Avis n° 168 (2015-2016) de M. Jean-Pierre LELEUX , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 19 novembre 2015

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N° 168

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 1

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

AUDIOVISUEL

Par M. Jean-Pierre LELEUX,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'année 2015 restera comme une année décisive dans l'évolution du paysage audiovisuel, un moment clé dans la mutation technologique en cours vers la délinéarisation des contenus et dans le processus de restructuration industrielle qui l'accompagne.

En quelques mois, le succès de l'implantation en France de Netflix, qui compte déjà plus de 700 000 abonnés, et des chaînes de BeIn Sports qui ont dépassé, pour leur part, le cap des 2,5 millions d'abonnés ont redessiné l'univers des médias en France. Le groupe Canal+ a engagé une réorganisation visant à se rapprocher de son actionnaire Vivendi qui a pris, parallèlement, le contrôle de la plateforme Dailymotion et est monté au capital du nouvel ensemble Banijay-Zodiak et des sociétés de production de jeux Ubisoft et Gameloft afin d'améliorer son offre de contenus. TF1 a annoncé début novembre avoir pris 70 % dans le capital de la société de production Newen, premier fournisseur de France Télévisions. Au même moment, le CSA décidait d'abroger l'autorisation d'émettre de Numéro 23 en passe d'être rachetée par Nextradio Tv lui-même en voie de rapprochement avec Altice...

Ces bouleversements illustrent une prise de conscience des changements en cours dans les usages des téléspectateurs et la nécessité pour les industriels de développer leur offre à la fois sur tous les supports et en sécurisant leurs approvisionnements, ce qui pose la question de la réglementation qui est aujourd'hui jugée défavorable aux diffuseurs et inadaptée à un nouveau modèle économique fondé sur la détention des droits afin de pouvoir alimenter des bouquets de chaînes et des plateformes de vidéos à la demande par abonnement (SVOD).

Les douze derniers mois ont permis, par ailleurs, d'établir qu'il n'y avait aucun projet de la part des acteurs français afin d'échafauder une réponse commune face aux nouveaux géants américains. Plus précisément, les échanges menés conjointement par TF1, M6 et France Télévisions pour créer une plateforme commune ont échoué en juillet dernier sur le manque de rentabilité à moyen terme du projet et sur le refus d'Orange de faire entrer sa plateforme OCS dans le périmètre de cette plateforme commune, Canal+ n'ayant pour sa part pas l'intention d'amener à ce projet sa propre offre Canalplay.

Face à ce que votre rapporteur pour avis définissait déjà l'année dernière comme un « nouveau paradigme », les sociétés de l'audiovisuel public apparaissent encore bien démunies du fait notamment de leurs faibles marges financières et de leur émiettement qui ne favorisent pas l'élaboration d'une réponse commune aux nouveaux défis qu'elles doivent affronter. Afin de prendre la mesure de chacun d'eux, vos commissions de la culture, de l'éducation et de la communication et des finances ont demandé en janvier dernier à votre rapporteur pour avis et à notre collègue André Gattolin de conduire une mission d'information sur le financement de l'audiovisuel public.

Le rapport de cette mission 1 ( * ) qui a été rendu public le 29 septembre dernier a permis d'établir que le modèle économique des sociétés de l'audiovisuel public était « à bout de souffle » et nécessitait une profonde refondation. Parmi les constats effectués, la forte dégradation de la situation financière de Radio France et de France Télévisions qui connaissent toutes deux des situations de déficit et nécessitent d'importants apports en capitaux suscite une vive inquiétude pour l'avenir.

Parmi les principales recommandations, on peut citer la nécessité de mettre en oeuvre une contribution à l'audiovisuel public « universelle » sur le modèle allemand et suisse afin de tenir compte du fait que les contenus sont aujourd'hui accessibles sur tous les supports. La réforme de la CAP apparaît d'autant plus urgente que le taux d'équipement en téléviseurs a commencé à baisser et que les recettes issues de la publicité sont appelées à décroître inexorablement à mesure que la publicité continuera à basculer vers Internet. Un second chantier important concerne le développement des ressources propres de France Télévisions à travers les revenus des droits attachés à la production qui sont appelés à se développer du fait d'une plus grande circulation des oeuvres. Ces deux chantiers prioritaires restent à conduire puisque le projet de loi de finances pour 2016 ne prévoit pas la réforme de la CAP et privilégie une affectation d'une part de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (« TOCE ») pour augmenter les ressources de France Télévisions et que le décret du 27 avril 2015 a conforté la situation des producteurs dans l'attribution des parts de coproduction et des mandats de négociation.

Une autre recommandation importante du rapport concerne la nécessité de revoir la gouvernance de l'audiovisuel public dans son ensemble . Votre rapporteur pour avis a, en effet, acquis la conviction que l'organisation actuelle constitue aujourd'hui un facteur important de complexité et de manque d'efficience compte tenu, en particulier, de la quasi absence de mutualisations et du poids considérable des autorités de tutelle qui freine la mise en oeuvre des réformes dont ces sociétés ont besoin. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur pour avis a préconisé un rapprochement progressif d'ici 2020 des sociétés de l'audiovisuel public au sein d'une holding commune, « France Médias » , respectueuse de l'autonomie et de l'identité de ses filiales . Il reviendrait, dès lors, aux dirigeants de cette holding commune de répartir la CAP entre les filiales, en lieu et place de l'État, et de mettre en oeuvre un contrat d'objectifs et de moyens (COM) commun qui viserait à développer les actions conjointes.

Le présent projet de loi de finances ne répond pas à ces enjeux et se contente d'essayer de stabiliser la situation financière des sociétés concernées d'ici 2017 . Le retour à l'équilibre de Radio France a été ainsi reporté à 2018, et la nature des ressources nouvelles affectées à France Télévisions ne peut être considérée comme aussi satisfaisante que la contribution à l'audiovisuel public qui garantit véritablement l'indépendance des sociétés bénéficiaires.

Un passage à la haute définition le 5 avril 2016
entouré de nombreuses incertitudes

La loi n° 2015-1267 du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre est le fruit d'un accord trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat à l'issue de la commission mixte paritaire qui s'est tenue le 15 septembre 2015. Elle reprend de nombreux apports du Sénat visant, en particulier, à lutter contre la spéculation lors de la revente des chaînes de la TNT et à garantir la couverture du territoire à 95 % par la TNT. La loi prévoit également les modalités de transferts de la bande des 700 MHz aux opérateurs de télécommunication en permettant au CSA de réorganiser les multiplex afin d'en réduire le nombre de 8 à 6 ainsi que le passage à la haute définition pour la diffusion des chaînes hertziennes.

Si le choix de la date de basculement, fixée au 5 avril 2016, est du niveau réglementaire, la loi prévoit notamment des dispositions concernant l'information des foyers et des aides afin de permettre aux détenteurs de récepteurs de télévision trop anciens de pouvoir réaliser l'acquisition d'adaptateurs leur permettant de recevoir le nouveau signal. L'adoption de la norme de codage MPEG-4 en lieu et place de la norme MPEG-2 qui permettra la généralisation de la HD doit également s'accompagner de l'arrêt de l'obligation de double diffusion en HD et en définition standard (SD) qui devrait permettre aux chaînes concernées de faire des économies récurrentes qui devraient compenser le coût du changement de norme de diffusion. Ce dernier constitue néanmoins un enjeu technique d'importance par son ampleur et du fait de la brièveté des délais qui semblent exclure la possibilité de réaliser des tests. Cette étape devrait être particulièrement délicate pour France 3 qui possède de nombreuses installations locales et devra opérer simultanément la bascule dans chacune d'entre elles. Dans ces conditions, une coopération de l'ensemble des acteurs apparaît essentielle afin de permettre de tenir les délais et d'éviter le pire scénario qui pourrait, potentiellement, occasionner des « écrans noirs » pour des millions de Français.

Or il apparaît aujourd'hui que la coopération de l'ensemble des acteurs ne semble pas acquise , les opérateurs techniques de diffusion estimant qu'ils sont en droit d'obtenir une indemnisation du fait du préjudice qu'ils devraient rencontrer du fait de la réduction du nombre des multiplex et de la remise en cause de leurs contrats avec les diffuseurs. Un rapport a été demandé par le Gouvernement à l'Inspection générale des finances (IGF) qui a reconnu en septembre la réalité de ce préjudice tout en observant qu'il variait selon les opérateurs et a préconisé la recherche d'une solution transactionnelle. Le Gouvernement, à travers la ministre de la culture et de la communication, s'est engagé à ce que soit recherchée cette solution avec les opérateurs lors de ses échanges avec la présidente de notre commission, Mme Catherine Morin-Desailly, dans le cadre des débats parlementaires sur la proposition de loi, indiquant même que les crédits correspondants seraient inscrits dans un texte budgétaires d'ici la fin de l'année 2015.

La situation est aujourd'hui dans une impasse compte tenu de l'absence de volonté du ministère de l'économie de trouver un accord avec les opérateurs de diffusion. Auditionné par votre commission le 19 octobre dernier, le président du CSA, M. Olivier Schrameck a ainsi fait part de son inquiétude en indiquant que « certains prestataires de la diffusion technique conditionnent la reprise des travaux avec le CSA sur le réaménagement de fréquences à l'aboutissement des négociations » .

Afin de trouver une solution, Mme Catherine Morin-Desailly a écrit au Premier ministre, M. Manuel Valls, le 30 octobre dernier afin de lui indiquer que : « En persistant dans son refus de mener une négociation de bonne foi avec les opérateurs techniques de diffusion et en continuant de brandir la perspective d'un recours à une réquisition, les représentants du ministère de l'Économie ont amené les opérateurs à envisager le lancement d'actions judiciaires dans les prochains jours qui pourraient mettre en péril le calendrier envisagé pour le transfert des fréquences aux opérateurs de télécommunication et, par voie de conséquence, les enchères sur la bande des 700 MHz » . Elle lui a également indiqué que : « Le respect des engagements pris par l'État ainsi que le succès d'une opération technique qui, en cas d'échec, pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour l'ensemble des Français me paraissent exiger une réponse rapide de votre part, de nature à mettre un terme à une très regrettable situation » .

Lors du débat au Sénat sur la première partie du PLF 2016, le gouvernement a fait adopter le 24 novembre 2015 un amendement à l'article 14 qui prévoit d'inscrire « une possibilité supplémentaire de dépenses de 36 millions d'euros au budget de l'Agence nationales des fréquences (ANFR) correspondant au montant actuellement estimé de l'indemnisation des diffuseurs » selon le secrétaire d'État au budget, M. Christian Eckert. À cette occasion, il a également indiqué que « le montant définitif sera peut-être supérieur ou inférieur ; nous ne pouvons pas non plus exclure que ce dossier donne lieu à des contentieux ».

Cette dernière éventualité est devenue depuis une perspective probable puisque les trois opérateurs techniques de diffusion (TDF, Towercast, Itas-Tim) ont écrit au Premier ministre le 27 novembre pour lui indiquer qu'ils avaient pris « la décision d'interrompre [leur] contribution collective au processus opérationnel, aux travaux et engagements liés à l'opération de libération des fréquences prévue pour avril 2016 ». Le désaccord des trois opérateurs tant sur la méthode que sur les montants d'indemnisation illustre leur détermination à engager des actions contentieuses si les négociations ne progressent pas.

AUDIOVISUEL

I. LES CRÉDITS CONSACRÉS À L'AUDIOVISUEL DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

Le projet de loi de finances pour 2016 se caractérise par l'absence de réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) alors même que le modèle économique de l'audiovisuel public est aujourd'hui « à bout de souffle » comme l'a reconnu Mme Delphine Ernotte-Cunci lors de son audition par votre commission le 5 novembre dernier, reprenant en cela l'analyse de votre rapporteur pour avis. Il s'agit donc d'un budget de transition qui reporte à plus tard les décisions structurelles.

A. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

Depuis la suppression en 2015 du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure », la mission « Médias, livre et industries culturelles » est composée de trois programmes :

- le programme 180 : « Presse » ;

- le programme 313 : « Contribution à l'audiovisuel public et à la diversité radiophonique »

- le programme 334 : « Livre et industries culturelles »

Le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel public et à la diversité radiophonique » retrace l'ensemble des crédits du budget général consacrés à l'audiovisuel. Il permet notamment d'apporter à France Télévisions un financement complémentaire de ses missions de service public du fait des pertes de recettes commerciales occasionnées par la disparition partielle de la publicité sur les chaînes de France Télévisions depuis janvier 2009. La seconde mission du programme 313 consiste à soutenir l'expression radiophonique locale.

1. L'extinction du dispositif de soutien à France Télévisions dans le programme 313 du budget général

L'action n° 1 du programme 313 qui prévoyait d'accorder 160,4 millions d'euros à France Télévisions en 2015 ne comprenait plus que 40,53 millions d'euros dans le PLF 2016 déposé à l'Assemblée nationale. Cette baisse de la dotation budgétaire était néanmoins compensée par une hausse de la fraction de CAP attribuée au groupe public et une fraction du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (« TOCE ») de telle sorte que le total des ressources publiques était en hausse de 4,4 millions d'euros à 2 485,5 millions d'euros HT par rapport à la LFI 2015 .

Ces ressources se répartissent donc comme suit dans le PLF 2016 : 40,5 millions d'euros à partir du programme 313 du budget général et 2 444,9 millions d'euros HT à partir du programme 841 du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » qui proviennent pour 2 370,7 millions d'euros HT du produit de la CAP et pour 74,3 millions d'euros du produit de la hausse de la TOCE.

Votre rapporteur pour avis reviendra plus avant sur les modifications adoptées par l'Assemblée nationale qui ont eu pour conséquence de supprimer complètement la dotation budgétaire de 40,53 millions d'euros pour la remplacer par un surcroît de produit de la TOCE pour un montant identique et un supplément de 25 millions d'euros pour répondre au besoin de financement de France Télévisions.

2. Le maintien du soutien à l'expression radiophonique locale

L'action n° 10 du programme 313 a quant à elle pour objet le soutien à l'expression radiophonique locale. À l'issue du débat de première lecture à l'Assemblée nationale, elle constitue maintenant la totalité du programme 2 ( * ) .

Les crédits en faveur du Fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER) qui étaient de 29 millions d'euros en 2015 seront reconduits à l'identique en 2016 . Ils permettent de financer l'aide aux radios associatives prévue à l'article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dans le but de soutenir le secteur radiophonique local associatif garant de l'expression du pluralisme et de la communication de proximité. Cette aide est attribuée aux radios locales associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité lorsque leurs ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires local. Chaque année, près de 700 radios associatives bénéficient de l'aide du FSER qui représente 40 % de leurs ressources.

Ces crédits sont aujourd'hui précieux pour les radios concernées afin de leur permettre de financer leur modernisation et le développement de nouveaux services en streaming notamment. Les radios locales s'étaient inquiétées l'année dernière du niveau de ces aides compte tenu du coût d'un éventuel passage à la RNT. Votre rapporteur pour avis constate que le chantier de la RNT évolue lentement, l'année 2016 devant être marquée par le lancement d'un appel d'offres par le CSA pour l'attribution de fréquences.

Les modalités d'attribution de ces aides ont quant à elles été modifiées suite à l'adoption du décret n° 2014-1235 du 22 octobre 2014 visant à renforcer la sélectivité des aides versées et à redéployer les financements vers les radios les plus actives dans la communication sociale de proximité. Quatre types de subventions sont ainsi attribués, trois subventions à caractère automatique (subvention d'installation, subvention d'équipement et subvention d'exploitation) et une subvention à caractère sélectif (subvention sélective à caractère radiophonique).

B. LA MISSION « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

1. L'évolution de l'architecture budgétaire

Le périmètre de la mission « Avances à l'audiovisuel public » a évolué en 2015 avec le transfert de la totalité des financements de TV5 Monde et de France Médias Monde portés jusqu'alors par le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure ». Ce dernier programme a été pour sa part supprimé dans la LFI 2015.

Ces évolutions ont conduit à modifier la structure des programmes au sein de la mission « Avances à l'audiovisuel public » ainsi qu'il suit :


• la création d'un nouveau programme entièrement dédié au financement de TV5 Monde : le programme 847 « TV5 Monde » ;


• le programme 844, anciennement intitulé « Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure », a été renommé « France Médias Monde » afin de rendre son intitulé cohérent avec son objet car depuis la LFI 2014 son périmètre est désormais exclusivement consacré au financement de France Médias Monde.

La mission « Avances à l'audiovisuel public » est désormais composée de six programmes , « France Télévisions » (programme 841), « Arte France » (programme 842), « Radio France » (programme 843), « France Médias Monde » (programme 844), « Institut national de l'audiovisuel » (programme 845) et « TV5 Monde » (programme 847).

Il résulte de cette modification d'architecture budgétaire que la mission « Avances à l'audiovisuel public » porte désormais l'intégralité des financements de TV5 Monde et de France Médias Monde, retracés dans deux programmes dédiés.

Dans le PLF 2015, parmi les sociétés de l'audiovisuel public, seule désormais France Télévisions est financée par le budget général de l'État au titre du programme 313 - Action 1 « France Télévisions ». Comme cela a été précisé précédemment, il n'en sera plus de même à compter de 2016.

2. Les ressources publiques consacrées à l'audiovisuel public en 2015

Les ressources publiques de l'audiovisuel public s'élèvent dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2015 à 3 751,8 millions d'euros hors taxes (HT) . Ce montant, stable (+0,3 %) par rapport à l'exécuté 2014 (3 590,8 millions d'euros), inclut l'ensemble des crédits pour France Télévisions, Arte France, Radio France, l'Institut national de l'audiovisuel (INA), France Médias Monde et TV5 Monde.

Ces crédits sont issus de la mission « Avances à l'audiovisuel public » du compte de concours financiers (CCF) retraçant le produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du budget général.

Ø les crédits issus du CCF sont en progression de + 3,26 %. Ils s'élèvent en LFI 2015 à 3 591,4 millions d'euros HT contre 3 478,1 millions d'euros HT en exécuté 2014, en raison de la revalorisation du montant de le CAP de 133 euros à 136 euros (en métropole), du fait de son indexation sur l'inflation, mais également de la progression de son assiette ;

Ø les crédits du budget général (à travers l'Action n° 1 - « France Télévisions » du programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique ») représentent un montant de 160,4 millions d'euros en LFI 2015, en hausse de 7,7 millions d'euros (+42,3 % par rapport à l'exécuté 2014 de 112,7 millions d'euros). Cette forte augmentation des crédits du budget général traduit l'évolution du financement de l'ensemble du secteur audiovisuel public : France Télévisions s'est vue affecter la totalité du financement audiovisuel portée par le budget général.

C. LE FINANCEMENT DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC EN 2016

1. Une occasion manquée : l'absence de réforme de la CAP
a) La contribution à l'audiovisuel public en 2016

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit de porter le montant de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) à 137 euros en France métropolitaine et à 87 euros en outre-mer . Cette hausse traduit la prise en compte de l'inflation conformément aux dispositions de l'article 97 de la loi du 30 décembre 1998 de finances rectificatives pour 2008 qui prévoient en particulier l'application d'un arrondi à l'euro le plus proche, la fraction d'euro égale à 0,50 comptant pour 1 . On peut rappeler que la CAP avait augmenté de 3 euros en métropole dans le cadre du PLF 2015 et 1 euro en outre-mer pour atteindre respectivement 136 euros et 86 euros.

Cette hausse limitée de la CAP devrait se traduire par une augmentation du rendement de 60,3 millions d'euros qui se décomposent comme suit :

- 23,4 millions d'euros supplémentaires liés à une augmentation du nombre de redevables estimée à 200 000 foyers (+0,85 %) ;

- 25,1 millions d'euros supplémentaires liées à la hausse du tarif en métropole et en outre-mer pour prendre en compte l'inflation ;

- 8,8 millions d'euros supplémentaires liés à l'effet année-pleine de la hausse du produit de la CAP en 2015 ;

- 3,9 millions d'euros d'économies de frais de trésorerie et de frais de gestion qui devraient par ailleurs rester stables par rapport à 2015.

À noter la déduction de 0,9 millions d'euros à prendre en compte du fait de la diminution des dégrèvements pour droits acquis.

Le montant des exonérations à la CAP devrait être quasiment stable en 2016 avec une hausse de 2 millions d'euros à 719 millions d'euros. Il correspond à trois catégories de redevables : les personnes exonérées de taxe d'habitation, les personnes bénéficiaires d'un droit acquis 3 ( * ) et les personnes dont le montant du revenu fiscal de référence est nul.

Deux dépenses fiscales donnent lieu à compensation par l'État dans le cadre du compte de concours financier :

- le dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste qui concernait 3,9 millions de personnes en 2014 pour un coût de 490 millions d'euros en 2015 et de 497 millions d'euros en 2016 ;

- le dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste au titre des « droits acquis » 4 ( * ) qui concernait 210 000 foyers en 2014 pour un coût de 39 millions d'euros. La réduction du nombre de bénéficiaires devrait s'accélérer à 124 000 foyers en 2016 pour un coût de 17 millions d'euros.

b) Le report de la réforme de la CAP à une date non précisée

L'évolution des usages de la télévision qui favorise le visionnage de contenus sur des tablettes et des smartphones constitue une menace sérieuse pour le rendement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) qui repose exclusivement sur la possession d'un téléviseur. Ce taux de possession a commencé à baisser 5 ( * ) ce qui pourrait fragiliser le financement des sociétés de l'audiovisuel public dans les années à venir.

Afin de se prémunir face à cette perspective, une réforme de la CAP est envisagée afin d'en élargir l'assiette . Le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Jean-Marie Beffara, la jugeait même urgente dans son rapport de l'année dernière 6 ( * ) . Dans un récent rapport rendu au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, il a plaidé « en faveur d'une réforme qui s'inscrirait dans une approche neutre du point de vue des supports utilisés pour accéder au service public audiovisuel » 7 ( * ) qui serait inspirée du modèle britannique et se traduirait par un élargissement de l'assiette de la CAP aux tablettes et aux smartphones mais exclurait les postes de radio.

Votre rapporteur pour avis ne considère pas ce projet de réforme comme adapté à l'évolution des usages . L'exclusion de la radio de l'assiette en laissant penser que les contenus de Radio France sont « gratuits » ne répond pas, en particulier, à la nécessité de reconnaître la valeur de l'offre du service public et l'élargissement de l'assiette risque de poser de sérieux problèmes concernant la lutte contre la fraude en particulier le contrôle de la possession d'objets connectés. Il n'en demeure pas moins que votre rapporteur pour avis regrette également le report de la réforme de la CAP qui constitue un facteur de déstabilisation de l'audiovisuel public en général et de France Télévisions en particulier qui se voit attribuer en 2016 une part du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques et lieu et place de la dotation budgétaire.

2. L'article 20 du PLF et la suppression de la dotation budgétaire dès 2016
a) Le dispositif initial de hausse de la « TOCE » de 0,3 point

Le report de la réforme de la CAP a donné lieu au mois de septembre 2015 à un débat au sein du gouvernement sur le moyen d'augmenter les ressources disponibles pour les sociétés de l'audiovisuel public. Si la hausse du tarif de la CAP au-delà de la compensation de l'inflation n'a pas été véritablement envisagée, il n'en est pas de même d'autres pistes comme le retour de la publicité après 20 heures défendue par le ministre des finances, M. Michel Sapin, et l'élargissement de l'assiette de la CAP aux boxes Internet qui semblait avoir la préférence de la ministre de la culture et de la communication, Mme Fleur Pellerin.

Au final, et de manière un peu inattendue puisque cette piste n'avait pas été discutée publiquement, le gouvernement a décidé d'augmenter sensiblement la taxe sur les opérateurs de communication électroniques.

Le paragraphe I de l'article 20 du PLF pour 2016 dans sa rédaction initiale prévoyait d' augmenter d'un tiers le taux de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (« TOCE ») prévue par l'article 302 bis KH du code général des impôts, qui devait ainsi passer de 0,9 à 1,2 % de leur chiffre d'affaires.

La « TOCE » a été créée en 2009 parallèlement à la taxe sur la publicité des chaînes de télévision afin de compenser la baisse des recettes publicitaires de France Télévisions suite à l'interdiction de la publicité après 20 heures. Cette taxe a rapporté 213 millions d'euros en 2014 tandis que le produit de la taxe sur la publicité s'élevait à 15 millions d'euros . La hausse du taux prévue par l'article 20 reviendrait selon le gouvernement à une augmentation du produit de 75 millions d'euros en 2016.

Évolution du montant recouvré au titre des taxes prévues
par les articles 302 bis KG et 302 bis KH du code général des impôts
depuis 2010

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

Taxe 302 bis KG

18

13

13

14

15

Taxe 302 bis KH

251

258

180

254

213

Total

269

271

193

268

228

Source : Direction de la législation fiscale

Alors que le produit attendu des deux taxes (compte tenu de la hausse de la TOCE initiale prévue dans le PLF) peut être estimé à au moins 315 millions d'euros en 2016, seuls 75 millions d'euros issus du produit de la « TOCE » devaient être en réalité affectés à France Télévisions chaque année selon le paragraphe IV de l'article 20, auquel il faut ajouter un reliquat de dotation budgétaire à hauteur de 40,5 millions d'euros.

