Avis n° 168 (2015-2016) de M. Patrick ABATE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 19 novembre 2015

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N° 168

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 2

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

PRESSE

Par M. Patrick ABATE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

« Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et elle ne saurait être limitée sans être perdue » : en cette année 2015 où, un fatal 7 janvier, cette liberté, dans son expression la plus engagée et la plus indépendante, a été dangereusement atteinte , la conviction exprimée il y a plus de deux siècles par Thomas Jefferson n'a jamais semblé si vraie.

Et pourtant, la presse souffre toujours d'une érosion de ses ventes, du vieillissement de son lectorat, de la fuite des recettes publicitaires vers d'autres supports et des contraintes, financières et technologiques, d'une mutation numérique à la fois fossoyeur et espoir de ses équilibres économiques.

Le constat est devenu lieu commun et pourtant, il se pourrait que 2016 représente le tournant tant attendu : les investissements destinés à la modernisation des structures et des méthodes de travail commencent à porter leurs fruits, le système de distribution retrouve une stabilité à laquelle peu croyaient encore et l'Agence France-Presse s'est engagée dans une réforme a minima , qui garantit à ce jour la poursuite de son activité.

Parallèlement, l'effort de l'État se renforce en faveur des quotidiens d'opinion, aux ressources publicitaires réduites à portion congrue, afin de préserver le pluralisme de l'information au bénéfice de nos concitoyens. Le renforcement du ciblage des aides directes constitue, en effet, l'un des points saillants de l'évolution des crédits du programme 180 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016.

Cette embellie a pourtant une face cachée : elle porte les signes annonciateurs d'une possible rupture dans le principe de solidarité qui anime, depuis la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite « loi Bichet », la diffusion de la presse. Votre rapporteur pour avis, soucieux du maintien d'équilibres durement acquis, exhorte le Gouvernement, comme les acteurs de la filière, à les préserver.

I. LA CRISE DE LA PRESSE : QUELLE ISSUE ?

A. UN CONSTAT DEVENU HABITUEL

1. Une érosion continue de la rentabilité

La diffusion de l'ensemble des titres de presse, qui était stabilisée autour de 7 milliards d'exemplaires depuis près de vingt ans accuse, depuis 2009, une érosion spectaculaire des volumes vendus , pour se réduire à un peu plus de 4,5 milliards d'exemplaires pour l'année 2013 , selon les derniers chiffres diffusés par la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture et de la communication, dans le cadre de son enquête annuelle. En comparaison, en 2000, 8,27 milliards d'exemplaires, toutes presses confondues, étaient tirés et 7,02 milliards d'exemplaires distribués.

Diffusion totale annuelle
1982-2013

Source : DGMIC - Enquête presse

L'apparition de la presse gratuite d'information et le grand nombre de titres de la presse gratuite d'annonces, qui diffusaient encore conjointement 2,53 milliards d'exemplaires en 2007 (soit 35,6 % de l'ensemble) ont, un temps, maintenu le volume global de tirage et de diffusion de la totalité de la presse, avant de subir, à leur tour, les conséquences de ce qu'il convient de nommer « la crise de la presse ».

Mutation numérique inachevée, vieillissement et attrition du lectorat, réduction drastique des investissements publicitaires : les causes de cette crise sont multiples et, pour certaines, installées pour longtemps.

* presse payante seule.

Source : Enquêtes annuelle de la DGMIC

Cette chute vertigineuse s'établit, pour l'ensemble, à près de 1,4 milliard d'objets entre 2010 et 2013, aussi bien pour le tirage que pour la diffusion. En conséquence, de nombreux titres, notamment hebdomadaires, ont disparu . En 2014, puis en 2015, la tendance n'a fait que se confirmer, entraînant une attrition parallèle du chiffre d'affaires du secteur.

Évolution des composantes du chiffre d'affaires de la presse

Source : Enquêtes DGMIC

Seule embellie constatée, les abonnements poursuivent leur progression, en proportion à défaut d'en volume, grâce au développement de la distribution par portage au domicile des abonnés . Cette évolution ne permet toutefois nullement d'enrayer la diminution globale des ventes, ni celle du chiffre d'affaires, qui pâtit dans le même temps de la réduction des recettes publicitaires.

Ensemble de la presse
Répartition des recettes

Source : DGMIC - Enquête presse

Aucun secteur de la presse n'est désormais épargné par l'érosion des volumes de tirages et de diffusion.

Diffusion totale annuelle
1982-2013

Source : DGMIC - Enquête presse

La mission confiée par le Gouvernement, en 2014, à Alexandre Jevakhoff, inspecteur général des finances, relative à l'avenir du schéma de diffusion de la presse écrite, dont le rapport est demeuré confidentiel, juge sans guère de complaisance l'avenir de la presse. Son auteur considère en effet qu' : « avant la fin de la décennie, la distribution de la presse quotidienne nationale va encore diminuer de quarante points, celle de la presse magazine de trente à trente-cinq points. De nouveaux titres disparaîtront ».

• La presse nationale d'information générale et politique

La presse quotidienne nationale représente 2 600 journalistes, dont 20 % dans la presse sportive et hippique, ainsi qu'un vaste réseau de correspondants à l'étranger. Près de huit millions de Français lisent chaque jour au moins un quotidien national en version papier.

Pour l'ensemble de la presse nationale d'information politique et générale, des tendances similaires à l'évolution globale du secteur sont observées sur la période d'étude de la DGMIC, notamment s'agissant du renforcement de la part des abonnements par rapport à la vente au numéro, et se poursuit depuis. En 2014, 212 millions d'exemplaires ont ainsi été vendus au numéro, 162 millions servis aux abonnés et 46 millions de versions PDF de journaux ont été achetées.

Presse nationale d'information générale et politique

( en milliers d'exemplaires et en % )

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

Les volumes poursuivent leur recul pour la très grande majorité de titres. Selon les derniers chiffres publiés pour l'année 2014 par l'Office de justification de la diffusion de la presse française (OJD), organisme de référence pour la diffusion des médias imprimés, seuls Libération , qui a toutefois, ces dernières années, subi une attrition considérable de ses ventes, et Les Échos progressent légèrement sur les six premiers mois de l'année 2015, respectivement de 1,8 % et de 2,5 %.

L'année 2015 pourrait toutefois se révéler finalement décevante pour Libération , puisque le mois de juin 2015, où sa nouvelle formule a été lancée, a enregistré une baisse de 7,4 % de la diffusion du titre. En outre, le déficit de 9 millions d'euros constaté à la fin de l'année 2014 ayant été considéré comme insoutenable rapporté à un chiffre d'affaires de 35 millions d'euros, le titre a dû se résoudre à diminuer de 25 % sa masse salariale. L'amélioration constatée n'en apparaît donc que plus relative.

Les résultats sont particulièrement inquiétants pour Le Parisien
(- 6,2 %) et son édition nationale Aujourd'hui en France (- 6,1 %), L'Équipe
(- 2,2 %), définitivement passé en format tabloïd le 18 septembre, et La Croix (- 1,9 %). Le Monde et Le Figaro enregistrent, pour leur part, des baisses de leur diffusion inférieures à 1 %.

L'Humanité se trouve, pour sa part, dans une situation dramatique, ainsi que le confiait son directeur à votre rapporteur pour avis, en raison d'un endettement particulièrement élevé, qui nécessite un suivi régulier du titre par le tribunal de commerce. Sur un chiffre d'affaires de 29 millions d'euros, 6 millions d'euros proviennent à parts égales des aides publiques et de souscriptions de lecteurs, mais la quasi-absence de publicité et l'atonie des ventes ne suffisent plus à faire face aux charges restantes . Or, il n'est rien de moins certain que de généreux donateurs viennent en aide au titre historique, comme ce fût le cas en leur temps du groupe Lagardère et de TF1.

Par ailleurs, les recettes publicitaires, qui pesaient en 1990 plus de 50 % de l'ensemble des produits de la presse quotidienne nationale, représentent moins du tiers du chiffre d'affaires en 2014 . L'évolution la plus spectaculaire concerne les recettes d'annonces, qui ne s'établissement qu'à moins de 2 % des recettes publicitaires en 2014 contre 19 % en 1990.

• La presse locale d'information générale et politique

La presse en région représente le premier vecteur écrit d'information des Français : elle rassemble 18 millions de lecteurs quotidiens sur le seul support imprimé, soit 4,8 millions d'exemplaires vendus par jour en 2014 , pour soixante-trois titres et quatre-cent-trente éditions diffusées en métropole et en Outre-mer. On estime à 42,8 millions le nombre de personnes ayant lu, en un mois, au moins une édition locale.

Sur les 2,8 milliards d'exemplaires de presse quotidienne diffusés chaque année, 61 % sont des quotidiens locaux . Cette proportion atteint 70 %, soit 1,6 milliard d'exemplaires, pour la seule presse quotidienne d'information politique et générale (IPG).

Les éditeurs en région emploient 16 000 salariés, dont 5 000 journalistes, et 20 000 correspondants locaux.

Pour cette catégorie de presse, la part en pourcentage des recettes de vente par abonnement a presque triplé au cours des vingt dernières années, tandis que les ventes au numéro ont perdu près de quatorze points sur la période.

Presse locale d'information générale et politique

( en milliers d'exemplaires et en % )

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

Les recettes de publicité, qu'il s'agisse de la publicité commerciale ou des annonces, subissent également un recul. Moins marqué que pour la presse nationale, il a cependant des conséquences évidentes sur l'évolution du chiffre d'affaires de la presse locale, qui s'établit, en 2014, à 2,3 milliards d'euros .

Le chiffre d'affaires publicitaire représentait 754 millions d'euros cette même année, dont 412 millions d'euros de publicité locale, 107 millions d'euros de publicité nationale et internationale et 235 millions d'euros provenant des annonces classées (marchés publics, avis administratifs et annonces judiciaires et légales). Le maintien du niveau de cette dernière enveloppe est source d'inquiétude pour la presse régionale , comme l'ont rappelé ses représentants à votre rapporteur pour avis, compte tenu des menaces qui pèsent sur la publication des marchés publics inférieurs à 90 000 euros et sur les annonces judicaires et légales pouvant conduire à priver ces titres d'environ 30 millions d'euros de recettes.

L'évolution du chiffre d'affaires sur 10 ans

(en millions d'euros)

Source : UPREG

• La presse spécialisée grand public

La part des abonnements y a pratiquement doublé sur la période considérée par l'enquête de la DGMIC, tout en diminuant en volume. L'évolution du pouvoir d'achat des ménages , qui demeure une variable essentielle pour les éditeurs de ce type de presse , a montré, ces dernières années, des signes d'essoufflement, conduisant, depuis 2005, les volumes de tirages à s'orienter à la baisse, tandis que la proportion d'invendus atteint près de 30 %.

Presse spécialisée grand public

( en milliers d'exemplaires et en % )

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

En outre, la presse de loisirs et de divertissement a subi de plein fouet, tant en termes de diffusion (- 17,3 %) que de recettes publicitaires (-27,3 %), la concurrence de la presse en ligne et la crise économique . En conséquence, la presse magazine a, entre 2008 et 2013, perdu près de 19 % de son chiffre d'affaires, passant de 4,6 milliards d'euros à 3,7 milliards d'euros . Sur la même période, les vingt groupes les plus importants affichent un résultat courant en recul de 41 % et une capacité d'autofinancement en baisse de 46 %. Par ailleurs, près de trois cents entreprises ont disparu, conduisant à une réduction de 13 % des effectifs à 25 600 personnes environ .

Les données publiées pour l'année 2014 - diminution de 5,5 % pour la diffusion, dont - 8 % s'agissant de la vente au numéro, et de 8,7 % pour la publicité - ne sont guère plus encourageantes pour les magazines, qui, après avoir longtemps résistés à la crise du marché de la presse, en sont désormais également victimes.

• La presse spécialisée technique et professionnelle

La part des abonnements progresse également pour cette catégorie de presse - les recettes de vente au numéro y sont presque insignifiantes -, qui se caractérise par une forte part de recettes publicitaires, pratiquement à parité avec les recettes de ventes.

Ces publications occupent une place atypique dans le secteur de la presse, compte tenu de leur mode de diffusion qui les rend moins perméables aux enjeux logistiques et qui favorise leur mutation, parfois intégralement numérique. Pour autant, cette catégorie est également en difficulté : en 2014, leur diffusion a diminué de 7,5 %, leur pagination publicitaire de 5,7 % et leur chiffre d'affaires de 1,2 %.

Presse spécialisée technique et professionnelle

( en milliers d'exemplaires et en % )

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

2. Une évolution du marché publicitaire défavorable à la presse

2009 représente une année de rupture , où les recettes publicitaires chutèrent brutalement de 12,5 % dans l'ensemble des médias. Depuis, les supports traditionnels demeurent à la peine, concurrencés par les nouveaux supports et leur capacité à proposer une offre publicitaire quasiment personnalisée aux lecteurs.

Selon la récente étude publiée par l'Institut de recherches et d'études publicitaires (IREP) sur le marché publicitaire français en 2014, le mobile représente le média le plus dynamique ; il enregistre une augmentation de 35 % de ses investissements publicitaires.

L'Internet search (liens promotionnels) bénéficie, pour sa part, d'une augmentation de 4 % des investissements réalisés par les annonceurs, après une hausse de 4,7 % enregistrée en 2013. De même, l'Internet display (bannières) connaît une hausse de 1,8 % sur l'année, après un léger recul en 2013.

Les médias classiques apparaissent, en revanche, en difficulté, même si, pour la première fois depuis 2011, les recettes publicitaires de la télévision connaissent une appréciable stabilité (+ 0,1 % contre - 3,5 % en 2013). Ainsi, la radio subit un recul de 1,4 %, après une baisse de 0,4 % l'année précédente et le cinéma voit ses recettes publicitaires poursuivre leur spectaculaire contraction (- 9,6 % en 2014, après une baisse de 13,3 % en 2013).

Enfin, le secteur de la presse apparaît fort peu florissant en matière publicitaire. Les investissements des annonceurs reculent chaque année depuis 2007 et la diminution enregistrée en 2014 atteint le niveau peu rassurant de 8,7 %.

Pour la troisième année consécutive, la presse est dépassée par la télévision comme premier support investi par les annonceurs (3,2 milliards d'euros pour la télévision, contre 2,7 milliards d'euros pour la presse ). En 2014, à titre de comparaison, sur un marché publicitaire de 13,2 milliards d'euros, l'Internet display et search ont respectivement reçu 640 millions d'euros et 1,7 milliard d'euros d'investissements publicitaires ; la radio 736 millions d'euros. Le mobile, avec 92 millions d'euros de publicité, double pour la première fois le cinéma (81 millions d'euros).

Conjoncture 2014

Source : Union de la Presse en Région

Si les médias traditionnels sont encore préférés en volume par les annonceurs, la diminution constante de la part des investissements qui leur est dédiée, dans un contexte où ces investissements eux-mêmes reculent progressivement, aura pour conséquence, dans les années à venir, d'établir les supports numériques comme premiers médiums publicitaires .

Dans un contexte économique légèrement plus optimiste en 2015 , caractérisé, au premier trimestre, par un produit intérieur brut (PIB) en augmentation de 0,6 % (après une stagnation en 2014) et une consommation des ménages en hausse de 0,9 %), les résultats du marché publicitaire du premier trimestre accusent pourtant un recul de 2,9 %, moins important toutefois que celui enregistré en 2014 à la même époque (- 4,5 %).

La tendance des médias historiques demeure donc à la baisse au regard des données disponibles au premier semestre 2015 : la radio enregistre une diminution des recettes de 4,6 % contre une augmentation de 0,8 % au premier semestre 2014, tandis que les ressources publicitaires du cinéma poursuivent leur impressionnante érosion (- 9 %). La presse suit également la tendance avec une baisse de - 8,5 % de ses recettes publicitaires . Seule la télévision semble protégée de la spirale négative du marché, avec une hausse de 3 % constatée par rapport au premier semestre de 2014.

L'IREP, en conséquence de la relative embellie de l'économie française, prévoit une stagnation du marché publicitaire en 2015 puis en 2016. Les analyses rendent compte de signes encourageants pour quelques médias (télévision et publicité extérieure), confortés par l'apport de croissance provenant du digital, notamment par les supports mobiles. La publicité sur Internet et sur mobile devrait continuer de croître en 2015 et 2016, respectivement de 3,6 % puis de 3,9 %, pour représenter 30 % des investissements publicitaires dès 2016, contre 26,5 % en 2014. Les ressources de la publicité sur support numérique talonneraient ainsi celles de la télévision, qui sont prévues à 31,5 % de parts de marché en 2016.

La presse devrait cependant poursuivre son déclin, avec une baisse prévue de 4,9 % en 2015 puis de 4,1 % en 2016 , cause et conséquence de la crise structurelle que subit le secteur, mettant son modèle économique à mal par le développement du numérique et des nouvelles pratiques d'information induites.

De fait, toutes publications confondues, les recettes liées à la publicité commerciale sont entrées depuis plusieurs années dans une phase de repli. La suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions après 20 heures , si elle a nourri brièvement les espoirs de certains, n'a ainsi nullement bénéficié au secteur .

L'ensemble des publications est aujourd'hui concerné par le marasme généralisé du marché publicitaire de la presse . Pour la seule année 2014, la perte de recettes s'est établie à 9,7 % pour les quotidiens nationaux, 6,3 % pour les quotidiens régionaux, 8,8 % pour les magazines et 8 % pour la presse spécialisée. La presse locale représente encore 5,8 % des 13 milliards d'euros de recettes publicitaires plurimédia, équivalant à 22,7 % des 2,6 milliards d'euros d'investissements publicitaires dans la presse, ce qui fait d'elle la première bénéficiaire de ces recettes.

3. Un produit de luxe ?

La crise économique actuelle comme la diminution constante de leurs ventes devraient logiquement inciter les éditeurs à la prudence s'agissant de l'évolution du prix de vente facial de leurs titres . Il n'en fut toutefois généralement rien ces dernières années, face à la contrainte de compenser la perte progressive de recettes publicitaires .

L'indice global des journaux et périodiques dépasse ainsi largement depuis cinq ans - d'environ 4 ou 5 points - celui de l'ensemble général des prix à la consommation.

Prix de vente
Indice base 100 en 1998

Source : DGMIC - Enquête presse

L'indice du prix de vente des seuls quotidiens progresse un peu plus fortement que celui des magazines. Ainsi, la nouvelle formule de Libération , qui ne comprend qu'une trentaine de pages, s'affiche-t-elle à 2 euros, tandis qu'il faut débourser 1,70 euro pour acquérir un exemplaire de L'Humanité . À titre de comparaison, un abonnement à Libération revient à 60 euros par mois, contre moitié moins pour Canal + et une dizaine d'euros pour Netflix.

Prix de vente
Journaux et magazines

Source : DGMIC - Enquête presse

Le constat n'est guère différent s'agissant de la presse quotidienne en région : en 2014, outre les progrès réalisés sur le numérique, seule l'augmentation de 2,4 % du prix moyen des journaux a permis de stabiliser le chiffre d'affaires des ventes à 1,5 milliard d'euros.

Si votre rapporteur pour avis comprend la logique économique attachée à ce choix, il ne peut que s'inquiéter des conséquences d'une augmentation inconsidérée des prix, tant sur le niveau des ventes que sur la désertion d'un certain lectorat populaire pour lequel, bien souvent, le journal ou le magazine représente l'une des rares lectures.

Par ailleurs, les augmentations tarifaires sont loin d'être en adéquation avec une amélioration substantielle de la qualité ou de la quantité des contenus proposés . Pire, comme le regrettaient les responsables du Syndicat national des journalistes (SNJ) lors de leur audition, la multiplication des plans sociaux dans de nombreuses rédactions a entraîné une diminution du nombre de collaborateurs et un rajeunissement quelque peu brutal des effectifs au regard de l'importance de l'expérience et de la mémoire des dossiers dans ces métiers.

Les magazines, en particulier, emploient désormais une forte proportion de pigistes, quand ils ne font pas appel à des journalistes sous statut d'auto-entrepreneurs , afin d'éviter toute présomption de salariat consécutive à la récente jurisprudence relative aux pigistes. La qualité des publications s'en est, selon, certains, ressentie : les communiqués de presse sont souvent repris sans vérification ni modification rédactionnelle et les dépêches d'agence remplacent fréquemment l'investigation. Votre rapporteur pour avis déplore également le sort réservé par bien des éditeurs aux photojournalistes, mal rémunérés bien souvent, voire remplacés par des agences.

Sans préjuger lui-même de la qualité des contenus, votre rapporteur pour avis est favorable, à cet égard, à la proposition formulée par le SNJ de rendre obligatoire, pour les éditeurs, la signature d'une charte de déontologie applicable à l'ensemble des rédactions. Il en va de l'indépendance et de la crédibilité de la presse.

Charte d'éthique professionnelle des journalistes du SNJ - mars 2011

Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des droits de l'homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l'exercice de sa mission. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime sur toute autre.

Ces principes et les règles éthiques ci-après engagent chaque journaliste, quelles que soient sa fonction, sa responsabilité au sein de la chaîne éditoriale et la forme de presse dans laquelle il exerce. Cependant, la responsabilité du journaliste ne peut être confondue avec celle de l'éditeur, ni dispenser ce dernier de ses propres obligations.

Le journalisme consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualité ; il ne peut se confondre avec la communication. Son exercice demande du temps et des moyens, quel que soit le support. Il ne peut y avoir de respect des règles déontologiques sans mise en oeuvre des conditions d'exercice qu'elles nécessitent.

La notion d'urgence dans la diffusion d'une information ou d'exclusivité ne doit pas l'emporter sur le sérieux de l'enquête et la vérification des sources. La sécurité matérielle et morale est la base de l'indépendance du journaliste. Elle doit être assurée, quel que soit le contrat de travail qui le lie à l'entreprise.

L'exercice du métier à la pige bénéficie des mêmes garanties que celles dont disposent les journalistes mensualisés. Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte ou exprimer une opinion contraire à sa conviction ou sa conscience professionnelle, ni aux principes et règles de cette charte.

Le journaliste accomplit tous les actes de sa profession (enquête, investigations, prise d'images et de sons, etc.) librement, a accès à toutes les sources d'information concernant les faits qui conditionnent la vie publique et voit la protection du secret de ses sources garantie.

C'est dans ces conditions qu'un journaliste digne de ce nom :


• Prend la responsabilité de toutes ses productions professionnelles, mêmes anonymes


• Respecte la dignité des personnes et la présomption d'innocence


• Tient l'esprit critique, la véracité, l'exactitude, l'intégrité, l'équité, l'impartialité, pour les piliers de l'action journalistique ; tient l'accusation sans preuve, l'intention de nuire, l'altération des documents, la déformation des faits, le détournement d'images, le mensonge, la manipulation, la censure et l'autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles


• Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d'où qu'elles viennent


• Dispose d'un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations qu'il diffuse et fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte


• N'accepte en matière de déontologie et d'honneur professionnel que la juridiction de ses pairs ; répond devant la justice des délits prévus par la loi


• Défend la liberté d'expression, d'opinion, de l'information, du commentaire et de la critique


• Proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une information. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l'obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible explication au public


• Ne touche pas d'argent dans un service public, une institution ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d'être exploitées


• N'use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée


• Refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication


• Cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat


• Ne sollicite pas la place d'un confrère en offrant de travailler à des conditions inférieures


• Garde le secret professionnel et protège les sources de ses informations


• Ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge.

Source : SNJ

B. UN SECTEUR FISCALEMENT PRIVILÉGIÉ

1. Des dispositifs généralistes généreux
a) Un taux de TVA extrêmement favorable

Le taux « super-réduit » de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), réservé depuis 1977 aux quotidiens et assimilés, a été étendu à l'ensemble des périodiques à partir du 1 er janvier 1989, par l'article 88 de la loi de finances pour 1988 (article 298 septies du code général des impôts). Les ventes, commissions et courtages portant sur les publications de presse, qui remplissent les conditions prévues aux articles 72 et 73 de l'annexe III au CGI, sont soumis à la TVA au taux de 2,1 % dans les départements métropolitains, y compris la Corse, et de 1,05 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion. Il n'existe pas de TVA en Guyane. Le système français n'est pas le seul à être généreux en la matière : à titre de comparaison, la Grande-Bretagne applique un taux de TVA nul sur la presse.

Conformément à l'article 1 er du décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997, pour bénéficier de ce régime, les publications doivent avoir obtenu un numéro d'inscription à la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) et une décision favorable du directeur des services fiscaux prise sur demande des éditeurs intéressés. Le système s'appuie ainsi sur l'agrément de la CPPAP sur ce qui constitue ou non une publication de presse (par opposition aux prospectus). La publication doit être trimestrielle au minimum, payante et imprimée. Sont ainsi exclues, notamment, les publications violentes ou pornographiques, non reconnues par la CPPAP ; ces titres sont taxés au taux normal de TVA.

Cet avantage fiscal représente la principale masse financière des aides à la presse , avec l'aide au transport postal. Le dispositif bénéficie, à 40 %, à la presse d'information politique et générale. 1 800 entreprises en ont tiré profit en 2013, puis 1 700 en 2014, selon les chiffres publiés dans le projet annuel de performances pour 2016 de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Son coût (imposition des publications de presse au taux de TVA de 2,1 % comparée à l'assujettissement au taux réduit) est évalué à 165 millions d'euros en 2016 et devrait s'établir à 160 millions d'euros en 2015. Pour 2015, le précédent projet de budget prévoyait un coût de 170 millions d'euros pour 1 800 bénéficiaires ; la dépense fiscale moindre attachée au dispositif s'explique, malheureusement, par la tendance continue à l'érosion des ventes et à la fermeture d'entreprises de presse.

La loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne a étendu l'application de la mesure à la presse en ligne , harmonisation effective au 1 er février 2014.

La dépense fiscale associée au taux « super-réduit » sur la presse en ligne a été évaluée à 5 millions d'euros en année pleine dans une étude réalisée en 2012 par le cabinet Kurt Salmon, pour un passage de TVA de 20 à 2,1 %. Ce chiffre se fondait sur une évaluation du chiffre d'affaires de la presse en ligne estimée à 100 millions d'euros, dont 30 % au titre des abonnements. Elle devait être compensée en trois ans par les rentrées fiscales supplémentaires liées à l'effet d'entraînement sur le secteur.

Mais, en appliquant unilatéralement un taux de TVA de 2,1 % aux activités de presse en ligne, la France s'est mise en contravention avec le droit européen , qui stipule que les services en ligne sont exclus du taux réduit de TVA . En effet, selon la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, chaque État peut fixer au maximum trois taux de TVA différents : un taux normal, qui ne doit pas être inférieur à 15 % et deux taux réduits, qui ne peuvent être inférieurs à 5 %.

Un taux « super-réduit » est toléré par dérogation pour les États membres qui appliquaient, au 1 er janvier 1991, des taux réduits inférieurs au seuil prévu par la directive. Mais aucun taux « super-réduit » ne peut depuis lors être appliqué à une nouvelle catégorie de biens ou de services , conformément à la clause dite « de gel » de l'article 110 de la directive, qui dispose que « les États membres qui, au 1 er janvier 1991, (...) appliquaient des taux réduits inférieurs au minimum fixé à l'article 99 [5 %] peuvent continuer à les appliquer. Les (...) taux réduits visés au premier alinéa doivent être en conformité avec la législation communautaire et avoir été adoptés pour des raisons d'intérêt social bien définies et en faveur de consommateurs finaux. »

La presse imprimée, considérée, au regard du droit européen, comme une livraison de bien bénéficie de cette clause puisqu'un taux super réduit de TVA lui était appliqué, en France, dès avant 1991.

En matière culturelle, aux termes de l'annexe III de l'article 98 de la directive (qui fixe la liste des biens et services éligibles) un taux réduit peut être appliqué aux livres, journaux et périodiques, à la réception de services de radiodiffusion et de télévision, aux prestations de service fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et aux droits d'auteur qui leur sont dus. En revanche, la vente ou la location de biens culturels en format numérique (presse en ligne, vidéo à la demande, livre numérique, musique en ligne) est considérée par la législation européenne comme la prestation d'un service fourni par voie électronique et, à ce titre, inéligible au taux réduit, et encore moins « super-réduit », de TVA.

En application du principe de neutralité qu'elle défend et en soutien à une industrie culturelle particulière, la France a cependant fait fi des règles communautaires et décidé unilatéralement d'harmoniser les taux de TVA applicable au livre via la loi de finances rectificative pour 2011, à compter du 1 er avril 2012. De 5,5 % au 1 er janvier 2012, le taux de TVA applicable au livre, papier comme numérique, est passé à 7 % à cette date, puis, à nouveau à 5,5 % au 1 er janvier 2013. La presse en ligne n'a donc fait, quelques mois plus tard, que suivre la voie ouverte par le livre numérique.

Dès lors, France n'a eu de cesse de défendre sa position auprès des instances européennes, pour des raisons, certes, de cohérence fiscale, mais également pour tenter d'éviter une sanction .

Sa voix a parfois porté. La Commission européenne, comme le Parlement européen, se sont ainsi exprimés à plusieurs reprises en faveur d'un alignement des taux de TVA pour un même bien ou service culturel , hors de toute considération relative aux supports.

Pour autant, la procédure contentieuse n'a pu être évitée : une lettre de mise en demeure a été envoyée à la France le 10 juillet 2014 s'agissant du taux de TVA applicable à la presse en ligne. Le contentieux relatif au livre numérique s'est, en outre, conclu d'une décevante façon : le 5 mars 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a fait connaître sa décision par un arrêt qui juge illégale l'application du taux réduit de TVA au livre numérique par la France comme par le Luxembourg. Le Gouvernement a pris acte de cette décision sans pour autant renoncer à promouvoir une réforme de la législation européenne favorable à la neutralité des supports.

