près de 10 %, après 13,7 % en 2015, à cause du dynamisme des dépenses d'aide médicale de l'Etat (AME).

La mission « Santé » ne regroupe qu'une partie limitée des dépenses en matière sanitaire, dont l'essentiel relève de l'assurance maladie. Elle ne comporte en outre pas de dépenses de personnel et ne concerne que certains établissements publics dont la tutelle est au moins partiellement assurée par le ministère des affaires sociales.

Au programme 204, la participation de l'Etat au Fonds d'intervention régional (Fir) est stable, à 124,5 millions d'euros, pour un budget total du Fir de plus de 3 milliards. On constate ensuite une certaine érosion des crédits de prévention alloués au niveau national, notamment des dépenses d'accompagnement dans le domaine de la lutte contre le Sida et les hépatites ainsi que des crédits dédiés à la lutte contre les maladies neuro-dégénératives. Enfin la réduction des subventions pour charges de service public versées aux agences sanitaires se poursuit.

Comme en 2015, le programme 204 financera l'année prochaine, à titre principal ou complémentaire, huit opérateurs sanitaires de l'Etat, pour un montant total de 292 millions d'euros contre 301 millions cette année. Le montant des subventions se réduit ainsi de 3,2 % après une diminution de 4,4 % en 2015. Cette évolution s'accompagne, comme les années précédentes, d'une baisse des plafonds d'emplois : une baisse de 50 équivalents temps plein (ETP) est programmée, après une baisse de 52 ETP en 2015. Les agences sanitaires sont ainsi appelées à poursuivre leurs efforts de rationalisation pour contribuer au redressement des finances publiques.

La subvention à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) représente à elle seule 40 % du montant total des subventions inscrites sur le programme. Cette jeune agence, qui s'est substituée à l'Afssaps le 1 er mai 2012 à la suite de la crise du Mediator, a pour mission d'assurer la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie et de garantir à tous les patients un accès équitable à l'innovation. Elle dispose pour ce faire d'un pouvoir de police sanitaire et prend chaque année plus de 80 000 décisions. Opérateur sous forte tension, elle doit tout à la fois assumer de nouvelles missions, se moderniser et réaliser des efforts de productivité.

L'agence rencontre en effet des difficultés d'organisation et de fonctionnement mises en évidence par la Cour des comptes en 2014 et l'Igas en 2015. Premier constat, les missions de l'ANSM n'ont cessé de s'étendre sans que la question de l'adéquation des moyens aux objectifs poursuivis n'ait reçu de réponse. Malgré l'engagement de son personnel, l'agence n'est toujours pas en mesure de résorber les retards significatifs apparus dans le traitement des signalements et des demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM). En outre, il semble que la généralisation des règles déontologiques formalisées à la suite de la crise du Mediator ne soit pas tout à fait achevée, faute de temps et d'outils adaptés. A l'échelle européenne, l'ANSM a subi ces dernières années une perte d'influence indéniable, qui se manifeste par le recul sensible du nombre de dossiers considérés comme stratégiques traités par la France au sein des instances européennes.

Les évaluations appellent l'agence à poursuivre la remise à niveau de ses outils de gestion et de ses systèmes d'information afin de sécuriser les procédures et de gagner en productivité. Ces constats sont partagés par la direction de l'agence. La nouvelle convention d'objectifs et de performance (Cop) pour les années 2015 à 2018 tente d'y répondre en recentrant son activité sur la mission de surveillance du marché et la poursuite de la recherche d'une meilleure efficience.

Pour 2016, la subvention allouée à l'ANSM est fixée à 117 millions d'euros (- 9 % par rapport à 2013). Le plafond d'emplois sera réduit de 13 ETP, après une baisse de 20 ETP en 2015. Depuis la création de l'agence, des prélèvements importants ont été effectués sur son fonds de roulement dont le niveau devrait être ramené de 45 millions d'euros en 2012 à 17 millions l'année prochaine. Compte tenu des défis considérables auxquels elle est confrontée et pour tenir compte de sa capacité d'adaptation, il me paraît nécessaire de stabiliser ses moyens à compter de 2017.