L'exposé des motifs de cet article précise par ailleurs que « dans un souci d'unification du circuit de financement de ces sociétés, cette nouvelle ressource transitera par le même mécanisme que la contribution à l'audiovisuel public (CAP), permettant ainsi au Parlement d'apprécier dans son ensemble les ressources du secteur de l'audiovisuel public issues des recettes affectées lors de l'examen des crédits du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » » 8 ( * ) .

L'article 20 vise également à actualiser, au regard des prévisions de recouvrement de la CAP pour 2016, les données relatives à la CAP inscrites au sein du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » et à reconduire le dispositif de garantie de ces ressources pour les sociétés bénéficiaires. Le montant estimé de la CAP s'élèverait ainsi à 3 214,5 millions d'euros en 2016 contre 3 149,8 millions d'euros en 2015.

b) La nouvelle hausse de la TOCE décidée par l'Assemblée nationale

Lors du débat sur l'article 20 le 19 octobre dernier, le rapporteur spécial de la Commission des finances, M. Jean-Marie Beffara, avait déposé deux amendements visant à augmenter les ressources de France Télévisions en accroissant la part de la TOCE affectée au groupe public.

Le premier amendement prévoyait de porter cette part de 75 millions à 115,5 millions d'euros afin de permettre dès 2016 l'extinction des crédits budgétaires à hauteur de 40,533 millions d'euros prévus au programme 313 de la mission Medias. Pour le rapporteur spécial, « cet amendement sera complété en seconde partie du projet de loi de finances par une proposition d'annulation des crédits budgétaires, afin de n'engendrer aucune perte pour le budget de l'État (...) » .

Le second amendement déposé également par le rapporteur spécial proposait quant à lui de porter à 140,5 millions d'euros la part de la TOCE affectée à France Télévisions afin de supprimer la dotation budgétaire comme précédemment mais également de prévoir de surcroît « une augmentation des ressources en faveur de France Télévisions à hauteur de 25 millions d'euros » . Pour M. Beffara, cet amendement propose « de couvrir, grâce à la taxe sur les opérateurs de communication électronique, 50 % du déficit prévisionnel. À charge pour France Télévisions de poursuivre les économies structurelles nécessaires afin de permettre un retour rapide à l'équilibre » .

Lors du débat en séance publique, le gouvernement a déposé un amendement finalement adopté par l'Assemblée nationale visant à « renforcer l'indépendance financière de France Télévisions en anticipant d'un an l'extinction de sa dotation budgétaire, initialement prévue en 2017 » mais également à apporter un soutien supplémentaire à France Télévisions à hauteur de 25 millions d'euros comme le proposait le second amendement du rapporteur spécial. L'amendement gouvernemental propose ainsi d'accroître de 65,5 millions d'euros l'affectation de la taxe sur les opérateurs de communication électronique à France Télévisions et de diminuer à hauteur de 40,5 millions d'euros sa dotation budgétaire.

Cependant, alors que l'amendement de M. Beffara se limitait à accroître le montant de l'affectation de la TOCE à France Télévisions en réduisant, par voie de conséquence, la part restant pour l'État, l'amendement du gouvernement prévoit d'augmenter de 0,1 point le taux de la TOCE ainsi porté à 1,3 % afin de dégager un rendement additionnel de 25 millions d'euros .

Au final, le produit de la TOCE devrait s'élever en 2016 à 325 millions d'euros dont seulement 140,5 millions d'euros affectés à France Télévisions.

Une nouvelle hausse de la « TOCE » vécue comme une « provocation »
par les opérateurs de télécommunications

La nouvelle hausse de la « TOCE » de 0,1 point afin de réduire de moitié le déficit de France Télévisions à 25 millions d'euros a été vécue difficilement par les opérateurs de télécommunications. M. Didier Casas, président de la Fédération française des télécoms (FFT) qui regroupe Orange, Numéricâble-SFR et Bouygues Telecom a déclaré que « le gouvernement persévère dans l'erreur (...) après une première hausse et vient de nouveau faire les poches de l'industrie des telecoms malgré des engagements pris au plus haut sommet de l'État » . Il rappelle par ailleurs que « les entreprises du secteur ont dû se transformer et faire des économies, parfois au prix de lourds sacrifices, notamment de la part des salariés et on leur fait encore compenser l'absence de transformation de la télévision publique » .

On peut rappeler que le produit de la TOCE au taux inchangé de 0,9 % s'élèverait en 2016 à 225 millions d'euros ce qui aurait suffi à financer les crédits affectés à hauteur de 140,5 millions d'euros à France Télévisions. Si l'on ajoute aux 184,5 millions d'euros de TOCE dont l'État conservera le bénéfice les 15 millions de taxe sur la publicité qu'il perçoit par ailleurs, ce sont près de 200 millions d'euros qui sont détournés de la vocation originelle des deux taxes créées en 2009.

c) La position de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur pour avis estime que l'argument du renforcement de l'indépendance du financement de France Télévisions grâce à l'affectation d'une part de la TOCE au travers du compte de concours financier ne saurait être considéré comme pleinement satisfaisant car il n'offre, en réalité, aucune véritable garantie. Certes, l'affectation du montant est présentée comme étant une disposition pérenne mais elle peut être modifiée en loi de finances sans difficulté. On ne peut pas considérer, dans ces conditions, qu'elle présente le même niveau de garantie que la contribution à l'audiovisuel public qui est, par nature, consacrée au financement de l'audiovisuel public.

À noter que lors du débat à l'Assemblée nationale, la ministre de la culture a rappelé que « cette année, il était difficile de mettre en oeuvre des réformes tenant à l'assiette ou à la modernisation de cette contribution à l'audiovisuel public parce qu'il y a un engagement fort du Gouvernement et du Président de la République de ne pas alourdir la charge fiscale qui pèse sur les foyers français. Cette réflexion est pourtant toujours en cours . Elle est conforme à l'évolution des usages que nous constatons aujourd'hui dans les accès à la culture de manière générale. Nous continuons donc à y travailler » . Or cet engagement de ne pas augmenter les prélèvements ne devrait pas être complètement respecté dans son esprit puisque la hausse de la TOCE pourrait avoir pour conséquence - au moins pour partie - une hausse des tarifs des opérateurs de communication ce qui reviendra à réduire le pouvoir d'achat des Français .

Votre rapporteur pour avis a souhaité connaître l'avis de la présidente de France Télévisions, Mme Delphine Ernotte-Cunci sur le fait de savoir si la hausse de la « TOCE » pouvait être considérée comme une alternative à une réforme de la CAP. Sa réponse lors de son audition par votre commission n'a laissé aucun doute : « S'agissant de la ressource, l'amendement est plutôt conjoncturel , même si, à l'origine, la taxe Copé visait à compenser le manque à gagner consécutif à la suppression de la publicité après 20 heures. Que ce dispositif soit pérenne ou non, il ne remet pas en cause le régime de la CAP. Aux États-Unis, le nombre de téléviseurs a baissé de 10 % en deux ans et en France la tendance va dans le même sens » 9 ( * ) .

Dans ces conditions, le Sénat a supprimé la hausse de la TOCE lors de l'examen de l'article 20 en adoptant le 25 novembre un amendement du rapporteur général, M. Albéric de Montgolfier. Votre rapporteur pour avis a fait adopter un sous-amendement, cosigné par la présidente de notre commission, Mme Catherine Morin-Desailly, à l'amendement du rapporteur général, qui maintient l'affectation de 140,5 millions d'euros à France Télévisions.

D. LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER LA « CAP » AU PLUS TARD EN 2018

1. Les propositions de votre rapporteur pour avis pour réformer la CAP

Votre rapporteur pour avis prend acte du fait que le gouvernement ne souhaite pas conduire de réforme de la CAP dans le PLF 2016 contrairement à ce qui avait été envisagé l'année dernière. Il considère que ce report qui a toute les chances de se reproduire, pour les mêmes raisons, l'année prochaine dans le cadre du PLF pour 2017 fragilise grandement la situation des sociétés de l'audiovisuel public compte tenu des garanties insuffisantes qui entourent un financement par la « TOCE » et nécessite de réfléchir, dès maintenant, aux modalités de la réforme qui pourrait être conduite dans le cadre du PLF pour 2018.

Votre rapporteur pour avis a déjà a eu l'occasion de développer ses propositions l'année dernière dans son avis budgétaire 10 ( * ) en estimant qu' « en retenant le principe d'une imposition par foyer nos voisins allemands ont mis en oeuvre une réforme particulièrement solide qui garantit le dynamisme de la ressource et, donc, le financement et l'indépendance de l'audiovisuel public » . Il a également pu préciser sa réflexion il y a quelques semaines dans le cadre d'un rapport d'information 11 ( * ) rédigé conjointement avec notre collègue de la commission des finances André Gattolin.

Ce rapport d'information a établi que les défauts intrinsèques de la contribution à l'audiovisuel public et la situation économique actuelle du secteur audiovisuel public plaident pour une réforme de la CAP destinée à garantir sur le long terme un financement pérenne et prévisible aux sociétés de l'audiovisuel public .

Dans ce contexte, le scénario qui a été retenu par votre rapporteur pour avis et notre collègue de la commission des finances est la mise en place, à compter de l'année 2018, d'une contribution forfaitaire universelle , à l'exemple de la réforme qui a été initiée en Allemagne (voir infra), ainsi qu'une remise à plat du système actuel des remboursements et dégrèvements particulièrement coûteux pour les finances publiques.

Votre rapporteur pour avis n'a pas retenu l'extension de l'assiette de la CAP aux appareils connectés tels que les tablettes et les smartphones . Une telle solution présenterait en effet plusieurs inconvénients notables , pour un rendement supplémentaire limité.

La direction de la législation fiscale (DLF) estime ainsi que l'élargissement de la CAP aux ordinateurs et aux supports connectés ne rapporterait pas de revenus supplémentaires . En revanche, elle aurait des conséquences du point de vue du contrôle de la fraude puisque les effectifs consacrés à cette mission, par nature difficile, devraient être sensiblement augmentés dans la mesure où il est plus aisé de soustraire au paiement de la CAP la possession d'un smartphone ou d'une tablette que d'un poste de télévision. Enfin, les fiscalistes soulignent la difficulté juridique associée à la caractérisation pérenne des objets connectés et des nouveaux supports .

En outre, cette évolution ciblerait d'abord les jeunes.

L'année 2018 semble appropriée à votre rapporteur pour avis pour passer à une contribution universelle, étant donné que le risque d'attrition de l'assiette ne devrait pas peser à court terme du fait du dynamisme persistant du rendement de la CAP. En outre, ce délai permettrait de prendre en compte les conséquences qu'une telle réforme pourrait avoir sur la requalification juridique de la CAP en prélèvement obligatoire , du point de vue du respect des engagements budgétaires européens de la France dans le cadre du programme de stabilité. Enfin, les années 2016 et 2017 pourraient être mises à profit pour étudier attentivement quelles pourraient être les évolutions du système actuel de remboursement et de dégrèvement ainsi que sa prise en charge par le budget général .

En tout état de cause, la réforme proposée par votre rapporteur pour avis et notre collègue André Gattolin n'a pas d'abord vocation à augmenter les ressources attribuées aux sociétés de l'audiovisuel public mais, avant tout, à moderniser l'assiette de la CAP afin de tenir compte des nouveaux modes d'accès aux services audiovisuels, le but étant de rétablir l'égalité de traitement fiscal entre usagers . Cependant, les ressources supplémentaires permises par la réforme pourraient être utilisées à une ou plusieurs des actions suivantes : compenser une diminution de la publicité sur les chaînes du service public audiovisuel, baisser le tarif de la CAP pour l'ensemble des foyers ou permettre à France Télévisions de prendre des participations minoritaires dans des sociétés de production pour sécuriser ses approvisionnements .

2. Le succès confirmé de la réforme menée en Allemagne

Depuis le 1 er janvier 2013, le modèle de financement de l'audiovisuel public ne se fonde plus, en Allemagne, sur la possession de récepteurs (appareils de radiodiffusion, de télévision, et nouveaux récepteurs depuis le 1 er janvier 2007) mais sur l'occupation d'un logement (domaine privé) ou d'un établissement (domaine non privé : entreprises et communes).

Dans le cadre de l'évolution du modèle de financement, le Beitragsservice a procédé à une transformation des « comptes d'usagers » (Teilnehmerkonten) en « comptes de contribution » (Beitragskonten). Dans le domaine privé, chaque foyer actif, c'est-à-dire disposant d'un appareil récepteur et ne s'étant pas désinscrit, a été transformé en compte sous la forme d'un logement. Dans le domaine non privé, les usagers ont été informés en amont des changements prévus pour eux en 2013. Sans réaction de leur part, ils ont été soumis à une contribution transitoire.

Selon l'office chargé de la collecte de la contribution à l'audiovisuel (le Beitragsservice), le surplus de recettes devrait être de 1,5 milliard d'euros 12 ( * ) sur la période 2013-2016 par rapport aux premières prévisions des chaînes publiques allemandes 13 ( * ) (ARD, ZDF, Deutschlandradio, ARTE) en avril 2013.

En outre, la nouvelle contribution à l'audiovisuel public a été évaluée par la Commission de radiodiffusion des Länder deux ans et demi après son entrée en vigueur (1 er janvier 2013). Cette étude conclut au « succès » du nouveau modèle de contribution audiovisuelle et souligne que l'existence du surplus de recettes ne nécessite pas de modifier la structure globale du modèle de prélèvement.

Les ajustements nécessaires restent marginaux et les objectifs principaux de la réforme sont remplis : une stabilité du montant de la contribution semble acquise, après la diminution du tarif de 17,98 euros à 17,50 euros par mois et par foyer intervenue 1er avril 2015 et le système de prélèvement a été confirmé dans sa légalité par la jurisprudence à plusieurs reprises.

Nombre de comptes assujettis à la redevance/contribution

Entre 2012, dernière année avant l'application de la réforme, et 2014, le nombre de comptes assujettis à la redevance (2012), puis contribution (2014), est passé de 41,8 millions à 44,5 millions , soit une augmentation de 2,7 millions de comptes (+6,46%).

En 2013 les autorités chargées de la déclaration de domicile avaient transmis aux instances de régulation des médias des Länder un certain nombre de données. C'est à cette procédure que le Beitragsservice attribue l'importante augmentation des recettes, en raison de l'ampleur imprévue de personnes jusqu'ici non « participantes » à la redevance audiovisuelle et désormais intégrées au système de contribution.

E. UNE ORGANISATION INADAPTÉE QUI ACCENTUE LES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES

Face aux défis technologique et à la concurrence de nouveaux géants issus soit de l'Internet, soit de la constitution de groupes réunissant plusieurs médias et des sociétés de production, le service public apparaît émietté et incapable de s'organiser comme l'a montré le rapport d'information publié en septembre dernier par votre rapporteur pour avis et notre collègue André Gattolin. Les efforts de mutualisation engagés apparaissent pour le moment très insuffisants compte tenu des enjeux.

1. Le nécessaire renforcement des mutualisations jusqu'au regroupement des structures

Comme cela sera rappelé lors de l'examen des crédits de chaque opérateur, de nombreux doublons existent entre les sociétés de l'audiovisuel public et au sein même de ces sociétés . Si la rédaction unique progresse au sein de France Télévisions, le projet a été abandonné eu sein de France Médias Monde et n'est même pas évoqué à Radio France alors qu'il s'agit pourtant d'une recommandation de la Cour des comptes.

Le projet de chaîne d'information en continu démontre, s'il en était besoin, que chacun des acteurs poursuit des objectifs propres sans prendre en compte l'intérêt général de l'audiovisuel public et, a fortiori , celui du contribuable. La création d'un Comité stratégique de l'audiovisuel public par le ministère de la culture et de la communication constitue une première initiative mais elle reste très timide et peu opérationnelle comme le montre la gestion du projet de chaîne d'information en continu.

Votre rapporteur pour avis est convaincu que la recherche de synergies qui constitue la priorité des groupes privés en parallèle de la convergence des médias doit trouver à s'appliquer avec la même détermination dans l'audiovisuel public .

2. L'indispensable « normalisation » de la gouvernance condition d'une modernisation des entreprises

Sans revenir là encore sur les conclusions du rapport d'information précité, votre rapporteur pour avis rappellera la responsabilité de la gouvernance actuelle de l'audiovisuel public dans la détérioration de la situation financière des entreprises . En favorisant le report de nombreuses réformes - comme celle des formations musicales à Radio France - pour des raisons qui tiennent d'abord à des considérations politiques, le ministère de la culture et de la communication prend le risque de mettre à mal l'intérêt de l'entreprise et l'autorité de ses dirigeants.

Comme votre rapporteur pour avis l'a déjà indiqué, il est temps de remettre à plat la gouvernance des entreprises de l'audiovisuel public en renforçant le rôle des conseils d'administration ce qui passe par une réduction du nombre des représentants de l'État pour limiter le poids de la « tutelle » et une réflexion sur le profil et le statut des administrateurs indépendants.

Pourquoi un regroupement des sociétés de l'audiovisuel public
au sein de « France Médias » est-il devenu nécessaire ?

Les deux principales motivations de l'éclatement de l'ORTF organisé par la loi du 8 août 1974 étaient l'organisation d'une concurrence entre chaînes publiques pour justifier le refus d'autoriser des chaînes privées et la nécessité d'assurer le pluralisme politique des rédactions. Ces deux motivations ont perdu leur justification à mesure que les télévisions et les radios privées ont conquis une place dominante 14 ( * ) dans le paysage audiovisuel (entre 72 % et 75 % de l'audience selon les médias).

Dans ces conditions, un regroupement des quatre sociétés 15 ( * ) de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, INA et France Médias Monde) dans une holding publique apparaît indispensable à l'horizon de 2020 pour au moins 5 raisons :

1) Unifier l'offre sur Internet pour plus d'efficacité

Internet constitue maintenant un média à part entière qui devrait être demain le principal média. On ne peut exclure dans un avenir proche qu'il se substitue purement et simplement à la télévision et la radio hertziennes. Il n'y a donc pas de sens à ce que France Télévisions et Radio France se livrent une concurrence effrénée comme c'est le cas aujourd'hui, par exemple, dans l'information avec les applications de France Info et de France Tv Info. Autre exemple, la nouvelle offre de vidéo à la demande par abonnement de l'INA (« INA Premium ») a été développée « dans le dos » de France Télévisions pour un coût de 3 millions d'euros sans tenir compte des synergies qui auraient pu être trouvées avec le groupe de télévision public qui n'a toujours pas pu développer sa propre offre. Une offre commune apparaît indispensable.

Les développements numériques sont coûteux et nécessitent des compétences techniques importantes. Un regroupement des sociétés permettrait de développer des projets et des offres communes en dépassant « l'esprit de chapelle » qui retarde aujourd'hui la réalisation de nouveaux projets comme celui de chaîne d'information en continu où les trois opérateurs publics (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde) revendiquent la direction tout en refusant de réunir les moyens.

2) Permettre des économies substantielles pour financer le développement

Un regroupement des sociétés permettrait de réaliser d'importantes économies qui pourraient être mobilisées pour développer l'audiovisuel public. C'est le cas concernant la gestion des moyens (informatique, frais généraux, formation, immobilier, frais de diffusion hertzienne, achat de capacités de bande passante sur Internet) pour lesquels des appels d'offres communs permettraient de réduire les coûts. Mais ce pourrait également être le cas dans l'information à travers des correspondants uniques ou partagés à l'étranger et le développement d'une rédaction trimédias (web, radio, télévision).

Un principe pourrait être fixé selon lequel les économies réalisées du fait du rapprochement des structures devront profiter à l'entreprise . France Télévisions a en particulier besoin de capitaux pour prendre des participations dans des sociétés de production, France 24 et RFI doivent poursuivre leurs déclinaisons en langues locales et Radio France a d'importants projets de webradios.

3) Défendre un service public ambitieux face à de groupes privés de taille mondiale

Les sociétés de l'audiovisuel public sont individuellement menacées de relégation en « Ligue 2 » avec l'émergence de très grands groupes qui allient chaînes de télévision, radios, presse et sites Internet. Les rapprochements entre Nextradio Tv et Altice, TF1 et Newen et Canal+ et Dailymotion ont lancé un mouvement de concentration et une convergence des médias qui nécessite de repenser l'organisation de l'audiovisuel public.

La convergence est également possible au sein du service public comme le prouve France Télévisions en outre-mer où le groupe est également l'opérateur des radios publiques et favorise les échanges entre les antennes. Le rapprochement entre RFI et France 24 est également aujourd'hui devenu une réalité même si les convergences restent encore à opérer sur Internet. Un regroupement des sociétés permettrait de mieux valoriser les différentes antennes et de développer une marque et une identité communes à l'image de la BBC. À noter que la plupart des pays européens ont opté pour le regroupement de leur audiovisuel public (Grande-Bretagne, Italie, Belgique, Espagne, Suisse...).

Les moyens de l'audiovisuel extérieur doivent être mieux valorisés sur le territoire national (France 24 en arabe, MCD la radio française arabophone) et France Télévisions et Radio France doivent être plus présents à l'international. Aujourd'hui, il y a par exemple une concurrence entre France 24, TV5 Monde et Arte-France pour être repris dans les hôtels qui ne profite pas à l'influence de l'audiovisuel public ni aux téléspectateurs. Un esprit d'équipe est devenu nécessaire pour déployer le service public sur tous les fronts .

4) Garantir enfin l'indépendance

La disparition de l'ORTF devait permettre de renforcer l'indépendance de l'audiovisuel public, il n'en a rien été et jamais peut-être ces sociétés n'ont été autant dépendantes de l'autorité politique. Les conseils d'administration sont composés de nombreux représentants des ministères de tutelle qui sont les seuls à détenir toutes les informations. Des « pré-CA » sont systématiquement organisés avant les CA entre les directions des sociétés et les représentants des tutelles qui transforment les CA en « chambres d'enregistrement ». Les autres membres des CA ne sont pas suffisamment rémunérés pour pouvoir conduire leur tâche à plein temps. La CAP est répartie chaque année par les ministères ce qui constitue un moyen de pression important et des régulations budgétaires sont opérées qui constituent autant « d'épées de Damoclès ». Les modalités de la nomination de la présidente de France Télévisions ont également montré les limites de l'indépendance du CSA. Quant aux « contrats d'objectifs et de moyens » (COM) qui déterminent la feuille de route des présidents et les moyens financiers de leurs mandats, ils sont adoptés avec retard 16 ( * ) et sans aucune coordination entre eux, ce qui enlève beaucoup à leur pertinence.

Au final, les présidents des sociétés de l'audiovisuel public apparaissent comme des chefs d'entreprises sous surveillance et sans véritable autonomie, l'agenda politique l'emportant sur l'intérêt des sociétés qu'ils doivent défendre.

Un regroupement des sociétés de l'audiovisuel public au sein d'une holding permettrait de réduire fortement le poids de la « tutelle », la gouvernance étant, dès lors, « internalisée ». L'instance de gouvernance commune pourrait n'exercer que trois compétences : négocier avec l'État et mettre en oeuvre un COM commun permettant de rechercher au maximum les mutualisations, répartir les ressources publiques entre les différentes filiales à la place de l'État et nommer les patrons des différentes filiales. Le président de la holding « France Médias » serait quant à lui nommé non plus par le CSA, mais par le conseil d'administration où ne siégerait plus les représentants de la tutelle mais seulement l'Agence des participations de l'État et une majorité d'administrateurs indépendants.

5) Préserver l'autonomie des différentes entités en refusant la société « unique »

La création d'une holding commune ne remettrait en rien en cause l'identité et l'autonomie de chacune des sociétés et les statuts des salariés pourraient rester distincts ou converger très lentement. Personne ne propose en réalité de créer de société « unique » qui pourrait être effectivement difficile à gouverner. L'objectif est plutôt de créer de la cohérence et de la responsabilité, ce qui passe par un renforcement de la culture d'entreprise notamment des différents dirigeants.

Les mandats des présidents actuels pourraient être au besoin prolongés afin de prendre tous fin en 2020, date proposée pour la création de la nouvelle société « France Médias ». Une loi pourrait dès lors être votée en 2018 afin d'engager ce regroupement.

II. ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEURS

À l'aube de 2016, jamais sans doute la situation des sociétés de l'audiovisuel public n'a semblé nécessiter autant une vision stratégique claire de la part de l'actionnaire :

- France Télévisions est confronté à une crise de son modèle économique (baisse du marché publicitaire et hausse des charges), à l'émergence de nouveaux concurrents (Netflix, BeIn Sports) et au renforcement des anciens (TF1, Canal+), et à la nécessité d'améliorer ses droits sur les programmes dont il assure l'essentiel du financement ;

- Arte France poursuit son développement malgré la faiblesse de ses moyens, grâce à une ligne éditoriale particulièrement opportune, et s'affirme de plus en plus comme la chaîne « Premium » 17 ( * ) du service public ;

- Radio France connaît une forte dégradation de sa situation financière qui se traduit par un déficit endémique faute d'un rythme de réformes suffisant et compte tenu d'une gestion défaillante de son chantier ;

- France Médias Monde 18 ( * ) - malgré des réformes nécessaires - ne dispose pas des moyens suffisants compte tenu de son niveau d'ambition et connaît une certaine dégradation de son offre de programmes ;

- l'INA a besoin de redéfinir son projet stratégique et d'engager un redimensionnement de ses moyens compte tenu de l'arrivée prochaine à leur terme de certaines de ses missions. Les orientations présentées par son nouveau président semblent répondre à ces enjeux et on ne peut que saluer sa volonté de conduire des actions communes avec les autres sociétés de l'audiovisuel public.