Malgré ces signaux peu encourageants, le Gouvernement français pourrait, ce que votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux, obtenir gain de cause sur le dossier du livre numérique : le 11 mai dernier, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a ainsi exprimé aux éditeurs allemands son souhait d'harmoniser les taux de TVA s'appliquant aux supports papier et électronique sur le territoire européen.

Pour ce qui concerne la presse, selon les informations dont dispose votre rapporteur pour avis, l'extension du taux de TVA « super-réduit » à la presse en ligne pourrait finalement être acceptée par la Commission européenne. Une rencontre récente entre les représentants des éditeurs et Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et l'union douanière, en charge de cette question, a laissé quelques espoirs que prévaudra finalement la subsidiarité en matière de TVA sur les biens et services culturels.

b) Un secteur intégralement exonéré de la contribution économique territoriale

L'article 2 de la loi de finances pour 2010 a supprimé la taxe professionnelle à compter du 1 er janvier 2010 et instauré, en remplacement, la contribution économique territoriale (CET) , impôt local comprenant la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Aux termes de l'article 1458 du code général des impôts, sont exonérées de cette taxe l'ensemble des entreprises du secteur de la presse (édition et diffusion) : les publications de presse, les sociétés coopératives de messageries de presse et leurs dépositaires, les agences de presse, ainsi que les correspondants locaux de presse régionale ou départementale. Bénéficient également de cet avantage les services de presse en ligne reconnus en CPPAP et les vendeurs-colporteurs de presse.

Cet abattement est, en outre, applicable aux diffuseurs de presse , qui bénéficiaient déjà d'aménagements de la taxe professionnelle, dès lors que les collectivités territoriales concernées y consentaient.

Dans un premier temps, l'abattement applicable a été reconduit à l'identique pour le nouveau dispositif. Puis, la loi de finances rectificative pour 2013 a instauré, sur la délibération des communes et de leurs EPCI à fiscalité propre , une exonération en faveur des établissements qui vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits au Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) revêtant la qualité de diffuseurs de presse spécialiste. Cette exonération s'applique à compter des impositions de 2015, sous réserve que les collectivités concernées aient pris une délibération en ce sens avant le 1 er octobre 2014.

c) Les mesures fiscales en faveur des journalistes : l'éternel tabou

Certaines professions bénéficiaient jadis de déductions forfaitaires supplémentaires, qui s'ajoutaient à la déduction de 10 % applicable à l'ensemble des contribuables. Dans ce cadre, les journalistes bénéficiaient, depuis les années 30, d'une déduction supplémentaire de 30 %.

Ce dispositif favorable a été supprimé en 1996 . Pourtant, dès 1998, les journalistes et assimilés - rédacteurs, photographes, directeurs de journaux, critiques dramatiques et musicaux - se sont vues dotés d'un nouvel avantage, sous forme cette fois d' une allocation forfaitaire pour frais d'emploi d'un montant de 7 650 euros sur leur revenu imposable , dès lors que les intéressés exercent à titre effectif leur activité journalistique, peu importe qu'elle le soit à titre principal ou accessoire ou qu'ils possèdent une carte de presse. Concrètement, pour un journaliste en contrat à durée indéterminé rémunéré 3 775 euros bruts par mois, l'avantage fiscal est estimé à 1 850 euros pour un célibataire sans enfants ; il atteint 1 250 euros pour un pigiste rémunéré 2 280 euros bruts par mois.

Dans son rapport susmentionné sur les aides à la presse, la Cour des comptes recommandait de supprimer l'abattement pour frais professionnels des journalistes , dont le coût pour l'État s'élève à 60 millions d'euros par an.

Trois arguments sont traditionnellement avancés par les syndicats professionnels pour justifier le maintien d'une niche fiscale en leur faveur : le faible niveau de remboursement des frais professionnels par les entreprises de presse ; la nécessité de protéger leurs sources , la confidentialité de celles-ci ne leur permettant pas d'exercer aisément l'option pour le régime de déduction des frais professionnels réels et justifiés ; et la faiblesse de la rémunération des journalistes compte tenu de leur niveau d'études.

La Cour des comptes en conteste point par point le bien fondé . S'agissant du niveau de remboursement des frais professionnels, elle estime qu' « il est peu probable que les pratiques qui avaient cours il y a encore quelques décennies en matière de remboursement des frais professionnels par les entreprises de presse soient encore d'application générale de nos jours » .

Elle juge également faible l'argument relatif à la protection du secret des sources, qui « suppose que les frais imputables à l'activation des sources soient systématiquement pris en charge par les journalistes et non par les entreprises de presse, et qu'il en aille ainsi pour les quelque 37 000 journalistes, tous médias confondus, ce qui apparaît peu probable ».

Enfin, pour ce qui concerne le niveau de rémunération, la Cour des comptes relève qu'elles sont « assez proches des salaires moyens mensuels de l'ensemble des salariés ». Elle souligne, par ailleurs, que « les rémunérations de la profession n'ont pas connu de dégradation notable sur la période 2000-2011 (...) . La profession de journaliste ne semble donc pas défavorisée d'un point de vue salarial » , même si « la situation des journalistes pigistes ou en contrat à durée déterminée, en particulier des jeunes journalistes, pourrait conduire à nuancer sensiblement ce constat. »

La Cour des comptes conclut son argumentaire par une double remarque : d'une part, l'État n'a pas pour mission de compenser d'éventuelles lacunes en matière de remboursements de frais professionnels ou d'un niveau jugé insuffisant de rémunération au sein d'un secteur professionnel ; d'autre part, « ne faisant pas l'objet d'une modulation en fonction du niveau de rémunération, la mesure fiscale concernée apparaît discutable du point de vue de l'égalité des contribuables devant l'impôt. »

Votre rapporteur pour avis ne peut que constater que la situation des journalistes constitue une particularité au regard de l'impôt, qui mérite à tout le moins une réflexion avec la profession . Il estime cependant qu'une réforme du dispositif ne saurait être envisagée sur le motif d'une réduction des dépenses fiscales de l'État défavorable au pouvoir d'achat des journalistes. Il s'agit bien plutôt de considérer une solution socialement plus juste pour les plus fragiles (jeunes professionnels, pigistes, photojournalistes, etc.).

2. Des mesures ciblées efficaces en faveur de la presse d'information politique et générale
a) Un dispositif ancien de provision pour investissement qu'il convient de maintenir

Le dispositif de provision pour investissement prévu à l'article 39 bis A du code général des impôts a été institué en 1945, puis pérennisé par la loi de finances pour 1953. Il a été continuellement reconduit depuis lors et étendu, par la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, aux services de presse en ligne et aux dépenses de recherche et développement . La loi de finances rectificative pour 2014 a prorogé le dispositif jusqu'en 2017.

Les entreprises exploitant, soit un journal quotidien, soit une publication de périodicité au maximum mensuelle consacrée pour une large part à l'information politique et générale, soit un service de presse en ligne reconnu par la CPPAP et consacré pour une large part à l'information politique et générale, sont autorisées à constituer une provision déductible du résultat imposable, en vue de faire face à différentes dépenses d'investissement. Ces dépenses doivent être réalisées avant la fin de la cinquième année suivant celle de la constitution de la provision et ne sont prise en compte que pour la partie des journaux ou des publications que les entreprises impriment dans un État membre de l'Union européenne.

Les sommes déduites sont limitées à 30 % du bénéfice de l'exercice concerné pour la généralité des publications et pour les services de presse en ligne reconnus et à 60 % pour les quotidiens et publications assimilées (titres de presse hebdomadaire régionale), dans la limite du financement d'une fraction du prix de revient des immobilisations qui y sont définies. Le montant de la dépense fiscale s'établit à 2 millions d'euros en 2014 comme 2015 , au bénéfice de quatre-vingt-treize entreprises de presse.

Le dispositif a vocation à corriger l'une des faiblesses traditionnelles du secteur de la presse, qui réside dans ses difficultés à mobiliser des capitaux suffisants pour développer des projets d'investissements, notamment par un défaut récurrent de fonds propres . Il demeure donc indispensable à un moment où le secteur cherche encore un équilibre économique durable et doit faire face aux défis technologiques, qui imposent un changement radical dans la production et la diffusion des contenus de presse.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis salue son maintien dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, dans l'attente de la mise en oeuvre éventuelle d'une autre solution au bénéfice de l'investissement des entreprises de presse . Pour mémoire, le rapport de la Cour des comptes sur les aides de l'État à la presse écrite, remis en juillet 2013, préconisait d'évaluer la pertinence de cette mesure fiscale, peu coûteuse au demeurant, et de la supprimer si son efficacité n'était pas démontrée au regard de l'objectif poursuivi.

Il pourrait, en outre, s'avérer utile, dans un objectif tant économique que sociétal de reconquête du jeune lectorat par la presse d'information politique et générale, d' étendre le bénéfice de cet avantage fiscal, pour un coût qui demeurerait modeste, à la presse destinée à la jeunesse.

b) Le recours croissant au mécénat et au soutien des lecteurs

Le régime fiscal du mécénat a été installé par la loi du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Depuis un rescrit du ministère des finances de 2007 , son bénéfice a été étendu aux dons versés à une association redistributrice, en vue de prendre des participations minoritaires dans des entreprises de presse.

En avril 2009, après les conclusions des États généraux de la presse écrite, le rescrit a été adapté pour rendre éligibles au dispositif les dons permettant d'octroyer des prêts (dans la limite fixée par la réglementation applicable) ou des subventions aux entreprises de presse. Ces dispositions ont été étendues en 2011 au bénéfice des entreprises de presse en ligne.

Elles ont depuis trouvé une consécration législative avec l'adoption à l'initiative du Sénat de « l'amendement Charb », au sein de la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

Dans ce cadre, les dons et versements de particuliers aux associations d'intérêt général exerçant des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse, par la prise de participations minoritaires, l'octroi de subventions ou encore de prêts bonifiés à des entreprises de presse d'information politique et générale au sens de l'article 39 bis A précité du code général des impôts, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant du don dans la limite de 20 % du revenu imposable . Le dispositif s'applique identiquement pour les fonds de dotation conduisant les mêmes actions.

Les dons peuvent être nominatifs (le donateur indique alors l'affectation du don) ou généraux (le montant des dons est affecté par un comité d'orientation). Sur un total d'environ 25 500 versements reçus en 2014, 99,6 % étaient fléchés en faveur d'un titre particulier .

En pratique, les dons en faveur des entreprises de presse sont gérés par deux associations.

- l'association Presse et Pluralisme a été créée en décembre 2007, à l'initiative des principaux syndicats de la presse française imprimée. Cette association a pour vocation d' « oeuvrer en faveur du pluralisme de la presse payante en France » , par des actions financées par appel au don . Selon les données de l'association, ce mécanisme a bénéficié à quarante-trois titres en 2014 pour un montant 3,3 millions d'euros. Dans ce cadre, dix-huit titres ont eu recours aux dons en ligne en 2014. Bien que les montants perçus soient alors plus faibles, ils ont atteint 14,7 % du montant total des dons en 2014. L'année 2015 devrait faire état d'un bilan quelque peu particulier, en raison de la mobilisation sans précédent en faveur de Charlie Hebdo , à la suite de l'attentat qui a touché sa rédaction ;

La mobilisation en faveur de Charlie Hebdo

Presse et Pluralisme s'est engagée en soutien à Charlie Hebdo quelques heures après l'attentat du 7 janvier 2015. L'association a fait face à l'urgence et aux besoins du titre, en redimensionnant le dispositif de paiement - administré par la Caisse des dépôts et consignations - pour répondre à l'afflux considérable de dons (38 000 au total, par chèque ou paiement en ligne).

Ainsi, avec l'accord unanime de son comité d'orientation, présidé par Élisabeth Guigou, a été décidé d'apporter un concours immédiat de 200 000 euros pour que puisse être publié le numéro « historique » du 14 janvier.

L'association a également créé le site www.jaidecharlie.fr, sur lequel 28 000 dons en ligne ont été effectués. Le mouvement de solidarité a été considérable : plus d'1 million d'euros de dons en ligne ont collectés dans les cinq jours qui ont suivi l'attentat et 1,7 million d'euros rassemblés en seulement deux semaines.

Au-delà de la France, d'où provenaient 87 % des versements, les dons ont été reçus de plus de quatre-vingt pays pour un total de 2,7 millions d'euros reversés par Presse et Pluralisme à Charlie Hebdo .

- l'association J'aime l'info est née en 2011 à l'initiative de la presse en ligne et notamment du Syndicat de la presse d'information indépendante en ligne (SPIIL) et du site Rue89. Le site de l'association recense 163 sites de presse inscrits. En 2014, vingt-deux sites ont bénéficié de dons pour un total de 147 402 euros.

Outre le dispositif dit « Charb », la loi du 17 avril 2015 susmentionnée a introduit dans le code général des impôts un article 199 terdecies 0C, qui institue une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des particuliers qui souscrivent au capital d'entreprises de presse exploitant indifféremment une publication papier ou un service de presse en ligne et relevant de l'article 39 bis A du code général des impôts.

Le taux de la réduction d'impôt sur le revenu est fixé à 30 %, dans la limite d'un plafond de versement de 1 000 euros par an pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 2 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

Conformément au décret n° 2015-895 du 22 juillet 2015, le taux est porté à 50 % quand les souscriptions sont effectuées au capital d'entreprises solidaires de presse d'information (ESPI) au sens de la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. Ce nouveau statut, créé par la loi du 17 avril 2015 portant modernisation du secteur de la presse, s'inspire des modes de gestion de l'économie sociale et solidaire, qui proscrivent le profit individuel pour lui préférer le réinvestissement des résultats dans le développement de l'entreprise.

Deux conditions préalables sont nécessaires à sa reconnaissance : l'édition d'une ou plusieurs publications de presse ou services de presse en ligne consacrée pour une large part à l'information politique et générale et l'affectation d'au moins 20 % des bénéfices de l'exercice à la constitution d'une réserve statutaire obligatoire consacrée au maintien ou au développement de l'activité de l'entreprise et de 50 % de ces bénéfices au report bénéficiaire et à la réserve obligatoire.

Il s'agit donc de sécuriser à la fois le capital de l'entreprise et la réaffectation des éventuels bénéfices. Le nouvel avantage fiscal régi par l'article 199 terdecies 0C est particulièrement destiné aux particuliers qui souhaitent, en contrepartie d'un montant d'investissement peu élevé, s'engager dans des projets en faveur du développement de la presse écrite et de la protection du pluralisme de l'information.

En juin dernier, Charlie Hebdo a été la première entreprise de presse à adopter ce nouveau statut, proche de celui de « société de média à but non lucratif », intermédiaire entre la fondation et la société par actions, proposé par Julia Cagé, professeure d'économie et membre de la Commission économique de la nation, dans son ouvrage « Sauver les médias » publié en février 2015.

Ces deux dispositifs, dont votre rapporteur pour avis salue respectivement la sécurisation juridique et la création par la loi du 17 avril 2015, devraient contribuer à renforcer le pluralisme et à mieux soutenir la presse d'information généraliste en vue d'éclairer, par une information indépendante et de qualité, le jugement des citoyens .

C. LES AIDES DIRECTES OU LA RECHERCHE D'UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE

1. Un ciblage des aides directes en faveur du pluralisme
a) Au profit de la presse hebdomadaire régionale

Un fonds spécifique a été créé en 1996 afin de favoriser la diffusion au numéro des titres de la presse hebdomadaire régionale d'information politique et générale , dont le maintien concourt au pluralisme d'expression et à la cohésion du tissu économique et social.

Son dispositif a été modifié à trois reprises :

• par le décret n° 97-1067 du 20 novembre 1997, qui a scindé le fonds en deux sections , afin de tenir compte de la situation des hebdomadaires les plus touchés par l'augmentation des tarifs postaux résultant, à l'époque, des négociations entre les éditeurs de presse, la Poste et l'État ;

• puis par le décret n° 2004-1312 du 26 novembre 2004, qui a ouvert le bénéfice du fonds aux titres rédigés en langue française ou dans une langue régionale en usage en France et renforcé l'égalité de traitement entre les titres , en introduisant, pour la seconde section, un plafond de diffusion fixé à 10 000 exemplaires ;

• enfin, par le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 réformant les aides à la presse, qui a institué un plafonnement progressif du soutien pouvant être reçu par un même groupe de presse au titre du fonds.

L'aide est réservée aux publications imprimées d'information politique et générale à diffusion régionale, départementale ou locale, de langue française ou régionale, inscrites sur les registres de la CPPAP et paraissant au moins cinquante fois par an.

La répartition des crédits entre les deux sections du fonds est décidée par le directeur général des médias et des industries culturelles. Toutefois, le montant des crédits affectés à la première section ne peut être inférieur à 85 % de la dotation globale du fonds. La seconde section est ouverte aux publications de poids léger et majoritairement distribuées par voie postale.

La répartition du montant global annuel de l'aide accordée au titre de la première section est définie proportionnellement au nombre d'exemplaires vendus au numéro , dans la limite d'un plafond de 20 000 exemplaires et d'un plancher de 2 000 exemplaires. Depuis 2007, la répartition du fonds entre les deux sections s'est stabilisée à 98 % et 2 %.

En 2015, le total des aides attribuées au cours d'une même année, au titre des deux sections, à des sociétés éditrices filiales ou sous contrôle ne peut être supérieur à 30 % du montant de la dotation du fonds en 2014 ; ce pourcentage sera ramené à 25 % en 2016.

Le montant des crédits ouverts au sein du programme 180 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » au titre de l'action « aides à la presse » et de la sous-action « aides au pluralisme : aide à la presse hebdomadaire et régionale » s'élève, pour 2016 comme en 2015, à 1,4 million d'euros, dont 98,5 % au bénéfice de la première section. De fait, peu de titres sont désormais éligibles à la seconde section, en raison de la diminution constante de leurs abonnements postaux. Il n'est cependant pas envisagé de la supprimer, dans la mesure où certains titres demeurent essentiellement diffusés par abonnement postal. Au total, deux-cent-onze titres bénéficient de cette aide pour un montant moyen de 6 730 euros.

Pour être absolument complet dans sa présentation des aides directes au bénéfice de la presse locale visant à concourir au pluralisme, votre rapporteur pour avis rappelle que 1,4 million d'euro s est, en outre, attribué chaque année en soutien à seize quotidiens régionaux à faibles ressources de petites annonces, ce qui représente un montant moyen de 87 500 euros par titre.

b) Au bénéfice des quotidiens à faibles ressources publicitaires

L'aide aux quotidiens d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires est régie par le décret n° 86-616 du 12 mars 1986. Elle vise à soutenir tant les titres qui bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles compte tenu de leur positionnement éditorial, que ceux qui traversent de façon conjoncturelle des difficultés financières . L'aide contribue ainsi au maintien de la diversité de l'offre de presse et au pluralisme du débat démocratique.

En 2014 comme en 2015, l'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires s'est établie à 8,6 millions d'euros.

Jusqu'à présent, le dispositif était divisé en trois sections avec une répartition des crédits effectuée chaque année par le directeur général des médias et des industries culturelles.

L'aide attribuée au titre de la première section du fonds bénéficie aux quotidiens répondant à certaines conditions relatives au prix de vente (dans une fourchette de 80 à 130 % du prix moyen pondéré pour les quotidiens nationaux d'information politique et générale), à la diffusion (moins de 150 000 exemplaires en moyenne), au tirage (moins de 250 000 exemplaires en moyenne) et au pourcentage de recettes de publicité (moins de 25 % du chiffre d'affaires).

L'aide accordée dans ce cadre ne peut dépasser 25 % des recettes totales du titre, hors subventions publiques . La Croix et L'Humanité, ainsi que France-Soir, aujourd'hui disparu, sont les bénéficiaires historiques de la première section depuis sa création ; en 2008, deux quotidiens supplémentaires ont rempli les conditions d'éligibilité : Libération et Présent . En 2014, ces titres ont respectivement reçu : 2,9 millions d'euros pour La Croix et pour Libération , 3,1 millions d'euros pour L'Humanité et environ 227 000 euros pour Présent .

L'aide attribuée au titre de la deuxième section bénéficie à des quotidiens, qui ne sont pas éligibles à la première section, leur prix étant inférieur à 80 % du prix moyen pondéré . Depuis 1986, seul l'éditeur Play Bac Presse en bénéficie pour environ 20 100 euros par an, au titre de différents quotidiens à destination des enfants et adolescents , diffusés exclusivement par abonnement, à l'instar de Mon Quotidien et de Le Petit Quotidien.

Enfin, l'aide attribuée au titre de la troisième section, créée en 2012, peut bénéficier, pendant trois ans et de façon dégressive , à des quotidiens, qui ont reçu une aide au titre de la première section pendant au moins trois années et dont les recettes de publicité représentent moins de 35 % des recettes totales. L'objectif est d'éviter qu'un accroissement des recettes publicitaires au-delà du plafond réglementaire en vigueur ait pour conséquence une sortie brutale et sans transition du dispositif . Aucun titre n'a bénéficié de cette aide en 2014.

Dans le double contexte de l'attentat contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo et du risque d'érosion de la diversité de l'offre de presse d'information politique et générale, le Gouvernement a souhaité renforcer les aides au pluralisme de la presse . Lors de la conférence des éditeurs, le 2 juin 2015, la ministre de la culture et de la communication a ainsi confirmé l'extension de l'aide, par la création de deux nouvelles sections, aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires à l'ensemble des publications nationales d'information politique et générale, sans distinction de périodicité.

Aux termes du décret n° 2015-1440 du 6 novembre 2015 relatif au soutien de l'État au pluralisme de la presse, l'aide étendue est ouverte aux titres remplissant trois critères principaux :

- des recettes publicitaires inférieures à 25 % de leurs recettes totales. À l'occasion de la réforme, la notion de recettes totales est précisée pour exclure les frais de mise à disposition et d'acheminement des ventes en nombre, ainsi que celles de la diffusion postée et portée ;

- un prix de vente ne pouvant excéder 130 % du prix moyen pour la périodicité concernée. Toutefois, compte tenu des spécificités de prix des bimestriels et trimestriels, le plafond est porté à 160 % du prix moyen pour ces publications ;

- une diffusion moyenne inférieure à 300 000 exemplaires par numéro en moyenne.

En 2016, 4 millions d'euros supplémentaires seront réservés à l'extension de l'aide au bénéfice d'environ soixante-dix publications (soit 53 000 euros par titre), initiative que votre rapporteur pour avis salue. La mobilisation d'une enveloppe ad hoc , à la différence d'un simple redéploiement des crédits du fonds, permettra, en effet, d'assurer une certaine équité de traitement entre les quotidiens, qui verront leur niveau d'aide maintenue, et les titres d'autres périodicités .

Les titres bimensuels, mensuels, bimestriels et trimestriels locaux d'information politique et générale ne bénéficiant actuellement d'aucune aide spécifique au pluralisme, une réforme distincte pourrait être prochainement envisagée, perspective que soutient votre rapporteur pour avis, compte tenu de l'importance de ses titres dans les territoires.

Au total, le projet de loi de finances pour 2016 accorde 15,5 millions d'euros au soutien au pluralisme de la presse, en augmentation de près de 35 % en raison de l'extension de l'aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires.

À ce montant s'ajoute 1,5 million d'euros de crédits destinés au nouveau fonds de soutien aux médias de proximité, dont la création a été annoncée lors du traditionnel dîner de la Fête de l'Humanité en septembre dernier, à la suite d'une expérimentation menée en 2015. Les médias aidés dans ce cadre, d'envergure modeste, agissent principalement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans les zones rurales à revitaliser.

Ces différentes aides concourent à la réalisation de l'objectif n° 2 du programme 180 consacré au maintien du pluralisme de la presse. Il se décline en deux indicateurs, respectivement relatifs à la diffusion de la presse imprimée et numérique et au nombre de titres d'information politique et générale.

2. Le numérique, entre espoirs et illusions
a) Un impact certain mais limité

La presse d'information en ligne peut être définie, en opposition à la presse imprimée, par une triple caractéristique : une flexibilité rédactionnelle permettant la diffusion d'une information presque instantanée, une adaptation constante de l'offre éditoriale à des publics ciblés , avec l'apparition d'offres verticales, et la participation des lecteurs au débat citoyen.

L'impact économique du passage au numérique des entreprises de presse est difficilement mesurable , dans la mesure où la majorité des éditeurs ne distinguent dans leur comptabilité ni les charges, ni les produits de leur activité liés à leurs services de presse en ligne : au niveau des charges, les frais de personnel et, notamment, ceux des journalistes ne sont pratiquement jamais isolés ; au niveau des revenus, les formules d'abonnements liées à la seule consultation numérique du titre sont quasi-inexistantes.

Certains éditeurs produisent certes des chiffres d'affaires précis sans permettre cependant d'obtenir une vue d'ensemble pleinement satisfaisante. Les chiffres peuvent être observés dans le cas où des sociétés spécifiques ont été créées, filiales de groupe de presse dédiées à cette activité, mais ils ne peuvent alors être obtenus sur un poste précis comme celui des recettes d'abonnements aux titres, puisqu'ils sont inclus dans un poste générique de « produits d'exploitation ».

L'enquête annuelle lancée par la direction générale des médias et de industries culturelles du ministère de la culture et de la communication sur les entreprises ayant pour activité un ou plusieurs services de presse en ligne ne produit pas à ce jour tous les résultats escomptés et ne fait, en conséquence, pas encore l'objet d'une publication.

Les seuls chiffres d'affaires disponibles liés aux services de presse en ligne sont ceux des recettes publicitaires globales produites par l'IREP et le pourcentage moyen de la part que représente cette activité au sein des plus grandes entreprises du secteur, par le biais de l'enquête susmentionnée du ministère de la culture et de la communication. Dans un contexte économique médiocre, seuls progressent en termes de recettes publicitaires, selon l'IREP, le mobile et l'Internet, comme le rappelait précédemment votre rapporteur pour avis. La presse, en revanche, subit un fort recul depuis plusieurs années.

Devant l'absence de données économiques suffisantes, votre rapporteur pour avis a interrogé les éditeurs et leurs représentants quant à leur sentiment sur l'avenir numérique de leur activité au regard des évolutions qu'ils observent au sein de leurs entreprises. Le Syndicat national de la presse quotidienne nationale (SPQN) a rappelé, à titre liminaire, que le papier contribuait à encore, selon les titres, entre 70 % et 90 % du chiffre d'affaires . Pour la majorité des titres, la réflexion relative au numérique est évidemment utile, mais elle ne constitue de fait pas le coeur de leurs préoccupations.

Contrairement à une idée reçue, la presse digitale n'est pas directement concurrente de la presse imprimée : numérique et papier se complètent plus qu'ils ne s'opposent.

Dans son rapport « Presse et numérique - L'invention d'un nouvel écosystème » , remis à la ministre de la culture et de la communication en juin dernier, Jean-Marie Charon rappelle ainsi que « la complémentarité entre imprimé et numérique commence dans les années 90. Elle consiste alors en une duplication des contenus d'un support sur l'autre. L'engagement dans le numérique est pensé comme l'une des formes de diversification de la presse . Le principe de la complémentarité effective conduit à une articulation entre les contenus de l'imprimé et ceux du numérique , afin de tirer le meilleur parti de chacun des supports. À grands traits, le numérique est le support de l'information de flux et des différentes modalités de participation du public. L'imprimé, quant à lui, est le support de l'approfondissement, d'un traitement plus long, parfois plus esthétique, d'une information dite "à valeur ajoutée" » . Cette complémentarité demeure, même si elle n'a cessé de se réinventer avec l'émergence d'une presse exclusivement numérique.

Selon le SPQN, l'audience de la presse se développe grâce au numérique : 39 % des Français qui s'informent sur des supports de quotidiens d'information politique et générale le font exclusivement en ligne, tandis que près de 24 millions de Français consultent chaque mois les versions numériques de la presse quotidienne nationale, dont 7 millions de 18-34 ans. Le numérique concoure donc au rajeunissement du lectorat des titres historiques et l'attire même à la presse imprimée.

La part d'audience exclusivement numérique des quotidiens nationaux a progressé de huit points entre 2014 et 2015. Pour la première fois en 2015, les lectures digitales de l'IPG (52 % contre 43 % en 2014) sont plus importantes que les lectures en support papier. Dans ce cadre, le mobile prend le relais de l'Internet fixe : les lectures sur mobiles atteignent, en 2015, une proportion de 32 % contre 23 % en 2014. En 2014, 46 millions de versions numériques de journaux (PDF) ont été vendues, en augmentation de 44 % par rapport à 2013.

Pour les grands quotidiens nationaux, l'investissement dans les supports numériques vise donc tout à la fois à conquérir de nouveaux lecteurs, à compenser la perte du chiffre d'affaires publicitaire sur le papier et à s'adapter à la consommation de contenus en mobilité .

Pour autant, la mutation numérique, pour utile, voire indispensable, qu'elle puisse apparaître, pose de considérables difficultés en matière de modèle économique : les bons résultats du support numérique ne compensent encore nullement les pertes subies par la presse papier. En outre, il rapporte encore dix fois moins de recettes publicitaires que la presse imprimée.

Certains signes semblent cependant encourageants, notamment le fait que le paiement des contenus ne représente plus un tabou pour les internautes ; l'information n'est plus systématiquement considérée comme une marchandise ordinaire et gratuite, comme ce fût le cas au début d'Internet. De fait, comme le rappelait Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération , lors de son audition, les grands journaux qui ont économiquement réussi leur mutation numérique, à l'instar du New York Times , ont parié dès l'origine sur la vente de leurs contenus.

En tout état de cause, l'Internet demeure, à ce stade, une source de revenus mineure pour la plupart des éditeurs de presse écrite et ne compense pas les pertes de revenus traditionnels du secteur. En 2014, l'ensemble du chiffre d'affaires lié aux services dématérialisés parvenait difficilement à dépasser les 5 % du chiffre d'affaires des trois cents plus importants éditeurs de presse écrite.

