D. DÉVELOPPER LA CRÉATION PAR UN CRÉDIT D'IMPÔT POUR LE SPECTACLE MUSICAL ET DE VARIÉTÉS ?

1. La taxe affectée et l'aide du CNV : un modèle de soutien sectoriel

L'an passé, votre rapporteur avait souligné le rôle décisif du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) dans le soutien à la création musicale, ainsi que le caractère contre-productif de l'écrêtement du produit de cette taxe au-delà d'un plafond fixé en loi de finances .

Pour mémoire, la taxe de 3,5 % perçue sur la billetterie des manifestations (tours de chant, concerts et spectacles de jazz, de rock, de musique électronique, comédies musicales, notamment), représente 94 % des ressources du CNV, qui en reverse (après déduction des frais de perception) :

- les deux-tiers aux comptes des entrepreneurs affiliés à l'établissement, qui disposent de droits de tirage valables trois ans dans la production de nouveaux spectacles ;

- le tiers à des aides sélectives de tous ordres, qui représentent quelque 850 dossiers annuels sélectionnés par une dizaine de commissions permanentes du CNV.

Aides sélectives du CNV. Crédits redistribués.
Activité des commissions : Comparaison 2013/2014
Hors avances remboursables

Commis-sions

Dossiers acceptés en 2013

Dossiers acceptés en 2014

Evolution 2013/2014

Montants
en 2013
(en K€)

Montants
en 2014
(en K€)

Evolution 2013/2014

N° 1

Comptes entrepreneurs droits de tirage

535

614

+15 %

15 089

15 100

+0 %

Aides sélectives

29

36

+24 %

574

785

+37 %

N° 2

Festivals

85

80

-5 %

1 230

1 246

+1 %

N° 3

Structuration et dévelop. professionnels

52

43

-17 %

905

914

+1 %

N° 4-5

Production

248

247

-0.4 %

2 149

2 272

+6 %

N° 6

Aménagement et équipement des salles de spectacles

73

67

-8 %

1 342

1 478

+10 %

N° 7

Activité des salles de spectacles

198

211

+7 %

1 288

1 345

+4 %

N° 8

Résidences

36

41

+14 %

363

381

+5 %

N° 9

Export

42

36

-14 %

228

220

-4 %

N° 10

Développement à l'international

44

66

+50 %

82

139

+70 %

Total

1324

1468

+11 %

23 251

23 800

+2,4 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Les ressources du CNV ont augmenté mécaniquement ces dernières années avec les recettes de la billetterie, passant de 24,86 millions d'euros en 2012 à 30,36 millions d'euros en 2014 . Comme l'an passé, votre rapporteur souligne les vertus de ce mécanisme redistributif :

- l'augmentation de la taxe perçue est le résultat d'une plus grande fréquentation , qui progresse de 8% sur les deux dernières années : le CNV perçoit davantage de ressources quand le secteur est performant ;

- l'action du CNV est redistributive, puisque la moitié des ressources provient des entreprises de spectacles réalisant un chiffre d'affaires de plus de 5 millions d'euros et que le « pot commun » bénéficie à un nombre chaque année plus important de structures et d'actions sur l'ensemble du secteur (les dossiers aidés passent ainsi de 752 en 2013 à 850 en 2014) ;

- la gouvernance est efficace, avec une taxe bien acceptée grâce aux droits de tirage pour les projets futurs, et avec un EPIC cogéré par les professionnels, qui a su trouver l'équilibre subtil entre une logique de marché et l'intérêt sectoriel, comme en témoigne le fort taux de renouvellement des structures aidées (estimé entre 30 et 40 % par le CNV).

Le nouveau plan stratégique pluriannuel du CNV

La nomination, en 2014, d'un nouveau directeur du CNV a donné lieu à l'élaboration d'un nouveau plan stratégique pluriannuel de l'établissement, qui vise en particulier :

- à engager la réforme globale des aides du CNV en les adaptant aux évolutions des pratiques du secteur ;

- à étendre le périmètre de la taxe et en optimiser son recouvrement ;

- à rechercher de nouveaux types d'aides, en particulier pour accompagner la transition numérique des acteurs du secteur ;

- mettre en oeuvre, un portail numérique de la musique et à poursuivre la politique d'équipement numérique des salles.

Lors de son audition par votre rapporteur, le directeur du CNV a souligné la possibilité de verser davantage d'aides remboursables , y compris sur le fonds de réserve de l'établissement : le CNV avance actuellement environ un million d'euros d'aides remboursables (sur 9 millions d'aides sélectives), il pourrait faire davantage pour ce mécanisme très bien adapté à la production de spectacles, à condition de lever des difficultés réglementaires, en particulier l'interdiction de prêter des fonds relevant du titre IV. Il a mentionné également la possibilité de contractualiser avec l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFSIC) pour un fonds d'avance visant des projets à plus long terme, le secteur étant faiblement endetté (taux d'endettement d'environ 17 %).