Au-delà de l'analyse des crédits, c'est donc une réflexion globale sur l'adaptation de notre audiovisuel public au nouveau paysage des médias et des usages qui est devenue urgent. Votre rapporteur pour avis ne pourra, dans la suite de son récent rapport présenté avec notre collègue André Gattolin, que réaffirmer l'urgence d'une réforme de l'audiovisuel public ayant pour objectif de favoriser un regroupement de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA dans une structure commune respectueuse de l'identité de ses filiales à l'horizon 2020 afin de permettre des mutualisations et un développement harmonieux tous azimuts, dans le numérique, à l'international et dans la production.

Répartition de la contribution à l'audiovisuel public

(Montants TTC, en millions d'euros)

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

France Télévisions

2 369,36

2 494,73 (1)

5,3 %

Arte France

267,25

269,80

1 %

Radio France

614,39

619,50

0,8 %

France Médias Monde

247,08

249,12

0,9 %

INA

90,87

90,87

0,1 %

TV5

77,83

78,55

1,0 %

Total

3 666,7

3 802,57

3,7 %

(1) dont 75 millions d'euros de taxe sur les opérateurs de communications électroniques.

Source : État D du projet de loi de finances

A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UN MODÈLE ÉCONOMIQUE À REFONDER D'URGENCE

1. La nécessaire refondation du projet de France Télévisions

France Télévisions est confronté simultanément à une érosion de ses audiences sur longue période et à une aggravation de ses faiblesses structurelles. Concernant les audiences par exemple, si l'on compare les audiences du mois d'octobre 2015 19 ( * ) avec celles de 2010, le groupe France Télévisions a perdu en 5 ans 3,6 % d'audience à 28 % . Jamais France 2 avec 13,6 % et France 3 avec 8,6 % d'audience n'ont eu des niveaux d'audience aussi faibles. Bien entendu, il convient d'indiquer que cette baisse s'explique pour partie par l'arrivée de 6 nouvelles chaînes de la TNT en 2012 , mais pour partie seulement, car les audiences ont commencé à baisser avant 2012 et cette baisse s'accélère jusqu'à aujourd'hui.

Au-delà de l'augmentation du nombre des chaînes de la TNT, France Télévisions doit également se poser la question de la qualité de ses contenus. Si l'offre de documentaires de France Télévisions reste sans équivalent, la place du sport ne cesse de se réduire et les journaux d'information de France 2 n'ont jamais été aussi comparables à ceux de TF1. En matière de fiction, force est de reconnaître que les productions de France Télévisions sont trop rarement innovantes ou audacieuses et qu'elles ne sont pas exportées, ce qui prive le groupe de ressources propres. Votre rapporteur pour avis considère que la fiction de France Télévisions n'a pas pour seul but de « représenter la société de la manière la plus juste » comme le revendique l'entreprise, elle doit également s'inscrire dans une démarche artistique qui donne la priorité à l'écriture, aux scénarios audacieux, au talent des dialoguistes et aux nouveaux acteurs. Une remise à plat est donc nécessaire qui ne doit pas exclure la prise en compte des critères de qualité internationaux.

Part d'audience de France Télévisions

Part d'audience sur les 4 ans et + (%)

2010

2011

2012

2013

2014

France 2

16,1

14,9

14,9

14,0

14,1

France 3

10,7

9,7

9,7

9,5

9,4

France 4

1,6

1,9

2,1

1,8

1,6

France 5

3,2

3,3

3,5

3,3

3,2

France Ô (mesure sur septembre - décembre 2014)

-

-

-

-

0,6

Total

31,6

29,9

30,3

28,6

28,8

Source : Réponse questionnaire budgétaire PLF 2016

Comme il en a pris l'habitude depuis l'année dernière, votre rapporteur pour avis a souhaité rencontrer les représentants syndicaux de France Télévisions afin de les interroger sur le projet de budget et la situation sociale mais également afin de recueillir leur avis sur le rapport d'information 20 ( * ) présenté fin septembre avec notre collègue André Gattolin visant en particulier à faire émerger d'ici 2020 un groupe audiovisuel puissant et véritablement indépendant dans le cadre d'une holding commune qui respecterait l'identité de ses filiales.

Concernant le projet de rapprochement, la CGT a rappelé qu'elle avait toujours été favorable à la constitution d'un grand pôle de l'audiovisuel public et que les grands exemples de réussite en Europe concernaient tous des modèles intégrés . FO a pour sa part rappelé les difficultés créées par la fusion réalisée au sein de France Télévisions et le SNJ a déclaré qu'il faudrait voir exactement ce que recouvrirait ce projet de rapprochement. La CFDT a considéré qu'il y avait aujourd'hui un véritable problème de gouvernance de l'audiovisuel public et qu'il était indispensable de rechercher davantage de clarté. Compte tenu de l'intérêt des intervenants pour approfondir ce sujet, votre rapporteur pour avis a proposé 21 ( * ) de poursuivre les échanges dans les mois qui viennent afin d'examiner dans le détail les modalités que pourrait prendre le rapprochement des sociétés de l'audiovisuel public.

Interrogés par votre rapporteur pour avis sur la production, les syndicats ont défendu l'idée d'un renforcement de la production interne. Pour la CFDT, un « rapatriement » de la production en interne permettrait de produire au coût « le plus juste » compte tenu, en particulier, des faibles contrôles opérés sur la production externe. Le syndicat a estimé que France Télévisions n'était pas en mesure de contrôler les coûts de ses prestataires. La CGT a proposé de « faire sauter le verrou des 5 % de production dépendante » imposé à France Télévisions pour le porter à 30 % en considérant que le groupe public ne devait pas être traité différemment de la BBC .

Concernant la situation au sein de l'entreprise, la CGT a apprécié la proposition de la nouvelle présidente, Mme Delphine Ernotte-Cunci, de « co-construire » le projet de l'entreprise en indiquant attendre maintenant l'organisation des assises de l'entreprise. La CGT a indiqué toutefois qu'il était difficile pour France Télévisions de développer un projet sans connaître les moyens dont il disposera pour le mettre en oeuvre.

FO a constaté le changement de style entre l'actuelle présidente et son prédécesseur en déclarant attendre maintenant les évolutions de fond. Le syndicat estime indispensable que les personnels puissent s'inscrire dans un projet en évoquant notamment la chaîne d'information en continu et le développement international.

La CFDT a rappelé pour sa part que les prévisions avaient fait apparaître un besoin de financement de 50 millions d'euros en 2016 et que « la vision de l'entreprise restait succincte » et s'est inquiétée de l'absence de débat sur l'avenir de France 3 dont le modèle a vieilli.

Évoquant la situation financière, la CGT a évoqué le droit d'alerte exercé dans le cadre du comité central d'entreprise qui devrait donner lieu à la réalisation d'un diagnostic avec un expert. Le syndicat a estimé que la hausse de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (« TOCE ») présentait un danger pour le développement de ces opérateurs et l'avenir de leurs obligations de service public. La CGT s'est déclarée favorable à une hausse de la fiscalité affectée. FO a également considéré qu'il n'y aurait pas de stabilité pour France Télévisions tant que l'entreprise ne disposerait pas d'un financement pérenne .

Concernant enfin le projet de chaîne d'information en continu, la CFDT a estimé que le groupe public aurait dû s'en doter depuis longtemps et qu'il était nécessaire d'envisager sa diffusion hertzienne.

« France 23 » : un projet pour la chaîne d'information en continu ?

Le projet de chaîne d'information en continu initié par France Télévisions devrait être arrêté à la mi-décembre avec pour objectif un lancement en septembre 2016. La conduite du projet suscite néanmoins de nombreuses questions, le groupe de travail commun à France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA s'étant réuni pour la première fois seulement le 17 novembre et les échanges ayant été organisés essentiellement sur une base bilatérale et informelle entre les trois principaux acteurs. Même si le projet a été évoqué lors de la première réunion du Comité stratégique de l'audiovisuel public (CSAP) le 21 octobre dernier autour de la ministre de la culture et de la communication, l'actionnaire public ne coordonne pas le projet et a préféré laisser les entreprises se parler pour permettre à chacune d'être associée en fonction de ses atouts.

Si le choix d'une programmation « en linéaire » est acquis, des échanges menés avec la DGMIC indiquent que le choix ne serait pas encore arrêté entre une répartition des tranches entre les différents contributeurs publics (France Télévisions se chargeant des journaux du matin et du soir et pouvant s'appuyer le reste du temps sur France 24 par exemple) et la constitution d'une équipe commune . La seconde option pourrait n'intervenir que dans un second temps selon le ministère de la culture et de la communication compte tenu des délais plus longs qu'elle nécessiterait. À ce stade, compte tenu des nombreuses questions qui se posent encore, le ministère n'exclue pas que le lancement prévu en septembre 2016 puisse, le cas échéant, être décalé si nécessaire .

Les auditions menées par votre rapporteur pour avis ont montré que les personnels des sociétés de l'audiovisuel public étaient tous intéressés par le projet de chaîne d'information en continu mais que les craintes étaient également importantes notamment sur l'ambition réelle du projet et sur le risque de doublons par rapport aux services déjà existants. Alors que le CSA pourrait prochainement autoriser le passage en clair de LCI sur la TNT hertzienne, il a semblé utile à votre rapporteur pour avis de faire part de ses propres propositions pour créer une chaîne d'information en continu qu'il se propose de dénommer « France 23 » pour au moins trois raisons :

- La nécessité de doter cette chaîne d'une véritable identité . Il n'existe pas d'exemple de véritable chaîne d'information composée d'une juxtaposition de programmes produits par des sociétés sans lien les unes avec les autres. Le suivi de l'actualité nécessitera en particulier de pouvoir prendre l'antenne lors d'événements importants ou graves, ce qui exclue une répartition des tranches d'information trop rigide. La constitution d'une équipe commune apparaît donc nécessaire qui serait dotée d'une rédaction propre qui pourrait s'appuyer sur les services des rédactions des différents partenaires.

Si la marque « France Info » semble toute indiquée pour désigner cette chaîne, il n'est pas sûr que le rôle finalement limité 22 ( * ) que pourrait jouer Radio France dans ce projet facilite ce choix.

- L'indispensable diffusion hertzienne . En proposant le nom de « France 23 », votre rapporteur pour avis souhaite affirmer la nécessité de prévoir dès son lancement une diffusion hertzienne pour la chaîne d'information. Seule la TNT est, en effet, aujourd'hui en situation de permettre une large audience à cette chaîne et de justifier les investissements envisagés comme ont pu le démontrer à leur manière le suivi des événements du 13 novembre. À cet égard, l'abrogation de l'autorisation d'émettre de la chaîne Numéro 23 décidée le mois dernier par le CSA ouvre la possibilité pour le gouvernement d'exercer son droit de réserve comme l'a confirmé le président du CSA lors de son audition par votre commission le 20 octobre dernier. Or, les échanges conduits avec le ministère de la culture et de la communication ont permis d'établir que le gouvernement n'excluait pas d'exercer ce droit de réserve au bénéfice de la chaîne d'information en continu du service public même si, pour le moment, aucune demande n'avait été formulée en ce sens par France Télévisions. Une telle demande nécessiterait toutefois probablement une modification du cahier des charges de la société.

- L'incontournable rapprochement avec France 24 . Le choix de l'appellation « France 23 » a également pour mérite aux yeux de votre rapporteur pour avis de rappeler la nécessité de réaffirmer la nécessité de mutualiser les moyens avec la chaîne d'information France 24 . Les deux chaînes d'information pourraient ainsi être localisées dans les mêmes locaux comme le proposent les syndicats de France 24, ce qui pourrait permettre de confier la direction de « France 23 » à une personne désignée par France Télévisions.

2. Un changement de modèle économique devenu urgent
a) Le rapport d'orientation remis au Parlement et les engagements de l'entreprise

Mme Delphine Ernotte-Cunci a été nommée par le CSA présidente de France Télévisions le 23 avril 2015. Conformément à la loi, votre commission a souhaité l'auditionner le 4 novembre 2015 sur la base de son rapport d'orientation.

L'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 prévoit en effet que « dans un délai de deux mois après le début de leur mandat, les présidents de (France Télévisions, Radio France et France Médias Monde) transmettent au président de chaque assemblée parlementaire et aux commissions permanentes de ces mêmes assemblées un rapport d'orientation . Les commissions permanentes chargées des affaires culturelles des assemblées parlementaires peuvent procéder à l'audition des présidents (...) sur la base de ce rapport » .

Notre commission a reçu en date du 22 octobre 2015 le rapport sur les orientations de France Télévisions qui présente les trois principaux objectifs de la présidente de l'entreprise, Mme Delphine Ernotte-Cunci : renouveler la création et les programmes, devenir un éditeur multimédia pour tous les usages et refonder le modèle économique .

Concernant l'avenir du modèle économique qui intéresse plus particulièrement le présent avis budgétaire, le rapport d'orientation reconnaît que le modèle économique de France Télévisions « est aujourd'hui dépassé » 23 ( * ) comme votre rapporteur pour avis l'avait déjà affirmé dans un récent rapport d'information. Il insiste par ailleurs sur « la nécessité d'un financement qui s'appuie sur plusieurs leviers solides : une ressource publique stabilisée et des ressources commerciales développées » . Il rappelle que le marché publicitaire est aujourd'hui fragmenté et que « France Télévisions, du fait de la réglementation, est démuni dans sa capacité à mieux exploiter ses programmes sur le numérique » . Le rapport estime ainsi qu' « une évolution de la réglementation est nécessaire pour mieux exploiter les oeuvres et les revenus commerciaux afférents » .

Concernant la situation financière, le rapport d'orientation indique que « l'entreprise se trouve confrontée à des difficultés majeures suite à trois années consécutives de déficit. Dès cette année, un plan d'économies structurelles sera engagé et devra être poursuivi dans les années à venir. Cet effort n'est pas une action nouvelle. L'entreprise a en effet accompli en trois ans un plan d'économies conséquent de 350 millions d'euros au travers notamment de sa masse salariale » .

L'entreprise reconnaît par ailleurs que le déficit n'est pas conjoncturel mais « résulte d'une fragilité structurelle de son exploitation. Sans action décisive, le déficit en 2016 s'élèvera à 50 millions d'euros et pourrait atteindre 120 millions en 2020 » . Le rapport explique que la situation budgétaire de 2016 s'annonce « particulièrement difficile » , l'ouverture d'un « Plan de Départs Volontaires » jusqu'à fin décembre 2015 rendant « tout effort supplémentaire sur la masse salariale impossible » . À court terme, « le plan d'économie portera sur les charges variables » ce qui pourrait se traduire par une baisse en valeur absolue de l'investissement dans la création. Par ailleurs, « à moyen terme, seules des réformes de structures permettront de revenir à un équilibre financier. Ces réformes interrogeront de manière prioritaire les coûts de structure, à commencer par les coûts de siège. Elles devront, pour se traduire en économies réelles, s'adosser à un nouvel accord sur l'emploi qui ne peut se conclure sans une négociation franche et loyale avec les partenaires sociaux » . Le rapport d'orientation évoque également qu' « un effort particulier sera fourni pour mieux mutualiser les moyens de l'audiovisuel public » .

b) La nécessité de développer les ressources propres issues de la production

Le rapport d'orientation précité évoque également la nécessaire mise en oeuvre d'une politique offensive de conquêtes de nouvelles ressources. Votre rapporteur pour avis ne peut que partager le constat de France Télévisions selon lequel « la chaîne de valeur de l'audiovisuel s'est transformée sous l'impulsion de la révolution numérique. Elle se situe désormais dans la propriété et la maîtrise des contenus, davantage que dans la diffusion. Ce nouveau modèle fragilise le rôle traditionnel du diffuseur qui tenait ses ressources de la publicité afférente. Les sources de revenus se situent désormais dans l'exploitation des droits et dans la capacité des groupes audiovisuels à mieux valoriser leurs contenus » 24 ( * ) .

Suite à l'annonce du projet de rachat de Newen par TF1, France Télévisions a réaffirmé avec d'autant plus de force la nécessité de modifier la réglementation. Lors de son audition par votre commission, Mme Delphine Ernotte-Cunci, a ainsi indiqué que le nouvel équilibre pourrait « prendre différentes voies comme la coproduction, la copropriété des marques, voire la copropriété du format lui-même . Les règles ne peuvent être différentes entre secteur privé, qui bénéficie d'une part dépendante plus importante, et service public » 25 ( * ) .

Les dix premières sociétés de production
qui fournissent France Télévisions

Producteur

Dirigeant

Chiffre d'affaires (€)

1

TELFRANCE SERIE

Hubert BESSON

37 282 229

2

AIR PRODUCTIONS

Nagui FAM

24 115 381

3

RESERVOIR PROD

Jean-Baptiste CLAVERIE

19 004 629

4

MARTANGE PRODUCTION

Nathalie COTTET

17 985 612

5

TROISIEME OEIL PRODUCTIONS

Pierre-Antoine CAPTON

17 089 226

6

TOUT SUR L'ECRAN PROD

Philippe LEFEBVRE

15 142 430

7

17 JUIN MEDIA

Christian GUERIN

14 154 134

8

FREMANTLEMEDIA FRANCE

Monica GALER

13 473 120

9

GMT PRODUCTIONS

Alban ETIENNE

12 806 519

10

EFFERVESCENCE

Simone HALBERSTADT HARARI

12 760 734

Source : Réponse au questionnaire budgétaire PLF 2016

Votre rapporteur pour avis a également pris note avec satisfaction du fait que France Télévisions n'excluait pas une évolution de son modèle économique qui continuerait à voir décroître la place de la publicité à mesure que de nouvelles ressources issues d'une augmentation des droits attachés à la production pourrait intervenir . Lors de son audition par notre commission, Mme Delphine Ernotte a ainsi déclaré qu'elle était « attachée à un financement mixte de France Télévisions. Si demain l'entreprise devenait copropriétaire des droits sur les programmes, cela constituerait une nouvelle source de revenus mais il n'est pas sûr que ces ressources pourront compenser la baisse des recettes de la publicité, ce qui pose, en tout état de cause, un problème de calendrier » .

Comme le remarque la présidente de France Télévisions, « la BBC ne programme pas de publicité et son chiffre d'affaires atteint 1 milliard d'euros avec la monétisation des oeuvres qu'elle produit. Il y a un équilibre à trouver, par des financements mixtes ou publics » . On ne peut dès lors que partager là encore sa conviction selon laquelle il est « important pour l'entreprise que des équipes se mobilisent pour chercher des ressources supplémentaires. Il est sain pour son fonctionnement de continuer à insuffler cette culture d'entreprenariat, les notions de gestion et de chiffre d'affaires » . Si le maintien d'un financement mixte fait donc sens afin de compléter les ressources publiques par une ressource qui dépend de l'activité de la société, la seconde composante doit progressivement changer de nature à mesure que les droits issus de la production qui sont aujourd'hui négligeables pourront prendre le relai des recettes publicitaires . Une telle évolution semble réalisable compte tenu du poids des investissements de France Télévisions dans la production audiovisuelle pour autant qu'un changement de la réglementation soit réalisé.

Bilan de la contribution des chaînes à la production audiovisuelle en 2013

(en millions d'euros)

Éditeur

Total contribution = 829,9 M€

Contribution à la production indépendante = 713,9 M€

Groupe FTV

399,8 M€

393 M€ dont 386,5 M€ inédit

Groupe TF1

186 M€

139,6 M€ dont 129,6 M€ inédit

Groupe M6

110,8 M€
dont 36,3 M€ non patrimonial

69,8 M€ dont 61 M€ inédit

Groupe C+

85,9 M€

74,3 M€ dont 64 M€ inédit

Autres éditeurs

46,4 M€

36,2 M€ dont 25,2 M€ inédit

Source : CSA - Chiffres clés de la production audiovisuelle 2013

c) Les difficultés persistantes des recettes publicitaires

La baisse des recettes issues de la publicité et des parrainages explique pour une part importante la dégradation du résultat de France Télévisions et le déficit de 2015. Alors que le COM prévoyait un retour à l'équilibre en 2015, le Conseil d'administration de l'entreprise du 9 juillet dernier a acté une perte nette pour l'exercice de 11 millions d'euros qui doit être rapprochée de la baisse de 10 millions d'euros des recettes de publicité attendues en 2015 dans le cadre des nouvelles prévisions réalisées cet été.

Évolution des recettes de publicité et de parrainage de France Télévisions

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Budget

2015

Nouvelles prévisions

372,2

333,1

317,8

340,1

330,1

Source : Projet de loi de finances 2016

Ces moindres performances trouvent leur origine dans la dégradation du marché publicitaire, la concurrence accrue avec un nombre plus important de chaînes de la TNT et, par voie de conséquences, l'érosion des audiences de France Télévisions. Elles s'expliquent également par la moindre attractivité de la régie de la télévision publique qui ne peut proposer de messages en soirée alors même que les annonceurs ont tendance à concentrer leurs investissements sur un nombre plus réduit de médias. Les recettes de parrainages qui ont diminué de 3,9 % en 2014 pour s'établir à 56,9 millions d'euros devraient également connaître un recul en 2015 et 2016 du fait de l'inadaptation de la réglementation qui ne permet pas de mettre en valeur les produits.

3. Une dégradation de la situation financière de l'entreprise qui appelle des réformes structurelles

La structure du financement de l'audiovisuel public a sensiblement évolué depuis 2015, les différentes sociétés étant depuis lors financées exclusivement par la CAP à l'exception de France Télévisions qui a conservé une part de dotation budgétaire. Faute d'une réforme de la CAP qui aurait permis de mettre un terme au besoin d'une ressource complémentaire pour le groupe public de télévision, la dotation budgétaire devrait être remplacée en 2016 par l'affectation d'une part du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques.

a) Les ressources publiques en 2015

Le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » a été créé en LFI 2009, avec pour principal objet d'apporter à France Télévisions un financement complémentaire à la dotation issue du programme 841 « France Télévisions » de la mission « Avances à l'audiovisuel »), en raison des pertes de recettes commerciales occasionnées par la disparition de la publicité en soirée sur les chaînes de France Télévisions à partir de janvier 2009 (conséquence de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision).

En LFI 2015, les crédits totaux du secteur étaient stables par rapport à la LFI 2014 mais l'augmentation du produit de la CAP (notamment grâce aux 2 euros supplémentaires) a permis une diminution de la dotation en provenance du budget général. Dans un souci de simplification, la totalité du financement audiovisuel portée par le budget général a été affectée en 2015 à France Télévisions. Cette modalité de répartition des crédits audiovisuels a permis de mettre un terme dès 2015 au financement par le budget général de France Médias Monde et de TV5 Monde . Ce faisant, le nombre des organismes de l'audiovisuel public financé par le budget général a diminué.

En LFI 2015, la dotation totale de ressources publiques à France Télévisions était de 2 481,0 millions d'euros (HT), en baisse de -0,5 % par rapport à la LFI 2014, répartie comme suit : 160,4 millions d'euros à partir du programme 313 du budget général et 2 320,6 millions d'euros HT (2 369,4 millions d'euros TTC) à partir du programme 841 du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » . Cette dotation était inférieure de 4,6 millions d'euros HT (0,2 % des concours publics) par rapport à la prévision de l'avenant au COM pour l'annuité 2015.

b) Les ressources publiques en 2016

Le bleu budgétaire « Avances à l'audiovisuel public » indique que « lors de la remise du rapport du groupe de travail interministériel sur l'avenir de France Télévisions en mars dernier, le Gouvernement a indiqué que la trajectoire de ressources publiques de l'entreprise serait « au mieux stable, et pourrait plus probablement s'inscrire dans l'évolution à la baisse constatée ces dernières années » et que les conditions d'une modification de son régime publicitaire n'étaient pas réunies » .

Dans ce cadre, le projet de loi de finances prévoit d'allouer à France Télévisions en 2016 une dotation totale de ressources publiques de 2 485,5 millions d'euros HT, en hausse de 4,4 millions d'euros (+0,2 %) par rapport à la LFI 2015 . Cette dotation est composée de 40,5 millions d'euros issus du programme 313 du budget général et de 2 444,9 millions d'euros HT (2 494,7 millions d'euros TTC) issus du programme 841 du compte de concours financiers (CCF) « Avances à l'audiovisuel public ».

Les crédits du programme 841 proviennent pour 2 370,7 millions d'euros HT (2 420,5 millions d'euros TTC) du produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et pour 74,3 millions d'euros de la part de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) nouvellement affectée à France Télévisions , équivalent au produit attendu d'une hausse de 0,3 point du taux de cette taxe en PLF 2016.

Évolution du financement de France Télévisions

(Montants TTC, en millions d'euros)

2015

PLF 2016

PLF 2016
après vote
de la 1 re partie

Évolution 2016/2015

Contribution à l'audiovisuel publique

dont taxe sur les opérateurs de communications électroniques

2 369,3

-

2 494,7

75

2 560,2

140,5

+8 %

-

Crédits budgétaires

160,4

40,533

0

-100 %

Total

2 529,7

2 535,233

2 560,2

+1,2 %

Source : Projet de loi de finances pour 2015 et 2016 - État D

Comme cela a été indiqué précédemment, lors du débat à l'Assemblée nationale 26 ( * ) , la hausse de la « TOCE » a été finalement portée à 0,4 point par le Gouvernement afin d'affecter 25 millions d'euros de ressources supplémentaires à France Télévisions, ce qui revient à remettre en question l'intention de stabiliser les ressources de France Télévisions . Parallèlement, la dotation budgétaire a été entièrement remplacée par l'affectation d'une part du produit de la TOCE.