Il convient cependant d'affiner le commentaire de ce résultat d'ensemble par plusieurs observations. D'abord, les chiffres détaillés par catégories de presse montrent que la presse technique professionnelle et la presse gratuite d'annonces affichent des résultats remarquables , bien supérieurs à la moyenne observée avec respectivement 18,5 % et 56,5 % de leurs recettes issues du numérique en 2014. Ensuite, les bons résultats obtenus par ces deux catégories de presse ne représentent qu'un faible volume du chiffre d'affaires total des entreprises en presse (210 millions d'euros pour la presse technique professionnelle et 34 millions d'euros pour la presse gratuite d'annonces). Enfin, si l'on ne considère que le sous-ensemble des recettes « hors presse » de ces mêmes entreprises au lieu de la totalité du chiffre d'affaires, la presse locale d'information politique et générale affiche les meilleurs résultats (26,1 % de moyenne), en raison de son activité traditionnelle d'impression et parfois d'édition, voire de distribution, qui l'a conduite à diversifier depuis longtemps ses ressources.

À cet égard, le Syndicat national de la presse quotidienne en région (SPQR) indiquait à votre rapporteur pour avis qu'en 2014, 15,9 millions de visiteurs uniques avaient été enregistrés pour les cinquante-huit sites de la presse locale (+ 67 % entre 2008 et 2014), soit un tiers de l'audience des sites d'information politique et générale, pour 530 millions de pages vues.

Les gains demeurent toutefois modestes, puisque sur les 2,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires de la presse en région, 70 millions sont réalisés sur le numérique , dont 67 millions d'euros de recettes publicitaires. Pour autant, si les ventes numériques ne représentent que 0,6 % du chiffre d'affaires des éditeurs locaux, elles ont crû de 113,2 % entre 2013 et 2014.

La monétisation des contenus demeure également un enjeu majeur pour les éditeurs locaux, afin de réaliser un chiffre d'affaires correspondant mieux aux audiences constatées. Cette stratégie s'est généralisée depuis 2013 avec plus de 50 000 abonnés à des offres payantes en ligne. Plusieurs initiatives ont été prises à cet effet, suivant les recommandations des services d'innovation de plus en plus fréquents au sein des groupes de presse en régions : le développement de l'utilisation de la vidéo (flash actu de La Dépêche , interviews pour La Provence ou documentaires pour La République des Pyrénées ), la création de nouvelles éditions (journal du soir pour Ouest-France et Sud-Ouest ), l'intégration de nouveaux supports (magazine sur tablette pour Le Journal de la Haute-Marne ) et une présence accrue sur les réseaux sociaux. La presse en région a, en outre, en 2015, lancé une plateforme professionnelle de partage et de commercialisation de vidéos produites par les rédactions , que testent quinze titres à l'heure actuelle. Enfin, grâce à un partenariat signé avec Hop ! et la SNCF, des contenus numériques de la presse en région sont mis à disposition des voyageurs sur le kiosque presse de la SNCF.

Pour faire face aux enjeux du numérique et aux investissements qu'il implique, notamment en ressources humaines avec le recrutement d'un nombre élevé de développeurs, l'intégration à un groupe constitue souvent une solution pour bénéficier des appuis financiers nécessaires. Elle rend également plus aisée la compensation des pertes sur le support papier. Les rapprochements observés dans l'économie des médias sont directement liés à la révolution numérique, qui nécessite de mobiliser des fonds tout en étant capable de faire face à l'effondrement des recettes traditionnelles. Ainsi, Le Figaro , Le Monde et, dans une moindre mesure, Libération ont-ils opté pour ce modèle.

Libération , comme L'Express , représentent un élément symbolique fort de la stratégie de Patrick Drahi, qui souhaite disposer à terme d'un groupe médiatique puissant. Le Figaro a, pour sa part, misé sur la diversification de son activité sous une marque unique, gage de sérieux et de qualité. La marque devient, en effet, un vecteur puissant de création de richesses pour les titres historiques . À titre d'illustration, le vieillissant magazine féminin Marie-France , racheté pour un euro symbolique en 2003 par Reworld Media , a intégralement changé sa stratégie éditoriale au bénéfice du numérique en conservant le bénéfice de la notoriété de sa marque.

La presse en région n'échappe nullement au phénomène de concentration capitalistique et de stratégie de groupe multimédia observé dans la presse quotidienne nationale et la presse magazine. Ainsi, le groupe Est Bourgogne Rhône Alpes (EBRA) est-il, depuis 2006, le plus puissant groupe de presse régionale avec un large portefeuille de titres d'importance inégale : Le Républicain Lorrain, L'Est Républicain , Les dernières nouvelles d'Alsace, Le journal de la Haute-Marne, L'Alsace, Vosges-Matin, le Bien public, le journal de Saône-et-Loire, La presse de Gray, La presse de Vesoul, Le Dauphiné libéré, Le Progrès, La Tribune et L'indépendant du Louhannais et du Jura.

Seul L'Humanit é, avec les difficultés que l'on connaît, demeure pleinement indépendant, même si le modèle de La Croix au sein du groupe Bayard bénéficie également d'un positionnement original, puisque son actionnaire, la congrégation des Assomptionnistes, n'exige aucun dividende ni ne dispose des fonds propres nécessaires aux investissements, comme l'indiquait Arnaud Broustet, son directeur délégué, lors de son audition.

Comme s'en émouvait le Syndicat national des journalistes (SNJ) auprès de votre rapporteur pour avis, la concentration capitalistique des publications a de lourds effets sur les effectifs , notamment au sein des rédactions, tandis que le numérique induit des changements profonds dans le métier de journaliste - délais très courts pour vérifier l'information, acquisition de compétence en design, informatique et vidéo, etc. -, peu accessibles aux salariés les plus anciens. À cet égard, Jean-Marie Charon, dans son rapport précité, jugeait utile que soit engagé un travail d'analyse approfondi sur « l'observation d'un journalisme à deux vitesses et le risque que s'amplifie l'écart entre les statuts et situations d'exercice du métier » .

Votre rapporteur pour avis estime que ce phénomène de concentration mériterait une très sérieuse évaluation au niveau national. Il admet, certes, que l'adossement à un groupe permet bien souvent la survie d'un titre, comme le lui rappelait Cédric Le Borgne, coordinateur de la direction des ventes de l'association EBRA. Pour autant, il s'inquiète du danger que pourrait faire peser une trop forte concentration sur l'indépendance de la presse , via l'influence de l'actionnaire majoritaire sur le contenu des articles. Il rappelle, à cet égard, son souhait que la charte des journalistes soit rendue obligatoire, afin de protéger au mieux les rédactions d'un tel risque.

b) Des aides spécifiques
(1) Des statuts ouvrant droit à un large éventail de soutiens

Le statut de la presse en ligne est assorti d'un certain nombre de devoirs et d'obligations, et permet l'accès partiel au régime économique des aides à la presse.

Les critères conditionnant la reconnaissance d'un site comme service de presse en ligne par la CPPAP sont précisés par le décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009. Il s'agit de la mention des obligations légales d'identification, par analogie avec le respect des mentions légales exigées pour la presse imprimée, de l'obligation d'exercice de l'éditeur à titre professionnel, de l'obligation de proposer un contenu d'intérêt général renouvelé régulièrement et daté, afin d'exclure les simples mises à jour ponctuelles et partielles , composé d'informations présentant un lien avec l'actualité et ayant fait l'objet d'un traitement à caractère journalistique. Sont notamment exclus de cette définition les sites présentant un contenu violent ou pornographique, comme ceux qui constituent un instrument de publicité ou de communication.

La reconnaissance d'un site en tant que service de presse en ligne lui permet de bénéficier des avantages fiscaux relatif à la TVA et à la contribution économique territoriale, ainsi que d'une reconnaissance facilitée du statut de journaliste pour l'obtention de la carte de presse et l'application de l'abattement sur les cotisations sociales et les frais professionnels. Par ailleurs, les sites dont le contenu présente un caractère d'information politique et générale peuvent accéder à des avantages spécifiques, tels que l'accès au fonds stratégique pour le développement de la presse et l'autorisation de recourir au mécanisme de provision pour investissement de l'article 39 bis A du code général des impôts.

Afin de bénéficier de la possibilité d'un soutien du fonds stratégique de modernisation de la presse, les services de presse en ligne doivent avoir pour objet principal « d'apporter, de façon permanente et continue, des informations, des analyses et des commentaires sur l'actualité politique et générale locale, nationale ou internationale susceptibles d'éclairer le jugement des citoyens dont l'intérêt dépasse significativement les préoccupations d'une catégorie de lecteurs . En outre, l'équipe rédactionnelle doit comporter « au moins un journaliste professionnel, au sens de l'article L. 7111-3 du Code du travail ».

Au total, au 30 juin 2015, le nombre de sites bénéficiant de ce statut s'élevait à 867, dont 274 avec le caractère d'information politique et générale.

Les journaux tout en ligne (terme proposé par la commission générale de terminologie et de néologie pour traduire l'expression anglophone pure players ), pour leur part, peuvent être définis comme ceux qui ne constituent pas la déclinaison en ligne d'un titre de presse imprimé . Ils se sont créés de façon dynamique en France depuis l'apparition d'Internet. Au 30 juin 2015, 357 services de presse tout en ligne étaient reconnus comme tels par la CPPAP.

En termes d'audience, Le Huffington Post, premier site de presse tout en ligne d'après la mesure réalisée par l'OJD, se classe au 17 e rang des services de presse en ligne en juillet 2015, avec 39,4 millions de pages vues, soit un niveau équivalent aux sites Internet de L'Express et du Point . Pour autant, ce classement d'audience reste dominé par des sites de titres bimédia.

Les règles en matière d'aide n'établissent aucune différence de traitement entre les services de presse en ligne, selon qu'ils sont ou non tout en ligne, dès lors qu'ils sont reconnus par la CPPAP. Ainsi, les services de presse tout en ligne sont assujettis, depuis le 1 er février 2014, au taux de TVA « super-réduit » de 2,10 %, en application de la loi du 27 février 2014 précitée. Les titres tout en ligne consacrés pour une large part à l'information politique et générale sont également éligibles au bénéfice de l'article 39 bis A du code général des impôts qui permet la déductibilité fiscale des provisions pour investissement. Ils sont, en outre, exonérés de contribution économique territoriale. Enfin, dans le cadre du fonds stratégique pour le développement de la presse, le soutien à l'innovation numérique est accordé sans distinction aux services de presse en ligne éligibles des titres bimédia ou tout en ligne. En 2014, le fonds a ainsi accordé un total de 378 006 euros à huit titres tout en ligne.

Malgré ces diverses aides, l'immense majorité des pure players se trouve en difficulté financière . Seul Mediapart , avec une structure peu coûteuse d'une quarantaine de salariés et grâce tant à une cohérence idéologique forte qu'à une spécialisation reconnue dans l'investigation, réussit à se maintenir dans des conditions acceptables.

(2) Un fonds stratégique pour le développement de la presse insuffisamment mobilisé

Le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse remplace, à partir de 2012, le fonds de modernisation de la presse créé en 1999 et en ouvre le bénéfice à l'ensemble des titres éligibles, qu'ils soient ou non imprimés.

Le nouveau fonds stratégique fusionne alors les deux fonds d'aide aux projets industriels (le fonds d'aide à la modernisation) et numériques (le fonds d'aide au développement des services de presse en ligne créé en 2009). À sa création, le fonds comprenait trois sections : modernisation et mutation industrielles, correspondant à l'ancien fonds de modernisation, innovations numériques et conquête de nouveaux lectorats.

Puis, le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 portant réforme des aides à la presse a précisé les nouvelles modalités de fonctionnement du fonds stratégique et les principes d'attribution des aides. Des lors, les sections sont fusionnées, afin d'unifier et de simplifier l'examen des demandes d'aide, sans distinction par type de projet.

La réforme porte, en outre, sur l'éligibilité des services de presse en ligne, désormais limitée aux sites consacrant une large part à l'information politique et générale et, pour les années 2014 et 2015, aux services de presse en ligne qui développent l'information professionnelle ou qui favorisent l'accès au savoir et à la formation, la diffusion de la pensée, du débat d'idées, de la culture générale et de la recherche scientifique.

Enfin, les dépenses internes pour les projets de développement informatique entrent dans le champ du fonds, ce qui répond à une demande récurrente de la presse.

En 2014, le fonds stratégique pour le développement de la presse a soutenu un total de cent-dix-sept projets, dont soixante-seize concernaient le développement de services de presse en ligne et neuf des projets bimédia. L'aide apportée est très variable selon les projets présentés et la capacité d'autofinancement des éditeurs : son montant peut aller de 800 euros à 700 000 euros environ, pour une moyenne de 95 000 euros par dossier.

Les aides sont versées sous forme de subventions ou d'avances remboursables. Les dossiers sont instruits sur devis et l'aide versée sur facture acquittée, sur la base d'un montant maximum d'aide initialement consenti, dans un délai d'exécution de quatre ans pouvant être prolongé jusqu'à huit ans.

Pour 2016, le fonds stratégique pour le développement de la presse bénéficiera de 29,6 millions d'euros de crédits , en recul de 800 000 euros par rapport à 2015. Ce montant doit permettre de couvrir le financement des nouveaux projets sollicitant le soutien du fonds, mais également le paiement des projets autorisés les années précédentes selon leur exécution effective. Le premier indicateur associé à l'objectif n° 3 du programme 180 visant à améliorer le ciblage et l'efficacité des dispositifs d'aide mesure notamment l'effet de levier de l'aide à l'investissement du fonds stratégique pour le développement de la presse. En 2016, cet effet de levier devrait se maintenir à 3,6 %.

Le dispositif est cependant loin d'être exempt de critiques. Lors de leur audition, les représentants de la presse en région ont ainsi regretté des abondements massifs au bénéfice de publications numériques, exclusivement sur des critères d'innovation, sans tenir compte de la part d'audience, ce qui pénalise certains titres traditionnels. La presse en région, notamment, doit affecter des financements très importants à l'assainissement de ses modèles industriels, ce qui réduit d'autant les montants consacrés à l'innovation et limite donc mécaniquement l'abondement proportionné du fonds. Il conviendrait de prendre en compte cette charge particulière et temporaire, qui handicape la capacité d'innovation de ces groupes.

Les responsables du syndicat de la presse quotidienne nationale ont, pour leur part, regretté que l'efficacité du fonds stratégique pâtisse des gels budgétaires qui, chaque année, amputent les crédits qui lui sont affectés. Ainsi, sur 30 millions d'euros de dotation en loi de finances pour 2015, 20 millions d'euros ont été gelés. En conséquence, le taux de soutien par projet a dû être raboté, tandis que, en l'absence de réelles certitudes budgétaires sur l'année, certains éditeurs renonçaient à y faire appel .

Le directeur général des médias et des industries culturelles a, lors de son audition, indiqué à votre rapporteur pour avis, qu' une partie des économies réalisées par l'État sur l'aide au transport postal de la presse , dont il sera fait mention ultérieurement dans le présent avis, serait reversée, selon des modalités qui restent à définir, à l'innovation numérique des entreprises de presse. Votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux la mise en oeuvre rapide d'un tel transfert et, à tout le moins , la limitation de la pratique des gels s'agissant du soutien à la mutation digitale des éditeurs.

En outre, il conviendrait que le seuil d'entrée au fonds soit abaissé , de façon à ce que les entreprises de presse ne disposant pas de crédits importants, à l'instar de L'Humanité , ne soit pas découragées d'investir en sollicitant l'aide du dispositif, comme l'a fait remarquer Patrick Le Hyaric, président du directoire, lors de son audition

Votre rapporteur pour avis, conscient des difficultés rencontrées par les plus petits éditeurs devant la complexité des dossiers de demande d'aide et du frein que constitue le seuil d'entrée dans le dispositif, propose que des jeunes du service civique puissent être recrutés par ces structures sur des postes techniques de développement d'outils numériques , afin de les soutenir dans leur effort de modernisation, comme le suggérait Jean-Pierre Jager, fondateur et directeur de l'hebdomadaire lorrain La Semaine. Cette proposition est intéressante, en ce qu'elle s'inscrit dans une vision citoyenne de la presse, que personne ne conteste. Pour autant, elle ne doit pas conduire à ce que de potentiels emplois pérennes ou des salariés en poste soient remplacés à moindre frais.

Il convient de rappeler que le fonds stratégique constitue à ce jour l' unique aide publique versée aux éditeurs au titre de la modernisation de la presse sur le programme 180 . En effet, le plan « Imprime », destiné à la modernisation des imprimeries, mis en oeuvre en 2004 pour accompagner la cessation d'activité de certains employés, décroît progressivement . Qui plus est, les crédits destinés à ce dispositif (4,5 millions d'euros en 2015 puis 3,4 millions d'euros en 2016, sont désormais inscrits au programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi ». Les derniers dossiers en cours concernent l' accompagnement de la fermeture des imprimeries du groupe Le Monde à Ivry-sur-Seine et du groupe Amaury à Saint-Ouen.

L'extinction progressive du plan « Imprime » et son transfert sur une autre mission du projet de loi de finances, comme la moindre dotation au fonds stratégique correspondant à son niveau de mobilisation expliquent le recul de 7,5 % en 2016 des aides à la diffusion de la presse.

(3) Le « Fonds Google » : pis-aller ou compromis bénéfique ?

La mutation de la presse vers un modèle économique plus numérique rend nécessaire une réflexion sur la rémunération et la protection des journalistes, créateurs de contenus , dans le cadre numérique. À cet effet, éditeurs et journalistes ont cherché à envisager les modalités d'une exploitation, sur tous supports, des oeuvres des journalistes et déterminer la rémunération qui leur est due.

À l'issue des États généraux de la presse, ont ainsi été introduites des dispositions ad hoc dans le code de la propriété intellectuelle et le code du travail, au sein de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet. Est désormais autorisée une première exploitation des contenus journalistiques sur tous les supports d'un même titre de presse, durant une période déterminée par accord collectif. Cette exploitation est rémunérée par le versement du seul salaire. À l'issue de cette période, toute nouvelle exploitation fait l'objet soit d'une majoration salariale, soit du versement de droits d'auteur aux journalistes . Enfin, et sous réserve de l'accord préalable et exprès du journaliste, toute cession à un tiers de son oeuvre par l'organe de presse dont relève son titre doit ouvrir droit à versement de droits d'auteur.

Jusqu'à l'intervention de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, qui a assoupli les règles de négociation des accords sur les droits d'auteur des journalistes, plusieurs difficultés pouvaient toutefois freiner la négociation d'accords d'entreprise. En effet, les accords négociés avec les institutions représentatives du personnel devaient, en vertu du code du travail, être validés par une commission de branche pour être applicables, commission de branche inexistante dans le secteur de la presse.

Pour utile qu'elle soit, cette réforme ne règle cependant que les cas où le travail du journaliste est réutilisé par un éditeur de presse. Or, Google , comme les autres moteurs de recherche Internet, utilisent gratuitement des contenus produits par la presse , dont il tire des revenus publicitaires.

Le gouvernement allemand a fait adopter, en mai 2013, une « loi Google » visant à faire acquitter par Google des droits voisins au bénéfice de la presse allemande pour les extraits de leurs titres utilisés à des fins commerciales par des moteurs de recherche. Cette démarche, jamais mise en oeuvre concrètement pour des raisons tant juridiques et techniques, puis l'initiative de la presse belge de signer avec Google un accord sur le versement de 5 millions d'euros aux éditeurs en décembre 2012, ont conduit à des réflexions similaires au sein de la presse française et du Gouvernement.

L'Association de la presse d'information politique et générale (AIPG) s'est constituée en mai 2012 avec comme objet immédiat de négocier tant avec les pouvoirs publics qu'avec Google et de trouver une solution mutuellement satisfaisante. L'AIPG rassemble douze quotidiens, quatorze hebdomadaires et quatre mensuels, issus de trois familles de presse : presse quotidienne nationale, presse quotidienne régionale et news magazines. L'objectif était, comme le rappelait Laurent Joffrin lors de son audition par notre rapporteur pour avis, de faire payer à Google l'utilisation des contenus journalistiques, sur le modèle que le cinéma, en son temps, a imposé à la télévision .

Des négociations confidentielles entre Google et l'AIPG ont été engagées durant deux mois sous les auspices d'un médiateur nommé et rémunéré par l'État, Marc Schwartz. Au terme de ces discussions, un accord de principe a été annoncé en présence du Président de la République et du président de Google , Éric Schmidt, le 1 er février 2013.

L'État n'étant partie prenante ni aux négociations ni à l'accord , et celui-ci étant revêtu d' une clause de confidentialité , le contenu n'en est pas officiellement connu. Il apparaît toutefois qu'il comporte deux volets :

- la création d'un fonds abondé par Google d'un total de 60 millions d'euros pour « faciliter la transition de la presse vers le monde numérique » . Seuls sont éligibles les titres de la presse d'information politique et générale nationale, régionale ou en ligne. Le Fonds Google pour l'innovation numérique de la presse a été mis en place le 19 septembre 2013 pour une durée de trois ans . Les aides sont attribuées sur la base du caractère innovant et de la viabilité économique du projet ;

- la mise en place d'une coopération en matière de régie publicitaire en ligne .

Le fonds constitue un dispositif d'aide privé, qui ne se substitue pas à l'action des pouvoirs publics en matière d'accompagnement de la transition numérique de la presse écrite.

Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis par son directeur, le fonds a contribué depuis sa mise en place, à hauteur d'environ 60 % des coûts, au financement d' une centaine de projets portés, pour un total de d'environ 48 millions d'euros de crédits . Le montant de chaque aide accordée est variable, puisqu'il dépend, comme pour le fonds stratégique, des crédits que chaque entreprise est capable de mobiliser. Les deux tiers des projets présentés sont retenus pour une aide moyenne de 300 000 euros , même si les éditeurs les plus puissants ont pu mettre en oeuvre des projets plus coûteux.

Ainsi, L'Express a bénéficié de 1,9 million d'euros pour améliorer la récupération de données sur son site, Les Echos de 2 millions d'euros pour financer la création d'une plateforme nationale d'annonces légales sur les cessions et reprises d'entreprises et Le Monde de 402 000 euros pour développer son site dédiée à l'Afrique.

Dès sa création, les critiques ont été acerbes : l'accord conclu entre Google et la presse s'apparenterait à une reddition des éditeurs, à une passivité symptomatique de l'État, voire à une manifestation supplémentaire de « la loi du plus fort » dans les relations économiques.

Dan Israël, dans une étude publiée par Causeur en juin 2015, intitulée « Google et la presse : la raison du plus fort - comment les journaux français ont fondu face au géant américain » , résumait ainsi le contexte et les conséquences de l'accord : « contre 60 millions d'euros, à répartir sur trois ans, Google a réussi à rendre caduque toute idée de loi l'obligeant à rémunérer les journaux . En acceptant sans barguigner l'offre, la presse a quant à elle fait la démonstration de son état de faiblesse, dans cette nouvelle ère numérique qui mine chaque jour un peu plus ses ressources financières » .

La solution retenue, dans un contexte où l'opportunité de légiférer n'était pas certaine, semble à votre rapporteur pour avis constituer un compromis utile , qui conduit, pendant trois ans, à doubler par des financements privés les crédits publics destinés à l'innovation numérique. Pour sa part, Laurent Joffrin estimait, lors de son audition, qu'on ne pouvait critiquer tout à fait la philosophie du dispositif, même s' il ne résolvait que temporairement et de façon limitée le problème de la réputation des contenus journalistiques utilisés sur Internet.

En tout état de cause, votre rapporteur pour avis rappelle que l'aide apportée par Google , pour utile qu'elle soit pour les titres concernés, demeure très en-deçà de ce que l'entreprise devrait acquitter à la France si elle renonçait à appliquer les mécanismes d'optimisation fiscale , qui lui permettent de ne payer que 7,7 millions d'euros d'impôts en 2013 pour un chiffre d'affaires pourtant estimé à un milliard d'euros. Toutefois, elle a permis le financement de projets numériques innovants au bénéfice des éditeurs français , tandis qu'en Allemagne la presse, dans l'attente de l'application effective de la nouvelle législation adoptée dans ce pays, n'a reçu aucune aide à ce jour.

À la mi-2016, le fonds pour l'innovation numérique de la presse va cesser son activité s'agissant des nouveaux projets , qui bénéficieront des 12 millions d'euros restant à dépenser . Il poursuivra cependant le suivi des projets en cours après cette date, puisque les crédits ne sont versés qu'en fonction de leur état d'avancement. Lui succèdera le Digital new initiative , fonds interne à Google doté de 150 millions d'euros sur trois ans, à destination des éditeurs européens . Il s'appuiera, à son lancement, sur huit éditeurs partenaires, dont Les Échos pour la France, Die Zeit en Allemagne et The Guardian au Royaume-Uni.

Ce nouveau dispositif, pour utile qu'il pourra être, bénéficiera par définition moins aux éditeurs français, compte tenu des crédits disponibles au regard du nombre de titres éligibles à l'échelle européenne. Votre rapporteur pour avis appelle donc de ses voeux la mise en oeuvre d' un système pérenne de compensation à la presse des contenus diffusés par Google . Ce mécanisme devra être pensé de façon à ne pas pénaliser les moteurs de recherche les plus fragiles.

LA DIFFUSION : DES ÉQUILIBRES À PRÉSERVER

II. LA DIFFUSION : DES ÉQUILIBRES À PRÉSERVER

A. DES SYSTÈMES UTILEMENT COMPLÉMENTAIRES

En France, la répartition de la diffusion des quotidiens est relativement équilibrée entre la vente au numéro (41 % des exemplaires) et la distribution par postage ou par voie postale pour les abonnées (56 %). Ce n'est toutefois pas le cas d'autres pays, dans lesquels une préférence est manifestement donnée à l'un ou l'autre des modes de distribution. Ainsi, l'Irlande, la Bulgarie ou encore le Portugal privilégient très majoritairement la vente au numéro. En revanche, le Japon, la Suède, la Finlande ou les Pays-Bas ont largement opté pour une distribution postale ou par portage.

Source : SPQR

La part de chaque mode de distribution dans la diffusion de la presse varie en fonction de leur coût, lui-même pour partie influencé par les aides publiques qui lui sont accordées. Des traditions historiques et des contingences techniques, notamment horaires, expliquent également les choix des éditeurs.

Votre rapporteur pour avis analysera d'abord les modalités du portage et de la distribution en réseau, avant de s'intéresser, dans un développement spécifique, au transport postal, dans la mesure où les aides qui y sont afférentes n'émargent pas au programme 180.

1. Le portage, un mode de diffusion plébiscité
a) Un succès à encourager

Si l'on tient compte de l'ensemble de la presse, en incluant la presse gratuite, le portage, qui représentait le plus important mode de distribution en 2009 avec près de la moitié des volumes, a perdu son rang, en 2011, en raison de la disparition massive des titres gratuits d'annonces . La vente au numéro s'impose alors comme le premier mode de distribution pour la presse payante. Puis, à compter de 2013, le portage est à nouveau préféré , devant la vente en kiosques (37,9 %) et La Poste (23,8 %).

Le portage fut pendant longtemps une technique de distribution peu répandue, à l'exception des régions de l'Est. Mais les éditeurs plébiscitent, depuis plusieurs années, ce mode de distribution, en conséquence notamment des difficultés rencontrées par les messageries de presse, d'une part, et de l'augmentation progressive des tarifs postaux , d'autre part.

Ainsi, en 2013, le portage était utilisé pour 18,4 % des exemplaires de presse nationale d'information politique et générale et 46,1 % des exemplaires de presse locale d'information politique et générale . De fait, la presse en région est traditionnellement le premier utilisateur de ce mode de distribution. Au total, en 2013, 1,7 million de journaux et magazines ont été portés, soit 38,3 % des ventes.

Le développement du portage devrait se poursuivre , grâce à la volonté des éditeurs de quotidiens en région, aux synergies qu'ils tentent de mettre en place avec les titres nationaux , soutenus en cela par les mesures d'aides prises par les pouvoirs publics. Il constitue d'ailleurs le dernier indicateur de performance de l'objectif n° 3 « améliorer le ciblage et l'efficacité des dispositifs d'aide » du programme 180. Il s'agit, pour 2016, d'atteindre 78,4 % d'exemplaires portés, tous types de presse confondus, sur le total des abonnements . À titre indicatif, pour l'année 2014, ce taux s'établissait à 86,4 % pour la presse quotidienne locale, à 66,8 % pour la presse quotidienne nationale, à 27,8 % pour la presse hebdomadaire locale et à 9,5 % pour la presse hebdomadaire nationale, ces deux derniers types de presse, moins sensibles aux contraintes horaires, utilisant majoritairement le transport postal.

Ensemble de la presse IPG

Source : DGMIC - Enquête presse

L'aide au portage a été instituée par le décret n° 98-1009 du 6 novembre 1998 relatif au fonds d'aide au portage, puis sensiblement renforcée à la suite des États généraux de la presse écrite, afin d' encourager un mode de distribution favorisant la fidélisation des lecteurs.

En application des préconisations du rapport précité de la Cour des comptes sur les aides à la presse, l'aide a été réformée par le décret n° 2014-1080 du 24 septembre 2014 pour la rendre plus efficace, plus incitative et pour développer le portage multi-titres. Il s'agissait, en outre, de supprimer les effets d'aubaine constatés en supprimant la distinction entre l'aide au flux et l'aide au stock.

L'aide au portage est désormais versée en deux sections :


la première incite les éditeurs à développer le portage des abonnements.

Sont éligibles les éditeurs éditant un titre d'information politique et générale, au maximum hebdomadaire, ou une publication qui apporte régulièrement des informations sur l'actualité sportive.