La loi « Santé » mettra en place d'une nouvelle agence nationale de santé publique l'année prochaine. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une fusion à moyens constants, les plafonds d'emplois des trois opérateurs concernés, l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut pour la prévention et l'éduction à la santé (Inpes) et l'Etablissement de préparation aux urgences sanitaires (Eprus) restant inchangés. La participation à l'effort de maîtrise des dépenses publiques est quant à elle limitée à 0,6 % du montant total des subventions accordées en 2015.

Cette stabilité est bienvenue. Dans un premier temps, le regroupement des 585 agents des trois opérateurs et l'harmonisation des systèmes d'information induiront inévitablement des surcoûts. Le ministère de tutelle estime que les gains dégagés par la mutualisation se produiront progressivement à partir de 2017. Les trois agences ont réalisé d'importants efforts de rationalisation au cours des cinq derniers exercices. Enfin, la préservation des moyens dont dispose l'Eprus est essentielle. Le maintien de ses capacités d'anticipation et de réactivité est plus que jamais fondamentale dans la période que nous traversons.

Le programme 183 retrace les crédits de financement de l'aide médicale d'Etat (AME) et la dotation de l'Etat au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). La prévision de dépenses d'AME s'élève à 744 millions d'euros, en progression de 9,9 % par rapport aux crédits initialement ouverts en 2015. Ce montant apparaît inférieur de près de 20 millions d'euros à la prévision actualisée par le projet de loi de finances rectificative pour 2015, qui prévoit d'ailleurs l'ouverture de 88 millions d'euros supplémentaires pour couvrir les dépenses effectivement constatées en fin d'année. Comme les années précédentes, une nouvelle sous-budgétisation est ainsi à craindre pour 2016.

En outre, les dotations inscrites dans les lois de finances ne couvrant pas la totalité des dépenses d'AME prises en charges par l'assurance maladie, il y aura accroissement de la dette de l'Etat vis-à-vis de la Cnam. Des apurements de dette ont eu lieu en 2007 et 2009. Une nouvelle dette s'est cependant constituée dès 2011. Son montant atteignait près de 75 millions d'euros à la fin du mois de septembre.

La Cour des comptes a critiqué le désengagement progressif de l'Etat envers l'assurance maladie dans le cadre de la mission « Santé ». Dans sa note d'analyse d'exécution budgétaire pour 2014, elle constate que « pour faire face à l'insuffisance récurrente des crédits AME, toutes les autres lignes budgétaires du programme sont progressivement réduites, voire annulées », citant en particulier la disparition du fonds CMU du périmètre de la loi de finances, l'annulation de la dotation de l'Etat au Fiva en 2014 et sa sous-budgétisation en 2015. Pour la Cour, « ces évolutions de périmètre ne suffisent pas à résoudre les difficultés provoquées par la croissance des dépenses d'AME, auxquelles la croissance de la dette vis-à-vis de la Cnam devient la réponse récurrente ».

Au-delà du nécessaire respect du principe de sincérité budgétaire, il me paraît indispensable d'approfondir les efforts déployés pour une meilleure maîtrise du dispositif.

La réforme de la tarification des séjours hospitaliers devrait entraîner une économie de 60 millions d'euros en 2016. De son côté, la Cnam travaille à harmoniser les procédures d'instruction tandis que les caisses primaires ont renforcé leurs contrôles pour lutter contre les fraudes.

L'examen des dossiers d'AME est cependant souvent rendu difficile par le caractère déclaratif des informations fournies par les demandeurs. Il arrive en particulier que des personnes demandent à être prises en charge au titre de l'AME alors qu'elles sont arrivées en France avec un visa de court séjour et qu'elles sont en principe assurées dans leur pays d'origine. La Cpam de Paris m'a ainsi indiqué que l'examen de certaines demandes donne des raisons sérieuses de penser que le demandeur pourrait disposer d'un visa. C'est la raison pour laquelle il me paraîtrait utile de prévoir, comme les caisses le demandent, un accès aux informations contenues dans la base « Réseau mondial visas 2 » du ministère des affaires étrangères. Il pourrait s'agir d'un accès indirect par lequel les caisses se verraient communiquer les renseignements nécessaires à la bonne instruction des dossiers (nature et durée de validité du visa). Je vous présenterai un amendement en ce sens.