Cette hausse des ressources du groupe public de télévision trouve son origine dans la forte augmentation du déficit prévisionnel estimé à 50 millions d'euros en 2016 par la présidente de l'entreprise et la volonté de répartir les efforts entre les nouvelles économies réalisées par l'entreprise et l'actionnaire.

Un déficit de 45 à 50 millions d'euros à financer en 2016 pour France Télévisions

La prévision budgétaire de France Télévisions reposait sur une augmentation de 4,4 millions d'euros des ressources publiques par rapport au budget 2015 cohérente avec le niveau prévu pour 2015 à l'avenant au COM et une diminution de 20 millions d'euros des recettes publicitaires par rapport au budget 2015 qui s'explique par l'évolution défavorable du marché publicitaire pour France Télévisions (atonie du marché, concentration des investissements sur un nombre plus limité de régies, progression des audiences commerciales des chaînes de la TNT).

Les hypothèses concernant l'évolution des charges opérationnelles (+30 millions d'euros) comportent une progression limitée à 1,5 % de la masse salariale (contre +1,7 % dans l'avenant au COM 2013-2015) soit 14 millions d'euros environ ainsi qu'un glissement des autres charges de 1 % conformément aux hypothèses d'inflation sous-jacentes au PLF 2016, soit 16 millions d'euros environ.

Des dépenses conjoncturelles sont également prévues à hauteur de 20 millions d'euros qui correspondent d'une part à la couverture des Jeux olympiques de Rio à hauteur de 15 millions d'euros et du passage au MPEG-4 prévu le 5 avril 2016 qui devrait engendrer des coûts de migration au cours de l'année 2016 estimés par la direction de l'entreprise autour de 5 millions d'euros (fourchette basse d'une estimation comprise entre 4 et 11 millions d'euros).

À l'inverse, la prise en compte des effets en année pleine du plan de départs volontaires mis en oeuvre en 2014 et 2015 devrait impacter favorablement les comptes 2016 à hauteur de 7,5 millions d'euros (les économies du PDV ayant été évaluées à 30 millions d'euros en année pleine et à 22,5 millions d'euros en 2015 compte tenu d'une mise en oeuvre en avril).

Au total, le bleu budgétaire estime que « ce sont de l'ordre de 40 à 45 millions d'euros de charges nettes supplémentaires qui devraient peser sur l'entreprise en 2016. Des économies de gestion - pour lesquelles FTV retient une hypothèse de 20 millions d'euros par rapport au budget 2015 - devraient permettre de réduire l'impact de ces charges supplémentaires sur le résultat, mais sans les compenser intégralement » .

Selon France Télévisions, ces éléments conduiraient en 2016 à un déficit tendanciel de 45 à 50 millions d'euros. Ce déficit peut être considéré comme structurel car il correspond à la situation identifiée par le rapport du groupe de travail interministériel sur l'avenir de France Télévisions coordonné par Marc Schwartz qui estimait que « la fragilisation des recettes de France Télévisions et la rigidification de sa structure de charges (...) entraînaient le groupe dans un « effet de ciseau » (...) qui ne manquerait pas de se déployer dans les prochaines années, faute d'adaptation de son modèle économique » . Selon ce rapport, cette situation « amènerait l'entreprise, toutes choses égales par ailleurs, dans une situation non soutenable financièrement, avec un résultat négatif atteignant rapidement plusieurs dizaines de millions d'euros » .

B. ARTE-FRANCE : LA CHAÎNE « PREMIUM » DU SERVICE PUBLIC ?

1. Une stratégie éditoriale de qualité qui séduit un public de plus en plus large

Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer les résultats de la chaîne franco-allemande qui connaît une progression de son audience tant en France qu'en Allemagne. Les objectifs du COM 2012-2016 sont donc respectés, Arte progresse dans un secteur en constante mutation, caractérisé par une concurrence accrue et des moyens budgétaires limités.

Les audiences se sont stabilisées en France à un niveau record de 2 % de part d'audience en 2014 et continuent leur progression en 2015 (2,2 % sur la période janvier-septembre 2015) . Au cours des quatre dernières années, l'audience d'Arte a augmenté de +47 % (de 1,5 % à 2,2 %). L'image de la chaîne s'améliore également puisqu'elle est perçue comme plus accessible sans transiger sur la qualité. Les valeurs fondamentales de la chaîne sont respectées : engagement pour la culture, soutien à la création européenne, attachement à la diversité des genres et des sensibilités artistiques. Le succès des séries d'Europe du Nord (« Real Humans », « Borgen ») ou françaises (« Ainsi soient-ils ») comme celui des documentaires ou de l'information permet de penser que l'équilibre du modèle a été trouvé et qu'il convient de le consolider.

Le développement du numérique doit pouvoir constituer un relais de croissance. Les résultats communiqués par la chaîne sont, à cet égard, encourageants : 13,4 millions de visites sur Internet par mois sur les huit premiers mois de 2015 (le double de 2011), un âge moyen de 45 ans sur Internet et de 35 ans sur les réseaux sociaux et une durée moyenne de visionnage de 11'34''. La stratégie éditoriale multi-supports porte ses fruits ainsi que le choix de développer une galaxie d'offres numériques (Arte+7, Concert, Créative, Future, Info, Cinéma). La chaîne estime que le numérique représente un relais de croissance important pour elle notamment grâce à la télévision de rattrapage (11,2 millions de vidéos Arte+7 vues en moyenne sur les 8 premiers mois 2015, soit le triple du niveau de 2011).

2. Des moyens qui demeurent limités

Alors même que sa dotation publique est en baisse (260,51 millions d'euros en 2014 contre 262,65 millions d'euros en 2013), Arte France a préservé au maximum ses investissements dans les programmes (130,8 millions d'euros soit une hausse de 1,1 million d'euros par rapport à 2013), grâce aux recettes complémentaires apportées par les activités commerciales, à ses efforts de gestion et à la mobilisation de son report à nouveau (fonds de roulement net disponible). La direction d'Arte France estime également que « les dépenses de fonctionnement modestes de l'entreprise ont été maîtrisées grâce à de réels efforts d'économies et à une politique d'appels d'offres efficace » .

La direction d'Arte France entend continuer à donner la priorité à ses investissements dans les programmes en 2016 afin de consolider la dynamique éditoriale favorable, de s'adapter au contexte de forte concurrence (offre linéaire et non linéaire, rattrapage, VoD et SVoD) qui fragmente les audiences et accroît les coûts de certains programmes et maintenir l'équilibre des apports de programmes avec Arte Deutschland. L'objectif stratégique à court terme est de revenir au niveau d'investissement dans les programmes réalisé en 2012 (133,1 millions d'euros) après trois années de tassement.

Pour 2016, le niveau de CAP prévu (264,3 millions d'euros HT soit 269,8 millions d'euros TTC) augmente de 2,5 millions d'euros soit +1 % . Compte tenu des économies prévues par l'arrêt de la diffusion en SD (-4 millions d'euros), il devrait permettre un niveau d'investissements dans les programmes de 132,7 millions d'euros proche de 2012. Au total, le budget d'Arte France s'établira en 2016 en équilibre emplois - ressources à 270,4 millions d'euros.

Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer les performances d'Arte France dans un contexte marqué par une forte contrainte sur les moyens depuis 2012. Il regrette quelque peu, à cet égard, que le développement d'Arte France n'ait pas bénéficié d'un véritable soutien depuis 2012. On peut rappeler, à cet égard, que les objectifs de CAP fixés par le COM initial pour la période 2012-2016 n'ont pas été respectés ce qui se traduit par exemple pour 2016 par une moindre affectation de la CAP de 34,6 millions d'euros par rapport à l'objectif initial .

Les bons résultats d'Arte France justifient de préserver son modèle propre. Elle constitue aujourd'hui la véritable offre « Premium » du service public comme l'illustre la nette progression de son audience adossée à une qualité de ses contenus unanimement reconnue. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis n'a pas proposé d'inclure Arte France dans le périmètre du regroupement des sociétés de l'audiovisuel public qu'il préconise, même s'il estime que les mutualisations entre Arte France et France Télévisions pourraient être développées.

C. RADIO FRANCE : UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE REPORTÉ À 2018

Dans son avis sur le PLF 2015, dans un contexte marqué par la perspective du premier déficit de l'histoire de Radio France, votre rapporteur pour avis avait insisté sur le fait que les nombreuses difficultés que rencontrait le groupe de radio publique « devront recevoir des réponses dans le nouveau COM qui devrait être adopté en décembre (2014) et soumis à l'examen de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication au premier trimestre 2015 » 27 ( * ) .

Le contrat d'objectifs et de moyens n'a pas été présenté dans les temps, ce qui n'a pu qu'accentuer les inquiétudes des personnels qui n'ont par ailleurs pris connaissance qu'à l'automne 2014 de la forte dégradation de la situation financière de l'entreprise. Cette difficulté à définir la feuille de route stratégique de l'entreprise a, sans nul doute, constitué un terreau propice à la dégradation du climat social qui a caractérisé l'année écoulée.

1. Une entreprise affaiblie par une grève de 28 jours

Radio France a connu en 2015 la plus longue grève de son histoire . Après deux premiers appels à la grève les 11 février et 12 mars, motivés en particulier par des craintes concernant la suppression de nombreux emplois, c'est l'annonce, le 18 mars dernier, du prix des travaux du bureau du président qui a motivé un appel à une grève illimitée 28 ( * ) . Dès lors, le conflit s'est installé dans le temps au rythme des révélations de presse visant directement le président de Radio France avec pour objectif de l'affaiblir.

La ministre de la culture et de la communication a demandé le 25 mars à la direction qu'elle lui transmette « un projet stratégique et financier stable ». Ce plan, adopté début avril par le gouvernement, prévoyait notamment un plan de départs volontaires de 300 à 380 personnes , l'abandon des ondes moyennes et une hausse des recettes issues de la publicité ainsi qu'une dotation de l'État pour terminer le chantier de rénovation de la Maison de la radio.

Face à l'opposition persistante des syndicats, le 8 avril, le CSA en a appelé à une médiation confiée par le gouvernement à M. Dominique-Jean Chertier lequel a élaboré, dès le 10 avril, un texte de compromis rejeté par les syndicats. La grève sera levée le 16 avril en l'absence d'accord avec pour conséquence le maintien d'un climat social sensible .

Votre rapporteur pour avis a souhaité rencontrer les syndicats de Radio France afin de se rendre compte de leur perception de la situation. La CGT estime ainsi que « les braises du conflit ne sont pas éteintes » et que la suppression de 270 postes prévue dans le COM risque d'affaiblir « des secteurs entiers ». La centrale syndicale considère que le secteur de la production a été malmené et s'interroge sur les investissements prévus pour les studios moyens. Concernant le bilan du médiateur, la CGT reconnaît son rôle afin de limiter les hauts revenus de l'entreprise. Elle considère par ailleurs que le renouvellement générationnel qui devrait se traduire par 24 % de départs d'ici 2021 est de nature à éviter les suppressions d'emplois compte tenu des économies attendues sur les salaires. La CGT considère ainsi que l'objectif d'un retour à l'équilibre en 2018 comme possible.

La CFTC de Radio France rappelle pour sa part la responsabilité du chantier de rénovation dans la dégradation de la situation financière et s'inquiète de l'emprunt de 70 millions d'euros qui devrait être souscrit pour financer son achèvement. Elle considère que la masse salariale n'est pas responsable des problèmes rencontrés observant qu'elle a augmenté trois fois moins que celle des cadres de direction. La CFTC explique aussi que les contraintes budgétaires se font sentir sur France Bleue où les programmes de l'après-midi ont disparu pendant les vacances scolaires pour éviter de recourir à des CDD. Elle s'est, par ailleurs, déclarée favorable à l'adoption d'une réforme de la CAP « à l'allemande » telle que proposée par votre rapporteur pour avis.

La SNJ considère que c'est la baisse de la dotation qui est à l'origine des difficultés financières et estime que le projet de COM n'est pas suffisamment ambitieux notamment concernant la création. Concernant la CAP, le syndicat estime qu'il est urgent de rappeler que les contenus ne sont pas gratuits et que la publicité sur les contenus numériques doit être également prise en compte. Le SNJ s'inquiète du projet de chaîne d'information en continu de France Télévisions et de la participation de Radio France qui pourrait impliquer toutes les rédactions. Pour le SNJ, le recours au médiateur a permis de « remettre tout le monde autour de la table » . Le syndicat est toutefois plus prudent sur les perspectives d'évolution démographiques et rappelle qu' « on ne sait pas quand les gens partiront à la retraite avec la retraite à 70 ans ce qui risque de mettre fin aux augmentations individuelles si le nombre de départs est insuffisant » .

SUD estime que les tensions subsistent suite au conflit du printemps et s'inquiète de la trajectoire financière notamment concernant la dotation en capital dont le calendrier reste à préciser. Le syndicat considère que l'emploi est devenu la variable d'ajustement. Il regrette l'absence de véritables dispositions dans le COM concernant l'organisation de la musique et appelle à une remise à plat « sans tabous ». SUD considère également que les réponses apportées au problème de la précarité sont insuffisantes.

L'UNSA pour sa part appelle à des négociations sur le multimédia et sur la précarité et estime que l'entreprise ne pouvait supporter un plan de départs plus important. Le syndicat considère qu' il y a un dysfonctionnement majeur dans la gouvernance dont témoigne le temps qui a été nécessaire pour établir le COM et qui s'illustre également dans la faiblesse du conseil d'administration . Le syndicat estime par contre que le bilan du médiateur a été positif car il a permis de discuter des problèmes.

L'UNSA dénonce le poids pris par la publicité sur les contenus numériques en l'absence de tout encadrement pour un résultat financier très limité (environ 700 000 euros) . Si le syndicat n'est pas opposé à une diversification des annonceurs, il estime qu'une augmentation du volume y compris dans les limites aujourd'hui autorisées affaiblirait l'identité de l'entreprise. Concernant la hausse de la masse salariale intervenue, l'UNSA indique qu'elle s'est accompagnée d'une évolution du périmètre avec le développement de stations locales (Le Mans, Saint-Etienne), du Mouv et du numérique. L'UNSA s'inquiète de la fragilité du financement à travers la hausse de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques et soutient le projet d'une CAP « à l'allemande » défendu par votre rapporteur pour avis.

La Société des producteurs associés de Radio France (SPARF), reçue par votre rapporteur pour avis, ne fait pas un constat plus optimiste de la situation qui se caractérise, selon elle, par le poids trop important des différentes tutelles qui favorise l'immobilisme. La toute nouvelle société de producteurs regrette que les propositions du rapport de la Cour des comptes n'aient pas été retenues par la direction et attend un véritable projet sur les contenus craignant que le retour à l'équilibre ne se fasse au détriment de l'investissement dans les contenus. La SPARF s'inquiète par ailleurs de la politique de location des studios à des entreprises qui aurait pour conséquence de réduire « l'outil de travail ». Elle souhaite également la définition d'un véritable projet pour France Musique qui tienne compte des quatre formations musicales de Radio France et lui permette de se distinguer de Radio Classique.

2. Un rapport sévère de la Cour des comptes dont les conclusions restent à mettre en oeuvre

La Cour des comptes a réalisé un contrôle de Radio France sur la période 2004-2013. Le rapport de la Cour publié en avril 2015 « ne remet pas en cause la qualité ni la légitimité du service public de la radio qu'assure Radio France » 29 ( * ) . Il reconnaît même que : « La qualité des programmes de Radio France fait en général l'objet d'une appréciation très positive » et que « la rareté de la publicité sur les antennes est un atout de la radio de service public puisque le émissions ne sont pas interrompues par des coupures publicitaires ». Par contre, le rapport a dressé un constat sévère de la dérive financière du groupe de radio publique et formulé des recommandations qui n'ont pas encore reçu de véritables réponses de la part de l'entreprise comme de ses tutelles .

La Cour regrette, en particulier, le retard dans la prise de conscience des économies à réaliser et des réformes de structure à conduire alors même que de telles réformes ont été conduites dès la fin des années 90 par la BBC, la RTBF et la radio danoise afin de « diminuer progressivement leurs effectifs, réduire leurs dépenses et de préparer l'avenir en engageant des dépenses de modernisation » 30 ( * ) . Pour la Cour des comptes : « compte tenu des informations disponibles, l'État et l'entreprise auraient dû tirer, dès 2012, toutes les conséquences du nouveau contexte budgétaire » . Elle observe, par ailleurs, que « de 2006 à 2013, les versements de l'État à Radio France ont augmenté deux fois plus vite que les dépenses du budget général de l'État (+22,3 % contre 9,1 %) ». En matière de maîtrise des effectifs, la Cour considère que « l'État n'a demandé aucun effort de productivité » alors que « la masse salariale totale de Radio France a augmenté de 18,8 % entre 2006 et 2013, deux fois plus que les dépenses du budget général de l'État, alors même que les ressources propres de l'entreprise diminuaient » du fait de la crise du marché de la publicité et des déménagements des locataires de la Maison de la Radio liés au chantier de réhabilitation. La Cour des comptes remarque enfin qu' « avec le COM, l'État actionnaire et financeur dispose en principe d'un outil lui permettant de contractualiser avec les dirigeants de radio France des objectifs procédant d'une stratégie explicite de réforme. À l'évidence, ni l'entreprise ni ses tutelles n'ont fait jusqu'à présent des COM un véritable levier de changement » .

Comme le montre le rapport de la Cour des comptes, la dégradation des comptes de Radio France date de 2013 avec l'apparition pour la première fois d'un résultat d'exploitation « retraité » négatif à hauteur de -1,157 million d'euros. Elle a été suivie en 2014 d'un résultat négatif de 2 millions d'euros qui a atteint -21,3 millions d'euros en 2015. Un « effet de ciseau » est ainsi apparu compte tenu de la faible augmentation des ressources (hausse de la redevance de +4,5 % entre 2010 et 2013) et une hausse plus rapide des charges d'exploitation (+7,7 % de 2010 à 2013). Pour la Cour, « l'entreprise n'a pas été en mesure de freiner ses dépenses, compte tenu de son mode d'organisation, de ses méthodes de gestion et des rigidités de son modèle social » et « si aucune mesure correctrice n'est prise, sont prévus des soldes de trésorerie négatifs de l'ordre de -86 millions d'euros en 2015 et de -145 millions d'euros en 2016 » .

Compte tenu des faibles perspectives du côté d'une augmentation des ressources, la Cour des comptes considère que « la principale voie qui s'ouvre à Radio France passe par un effort très significatif sur les charges d'exploitation, ce qui implique d'importantes mesures de réorganisation, afin de dégager des économies structurelles. Or les mesures qui ont pu être engagées en ce sens ces dernières années ne sont pas proportionnées aux enjeux » . Elle considère dès lors que « l'élaboration du prochain COM constitue un jalon décisif pour le devenir de Radio France » et formule un certain nombre de recommandations.

Concernant plus particulièrement l'évolution de la masse salariale, « la Cour estime nécessaire d'introduire dans le futur COM un objectif contraignant d'évolution de la masse salariale, assorti d'un objectif d'évolution à la baisse, sur les cinq années à venir, de la proportion des charges salariales dans les charges d'exploitation de radio France » 31 ( * ) .

Exemples de recommandations du rapport de la Cour des comptes
qui n'ont pas été retenues dans le futur COM

2 - Statuer sur l'avenir du Mouv avant la signature du COM 2015-2019 ;

6 - Fusionner les deux orchestres symphoniques de Radio France, établir une direction commune à France Musique et à la direction de la musique ;

15 - Fusionner les rédactions de France Inter, France Info et France Culture.

3. Un projet de COM qui trace une trajectoire financière incertaine

Le premier alinéa de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que « des contrats d'objectifs et de moyens sont conclus entre l'État et chacune des sociétés ou établissements suivants : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, Arte-France et l'Institut national de l'audiovisuel. La durée de ces contrats est comprise entre trois et cinq années civiles. Un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président » .

Le précédent COM ayant été conclu le 29 juillet 2010 pour la période 2010-2014, cela fait maintenant plusieurs mois que Radio France est dépourvu de document fixant à la fois, selon les termes de la loi, « les axes prioritaires de son développement » , « le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui seront retenus » , « le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes » , « le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage », « les axes d'amélioration de la gestion financière et des ressources humaines » et « le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier ».

Le projet de COM qui a été transmis à votre commission officiellement le 28 octobre 2015 réaffirme à la fois les missions de Radio France et la nécessité pour l'entreprise de « se transformer tout en restant elle-même » . Concernant les éléments de cette transformation qui pourraient avoir un impact sur la résorption du déficit, votre rapporteur pour avis observe qu'ils sont pour l'essentiel reportés dans le temps. C'est le cas de l'avenir du Mouv par exemple, le projet de COM indiquant qu'une évaluation de son nouveau positionnement éditorial et de sa rencontre avec ses publics sera réalisé fin 2016 ce qui signifie qu'une décision sur son maintien en diffusion hertzienne ou son basculement en webradio n'interviendra qu'en 2017 au plus tôt. On peut rappeler que la Cour des comptes préconisait que le sort du Mouv soit fixé avant la signature du COM.

Concernant l'avenir de la musique, le projet de COM ne retient pas la recommandation de la Cour des comptes de fusionner les deux orchestres symphoniques de Radio France et d'établir une direction commune à France Musique et à la direction de la musique 32 ( * ) . Il renvoie, par ailleurs, l'éventuelle mise en oeuvre des recommandations formulées par Stephan Gehmacher « à l'issue de la première année d'exécution du COM » soit, dans les faits, à 2017.

L'application des recommandations de M. Gehmacher renvoyée à plus tard

M. Stephan Gehmacher qui a été à l'origine d'une réforme des formations musicales de la radio bavaroise et de la radio berlinoise est intervenu au printemps 2015 à la demande du président de Radio France pour réaliser un rapport 33 ( * ) sur le fonctionnement des formations musicales de Radio France.

Votre rapporteur pour avis a interrogé lors de son audition du 28 octobre 34 ( * ) le président de Radio France sur le fait de savoir pourquoi le COM prévoit que les recommandations faites par M. Stephan Gehmacher devront donner lieu à une réforme « à l'issue de la première année d'exécution du COM » c'est-à-dire seulement en 2017. Concernant le Choeur par exemple, avec ses 115 membres, il constitue selon M. Gehmacher « une exception absolue parmi les choeurs professionnels » qui comptent la plupart du temps une cinquantaine de membres. De la même manière, les effectifs de l'Orchestre philharmonique de Radio France se situent « au-dessus de celui d'ensembles semblables en dehors de France » . M. Gehmacher évoque la possibilité de synergies pour combler des remplacements ou permettre des renforts.

Dans sa réponse, M. Mathieu Gallet a expliqué que « les travaux menés cet été par Stephan Gehmacher, directeur de la Philharmonie de Luxembourg, sur les formations musicales de Radio France ont été particulièrement instructifs, d'autant plus que l'auteur bénéficiait de toute la légitimité en raison de ses compétences et à sa gestion saluée du service public de l'audiovisuel de Bavière, dont les caractéristiques sont proches en de nombreux points de celles de Radio France » . Il a indiqué que « la réception de ses conclusions a quelque peu secoué nos musiciens, notamment s'agissant de sa proposition relative à un orchestre philharmonique à géométrie variable. Ce rapport va - j'en suis convaincu- nous permettre de construire à Radio France une offre musicale dotée d'une véritable identité, afin de la faire émerger dans un contexte où le nombre de salles parisiennes ne cesse de croître : 2015 a ainsi vu la Philharmonie être inaugurée tandis que les équipements de l'Ile Seguin devraient être accessibles en 2017. Notre réflexion relative à l'affirmation d'une identité culturelle propre à Radio France s'appuie, en outre, sur les travaux menés sur ce thème par Marie-Pierre de Surville » .

Concernant l'information, la recommandation de la Cour des comptes consistant à fusionner les rédactions de France Inter, France Info et France Culture n'a pas été retenue alors même que l'on imagine bien les économies qui pourraient résulter d'un tel rapprochement. À noter également que le projet de COM ne précise pas le rôle que pourra jouer France Info dans le projet de chaîne d'information en continu sinon en mentionnant le fait que l'antenne « a vocation à jouer un rôle moteur » .

Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter l'absence de coordination des COM qui a pour conséquence de ne pas faire figurer dans le projet de COM de Radio France examiné en novembre 2015 le projet de chaîne d'information en continu qui fait l'objet de discussions au même moment et qui constitue une occasion de mettre en oeuvre des mutualisations importantes. Le COM ayant été présenté plus de 18 mois après l'entrée en fonction du nouveau président de Radio France, il estime qu'il aurait sans doute été utile de mettre à profit ce retard pour rechercher une meilleure coordination avec le COM de France Télévisions sur toutes les actions pouvant faire l'objet de mutualisations.