Part des abonnés portés des quotidiens nationaux

* Ensemble des titres PQN éligibles à l'aide au portage

Source : SPQN

Selon un mécanisme complexe, l'aide est calculée sur la base de la progression du taux de portage entre l'année n-3 et l'année n. La progression est ensuite multipliée par une valeur de référence, fixée pour trois ans par arrêté (0,005 pour la période 2014-2016), déterminant ainsi le taux d'aide à l'exemplaire de chaque titre. Celle-ci est enfin multipliée, pour chaque titre, par le volume total des exemplaires individuels et collectifs portés en année n-1, afin d'obtenir l'aide au portage de chaque titre. L'aide étant calculée sur le taux de progression, seuls les titres pour lesquels le portage se développe effectivement en bénéficient , ce qui permet d'endiguer l'effet d'aubaine constaté avec l'ancien mécanisme.

Les titres bénéficiaires des aides aux quotidiens à faibles ressources publicitaires ou à faibles ressources de petites annonces reçoivent, en outre, une bonification au titre du portage , fixée à 0,17 euro par exemplaire payant porté.

Un correctif a été apporté en 2014 afin de maintenir un montant d'aide égal à 90 % du montant perçu en 2013, dans la limite des crédits disponibles. Cette mesure visait à atténuer les effets potentiellement brutaux de la réforme. Afin de poursuivre ce lissage, et pour ne pas préempter les conclusions de la mission en cours sur le transport postal des abonnements de presse, il a été décidé de reconduire un mécanisme correctif en 2015.


la seconde section incite les réseaux à porter pour compte de tiers et donc à mutualiser davantage le portage.

Elle vise le portage de titres édités par d'autres groupes de presse que le titre principalement porté. Il s'agit ici principalement du soutien au portage, par les réseaux de la presse quotidienne en région, de titres de la presse quotidienne nationale ou de la presse magazine , mais également au développement de réseaux de portage indépendants.

Le calcul de son montant unitaire par titre n'est guère plus simple ; ses modalités sont proches de celles exposées précédemment s'agissant des aides de la première section.

L'aide au portage est versée sous enveloppe, afin de tenir compte des crédits budgétaires disponibles. L'aide aux éditeurs (première section) est ainsi écrêtée le cas échéant. La seconde section (aide aux réseaux) n'est en revanche pas susceptible d'être modifiée. En 2016, l'aide au portage demeurera stable à 36 millions d'euros, au bénéfice d'environ cent-trente titres et quatorze réseaux de portage.

Cette aide, qui résiste fort heureusement aux gels successifs de crédits, est essentielle, notamment s'agissant du soutien au portage multi-titres : dans le contexte actuel, où le portage représente l'unique mode de diffusion en progression (5 % depuis 2010, face à une diminution d'environ 25 % de la vente au numéro et des abonnements postaux sur la période), elle permet d'augmenter le portefeuille d'abonnés de la presse imprimée d'information politique et générale. Les lecteurs plébiscitent en effet de recevoir leur journal à domicile avant huit heures, y compris les dimanches et jours fériés.

b) Une mutualisation à développer

Ces dernières années, Presstalis a accompagné les initiatives des éditeurs, qui souhaitaient favoriser le développement du portage au travers les différents acteurs de la vente au numéro (messageries, dépositaires, diffuseurs). Le contexte actuel d'érosion de la vente au numéro et une complémentarité industrielle avec le coeur de métier de Presstalis et du réseau des dépôts représentent en effet des éléments favorables à l'implication de Presstalis dans le portage multi-titres .

La messagerie serait, compte tenu de ses compétences logistiques, susceptible de proposer une double prestation :

- assurer la logistique d'approche des volumes de presse portée vers les centres de répartition régionaux . Il s'agirait de gérer les transports et le traitement des volumes en amont. Presstalis a ainsi conclu, dans cette perspective, un accord de sous-traitance logistique avec le groupe La Dépêche ;

- jouer le rôle d' intégrateur du flux complet de portage , valorisant ainsi l'organisation logistique et le réseau de Presstalis sur les niveaux 1 et 2.

Un certain nombre de tests ont été menés en ce sens, notamment en 2008 et 2009, qui ont confirmé la capacité opérationnelle de Presstalis et des dépositaires à mettre en oeuvre des solutions de portage , avant que leurs propres difficultés ne les éloignent du sujet. Le passage à une phase industrielle de la gestion de ces flux, qui nécessiterait le développement d'un système d'information adapté, devrait toutefois être précédé d'une analyse économique prévisionnelle, tenant compte à la fois de la situation concurrentielle du marché et des moyens à mettre en oeuvre par Presstalis.

La réforme de la distribution de la presse, telle qu'elle résulte de la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, permettra sûrement d'aborder à nouveau cette question.

Néanmoins, l'équilibre encore fragile de Presstalis et la présence d'acteurs de la presse quotidienne régionale déjà fortement implantés sur le territoire rend cet axe de développement non prioritaire . L'avenir de Presstalis est aujourd'hui davantage orienté vers le numérique et la diffusion en ligne des titres distribués par la messagerie, comme le confirmait sa présidente, Anne-Marie Couderc, lors de son audition par notre rapporteur pour avis.

En réalité, la mutualisation des modes de distribution se heurte à plusieurs obstacles :

- en matière d'organisation de la distribution , l'horaire de fin de l'impression de la presse quotidienne nationale, cumulé au temps de transport nécessaire pour arriver sur les lieux de routage de la presse régionale, n'est pas forcément compatible avec les horaires de départ des tournées de celle-ci. Cette difficulté est encore accrue par l'horaire de bouclage tardif des quotidiens nationaux sportifs ;

- d'un point de vue juridique , la mutualisation de la distribution est limitée par la double contrainte de l'exclusivité du contrat Presstalis et de la loi du 2 avril 1947. Dans le cadre de la loi Bichet, deux titres partageant leur logistique pour la distribution d'exemplaires destinés à la vente au numéro doivent créer une coopérative à laquelle tout autre éditeur doit pouvoir adhérer, ce qui rend l'entreprise quelque peu contraignante ;

- enfin, économiquement , alors que Presstalis offre aux éditeurs nationaux une solution de distribution couvrant l'intégralité du territoire, la presse régionale ne peut leur proposer que des solutions locales en raison de son organisation par définition décentralisée. Il conviendrait donc de négocier avec chaque acteur de la presse quotidienne régionale les conditions de distribution de la presse quotidienne nationale. En outre, la presse locale n'est pas soumise au même cadre social coûteux que la presse nationale ni que Presstalis pour son impression et sa distribution.

En 2011, les éditeurs ont travaillé sur des études de faisabilité technique et juridique portant sur la mutualisation des réseaux. Des divergences sont alors apparues quant au gain économique d'un nouveau modèle de distribution commun par rapport au prix proposé par Presstalis . En conséquence, la presse quotidienne nationale a alors opté pour le maintien de sa distribution par le système coopératif .

Si une mutualisation des réseaux de portage entre Presstalis et la presse quotidienne régionale ne semble plus d'actualité, celle du service et de l'utilisation croisés des points de vente a, pour sa part, un avenir possible.

Pour mémoire, la presse quotidienne régionale, qui n'entre pas dans le cadre coopératif de la loi du 2 avril 1947 dite « Bichet », dispose de son propre réseau complémentaire, doté de 30 000 points de vente dédiés. Il était envisagé que la presse régionale puisse assurer la logistique de livraison de la presse nationale aux points de vente généralistes et, inversement, que la presse nationale accède au réseau complémentaire de la presse régionale, mais, jusqu'alors le cadre de la loi Bichet avait constitué un frein majeur à une telle évolution.

La loi précitée du 17 avril 2015 a rendu possible l'ouverture des réseaux de vente de la presse quotidienne régionale à la presse quotidienne nationale , sous certaines conditions. Il reviendra ainsi au Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) de définir « les conditions dans lesquelles les entreprises de presse [...] peuvent, dans des zones géographiques déterminées, sans adhésion à une société coopérative de messageries de presse commune, recourir à des réseaux locaux de distribution aux points de vente et homologue les contrats de distribution conclus dans ces conditions, au regard des principes de la loi [Bichet]. » Votre rapporteur pour avis espère que cette avancée permettra de lever les obstacles à la mutualisation de la distribution aux points de vente. Les représentants de la presse quotidienne nationale et de la presse quotidienne régionale se sont, lors de leurs auditions respectives, déclarés favorables au développement de partenariats dans ce cadre.

c) Des conditions salariales à moderniser

Le dispositif relatif à l'activité des vendeurs-colporteurs et porteurs de presse constitue un volet complémentaire de l'aide directe au portage . Il vise à développer un réseau structuré de portage, en exonérant de certaines charges patronales les rémunérations des vendeurs-colporteurs et des porteurs de presse effectuant sur la voie publique ou par portage à domicile la vente de publications quotidiennes et assimilées, au sens de l'article 39 bis du code général des impôts.

Évolution des effectifs de VCP et porteurs

La loi de finances rectificative pour 2009 a ainsi prévu une exonération des cotisations de sécurité sociale à la charge de l'employeur, du mandant ou de l'éditeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, hors cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, dues pour les rémunérations versées au cours d'un mois civil aux vendeurs-colporteurs et porteurs de presse. Cette exonération est applicable aux employeurs pour les porteurs de presse quotidienne payante comme gratuite , au titre de leur rémunération effective relative à l'activité de portage. Elle a également été étendue à la presse magazine hebdomadaire d'information politique et générale.

Le chiffrage de l'aide correspond aux prévisions de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ; il peut être ajusté en fonction des réalisations comptables mensuelles effectives. Ainsi, en 2015, 18 millions d'euros ont été versés aux employeurs, sur une dotation initiale de 22,5 millions d'euros.

Dans le budget prévisionnel pour la période 2015-2017, associé à la loi de programmation des finances publiques pour 2014-2019, un montant de 23,7 millions d'euros en 2016 et de 25,3 millions d'euros en 2017 avaient été programmés. Au vu des prévisions actualisées de l'ACOSS, le montant inscrit pour 2016 au programme 180 a été ramené à 21,7 millions d'euros.

Le montant actualisé pour 2016 s'appuie sur un nombre de porteurs de presse estimé à 17 213 pour la presse payante et 18 089 pour la presse gratuite , et sur un nombre moyen d'exemplaires portés mensuellement par porteur de 4 210 pour la presse payante et 1 360 pour la presse gratuite. L'exonération de cotisations patronales, qui représente pour 2016 un taux de 26,6 % de l'assiette de cotisations , est estimée, pour ce niveau moyen d'exemplaires portés, à 64,49 euros par mois pour l'employeur s'agissant du portage de la presse payante et à 38,64 euros pour la presse gratuite.

Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la création, avait déclaré, lors de la présentation de sa réforme des aides à la presse, le 10 juillet 2013, qu'elle entendait « améliorer la situation des vendeurs-colporteurs de presse et conditionner le bénéfice de l'aide aux seuls éditeurs pour lesquels l'exonération de cotisations sociales aura été répercutée sur les porteurs en application d'un code de bonne conduite. » À cette fin, une mission a été confiée conjointement aux inspections générales des affaires culturelles et des affaires sociales pour dresser l'état des lieux de la situation sociale de ces personnels et d'identifier les bonnes pratiques mises en oeuvre par les employeurs.

Le rapport, publié en octobre 2014, confirme que le portage constitue une activité d'appoint pour la majorité des vendeurs-colporteurs et de porteurs de presse : il ne représente l'unique revenu que de 26 % d'entre eux. Il a également invalidé l'idée selon laquelle le statut de salarié serait plus rémunérateur. Au final, la mission propose de subordonner le versement de l'aide à la signature d'un code de bonne conduite , solution qu'approuve votre rapporteur pour avis, qui appelle de ses voeux sa rapide conclusion.

2. Le pari presque gagné de la modernisation des circuits de la vente au numéro
a) Une situation en voie d'être stabilisée pour les messageries de presse
(1) La restructuration difficile de Presstalis

Les ventes au numéro de la presse enregistrent un recul régulier depuis plusieurs années, en particulier celles de la presse quotidienne nationale, ainsi que le rappelait en préambule votre rapporteur pour avis.

Dans ce contexte, la situation financière de la société Presstalis, qui occupe environ 80 % du marché de la vente au numéro, s'est progressivement dégradée , l'obligeant à engager, sous tensions sociales, un important cycle de restructuration, afin de s'adapter au contexte économique, mais aussi de continuer à soutenir la diffusion de la presse quotidienne. À ces fins, plusieurs accords successifs ont été conclus avec les éditeurs et l'État.

Dès 2007, Presstalis a ainsi mis en oeuvre un plan de réforme, baptisé « Défi 2010 », couvrant la période 2007-2012 , qui s'articulait autour de trois axes : le développement du réseau de points de vente et l'amélioration de la rémunération des diffuseurs, une réforme de l'organisation de la distribution et une politique de diversification des activités de la messagerie.

Une part importante des investissements prévus dans ce cadre a été consacrée à la modernisation de la filière de distribution des quotidiens nationaux, en déficit structurel du fait des contraintes logistiques et d'urgence attachées à cette activité et de la diminution parallèle des volumes acheminés. Le plan « Défi 2010 » prévoyait, à cet effet, une refonte du schéma industriel. Cependant, Presstalis ayant connu une forte dégradation de ses résultats en 2009, la priorité a été donnée aux mesures d'urgence nécessaires à sa survie et destinées à consolider le secteur de la distribution de la presse dans son ensemble.

À la suite de la remise, en mars 2010, du rapport de Bruno Mettling relatif à la situation de Presstalis, plusieurs mesures de sauvetage du système de distribution des quotidiens nationaux ont été décidées, puis mises en forme dans le plan stratégique de l'entreprise pour la période 2012-2015, visant à rétablir, à son issue, l'équilibre financier du groupe.

Là encore, l'urgence prit le pas sur les restructurations profondes, puisque, en 2011, dans un contexte d'aggravation de la baisse de la vente au numéro de la presse et de concurrence accrue avec les Messageries lyonnaises de presse (MLP) pour la distribution des magazines, la situation de Presstalis s'est à nouveau trouvée très dégradée. Face aux difficultés rencontrées pour le financement du plan stratégique, la société a demandé au tribunal de commerce de Paris la désignation d'un mandataire ad hoc .

Pour sa part, l'État a diligenté, au printemps 2012, deux missions sur les solutions de financement envisageables pour l'entreprise, conduisant à la conclusion d'un premier accord-cadre d'objectifs, de méthode et de moyens pour la continuité d'exploitation du groupe Presstalis le 30 juillet 2012 entre l'État, Presstalis et ses coopératives d'éditeurs. Cet accord portait sur la phase 2012-2013 du plan de restructuration. Un second accord-cadre pour la continuité d'exploitation du groupe dans une nouvelle organisation industrielle des messageries de presse a été signé le 5 octobre 2012 .

En février 2013, face aux difficultés rencontrées par Presstalis dans la mise en oeuvre du volet social de son plan de restructuration, Raymond Redding a été chargé d'une mission de médiation aboutissant à la signature, en mai 2013, d' accords sur l'accompagnement social des réformes et permettant, dès lors, le déploiement du plan de restructuration.

Comme le rappelait Anne-Marie Couderc, présidente de Presstalis, lors de son audition, la convention collective excessivement favorable applicable aux salariés de l'entreprise, toutes fonctions confondues, rend les restructurations aussi conflictuelles que coûteuses. Votre rapporteur pour avis le conçoit volontiers mais rappelle combien les efforts demandés ont été importants : depuis 2010, 1 500 emplois ont été supprimés, dont 900 entre 2013 et 2015.

(2) Un engagement sans faille de l'État

Depuis 2012, en plus du soutien à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale vendue au numéro, l'aide à la distribution de la presse apporte un soutien à la distribution de la presse à l'étranger, auparavant assuré par le fonds d'aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger (FAEDPE), désormais supprimé. Aussi, l'aide à la distribution de la presse comprend-elle deux sections, respectivement pour la France et pour l'étranger.

L'aide attribuée au titre de la première section est versée exclusivement à Presstalis , seule messagerie à distribuer, sur l'ensemble du territoire, les quotidiens nationaux d'information politique et générale et supportant, à ce titre, les contraintes logistiques et d'urgence attachées à cette activité . La charge financière qui en résulte fragilise le système coopératif de distribution, qui repose sur une participation solidaire des éditeurs de quotidiens et de publications . Dès lors, les pouvoirs publics ont décidé de la distribution des quotidiens, dont dépend la pérennité de l'ensemble du système de distribution.

En 2009, la dotation budgétaire pour l'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale s'élevait à 11 millions d'euros. Du fait de l'aggravation du déficit engendré par la distribution des quotidiens, du financement de la réforme de la distribution et de l'accord cadre du 27 mai 2010, l'État a décidé de majorer l'aide à 18 millions d'euros dès 2009 et 2010 . Il a donc été nécessaire de compléter de 7 millions d'euros la dotation au titre de 2009. De surcroît, au titre de l'année 2010, l'État a convenu de verser, sous la forme d'une aide exceptionnelle, une somme de 20 millions d'euros aux éditeurs de quotidiens.

En 2011, l'aide annuelle a été maintenue à 18 millions d'euros, puis, en 2012 et 2013, en plus de l'aide annuelle d'un montant identique, l'État a décidé le versement d'une aide exceptionnelle, afin d'accompagner le plan stratégique de Presstalis . Cette aide exceptionnelle a été prévue par les deux accords signés, en juillet puis en octobre 2012, entre la société Presstalis, les éditeurs associés à la messagerie et l'État. D'un total de 15 millions d'euros , l'aide exceptionnelle a été versée en deux temps : 5 millions d'euros en novembre 2012, puis 10 millions d'euros en juillet 2013.

En 2014, la dotation initiale s'est élevée, à nouveau, à 18 millions d'euros, mais Presstalis a finalement bénéficié d'une subvention de 32 millions d'euros en année pleine. En effet, à la suite d'un mouvement de grève particulièrement tendu à l'hiver 2012, le Gouvernement a chargé Raymond Redding d'une mission de médiation entre la direction de Presstalis et les organisations syndicales. Cette médiation s'est terminée par un accord en mai 2013, dont le surcoût social est estimé à 32,7 millions d'euros , le Gouvernement acceptant d'en prendre à sa charge une partie dans la limite de 14 millions d'euros.

Dans ce cadre, l'État a versé 7 millions d'euros à la messagerie en mai 2014, puis 3,5 millions d'euros en novembre 2014, en conditionnant le versement des 3,5 millions d'euros restants à la création de la société commune pour l'exploitation du système informatique commun à la filière. Ce dernier versement a finalement été validé dès le mois de décembre 2014.

Pour la période 2015-2017, la dotation annuelle est maintenue à 18 millions d'euros , afin de permettre la poursuite des réformes engagées par Presstalis, à laquelle s'ajoute 850 000 euros au titre de la distribution de la presse à l'étranger (seconde section).

La commission de suivi de la situation économique et financière, qui assiste le CSMP dans sa mission de contrôle comptable des messageries, a rendu, le 17 décembre 2014, un avis sur la situation de Presstalis. Elle y constate certes une restauration des équilibres d'exploitation grâce « aux efforts de réorganisation effectués » , mais estime que la situation financière demeure fragile. De fait, les prévisions de trésorerie ont diminué en 2014 en raison des investissements réalisés dans le système d'information et les restructurations sociales et la stabilisation ne pourra âtre atteinte en 2015 que grâce au versement des aides prévues par l'accord tripartite de 2012 et à la cession de filiales et d'actifs immobiliers . Pour la commission de suivi, « la messagerie devra encore faire face, en 2015 et 2016 à des situations de trésorerie tendues ».

Anne-Marie Couderc a confirmé à votre rapporteur pour avis qu'en 2015, comme en 2014, l'équilibre d'exploitation serait atteint grâce à un niveau d'économies compris entre 25 et 35 millions par an pour un chiffre d'affaires d'environ 450 millions d'euros. Ce résultat aurait toutefois pu être meilleur sans le retard pris dans la mise en oeuvre du schéma directeur du niveau 2 , qui a réduit de 6 à 7 millions d'euros les économies prévues .

Elle a également confié, lors de son audition, que, désormais stabilisée, Presstalis s'orientait vers une diversification numérique de ses activités , en développant notamment des outils visant à favoriser la présence des éditeurs français sur Internet. Dans un cadre, à la fin de l'année 2015, un premier pilote d' une base de données numérique des contenus , y compris anciens, de la presse française sera livré. Si le projet était confirmé, il nécessiterait toutefois un long travail de numérisation des fonds. D'ores et déjà, un dossier de demande de financement a été déposé auprès du fonds stratégique.

(3) La concurrence maîtrisée des Messageries lyonnaises de presse

Face à Presstalis, acteur dominant du marché de la distribution de la presse en France, les MLP ont principalement développé leur activité sur des publications magazines, à périodicité lente et à fort prix de vente, à la fois plus faciles à distribuer et plus rémunératrices. En l'absence de quotidiens distribués, l'entreprise ne bénéficie d'aucune aide publique.

Avec plus de six cents éditeurs adhérents, les MLP représentent environ 20 % de la vente au numéro, même si les transferts entre messageries modifient, certaines années, ce résultat. Ainsi, en 2012, plusieurs éditeurs ont transféré la distribution de leurs titres de Presstalis aux MLP, notamment des titres du groupe Mondadori, comme Biba , Grazia , Science et Vie ou Closer , et Le Point , puis, en 2014, certains hebdomadaires à fort tirage ont pris la décision de confier à nouveau leur distribution à Presstalis ( Marianne , magazines Mondadori). En outre, en 2012, les MLP ont vu leur catalogue d'encyclopédies et de produits multimédia augmenter de 25 %, les encyclopédies revenant ensuite, dès 2014, dans le giron de Presstalis.

Les MLP ont engagé, depuis 2007, une stratégie de développement sur le niveau 2 , avec leur filiale Forum Diffusion Presse et la constitution du groupement Alliance Distribution (dépôts indépendants déléguant certaines opérations aux MLP). La messagerie est également présente, depuis 1999 au niveau 3, avec l'enseigne Agora. Les besoins de trésorerie de l'année 2014 ont cependant contraint les MLP à vendre plusieurs diffuseurs.

Néanmoins, après les difficultés rencontrées en 2014, il semblerait que la situation des MLP soit redevenue viable, notamment grâce à des ventes d'actifs non stratégiques, la mise en oeuvre d'un nouveau barème pour les publications et l'adaptation du niveau de la masse salariale à la baisse du marché.

En outre, le récent changement de gouvernance opéré à leur direction conduit l'entreprise à dialoguer plus aisément avec Presstalis , en vue de mettre en oeuvre les mutualisations de moyens propices au développement économique des deux sociétés.

b) De louables efforts de mutualisation
(1) Le décroisement des flux

Sur saisine du Gouvernement, L'Autorité de la concurrence a rendu, le 21 décembre 2012, l'avis n° 12-A-24 relatif au décroisement des flux dans le système de distribution de la presse magazine. L'Autorité estime que la mise en place d'un système de sous-traitance logistique entre messageries pour le traitement de la presse et la création d'une structure commune chargée de gérer le transport serait le schéma présentant le moins de difficultés en matière de concurrence.

La mise en oeuvre de ce chantier a cependant pris du retard, notamment du fait des difficultés rencontrées s'agissant de la sous-traitance logistique entre les messageries, de la création d'une société commune de transport et d'un système d'information commun, mais également du rachat de plusieurs dépôts de Presstalis par les MLP.

Les messageries ont débuté une mise en place partielle de ce décroisement, nonobstant la poursuite des négociations sur les différents sujets problématiques. Les dépôts de Presstalis au Mans et à Bonneuil-sur-Marne ont commencé, au printemps 2014, à traiter les titres MLP pour les livrer à plus de 1 400 diffuseurs des dépôts de Bourges, Tours, Rennes et Versailles. Puis la mutualisation des flux a été étendue à d'autres dépôts, avec l'objectif d'opérer le décroisement, avant la fin de l'année 2014, des flux nationaux, à partir du site de Bonneuil-sur-Marne pour Presstalis et de celui de Villabé pour les MLP.

Depuis le mois de décembre 2014, le décroisement des flux est désormais complètement opérationnel et devrait générer 2,5 millions d'euros d'économies pour la filière en année pleine.

(2) La mise en commun des systèmes d'information

Suite aux conclusions rendues par le cabinet EY, mandaté par le CSMP afin d'auditer les systèmes d'information actuels des messageries et de proposer un rapprochement permettant l'interopérabilité des systèmes , il a été décidé d'étendre à l'ensemble de la filière le système développé par Presstalis, par décision du CSMP en date du 18 avril 2014.

Le même cabinet EY a alors été chargé de la rédaction du cahier des charges applicable au système d'information, à partir d'ateliers thématiques avec les acteurs de la filière. Il a fait l'objet d'une validation par le CSMP le 29 juillet 2014. Une société commune de moyens avec une gouvernance partagée , condition expresse des MLP pour intégrer le nouveau système avec la prise en charge, par la filière, du coût de la bascule d'un système à l'autre, a été créée en décembre 2014 afin de permettre le développement du nouveau système commun d'information.

En tant que projet collectif de la presse écrite, la mise en oeuvre du nouvel outil bénéficie de crédits du fonds stratégique pour le développement de la presse à hauteur de 4,4 millions d'euros.

(3) Le nouveau schéma directeur du niveau 2

En 2012, le niveau 2 comportait cent trente-trois dépositaires-mandataires. Pour assurer l'adaptation économique de ce réseau, le CSMP a voté, le 26 juillet 2012, la mise en oeuvre d'un schéma directeur d'organisation le réduisant à quatre-vingt-dix-neuf plateformes et soixante-trois dépôts en métropole , à l'horizon du 31 décembre 2014. La Commission du réseau du CSMP a procédé à la nomination de soixante-trois mandataires parmi les dépositaires ayant répondu à son appel d'offres.

Malgré les procédures de conciliations menées par le CSMP, les difficultés de trésorerie des MLP et les désaccords entre messageries et dépositaires sur la valorisation des dépôts ont entraîné le blocage des opérations d'acquisition et de vente. Constatant un important retard dans la mise en oeuvre de la réforme, le CSMP a alors adopté, le 3 octobre 2013, une décision qui encadre dans des délais contraints le mode d'exécution du schéma directeur.

Mais sa décision a fait l'objet d' un recours en annulation de la part du Syndicat national des dépositaires de presse (SNDP) et une ordonnance de référé, rendue le 5 mars 2014, en a suspendu l'application , dans l'attente que la cour d'appel se prononce sur les divers moyens développés en vue d'obtenir une annulation de la décision. On comptait alors encore cent quatorze dépôts de presse sur le territoire métropolitain. Sur les trente-cinq rattachements prévus par le schéma directeur, seulement vingt avaient été réalisés, soit un état d'avancement de 60 % par rapport à l'objectif fixé.

Le 29 janvier 2015, la cour d'appel de Paris a rejeté sur le fond les griefs soulevés par les plaignants , relançant en conséquence l'exécution contrainte du schéma directeur. Les dépositaires ont cependant toujours la possibilité de saisir le CSMP en conciliation en cas de divergence sur les valorisations prévues.

Depuis lors, de nombreuses opérations ont pu être menées, aboutissant à des accords sur la totalité des régions concernées . Le schéma directeur devrait prendre effet dans le courant de l'année 2016, en tenant compte de ce que les rattachements nécessitent des délais de nature technique. Le niveau 2 s'oriente donc vers la cartographie initialement dessinée.

Source : CSMP - Rapport public d'activité 2014

S'agissant des plateformes de distribution, Anne-Marie Couderc, présidente de Presstalis, a indiqué à votre rapporteur pour avis qu' « à terme, il faudra transformer en profondeur le dispositif industriel de distribution de la presse en raison de la diminution inexorable des exemplaires papier. Le nombre de dépositaires devra considérablement diminuer à vingt voire dix plateformes » .

c) La situation préoccupante des diffuseurs de presse
(1) Un réseau en perte de vitesse

Les difficultés du système de distribution de la presse, dues notamment à l'érosion continue des ventes au numéro (6,6 % en 2010, 6,8 % en 2011, 8,6 % en 2012, 11 % en 2013, 7,1 % en 2014), se traduisent, au-delà de la déstabilisation de Presstalis, par un recul important de la capillarité du réseau des diffuseurs de presse du niveau 3 . Or, un réseau de diffusion moins dense a pour conséquence, selon un engrenage aussi logique que dangereux, d' aggraver encore le résultat de la vente au numéro.

Entre 2010 et 2014, le niveau 3 a enregistré une diminution de 11,7 % du nombre de points de vente, correspondant à la disparition de 3 425 établissements , pour s'établir à 25 866 points de vente au 31 décembre 2014. Comparativement, le recul observé est supérieur en région parisienne, avec deux-cent soixante-six diffuseurs en moins sur la période (- 19 %). Les zones rurales et semi-rurales ont perdu sept-cent vingt-quatre marchands de journaux, sur des territoires où ils représentaient souvent l'unique solution pour se procurer un titre au numéro.

Évolution du nombre de points de vente

Source : Presstalis

Afin de tenter de maintenir la capillarité du réseau, de nouvelles approches ont été développées par les messageries de presse en introduisant une offre limitée de titres dans des commerces qui n'en étaient pas pourvus (bar, tabac, épiceries, supérettes, etc.), sans réussir toutefois à maintenir le niveau du réseau à l'identique.

L'érosion observée engendre un effet de concentration du réseau : l'essentiel du chiffre d'affaires du niveau 3 est progressivement réalisé par les points de vente spécialistes de la presse proportionnellement de moins en moins nombreux. Les 1 000 premiers diffuseurs, qui ne représentent plus que 3 % du réseau, réalisent désormais 23 % du chiffre d'affaires du niveau 3 et les 5 000 premiers diffuseurs concentrent près de 56 % des ventes en valeur, tandis que les 10 000 derniers points de vente ne réalisent que 4 % du chiffre d'affaires.

(2) Une rémunération trop faiblement revalorisée

Le phénomène d'appauvrissement du réseau conduit à une réduction du chiffre d'affaires moyen de la filière et, partant, de la rémunération des diffuseurs.