La dotation de l'Etat au Fiva était initialement maintenue à son niveau de 2015, soit 10 millions d'euros. Je ne reviens pas sur nos réserves sur la faiblesse persistante de cette contribution par rapport à celle consentie par la branche AT-MP du régime général (430 millions). A l'Assemblée nationale, la dotation de l'Etat au Fiva a été majorée, à l'initiative du Gouvernement, de 3,4 millions d'euros, par cohérence avec l'adoption de l'article additionnel 62 quinquies rattaché à la mission « Santé ». Cet article prévoit une remise de créance au profit de victimes de l'amiante ayant perçu des indemnités du Fiva pour un montant supérieur à celui effectivement dû à l'issue d'une procédure contentieuse. Il régularise ainsi une situation particulièrement préjudiciable aux victimes. Je vous proposerai d'y être favorable.

En revanche, compte tenu des considérations émises sur le programme 183, les crédits de la mission « Santé » ne me paraissent pas pouvoir recueillir en l'état un avis favorable de notre commission.

Mme Catherine Génisson . - Cet intéressant rapport met en évidence l'augmentation de 4,7 % des crédits de la mission. Si certains peuvent considérer que c'est insuffisant, l'augmentation est assez substantielle dans le contexte d'encadrement budgétaire pour 2016. Merci de ce focus sur l'ANSM ; nous attendons avec impatience le rapport de MM. Daudigny et Barbier sur le médicament. S'agissant de la nouvelle agence nationale de santé publique, malgré la fusion de trois agences, le budget global restera stable.

Nous aurons un débat sur l'AME en séance. Différents publics y sont éligibles. Demandez à la sénatrice-maire de Calais : ceux qui y prétendent là-bas sont très différents de ceux qui la demandent ici. Je le redirai en séance, dans les rares cas de détournement, il y a deux coupables : ceux qui sollicitent ce détournement et ceux qui le réalisent.

M. Georges Labazée . - Selon vous, l'ANSM « n'est toujours pas en mesure de résorber les retards significatifs apparus dans le traitement des signalements ». Pourriez-vous préciser la notion de signalement et nous donner quelques exemples de « dossiers considérés comme stratégiques » dont le recul aboutit à la « perte d'influence » de l'Agence ?

Mme Laurence Cohen . - La réduction de 2,6 % des crédits du programme 204 sont-ils imputables uniquement aux moindres moyens accordés aux agences sanitaires ou également à la réduction des programmes de prévention ? Les chiffres contredisent l'intérêt que le Gouvernement marque pour la prévention.

Oui, l'on confie plus de responsabilités aux agences sanitaires, et j'y suis sensible en tant que membre du conseil d'administration de l'ANSM. Mais je regrette la diminution de leurs effectifs sur deux ans : comment peuvent-ils faire plus et mieux ?

Nous débattrons du programme 183 en séance, mais je refuse, pour ma part, de stigmatiser les bénéficiaires de l'AME.

M. Jean-Pierre Godefroy . - L'Etat n'intervient pas suffisamment dans le Fiva, comme je le signalais dans le rapport que j'avais rédigé en 2005 avec MM. Vanlerenberghe et Dériot. L'Etat ajoute 10 millions d'euros cette année ; cela ne suffit pas, mais espérons que c'est le début d'un cercle vertueux.

Merci d'être favorable à l'article additionnel 62 quinquies qui règlera le problème douloureux du trop-perçu, à la suite du jugement de la cour d'appel de Douai. Il évitera à certains ayants droit de régler une somme dont ils ne disposent pas, du fait d'une mauvaise compréhension de l'indemnisation.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Deux à trois ans après la crise du Mediator qui avait tout bouleversé, l'ANSM tarde à traiter des signalements et des demandes. C'est regrettable après tous les engagements pris par les gouvernements successifs. Les problèmes budgétaires ne sont pas de nature à empêcher toute solution. Sécurisons le contrôle de l'utilisation des médicaments mis sur le marché. Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur l'inachèvement de la généralisation des règles déontologiques, faute de temps et d'outils adaptés ? Cela ne devrait pourtant pas coûter cher...