Votre rapporteur pour avis s'étonne, par ailleurs, de la propension du COM à renvoyer à 2017 plusieurs décisions importantes pour l'avenir de l'entreprise et sa capacité à réduire son déficit (avenir du Mouv et des formations musicales, mutualisation des rédactions, évolution des effectifs) laissant à penser que l'entreprise serait entrée dans une longue phase de transition. Le report du retour à l'équilibre de 2017 à 2018 apparaît à cet égard comme un mauvais signal concernant la volonté de redresser les finances du groupe public de radio .

Votre rapporteur pour avis s'inquiète, par ailleurs, de la tentation d'accroître les recettes liées à la publicité digitale qui affaiblit déjà l'identité des contenus numériques de Radio France et de la volonté de développer la location des espaces de la Maison de la Radio qui semble déjà poser des problèmes de disponibilité des équipements pour la production radiophoniques selon la SPARF.

Concernant le financement des investissements, le projet de COM prévoit le maintien à son niveau de 2014 sur toute la durée du COM à venir de la CAP d'investissement soit 24,6 millions d'euros, l'attribution à Radio France d'une subvention complémentaire de 25 millions d'euros en 2016, 2017 et 2018 et d'une dotation en capital de 55 millions d'euros dont les dates de versement restent cependant à préciser.

4. Un retour à l'équilibre du résultat reporté à 2018

À court terme, la situation financière de Radio France devrait être moins défavorable que prévu en 2015 pour des raisons comptables 35 ( * ) . La prévision de déficit qui s'établissait ainsi à 21,3 millions d'euros en début d'année et qui avait été actualisée cet été à -19,171 millions d'euros pourrait s'établir in fine à 10 à 12 millions d'euros . Le président de Radio France, auditionné par votre rapporteur pour avis, a toutefois insisté sur le caractère particulier et non reconductible de ce résultat qui s'explique notamment par des économies sur des provisions pour contentieux dont l'issue s'est révélée favorable à l'entreprise.

Concernant 2016, le projet de loi de finances prévoit une hausse de 5 millions d'euros de la part de CAP qui passerait ainsi de 601,8 à 606,8 millions d'euros HT (619,5 millions d'euros TTC) dans le cadre de la hausse de 25 millions d'euros prévue sur trois ans. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé une dotation en capital de 55 millions d'euros ainsi qu'une possibilité pour l'entreprise de pouvoir s'endetter jusqu'à 90 millions d'euros.

Les négociations avec les banques relatives à l'autorisation d'emprunt ne prévoient pas de « garantie » de l'État. Par contre, elles ont pris en compte le plan d'affaires de l'entreprise et les perspectives de retour à l'équilibre d'exploitation.

Le déficit prévisionnel s'établit à 16,562 millions d'euros pour 2016. Il s'établirait selon la direction de l'entreprise à 6,458 millions d'euros en 2017 avant un retour à l'équilibre prévu en 2018 (+2,785 millions d'euros après charges financières) au lieu de 2017 compte tenu de l'abandon du plan de départs volontaires.

Dès 2016, une légère baisse du déficit devrait être obtenue grâce aux recettes commerciales, une révision du cahier des charges devant permettre de sécuriser les recettes publicitaires tandis que les autres ressources propres (éditions, concerts, locations d'espaces) se développeraient. Le bleu budgétaire « Avances à l'audiovisuel public » évoque également des économies réalisées sur les frais de diffusion avec l'arrêt du 31 décembre 2015 de la diffusion en ondes moyennes et de nouveaux efforts sur la politique d'achats et de consommation. Le même document budgétaire se contente par ailleurs de mentionner sans plus de précisions « un effort de maîtrise de la dynamique de la masse salariale à travers différents leviers (modération salariale, travail sur les effectifs, réduction de la précarité etc.) » .

Par ailleurs, le chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio se poursuivra en 2016 avec l'achèvement de la phase 4 des travaux et le démarrage de la phase 3. De nouvelles opérations sont également envisagées afin de renforcer l'étanchéité du bâtiment et de rénover les façades ainsi qu'une rénovation des studios moyens.

La réduction des effectifs devrait concerner 230 CDI avec le non renouvellement d'un départ sur deux en 2016 et 2017 et un sur trois en 2018 . Les perspectives démographiques garantissent, selon l'entreprise, la réalisation de l'objectif puisque le potentiel des départs naturels a été évalué à 800 en quatre ans. Les embauches devraient être limitées au minimum (+10) en 2016 et en 2017 ce qui nécessitera de procéder à des redéploiements pour étoffer les moyens en faveur du développement du numérique et du marketing relationnel. La direction de Radio France prévoit ainsi 22 millions d'euros d'économies structurelles sur la masse salariale sur la période d'application du COM. Elle estime que le plan de départs volontaires avait pour inconvénient d'arriver trop tôt par rapport au rythme des réformes de l'entreprise.

Concernant la publicité, le président de Radio France a confirmé son souhait de pouvoir baisser le volume horaire tout en pouvant lisser sur la journée et sur l'année. Il se déclare « prêt à prendre des engagements » pour garantir qu'il n'y aura pas de hausse de la publicité. Votre rapporteur pour avis s'inquiète pour sa part du développement de la publicité dans les contenus numériques de Radio France , celle-ci étant amenée à se développer selon le COM alors même qu'elle ne fait pas l'objet d'un véritable encadrement et qu'elle fait peser un risque sur l'identité même de la radio publique.

Quelle place pour Radio France dans la chaîne d'information en continu
de France Télévisions ?

Les réflexions entre Radio France et France Télévisions sur la future chaîne d'information en continu ont débuté et mettent en évidence des conceptions différentes. Pour Radio France qui peut s'appuyer sur l'expérience des 28 années d'existence de France Info, une telle chaîne doit pouvoir s'appuyer sur une diffusion en linéaire avec des modules d'enrichissement « pour aller plus loin ». Une chaîne d'information en continu ne doit pas être une simple chaîne d'actualité. Évoquant l'exemple de la RTBF, le président de Radio France met en avant la possibilité de développer un programme de radiotélévision qui permettrait une continuité de service à moindre coût (l'équipement étant constitué d'un studio de radio complété par une douzaine de caméras automatiques). Dans cette optique, Radio France pourrait proposer de produire les tranches d'information de la matinée et de la soirée avec quelques modules dans la journée.

Votre rapporteur pour avis estime que le déficit de Radio France en 2016 reste trop important compte tenu des marges de manoeuvre conséquentes identifiées par la Cour des comptes pour réaliser des économies . C'est plus globalement l'ensemble de la trajectoire financière de retour à l'équilibre qui lui apparaît insuffisamment ambitieuse .

Votre rapporteur pour avis est tout à fait conscient des difficultés qui subsistent à Radio France après le long conflit du printemps mais il estime que c'est l'absence de choix clairs de la part de l'actionnaire qui en est à l'origine et que les personnels seraient d'autant plus enclins à accepter des réformes que le projet pour l'entreprise serait ambitieux et convainquant. Au lieu de cela, le report à plus tard des réformes indispensables risque de fragiliser encore un peu plus le climat social et d'aggraver la situation financière.

D. L'INA : UNE RÉORIENTATION STRATÉGIQUE BIENVENUE

1. Une situation enfin clarifiée

L'INA sort progressivement d'une situation qui devenait de plus en plus incertaine. Le désaccord avec l'État sur le projet immobilier avait conduit en 2014 à un prélèvement de 19,8 millions d'euros sur son fonds de roulement et à une baisse de sa dotation de 1,2 million d'euros. Le changement de président avec l'arrivée de Mme Agnès Saal en mai 2014 devait permettre une remise à plat de la situation et un nouveau départ pour cet établissement unique en charge de la mémoire audiovisuelle.

Il n'en fut rien puisque le projet, plus raisonnable, de regroupement de l'essentiel des implantations sur le site historique de Bry-sur-Marne davantage adapté au contexte budgétaire a été éclipsé par la polémique créée par le montant des notes de taxi de sa présidente qui a conduit à sa démission le 28 avril 2015 sur fond crise plus générale de la gouvernance de l'Institut.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le nouveau président-directeur-général, M. Laurent Vallet, qui a pris ses fonctions le 21 mai 2015 a indiqué que la priorité était d'imaginer l'après « plan de sauvegarde numérique » (PSN) qui a occupé les trois précédents COM et qui devrait s'achever à l'issue du prochain COM. Il souhaite à cette fin réinventer le rôle et la place des archives et des métiers de l'INA dans le cadre d'une démarche davantage tournée vers les usages que vers les outils.

Lancement d'« Ina Premium »

« J'aime le Culte » , c'est avec ce slogan accrocheur que l'INA a lancé son offre de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) le 30 septembre 2015. Cette plateforme a été développée en deux ans et demi pour un coût de 3 millions d'euros. L'abonnement à INA Premium permet pour 2,99 euros par mois d'accéder à 20 000 contenus qui constituent « ces moments cultes de notre mémoire audiovisuelle » selon M. Laurent Vallet qui revendique un positionnement de « Netflix du culte » pour cette plateforme qui doit permettre à chacun de « retrouver des racines et des repères » .

Concernant le modèle économique de l'INA, M. Laurent Vallet considère que le statut d'établissement public économique et commercial (EPIC) constitue une chance et doit être valorisé et que les ressources commerciales ne sont pas vouées par nature à décroître. Interrogé sur les difficultés rencontrées récemment par l'institution, son président a reconnu que « le contrôle de la dépense n'était pas optimal » à l'INA et qu'il était nécessaire d'y appliquer les règles déjà développées dans les entreprises publiques et privées notamment en ce qui concerne la politique des achats.

Le projet de regroupement de la majorité des services de l'INA à Bry-sur-Marne sera poursuivi en 2016 avec la construction d'un nouveau bâtiment de 4 000 m 2 . Seuls les locaux d'Issy-les-Moulineaux seront conservés pour la formation ainsi que le site des Essarts qui accueille le stockage des supports originaux et qui pourrait faire l'objet d'une mutualisation avec le CNC et la cinémathèque.

Au regard du PLF 2016, le bleu budgétaire 36 ( * ) indique que « les prévisions budgétaires 2016 de l'INA son concordantes avec la trajectoire financière de son projet de contrat d'objectifs et de moyens 2015-2016 » . Les ressources issues de la CAP sont reconduites à l'identique à 89 millions d'euros HT (84,5 millions d'euros en fonctionnement et 4,5 millions d'euros en investissement) tandis que les ressources propres s'élèveraient à 38 millions d'euros soit le même niveau que celles prévues par le budget rectificatif pour 2015 (en recul de 1,7 million d'euros par rapport au budget initial pour 2015). L'objectif premier est de « maintenir le compte de résultat à l'équilibre et d'accroître les capacités d'investissement afin d'engager la rénovation du système informatique, de financer le projet immobilier, et de poursuivre dans de bonnes conditions le plan de sauvegarde numérique des fonds audiovisuels » . Il s'agit également « d'investir dans les domaines d'activités (productions, formations, outils numériques) qui permettront ensuite d'obtenir des ressources propres supplémentaires, en France et à l'étranger » .

Votre rapporteur pour avis estime que les orientations définies pour 2016 par le nouveau président sont cohérentes et devraient permettre un « retour à la normale » . Il observe toutefois le maintien à un niveau élevé (67,5 millions d'euros) de la masse salariale qui s'explique par le coût des mesures générales qui, compte tenu, de l'accord collectif s'élève à 1,1 million d'euros par an.

2. Un COM réorienté avec des objectifs plus réalistes

Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens 37 ( * ) qui a été transmis aux commissions compétentes du Parlement sera examiné par notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 1 er décembre 2015. Il repose sur quatre axes stratégiques :

- réaffirmer la mission patrimoniale de l'INA , en adaptant ses actions de conservation et de valorisation du patrimoine audiovisuel aux évolutions technologiques. Dans ce contexte, l'INA affiche l'ambition de réaliser « un élargissement, ordonné et économiquement soutenable, de sa politique de collecte d'archives audiovisuelles, qui permette de maintenir l'attractivité de ses fonds malgré la diminution progressive des flux d'archives issus de la télévision et de la radio publiques » ;

- assumer sa vocation industrielle et commerciale : l'INA souhaite renforcer la valorisation de ses contenus et de ses savoir-faire (la vente d'images et de sons, le conseil, l'expertise, la gestion de fonds d'archives tiers, publics et privé), ce qui passe notamment par « la conquête de nouveaux territoires, en France et à l'étranger » ;

- développer la logique d'innovation intrinsèque à l'INA, notamment en matière de production audiovisuelle, de recherche dans le domaine du traitement de l'image et du son, d'adaptation de l'offre aux nouveaux modes de consommation ou encore de formation et d'éducation à l'image ;

- moderniser la gestion de l'entreprise : à cet égard, l'INA s'engage à se doter d'un dispositif de contrôle interne comptable et de gestion renforcé, ainsi que d'une politique d'achat restructurée et mieux centralisée, et à élaborer un plan de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, « indispensable au regard d'une « pyramide des âges » qui verra le départ de près de 25 % des effectifs actuels sur les cinq prochaines années ». L'INA s'engage par ailleurs à plafonner sa masse salariale à hauteur de 67,5 millions d'euros par an sur l'ensemble de la durée du COM, pour une masse salariale actuelle de 67,10 millions d'euros . Enfin, le COM présente un projet immobilier qui paraît pertinent, visant à rationaliser ses différentes implantations, et qui sera autofinancé sur la durée du COM.

La réalisation de ces ambitions pourra être évaluée à l'aune de dix-sept objectifs assortis de dix-huit indicateurs.

Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer les évolutions inscrites dans le projet de COM par rapport aux orientations du document initial qui avait été présenté devant votre commission le 6 avril dernier 38 ( * ) . La volonté d'alors de développer l'INA auprès des collectivités territoriales et, plus encore, auprès des entreprises privées hors médias afin de les aider à conserver leurs archives audiovisuelles semblait trop éloignée de la vocation originelle de l'INA et trop peu documentée pour ne pas présenter de risques financiers . Si la valorisation de l'expertise de l'INA auprès de nouveaux acteurs ne saurait être exclue a priori , elle ne doit pas s'apparenter par contre à la recherche de nouvelles missions pour justifier le maintien d'un niveau de ressources publiques élevé alors que certaines missions historiques de l'établissement pourraient perdre de leur importance dans les années à venir .

Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter, à cet égard, que le projet de COM de l'INA n'engage pas une réduction des ressources publiques et que les perspectives de mutualisations avec les autres entreprises du service public ne soient qu'esquissées. La forte détermination du nouveau président à les mettre en oeuvre, notamment à travers la plateforme technique de SVOD qui pourrait être partagée avec France Télévisions, constitue néanmoins une perspective favorable qui mérite d'être encouragée.

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel dans la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

*

* *

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2016.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 25 NOVEMBRE 2015

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M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel . - La vie de l'audiovisuel public, cette année encore, n'aura pas été un long fleuve tranquille. Qu'il s'agisse de la grève historique à Radio France, des conditions rocambolesques de la démission de la présidente de l'INA ou de celles, non moins étonnantes de la nomination de la nouvelle présidente de France Télévisions, les raisons ne manquent pas de porter un regard préoccupé sur l'évolution de ce secteur. Au-delà de ces péripéties, il y a des salariés qui s'interrogent sur l'avenir de l'audiovisuel public et qui aiment leur métier. Il y a également les Français qui souhaitent pouvoir se retrouver pour partager des moments en commun, s'informer, se cultiver, se distraire.

Il me semble donc urgent de définir une vision claire de l'avenir de l'audiovisuel public, de ses moyens, de sa légitimité, de ses missions et de sa gouvernance, qui n'existe pas encore ou du moins pas suffisamment pour rassurer les acteurs sur leur avenir. C'est le message que m'ont adressé les syndicats de salariés.

Les initiatives récentes ne répondent qu'imparfaitement aux enjeux. Le rapport Schwartz a contribué à définir la feuille de route de la nouvelle direction. Mais en évitant de se prononcer sur le périmètre du groupe et sur les programmes, il n'a pas clarifié les attentes de l'actionnaire. La création du Comité stratégique de l'audiovisuel public illustre la prise de conscience qu'une meilleure coordination est nécessaire mais cette action reste trop timide pour engager les mutualisations nécessaires.

Au lieu d'avancer courageusement sur la voie des réformes, le gouvernement temporise au risque de voir les problèmes s'aggraver. C'est le cas en ce qui concerne Radio France où le retour à l'équilibre des comptes a été renvoyé sans raison probante à 2018, et aussi pour France Télévisions qui fait des efforts mais reste dépendant d'un financement pas encore stabilisé.

La situation de l'audiovisuel public n'est pas aisée, et loin de moi l'idée que le gouvernement actuel serait responsable de tous ses malheurs. La révolution des usages change radicalement les perspectives du marché publicitaire avec des conséquences immédiates sur les comptes des sociétés. Le déficit de 10 millions d'euros de France Télévisions en 2015 est ainsi le résultat de la dégradation du marché publicitaire. La précédente majorité n'avait pas non plus réussi à stabiliser le modèle économique. Voilà pourquoi nous sommes tous conscients que des changements majeurs sont nécessaires, à commencer par une réforme de la contribution à l'audiovisuel public proposée par André Gattolin et moi-même dans le rapport que nous avons présenté fin septembre.

Cette réforme, les ministères l'ont préparée pendant des mois avant que le gouvernement y renonce à la rentrée pour des raisons politiques. Je le regrette d'autant plus que la solution retenue ne me satisfait pas. Certes, la disparition de la dotation budgétaire ne peut qu'être saluée et le principe d'une affectation du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques peut être considéré comme un moindre mal, puisque cette taxe a justement été créée en 2009 pour compenser la baisse des recettes de France Télévisions. Mais pourquoi l'augmenter de 0,4 point alors que le produit initial de la taxe à 0,9 %, estimé à 225 millions d'euros en 2016, suffit largement à financer les 140,5 millions d'euros dont a besoin France Télévisions ? Cette nouvelle taxe sur les opérateurs risque de se traduire par une hausse de tarif pour les consommateurs qui ne sera qu'une fiscalité détournée. Elle ne doit pas nous dissuader de rappeler l'urgence de réformer la contribution à l'audiovisuel public compte tenu de la baisse du taux d'équipement des ménages en téléviseurs. Plus nous attendrons, plus il sera difficile de soumettre à la redevance des ménages qui en sont exonérés. Je souhaite que le projet de loi de finances 2017 soit l'occasion d'avancer sur ce sujet ; au sein de notre commission, il y a une conviction partagée sur les contours que pourrait prendre cette réforme. Enfin, la contribution à l'audiovisuel public n'augmentera que d'un euro en 2016 du fait de l'indexation, en portant le produit à 3,73 milliards d'euros.

J'en viens à la situation des opérateurs. La présidente de France Télévisions nous a expliqué que, compte tenu de la hausse de 25 millions d'euros des ressources publiques adoptée à l'Assemblée nationale, le déficit prévisionnel qui s'établira à 25 millions d'euros en 2016 pourra être comblé grâce à de nouvelles mesures d'économies sur les programmes.

On ne peut que saluer cet engagement de retour à l'équilibre dès 2016, même si l'entreprise reste structurellement déficitaire et devra infléchir son modèle économique. La réglementation sur la production doit évoluer rapidement afin que France Télévisions puisse mieux valoriser ses 400 millions d'investissement dans la création audiovisuelle. La présidente de France Télévisions s'est déclarée favorable à un remplacement progressif de la publicité par les recettes issues des droits attachés à la production dans le modèle de financement mixte du groupe public. C'est une orientation que nous sommes nombreux à partager, conscients toutefois qu'il s'agit d'un objectif de long terme. Dans l'immédiat, les recettes publicitaires resteront nécessaires pour compléter les 2,56 milliards d'euros issus de la contribution à l'audiovisuel public et les 140,5 millions d'euros affectés sur le produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques.

Un projet tel que celui d'une chaîne d'information en continu, engagé par la présidente de France Télévisions, ne peut être lancé à la légère. La réputation du service public étant en jeu, la décision devra répondre à deux impératifs : proposer une offre radicalement différente de l'existant et la rendre accessible au plus grand nombre. Ces deux conditions incitent à éviter la précipitation et à s'interroger sur la meilleure utilisation des canaux qui pourraient être disponibles - je pense au canal utilisé aujourd'hui par Numéro 23, compte tenu de l'abrogation de son autorisation décidée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à compter du 30 juin 2016.

Sur une note plus positive, le plan de départs volontaires, achevé d'ici la fin de l'année, devrait dégager d'importantes économies sur la masse salariale, ce qui conforte l'intérêt de ce type de mesures pour réduire les coûts.

L'audience d'Arte poursuit sa progression, s'établissant à 2,2 % depuis le début de 2015. L'image de la chaîne continue à s'améliorer, témoin le succès de son offre numérique. Les moyens accordés à Arte seront en hausse de 2,5 millions d'euros en 2016 à 264,3 millions d'euros, soit une stabilité en termes réels. Je regrette que cette chaîne qui porte haut les voix de la culture n'ait pas bénéficié d'un véritable soutien depuis 2012. Par rapport aux objectifs prévus dans le COM 2012-2016, la chaîne accuse un déficit de 34,6 millions d'euros de contribution à l'audiovisuel public. Là encore, on a le sentiment que les efforts des plus méritants ne sont pas récompensés.

La situation de Radio France m'inquiète. La Cour des comptes a pointé de très nombreuses défaillances et formulé des recommandations qui n'ont pas reçu de véritables réponses de la part de l'actionnaire. La grève de 28 jours qui a eu lieu au printemps n'a pas résolu les problèmes de fond en dépit du travail utile du médiateur. Les syndicats m'ont confié que les braises du conflit n'étaient pas éteintes.

Nous sommes ici au coeur des défaillances de l'ensemble de notre audiovisuel public : les réformes ont trop longtemps été repoussées, en particulier en ce qui concerne les méthodes de travail et l'ajustement des effectifs.

Faute de véritable vision pour la société, les réformes sont vécues de manière uniquement négative et comptable par un personnel compétent et très investi, qui ne comprend pas quel avenir on lui prépare. Le projet de chaîne d'information en continu traduit bien cette difficulté avec des salariés qui craignent de se faire absorber par le grand frère, France Télévisions. Le gouvernement temporise avec le souci d'éviter les réactions sociales. On peut le comprendre mais cela ne fait qu'aggraver la situation. Le plan de départs volontaires a été abandonné en faveur d'un non-renouvellement de tous les départs qui aura un impact moindre sur le retour à l'équilibre des comptes. La réforme des formations musicales et la décision sur la poursuite de la diffusion hertzienne du Mouv' ont été renvoyées à 2017. La proposition de fusion des rédactions de Radio France, France Info et France Culture faite par la Cour des comptes, qui constitue le pendant du projet Info 2015 à France Télévisions, a été purement et simplement écartée. Autant dire que le compte des réformes n'y est pas.

La situation financière de Radio France reste très fragile. Le déficit sera ramené à 10 ou 12 millions d'euros en 2015 pour des raisons comptables. En 2016, un nouveau déficit est prévu à hauteur de 16,56 millions d'euros malgré une hausse des ressources publiques de 5 millions d'euros ; il serait encore de 6,46 millions d'euros en 2017. La spécificité de Radio France est mise à mal sur le plan de la publicité. Si l'aménagement du cahier des charges répond sans doute à un besoin, l'absence d'encadrement de la publicité sur les sites Internet du groupe menace l'identité de la radio publique. L'examen du prochain contrat d'objectifs et de moyens de Radio France sera l'occasion d'évoquer ces sujets.

Le nouveau président de l'Institut national de l'audiovisuel, semble avoir pris la mesure des difficultés. Son projet de « retour aux fondamentaux » est le plus raisonnable pour les finances publiques sans être pour autant dénué d'ambitions, comme l'illustre sa volonté de coopérer avec France Télévisions dans le lancement de sa future plateforme de vidéo à la demande. Je retiens aussi sa volonté d'instaurer une véritable culture du contrôle de la dépense qui faisait défaut à l'institution. La reconduction des crédits à hauteur de 89 millions d'euros était, dans ces conditions, sans doute inévitable compte tenu du niveau de la masse salariale et de l'absence de marges de manoeuvre à court terme.

Je porte donc un regard très contrasté sur la situation de l'audiovisuel public, avec une inquiétude sur au moins un des grands opérateurs. L'insuffisance des réformes engagées sur les ressources ou sur le fonctionnement et l'organisation des sociétés et l'absence de volonté d'engager une véritable politique de mutualisation à tous les niveaux m'invitent à vous proposer d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi qu'au compte de concours financier « avances à l'audiovisuel public » de l'audiovisuel extérieur.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur . - L'examen des crédits de l'audiovisuel extérieur intervient dans un contexte particulier. Depuis janvier, toutes les chaînes de télévision du monde ont pris la triste habitude de relater les attentats qui frappent notre pays. Ceux-ci résultent de la radicalisation de nombreux jeunes Français, essentiellement au travers de médias étrangers et sur Internet. Jamais une information libre, accessible en plusieurs langues - dont l'arabe - n'a été aussi nécessaire. Nos médias sont aussi devenus des cibles. Ainsi, RFI et Monte-Carlo-Doualiya sont scrutés par les gouvernements de certains pays, qui exercent des pressions sur la programmation, et TV5 Monde a fait l'objet d'une attaque informatique sans précédent le 8 avril dernier, qui a presque détruit ses infrastructures et occasionné des coûts importants.