La qualité de diffuseur de presse, hors du réseau spécifique de la presse locale dont il a été fait mention précédemment, est obtenue par une demande d'inscription en tant qu'agent de la vente auprès du CSMP. Cet agrément ouvre droit au statut fiscal et social correspondant, dont l'intérêt financier demeure toutefois limité (allègement de la taxe sur la publicité extérieure et exonération de contribution économique territoriale).

Selon le cadre fixé par la loi précitée du 2 avril 1947, les commissions de rémunération perçues par les diffuseurs de presse relèvent de la filière de la distribution, sous l'égide du CSMP, et d'accords interprofessionnels. En tant que mandataires commissionnaires ducroire, les diffuseurs sont rémunérés par une commission ad valorem assise sur le prix de vente facial du titre . En pratique, cette commission prélevée sur le produit des ventes au numéro de la presse est composée de deux parties : une commission de base fixée par le CSMP et des compléments de commission issus de divers accords interprofessionnels de revalorisation salariale.

Malgré les compléments de commission, la rémunération du niveau 3 demeure très insuffisante, autour de 11 000 euros bruts annuels par diffuseur. Évaluée en moyenne à 17 % du chiffre d'affaires , cette rémunération demeure l'une des plus faibles d'Europe : elle s'établit, par exemple, entre 21 % et 26 % au Royaume-Uni et entre 20 % et 25 % en Espagne.

En raison de l'urgence des mesures en faveur des niveaux 1 et 2 et malgré l'aggravation de la situation économique et sociale des diffuseurs de presse et l'érosion du nombre de points de vente, le CSMP a tardé à initier des travaux relatifs à l'amélioration des conditions de travail des diffuseurs . À partir du mois de mars 2013 seulement, ont ainsi été prises plusieurs décisions et notamment l'instauration d'un mécanisme de maintien de la commission du diffuseur en cas de baisse promotionnelle du prix de référence d'un titre.

Les dispositifs de régulation des volumes livrés au niveau 3 (assortiment, plafonnement, mise à zéro) sont devenus essentiels, en raison du choix de nombreux éditeurs d'augmenter les quantités jusqu'à les rendre inadaptées aux capacités de vente. Envisagée dès les États généraux de la presse écrite, leur réforme, très attendue par les diffuseurs puisqu'elle concerne tant leurs conditions de travail que leur niveau de revenu, n'a été lancée par le CSMP qu'en 2011, avec une décision relative à l'assortiment. Elle est poursuivie en 2013 avec deux décisions relatives respectivement à la régulation des titres et produits distribués par les messageries et à celle des quantités distribuées, instaurant le plafonnement des fournitures, ainsi que la mise à zéro des titres non vendeurs. Ces différentes mesures, pour utiles qu'elles soient, n'ont toutefois pas abordé la question de la réévaluation de la rémunération des diffuseurs de presse, via notamment une augmentation des commissions.

Il faudra attendre le mois d'octobre 2013 pour voir le CSMP lancer une consultation publique sur l'évolution des conditions de rémunération des diffuseurs de presse, suivie d'une mission de synthèse confiée au cabinet Postmédia Finance. Ces travaux ont abouti, le 1 er juillet 2014, à l'édification d'une nouvelle grille de rémunération simplifiée, fondée sur une revalorisation de la commission moyenne perçue par le diffuseur de presse sur ses ventes. L'augmentation sera comprise entre deux et trois points pour le réseau spécialisé, soit un montant de 27,6 millions d'euros correspondant à 1,7 % du coût de diffusion en l'état actuel des ventes. Deux augmentations de la rémunération moyenne de 0,5 % chacune seront prises en charge par les éditeurs en 2015 puis en 2016. Une dernière hausse conditionnelle de 0,7 % devra être financée en 2017 par les économies réalisées par la filière.

À l'issue de sa montée en charge progressive, le dispositif offrira aux kiosquiers une revalorisation d'un point sur Paris et « les grandes villes » et de trois points en région sur les publications. Cette augmentation est fixée respectivement à deux et quatre points s'agissant des quotidiens. Elle pourra être complétée par un point additionnel sous condition d'informatisation . La rémunération moyenne des kiosques sera ainsi portée à 23,2 % sur les publications et les quotidiens, se rapprochant de la moyenne européenne.

Dans cette attente et pour faire face aux conséquences désastreuses des mouvements sociaux successifs au sein de Presstalis sur leur chiffre d'affaires, les diffuseurs ont bénéficié d'une série d' aides exceptionnelles , dont un versement de 4 000 euros, montant correspondant, en moyenne, à une exonération de 30 % des cotisations sociales personnelles, en 2009, pour un coût total de 49,4 millions d'euros. Puis, en 2011, est opéré un nouveau versement d'un montant de 1 500 euros, porté à 2 000 euros pour les diffuseurs établis, avant le 23 décembre 2010, à Paris ou dans l'un des onze communes limitrophes, victimes de la grève du dépôt parisien en décembre 2010. Au total, l'État y consacrera 14,7 millions d'euros.

Après le blocage de la distribution pendant plus de trente jours, entraîné par la grève de Presstalis à l'hiver 2012-2013, les diffuseurs ont lancé un mouvement de contestation en février 2013, conduisant le ministère de la culture et de la communication à instaurer un groupe de travail ad hoc sur les rémunérations.

Ses conclusions ont été rendues publiques le 14 mai 2013. Sur leur fondement, la ministre de la culture et de la communication a annoncé le versement d'une nouvelle aide exceptionnelle , d'un niveau de 1 500 euros par bénéficiaire, ciblée sur les diffuseurs de presse indépendants et spécialistes les plus touchés par les conséquences du dernier conflit social. Le nombre de points de vente concernés a été évalué à environ sept cents par les organisations professionnelles, ce qui représente un volume d'aide de l'ordre de 1,1 million d'euros.

(3) Une nécessaire modernisation

La nécessité d'aider les points de vente à se moderniser pour se maintenir n'est pas nouvelle, depuis que l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse a été instituée dès la loi de finances rectificative pour 2004. Le dispositif consiste en une subvention directe à l'investissement accordée, sous certaines conditions, aux diffuseurs qui souhaitent s'informatiser (caisse enregistreuse, ordinateur, imprimante) ou moderniser le mobilier de leur point de vente.

Les modalités de l'aide ont été modifiées en 2009 et 2013, afin de la rendre plus incitative. En 2014, 1 604 projets, aux trois quarts informatiques, ont été soutenus, pour un montant total d'aide de 4 millions d'euros. Le dispositif a subi une légère diminution en 2015 à 3,8 millions d'euros, qui se poursuit en 2016 (3,7 millions d'euros), afin de s'adapter aux demandes effectives de crédits.

L'effet de l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse, estimée à 3,4 % en 2016 (ratio entre le montant total des projets soutenus et le montant des aides attribuées), constitue l'un des sous-indicateurs de performance de l'objectif n° 3 « améliorer le ciblage et l'efficacité des dispositifs d'aide » du programme 180.

Par ailleurs, le nouveau système d'information commun aux messageries de presse, dont bénéficieront également les diffuseurs du réseau, devrait constituer un élément moteur de leur modernisation logistique.

B. DES SOLIDARITÉS FRAGILES

1. Le rôle majeur de la régulation
a) Une gouvernance bicéphale qui a fait la preuve de son efficacité

L'entrée de la presse écrite dans une phase de grave crise économique et les intérêts parfois divergents des acteurs de la filière au regard des réformes, parfois douloureuses, que nécessitait la situation a conduit le législateur, dans le cadre de la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse, à créer, au côté de l'instance de gouvernance professionnelle que représente le CSMP, une Autorité de régulation de la presse (ARDP).

Cette autorité administrative s'est vue chargée de rendre exécutoires les décisions normatives prises par le CSMP et d'arbitrer les différends relatifs au fonctionnement des messageries ou à l'organisation du réseau de distribution en cas d'échec de la procédure de conciliation devant le Conseil supérieur.

Cet attelage, déséquilibré à première vue - l'ARDP ne compte que quatre membres, ne dispose pas de sa propre expertise et est financée par la profession -, a largement contribué à la restructuration de la filière , même si de nombreux blocages, sous la forme de recours contre ses décisions, ont conduit à ralentir la mise en oeuvre des chantiers prévus.

Pour tenter de remédier à ce constat, la loi précitée du 17 avril 2015 a renforcé le pouvoir de l'ARDP , en l'installant dans un statut d'autorité administrative indépendante , financée à ce titre par les pouvoirs publics et non plus, ce qui représentait une sérieuse brèche dans le principe d'indépendance, par les éditeurs. À ce titre, 400 000 euros sont, pour la première fois, inscrits au bénéfice de son fonctionnement dans le présent projet de budget. 200 000 euros seront consacrés à la rémunération d'un cabinet d'expertise financière chargé d'accompagner l'ARDP dans sa réforme des barèmes des messageries.

En outre, la loi est venue renforcer son expertise en lui assignant un quatrième membre, désigné par le président de l'Autorité de la concurrence pour ses compétences dans les domaines économique et industriel. Afin d' éviter toute déperdition brutale des compétences à l'issue du mandat du collège, l'Autorité de régulation sera désormais renouvelée par moitié tous les deux ans et le mandat de ses membres pourra être reconduit une fois.

Enfin, l'ARDP a désormais la faculté d'inscrire une question à l'ordre du jour du CSMP, mais également le pouvoir de réformer ses décisions.

b) Des décisions majeures en faveur du caractère coopératif de la distribution

Aux aides publiques s'ajoute une solidarité professionnelle , en application des principes de la loi « Bichet » du 2 avril 1947. À ce titre, le système de régulation bicéphale a permis, depuis son installation, de réelles avancées en encourageant, voire en imposant, les synergies financières et logistiques nécessaires à la survie du réseau coopératif de distribution.

La décision la plus symbolique, dans ce domaine fut l'institution, par la décision du CSMP en date du septembre 2012, d' un mécanisme de péréquation inter-coopératives pour le financement, hors surcoûts sociaux liés à la convention collective applicable aux salariés de Presstalis, de la distribution de la presse quotidienne nationale.

Le dispositif s'appuie sur les conclusions du rapport commandé au cabinet Mazars, fixant le coût de la péréquation due par les MLP à Presstalis qui, seule, distribue les quotidiens, sur la base du calcul des surcoûts exclusivement liés à la distribution de ces derniers. La presse quotidienne nationale doit être disponible, sur l'ensemble du territoire, dès avant l'ouverture des points de vente. Ce postulat génère des surcoûts spécifiques estimés à une vingtaine de millions d'euros dont six compensés par les MLP , engendrés par le caractère nocturne, la célérité et la flexibilité du traitement de ces publications, mais également par l'extrême capillarité du réseau de diffuseurs. Une heure de bouclage tardive aggrave en outre ces difficultés : les journaux du soir posent un problème spécifique de distribution. À titre d'illustration, une tournée ad hoc est consacrée par Presstalis à la distribution du Monde à Paris et dans quelques grandes villes, dont le surcoût est pris en charge par l'ensemble des éditeurs de la presse quotidienne nationale.

La compensation d'une partie de ces frais supplémentaires par les MLP, c'est-à-dire par les éditeurs de magazines, dispose, depuis la loi du 17 avril 1015, d'un fondement législatif. Votre rapporteur pour avis est favorable au principe de solidarité entre les familles de presse, estimant qu'elle constitue non seulement la garantie de la pérennité de la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale , mais également la contrepartie juste des aides reçues par les éditeurs , sans distinction, notamment le taux « super réduit » de TVA.

La solidarité nationale, la péréquation inter-coopératives et les tentatives de mutualisation des réseaux de distribution ne peuvent suffire à équilibrer le système de distribution. Un véritable effort doit également être réalisé sur les barèmes des messageries.

Aux termes de la loi du 20 juillet 2011, l'ARDP rend un avis annuel sur l'action du CSMP en la matière. Or, depuis 2012, elle n'a eu de cesse d'appeler le Conseil supérieur à ouvrir ce dossier, jugeant que les barèmes appliqués n'étaient ni égaux ni transparents dans la mesure où « les éditeurs les plus puissants entrent dans une stratégie de chantage avec les messageries afin d'obtenir les tarifs les plus avantageux, au détriment des éditeurs les plus modestes et les moins influents ». L'opacité du système est en outre aggravée par la multiplication d'offres commerciales et de tarifs hors barème.

Le CSMP a finalement consenti à se pencher sur la question et a confié à cet effet une étude au cabinet Mazars, dont les conclusions ont été rendues publiques au mois de juin 2014. Il y est fait état de la complexité des grilles tarifaires proposées par les messageries, de l'absence de définition des prestations proposées pour un prix donné et, surtout, de la faible adaptation des barèmes aux coûts réels de la distribution des publications. Ce constat, dont les conséquences sur l'équilibre financier des messageries sont particulièrement lourdes, s'explique par le mécanisme de fixation des tarifs par les éditeurs, à la fois actionnaires et clients des messageries .

Les pouvoirs publics ont également, par le passé, usé de leur influence pour que les tarifs restent favorables aux éditeurs . Ainsi, il y a une quinzaine d'années, l'État a demandé aux messageries de réduire leurs tarifs afin d'aider les entreprises de presse, décision qu'Anne-Marie Couderc, présidente de Presstalis, qualifie de « péché originel », qui, en réduisant brutalement ses recettes avant même la diminution des ventes au numéro, a conduit l'entreprise à la crise.

Prenant acte de la motivation toute relative du CSMP à s'emparer de cette réforme, la loi du 17 avril 2015 a confié à l'ARDP le soin d' homologuer les barèmes des messageries décidés par leur conseil d'administration. Préalablement à la décision d'homologation, le président du CSMP devra transmettre à l'ARDP un avis relatif aux barèmes proposés par les messageries . Il pourra, à cet effet , s'appuyer sur sa commission de suivi économique et financière, qui apporte déjà un soutien technique à l'ARDP dans le cadre de la formulation de son avis annuel sur les tarifs.

La réforme des barèmes des messageries devrait constituer la priorité des autorités de régulation en 2016. Pour indispensable qu'elle soit pour l'équilibre des messageries de presse dans un contexte où la diminution des volumes va se poursuivre, l'augmentation des barèmes demeure un sujet de tension et d'inquiétude pour des éditeurs majoritairement en difficulté financière, même si certains, souhaite rappeler votre rapporteur pour avis, appartiennent à de solides actionnaires.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, Roch-Olivier Maistre, président de l'ARDP, a indiqué que les éditeurs seraient prochainement invités à réfléchir à une méthodologie de travail, dans une approche partenariale. À cet égard, il a estimé que les éditeurs de quotidiens pourraient difficilement éviter d'accepter un effort tarifaire , au risque que la solidarité des magazines, déjà soumis à la péréquation, ne soit mise à mal. Selon lui, la réforme des aides postales, ciblée sur les magazines, va accroître le ressentiment des magazines et pèsera, en conséquence, sur les conditions de la négociation des nouveaux barèmes des messageries

2. La réforme des aides postales ou la menace d'une rupture
a) Un désengagement progressif de l'État

La Poste est, avec les messageries de presse, l'un des principaux acteurs de la diffusion de la presse française. En 2013, l'entreprise a acheminé et distribué 1,3 milliard d'exemplaires , dont 1,2 milliard dans le cadre de sa mission de service public, soit environ 30 % de la diffusion de la presse sur le territoire.

Cette moyenne masque cependant des situations contrastées entre les différentes familles de presse . Si la presse quotidienne privilégie le portage à la diffusion postale dans les zones à forte densité de population, notamment pour des questions d'horaires de distribution, le postage demeure un vecteur de diffusion très largement utilisé par les magazines. Le taux de postage peut, en outre, dépasser 75 %, voire 90 %, des exemplaires diffusés pour la presse professionnelle et de la presse associative.

Le transport et la distribution de la presse par La Poste représente 9 % des volumes de courrier distribués, mais seulement 5 % du chiffre d'affaires courrier de l'entreprise.

Les tarifs postaux sont soumis à l'homologation des ministres chargés des postes et de l'économie, après avis public de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Ce dispositif constitutif du « régime économique de la presse » est réservé aux publications titulaires d'un certificat d'inscription délivré par la CPPAP. Son évolution tarifaire est fixé par les accords tripartites entres l'État, les éditeurs et La Poste.

Prenant la suite des « accords Paul » 1 ( * ) , les accords conclus le 23 juillet 2008 pour la période 2009-2015, dits « accords Schwartz », ont prévu une réduction de progressive de l'aide postale concomitante à une revalorisation des tarifs postaux de presse et à une diminution des charges de La Poste liées au transport de la presse de 200 millions d'euros sur la période, grâce à des efforts de modernisation et de productivité.

Le mécanisme initialement prévu reposait sur :

- une diminution graduelle de la contribution publique à partir de 2012 ;

Contribution de l'État à la mission de service public confiée à La Poste
(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

242

242

242

232

217

200

180

Source : Ministère de la culture et de la communication

- la définition de trois catégories de tarifs : presse hors presse d'IPG, presse d'IPG et quotidiens à faible ressources publicitaires ;

- une évolution en pourcentage progressive, prévisible et différenciée pour chacune de ces catégories . Ainsi, l'évolution des tarifs devait être légèrement inférieure à 11 % pour les publications de presse quotidienne à faibles ressources publicitaires et de petites annonces et à 25 % pour la presse d'information politique et générale ; elle devait être proche de 34 % pour le reste de la presse.

Toutefois, dès le 23 juillet 2009, lors de la clôture des États généraux de la presse écrite, le Président de la République de l'époque a décidé qu'en raison du changement radical du contexte économique « la mise en oeuvre de l'accord Presse-Poste sera reportée d'un an, le manque à gagner pour La Poste étant intégralement compensé par l'État ».

Le report d'application de la hausse tarifaire, appelé « moratoire postal », a eu un impact d'environ 30 millions d'euros chaque année sur les comptes de La Poste , ce que Pierre Laurent, dans son avis sur le programme 180 dans le cadre de l'examen, par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, du projet de loi de finances pour 2014 avait justement qualifié de « coup de Jarnac sur le moratoire postal ».

Le désengagement unilatéral de l'État s'est poursuivi avec l'annonce, le 10 juillet 2013, de la sortie progressive du moratoire sur les tarifs postaux, afin de rejoindre la trajectoire initialement prévue par les « accords Schwartz ». L'objectif affiché était de préparer, en concertation avec les parties concernées, le cadre qui fera suite aux accords à partir de 2016. Pire, en 2014 et en 2015, la contribution prévue dans l'accord a été réduite chaque année de 50 millions d'euros afin de tenir compte du bénéfice, pour La Poste, du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Pierre Laurent, rapporteur pour avis, avait alors souligné qu' il n'existait guère de rapport entre un crédit d'impôt et une aide au transport de la presse.

En conséquence, l'aide de l'État au titre du transport postal s'est établie à 150,5 millions d'euros en 2014 au lieu des 200 millions d'euros prévus, puis à 130 millions d'euros en 2015, contre 180 millions d'euros prévus. Pourtant, le 1 er juillet 2013, cinq ministres, dont la ministre de la culture et de la communication, signaient avec La Poste le contrat d'entreprise 2013-2017, dans lequel les parties réitéraient leurs engagements résultant des « accords Schwartz ».

b) Une inquiétude générale sur « l'après Schwartz »

Les accords Schwartz arrivant à échéance le 31 décembre 2015, Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, et Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, ont confié une mission sur l'avenir du transport postal de la presse à Emmanuel Giannesini, membre de la Cour des comptes et président du comité d'orientation du Fonds stratégique pour le développement de la presse.

Cette mission devra proposer différents scénarios (politique tarifaire à compter de 2016, recentrage de l'aide postale, montant et forme de la compensation de l'État) afin de définir le nouveau cadre du soutien public à l'acheminement des abonnements de presse , comprenant à la fois l'aide au transport postal et l'aide au portage. Ses conclusions n'en sont pas encore connues.

Dans cette attente, l'aide au transport postal a été fixée, pour 2016, à 119 millions d'euros dans le cadre de la mission « Économie » du projet de loi de finances, soit une nouvelle diminution drastique, qui augure mal du résultat des négociations relatives à l' « après Schwartz ».

La Poste, comme les représentants des différentes familles de presse auditionnés, ont fait part à votre rapporteur pour avis de leurs craintes pour l'avenir. Nul ne sait d'ailleurs si un nouvel accord sera conclu ou si, comme le proposait le rapport de Roch-Olivier Maistre sur les aides à la presse en 2013, il sera choisi d'instaurer une relation commerciale « normale » entre La Poste et les éditeurs de presse.

En tout état de cause, une augmentation des tarifs postaux est bel et bien prévue , alors que les éditeurs ont, durant la période d'application des accords Schwartz, déjà consenti à un effort de 110 millions d'euros. Elle devrait majoritairement peser sur les magazines , notamment sur ceux appartenant à une nouvelle catégorie de « presse de divertissement et de loisir », sur lesquels pourrait s'appliquer une hausse de plus de 60 % en quatre ans.

Lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication le 17 novembre dernier, Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a confirmé que les arbitrages étaient en cours et devraient être rendus dans les prochaines semaines. Après une année de transition et donc de hausse modérée des tarifs postaux en 2016, l'augmentation devrait être importante , d'autant qu'en réponse aux craintes exprimées par votre rapporteur pour avis, la réponse fut que le taux unique de TVA était à lui seul garant de la solidarité entre familles de presse.

Votre rapporteur pour avis juge cette perspective déraisonnable , dans un contexte où les magazines connaissent également des difficultés financières et, surtout, où le maintien d'une solidarité entre familles de presse, au-delà de la seule TVA, est plus que jamais nécessaire . Il rappelle, en outre, que les tarifs postaux applicables aux magazines sont déjà parmi les plus élevés d'Europe : leur soutenabilité doit donc demeurée garantie.

Tarifs postage de presse 2015 en €

Titre

France

Belgique

Allemagne

Grande-Bretagne

Suède

Pays-Bas

Italie

Suisse

Télé 7

0,433

0,403

0,411

0,628

0,426

0,475

0,290

0,450

Closer

0,539

0,319

0,372

0,759

0,531

0,493

0,193

0,414

Elle

0,692

0,660

0,549

0,949

0,659

0,677

0,678

0,546

Marie-Claire

1,050

0,912

0,885

1,303

0,928

0,845

0,871

0,654

+ cher

- cher

Source : Syndicat des Éditeurs de la presse magazine

Il lui semble enfin que la définition de la catégorie « presse de la connaissance et des savoirs » au sein des magazines, qui continuerait à bénéficier de tarifs préférentiels, pourrait s'avérer complexe, voire s'apparenter à un jugement de valeur entre titres et, pire, entre lecteurs.

Il appelle donc chacun à raison garder sur ce sujet et appelle de ses voeux, comme le souhaitent La Poste et les éditeurs, la mise en oeuvre d'une négociation entre les parties pour définir une augmentation raisonnable des tarifs pour les prochaines années.

3. Les risques d'une application brutale de la responsabilité élargie du producteur à la presse

Concrétisation du principe du « pollueur-payeur » , la notion de responsabilité élargie du producteur (REP) appliquée à la filière papier est inscrite à l'article L.541-10-1 du code de l'environnement, qui dispose que « tout donneur d'ordre qui émet ou fait émettre des imprimés papiers, y compris à titre gratuit, à destination des utilisateurs finaux, contribue à la collecte, à la valorisation et à l'élimination des déchets d'imprimés papiers, ménagers et assimilés ainsi produits » .

La REP institue une contribution volontaire annuelle calculée sur la base du tonnage de papier émis . En 2015, le montant de l'éco-contribution s'établit à 52 euros/tonne. Elle est collectée par l'organisme Ecofolio, société privée agréée par l'État, qui la reverse sous forme de soutiens financiers aux collectivités locales en charge du service public de gestion des déchets et d'actions de sensibilisation au tri sélectif et au recyclage des papiers.

Depuis 2008, les publications de presse reconnues par la CPPAP en sont exonérées , en raison tant du rôle particulier joué par la presse dans l'expression du pluralisme des opinions que des difficultés économiques rencontrées par le secteur. Par ailleurs, la presse s'est engagée en faveur du recyclage par d'autres moyens, en particulier par la signature, le 17 juillet 2013, d'une convention-cadre entre la presse, l'État et l'éco-organisme Ecofolio. Cet accord prévoit la diffusion coordonnée de campagnes de sensibilisation au tri et au recyclage des papiers imprimés , élaborées par Ecofolio, sur toutes les formes de presse.

Enfin, la presse papier s'est montrée sensible aux enjeux environnementaux, en améliorant son éco-conception par l'intégration de plus en plus de fibres issues de papiers recyclés . Par ailleurs, les exemplaires invendus sont traités par une filière de recyclage à l'initiative des éditeurs, ce qui réduit d'autant le volume des journaux déposés dans le circuit de collecte des collectivités territoriales. Entre 1990 et 2013, la consommation annuelle de papier de la presse nationale d'information générale et politique a perdu près de 100 000 tonnes, diminution qui s'est accélérée depuis 2008 avec la disparition progressive de la presse gratuite d'annonces.

La répartition de la quantité de papier consommé selon les familles de presse a considérablement évolué. La presse spécialisée grand public consomme un peu plus de 44 % de la quantité de papier utilisée par les éditeurs de presse en 2013, soit dix points de plus qu'il y a trente ans. La presse technique et professionnelle consomme fort peu de papier, malgré un nombre de titres important (2,3 % des volumes en 2013), en raison de la faiblesse des tirages. Le poids de la presse gratuite d'annonces, à 15 % des volumes en 2007, n'en représente plus que 1,9 % en 2013. Enfin, la presse d'information politique et générale contribue désormais à 14,1 % des volumes papier en 2013 (21,1 % en 1990) pour la presse nationale et à environ 30 % pour la presse locale.

Faisant fi des engagements, tenus, du secteur de la presse, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte supprime l'exonération dont il bénéficiait : la presse contribuera désormais, à compter du 1 er janvier 2017, à la collecte, à la valorisation et à l'élimination des déchets d'imprimés papiers qu'elle produit.

Néanmoins, la presse bénéficie d'un aménagement particulier dans la mise en oeuvre de cette contribution, puisque celle-ci pourra être versée en « tout ou partie sous forme de prestations en nature prenant la forme d'une mise à disposition d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier ». Ce compromis s'inspire du mécanisme mis en place dans le cadre de la convention d'engagement volontaire signée en 2013.

Les conditions dans lesquelles cette contribution en nature sera apportée seront établies par décret, « en fonction des caractéristiques des publications » . Là réside le principal risque du dispositif : il s'agit de déterminer la proportion dans laquelle les publications pourront contribuer en nature , solution moins coûteuse pour les éditeurs, mais également si tel ou tel type de publication pourrait être mis davantage à contribution.

Afin de fixer les modalités concrètes d'application de cette nouvelle taxe, une mission d'expertise a été confiée au député Serge Bardy et au sénateur Gérard Miquel. Elle rendra ses conclusions à la fin du mois de novembre. Votre rapporteur pour avis espère qu'il y sera à tout le moins tenu compte tant des contraintes budgétaires des éditeurs que de la nécessaire équité entre familles de presse, afin de ne pas affaiblir un peu plus les solidarités qui les lient. À titre personnel, il serait favorable à ce que la presse soit intégralement déchargée des obligations de la REP, en numéraire comme en nature.

L'AFP : UNE MODERNISATION INDISPENSABLE MAIS INSUFFISANTE

III. L'AGENCE FRANCE-PRESSE : UNE MODERNISATION INDISPENSABLE MAIS INSUFFISANTE

A. UNE RÉFORME À LA HAUTEUR DES AMBITIONS AFFICHÉES ?

1. Répondre aux contraintes européennes
a) Les exigences imposées par la Commission européenne

L'organisation de l'Agence France-Presse (AFP) est définie par la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence. Son article 2, notamment, fonde sa mission d'intérêt général, en disposant que :

« 1° L'Agence France-Presse ne peut en aucune circonstance tenir compte d'influences ou de considérations de nature à compromettre l'exactitude ou l'objectivité de l'information ; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d'un groupement idéologique, politique ou économique ;

« 2° L'Agence France-Presse doit, dans toute la mesure de ses ressources, développer son action et parfaire son organisation en vue de donner aux usagers français et étrangers, de façon régulière et sans interruption, une information exacte, impartiale et digne de confiance ;

« 3° L'Agence France-Presse doit, dans toute la mesure de ses ressources, assurer l'existence d'un réseau d'établissements lui conférant le caractère d'un organisme d'information à rayonnement mondial. »

Sur ce fondement, l'Agence bénéficiait, depuis 1958, d'une subvention de l'État inscrite en loi de finances , tandis que l'État était considéré comme un « service public usager » de l'AFP.

Consécutivement à une plainte émanant, au mois de mars 2010, d'une agence de presse allemande accusant l'AFP de bénéficier d'une aide d'État déguisée, la Commission européenne a enjoint la France, en août 2011, de préciser la nature des sommes versées à l'Agence depuis 1958, dans le cadre des abonnements souscrits par ses administrations.

Le 8 mai 2012, la Commission européenne a adressé un courrier à la France, qui confirmait ses conclusions préliminaires selon lesquelles le financement de l'AFP par l'État était qualifiable d'aide d'État. La Commission y précisait toutefois que cette subvention pouvait être partiellement considérée comme une compensation de service public, dès lors que des missions d'intérêt général pouvaient clairement être identifiées dans les statuts.

Pour répondre à cette exigence, l'article 100 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives a complété l'article 13 de la loi précitée du 10 janvier 1957, afin de prévoir expressément, parmi les ressources de l'Agence, « la compensation financière par l'État des coûts nets générés par l'accomplissement de ses missions d'intérêt général telles que définies aux articles 1 er et 2 de la présente loi [...] ».

En conséquence, la dotation de l'État à l'AFP est, à compter de l'année 2015, composée de deux lignes distinctes : un abonnement commercial d'une part, et la compensation financière du coût net des missions d'intérêt général d'autre part, sur la base de la répartition établie par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l'économie et des finances.