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis déplore, une fois encore, le plafonnement de la taxe affectée au CNV soit maintenu cette année encore.

Pour mémoire, l'article 46 de la loi de finances pour 2012 a posé le principe d'un plafonnement des taxes affectées et du reversement des sommes perçues au-delà du plafond ; pour la taxe affectée au CNV avait alors été fixé à 27 millions d'euros, pour un rendement attendu de 24 millions. Or, la loi de finances pour 2014 avait ensuite abaissé le plafond à 24 millions d'euros, avant qu'en loi de finances rectificative, le plafond soit rehaussé à 28 millions d'euros, en contrepartie d'un abaissement du plafond de la redevance d'archéologie préventive (RAP) de 122 à 118 millions d'euros. Cependant, dès l'automne 2014, il apparaissait que les recettes de la taxe pourraient dépasser ce plafond, pour voisiner 30 millions d'euros.

C'est pourquoi l'an passé, sur proposition de votre rapporteur, votre commission avait adopté un amendement rehaussant le plafond à 30 millions d'euros, qui a été retenu dans la loi de finances pour 2015.

Ce plafond est reconduit pour 2016, alors même qu'il risque bien d'être franchi, grâce aux efforts de gestion du CNV et, surtout, grâce aux succès enregistrés par les professionnels.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis réitère son souhait que ce plafond soit annulé ou bien qu'un plafond « glissant » soit défini : c'est la seule façon de ne pas pénaliser la profession.

2. L'utilité d'un crédit d'impôt pour soutenir la filière musicale

Les auditions conduites par votre rapporteur pour avis ont souligné, comme l'an passé, les mutations profondes du spectacle musical dans l'économie de la filière musicale : de produit dérivé du disque, le concert « live » est devenu une source importante de revenu et un lieu important pour l'émergence d'artistes nouveaux ; dans le même temps, le « marché » des concerts, devenant plus concurrentiel, se polarise et se concentre entre les mains d'un plus petit nombre de grandes sociétés de spectacles .

Les rapports économiques se sont inversés entre producteurs phonographiques et producteurs de spectacle vivant. Il y a dix ans, les producteurs phonographiques tiraient l'essentiel de leurs revenus de la vente de disques et prenaient en charge une partie des coûts de marketing du spectacle vivant, qui faisait alors partie de la promotion de l'artiste et était considéré comme un poste de dépense. Désormais , les tournées doivent être rentables, elles sont devenues une source importante de rémunération des artistes et des producteurs phonographiques . Le marché du spectacle vivant a crû de 2,5 % par an sur la décennie, mais cette bonne santé ne doit pas masquer une forte concentration sur les grosses productions : le top 10 des productions capte 50 % des revenus de la billetterie tandis que les représentations recueillant entre 600 et 3 000 entrées connaissent des difficultés (une baisse de près de 12 % entre 2011 et 2013) avec un recul des recettes de leur billetterie . De plus, la directive « services » facilite la production de spectacles par des producteurs étrangers qui peuvent agir de manière temporaire selon un régime d'autorisation simple alors que les producteurs de spectacle vivant sont régis par un régime de licence contraignant.

Dans ces conditions, un crédit d'impôts visant les artistes en-deçà d'un seuil d'entrées payantes stimulerait l'émergence des artistes en développement et améliorerait les plateaux artistiques en tournées (passage de 6 à 8 emplois artistiques en moyennes par représentation).

Votre rapporteur pour avis se félicite que l'Assemblée nationale, sur proposition conjointe de M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de M. Pierre-Alain Muet, vice-président de la commission des finances, ait adopté un crédit d'impôt pour les entreprises de spectacles qui emploient des artistes en développement (artistes dont aucun spectacle n'a comptabilisé plus de 12 000 entrées payantes pendant les trois années précédant la demande).

Dans son dispositif, ce crédit d'impôt prend en compte les dépenses de création et d'exploitation afférentes au spectacle, sous un plafond fixé à 500 000 euros par spectacle, avec un maximum par entreprise et par an de 750 000 euros. Le crédit d'impôt sera égal à 15 % du montant total des dépenses (30 % pour les très petites, petites et moyennes entreprises).

Ce crédit d'impôt contribuera à pérenniser l'emploi artistique et il devrait améliorer l'offre de spectacles, en facilitant la constitution de plateaux avec un plus grand nombre de musiciens.

Votre rapporteur pour avis espère que ce dispositif sera définitivement adopté dans la loi de finances pour 2016.

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