Pourtant, les moyens dévolus à l'audiovisuel extérieur restent contraints, en particulier du fait de la mauvaise santé financière de France Télévisions et de Radio France, qui bénéficient de l'essentiel des moyens disponibles. Alors qu'il y aurait urgence à développer notre audiovisuel extérieur, le PLF 2016 se contente de préserver les moyens et donc limite les nouveaux projets. Cette situation appelle une réforme, dès que possible, de la contribution à l'audiovisuel public, propre à préserver durablement les moyens de l'audiovisuel, et une accélération des réformes dans les grands groupes publics pour dégager des marges de manoeuvre. France Médias Monde a déjà réalisé d'importants efforts lors de la fusion de France 24 et de RFI, tout comme TV5 Monde. Les bons élèves ne doivent pas être condamnés à assumer les errements des plus dissipés !

Chaque semaine, 90 millions d'auditeurs et de téléspectateurs suivent les programmes de France 24, de RFI et de MCD. Ces chaînes occupent des places de premier plan en Afrique et au Proche-Orient. La forte progression des audiences a été obtenue avec des moyens publics globalement identiques depuis 2010. Selon les syndicats, la présidente de France Médias Monde, Mme Saragosse, a su rétablir un dialogue social de qualité et un climat de confiance. Certes, les négociations sur l'accord collectif ont pris du retard, mais elles devraient aboutir d'ici la fin de l'année ou, au plus tard, début 2016.

Le PLF 2016 attribue 244 millions d'euros à France Médias Monde, issus entièrement du produit de la contribution à l'audiovisuel public : c'est 2 millions d'euros de plus qu'en 2015. Compte tenu du pacte de compétitivité et de certaines dispositions fiscales concernant notamment la taxe sur les salaires, le groupe touchera 3,1 millions supplémentaires. Ce surcroît de moyens, bienvenu, reste très limité : le contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2013-2015 prévoyait une augmentation de 10,8 millions d'euros. Dans ces conditions, le développement de France Médias Monde est interrompu en Amérique latine et reste très limité en Inde et plus généralement en Asie du Sud-Est. Les syndicats ont une conscience aiguë de la situation et souhaitent que l'État explique clairement ses ambitions pour l'audiovisuel extérieur. De plus, le projet de chaîne d'information en continu, auquel est associé France 24 - sans en être l'initiateur - constitue une source d'inquiétudes.

Le ministre des Affaires étrangères et du développement international, qui exerce une cotutelle sur France Médias Monde, a réaffirmé récemment la nécessité de donner une nouvelle impulsion à son développement. Nous aurons prochainement l'occasion de nous prononcer sur cette ambition puisque le projet de contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 devrait nous être soumis pour avis au premier trimestre de 2016. La direction de France Médias Monde a identifié trois scénarios d'évolution des moyens. Le premier, avec une hausse des ressources de 0,7 % par an, soit moins que l'évolution de 0,8 % prévue en 2016, préserverait l'outil existant en limitant son développement. Le deuxième prévoit une hausse des moyens de 1,5 % par an pour poursuivre les actions engagées, notamment pour augmenter la notoriété des chaînes. Seul le troisième, qui envisage une hausse des ressources publiques de 2,1%, permettrait à notre pays de renforcer son influence et d'engager la déclinaison de France 24 en espagnol en Amérique latine. C'est celui que vous avez soutenu auprès de la ministre, Madame la présidente, et qui a notre préférence.

Les conséquences de la cyberattaque du 8 avril dernier obèrent fortement les comptes de TV5 Monde puisque, selon son directeur général, M. Yves Bigot, le surcoût en 2015 devrait s'élever à 4,8 millions d'euros du fait du matériel à remplacer et des protections nouvelles à installer. Le gouvernement a autorisé la chaîne à réallouer 1,2 million d'euros, initialement prévus pour les programmes, à cette dépense, et la fédération Wallonie-Bruxelles a accordé 1 million d'euros au titre de 2015-2016. Mais il manque encore 1,8 million d'euros de la part des autres partenaires. Une réunion des bailleurs, prévue en fin de semaine, devrait compléter le tour de table.

Le PLF 2016 accorde 76,8 millions d'euros à TV5 Monde, soit une hausse de 0,7 million d'euros. L'entreprise bénéficiera, en outre, d'une économie de taxe sur les salaires de 1,7 million d'euros à compter de 2016, liée à son financement par la contribution à l'audiovisuel public. Au lieu d'être affecté au développement des programmes et des nouveaux projets, ce surcroît de ressources sera intégralement consacré au financement des dépenses de sécurité, pour un coût estimé à 2,2 millions d'euros. Six ingénieurs ont été recrutés par TV5 Monde pour renforcer ses moyens de défense et un contrat avec la filiale d'Airbus spécialisée dans la défense électronique prévoit l'augmentation du niveau des protections et la formation du personnel.

La protection de nos médias est une priorité et je ne suis pas sûre que les autres sociétés aient pris la mesure du risque qu'elles encourent, même si le gouvernement est mobilisé sur ce sujet qui a été évoqué lors de la première réunion du nouveau Comité stratégique de l'audiovisuel public. Je rends hommage au personnel de TV5 Monde, qui a su répondre avec compétence et rapidité à la cyberattaque du 8 avril et qui ne compte pas ses heures depuis pour rétablir l'ensemble des systèmes, ce qui n'est pas encore complètement achevé. Hélas, le niveau des moyens a obligé la direction à affaiblir l'offre de programmes du bouquet aux États-Unis pour financer le projet de chaîne jeunesse en Afrique. N'aurait-il pas été possible d'aider un peu la chaîne pour lui éviter de tels arbitrages ?

M. Rémy Pflimlin a conservé la présidence du conseil d'administration de TV5 Monde jusqu'à la prochaine assemblée générale, qui aura lieu au printemps 2016. Or cette présidence doit normalement échoir au président en titre de France Télévisions. Si l'implication de l'ancien président de France Télévisions dans le développement de TV5 Monde explique cette décision, il ne faut pas que l'absence de la présidente de France Télévisions des organes de direction de la chaîne francophone affaiblisse la qualité de ses échanges avec son premier actionnaire, qui constitue une des conditions de son développement. France Télévisions met chaque année 22 000 heures de programmes à la disposition de TV5 Monde.

Bref, les moyens de l'audiovisuel extérieur restent un peu limités mais grâce aux équipes des deux sociétés nous avons un outil précieux pour notre influence dans le monde. Le PLF 2016 consolide cette situation. Je vous proposerai donc de donner un avis favorable aux crédits de l'audiovisuel extérieur, en espérant qu'un geste supplémentaire sera fait dans le cadre du prochain COM de France Médias Monde.

M. David Assouline . - Nous avons beaucoup débattu du financement de l'audiovisuel public, auquel nous sommes tous très attachés. Si chacun renonçait aux postures, nous pourrions largement nous entendre. Le rapport de M. Leleux montre qu'il ne faut pas trop attendre. Or certains se tiennent au coin du bois et s'empresseront de faire capoter toute proposition par leur démagogie. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'accroître les ressources, mais M. Retailleau s'oppose publiquement à la hausse de la contribution à l'audiovisuel public.

M. Bruno Retailleau . - De fait.

M. David Assouline . - Évidemment, puisqu'elle serait impopulaire ! Pourtant, elle est loin d'atteindre le même niveau que chez nos voisins anglais ou allemands. Il faut également élargir son assiette, pour y intégrer le million de personnes qui regardent la télévision sur d'autres appareils. J'ai participé à la préparation de cet élargissement, mais nous avons dû interrompre nos efforts car certains se préparaient à proclamer que nous ferions entrer un million de personnes dans l'impôt... Vous avez supprimé la publicité après vingt heures sans compenser la perte de ressources. Même sous M. Copé, la taxe qui porte son nom n'y a jamais été affectée. Vous souhaitez un budget plus important sans ressources publicitaires et sans augmentation de la redevance ni élargissement de son assiette. C'est impossible et vous le savez !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Ils sont de bonne foi !

M. David Assouline . - Nous sommes d'accord sur l'essentiel. Même si vos critiques ne sont pas partagées par votre camp, elles vous autorisent à voter contre un budget en augmentation. Or seuls les actes comptent.

On le voit bien dans le contexte actuel : l'information audiovisuelle en continu rythme notre quotidien. On peut le déplorer mais c'est un fait. Même pour les riverains des attentats - même, hélas, pour leurs auteurs - elle joue un rôle fondamental. Dès lors, il est extrêmement regrettable que le service public n'ait pas de chaîne d'information en continu, qui présenterait des garanties de citoyenneté, de pluralisme, d'indépendance et de professionnalisme, et qui s'appuierait sur un réseau de plusieurs milliers de journalistes. Il faut aller vite, monsieur Leleux, et ne pas se montrer frileux. Nous avons les moyens de créer rapidement une chaîne qui donnerait le la de l'information aux chaînes privées, au lieu que ce soit l'inverse.

M. Louis Duvernois . - L'audiovisuel public national et l'audiovisuel extérieur ne peuvent plus être dissociés. Vu la contrainte budgétaire, l'interaction entre eux est indispensable. Déjà, France Télévisions fournit 22 000 heures de programmes à l'audiovisuel extérieur. Or la gouvernance n'est pas satisfaisante. Il devient impératif d'élaborer une nouvelle politique de l'audiovisuel public y incluant l'audiovisuel extérieur, doublée d'un plan de financement opérationnel. Faute de réformes, la situation financière se détériore. Administrateur de France Médias Monde, je souscris aux propos de Mme Lepage : c'est le troisième scénario qui doit être retenu si nous ne voulons pas sous-estimer notre représentation audiovisuelle à l'extérieur, qui n'est pas sans servir nos intérêts économiques.

Mme Marie-Christine Blandin . - M. Leleux appelle de ses voeux un grand média global et le retour à l'équilibre financier. Nous partageons ce souhait, mais vous n'avez pas assez insisté sur la qualité de service public. Chacun doit voir la différence entre son offre et celle des médias privés. Arte est exemplaire, et le nombre de ses spectateurs augmente. Sur d'autres chaînes, la différence n'est pas toujours immédiatement perceptible.

Les recommandations du groupe de travail de notre commission sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision concernant le partage des droits d'exploitation et la fin du statut d'animateur-producteur constituent des gisements de ressources considérables. Certains se comportent moins en vendeurs de produits culturels que comme de véritables sangsues à la mamelle du service public. Il serait bon de faire le ménage avec courage. De même, les écologistes ont toujours soutenu l'extension de l'assiette de la redevance aux résidences secondaires, quand d'autres ont reculé au moment du vote.

Où en sommes-nous du passage à la radio numérique terrestre ? Le soutien de 29 millions d'euros à l'expression des radios locales s'ajoutera-t-il bien au soutien aux médias de proximité de 1,5 million d'euros ?

Mme Mireille Jouve . - Nous nous félicitons que l'audiovisuel public soit épargné par les coupes budgétaires et bénéficie d'un compte dédié. Ce PLF augmente même ses ressources et accroît son indépendance vis-à-vis de l'État. Mme Ernotte a évoqué le renforcement des services de vidéo à la demande pour consolider les ressources de France Télévisions. La télévision de rattrapage est de plus en plus sollicitée par les jeunes de moins de 24 ans. Pour favoriser ce renouvellement de l'audience, ne faudrait-il pas étendre la rediffusion au-delà de sept jours ? Nous devons aussi élargir l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public à tous les appareils susceptibles de donner accès à ses programmes, sans pénaliser les usagers qui s'en acquittent déjà. France 24 n'est disponible sur la télévision numérique terrestre, depuis septembre 2014, qu'en Île-de-France. Pourtant, France Médias Monde est financée par la contribution à l'audiovisuel public, que l'on paie partout en France. La création d'une chaîne d'information en continu tirerait parti d'une mutualisation entre les rédactions de France 2 et de France 3 et bénéficierait de la qualité du service public, mais elle aurait un coût et devrait trouver un canal.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Engager des réformes de fond, très bien, mais comment les financer ? L'augmentation de la redevance et l'élargissement de son assiette ne sont pas des mauvaises pistes. J'ai voté pour la suppression de la publicité mais je considérais qu'il fallait prévoir des ressources de substitution. Créer un grand média d'information est une bonne idée, à condition qu'il soit ouvert à tous et qu'il offre une garantie de qualité. Mais comment réfléchir dans le cadre d'un budget contraint ? Il faut lever ce gage ! Pour être piloté correctement, France Télévisions doit être financé par une dotation d'État - plus stable que le produit d'une taxe, qui peut toujours être réaffecté.

Mme Maryvonne Blondin . - Malgré la réforme d'octobre dernier, qui avait resserré les critères pour bénéficier de l'aide du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) accorde de plus en plus d'autorisations et les budgets n'augmentent pas. Or, les recettes des radios associatives sont très variables, alors qu'elles assurent un vrai maillage du territoire. Nous devons donc être vigilants.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Une réforme du financement de l'audiovisuel public semble nécessaire à tous et tous l'estiment urgente. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont voulu faire passer la taxe de 0,9 % à 1,3 %, ce qui rapporterait 100 millions d'euros de plus. Ce serait un détournement de fonds puisque cette taxe a été créée en 2009 pour compenser la perte de ressources publicitaires. Elle était donc moralement, sinon comptablement, affectée, et le Gouvernement ne saurait l'augmenter pour alimenter le budget général. Si notre rapport évoque une hausse temporaire de la CAP, ce n'est que pour compenser l'absence de réforme de l'assiette de la redevance, qui autoriserait une baisse de son tarif, comme en Allemagne. Les économies sont indispensables et il faut exercer une pression pour qu'elles soient faites, mais certaines prennent du temps : avant de réduire les coûts, un plan de départs volontaires représente une dépense supplémentaire. J'ai souhaité éviter une augmentation de la taxe sur les opérateurs de communication électronique car à 0,9 %, elle rapportera 225 millions d'euros en 2016, ce qui suffira largement à compenser la suppression - saine - de la dotation budgétaire de 160 millions d'euros.

C'est la gestion du projet de création d'une chaîne d'information en continu qui pose problème : chacun veut être chef de file, ce qui freine tout. De plus, il faudra vraiment que cette chaîne se distingue des chaînes privées. La première réunion du groupe de travail ne s'est tenue que la semaine dernière : c'est dire si le projet avance lentement. Oui, il faut assouplir le délai de consultation différée, actuellement limité par les droits d'auteur. Le dialogue entre les producteurs et les diffuseurs doit être encouragé, pour faciliter la diffusion des oeuvres. Mme Gonthier-Maurin est favorable à la suppression de la publicité.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - En liaison avec une compensation !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Je partage cette volonté. La publicité constitue 10 % à 12 % du budget de France télévisions : ce n'est pas l'essentiel, mais une marge, qui peut être compensée si l'on pense que l'audiovisuel public doit être libre de publicité. Le développement de la radio numérique terrestre prend du temps, notamment en raison du refus des grandes radios privées. Le CSA a prévu de lancer un appel d'offre pour attribuer les fréquences. Les crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale sont reconduits à l'identique en 2016. Oui, nous devons travailler ensemble à la réforme de la contribution à l'audiovisuel public.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis . - En effet, l'audiovisuel extérieur doit mieux s'intégrer à l'audiovisuel public, même si une partie du travail a été fait. La chaîne publique d'information en continu devrait associer France 24. Pour l'heure, il est difficile de voir quels seront ses contours, puisque Mme Ernotte nous a indiqué que chaque rédaction demeurerait en place. Les réunions de travail ont commencé très récemment et les premiers contacts ont été bilatéraux. L'horizon est la rentrée 2016. Je suis un peu sceptique...

Oui, si le troisième scénario d'évolution des ressources de France Médias Monde était retenu, nous pourrions lancer France 24 en espagnol en Amérique latine, comme le réclame le ministère des affaires étrangères. Pour l'heure, le projet de contrat d'objectifs et de moyens doit faire l'objet d'un arbitrage interministériel. Je plaide pour que France 24 soit diffusée sur tout le territoire, mais on me répond que cette chaîne a été créée pour le rayonnement de la France à l'extérieur. Il serait tout de même intéressant pour nos concitoyens d'y avoir accès.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mme Ernotte elle-même a déclaré lors de son premier conseil d'administration que notre modèle de l'audiovisuel public était usé. Le Président de la République avait annoncé l'an dernier, lors de la clôture d'un colloque au CSA, une nécessaire réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Il y a urgence, en effet. Le Sénat est le fer de lance de la réflexion sur ce sujet, notamment grâce aux travaux de MM. Leleux et Gattolin. Je vous propose que nous tenions un débat en séance publique sur les conclusions de leur rapport.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » ainsi qu'à l'adoption du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2016.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Arte France

Mmes Véronique CAYLA, présidente, Anne DURUPTY, directrice générale et Clémence WEBER, responsable des relations institutionnelles

France Télévisions

MM. Fabrice LACROIX, directeur général délégué à la gestion et aux moyens, Arnaud LESAUNIER, directeur général délégué aux ressources humaines et à l'organisation, Christian VION, secrétaire général et Mme Juliette ROSSET-CAILLER, directrice des relations avec les pouvoirs publics.

Institut national de l'audiovisuel (INA)

MM. Laurent VALLET, président, et Jean-Marc AUVRAY, secrétaire général

Ministère de la culture - Direction général des médias et des industries culturelles (DGMIC)

MM. Martin AJDARI, directeur général des médias et des industries culturelles, et Romain LALEIX, chef du bureau de l'audiovisuel public

Radio France

M. Mathieu GALLET, président-directeur général, et Mme Maïa WIRGIN, secrétaire générale

Société des producteurs associés de Radio France (SPARF)

M. Philippe MEYER, Mme Anne MONTARON, Stéphane GOLDET et Thomas BAUMGARTNER, membres du bureau

Syndicat des producteurs indépendants (SPI)

M. Emmanuel PRIOU, président audiovisuel, Mmes Catherine BERTIN, déléguée générale, et Emmanuelle MAUGER, déléguée audiovisuel

Syndicats de France Télévisions

CFDT : M. Thierry VILDARY

CGT : MM. Marc CHAUVELOT et William MAUNIER

FO : M. Éric VIAL, Mme Françoise CHAUZAUD et M. Bruno DEMANGE

SNJ : M. Didier GIVODAN

Syndicats de Radio France

CFTC : MM. Christophe NOISEUX PARL, Jérôme GASC, Patrick VOLCLER et Mme Josiane GASC-CABROL

CGT : MM. Jean-Matthieu ZAHND et Bertrand DURAND

SNJ : Mme Valeria EMANUELE

SUD : Mme Phong-Mai TRAN et M. Benoît GASPARD

UNSA : MM. Philippe BALLET, Emmanuel MOREAU et Mme Taoues ABADA

Zodiak Media France

M. Gaspard DE CHAVAGNAC, président directeur général, accompagné de M. Guillaume THOURET, directeur général de CAPA

ANNEXES

Audition de Mme Fleur Pellerin,
ministre de la culture et de la communication

MARDI 17 NOVEMBRE 2015

_______

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Cette traditionnelle audition sur le budget de la culture et des médias pour 2016 se tient dans des circonstances extraordinaires : c'est notre première réunion depuis les attentats qui ont si lâchement et cruellement endeuillé notre pays vendredi soir et nous ont tous profondément ébranlés. La colère se mêle en nous à l'émotion et à la compassion pour les victimes de ces attaques sans précédent : personnes décédées, blessés - si nombreux, et dont beaucoup luttent encore contre la mort - qui resteront à jamais marqués dans leur chair, familles et proches des hommes et femmes qui ont hélas croisé le chemin de ces terroristes. En janvier, ils s'attaquaient, à travers Charlie Hebdo , à la liberté de la presse, à la liberté d'expression et de création. Vendredi, ils frappaient des lieux symboliques de notre art de vivre, de ce qui soude notre communauté nationale : stade, salle de concert, terrasses de café où l'on aime se retrouver.

Nous fêtons aujourd'hui le soixante-dixième anniversaire de l'Unesco et le dixième de la convention pour la diversité culturelle. Le Président de la République a rappelé que c'est comme capitale des arts et de la culture que Paris a été choisi pour accueillir le siège de l'Unesco. Élus de la nation, nous devons porter les valeurs universelles qui symbolisent la France et être présents auprès de nos concitoyens qui doutent. Nous avons une pensée particulière pour le monde de la culture et des médias, endeuillé par le décès de techniciens, dans le groupe Vivendi et ses filiales et de journalistes. Nous sommes la commission de la jeunesse, qui a été lourdement frappée et auprès de laquelle nous nous tenons tous.

Je vous propose donc que nous respections une minute de silence. ( Toutes les personnes présentes dans la salle se lèvent et observent une minute de silence .)

Je donne la parole à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - Oui, dans ces graves circonstances, cette audition revêt une signification particulière. La France est en deuil, comme le monde de la culture, qui a payé vendredi soir un lourd tribut. C'est la culture que les terroristes ont voulu mettre à terre. Ils s'en sont pris à notre art de vivre, dont nous sommes si fiers, à notre idéal de liberté, de diversité, de mixité, d'ouverture à l'autre, d'intelligence collective... Ils s'en sont pris à toutes les valeurs qui s'épanouissent à travers notre vie culturelle et nos loisirs. Ils s'en sont pris à une génération, qui en est le symbole. À la façon dont nous donnons sens et profondeur à nos vies. Bref, à ce que nous sommes.

Face au terrorisme, la culture est une arme d'émancipation, de destruction de l'ignorance et de l'obscurantisme. Les Français sont déterminés à la mobiliser dans notre guerre contre la terreur. Les terroristes rêvent de salles désertes : il y aura toujours plus de spectacles. La protection des établissements culturels profitera des renforts policiers annoncés par le président de la République. Nous menons actuellement un audit pour identifier les besoins. Déjà, la préfecture de police redéploie ses effectifs vers les sites les plus fragiles : aucun artiste ni aucun spectateur ne doit pénétrer dans un lieu de spectacle la peur au ventre. Pour que la musique continue à se faire entendre, j'ai annoncé hier la création d'un fonds de soutien exceptionnel aux lieux de culture les plus fragiles, qui compensera les difficultés économiques et financières résultant des attentats. Et l'Assemblée nationale a adopté vendredi un crédit d'impôt pour soutenir les producteurs et les tourneurs de spectacle vivant.

Les terroristes s'en prennent à notre jeunesse et à son bouillonnement créatif. Nous allons soutenir les résidences d'artistes et les lieux intermédiaires favorables au partage de projets pluridisciplinaires. Nous financerons davantage l'enseignement supérieur de la culture, qui forme les artistes de demain : la jeunesse reste la priorité du Gouvernement, et la jeune création est la mienne depuis des mois.

Les terroristes contestent la liberté de création et rejettent celle de la presse. Nous gravons la première dans le marbre de la loi - je défendrai le projet de loi sur la liberté de la création, l'architecture et le patrimoine au Sénat début 2016 - et donnons à la seconde de nouveaux moyens pour se moderniser en réformant les aides à la presse, en renforçant les moyens et l'indépendance de l'audiovisuel public et en pérennisant le fonds de soutien aux médias de proximité pour garantir une information de qualité.

Les terroristes veulent brûler les livres. Nous élargissons les horaires d'ouverture des bibliothèques et doublons le budget des contrats territoire-lecture. Les 16 000 médiathèques de France forment le premier réseau culturel de proximité. Nous agirons fermement pour le rendre toujours plus accessible : rapprocher la culture des Français, et surtout de ceux qui s'en sentent le plus éloignés, est ma priorité.

Les terroristes rejettent la vie en bonne intelligence, la mixité : nous leur répondons par une meilleure représentation de la diversité sur scène et à la télévision et en portant notre politique en faveur de l'éducation aux arts et à la culture à son plus haut niveau. Cette ambition, nous l'avions déjà. Les attentats renforcent sa signification. Le Gouvernement continue à faire le choix de la culture, le Premier ministre l'a redit ce matin. Elle continuera à nous faire vibrer à l'unisson, à nous consoler, à nous libérer, à nous émanciper. Elle continuera à interroger le monde, à nous bousculer, à nous donner une raison d'être, à nous rendre lumineux, à faire de nous des citoyens.

Je vous propose une hausse de 2,7 % de la contribution de la nation à la vie culturelle de notre pays. Je vous propose de porter le budget du ministère de la culture à 7,3 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter le fonds de soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui disposera de 672 millions d'euros. La mission Culture sera dotée de 2,7 milliards d'euros.

Pour renforcer la participation de tous à la vie culturelle, les crédits affectés à la démocratisation culturelle atteindront près de 100 millions d'euros en 2016, contre 75 millions d'euros en 2012. Sur ces sommes, l'éducation artistique et culturelle représente 54,6 millions d'euros, soit 35 % de plus qu'en 2015. Ces crédits en hausse viennent notamment appuyer le retour de l'État dans le financement des conservatoires conventionnés, à hauteur de 8 millions d'euros, ou le renforcement du plan d'éducation artistique et culturelle, qui sera porté l'an prochain à 14,5 millions d'euros.

Nous créerons 65 postes supplémentaires pour accompagner l'ouverture sept jours du sept du musée d'Orsay, de Versailles et du Louvre, pour les enfants et les publics éloignés de la culture. Les territoires pourront compter sur le soutien de l'État pour développer l'accès de tous à la culture : les crédits en région augmenteront de 2,2 % par rapport à 2015 pour atteindre 780 millions d'euros. Les moyens consacrés aux pactes culturels signés avec les collectivités territoriales qui maintiennent leurs efforts en matière de culture seront renforcés.