L'inscription dans le statut de l'AFP de la possibilité de recevoir une compensation par l'État du coût des missions d'intérêt général a également permis de faciliter les discussions avec la Commission européenne sur le sujet contentieux dont elle avait été saisie en 2010.

Suite à des échanges avec les autorités françaises, la Commission a adressé à la France, le 27 mars 2014, une recommandation lui proposant l'adoption de mesures en vue de sécuriser la compatibilité des aides à l'AFP avec le traité de Rome. La France en a accepté le contenu, comme son délai de mise en oeuvre fixé à un an à compter de la recommandation de la Commission, soit avant le 27 mars 2015.

Dans ce cadre, la Commission européenne a reconnu que les versements publics à l'AFP constituaient une aide existante avant l'entrée en vigueur du traité de Rome et qu'ils étaient, dès lors, insusceptibles de récupération. Elle exigeait cependant de la France une modification de la loi du 10 janvier 1957 portant statut de l'AFP.

Le calcul de l'abonnement de l'État, défini jusqu'alors par référence aux tarifs de la presse française, devait désormais se faire par référence au barème applicable aux entreprises. En outre, le nombre et la nature des abonnements souscrits par les pouvoirs publics devaient être justifiés. Une comptabilité séparée pour les activités ne relevant pas des missions d'intérêt général de l'AFP était également exigée.

Par ailleurs, le régime de faillite spécifique de l'AFP devait être précisé afin d'écarter toute aide d'État, soit si celui-ci venait se substituer à l'AFP défaillante auprès de ses créanciers, soit inversement si ceux-ci étaient spoliés en cas de faillite de l'Agence par rapport aux conditions de droit commun.

Les autres évolutions nécessaires afin de clore la procédure pour aide d'État devaient trouver leur place dans le nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'AFP, notamment la définition du service d'intérêt économique général et du mandat formel confié à l'AFP, ainsi que le montant et le calcul de leur compensation. La France s'est engagée, à cet égard, à ce que la compensation financière des missions d'intérêt général exclue, dans son calcul et sa procédure, toute surcompensation.

Enfin, aux termes du droit de l'Union européenne, le mandat confié à l'AFP pour exercer ses missions d'intérêt général ne peut excéder dix ans . La France s'est donc résolue à réexaminer la situation au plus tard à cette échéance, à notifier à la Commission ses intentions relatives à la poursuite de ce service d'intérêt général et à la forme d'une telle continuation.

b) Une mise aux normes achevée

Afin de mieux appréhender les besoins de l'AFP et les modifications à apporter à son statut, le Gouvernement a chargé le député Michel Françaix, par décret du 4 octobre 2013, d'une mission sur l'avenir de l'AFP avec un triple objectif : le maintien de l'indépendance et de l'impartialité ancrées dans le statut de 1957, le respect des règles européennes de concurrence et le nécessaire redressement des finances publiques nationales.

Conformément aux engagements pris et suivant les propositions du rapport de Michel Françaix, le statut de l'Agence a été modifié par la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse , adoptée à l'unanimité par les deux chambres.

La loi du 17 avril 2015 apporte trois nouvelles modifications justifiées par la demande de la Commission européenne :

- l'article 12 prévoit les modalités de contrôle garantissant que l'État ne surcompense pas financièrement le coût des missions d'intérêt général. Il dispose que la commission financière de l'AFP, organisme établi par la loi et composée de magistrats de la Cour des comptes, « s'assure annuellement que la compensation financière versée par l'État, prévue à l'article 13, n'excède pas les coûts nets générés par l'accomplissement des missions d'intérêt général » ;

- l'article 13 précise que la convention d'abonnement entre l'État et l'Agence France-Presse « fixe le nombre et le taux des abonnements souscrits par lesdits services, sur la base des grilles tarifaires générales de l'agence . Elle prévoit les conditions de leur révision » ;

- enfin, l'article 14 précise les modalités procédurales liées à une éventuelle cessation des paiements de l'AFP , afin d'éviter toute garantie implicite de l'État vis-à-vis des créanciers de l'Agence. Cet article dispose dorénavant que « la responsabilité de l'État ne peut se substituer à celle de l'Agence France-Presse envers ses créanciers ».

Conformément à la distinction désormais opérée entre compensation des missions d'intérêt général de l'Agence d'une part et abonnements de l'État d'autre part, le COM de l'Agence et une convention d'abonnements entrent en vigueur en 2015 et en fournissent le support juridique respectif.

c) Un projet de budget conforme à la nouvelle nomenclature

Les crédits consacrés affichent une modeste augmentation dans le projet de budget pour 2016 à 127,5 millions d'euros (126,1 millions d'euros en 2015). La dotation versée à l'Agence est calculée sur la base de la réforme rendant conforme son financement aux règles européennes, distinguant la subvention relative au missions d'intérêt général du paiement des abonnements souscrits par les administrations.

Alors que la dotation de l'AFP était, l'an passé, intégralement fléchée en « dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel », deux enveloppes sont désormais distinguées . Seuls 21,6 millions d'euros demeurent dans la catégorie précitée, correspondant à la fourniture, par abonnements, de fils d'information aux services de l'État . La convention d'abonnements conclue entre l'État et l'AFP prévoit le transfert de l'ensemble des dépenses concernées sur le programme 180 « Presse » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». À ce titre, le présent projet de loi de finances enregistre le versement de 535 957 euros en provenance de sept programmes rattachés aux ministères de la justice et de la défense.

La convention d'abonnements entre l'État et l'AFP

L'État et l'AFP étaient jusqu'à présent liés par une convention d'abonnements datant de 1958 , qui avait peu évolué depuis sa conclusion. Elle correspondait aux 123 millions d'euros versés en 2014 sur le programme budgétaire 180 à l'AFP. Il existait, en outre, une série d'abonnements « hors convention d'État », souscrits de façon indépendante par certaines administrations publiques, pour un montant de 1,8 million d'euros environ.

La résolution de la procédure pour aide d'État ouverte par la Commission européenne appelait une remise à plat de cette situation . Une nouvelle convention, signée le 29 septembre 2015, est ainsi entrée en vigueur au 1 er janvier 2015 , parallèlement au nouveau COM, dont elle est distincte.

Les besoins effectifs de l'État tant en termes quantitatifs (fil d'information général, fil économique, fils des grandes régions géographiques pour le réseau diplomatique, etc.) que qualitatifs (livraison des dépêches à des points de contact pour les administrations centrales et déconcentrées, qui en ont l'usage) ont été, à cette occasion, recensés de façon détaillée pour être refondus.

L'État a ainsi défini ses besoins de fils d'information , administration par administration, à l'aune des changements survenus dans son organisation et son fonctionnement.

Au total, plus de 1 100 services de l'État (administrations centrales, services déconcentrés, réseau international) recevront les informations de l'AFP. L'abonnement de l'État aux services de l'AFP est valorisé selon les grilles tarifaires de l'Agence, y inclus une remise de quantité de 20 %, tenant compte de la masse agrégée de l'ensemble des abonnements de l'État.

Aucun abonnement ne pourra être souscrit par ailleurs par un service de l'État pour ses besoins d'information auprès de l'AFP. En effet, pour écarter tout risque d'aide d'État indirecte, la Commission européenne demande que la France justifie de façon précise le nombre et la nature des abonnements souscrits par les pouvoirs publics.

Enfin, conformément à la lettre de mesures utiles proposées par la Commission, le calcul de l'abonnement de l'État, aujourd'hui défini par référence aux tarifs de la presse française, se fera par référence au barème des clients entreprises de l'Agence.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Par ailleurs, 105,9 millions d'euros sont inscrits en dépenses d'intervention « transferts aux entreprises » . Cette seconde somme représente la compensation des missions d'intérêt général confiées à l'AFP . Elle est réévaluée, en 2016, de 1,3 million d'euros, afin d'accompagner l'Agence dans la mise en oeuvre de son COM. En droit, son montant pourrait être de 2 à 3 millions d'euros supplémentaires, couvrant alors la totalité du coût de ses missions. Votre rapporteur pour avis estime convenable le niveau de compensation, à environ 98 % du coût . Cette marge de manoeuvre pourra être mobilisée en cas de situation financière difficile pour l'AFP.

2. S'engager pour l'avenir
a) Une ambition réaffirmée dans un contexte hautement concurrentiel

Comme le rappelait Emmanuel Hoog, président-directeur général de l'Agence, lors de son audition par votre rapporteur pour avis, l'AFP, malgré des difficultés certaines, demeure une marque forte, réputée et crédible dans le monde de l'information. Son statut la dote, en effet, d'une obligation statutaire et commerciale de fiabilité et d'indépendance.

Aux termes de l'article 1 er de la loi du 10 janvier, l'AFP, qui succède à l'agence Havas créée en 1835, se voit confier une double mission :

« 1° De rechercher, tant en France et dans l'ensemble de l'Union française qu'à l'étranger, les éléments d'une information complète et objective ;

« 2° De mettre contre payement cette information à la disposition des usagers » .

L'AFP appartient au trio des premières agences de presse mondiales , aux côtés de l'américaine Associated Press (AP), sa rivale historique, et de la britannique Reuter, entre lesquelles la concurrence est particulièrement sévère, même si toutes connaissent, depuis quelques années, une situation financière délicate.

Les effectifs d'AP (2 500 journalistes) sont certes supérieurs, en raison de la couverture de l'ensemble des États-Unis, mais son réseau à l'étranger demeure moins étendu que celui de l'AFP. Les fils d'information ne sont d'ailleurs proposés qu'en quatre langues. L'usage de la vidéo y est cependant plus massif. Victime collatérale de la crise économique, AP a vu ses revenus baisser pendant six années consécutives , avant une légère embellie en 2014 (1 % de chiffre d'affaires supplémentaire).

Le positionnement de Reuters est quelque peu différent, depuis le rachat de l'agence par Thomson en 2007. L'activité média de Thomson Reuters ne représente ainsi que de 3 % du chiffre d'affaires du groupe , en diminution de 3,6 % en 2014, évolution qui a obligé Reuters à réduire ses effectifs de 5 % (140 postes). Pour autant, ils demeurent supérieurs à ceux de l'AFP en Afrique et en Asie. L'activité de l'agence est fortement spécialisée dans l'information financière .

L'agence chinoise Xinhua et ses 6 000 journalistes talonne de près le trio de tête. Outil d'influence économique et politique pour la Chine , elle perçoit de son pays d'origine des ressources considérables, qui lui permettent de mettre en oeuvre une politique commerciale particulièrement efficace. Elle dispose également d'effectifs importants et multilingues : l'AFP est ainsi concurrencée en Afrique et en Amérique latine notamment, où elle était traditionnellement bien implantée. Xinhua développe par ailleurs des produits particulièrement rentables et présentant une information sans enjeu politique, comme le sport ou l'art de vivre. Pour le reste, de nombreux services sont bradés, voire donnés, traduisant une volonté de conquête de parts de marché.

Avec 2 326 collaborateurs, dont 1 575 journalistes, de 80 nationalités différentes , l'AFP tient son rang et émet en continu une information relative aux 150 pays dans lesquels elle est présente.

Concurrencée, l'agence, dont l'activité est traditionnellement centrée sur la production de dépêches, a dû progressivement moderniser son fonctionnement et ses outils de communication : la photographie apparaît en 1985, puis la vidéo à la fin des années 90. Elle a également développé un site d'information en ligne (AFP Forum) et poursuit sa modernisation avec le déploiement, depuis 2012, d'IRIS, nouvel outil rédactionnel multimédia. La diversification de l'offre a logiquement conduit à élargir les sources de revenus de l'agence au profit de ces nouveaux supports.

Chaque jour, sont ainsi réalisées 5 000 dépêches, dont 1 250 dépêches multimédia, 3 000 photographies, 250 vidéos et une centaine d'infographies et de vidéographies . Internationale, l'Agence diffuse une information en six langues : le français bien sûr, mais également l'anglais, l'allemand, l'arabe, l'espagnol et le portugais. Elle dispose, en outre, d'accords de traduction en italien, mandarin, japonais, bahasa et urdu.

L'agence ne cesse, en outre, d'adapter son réseau aux bouleversements mondiaux. Sa présence en Afrique s'est allégée après la décolonisation, tandis qu'elle s'installait dans les Balkans après la guerre des années 90, puis au Kazakhstan en 2009, au Soudan du Sud en 2012 et en Birmanie en 2013. C'est également la seule agence de presse à disposer d'une équipe permanente à Damas comme au Yémen , au prix d'un effort financier important.

Pour la période 2015-2018, afin de maintenir son positionnement, l'AFP se mobilise sur cinq chantiers prioritaires de développement de ses contenus, offres et implantations : le Brésil, le sport, la vidéo, le mobile et la langue arabe.

b) Traduite dans le contrat d'objectifs et de moyens

Le 15 juin 2015, l'État et l'AFP ont signé un contrat d'objectifs et de moyens (COM) portant sur les années 2014 à 2018 . Ce contrat s'inscrit dans un processus d'évolution de l'Agence, marqué par :


• la présentation du plan de développement 2014-2018, qui définit les cinq axes stratégiques précités ;


le dénouement de la plainte contre la France auprès de la Commission européenne pour aide d'État , qui entérine, au regard du droit européen, les missions d'intérêt général dévolues à l'AFP ;


• la remise du rapport de Michel Françaix , sur l'avenir de l'AFP, qui trace les voies d'un développement durable de l'Agence ;


la création d'une filiale technique de moyens et d'innovation en vue de financer les investissements nécessaires ;


la modification du statut de l'AFP par la loi du 17 avril 2015, qui renforce ses organes de gouvernance ;


• le lancement d' une négociation sociale qui vise à élaborer un accord d'entreprise unifié et soutenable.

Ainsi, le nouveau COM :


sécurise les relations entre l'AFP et l'État

Comme le souhaitait la Commission européenne, les missions d'intérêt général confiées à l'AFP par la loi du 10 janvier 1957 portant statut de l'AFP et explicitées par la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, dite loi « Warsmann », sont détaillées. La clarification des relations entre l'État et l'Agence a pour objectif de sécuriser son indispensable financement public .

Parallèlement au COM qui en tient compte dans ses projections financières, l'abonnement de l'État aux services de l'AFP a été rénové . Il est désormais valorisé selon les grilles tarifaires de l'Agence, y inclus une remise de quantité de 20 %, tenant compte de la masse agrégée de l'ensemble des abonnements de l'État. La valeur du contrat est stable à 21,6 millions d'euros annuels pour la période.


prévoit la trajectoire de soutien de l'État à l'AFP

Le soutien financier de l'État témoigne de l'importance des missions d'intérêt général dévolues à l'AFP en termes de politique publique. La dotation de l'État devrait ainsi progresser de 1,4 % par an en moyenne entre 2014 et 2017 puis se stabiliser en 2018 . Cette trajectoire devra toutefois être confirmée chaque année par une convention entre les parties, conformément à la règle de l'annualité budgétaire.

Des mécanismes de remboursement en cas de surcompensation des missions d'intérêt général constatée par la commission financière de l'AFP, une fois les comptes de l'année clos et audités, sont également prévus, conformément aux engagements pris par l'État envers la Commission européenne.


détaille les missions d'intérêt général dévolues à l'AFP

Le COM fixe un ensemble d'objectifs et d'indicateurs associés aux missions d'intérêt général, notamment s'agissant de son indépendance et de l'exigence de qualité de sa production, de son maillage international, du caractère permanent de la collecte et du traitement de l'information, sans interruption, à destination d'usagers français et étrangers.

Conformément à la lettre de mesures utiles de la Commission et comme l'avait défendu l'État dans la procédure contentieuse, les missions d'intérêt général recouvrent l'intégralité de la production de l'AFP, quels que soient les supports, les langues ou les zones géographiques.


traduit le plan de développement de l'Agence

Les objectifs fixés consistent à industrialiser les couvertures vidéo en direct, constituer une offre d'infographies interactives, développer des applications sportives innovantes, accroître le rayonnement mondial de l'Agence et renforcer la qualité de service au bénéfice des clients de l'Agence.

Comme le rappelait Emmanuel Hoog à votre rapporteur pour avis, si l'AFP est de tout temps reconnue pour la qualité et l'importance de sa couverture en textes et en photographies, elle accuse un retard certain dans le domaine de la vidéo , qui, à terme, pourrait remettre en question son statut d'agence mondiale, tant ce support apparaît désormais essentiel pour ses clients. La part du chiffre d'affaires réalisée par la vidéo atteint ainsi 10 % pour l'AFP, contre environ 25 % chez ses principaux concurrents AP et Reuters.

Pour 2016, conformément à la trajectoire fixée par le COM, le chiffre d'affaires vidéo est estimé à 13,6 millions d'euros contre 12,1 millions d'euros en 2015. Après une augmentation de 28 % entre 2013 et 2014, le taux de croissance annuel moyen est attendu à 15 %.

En outre, les deux principales concurrentes de l'AFP se sont respectivement spécialisées, au-delà de leur couverture généraliste de l'information, sur les thèmes de l'Amérique du Nord et de l'économie. L'AFP, quant à elle, n'était identifiée sur aucun sujet en particulier, ce qui pouvait constituer un handicap pour emporter certains marchés. Dès lors, la direction de l'Agence s'est engagée dans une stratégie de spécialisation portant sur le sport.

De fait, le sport occupe déjà 25 % à 30 % du contenu des dépêches et photographies. En outre, existe déjà un fil sport en langue arabe, tandis que le fil en allemand est la première source d'informations sur le sport en Allemagne. Enfin, si AP et Reuters diffusent également des informations sportives, elles sont généralement concentrées sur les sports populaires outre-Atlantique, comme le football américain ou le hockey sur glace, qui n'intéressent pas toujours les populations des autres continents.


précise les engagements de l'AFP en termes de gestion :

Outre les objectifs directement liés à l'exécution de ses missions d'intérêt général, l'AFP s'engage à maintenir un effort permanent d'adaptation et de modernisation de son cadre de gestion (accord d'entreprise, organisation interne, gouvernance des projets, etc.), afin de retrouver une équation économique soutenable. En particulier, l'AFP s'engage sur une hausse de 1 % de ses charges en moyenne annuelle sur la période d'application du COM. Un audit externe sur les charges est d'ailleurs prévu par le document.

Le COM n'a pas encore fait l'objet d'un rapport d'exécution, compte tenu de la date tardive de sa signature en 2015. Le premier rapport sera établi en 2016 et transmis au conseil supérieur de l'AFP et à l'État, conformément au statut modifié de l'Agence. Il est donc encore trop tôt pour constater d'éventuels écarts par rapport aux prévisions.

Le projet de budget du programme 180 comporte, dans ses indicateurs de performance, deux modifications de maquette induites par la signature du COM. Ainsi, le premier indicateur applicable à l'AFP, « développement de produits et de marchés à fort potentiel de croissance », voit ses deux sous-indicateurs remplacés pour plus de cohérence avec le COM : « chiffre d'affaires provenant des marchés à fort potentiel de croissance » devient « chiffre d'affaires dans les régions hors Europe » et « chiffre d'affaires provenant de l'offre multimédia » est remplacé par « chiffre d'affaires vidéo ». Par ailleurs, le second indicateur, intitulé « croissance de la masse salariale du groupe AFP » devient un sous-indicateur « croissance des charges d'exploitation brutes ».

B. DES SUJETS D'INQUIÉTUDE PERSISTANTS

1. Une situation financière problématique

En 2014, le chiffre d'affaires de l'Agence s'est établit à 288,2 millions d'euros, contre 282,9 millions d'euros en 2013, grâce à une croissance régulière de son portefeuille de clients, majoritairement à l'étranger, qui atteint 35 % depuis 2005, soit un total de 4 600 clients à travers le monde.

Plus de la moitié du chiffre d'affaires de l'Agence - 55 % en 2014 avec un gain d'un point chaque année - est désormais réalisée à l'étranger, signe de la progression de son développement mondial autant que de la situation financière dramatique de ses clients historiques , que sont les groupes de presse français. Le chiffre d'affaires réalisé hors Europe devrait, quant à lui, s'établir à 60 millions d'euros (57,2 millions d'euros en 2015). Après une progression de 5,5 % en 2014, les projections prévoient une augmentation annuelle de 4 % à taux de change constants.

Pourtant, avec des rédactions réduites et moins expérimentées, la presse française n'a jamais tant eu besoin de s'appuyer sur les travaux de l'AFP . Il apparait donc fort dommage à votre rapporteur pour avis que les éditeurs n'aient pas toujours les capacités à se doter de tels services ou qu'ils en réduisent l'utilisation au travers de fréquentes renégociations de contrats. Du fait de la concentration croissante du secteur, les abonnements de groupe, moins coûteux, sont souvent privilégiés.

Le COM prévoit une croissance annuelle du chiffre d'affaires d'environ 2 % sur sa période de mise en oeuvre. Ce chiffre masque toutefois le fait que, depuis 2009, les charges de l'entreprise augmentent plus rapidement que les produits . Elles pourraient à terme être supérieures aux recettes si des marges d'exploitation ne sont pas retrouvées.

La situation économique de l'AFP

Source : AFP

Trois quarts des charges d'exploitation de l'AFP sont imputables à la masse salariale , dont 65 % au siège, 27 % de contrats locaux conclus à l'étranger, 4% de personnels temporaires et 4 % de pigistes. Les autres charges portent sur la couverture rédactionnelle, les télécommunications, les achats de services auprès d'autres agences ou sociétés de production, la rétrocession de sommes aux agences dont l'AFP commercialise les contenus, les prestations de services extérieurs et les frais de fonctionnement (loyer, assurances, impôts et taxes, fournitures, etc.)

À l'instar des autres agences de presse, les coûts fixes sont donc élevés et la marge d'exploitation guère supérieure à 4 % ou 5 % du chiffre d'affaires , même si l'année 2014 a marqué une légère amélioration du ratio. De fait, de réels efforts ont d'ores et déjà été consentis par les personnels : l'augmentation du coût de la masse salariale s'est établie à seulement 1,7 % par an entre 2009 et 2013, bien en-deçà des 2,8 % annuels prévus par le COM de l'époque.

Votre rapporteur pour avis estime que la maîtrise des charges ne doit pas être réalisée au détriment de la qualité rédactionnelle de l'Agence, de sa capacité de production, ni des conditions de travail de ses salariés . Il conviendra d'y veiller dans les années à venir, alors que, la direction estime devoir disposer d'une marge d'exploitation comprise entre 7 et 9 % pour financer ses investissements (environ 30 millions d'euros sur cinq ans) et réduire sa dette, ce à quoi s'emploie le COM en limitant la progression des charges à 1 % par an sur la période.

Les investissements envisagés concernent essentiellement la vidéo et la modernisation numérique des outils rédactionnels et techniques. Or, au-delà d'une hypothétique capacité d'autofinancement liée à la maîtrise des charges et à la poursuite de la croissance des recettes, le statut de l'Agence, dépourvue d'actionnaire, ne lui permet que de recourir à des prêts extérieurs pour financer son développement.

À cet effet, conformément aux conclusions de la mission confiée à Michel Françaix, l'AFP a créé, le 1 er janvier 2015, AFP Blue, filiale technique de moyens, respectant à la fois l'obligation d'indépendance de l'Agence et le droit de la concurrence. Son capital, détenu intégralement par l'AFP, est constitué de l'apport en nature d'une partie du plateau technique, matériel et logiciel de l'entreprise. Ses relations avec la maison mère sont régies par des contrats de services croisés. Les personnels affectés demeurent sous contrat avec l'AFP.

Le choix de faire emprunter 26 millions d'euros à AFP Blue semble particulièrement risqué à votre rapporteur pour avis, qui rejoint les craintes exprimées par Philippe Bonnecarrère, rapporteur de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication de la loi du 17 avril 2015, lorsqu'il rappelait que ce mode opératoire n'aurait été permis à aucune collectivité territoriale . Il estimait, en outre, « qu'il s'agit là d' une déconsolidation pure et simple de la dette . Sachant que cette filiale ne pourra compter que sur une redevance de l'AFP, il est clair que c'est l'entreprise mère qui aura à faire face aux échéances de prêts, au prix de frais de TVA supplémentaires . Voilà un choix techniquement audacieux et c'est un euphémisme » .

Votre rapporteur pour avis observe également que l'AFP n'est plus propriétaire de son siège place de la Bourse, sur lequel un crédit-bail a été souscrit en 2004, et qu'elle continue à vendre des actifs . En outre, elle continue à rembourser un emprunt de 20 millions d'euros contracté auprès de l'État pour refondre et moderniser son système rédactionnel. Enfin, les syndicats de l'agence ont indiqué lors de leur audition qu'il arrivait parfois que les salaires soient payés grâce aux facilités bancaires de 30 millions d'euros autorisées à l'Agence.

Au total, la dette de l'AFP s'établissait à 35 millions d'euros à la fin de l'année 2014. En l'absence de capital , compte tenu de son statut, la société serait donc probablement menacée de cessation de paiement dans le droit commun . Or, ce dernier n'a jamais été si proche depuis les modifications apportées par la loi du 17 avril 2015 à l'article 14 de la loi précitée du 10 janvier 1957 visant à protéger l'AFP du régime de faillite classique.

Pour mémoire, dans sa version antérieure, cet article prévoyait qu' « en cas de cessation des paiements constatée par le tribunal de commerce sur demande, soit du conseil d'administration, soit de la commission financière, soit de créanciers, le Gouvernement doit saisir, dans le délai d'un mois, le Parlement d'un projet de loi tendant soit à fixer les conditions dans lesquelles l'AFP pourra poursuivre son activité, soit à prononcer la dissolution de l'Agence et la liquidation de ses biens » . Dans ce délai, l'administration provisoire de l'AFP pouvait être pourvue par décret en Conseil d'État. Ce régime juridique dérogatoire avait semblé à la Commission européenne pouvoir être considéré comme un avantage concurrentiel à l'égard des créanciers de l'AFP . En conséquence, la loi du 15 avril 2015 a précisé que les dispositions du code de commerce relatives à la détermination des créances et au désintéressement des créanciers sont applicables à l'Agence et qu' en aucun cas l'État ne peut intervenir pour honorer les créances de l'Agence à sa place.

La création d'une filiale, sur laquelle pèse la dette de l'Agence et propriétaire de l'ensemble des outils techniques semble, dans ce contexte, particulièrement dangereuse. L'AFP devra à terme rembourser les prêts contractés par sa filiale, ce qui pourrait s'avérer fort délicat et conduire l'Agence à une situation de faillite, dont la législation ne la protège désormais plus, ou l'obliger à faire entrer au capital des acteurs privés.

2. Une réforme inaboutie de la gouvernance

Il y a encore trente ans, la presse écrite nationale représentait 80 % du chiffre d'affaires de l'AFP. Aujourd'hui, comme le rappelait Emmanuel Hoog, son président, lors de son audition, aucune entreprise de presse française n'émarge parmi les dix premiers clients de l'Agence . Dès lors, la composition du conseil d'administration, où, avec huit sièges, les éditeurs étaient largement majoritaires, devait être réformée.

Déjà, à l'initiative de son président de l'époque, Jacques Legendre, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication avait, le 17 mai 2011, déposé une proposition de loi visant à refondre la composition du conseil d'administration de l'AFP en ramenant à quatre le nombre de représentants des médias français et en y nommant six personnalités indépendantes, dont une de nationalité étrangère. Le texte, faute d'avoir été inscrit à l'ordre du jour du Sénat, n'a jamais été examiné.

Dans le cadre de la mission que lui avait confiée Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, Michel Françaix a, à son tour, proposé des évolutions dans la gouvernance de l'Agence : la réduction du nombre des représentants de la presse écrite à cinq ou six et la nomination de cinq à sept personnalités qualifiées.

Dans sa version issue des travaux de Michel Français, le texte, qui deviendra la loi du 17 avril 2015, prévoyait que cinq personnalités qualifiées nommées par le conseil supérieur de l'Agence siégeraient à son conseil d'administration, qu'un représentant supplémentaire du personnel y entrerait et que la parité s'imposerait à sa composition. Le mandat de ses membres, renouvelable une fois, était allongé à cinq ans au lieu de trois.

Pour sa part, Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour votre commission de la culture, a estimé utile de préciser que, pour assurer véritablement ses missions, le conseil d'administration devrait se réunir au moins quatre fois par an. En outre, à son initiative le législateur a décidé que trois des cinq personnalités qualifiées disposeraient d'une expérience significative au niveau européen ou international , compte tenu du caractère désormais mondialisé des activités de l'AFP.

Le conseil d'administration en application de la loi du 17 avril 2015

Aux termes de l'article 7 des statuts de l'AFP, le conseil d'administration comprend en plus du président :

- cinq représentants des directeurs d'entreprises françaises de publication de journaux quotidiens désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives ;

- deux représentants de l'audiovisuel public ;

- trois représentants des services publics usagers désignés par le ministre des affaires étrangères, le ministre chargé de la communication et le ministre chargé de l'économie ;

- trois représentants du personnel de l'agence , soit deux journalistes professionnels et un agent appartenant aux autres catégories de personnel ;

- cinq personnalités nommées par le conseil supérieur en raison de leur connaissance des médias et des technologies numériques et de leurs compétences économiques et de gestion, trois d'entre elles au moins possédant une expérience significative au niveau européen ou international.

Le conseil d'administration est composé à parité entre femmes et hommes .

Le décret n° 2015-721 du 23 juin 2015 modifiant le décret n° 57-281 du 9 mars 1957 pris pour l'application de la loi du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse précise les modalités d'élection des représentants du personnel de l'Agence au conseil d'administration. Suite à sa publication, les élections ont été programmées en octobre 2015 . En conséquence, le COM ayant été signé le 15 juin entre la direction de l'AFP et Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, il n'a pu être examiné par un conseil d'administration renouvelé. Dès lors, le mécanisme de surveillance renforcé imaginé par le législateur n'a pu être mis en place , constituant ainsi une occasion manquée.