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour avis . - A l'ANSM, il y a un avant et un après Mediator. Auparavant, la mission prioritaire de l'ANSM était l'instruction des dossiers d'AMM, et la seconde mission le suivi de la vie du médicament. Désormais, les priorités sont inversées et beaucoup d'AMM sont européennes. La durée de traitement des dossiers s'est allongée, avec une perte d'influence au niveau européen. En 2013, l'agence a été rapporteur dans 4 % des essais cliniques contre 37 % en 2010. Elle reçoit de nombreux signalements sur les effets indésirables des médicaments et effectue un important travail de suivi et d'instruction. Mais les retards de traitement n'ont pas encore été résorbés.

Je regrette aussi fortement la réduction des crédits de prévention au niveau national : ainsi, les crédits consacrés à la maladie d'Alzheimer et aux maladies dégénératives ont été divisés par deux, pour revenir à 200 000  euros, un niveau très faible au regard du nombre de malades.

Loin de moi l'idée de stigmatiser les bénéficiaires de l'AME : je n'ai abordé qu'un aspect du programme 183 : une personne étrangère en situation irrégulière sera toujours soignée si elle se présente à l'hôpital, mais on constate une dérive croissante des crédits à la charge de l'assurance maladie. La Cnam et la Cpam de Paris demandent depuis plusieurs années de croiser les données pour l'AME, au lieu de se contenter de déclarations. Appelons les choses par leur nom, il y a du tourisme médical. Mon amendement sera au moins un amendement d'appel sur les difficultés de l'assurance maladie à vérifier la réalité des droits.

Je remercie M. Godefroy de saluer mon avis favorable à l'amendement du Gouvernement sur le Fiva. C'est un avis de bon sens.

L'Igas constate que le contrôle de conformité des déclarations d'intérêts au fil de l'eau n'est pas systématique. Sur un échantillon de 180 déclarations d'experts, 12 % étaient non conformes, et trois présentaient des liens potentiellement incompatibles avec le mandat d'expert dans une instance consultative. Il faudrait également vérifier la mise à jour des déclarations à l'occasion de chaque réunion de commission pour les experts qui y siègent.

M. Alain Milon, président . - Nous examinons l'amendement de la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour avis . - L'amendement n° II-195 propose que la caisse d'assurance maladie puisse instruire les demandes d'AME en ayant accès de façon indirecte au fichier des demandes, délivrances et refus de visas selon des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Il servira au moins d'amendement d'appel.

La commission adopte l'amendement n° II-195.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2016.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

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• Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam)

Fanny Richard , responsable du département de la réglementation

• Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) de Paris

Pierre Albertini , directeur général

Laurence Dauffy, directeur de la régulation et des relations avec les professionnels de santé

Michèle Pierre , directeur des prestations

• Agence nationale de santé publique

François Bourdillon , directeur général de l'Institut de veille sanitaire (InVS) et de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)

Mili Spahic , directeur de cabinet du directeur général

• Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

Dominique Martin , directeur général

David Trivié , directeur de l'administration des finances par intérim


* 1 Rapport de préfiguration, Agence nationale de santé publique, à l'attention de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, par François Bourdillon, directeur général de l'InVS et de l'Inpes, remis le 22 avril 2015.

* 2 Rapport de préfiguration de l'agence nationale de santé publique, page 160.

* 3 Cour des comptes, sixième chambre, observations définitives sur la mise en place de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), novembre 2014.

* 4 Inspection générale des affaires sociales, Audit d'organisation de l'ANSM, février 2015.

* 5 Soit actuellement 8 644,52 euros annuels pour une personne seule.

* 6 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2014 de la mission « Santé », 22 mai 2015.

* 7 Article 50 de la loi n° 2012-598 du 16 août 2011.

* 8 Décret n° 2015-120 du 3 février 2015 relatif à la prise en charge des frais de santé par l'aide médicale de l'État.

* 9 Décret n° 2005-860 du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d'admission des demandes d'aide médicale de l'Etat.

* 10 Article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001.

* 11 Cour des comptes, rapport annuel, février 2014.

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