Deuxième priorité du Gouvernement, soutenir la création, dans sa diversité et dans son renouvellement. Elle est cohérente avec la reconnaissance législative du régime de l'intermittence, qui prend en compte la spécificité des métiers du spectacle. L'intervention de l'État en faveur de la création s'élèvera à 400 millions d'euros, dont 365 millions d'euros pour le spectacle vivant et 35 millions pour les arts plastiques, soit 4 % de plus qu'en 2015.

Nous avons affecté en priorité ces crédits à la jeunesse, en consacrant en particulier plus de 7 millions d'euros à la mise en oeuvre des conclusions des Assises de la jeune création. Les moyens dédiés à la formation des artistes seront en augmentation de 4,9 millions d'euros. Pour accompagner un recrutement plus juste et plus diversifié, cette hausse viendra entre autres financer des classes préparatoires aux écoles de l'enseignement supérieur culture et l'accès aux bourses et à un logement universitaire pour les élèves de ces classes. Enfin, nous financerons à hauteur de 1 million d'euros la programmation « avant les murs » du projet Médicis Clichy-Montfermeil, emblématique de notre politique : hybridation des esthétiques, renouvellement de la création, accès de tous aux oeuvres et aux pratiques.

Nous continuerons à protéger la diversité du cinéma et à améliorer sa compétitivité en France, en stabilisant les financements que nous lui consacrons et en élargissant les crédits d'impôt. En 2016, les moyens du CNC seront stabilisés : il n'y aura ni ponction, ni plafonnement des taxes prélevées sur le marché de la diffusion audiovisuelle. Le crédit d'impôt sera amélioré pour mieux soutenir les entreprises françaises du cinéma et relocaliser les tournages sur notre territoire. Il vous est notamment proposé de l'élargir aux oeuvres tournées en langue étrangère pour des raisons artistiques, aux films d'animation et aux films à fort effet visuel. Le taux sera majoré à 30 % pour les oeuvres tournées en français et le plafond sera relevé de 4 à 30 millions d'euros pour une même oeuvre.

La troisième priorité du Gouvernement est de donner à mon ministère les moyens de son ambition à long terme. Préparer l'avenir, c'est sécuriser les outils de financement, en particulier pour l'archéologie préventive : pour stabiliser le financement des activités de l'Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap), le projet de loi de finances budgétise la redevance sur l'archéologie préventive. Préparer l'avenir, c'est aussi préserver les crédits consacrés aux investissements : 524 millions d'euros, soit 1,5 % de plus qu'en 2015. Pour la troisième année consécutive, nous maintiendrons nos efforts en faveur des monuments historiques. Les crédits de paiement seront stabilisés et les autorisations d'engagement portées à 333 millions d'euros. Ils bénéficieront en particulier aux territoires via les services déconcentrés. Nous lancerons ou poursuivrons des chantiers importants : archives, schémas directeurs du château de Versailles, de Fontainebleau, du Centre Pompidou, relogement du Centre national des arts plastiques, réaménagement des Ateliers Berthier...

Ce budget ambitieux est à la hauteur de ce que nous devons à la culture et de ce que nous devons faire pour elle, a fortiori lorsqu'elle est prise pour cible et que les Français voient dans leur vie culturelle un acte de résistance face à la barbarie et, tout simplement, parce qu'elle est l'expression de ce que nous sommes.

Pour 2016, la mission « Médias, livre et industries culturelles » est dotée de 717 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les 3,8 milliards d'euros que l'État consacre au compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public. »

La première ambition du Gouvernement est de donner aux médias les moyens de leur indépendance, qui passe par une sécurisation des outils de financement. Nous garantissons l'indépendance de l'audiovisuel public en asseyant ses ressources sur des recettes stables. Le financement sur crédits budgétaires sera supprimé dès 2016, avec un an d'avance. Parallèlement, le financement de l'audiovisuel public sera renforcé. Par la contribution à l'audiovisuel public d'abord, dont le produit augmentera mécaniquement de 61 millions d'euros du fait de l'inflation et de la progression du nombre de redevables. Par la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) ensuite, qui sera portée à 1,3 % de son rendement et en partie affectée au financement de France Télévisions, dont les moyens augmenteront de 40 millions d'euros. Cet engagement est nécessaire. Même si l'Assemblée nationale a renforcé les moyens que nous leur consacrerons en 2016, il ne dispense pas les organismes de l'audiovisuel public de poursuivre les efforts de gestion qu'ils ont engagés ou de renforcer leur coopération.

Après les « accords Schwartz », nous maintiendrons les aides directes au pluralisme pour les quotidiens d'information générale et les étendrons aux périodiques. Nous maintiendrons les aides indirectes comme la TVA à taux réduit ou les aides postales à la presse d'information générale et à la presse de la connaissance et du savoir. Nous réorienterons, à terme, une partie de l'aide postale attribuée à la presse de loisir et de divertissement vers la création de médias et l'émergence de nouveaux acteurs et l'aide aux marchands de journaux, qui sont en très grande difficulté. M. Emmanuel Giannesini a été mandaté pour proposer des scénarios. Il faudra six à neuf mois pour classer les titres : 2016 sera donc une année de transition, durant laquelle je souhaite que l'ensemble de la presse magazine bénéficie d'un tarif postal dont l'augmentation sera limitée.

Le Gouvernement soutient la création, en particulier dans la musique. Après l'augmentation de la taxe affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) en 2015, il a prorogé le crédit d'impôt phonographique au titre des dépenses engagées pour l'enregistrement de nouveaux talents. Cet effort, qui bénéficie surtout aux TPE et aux PME, représente 11 millions d'euros. Nous augmentons de 0,5 million d'euros les crédits que nous consacrons aux organismes de soutien à l'export. Enfin, nous pérennisons le fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique. Les députés ont en outre adopté un crédit d'impôt en soutien au spectacle vivant pour les tourneurs et les producteurs et amélioré le crédit d'impôt pour la création audiovisuelle.

Le Gouvernement souhaite rendre la création et les industries culturelles plus accessibles. Le financement du fonds de soutien aux médias de proximité sera pérennisé, à hauteur de 1,5 million d'euros : ils apportent un regard différent sur l'actualité et contribuent au lien social sur nos territoires. Les contrats territoire-lecture ont fait leurs preuves : ils seront dotés d'1 million d'euros supplémentaires. Enfin, le Gouvernement proposera par amendement de mobiliser la dotation générale de décentralisation pour soutenir des projets d'extension ou d'évolution des horaires d'ouverture des bibliothèques.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits « Patrimoines » . - J'étais prêt à me réjouir que les crédits du programme « Patrimoines » augmentent, au moins en autorisations d'engagement. Hélas, à la demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale a réduit de 5 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de ce programme. Je le regrette car les communes et les départements ont les plus grandes difficultés à financer les opérations de rénovation du patrimoine. Du coup, les entreprises licencient : 300 postes en moins en 2014, 200 en 2015. Outre l'impact social, ce sont des savoirs qui disparaissent. Comment répartirez-vous ces crédits, à présent que leur montant a changé ?

Créée à l'initiative de notre ancien collègue Jean-Paul Hugot, la Fondation du patrimoine joue un rôle essentiel en faveur du petit patrimoine non protégé : en 2014, elle a lancé 24 000 opérations. En 2005, un amendement de notre ancien collègue Yann Gaillard lui avait affecté une partie des successions en déshérence. Cette ressource atteignait, bon an mal an, 8 à 12 millions d'euros. Cette année, elle n'est que de 4 millions d'euros. Allez-vous intervenir auprès de Bercy pour remédier à cette situation ?

Vous avez annoncé l'ouverture sept jours sur sept du Louvre, de Versailles et du musée d'Orsay, et je m'en réjouis. Vous annoncez pour cela la création de 65 postes supplémentaires. Comment seront-ils financés ? Le Centre des monuments nationaux (CMN) m'informe qu'il s'est préparé pour réaliser quelque 30 millions d'euros de travaux dans la centaine de monuments qu'ils gère, mais qu'il ne disposera guère que de 20 millions : pourquoi une telle restriction, qui fera reporter des chantiers dans les monuments historiques . Le CMN propose, dans certains cas, de sortir du plafond d'emplois les vacations saisonnières, afin que certains établissements puissent rester ouverts plus longtemps. Il faudrait par exemple ouvrir l'Arc de Triomphe plus tôt le matin et certains monuments au-delà de 18 heures l'été. Est-ce envisageable ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits « Création et cinéma » . - Je veux dire mon émotion et ma peine après ce qui s'est passé vendredi soir, dans un quartier où je vis depuis trente ans et dont je suis élu. Pour tous ceux qui ont l'habitude de traverser ces rues, de s'arrêter pour prendre un café, d'aller au concert, c'est un choc. Peu de personnes, dans ce quartier, ne connaissent pas une ou plusieurs victimes. Les barbares qui ont tué, indiquent dans leur revendication qu'ils ont ciblé ce lieu pour frapper ce qui est vivant, ce qu'ils détestent, comme le montre bien le film d'Abderrahmane Sissako : pour eux, même le football, même la musique sont interdits.

Après la consolidation de l'an dernier - et, hélas, les baisses des deux années précédentes - je me réjouis que ce budget soit en hausse, car la culture est un antidote à l'obscurantisme et la meilleure réponse au défi qui nous est lancé. Dans un moment de délitement social, de doute, et même en période de restrictions budgétaires, il faut mettre le paquet. C'est ce que vous faites, madame la ministre : 27 millions d'euros supplémentaires pour la transmission des savoirs, 15 millions d'euros de plus, par rapport à la trajectoire triennale, pour le programme 131 « Création » - ce qui est rassurant car la loi LCAP arrive prochainement au Sénat. Satisfecit , donc.

J'ai procédé à une quinzaine d'auditions qui m'amènent à vous demander des précisions. Le plan Création artistique, issu des Assises de la Jeune création, prévoit 15 millions d'euros de mesures nouvelles, inscrites au programme 131. S'agit-il bien de mesures nouvelles ? On m'a signalé que la définition des lignes budgétaires et la répartition des crédits n'étaient pas toujours claires. Si les 2 millions d'euros supplémentaires pour le plan SMAC (scènes de musiques actuelles) sont clairement fléchés, on ne sait pas bien où vont aller les 2 millions d'euros prévus pour les « lieux intermédiaires ». Pouvez-vous nous citer des exemples ?

De même, les crédits pour la structuration professionnelle dans les arts plastiques s'élèvent à 640 000 euros, mais le tiers irait à l'organisation d'un Prix de mode. Pourquoi pas, mais quel rapport avec la structuration professionnelle - fondamentale - dans un secteur qui est souvent le parent pauvre du budget ? Du reste, les histogrammes à double échelle du dossier de presse sont trompeurs... Où en est le projet de convention collective pour les arts plastiques ? Je sais que vous sollicitez depuis deux ans le ministère du travail sur ce dossier et qu'il ne répond pas. Comment pouvons-nous progresser ?

Vous avez annoncé, à Arles, la création du Conseil national de la photographie : très bien. Pourquoi ne pas en faire, plus largement, un Conseil national des arts visuels ? Le décret est très attendu. Après de grandes difficultés les années précédentes, la situation s'est améliorée cette année pour les festivals. Certains restent néanmoins fragiles et cette fragilité les menace de disparition. Quel effort concret avez-vous prévu pour les aider ?

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - L'Assemblée nationale a réduit de 10 millions d'euros les crédits de la mission, dont 5 sur le programme 224. Quels sont les domaines concernés ? Vous avez reconnu que le retrait de l'État des conservatoires avait été une erreur et présentez cette année un plan conservatoires de 13,5 millions d'euros, soit 8 millions de plus que le plancher atteint l'an passé : comment comptez-vous répartir ces fonds ? Quelle réforme des procédures de classement envisagez-vous ?

Dans les écoles d'art territoriales, le processus licence-maîtrise-doctorat (LMD) fait monter les exigences. Vous prévoyez des crédits pour les écoles d'architecture : quid des écoles d'art ? Où en est le projet d'un statut des professeurs des écoles supérieures d'art territoriales ? Contrairement à leurs congénères des écoles d'architecture, les étudiants en écoles d'art n'accèdent pas à la mobilité internationale sur critères sociaux et, lorsqu'ils atteignent le troisième cycle ou le post-diplôme, n'ont pas accès aux bourses sur critères sociaux s'ils ne sont pas dans un cursus universitaire. Envisagez-vous la création d'un diplôme national de troisième cycle spécifique aux écoles d'art et qui confère le statut d'étudiant ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - Les crédits consacrés aux monuments historiques bénéficient d'abord aux régions. Grâce à la subvention du ministère et à son fonds de roulement, le CMN pourra mener à bien les 30 millions d'euros de travaux prévus en 2016. Ces opérations étant disséminées sur le territoire, elles sont aussi financées par des crédits déconcentrés. Nous ferons en sorte que la baisse porte sur les crédits qui ont le moins d'impact sur notre politique patrimoniale. Je souligne toutefois que mon ministère jouit d'un traitement très favorable, puisque son effort se limite à 12 millions d'euros, sur un budget global de près de 3 milliards d'euros. L'effort portera sur de grosses opérations de l'État et n'aura guère d'impact sur leur réalisation, si ce n'est, à la marge, sur leur calendrier.

La Fondation du patrimoine est effectivement un partenaire précieux de mon ministère. La Cour des comptes a salué sa gestion en 2013 et relevé que son action n'aurait pas été possible sans des financements publics pérennes. Je suis dont très attentive à la contraction des ressources issues des successions en déshérence. La Fondation se mobilise pour y faire face mais je n'ai pas encore de réponse à vous apporter sur ce point, sur lequel j'ai d'ores et déjà entamé une discussion avec le ministère des finances.

L'ouverture sept jours sur sept des grands établissements était un objectif de longue date : il s'agit de créer un jour d'ouverture à destination des jeunes ou des publics les plus éloignés de la culture. Pour la mettre en oeuvre, mon ministère bénéficie de 65 créations nettes d'emplois, de la sanctuarisation de vingt emplois qui devaient être supprimés au Louvre et du maintien du budget de fonctionnement des trois établissements concernés. Le solde des créations d'emplois pour les opérateurs du programme 175 est positif même sans les emplois évoqués, qui n'ont donc pas été financés au détriment d'autres secteurs.

En 2016, le CMN a bénéficié de 27 créations d'emplois pour consolider son réseau. S'agissant d'un opérateur de l'État, le déplafonnement massif du plafond d'emplois est juridiquement impossible. J'en ai beaucoup discuté avec Philippe Bélaval et je continue à réfléchir à la question. Pour l'heure, aucune concertation n'a été engagée avec le personnel, et le CMN se concentre sur des opérations exceptionnelles comme celle de l'hôtel de la Marine... Cela dit, les monuments les plus visités sont déjà très largement ouverts : l'Arc de Triomphe l'est jusqu'à 23 heures.

Les moyens nouveaux pour le spectacle vivant comportent 3 millions d'euros pour les compagnies nationales, 2,5 millions d'euros pour revitaliser les résidences d'artistes et 2 millions d'euros pour favoriser les lieux intermédiaires qui offrent à la fois des espaces de production, de diffusion, de répétition et de fabrication numérique, comme la Friche la Belle de Mai par exemple. Ces tiers-lieux, hybrides, ne sont pas toujours bien pris en compte par les cadres traditionnels du ministère et je souhaite les promouvoir. Le développement du compagnonnage est encouragé à hauteur de 500 000 euros, comme le préconisaient les Assises de la jeune création. Les compagnies qui ne sont pas au plancher bénéficieront de 2 millions d'euros, et 500 000 euros seront consacrés à la création de pôles européens de production. Enfin, 2 millions d'euros iront à l'achèvement du plan SMAC.

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - Pourquoi n'y a-t-il pas de SMAC à Paris ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - C'est une question légitime. Nous privilégions les lieux où l'offre culturelle permet moins de traiter de nouvelles esthétiques.

Les nouveaux moyens consacrés aux arts plastiques renforceront la commande publique dans les territoires les moins bien pourvus. Ils contribueront aussi au soutien aux institutions d'art contemporain en région et favoriseront la politique de résidence et l'engagement de l'élaboration des schémas des arts visuels.

Oui, une convention collective des artistes plasticiens est indispensable. L'initiative en revient toutefois aux partenaires sociaux : ils y travaillent et je les appelle à intensifier leurs négociations. J'espère que leurs réunions, actuellement interrompues, reprendront dans les meilleurs délais, et j'appuierai personnellement leurs propositions auprès de la ministre du travail. La structuration des professions dans les arts plastiques est importante, car les professionnels de ce secteur sont souvent des travailleurs indépendants, qui ne bénéficient donc pas des outils forgés par le paritarisme. Depuis 2012, le ministère a accentué le dialogue et la concertation avec les associations qui les représentent et ouvert plusieurs chantiers complexes, dont la réforme du régime social des artistes auteurs. Nous avons toujours soutenu l'Association nationale de développement des arts de la mode (Andam), qui décerne un prix - essentiellement doté par les partenaires privés - aux jeunes créateurs, dont la situation est très difficile. Emmanuel Macron et moi-même avons confié à Lyne Cohen-Solal une mission sur l'enseignement supérieur, la formation professionnelle et la structuration du secteur de la mode ainsi que sur l'accompagnement des jeunes entreprises. Elle présentera ses conclusions en décembre lors d'un comité stratégique de filière.

J'ai décidé de la création d'un Conseil national de la photographie, qui verra le jour début 2016. Ce parlement de la photographie rassemblera tous les acteurs pour identifier les problématiques communes et formuler des propositions pour y répondre. En attendant, une mission de concertation est en cours sur les questions sensibles : salaire minimum des photojournalistes, droits réservés, droits d'auteur, protection sociale, délais de paiement...

La saison dernière s'est bien passée pour les festivals, dont certains ont enregistré des records d'affluence. Pour autant, nous devons rester attentifs. C'est pourquoi j'ai confié à Pierre Cohen la mission d'identifier les difficultés. Je prépare une circulaire clarifiant les critères d'intervention du soutien de l'État. Du reste, seule une centaine de festivals sur plusieurs milliers bénéficient de son aide. Un comité de rédaction associant France Festivals, Profedim et le Syndicat national des scènes publiques s'est réuni au printemps dernier pour proposer un texte qui fera l'objet d'une concertation.

Le rabot de 5 millions d'euros sur le programme 224 ne portera pas sur nos priorités en matière d'éducation artistique et culturelle. Les économies seront rendues possibles par de décalages dans les projets d'investissement, par exemple à l'école d'architecture de Marseille ou à celle de Bordeaux, ce qui ne remettra pas en cause la priorité assignée à la démocratisation de la transmission des savoirs.

Nous consacrons 8 millions d'euros supplémentaires au plan de soutien aux conservatoires, avec un volet ambitieux d'éducation et de formation artistiques en faveur de la jeunesse, de la diversité artistique et culturelle et de l'irrigation culturelle des territoires. La révision des critères d'intervention de l'État en faveur des conservatoires est menée par un groupe de travail du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC). Les pistes de travail portent sur la mise en oeuvre de pratiques pédagogiques innovantes, le développement des pratiques collectives, la diversification de l'offre artistique, le développement de projets en réseau entre les différents lieux d'enseignement artistique et la mise en oeuvre d'une politique sociale en faveur de l'ouverture au plus grand nombre. Le groupe de travail mène une consultation à l'issue de laquelle il me rendra des propositions, sur le réengagement financier comme sur la révision des critères de classement. Dès la semaine prochaine, associations représentatives du secteur, enseignants, parents d'élèves, directeurs de conservatoires et autres acteurs partenaires seront entendus.

Conformément à l'article 85 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, le Gouvernement a évalué les conditions d'un alignement du statut des professeurs territoriaux d'enseignement artistique sur celui des professeurs des écoles nationales supérieures d'art. Ce rapport, transmis au Parlement en avril, préconise la création d'un statut spécifique reprenant les missions et la grille indiciaire des seconds et la convergence des conditions de recrutement, à bac+5. Cette réforme coûterait entre 1,5 et 2,5 millions d'euros. Le ministère de la culture sollicitera les ministères de la fonction publique, du budget, de l'intérieur et de l'enseignement supérieur afin d'élaborer ce nouveau statut. Le 30 octobre, à Lyon, je me suis engagée à m'impliquer personnellement dans ce dossier.

Un plan de financement en cours de finalisation prévoit 500 000 euros supplémentaires pour consolider et préfigurer la création de troisièmes cycles dans les écoles d'art. L'aide du ministère de la culture, à hauteur de 25 000 euros par troisième cycle, est systématiquement complétée par les collectivités territoriales partenaires, voire d'autres institutions. Une aide particulière est prévue pour l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (Ensba), l'École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) et l'École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (Enssib), qui n'avaient pas été accompagnées au moment du passage au système LMD.

Mme Marie-Christine Blandin . - Vos paroles sur les difficultés du monde de la culture font plaisir. Votre engagement gagnerait à être accompagné de celui de certaines sociétés de perception et de gestion des droits d'auteur, qui dorment sur des milliards quand les salles de spectacle sont en détresse. Si elles n'ont pas la main sur le coeur, nous pourrions avoir la main sur la loi.

Les mesures votées par l'Assemblée nationale minorent votre élan positif de 0,17 %. Il serait question que le couperet tombe plus fort sur le patrimoine et la transmission des savoirs, à hauteur de 0,47 %. J'ai bien entendu que le rabot n'entamerait pas les parcours d'éducation artistique et culturelle, auquel nous tenons beaucoup. En octobre, vous avez dit qu'il fallait rééquilibrer les champs d'intervention pour être en phase avec la société. Nous sommes tous d'accord pour ouvrir les musées et soutenir les lieux d'élite pour tous. Nous sommes lettrés, contre la barbarie, mais certaines personnes ne nous suivent pas dans cet élan vers la culture. Je plaide pour les musiques actuelles : les SMAC, qui ne sont pas présents sur tout le territoire, ne suffisent pas. Il faut des lieux de répétition, de pratique musicale, qu'ont choisie 80 % des Français. Le pourcentage du budget qui leur est alloué est ridicule.

L'augmentation que vous avez portée pour tout le spectacle vivant laisse de côté le domaine des arts du cirque, organisé autour de douze pôles nationaux. Ils ne coûtent pourtant pas cher et sont au plus près des quartiers.

Mme Françoise Férat . - Les crédits en faveur des monuments historiques sont certes maintenus, mais l'État doit soutenir les églises classées qui ne lui appartiennent pas. Dans la Marne, elles sont souvent dans un état sanitaire alarmant, car le coût de leur entretien est trop élevé : imaginez ce que représente 700 000 euros de travaux pour une commune de 150 habitants ! Il faut attendre parfois longtemps une décision favorable de la Drac pour engager les travaux et obtenir le financement lié du département. Les monuments qui appartiennent à l'État reçoivent des fonds en priorité, bien sûr, mais n'oublions pas les autres. Nous allons démolir des églises classées, ce qui est parfaitement insoutenable... Sans compter que de l'activité et des emplois sont en jeu.

M. Jean-Louis Carrère . - Posez donc votre question !

Mme Françoise Férat . - Enfin, le régime fiscal des monuments historiques dit Malraux, profondément réformé par la loi de 2014, le sera à nouveau dans le projet de loi de finances et la LCAP. Vous avez, j'imagine, pris connaissance des propositions du rapport de notre collègue Vincent Eblé sur la dépense fiscale et la préservation du patrimoine historique bâti. Pouvez-vous nous indiquer quelques pistes sur l'application de cette fiscalité ?

Mme Colette Mélot . - Vous avez communiqué sur la croissance du budget en 2016, or celle-ci intervient après une lourde ponction de 4 % en 2013 et de 2 % en 2014 et une stagnation en 2015. En mai, le Premier ministre a même reconnu que la baisse du budget de la culture avait été une erreur. À périmètre constant, les crédits alloués à la culture en 2016 restent inférieurs à ceux de 2012.

Mme Christine Prunaud . - Je me suis entretenue avec le président du Conseil national du livre (CNL), où je représente notre assemblée. Sa situation est très fragile en raison, notamment, de la diminution des taxes de reproduction. Que pensez-vous de la proposition de prélèvement sur l'édition des livres émise par le CNL ?

Mme Françoise Laborde . - Un crédit d'impôt vise à soutenir le cinéma sur tout le territoire. Existe-t-il une ligne budgétaire spéciale pour inciter au tournage de films dans les territoires ruraux ? Des emplois secondaires pourraient être créés. Le CNC décide-t-il seul du maintien des subventions aux festivals de cinéma ? Je pense à celui de Luchon, dont la subvention a beaucoup baissé sous prétexte que le CNC a moins d'argent - ce qui serait de notre faute !