La loi du 17 avril 2015 apporte également des modifications à la composition du conseil supérieur et de la commission financière de l'AFP : allongement et renouvellement du mandat de leurs membres, nomination d'un député et d'un sénateur au conseil supérieur par les commissions parlementaires compétentes, notamment.

Ces modifications sont, sans nul doute, utiles. A l'expérience de quelques mois, il regrette que la proposition de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication de fusionner le conseil supérieur et la commission financière, aux fins de doter l'agence d'un véritable conseil de surveillance , n'ait finalement pas été retenue par la commission mixte paritaire du 18 février dernier. Les syndicats étaient pourtant favorables à l'instauration d'un contre-pouvoir au conseil d'administration.

Philippe Bonnecarrère en justifiait ainsi la nécessité : « L'AFP a besoin aujourd'hui d'une gouvernance forte afin de faire face aux décisions importantes qu'elle va devoir prendre dans les prochaines années. Le plan d'investissement et son financement au travers d'une filiale de moyens, qui va pouvoir s'endetter auprès d'investisseurs, aura pour conséquence de porter le niveau d'endettement de la société à un niveau jamais atteint par le passé. Dans le même temps, il n'existe aucune garantie que les choix d'investissement feront l'objet d'un examen contradictoire au sein de la société (...), les personnalités qualifiées du conseil d'administration risquant d'être, dans les faits, nommés par la direction vue la faiblesse du conseil supérieur » .

Votre rapporteur pour avis espère, pour la pérennité de l'Agence, que l'avenir donne tort à ces sombres prémonitions et que le conseil supérieur, dans sa nouvelle composition, s'impose comme une instance véritablement indépendante capable de se prononcer sur la stratégie mise en oeuvre par la direction . Il ne peut toutefois ignorer que certaines nominations font d'ores et déjà l'objet de critiques. À l'occasion de son audition, l'intersyndicale de l'AFP a ainsi regretté la nomination de hauts fonctionnaires qu'elle estime proches d'Emmanuel Hoog tant au sein du conseil supérieur que de la commission financière.

3. Un climat social tendu
a) Un dialogue bloqué sur l'accord d'entreprise

Le souhait de la direction de l'AFP de mettre en place un nouvel et unique accord d'entreprise - en lieu et place de la myriade de textes applicables en plus des conventions collectives des journalistes, des agences de presse pour les personnels administratifs et commerciaux et de la presse quotidienne nationale s'agissant des techniciens - n'est pas nouveau. Il a précédé les discussions relatives au COM, même si les ambitions affichées par celui-ci n'en ont rendu que plus indispensable la recherche d'économies.

Selon la direction, auditionnée par votre rapporteur pour avis, à défaut de contenir la progression naturelle des charges à 1 % par an, l'Agence se verrait rapidement dans l'obligation de réduire ses effectifs , ce qui serait contraire à ses ambitions de développement, notamment dans le domaine de la vidéo, et entraînerait une réduction du chiffre d'affaires de 1,5 à 2 millions d'euros par an.

Outre l'objectif de maintenir la progression de la masse salariale de 4,2 millions d'euros en-deçà de celle qui découlerait du cadre social actuel, afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires pour financer de nouveaux investissements , il s'agit de tenir compte de l'évolution des métiers et de fixer un mécanisme unique d'évolution salariale proche de celui proposé par les conventions collectives des journalistes et des agences de presse. Par ailleurs, la direction souhaitait éviter de nouveaux contentieux coûteux , après les recours déposés par les commerciaux au sujet des congés d'ancienneté, les techniciens sur les augmentations salariales et les informaticiens.

Les discussions ont débuté en novembre 2013, après le récolement des différents textes applicables aux salariés réalisé pour la première fois en 2011. Huit réunions se sont tenues sur une période de dix-huit mois mais, si trois syndicats (CFDT, SNJ, SUD) ont participé à la négociation, d'autres, la CGT au premier chef, s'y sont opposés fermement . Les journalistes, notamment, se sont montrés favorables à une évolution , dès lors que les conditions d'expatriation étaient améliorées, compte tenu des avantages importants dont bénéficient les seuls techniciens, qui émargent à la généreuse convention collective du livre.

Cette dichotomie n'empêchait nullement la conclusion d'un accord, dès lors que les signataires potentiels représentaient 30 % des salariés, mais les syndicats hostiles restaient en mesure de le dénoncer . Pour éviter un tel risque, la direction a donc choisi, le 20 juillet, de dénoncer unilatéralement, avec l'accord de la majorité de son conseil d'administration, les 117 accords applicables aux salariés du siège , ouvrant automatiquement une nouvelle phase de négociation de quinze mois . Nul n'est besoin de préciser combien la décision a heurté les syndicats réformistes, qui y ont vu une manifestation de mépris pour le travail déjà réalisé.

Il n'est que de citer les écrits du SNJ pour comprendre l'ampleur du malaise qui s'est alors installé : « Cette dénonciation des accords intervient très opportunément dans la torpeur de l'été alors qu'Emmanuel Hoog pense avoir les mains libres, maintenant que la course en vue de France Télévisions est terminée, que son mandat à l'AFP a été prorogé jusqu'en 2018 et que son contrat d'objectifs et de moyens avec l'État a été signé » .

Après divers recours, les négociations sur l'instauration d'un unique accord d'entreprise reprendront au mois de novembre , organisées autour de quatre groupes de travail thématiques , respectivement consacrés au temps de travail, à l'expatriation, à l'évolution des métiers et à la politique de rémunération. Après quinze mois, si aucun accord n'émerge, le texte qui résultera des avancées enregistrées lors de la négociation entrera en vigueur. Votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux un apaisement des tensions et la tenue de discussions constructives et respectueuses des salariés .

b) Des syndicats circonspects sur l'avenir de l'Agence

Auditionnée par votre rapporteur pour avis, l'intersyndicale de l'AFP s'est déclarée particulièrement inquiète s'agissant de l'endettement de l'Agence , crainte que partage votre rapporteur pour avis comme il l'a indiqué ci-avant. Déjà, alors que les travaux préparatoires menés par Michel Françaix envisageaient un engagement de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque publique d'investissement dans la filiale AFP Blue, ce sont finalement des prêts privés qui en ont assuré le financement. Ces craintes n'ont guère été apaisées par le cabinet comptable des représentants syndicaux, qui a récemment fait état de son inquiétude.

L'intersyndicale a, par ailleurs, fustigé le coût des travaux engagés au siège, soit environ 20 millions d'euros , estimant que leur ampleur était allée bien au-delà des seules contraintes imposées par le désamiantage de certains étages de l'immeuble de la place de la Bourse. Pire, 2 millions d'euros ont été consacrés à cette occasion à la réfection de l'étage de la direction, où la présence d'amiante n'avait pourtant pas été détectée, tandis que deux étages contaminés n'ont bénéficié d'aucune mise aux normes.

Les griefs concernent, en outre , la dénonciation des accords salariaux existants, à propos de laquelle les syndicats réfutent l'argument de l'insécurité juridique. Bien au contraire, les récents déboires judiciaires de la direction de l'Agence devant les Prud'hommes ne seraient que la conséquence de son refus, dans la soixantaine de dossiers concernés, d'appliquer convenablement lesdits accords, notamment en multipliant les contrats locaux pour les journalistes expatriés à l'étranger. En tout état de cause, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter la judiciarisation croissante des rapports entre direction et salariés au sein de l'AFP, conséquence de l'atonie du dialogue social qui y règne.

À cet égard, seule une cinquantaine d'accords salariaux seraient en réalité applicables aux salariés de l'Agence, ce qui représente certes un nombre élevé mais fort éloigné des 117 contrats dont fait état la direction. De fait, les sténographes comme les journalistes hippiques, par exemple, ont depuis fort longtemps disparu des effectifs. Leur dénonciation unilatérale serait même, pour certains, la partie visible d'une stratégie consistant à récupérer une partie des 38 millions d'euros provisionnés aux fins de financement des jours de congés et de réduction du temps de travail (RTT) non pris. L'objectif de la direction serait, en effet, de limiter les jours de RTT à sept par an au lieu de dix-huit et les jours de vacances à quarante-quatre, à l'étiage bas des journalistes.

S'agissant du COM, les représentants de l'intersyndicale ont fait valoir que la spécialisation affichée en matière de sport apparaissait quelque peu cosmétique , avec seulement dix recrutements supplémentaires sur la période, sur un total d'une centaine de journalistes dédiés aujourd'hui à ce thème.

Les moyens semblent également insuffisants s'agissant des investissements en matériel technique et en capacités de stockage de données - dont on peut par ailleurs regretter la délocalisation sur des serveurs étrangers appartenant à Microsoft , compte tenu de la nécessité, pour les journalistes, de protéger leurs sources -, au regard des ambitions affichées par le COM pour le développement de la vidéo. Les formations accordées aux techniciens sont également trop limitées, alors qu'elles entrent dans les missions de la nouvelle filiale.

Si votre rapporteur pour avis ne partage pas intégralement les craintes affichées par les représentants syndicaux de l'AFP ni les conclusions qu'ils en tirent, il ne peut que reconnaître que nombre d'entre elles sont fondées et regretter que la qualité médiocre du dialogue social au sein de l'Agence ne contribue guère à les lever.

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Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne les crédits du programme 180 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2016 .

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2016 .

EXAMEN EN COMMISSION

25 NOVEMBRE 2015

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La commission examine les rapports pour avis de M. Patrick Abate, rapporteur pour avis sur les crédits « Presse », et de Mme Colette Mélot sur les crédits « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2016 .

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis des crédits du programme « Presse » . - « Notre liberté dépend de la liberté de la presse et elle ne saurait être limitée sans être perdue » : en cette année 2015 où, un fatal 7 janvier, cette liberté, dans son expression la plus engagée et la plus indépendante, a été meurtrie, la conviction exprimée il y a plus de deux siècles par Thomas Jefferson n'a jamais semblé si vraie ; elle a été confortée, malheureusement, ce 13 novembre par les événements tragiques, qui ont ciblé notre « vivre-ensemble », notre démocratie et notre liberté.

Pourtant, chers collègues, la presse souffre toujours d'une érosion de ses ventes, du vieillissement de son lectorat, de la fuite des recettes publicitaires vers d'autres supports et des contraintes, financières et technologiques, d'une mutation numérique à la fois fossoyeur et espoir d'équilibres économiques à venir.

Le constat est devenu lieu commun et pourtant, il se pourrait que 2016 représente un tournant : les investissements destinés à la modernisation des structures et des méthodes de travail commencent à porter leurs fruits, le système de distribution retrouve une stabilité à laquelle peu croyaient encore et l'Agence France-Presse s'est engagée dans une réforme a minima , certes, mais qui garantit à ce jour la poursuite de son activité.

Cela dit, les crédits du programme 180 font apparaître un affaiblissement du soutien de l'État en faveur de la presse. S'il se limite à une diminution de 1,1 % cette année, il fait suite à un resserrement des aides de 3 % entre 2014 et 2015. Le recul constaté représente la conséquence d'un moindre dynamisme des aides au guichet et rien n'a été entrepris, notamment à travers le fonds stratégique pour le développement de la presse, pour remédier à cette atonie.

Outre le taux de TVA « super réduit » de 2,1 % au bénéfice de l'ensemble des titres pour un coût d'environ 170 millions d'euros, l'aide de l'État à la presse - 128,8 millions d'euros en 2016 - se divise en trois catégories : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation.

Les aides à la diffusion diminuent de 1,4 % pour un montant de 57,7 millions d'euros. L'aide au portage conserve sa dotation de 36 millions d'euros, mais le mécanisme d'exonération de charges pour les vendeurs-colporteurs enregistre un repli logique, consécutif à la réduction du nombre de professionnels.

Les aides au pluralisme, en revanche, enregistrent une augmentation de 34,8 % pour s'établir à 15,5 millions d'euros grâce l'élargissement du dispositif, par un décret du 6 novembre 2015, à des titres d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires à parution non quotidienne.

Nul ne contestera ici l'utilité d'un soutien renforcé en faveur de la presse d'opinion, aux ressources publicitaires réduites : les temps troublés que nous traversons rendent, au-delà de la simple information, l'analyse et le débat indispensables à l'appréhension d'un monde qui semble échapper à notre compréhension. Le renforcement du ciblage des aides directes en faveur de ces journaux constitue un point remarquable de l'évolution des crédits du programme 180 et mérite d'être salué.

La mesure complètera utilement, pour les titres concernés, les mécanismes fiscaux que nous avons adoptés dans le cadre de la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse. Le plus symbolique de ces mécanismes est le dispositif « Charb » pour lequel vous connaissez mon attachement, qui permet aux particuliers de déduire de leur impôt sur le revenu les dons aux associations qui oeuvrent en faveur du pluralisme de la presse.

Enfin, les aides à la diffusion reculent de 7,5 % à 55,6 millions d'euros pour 2016. Cette diminution ne doit toutefois pas nous inquiéter outre mesure, d'abord parce que la réduction porte essentiellement sur l'aide à la modernisation sociale des imprimeries, au titre de laquelle seulement deux dossiers au bénéfice des groupes Le Monde et Amaury nécessitent encore des financements, et, surtout, parce que le soutien de l'État à Presstalis est maintenu à 18 millions d'euros.

Je salue, à cet égard, les efforts considérables réalisés par l'entreprise ces dernières années, au prix de lourds sacrifices sociaux - 1 500 emplois ont été supprimés depuis 2010 - pour retrouver l'équilibre des comptes. Malgré des retards dommageables dans la mise en oeuvre des réformes prévues par le plan stratégique conclu avec l'État, notamment la restructuration du réseau des dépositaires, l'équilibre d'exploitation sera atteint en 2015 grâce à des économies comprises entre 25 et 35 millions d'euros par an depuis quatre ans. Avec de nouveaux développements dans le domaine numérique et des finances assainies, Presstalis a su trouver les moyens de son développement futur. Le défi a été relevé.

Le bilan du fonds stratégique pour le développement de la presse est plus contrasté : doté de 29,6 millions d'euros de crédits en 2016, en diminution de 2,6 %, le dispositif cofinance des projets de développement numérique de sites majoritairement d'information politique et générale. L'aide apportée étant fonction de la capacité d'autofinancement des éditeurs, son montant varie entre 800 euros et 700 000 euros, pour une moyenne de 95 000 euros par projet. Effet pervers de ce système, il prive les titres qui ne disposent pas ou peu de fonds propres de l'accès à une aide à la modernisation, pourtant essentielle dans un marché où le numérique représente l'unique voie de développement du lectorat, même si son modèle économique n'est pas encore parfaitement stabilisé. Cette faille explique un niveau décevant de mobilisation des fonds disponibles et, partant, la réduction de la dotation en 2016.

J'appelle par conséquent le ministère de la culture et de la communication à réviser les critères d'attribution de cette aide, afin qu'elle bénéficie plus largement aux éditeurs modestes. Par ailleurs, compte tenu de la complexité des dossiers de demande d'aide et du frein que constitue le seuil d'entrée dans le dispositif, je souhaite que soit envisagé un recours facilité aux jeunes du service civique pour des postes de développement informatique, dans les entreprises de presse qui ne peuvent prétendre à l'aide du fonds stratégique, afin de renforcer en leur sein, même provisoirement, les compétences utiles à la mise en oeuvre, d'une stratégie numérique d'avenir, à la condition expresse qu'il ne s'agisse pas de remplacer à moindre frais de potentiels emplois pérennes ou des salariés en poste.

La seconde partie de mon propos portera sur un point très précis de la mission « Économie », l'aide au transport postal. Avec 1,3 milliard d'exemplaires distribués chaque année, La Poste, dont c'est l'une des missions de service public, contribue à 30 % de la diffusion de la presse, à des tarifs dérogatoires au droit commun, dont l'évolution est fixée par des accords tripartites avec l'État et les éditeurs ; leur montant varie en fonction des familles de presse. Les accords Schwartz, signés pour la période 2009-2015, ont donné lieu à des manquements répétés de l'État à sa parole, au détriment de la presse et de La Poste. Ainsi, dès 2009, lors de la clôture des états-généraux de la presse écrite, l'application de la hausse tarifaire a été reportée d'un an. Ce moratoire postal a eu un impact d'environ 30 millions d'euros chaque année sur les comptes de La Poste .

Le désengagement unilatéral de l'État s'est poursuivi avec l'annonce, le 10 juillet 2013, de la sortie progressive du moratoire sur les tarifs postaux, afin de rejoindre la trajectoire initialement prévue par les accords Schwartz. Pis, en 2014 et en 2015, la contribution prévue dans l'accord a été réduite chaque année de 50 millions d'euros afin de tenir compte du bénéfice, pour La Poste, du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE).

En conséquence, l'aide de l'État au titre du transport postal a été de 150,5 millions d'euros en 2014 au lieu des 200 millions d'euros prévus, puis de 130 millions d'euros en 2015 contre 180 millions d'euros prévus.

Les accords Schwartz arrivant à échéance le 31 décembre 2015, les ministres de la culture, de l'économie et des finances, ont confié une mission sur l'avenir du transport postal de la presse à Emmanuel Giannesini, membre de la Cour des comptes et président du comité d'orientation du Fonds stratégique pour le développement de la presse. Cette mission devra proposer différents scénarios afin de définir le nouveau cadre du soutien public à l'acheminement des abonnements de presse, comprenant à la fois l'aide au transport postal et l'aide au portage. Ses conclusions ne sont pas encore connues. Dans cette attente, l'aide au transport postal a été fixée, pour 2016, à 119 millions d'euros dans le cadre de la mission « Économie » du projet de loi de finances, soit une nouvelle diminution drastique, qui augure mal du résultat des négociations relatives à l'après-Schwartz.

La Poste et les représentants des différentes familles de presse m'ont fait part de leurs craintes pour l'avenir. Nul ne sait si un nouvel accord sera conclu ou si, comme le proposait le rapport de Roch-Olivier Maistre sur les aides à la presse en 2013, une relation commerciale ordinaire sera instaurée entre La Poste et les éditeurs de presse.

En tout état de cause, une augmentation des tarifs postaux est bel et bien prévue, alors que les éditeurs ont, durant la période d'application des accords Schwartz, déjà consenti un effort de 110 millions d'euros. Elle devrait majoritairement peser sur les magazines, notamment sur ceux appartenant à une nouvelle catégorie de presse de divertissement et de loisir, sur lesquels pourrait s'appliquer une hausse de plus de 60 % en quatre ans. J'estime cette perspective déraisonnable, dans un contexte où les magazines connaissent également des difficultés financières et, surtout, où le maintien d'une solidarité entre familles de presse, au-delà de la seule TVA, est plus que jamais nécessaire - sans compter la difficulté à définir la nouvelle catégorie.

Je conclurai en présentant les crédits consacrés à l'Agence France-Presse (AFP). Conformément aux engagements de la France à la suite des recommandations de la Commission européenne, traduites dans la loi du 17 avril 2015 puis dans le contrat d'objectifs et de moyens signé avec l'État le 15 juin dernier, le financement public de l'Agence distingue désormais le paiement des abonnements au fil AFP souscrits par les administrations de la compensation des missions d'intérêt général qui lui sont confiées. Le projet de loi de finances prévoit 21,6 millions d'euros au titre des abonnements, somme fixée par la nouvelle convention entre l'État et l'AFP, et 105,9 millions d'euros de subvention pour charge de service public.

Globalement, cette dotation est stable. Si elle permet à l'AFP de poursuivre son activité, elle ne règle en rien les difficultés de l'Agence à investir, compte tenu de l'absence de fonds propres et d'un endettement déjà inquiétant, grevé par sa filiale technique de moyens AFP Blue. Notre collègue Philippe Bonnecarrère avait déjà pointé ce risque dans son rapport : la situation n'a guère évolué depuis et ses craintes, que je partage, sont toujours d'actualité.

Je vous propose par conséquent que notre commission s'en remette à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne l'adoption des crédits de la presse au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Personnellement, je ne serai pas défavorable à leur adoption.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits du programme « Livre et industries culturelles » . - « À la barbarie des terroristes, nous devons opposer l'invincible humanité de la culture », affirmait solennellement François Hollande quelques jours après les attentats du 13 novembre dernier, lors de la 70 e conférence générale de l'Unesco. Je pense que notre commission partage cette déclaration. À force de menaces, le livre et la musique - la culture en somme -, fruits de l'esprit de nos artistes et symboles de nos valeurs, n'ont jamais semblé si indispensables au vivre-ensemble.

Pourtant, les industries culturelles sont bien souvent malmenées par une modernité dont le rythme s'accorde difficilement avec le temps de la création, les contraintes de la production et le tempo lent du lecteur et du mélomane. Elles résistent cependant et parviennent, progressivement, à se rénover tout en demeurant fidèles à leur vocation créatrice.

Les gouvernements qui se sont succédé depuis la percée du numérique dans le monde de la culture ne sont pas étrangers à cette réussite. Ce projet de loi de finances ne limite en rien le soutien public : le programme 334 « Livre et industries culturelles » reçoit 265,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 276 millions d'euros en crédits de paiement. À périmètre constant, l'effort supplémentaire s'élève à 1,4 % par rapport à 2015, au profit des seules industries culturelles.

Hélas, malgré cette discrète embellie, les crédits destinés au livre et aux industries culturelles ne bénéficient qu' a minima aux secondes. La promotion du livre et le soutien à la lecture accaparent 96,8 % des crédits, dans la mesure où le programme 334 comprend le financement d'opérateurs coûteux et notamment de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Contrairement à la production cinématographique et audiovisuelle, le livre, la musique et les jeux vidéo ne sont soutenus qu'au travers d'aides éparpillées et de crédits d'impôt par trop restrictifs. Les performances affichées par ces filières n'en sont que plus méritoires.

Action reine du programme 334, l'action n° 1 « Livre et lecture » est dotée de 256,4 millions d'euros en crédits de paiement. Mais ne nous y trompons pas : cette enveloppe, pour généreuse qu'elle paraisse, est en réalité presque exclusivement destinée à la subvention pour charges de service public de la BnF (215 millions d'euros). Bien sûr, il s'agit d'un établissement prestigieux, dont la politique de collaboration avec les bibliothèques territoriales doit être saluée, dont l'engagement en faveur du patrimoine écrit par l'achat régulier de pièces rares grâce à la mobilisation d'un généreux mécénat n'est plus à démontrer et dont, enfin, l'ambitieux programme de numérisation affiche des résultats dont la France peut s'enorgueillir.

La bibliothèque nationale numérique Gallica , inaugurée en 1997, compte désormais 3,4 millions de documents. Avec 40 000 visites par jour, soit 15 millions de lecteurs chaque année, le succès est à la hauteur des sommes dépensées. Avec le lancement, quelque peu tardif, de la numérisation des livres indisponibles du XX e siècle, dont nous avions voté à l'unanimité le principe en 2012, et le développement de nouveaux partenariats pour poursuivre la numérisation des collections, l'outil devrait encore renforcer son attractivité.

Mais que dire a contrario des vicissitudes immobilières de l'établissement ? La rénovation du site historique du quadrilatère Richelieu ne cesse de prendre du retard et de voir son coût régulièrement augmenter, passant de 211 à 230 millions d'euros. Le chantier, entamé en 2011, devrait se terminer en 2017 ; 2016 verra l'achèvement de la première phase et l'installation dans les lieux de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA). En revanche, le flou demeure complet sur le financement des travaux de finition, notamment la rénovation des façades et des parties classées. Le site Tolbiac-François Mitterrand n'est pas épargné par les travaux à répétition : la maintenance y est coûteuse - 1 million d'euros par tour pour la modernisation des ascenseurs, par exemple - d'autant que de récentes inondations ont fait d'importants dégâts sur les canalisations, nécessitant 5,4 millions d'euros pour leur remise en état.

Reste qu'une fois l'immense paquebot François-Mitterrand financé, fonctionnement et travaux compris, peu de moyens demeurent disponibles pour d'autres établissements : la Bibliothèque publique d'information est chichement dotée de 7,2 millions d'euros pour 1,35 million de visiteurs annuels quand la BnF en reçoit péniblement 810 000. Plus grave encore, ces moyens font défaut pour de véritables de projets au bénéfice du développement de la lecture, notamment auprès des publics les plus éloignés, et le soutien au réseau de vente de livres.

Qui plus est, le Centre national du livre (CNL), l'opérateur en charge du soutien aux éditeurs, pour des projets culturellement ambitieux, et aux libraires les plus fragiles, peine à trouver les moyens de fonctionner convenablement. Sa dotation, assise sur le produit de la taxe sur les appareils de reprographie et de la taxe sur les éditeurs, n'a cessé de s'éroder pour passer sous le seuil des 30 millions d'euros. Une mission commune à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et au contrôle général économique et financier est en cours pour comprendre les raisons du piètre rendement de ces taxes. Si le caractère pérenne de leur moindre rentabilité devait se confirmer, d'autres modalités de financement devront être envisagées au bénéfice du CNL.

Il est, dès lors, plus qu'heureux que le marché du livre se porte bien. Après une légère érosion ces dernières années, les ventes se sont stabilisées à environ 422 millions d'ouvrages en 2014, dont un quart de littérature, pour un chiffre d'affaires éditeurs de 2,7 milliards d'euros. 2015 devrait également présenter un résultat satisfaisant, d'autant que les attentats du mois de janvier ont entraîné une augmentation sensible des ventes d'essais philosophiques, y compris anciens, et d'ouvrages religieux. La part du numérique demeure modeste, à 6,4 % du marché.

Contrairement à la musique, les mutations technologiques n'ont nullement entamé cette industrie culturelle traditionnelle, qui demeure ancrée dans les pratiques des Français, comme l'achat en librairie survit toujours face à la concurrence d'Internet. Nous nous étions beaucoup inquiétés il y a quelques mois, de l'avenir de ces commerces de quartier. Des difficultés subsistent, mais le secteur se porte mieux grâce, notamment, au dispositif que nous avons voté en 2014 à l'unanimité interdisant le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port aux sites de vente en ligne de livres. Je vous transmets les remerciements des professionnels.

L'action n° 2 « Industries culturelles », qui regroupe la musique, le jeu vidéo et la dotation à la Hadopi, n'étant dotée que de 15,9 millions d'euros, elle appelle de plus brefs commentaires. Point le plus marquant, après avoir perdu 60 % de son chiffre d'affaires et 50 % de ses salariés en dix ans, le marché de la musique est en passe de réussir, grâce au streaming , sa mutation numérique. En croissance de 34 % en 2014, celui-ci représente désormais 16 % du chiffre d'affaires de l'industrie musicale et 55 % des revenus numériques. Il est heureux que la récente médiation confiée à Marc Schwartz ait abouti à un meilleur partage de la valeur au profit des artistes-interprètes sur ce mode de diffusion.

Après une période délicate, dont nos collègues Bruno Retailleau et André Gattolin s'étaient émus dans un rapport consacré en juillet 2013 à l'industrie du jeu vidéo, les studios français renouent avec la croissance. Les produits issus de nos studios, souvent de taille modeste, employant des techniciens et artistes de l'animation, dont les compétences demeurent fort prisées à l'étranger, ont un succès enviable sur le marché mondial malgré une capacité d'investissement encore insuffisante. L'extension du crédit d'impôt, enfin autorisée par la Commission européenne, représente un coup de pouce significatif pour l'industrie française du jeu vidéo face à une farouche concurrence fiscale internationale.

Enfin, après un assèchement dramatique de ses fonds, la Hadopi retrouve un peu d'oxygène, avec une dotation de 8,5 millions d'euros. Néanmoins, cette enveloppe reste insuffisante pour que la Haute Autorité développe son activité de lutte contre le piratage et de promotion de l'offre légale. Or, alors que le principe même d'une application du droit d'auteur dans l'univers numérique est parfois remis en cause, la Hadopi n'a jamais été si utile. En ce sens, je souscris pleinement aux ambitieuses propositions de modernisation et de renforcement de l'institution développées par nos collègues Corinne Bouchoux et Loïc Hervé en juillet dernier. Je souhaite qu'elles trouvent prochainement leur traduction législative.

Pour conclure et compte tenu de ces observations, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles».

Mme Mireille Jouve . - Je salue tout particulièrement la création du Fonds de soutien à l'information sociale de proximité, doté d'1,5 million d'euros. Le rôle des médias locaux, souvent de taille modeste, est, en effet, essentiel au maintien du lien social et à notre vitalité démocratique. Le taux de TVA à 2,1 % constitue par ailleurs, depuis 2014, un encouragement bienvenu à la diffusion de la presse en ligne, même s'il est trop tôt pour en ressentir les effets. Cependant, il ne doit pas nuire à la qualité éditoriale : certains grands titres remplacent leurs journalistes d'investigation par des employés relayant, devant leur ordinateur, une information produite ailleurs. Le rachat de nombreux titres par de grands groupes industriels nécessite lui aussi une grande vigilance à l'égard de l'indépendance des rédactions et du maintien du pluralisme. Je salue également l'extension des aides au pluralisme aux publications fragiles à parution non quotidienne ; je me félicite enfin du maintien des crédits au livre et aux industries culturelles et de la bonne résistance du marché du livre.

L'augmentation de 2,5 millions des crédits de la Hadopi n'est peut-être pas suffisante pour traquer le téléchargement illégal. C'est en effet un chantier considérable.

Mme Corinne Bouchoux . - Les aides à la presse, au pluralisme et aux nouveaux médias sont bienvenues. Car, si le numérique représente l'avenir, il ne fait pas encore vivre ses acteurs. Notre groupe est par conséquent plutôt favorable à l'adoption des crédits pour la presse. Des économistes que je qualifierai d'atypiques ont travaillé sur le modèle économique de la presse. Avez-vous étudié, dans le cadre de votre avis, les propositions de Julia Cagé sur le financement des entreprises de presse ?