Mme Marie-Pierre Monier . - Je salue l'augmentation des crédits. La budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), très positive dans le contexte de rigueur budgétaire, sécurisera un financement extrêmement aléatoire qui fragilisait l'Inrap et les autres opérateurs, publics ou privés. Élue d'un territoire rural, je suis attachée à la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine culturel local, qui représente souvent un enjeu économique pour les communes. Le budget du patrimoine monumental a baissé drastiquement depuis 14 ans, avant de remonter légèrement l'an dernier et cette année. Je me réjouis que 70 % des crédits soient destinés à des opérations en région. Réserver l'ouverture de certains musées aux scolaires un jour par semaine est aussi très positif. Les subventions aux musées nationaux sont en légère hausse, après neuf années de baisse. Je regrette cependant que le rééquilibrage des crédits en faveur des musées de province amorcé en 2015 ne soit pas confirmé en 2016. La budgétisation de la RAP financera-t-elle les opérations d'archéologie préventive menées par les collectivités ayant reçu l'agrément, et ce financement remettra-t-il sur pied l'Inrap ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - Hier j'ai annoncé la création d'un fonds d'urgence pour soutenir les petits opérateurs privés, notamment les petites salles qui vont connaître des difficultés avec les annulations de ces derniers jours. Lors de ma rencontre avec le CNV, j'ai invité les sociétés de perception et de répartition des droits à participer à ce fonds. La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) a annoncé qu'elle y consacrera 500 000 euros ; la société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) y participera aussi, pour un montant qui sera connu le 26 novembre à l'issue de la réunion de son conseil d'administration.

Je partage la nécessité d'un rééquilibrage des interventions, géographique et esthétique. J'incite les grandes institutions parisiennes à systématiser leur intervention en dehors de l'Île-de-France, puisqu'elles perçoivent une grande partie du budget de la culture. Je souhaite que l'ouverture à des esthétiques nouvelles soit abordée dans le dialogue avec les conservatoires sur les 8 millions d'euros supplémentaires engagés. La création d'un diplôme d'enseignement supérieur de danse hip-hop fait partie de cette ouverture. La priorité à l'éducation artistique et culturelle passe aussi par la reconnaissance de ces nouvelles esthétiques. Nous consacrons 27 millions d'euros aux musiques actuelles, dont 12 millions d'euros aux SMAC ; plusieurs ouvriront prochainement, à Annonay, Sainte-Croix Volvestre, Mont-de-Marsan et Bergerac. Un nouveau pôle d'arts du cirque ouvrira prochainement à Châlons-en-Champagne. La loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine reconnaît les circassiens comme professionnels du spectacle, ce qui leur octroie de nouveaux droits sociaux.

L'effort de l'État en faveur du patrimoine religieux s'élève à 100 millions d'euros par an. L'État prend en charge 40 à 50 % du coût des travaux, en fonction du potentiel fiscal des communes. La Fondation du patrimoine contribue elle aussi activement à sa conservation, par des campagnes efficaces de mécénat populaire. L'association La Sauvegarde de l'art français joue également un rôle important en aidant les propriétaires d'édifices religieux antérieurs à 1800. Les petites communes dotées de monuments importants peuvent faire appel aux services de l'État pour une assistance à maîtrise d'ouvrage ou pour sécuriser les Trésors.

Le rapport Eblé fait des propositions très intéressantes sur la fiscalité, sur lesquelles mes services travaillent déjà. Le dispositif Malraux sera maintenu pour les espaces protégés et les nouvelles cités historiques.

Le budget du ministère de la culture dépasse 1 % du budget général. Nous pouvons financer nos priorités. Nous bénéficions d'une augmentation considérable des moyens alloués, auxquels il faut ajouter les crédits d'impôt. Je suis donc très satisfaite.

Le niveau du fonds de soutien du CNC, qui a baissé depuis plusieurs années, sera stabilisé en 2016. Le soutien à la diffusion et au rayonnement reste une priorité. L'examen des festivals est mené au cas par cas, chaque année : le CNC peut reconsidérer sa position d'une année sur l'autre.

Le crédit d'impôt pour la relocalisation des tournages concerne l'ensemble du territoire. De nombreux pôles d'excellence ont été créés, en Île-de-France, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, à Annecy... L'installation de tournages est aussi souvent liée à l'accompagnement de la région. Les conseils régionaux doivent être sensibilisés pour que le territoire rural soit attractif. Notons que ces crédits d'impôt portent déjà leurs fruits.

La RAP a fait l'objet de quatre réformes depuis sa création, mais aucune n'a jamais offert un rendement suffisamment régulier pour assurer le financement de l'archéologie préventive. La gestion de ce dispositif étant excessivement complexe, j'en ai obtenu la budgétisation à hauteur de son plafond, soit 118 millions d'euros, comme le préconisait le rapport de Martine Faure. Le budget 2016 assure une sécurisation sans précédent à l'Inrap, aux collectivités territoriales et au Fonds national pour l'archéologie préventive (Fnap). La taxe est maintenue selon le principe aménageur-payeur, mais directement reversée au budget général. Les collectivités territoriales qui réalisent des diagnostics se voient attribuer une subvention de 10 millions d'euros - montant jamais atteint ces dix dernières années. Le Fnap est doté de 35 millions d'euros pour participer au financement des fouilles liées à des aménagements d'intérêt général.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Abordons les questions portant sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. Patrick Abate , rapporteur pour avis des crédits « Presse» . - Les accords Schwartz entre l'État, la Poste et les éditeurs de presse relatif à l'aide postale arrive à échéance le 31 décembre 2015. Vous avez annoncé en juin que le reciblage des aides à la presse sur l'aide au pluralisme modifierait le dispositif en profondeur. La baisse des crédits associés fait craindre une augmentation conséquente des tarifs postaux pour les publications jugées non prioritaires. Si l'on peut comprendre la philosophie de cette réforme, ne craignez-vous pas qu'elle porte un coup fatal à la solidarité indispensable entre familles de presse, qui fonde, depuis la loi Bichet, l'ensemble du système de distribution ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits « Livre et industries culturelles » . - Les ressources issues de la taxe sur la reprographie, dont dispose le CNL, sont en érosion et la taxe sur les éditeurs pâtit d'un très faible rendement. L'opérateur se verra, en 2016, dans l'obligation de limiter le champ de ses interventions, pourtant essentielles, en faveur du livre et de la lecture. Envisagez-vous d'affecter de nouvelles ressources au CNL ?

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel » . - La nécessité d'une réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) fait consensus, mais elle est encore différée. C'est dommage. La baisse continue du nombre de téléviseurs va rendre plus aléatoire le montant de la recette procurée par la CAP. Une réforme sera-t-elle possible en 2017 ? Seriez-vous d'accord pour que le Gouvernement rende un rapport au Parlement sur la possibilité d'une réforme « à l'allemande », conduisant à une perception sur l'ensemble des ménages, formule qui recueille le soutien des dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public et des syndicats ? Vous compensez l'absence de réforme par une augmentation de la taxe sur les opérateurs, de 0,9 à 1,3 %. L'affectation des 0,9 %, si elle était effective, serait suffisante pour régler certains problèmes.

Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux recommandations du rapport de la Cour des comptes d'avril 2015 sur Radio France ? Pourquoi le projet de contrat d'objectifs et de moyens ne prévoit-il ni la réforme des formations musicales ni la fusion des rédactions qui auraient évité de renvoyer le retour à l'équilibre des comptes à 2018 ?

L'augmentation des ressources propres de France Télévisions à travers les droits attachés à la production est une priorité pour réduire le besoin de financement public. Le Gouvernement envisage-t-il des modifications législatives à brève échéance pour que les diffuseurs puissent faire évoluer leur modèle économique ?

Avez-vous engagé, à la demande de Radio France, une modification du périmètre de la publicité, comme je l'ai entendu ? Quelle serait-elle ?

Mme Claudine Lepage , rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel extérieur » . - Le 8 avril, TV5 Monde était frappé par une cyberattaque de grande ampleur. Quelles conséquences le Gouvernement en a-t-il tiré ? Une telle attaque pourrait-elle se reproduire, sur une autre société de l'audiovisuel public ? Quels sont les moyens mobilisés pour la cybersécurité ?

France 24, RFI et TV5 Monde disposent d'importants moyens d'information. Comment seront-elles associées au projet de chaîne d'information en continu de France Télévisions ? Compte tenu des difficultés de définition du projet, un lancement en septembre 2016 est-il encore réaliste ? Pourrait-on envisager un lancement début 2017, afin de doter cette chaîne d'une équipe, d'une identité, de moyens et d'un mode de diffusion adaptés ?

Mme Corinne Bouchoux . - Qu'envisagez-vous pour régler la question de la dette viscale de Mediapart et d'Arrêt sur images due au taux différentiel de TVA entre presse papier et médias en ligne ? Quid du critère de respect des droits réservés des photographes, que l'on spolie allègrement ? À quand sa prise en compte dans l'octroi des aides à la presse ? Il n'y a pas de raison d'aider une presse qui spolie ses photojournalistes. Quelles sont les raisons de la hausse du budget d'Hadopi ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - J'avais préparé un amendement créant un crédit d'impôt pour les séries télévisées, sur le modèle de ce qui existe pour le cinéma. De plus en plus, il s'agit de la même industrie, des mêmes acteurs, des mêmes moyens et de la même tendance à la délocalisation des tournages, d'où la nécessiter d'inciter au rapatriement des tournages en France. L'Assemblée nationale l'a voté : elle en a relevé le taux, ainsi que le plafond. Je serai vigilant à ce que cette modification ne soit pas supprimée au Sénat.

Nous sommes partisans de l'élargissement de l'assiette de la redevance afin de pérenniser ce qui représente quasiment la seule ressource du service public, faute de rétablissement de la publicité après 20 heures. Faisons en sorte que cette ressource ne décline pas. L'engagement de ne pas augmenter les impôts ne doit pas empêcher d'apporter une réponse globale pour pérenniser ces recettes. Je doute de l'avenir du service public sans réforme de la CAP. Le financement du service public par l'impôt garantit son indépendance.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Lors du débat sur la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique, le Gouvernement avait accepté d'ouvrir des négociations avec les opérateurs techniques de diffusion pour indemniser leur préjudice, et annoncé que des crédits seraient inscrits dans un texte budgétaire d'ici la fin de l'année. Où en sont ces négociations ? Cette inscription est-elle toujours envisagée ?

Les événements récents nous rappellent à quel point le combat pour la liberté d'expression et la diffusion de nos valeurs dans le monde sont essentiels. Trois scénarios portant sur les ressources de France Médias Monde sont envisagés. Nous assurez-vous que vous soutiendrez le troisième, qui prévoit une progression moyenne annuelle des ressources de 2,1 %, quand les deux autres prévoient un maintien voire un tassement des moyens ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - Le Gouvernement a mandaté M. Emmanuel Giannesini pour proposer des pistes sur la sortie des accords Schwartz, à partir de 2016. Les arbitrages, en cours, seront partagés avec vous. C'est au nom de la solidarité entre les familles de presse que nous avons choisi de ne pas distinguer les taux de TVA, contrairement à des pays voisins ; cette solidarité en est la contrepartie. La soutenabilité tarifaire sera au coeur des décisions du Gouvernement. 2016 sera une année de transition puisque le classement des titres entre presse de loisirs et du savoir prendra six à neuf mois - il n'est pas question de distinguer entre bonne et mauvaise presse, mais de décider de l'allocation des deniers publics. Pendant cette année, je souhaite que l'ensemble de la presse magazine bénéficie d'un tarif postal le plus proche possible de l'inflation, et qu'il soit connu au plus vite.

Nous avons constaté la baisse brutale et préoccupante du rendement des taxes alimentant le CNL. Pour en analyser les causes et proposer des solutions, j'ai demandé, avec le ministre des finances, un rapport à l'Inspection générale des affaires culturelles et au Contrôle général économique et financier. Nous l'attendons dans les jours qui viennent. Sans attendre, le CNL doit construire son budget en tenant compte de la tendance constatée en 2014 et 2015. Des pistes plus structurelles, comme une modification de l'assiette des taxes, pourront être envisagées en 2016.

Les modes d'accès à la télévision ont très fortement évolué, l'accès se faisant de plus en plus par Internet et non plus grâce à une antenne râteau. L'affectation à l'audiovisuel public d'une partie de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques tient compte de cette évolution. Le succès commercial des offres à haut et très haut débit tient largement à la circulation des oeuvres, il n'est donc pas illogique que les opérateurs économiques qui en bénéficient contribuent à financer la création. Plusieurs pistes de réforme de la contribution à l'audiovisuel public ont été étudiées. Les choix doivent être les plus consensuels possibles, conjuguer justice sociale et modernité. Nous continuons à travailler sur les différentes hypothèses ; le Parlement sera associé à ces réflexions en temps utile.

Conformément à ses engagements, l'État apporte à Radio France une dotation en capital de 55 millions d'euros pour l'achèvement du chantier de rénovation de la maison de la radio. La dotation d'investissement est de 25 millions d'euros sur trois ans, pour un retour à l'équilibre en 2018. Nous avons clarifié les priorités stratégiques de Radio France dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens. J'ai dit mon attachement à la complémentarité des antennes, au soutien à la création, à la musique, à l'éducation de la jeunesse à l'information, et à la stratégie numérique de l'entreprise, afin que les valeurs du service public restent au coeur de l'action de Radio France. J'ai dit à son président, en avril, qu'il fallait réformer les formations musicales, y compris dans leur dimensionnement et leur organisation, pour plus que jamais faire rayonner la culture de notre pays. Nous avons besoin de plus de musique, plus de spectacle, dans la période actuelle. La fusion des deux orchestres n'a pas été retenue dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens : ce serait affaiblir l'offre musicale pour des économies incertaines. M. Stephan Gehmacher, directeur musical de la Philharmonie de Luxembourg, missionné par Radio France, a formulé des recommandations avant l'été. Le projet de contrat d'objectifs et de moyens prévoit la mise en place de services transverses, dans le respect des identités de chaque antenne. La diversité fait partie de l'ADN de Radio France : il faut faire attention au risque d'uniformisation et préférer une démarche pragmatique au mécano institutionnel.

J'ai dit, à mon arrivée au ministère, que nous devions faire de la production audiovisuelle, notamment de fiction, une priorité. Depuis janvier, je travaille avec tous les acteurs pour renforcer cette filière, en soutenant la création - audace et innovation font partie de la feuille de route de Delphine Ernotte - mais aussi le rayonnement de la création française, et en travaillant à un meilleur partage des risques entre producteurs et diffuseurs. J'ai engagé, à cette fin, une négociation sur l'amélioration de la transparence dans ce secteur, dont je souhaite qu'elle aboutisse rapidement à un accord professionnel. De même, j'ai inscrit des dispositions législatives sur ce sujet dans le projet de loi que je porte. J'ai également engagé un rééquilibrage des relations entre producteurs et diffuseurs, notamment par le décret du 27 avril qui accorde aux diffuseurs la possibilité de prendre des parts de coproduction sur les oeuvres indépendantes qu'ils financent largement. Il faut accompagner la mutation des activités des diffuseurs, qui souhaitent une plus grande implication. Des discussions sont en cours entre France Télévisions et les organisations de producteurs. Ces évolutions doivent être menées sans bouleverser la production indépendante, qui doit être forte et ambitieuse. Aussi, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait renforcé le crédit d'impôt en faveur de la fiction, en revalorisant le taux de 20 à 25 % et augmentant les plafonds, et j'espère qu'il sera confirmé par le Sénat. Nous démontrons ainsi notre volonté de soutenir la production audiovisuelle.

Le Gouvernement souhaite ouvrir le régime publicitaire à tous les annonceurs, par souci de sécurité juridique, tout en encadrant la durée horaire des publicités, y compris pendant la tranche matinale. Une consultation publique était ouverte jusqu'au 1 er novembre. L'objectif est de maintenir le chiffre d'affaires publicitaire au niveau observé ces dernières années, soit 42 millions d'euros. Il n'est pas question d'augmenter le volume de publicité.

Concernant le projet de chaîne publique d'information continue : dès le mois de mars, nous avons tracé les orientations stratégiques de France Télévisions. Nous avons besoin d'une information pluraliste, indépendante, décryptant le monde contemporain. Les complémentarités entre les organismes de l'audiovisuel public sont importantes. L'offre publique d'information était l'un des sujets du comité stratégique de l'audiovisuel public, qui s'est tenu le 21 octobre. Différents sujets d'intérêt commun y ont été abordés. La présidente de France Télévisions présentera son projet en fin d'année, afin de le lancer à la rentrée 2016. Ce calendrier ambitieux traduit la mobilisation des acteurs concernés. Le Parlement sera étroitement associé à ce chantier.

La cyberattaque dont TV5 Monde a été victime, le 8 avril, a été particulièrement violente. La réaction extrêmement rapide des équipes techniques et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) a prévenu la destruction totale de ses infrastructures informatiques. Les organismes de l'audiovisuel public ont intégré les recommandations de l'Anssi. J'ai souhaité qu'ils réfléchissent en commun aux moyens de renforcer leur cybersécurité. La reconstruction du système d'information de TV5 Monde et le renforcement de sa sécurité informatique coûtera 4,9 millions d'euros en 2015, 2,9 millions d'euros en 2016, puis 2,4 millions d'euros par an. Nous avons accepté le redéploiement en cours d'année de 1,2 million d'euros destinés à l'acquisition de programmes français vers les frais communs, confirmé l'augmentation de 0,7 million d'euros de la dotation de TV5 Monde en 2016 et lui avons laissé le bénéfice intégral de l'économie fiscale de 1,7 million d'euros lié à son financement par la contribution à l'audiovisuel public.

Le budget de la Hadopi est effectivement en hausse : il sera de 8,5 millions d'euros en 2016. Cet effort significatif intervient après des années où la haute autorité a largement puisé dans son fonds de roulement. Il s'agit donc d'un rattrapage qui lui permettra de maintenir le périmètre de ses missions actuelles.

Je rappelle l'attachement du Gouvernement au taux de TVA super-réduit sur l'ensemble de la presse, imprimée ou en ligne. La Commission européenne a infléchi sa position. Nous continuons d'appuyer le souhait de la Commission de faire évoluer la directive sur la TVA dès 2016 dans le sens de la neutralité fiscale - sujet soumis à l'unanimité des États membres. Le Gouvernement poursuit son oeuvre de conviction sur la substituabilité entre presse imprimée et en ligne. Il ne m'appartient pas d'interférer dans la situation fiscale de Mediapart , mais j'espère qu'il trouvera une solution avec l'administration fiscale afin de passer cette période délicate pour sa trésorerie.

Le résultat des enchères sur les fréquences de la bande des 700 MHz ont été très positives. Le Gouvernement, soucieux des conséquences économiques sur les opérateurs de diffusion, privilégie la voie du compromis en matière d'indemnisation. L'Inspection générale des finances a été saisie pour évaluer l'impact de ces opérations sur le marché de la diffusion. Les négociations, confidentielles, sont toujours en cours. Des propositions financières ont été adressées aux opérateurs. Je sais la détermination de M. Emmanuel Macron, comme du Premier ministre, à faire aboutir ces négociations. L'engagement du Gouvernement sera tenu, l'objectif restant le dépôt d'un amendement au projet de loi de finances pour 2016 au Sénat, ou au projet de loi de finances rectificative pour 2015. Cette mesure pourrait prendre la forme d'une hausse de l'enveloppe de 27,3 millions d'euros affectée à l'Agence nationale des fréquences (ANFR).

La dotation de France Médias Monde augmentera de 2 millions d'euros en 2016. S'y ajoute un effet fiscal favorable de 3,4 millions d'euros en 2016. En hausse de 2 %, le financement des chaînes est solidement assuré. Le contrat d'objectifs et de moyens, en cours de négociation, vous sera soumis pour avis rapidement. Nous discutons des différents scénarios avec les ministères des affaires étrangères et des finances. Nous choisirons l'option la plus respectueuse des missions de service public de France Médias Monde.

Rapport de M. Stephan Gehmacher, directeur général de la Philharmonie
de Luxembourg, sur la réforme des formations musicales de Radio France

Ce document est disponible au format PDF.


* 1 « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020 », rapport d'information n° 709 (2014-2015) de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances.

* 2 Votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'opportunité, à l'avenir, d'adjoindre la nouvelle action n° 3 « Soutien aux médias de proximité » du programme 334 « Livre et industries culturelles » au programme 313 qui pourrait ainsi être consacré intégralement au soutien à la diversité des médias.

* 3 Ce régime concerne les contribuables qui n'étaient pas assujettis à la CAP avant la réforme de 2005 et qui le seraient devenus en raison de leur assujettissement à la taxe d'habitation.

* 4 L'article 56 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 a prolongé définitivement ce régime dit des « droits acquis » qui concerne des personnes âgées de plus de 65 ans non imposables et des foyers dont l'un des membres est handicapé, sous certaines conditions.

* 5 En 2014, 96,2 % des foyers étaient dotés d'au moins un téléviseur soit une baisse de 1,9 point en un an.

* 6 Dans son rapport spécial de cette année n° 3110 annexe 32, p. 41, M. Jean-Louis Beffara a souhaité « alerter de nouveau le Gouvernement sur la nécessité de procéder dès que possible à la réforme de l'assiette de la CAP, afin de ne pas engendrer une sortie progressive de l'assiette d'un nombre croissant de foyers ».

* 7 « Un modèle économique de l'audiovisuel public adapté au 21 ème siècle », rapport d'information n° 3098 de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Éric Woerth, président, et M. Jean-Marie Beffara, rapporteur, p. 57 et suivantes.

* 8 Projet de loi de finances pour 2016 n° 3096 (AN), p. 85.

* 9 Audition par votre commission le 5 novembre 2015, http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20151102/cult.html#toc5

* 10 Avis n° 112 - Tome IV - Fascicule 1 a (2014-2015) pp. 18 et suivantes.

* 11 « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020 », rapport d'information n° 709 du 29 septembre 2015 de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances.

* 12 Le chiffre de 1,5 milliard d'euros est celui, officiel, donné par le Beitragsservice dans un communiqué de presse du 5 mars 2015.

* 13 Sur la période 2009-2012, les recettes totales ont été de 29 433 millions d'euros .

* 14 Les trois chaînes de télévision d'information en continu appartiennent à des grands groupes privés (BFM Tv, iTélé, LCI).

* 15 Les cas d'Arte France et de TV5 Monde qui relèvent de traités internationaux apparaissent suffisamment spécifiques pour justifier de ne pas être intégrés dans le projet de regroupement.

* 16 Le COM de Radio France a été transmis au Parlement en octobre 2015 alors que Mathieu Gallet est entré en fonction en mai 2014.

* 17 Une marque « Premium » se caractérise par sa capacité à se développer sans rien céder sur la qualité. Elle se distingue en cela des marques de luxe ou élitistes qui ne s'adressent qu'à un faible nombre de personnes et des marques « généralistes » qui privilégient les volumes à la qualité.

* 18 La situation de France Médias Monde et celle de TV5 Monde sont examinées dans le fascicule consacré à l'audiovisuel extérieur rapporté pour avis par notre collègue Claudine Lepage.

* 19 Les données publiées par le Médiamat le 3 novembre 2015 concernant la semaine du 26 octobre au 1 er novembre accordent les audiences suivantes : France 2 (13,6 %), France 3 (8,6 %), France 4 (1,8 %), France 5 (3,4 %), France Ô (0,6 %) soit un total de 28 %. Le groupe TF1 (TF1, TMC, NT1, HD1) réunissait à la même date quant à lui 28,9 % de l'audience.

* 20 « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de "France Médias" en 2020 », rapport d'information n° 709 du 29 septembre 2015 de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances.

* 21 La même proposition a été faite aux représentants syndicaux de Radio France et votre rapporteur pour avis devrait également faire, le moment venu, la même proposition aux représentants syndicaux de France Médias Monde.

* 22 La proposition de Radio France d'équiper le studio de France Info de caméras et d'une régie afin de diffuser le même programme sur tous les supports ne semble pas avoir recueilli le soutien des autres partenaires.

* 23 Rapport au Parlement sur les orientations de France Télévisions, 22 octobre 2015, p. 15.

* 24 Rapport d'orientation précité, p. 17.

* 25 Audition de votre commission du 5 novembre 2015.

* 26 Voir à cet égard la présentation de l'article 20 du PLF 2016 dans le présent avis.

* 27 Voir l'avis n° 112 - Tome IV - Fascicule 1 a (2014-2015), p. 33.

* 28 L'analyse de ces coûts a ultérieurement démontré qu'ils étaient conformes aux pratiques compte tenu du caractère patrimonial de l'espace concerné.

* 29 « Radio France : Les raisons d'une crise, les pistes d'une réforme », rapport public thématique de la Cour des comptes, avril 2015.

* 30 Rapport précité p. 19.

* 31 Rapport précité p. 71

* 32 Selon des informations transmises à votre rapporteur pour avis, il semblerait par ailleurs que la direction de la musique soit vacante depuis plus de six mois avec pour conséquence de laisser les 500 musiciens de Radio France sans véritable perspective stratégique au moment même où des décisions importantes sont pourtant nécessaires.

* 33 Le rapport de M. Gehmacher est publié en annexe du présent avis budgétaire.

* 34 Lire le compte rendu sur le site Internet du Sénat - http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20151026/cult.html#toc4

* 35 L'entreprise avait provisionné une somme de 6 millions d'euros pour tenir compte d'un contentieux qui s'est soldé à son avantage.

* 36 Annexe au PLF 2016, compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public », p. 113.

* 37 Contrat d'objectifs et de moyens de l'INA pour la période 2015-2019.

* 38 Voir le compte-rendu de l'audition de Mme Agnès Saal le 6 avril 2015 - http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20150406/cult.html

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