Quant aux crédits du livre, nous sommes tout à fait favorables à la mixité des publics et à la massification des pratiques de lecture promues par le Gouvernement ; mais massification ne signifie pas démocratisation, et nous en sommes encore loin. Là encore, notre groupe rendra néanmoins un avis favorable.

Mme Christine Prunaud . - Les libraires et éditeurs indépendants demandent, notamment par la voix de l'association l'Autre livre, à bénéficier d'un tarif postal réduit. Ils estiment que le livre ne doit pas être traité comme une marchandise ordinaire. Quelle est votre opinion sur la flexibilité de cette proposition ?

Mme Sylvie Robert . - Nous nous félicitons de l'augmentation de 1,4 % des crédits alloués au livre et aux industries culturelles. Certes, la BnF en reçoit une grande partie, mais notre collègue Colette Mélot a omis de signaler l'augmentation de 1 million d'euros du budget des contrats territoire-lecture développés dans les milieux ruraux et certains quartiers prioritaires.

Je ne conteste pas l'importance de l'aide publique aux industries culturelles, mais le secteur recouvre des modèles économiques très différents : les jeux vidéo sont un marché porteur dont les acteurs jouissent d'une bonne santé financière et artistique.

Je regrette la baisse des aides aux radios locales ; ces radios de proximité jouent pourtant un rôle important.

Enfin, au vu du contenu de son rapport, je m'étonne de l'avis défavorable proposé par notre rapporteur sur les crédits du programme 334.

M. Bruno Retailleau . - Je salue la qualité du travail de Mme Mélot dont nous allons suivre l'avis. La révolution numérique ayant en premier lieu affecté l'industrie de la musique, la progression de 34 % du streaming représente une mutation positive. Nous regrettons que le Gouvernement, au lieu de l'accompagner, ait tenté de supprimer la Hadopi. L'augmentation des crédits est bienvenue mais ne compense que partiellement les baisses successives des trois années précédentes. Nous voterons par conséquent contre l'adoption des crédits de cette mission.

M. Jean-Louis Carrère . - Bruno Retailleau ne félicite que l'un des rapporteurs, or tous deux ont bien travaillé !

M. David Assouline . - Bien que nous restions dans l'expectative quant au dispositif qui suivra les accords Schwartz, la réforme des aides à la presse va dans le bon sens : celui de la transparence des critères d'attribution et d'un recentrement sur les objectifs initiaux de protection du pluralisme. Le pluralisme de la presse, dans le système mis en place à la Libération, reposait sur les quotidiens locaux et régionaux qui assuraient un véritable maillage du territoire. La concentration et le rachat de journaux par des banques et de grands groupes industriels menacent l'indépendance de la presse, mais portent aussi atteinte à sa diversité et à son pluralisme. Il est indispensable de trouver des leviers pour y remédier.

Enfin, appeler à voter contre une augmentation budgétaire constitue une posture incompréhensible. Si un prochain gouvernement vous demande de voter en faveur d'un budget malgré des baisses de crédits, quelle sera votre réaction ?

M. Jacques Grosperrin . - L'augmentation de la dotation de la Hadopi représente un signe de reconnaissance de son travail après les polémiques. Doit-on conclure à son maintien, voire à son renforcement ?

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis . - Notre rapport témoigne effectivement de notre attention aux propositions des nouveaux penseurs que vous évoquez. Julia Cagé vient au demeurant d'être nommée administratrice de l'AFP.

La concentration de la presse m'apparaît moins inquiétante que la concentration de différents médias au sein d'un même groupe. Les journalistes figés devant leur écran se multiplient, et le recours aux pigistes augmente. Notre rapport fait état de ces phénomènes et recommande que les aides à la presse soient liées à un engagement déontologique des éditeurs en la matière.

Par ailleurs, le soutien aux radios associatives locales ressort des crédits de l'audiovisuel et non de la presse.

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis . - Le président de la BnF propose d'instaurer la gratuité pour les étudiants et les jeunes de 18 à 23 ans, une mesure qui représenterait un manque à gagner de 400 000 euros par an dont il demande la compensation par l'État.

Je ne m'oppose pas à des tarifs postaux réduits pour le transport postal de livres, mais cela sera difficile à obtenir alors que la presse voit ces tarifs augmenter.

Je me félicite de la dotation supplémentaire au profit des contrats territoire-lecture passés par les Directions régionales de l'action culturelle (DRAC). Mais elle ne permettra que de compenser le fait que le CNL subit une baisse de ses moyens, appelée à s'aggraver avec le déclin de la taxe sur la reprographie, qui l'oblige à limiter ses interventions dans les territoires. Une commission étudie en ce moment une réduction des taxes.

L'augmentation de 2,5 millions d'euros de la dotation de la Hadopi ne constitue qu'un rattrapage : en 2014, la Haute Autorité a dû puiser dans son fonds de roulement pour compenser une baisse de la dotation à 6 millions d'euros. Aucun progrès n'est donc à relever dans la lutte contre le piratage. Il ne faut pas voir dans l'augmentation des crédits autre chose que le maintien de la Haute Autorité.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2016.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Éditeurs de la presse quotidienne nationale

M. Patrick Le Hyaric, président du directoire, l'Humanité

M. Arnaud Broustet, directeur délégué, administrateur général, La Croix

M. Laurent Joffrin, directeur de Libération

Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la culture et de la communication

M. Martin Ajdari, directeur général des médias et des industries culturelles

M. Fabrice Casadebaig, sous-directeur de la presse écrite et des métiers de l'information,

M. Patrick Comoy, chef du bureau du régime économique de la presse écrite et des métiers de l'information

M. Frédéric Haboury, adjoint au chef du bureau du régime économique de la presse écrite et des métiers de l'information

Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP)

M. Jean-Pierre Roger, président

M. Guy Delivet, directeur général

Presstalis

Mme Anne-Marie Couderc, présidente

Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP)

M. Roch-Olivier Maistre, président

La Poste

M. Nicolas Routier, directeur des activités presse

M. Arnaud Tomasi, directeur des activités Presse

Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN)

M. Francis Morel, président

M. Denis Bouchez, directeur

Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR)

M. Jean Viansson Ponte président du SPQR et de l'Union de la Presse en Région

Mme Haude d'Harcourt, conseillère Relations avec les Pouvoirs publics

Agence France-Presse (AFP)

M. Emmanuel Hoog, président-directeur général

Rémi Tomaszewski, directeur général

Intersyndicale de l'AFP

M. Philippe Faye (CGT)

M. Denis Teyssou (SNJ)

Mme Maria Carmona (SNJ-CGT)

M. Manuel Caux (SGLCE-CGT)

Syndicat de la presse magazine (SEPM)

M. Bruno Lesouëf, président

Mme Pascale Marie, directrice générale

FILPAC CGT

M. Gérard Letreguilly, secrétaire général du syndicat des imprimeries parisiennes

M. Marc Peyrade, secrétaire général

Syndicat national des journalistes (SNJ)

M. Vincent Lanier, premier secrétaire général

Fonds Google -AIPG pour l'Innovation numérique de la presse (FINP)

M. Antoine Laurent, directeur

DÉPLACEMENTS

Lundi 2 novembre 2015

Le Républicain Lorrain

M. Cédric Le Borgne, directeur des Ventes pour les quotidiens Le Républicain Lorrain , L'Est Républicain et Vosges matin, coordinateur des directions Ventes de l'association de titres EBRA

M. Michel Klekovicki, rédacteur en chef-adjoint du Républicain Lorrain

Vendredi 6 novembre 2015

La Semaine

M. Jean-Pierre Jager, fondateur du journal et directeur de la publication

ANNEXE

Audition de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

MARDI 17 NOVEMBRE 2015

_______

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Cette traditionnelle audition sur le budget de la culture et des médias pour 2016 se tient dans des circonstances extraordinaires : c'est notre première réunion depuis les attentats qui ont si lâchement et cruellement endeuillé notre pays vendredi soir et nous ont tous profondément ébranlés. La colère se mêle en nous à l'émotion et à la compassion pour les victimes de ces attaques sans précédent : personnes décédées, blessés - si nombreux, et dont beaucoup luttent encore contre la mort - qui resteront à jamais marqués dans leur chair, familles et proches des hommes et femmes qui ont hélas croisé le chemin de ces terroristes. En janvier, ils s'attaquaient, à travers Charlie Hebdo , à la liberté de la presse, à la liberté d'expression et de création. Vendredi, ils frappaient des lieux symboliques de notre art de vivre, de ce qui soude notre communauté nationale : stade, salle de concert, terrasses de café où l'on aime se retrouver.

Nous fêtons aujourd'hui le soixante-dixième anniversaire de l'Unesco et le dixième de la convention pour la diversité culturelle. Le Président de la République a rappelé que c'est comme capitale des arts et de la culture que Paris a été choisi pour accueillir le siège de l'Unesco. Élus de la nation, nous devons porter les valeurs universelles qui symbolisent la France et être présents auprès de nos concitoyens qui doutent. Nous avons une pensée particulière pour le monde de la culture et des médias, endeuillé par le décès de techniciens, dans le groupe Vivendi et ses filiales et de journalistes. Nous sommes la commission de la jeunesse, qui a été lourdement frappée et auprès de laquelle nous nous tenons tous.

Je vous propose donc que nous respections une minute de silence. ( Toutes les personnes présentes dans la salle se lèvent et observent une minute de silence .)

Je donne la parole à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication . - Oui, dans ces graves circonstances, cette audition revêt une signification particulière. La France est en deuil, comme le monde de la culture, qui a payé vendredi soir un lourd tribut. C'est la culture que les terroristes ont voulu mettre à terre. Ils s'en sont pris à notre art de vivre, dont nous sommes si fiers, à notre idéal de liberté, de diversité, de mixité, d'ouverture à l'autre, d'intelligence collective... Ils s'en sont pris à toutes les valeurs qui s'épanouissent à travers notre vie culturelle et nos loisirs. Ils s'en sont pris à une génération, qui en est le symbole. À la façon dont nous donnons sens et profondeur à nos vies. Bref, à ce que nous sommes.

Face au terrorisme, la culture est une arme d'émancipation, de destruction de l'ignorance et de l'obscurantisme. Les Français sont déterminés à la mobiliser dans notre guerre contre la terreur. Les terroristes rêvent de salles désertes : il y aura toujours plus de spectacles. La protection des établissements culturels profitera des renforts policiers annoncés par le président de la République. Nous menons actuellement un audit pour identifier les besoins. Déjà, la préfecture de police redéploie ses effectifs vers les sites les plus fragiles : aucun artiste ni aucun spectateur ne doit pénétrer dans un lieu de spectacle la peur au ventre. Pour que la musique continue à se faire entendre, j'ai annoncé hier la création d'un fonds de soutien exceptionnel aux lieux de culture les plus fragiles, qui compensera les difficultés économiques et financières résultant des attentats. Et l'Assemblée nationale a adopté vendredi un crédit d'impôt pour soutenir les producteurs et les tourneurs de spectacle vivant.

Les terroristes s'en prennent à notre jeunesse et à son bouillonnement créatif. Nous allons soutenir les résidences d'artistes et les lieux intermédiaires favorables au partage de projets pluridisciplinaires. Nous financerons davantage l'enseignement supérieur de la culture, qui forme les artistes de demain : la jeunesse reste la priorité du Gouvernement, et la jeune création est la mienne depuis des mois.

Les terroristes contestent la liberté de création et rejettent celle de la presse. Nous gravons la première dans le marbre de la loi - je défendrai le projet de loi sur la liberté de la création, l'architecture et le patrimoine au Sénat début 2016 - et donnons à la seconde de nouveaux moyens pour se moderniser en réformant les aides à la presse, en renforçant les moyens et l'indépendance de l'audiovisuel public et en pérennisant le fonds de soutien aux médias de proximité pour garantir une information de qualité.

Les terroristes veulent brûler les livres. Nous élargissons les horaires d'ouverture des bibliothèques et doublons le budget des contrats territoire-lecture. Les 16 000 médiathèques de France forment le premier réseau culturel de proximité. Nous agirons fermement pour le rendre toujours plus accessible : rapprocher la culture des Français, et surtout de ceux qui s'en sentent le plus éloignés, est ma priorité.

Les terroristes rejettent la vie en bonne intelligence, la mixité : nous leur répondons par une meilleure représentation de la diversité sur scène et à la télévision et en portant notre politique en faveur de l'éducation aux arts et à la culture à son plus haut niveau. Cette ambition, nous l'avions déjà. Les attentats renforcent sa signification. Le Gouvernement continue à faire le choix de la culture, le Premier ministre l'a redit ce matin. Elle continuera à nous faire vibrer à l'unisson, à nous consoler, à nous libérer, à nous émanciper. Elle continuera à interroger le monde, à nous bousculer, à nous donner une raison d'être, à nous rendre lumineux, à faire de nous des citoyens.

Je vous propose une hausse de 2,7 % de la contribution de la nation à la vie culturelle de notre pays. Je vous propose de porter le budget du ministère de la culture à 7,3 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter le fonds de soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui disposera de 672 millions d'euros. La mission Culture sera dotée de 2,7 milliards d'euros.

Pour renforcer la participation de tous à la vie culturelle, les crédits affectés à la démocratisation culturelle atteindront près de 100 millions d'euros en 2016, contre 75 millions d'euros en 2012. Sur ces sommes, l'éducation artistique et culturelle représente 54,6 millions d'euros, soit 35 % de plus qu'en 2015. Ces crédits en hausse viennent notamment appuyer le retour de l'État dans le financement des conservatoires conventionnés, à hauteur de 8 millions d'euros, ou le renforcement du plan d'éducation artistique et culturelle, qui sera porté l'an prochain à 14,5 millions d'euros.

Nous créerons 65 postes supplémentaires pour accompagner l'ouverture sept jours du sept du musée d'Orsay, de Versailles et du Louvre, pour les enfants et les publics éloignés de la culture. Les territoires pourront compter sur le soutien de l'État pour développer l'accès de tous à la culture : les crédits en région augmenteront de 2,2 % par rapport à 2015 pour atteindre 780 millions d'euros. Les moyens consacrés aux pactes culturels signés avec les collectivités territoriales qui maintiennent leurs efforts en matière de culture seront renforcés.

Deuxième priorité du Gouvernement, soutenir la création, dans sa diversité et dans son renouvellement. Elle est cohérente avec la reconnaissance législative du régime de l'intermittence, qui prend en compte la spécificité des métiers du spectacle. L'intervention de l'État en faveur de la création s'élèvera à 400 millions d'euros, dont 365 millions d'euros pour le spectacle vivant et 35 millions pour les arts plastiques, soit 4 % de plus qu'en 2015.

Nous avons affecté en priorité ces crédits à la jeunesse, en consacrant en particulier plus de 7 millions d'euros à la mise en oeuvre des conclusions des Assises de la jeune création. Les moyens dédiés à la formation des artistes seront en augmentation de 4,9 millions d'euros. Pour accompagner un recrutement plus juste et plus diversifié, cette hausse viendra entre autres financer des classes préparatoires aux écoles de l'enseignement supérieur culture et l'accès aux bourses et à un logement universitaire pour les élèves de ces classes. Enfin, nous financerons à hauteur de 1 million d'euros la programmation « avant les murs » du projet Médicis Clichy-Montfermeil, emblématique de notre politique : hybridation des esthétiques, renouvellement de la création, accès de tous aux oeuvres et aux pratiques.

Nous continuerons à protéger la diversité du cinéma et à améliorer sa compétitivité en France, en stabilisant les financements que nous lui consacrons et en élargissant les crédits d'impôt. En 2016, les moyens du CNC seront stabilisés : il n'y aura ni ponction, ni plafonnement des taxes prélevées sur le marché de la diffusion audiovisuelle. Le crédit d'impôt sera amélioré pour mieux soutenir les entreprises françaises du cinéma et relocaliser les tournages sur notre territoire. Il vous est notamment proposé de l'élargir aux oeuvres tournées en langue étrangère pour des raisons artistiques, aux films d'animation et aux films à fort effet visuel. Le taux sera majoré à 30 % pour les oeuvres tournées en français et le plafond sera relevé de 4 à 30 millions d'euros pour une même oeuvre.

La troisième priorité du Gouvernement est de donner à mon ministère les moyens de son ambition à long terme. Préparer l'avenir, c'est sécuriser les outils de financement, en particulier pour l'archéologie préventive : pour stabiliser le financement des activités de l'Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap), le projet de loi de finances budgétise la redevance sur l'archéologie préventive. Préparer l'avenir, c'est aussi préserver les crédits consacrés aux investissements : 524 millions d'euros, soit 1,5 % de plus qu'en 2015. Pour la troisième année consécutive, nous maintiendrons nos efforts en faveur des monuments historiques. Les crédits de paiement seront stabilisés et les autorisations d'engagement portées à 333 millions d'euros. Ils bénéficieront en particulier aux territoires via les services déconcentrés. Nous lancerons ou poursuivrons des chantiers importants : archives, schémas directeurs du château de Versailles, de Fontainebleau, du Centre Pompidou, relogement du Centre national des arts plastiques, réaménagement des Ateliers Berthier...

Ce budget ambitieux est à la hauteur de ce que nous devons à la culture et de ce que nous devons faire pour elle, a fortiori lorsqu'elle est prise pour cible et que les Français voient dans leur vie culturelle un acte de résistance face à la barbarie et, tout simplement, parce qu'elle est l'expression de ce que nous sommes.

Pour 2016, la mission « Médias, livre et industries culturelles » est dotée de 717 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les 3,8 milliards d'euros que l'État consacre au compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public. »

La première ambition du Gouvernement est de donner aux médias les moyens de leur indépendance, qui passe par une sécurisation des outils de financement. Nous garantissons l'indépendance de l'audiovisuel public en asseyant ses ressources sur des recettes stables. Le financement sur crédits budgétaires sera supprimé dès 2016, avec un an d'avance. Parallèlement, le financement de l'audiovisuel public sera renforcé. Par la contribution à l'audiovisuel public d'abord, dont le produit augmentera mécaniquement de 61 millions d'euros du fait de l'inflation et de la progression du nombre de redevables. Par la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) ensuite, qui sera portée à 1,3 % de son rendement et en partie affectée au financement de France Télévisions, dont les moyens augmenteront de 40 millions d'euros. Cet engagement est nécessaire. Même si l'Assemblée nationale a renforcé les moyens que nous leur consacrerons en 2016, il ne dispense pas les organismes de l'audiovisuel public de poursuivre les efforts de gestion qu'ils ont engagés ou de renforcer leur coopération.

Après les « accords Schwartz », nous maintiendrons les aides directes au pluralisme pour les quotidiens d'information générale et les étendrons aux périodiques. Nous maintiendrons les aides indirectes comme la TVA à taux réduit ou les aides postales à la presse d'information générale et à la presse de la connaissance et du savoir. Nous réorienterons, à terme, une partie de l'aide postale attribuée à la presse de loisir et de divertissement vers la création de médias et l'émergence de nouveaux acteurs et l'aide aux marchands de journaux, qui sont en très grande difficulté. M. Emmanuel Giannesini a été mandaté pour proposer des scénarios. Il faudra six à neuf mois pour classer les titres : 2016 sera donc une année de transition, durant laquelle je souhaite que l'ensemble de la presse magazine bénéficie d'un tarif postal dont l'augmentation sera limitée.

Le Gouvernement soutient la création, en particulier dans la musique. Après l'augmentation de la taxe affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) en 2015, il a prorogé le crédit d'impôt phonographique au titre des dépenses engagées pour l'enregistrement de nouveaux talents. Cet effort, qui bénéficie surtout aux TPE et aux PME, représente 11 millions d'euros. Nous augmentons de 0,5 million d'euros les crédits que nous consacrons aux organismes de soutien à l'export. Enfin, nous pérennisons le fonds de soutien à l'innovation et à la transition numérique. Les députés ont en outre adopté un crédit d'impôt en soutien au spectacle vivant pour les tourneurs et les producteurs et amélioré le crédit d'impôt pour la création audiovisuelle.

Le Gouvernement souhaite rendre la création et les industries culturelles plus accessibles. Le financement du fonds de soutien aux médias de proximité sera pérennisé, à hauteur de 1,5 million d'euros : ils apportent un regard différent sur l'actualité et contribuent au lien social sur nos territoires. Les contrats territoire-lecture ont fait leurs preuves : ils seront dotés d'1 million d'euros supplémentaires. Enfin, le Gouvernement proposera par amendement de mobiliser la dotation générale de décentralisation pour soutenir des projets d'extension ou d'évolution des horaires d'ouverture des bibliothèques.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits « Patrimoines » . - J'étais prêt à me réjouir que les crédits du programme « Patrimoines » augmentent, au moins en autorisations d'engagement. Hélas, à la demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale a réduit de 5 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de ce programme. Je le regrette car les communes et les départements ont les plus grandes difficultés à financer les opérations de rénovation du patrimoine. Du coup, les entreprises licencient : 300 postes en moins en 2014, 200 en 2015. Outre l'impact social, ce sont des savoirs qui disparaissent. Comment répartirez-vous ces crédits, à présent que leur montant a changé ?

Créée à l'initiative de notre ancien collègue Jean-Paul Hugot, la Fondation du patrimoine joue un rôle essentiel en faveur du petit patrimoine non protégé : en 2014, elle a lancé 24 000 opérations. En 2005, un amendement de notre ancien collègue Yann Gaillard lui avait affecté une partie des successions en déshérence. Cette ressource atteignait, bon an mal an, 8 à 12 millions d'euros. Cette année, elle n'est que de 4 millions d'euros. Allez-vous intervenir auprès de Bercy pour remédier à cette situation ?

Vous avez annoncé l'ouverture sept jours sur sept du Louvre, de Versailles et du musée d'Orsay, et je m'en réjouis. Vous annoncez pour cela la création de 65 postes supplémentaires. Comment seront-ils financés ? Le Centre des monuments nationaux (CMN) m'informe qu'il s'est préparé pour réaliser quelque 30 millions d'euros de travaux dans la centaine de monuments qu'ils gère, mais qu'il ne disposera guère que de 20 millions : pourquoi une telle restriction, qui fera reporter des chantiers dans les monuments historiques . Le CMN propose, dans certains cas, de sortir du plafond d'emplois les vacations saisonnières, afin que certains établissements puissent rester ouverts plus longtemps. Il faudrait par exemple ouvrir l'Arc de Triomphe plus tôt le matin et certains monuments au-delà de 18 heures l'été. Est-ce envisageable ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits « Création et cinéma » . - Je veux dire mon émotion et ma peine après ce qui s'est passé vendredi soir, dans un quartier où je vis depuis trente ans et dont je suis élu. Pour tous ceux qui ont l'habitude de traverser ces rues, de s'arrêter pour prendre un café, d'aller au concert, c'est un choc. Peu de personnes, dans ce quartier, ne connaissent pas une ou plusieurs victimes. Les barbares qui ont tué, indiquent dans leur revendication qu'ils ont ciblé ce lieu pour frapper ce qui est vivant, ce qu'ils détestent, comme le montre bien le film d'Abderrahmane Sissako : pour eux, même le football, même la musique sont interdits.

Après la consolidation de l'an dernier - et, hélas, les baisses des deux années précédentes - je me réjouis que ce budget soit en hausse, car la culture est un antidote à l'obscurantisme et la meilleure réponse au défi qui nous est lancé. Dans un moment de délitement social, de doute, et même en période de restrictions budgétaires, il faut mettre le paquet. C'est ce que vous faites, madame la ministre : 27 millions d'euros supplémentaires pour la transmission des savoirs, 15 millions d'euros de plus, par rapport à la trajectoire triennale, pour le programme 131 « Création » - ce qui est rassurant car la loi LCAP arrive prochainement au Sénat. Satisfecit , donc.

J'ai procédé à une quinzaine d'auditions qui m'amènent à vous demander des précisions. Le plan Création artistique, issu des Assises de la Jeune création, prévoit 15 millions d'euros de mesures nouvelles, inscrites au programme 131. S'agit-il bien de mesures nouvelles ? On m'a signalé que la définition des lignes budgétaires et la répartition des crédits n'étaient pas toujours claires. Si les 2 millions d'euros supplémentaires pour le plan SMAC (scènes de musiques actuelles) sont clairement fléchés, on ne sait pas bien où vont aller les 2 millions d'euros prévus pour les « lieux intermédiaires ». Pouvez-vous nous citer des exemples ?

De même, les crédits pour la structuration professionnelle dans les arts plastiques s'élèvent à 640 000 euros, mais le tiers irait à l'organisation d'un Prix de mode. Pourquoi pas, mais quel rapport avec la structuration professionnelle - fondamentale - dans un secteur qui est souvent le parent pauvre du budget ? Du reste, les histogrammes à double échelle du dossier de presse sont trompeurs... Où en est le projet de convention collective pour les arts plastiques ? Je sais que vous sollicitez depuis deux ans le ministère du travail sur ce dossier et qu'il ne répond pas. Comment pouvons-nous progresser ?

Vous avez annoncé, à Arles, la création du Conseil national de la photographie : très bien. Pourquoi ne pas en faire, plus largement, un Conseil national des arts visuels ? Le décret est très attendu. Après de grandes difficultés les années précédentes, la situation s'est améliorée cette année pour les festivals. Certains restent néanmoins fragiles et cette fragilité les menace de disparition. Quel effort concret avez-vous prévu pour les aider ?

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - L'Assemblée nationale a réduit de 10 millions d'euros les crédits de la mission, dont 5 sur le programme 224. Quels sont les domaines concernés ? Vous avez reconnu que le retrait de l'État des conservatoires avait été une erreur et présentez cette année un plan conservatoires de 13,5 millions d'euros, soit 8 millions de plus que le plancher atteint l'an passé : comment comptez-vous répartir ces fonds ? Quelle réforme des procédures de classement envisagez-vous ?

Dans les écoles d'art territoriales, le processus licence-maîtrise-doctorat (LMD) fait monter les exigences. Vous prévoyez des crédits pour les écoles d'architecture : quid des écoles d'art ? Où en est le projet d'un statut des professeurs des écoles supérieures d'art territoriales ? Contrairement à leurs congénères des écoles d'architecture, les étudiants en écoles d'art n'accèdent pas à la mobilité internationale sur critères sociaux et, lorsqu'ils atteignent le troisième cycle ou le post-diplôme, n'ont pas accès aux bourses sur critères sociaux s'ils ne sont pas dans un cursus universitaire. Envisagez-vous la création d'un diplôme national de troisième cycle spécifique aux écoles d'art et qui confère le statut d'étudiant ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - Les crédits consacrés aux monuments historiques bénéficient d'abord aux régions. Grâce à la subvention du ministère et à son fonds de roulement, le CMN pourra mener à bien les 30 millions d'euros de travaux prévus en 2016. Ces opérations étant disséminées sur le territoire, elles sont aussi financées par des crédits déconcentrés. Nous ferons en sorte que la baisse porte sur les crédits qui ont le moins d'impact sur notre politique patrimoniale. Je souligne toutefois que mon ministère jouit d'un traitement très favorable, puisque son effort se limite à 12 millions d'euros, sur un budget global de près de 3 milliards d'euros. L'effort portera sur de grosses opérations de l'État et n'aura guère d'impact sur leur réalisation, si ce n'est, à la marge, sur leur calendrier.

La Fondation du patrimoine est effectivement un partenaire précieux de mon ministère. La Cour des comptes a salué sa gestion en 2013 et relevé que son action n'aurait pas été possible sans des financements publics pérennes. Je suis dont très attentive à la contraction des ressources issues des successions en déshérence. La Fondation se mobilise pour y faire face mais je n'ai pas encore de réponse à vous apporter sur ce point, sur lequel j'ai d'ores et déjà entamé une discussion avec le ministère des finances.

L'ouverture sept jours sur sept des grands établissements était un objectif de longue date : il s'agit de créer un jour d'ouverture à destination des jeunes ou des publics les plus éloignés de la culture. Pour la mettre en oeuvre, mon ministère bénéficie de 65 créations nettes d'emplois, de la sanctuarisation de vingt emplois qui devaient être supprimés au Louvre et du maintien du budget de fonctionnement des trois établissements concernés. Le solde des créations d'emplois pour les opérateurs du programme 175 est positif même sans les emplois évoqués, qui n'ont donc pas été financés au détriment d'autres secteurs.

En 2016, le CMN a bénéficié de 27 créations d'emplois pour consolider son réseau. S'agissant d'un opérateur de l'État, le déplafonnement massif du plafond d'emplois est juridiquement impossible. J'en ai beaucoup discuté avec Philippe Bélaval et je continue à réfléchir à la question. Pour l'heure, aucune concertation n'a été engagée avec le personnel, et le CMN se concentre sur des opérations exceptionnelles comme celle de l'hôtel de la Marine... Cela dit, les monuments les plus visités sont déjà très largement ouverts : l'Arc de Triomphe l'est jusqu'à 23 heures.

Les moyens nouveaux pour le spectacle vivant comportent 3 millions d'euros pour les compagnies nationales, 2,5 millions d'euros pour revitaliser les résidences d'artistes et 2 millions d'euros pour favoriser les lieux intermédiaires qui offrent à la fois des espaces de production, de diffusion, de répétition et de fabrication numérique, comme la Friche la Belle de Mai par exemple. Ces tiers-lieux, hybrides, ne sont pas toujours bien pris en compte par les cadres traditionnels du ministère et je souhaite les promouvoir. Le développement du compagnonnage est encouragé à hauteur de 500 000 euros, comme le préconisaient les Assises de la jeune création. Les compagnies qui ne sont pas au plancher bénéficieront de 2 millions d'euros, et 500 000 euros seront consacrés à la création de pôles européens de production. Enfin, 2 millions d'euros iront à l'achèvement du plan SMAC.

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - Pourquoi n'y a-t-il pas de SMAC à Paris ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - C'est une question légitime. Nous privilégions les lieux où l'offre culturelle permet moins de traiter de nouvelles esthétiques.

Les nouveaux moyens consacrés aux arts plastiques renforceront la commande publique dans les territoires les moins bien pourvus. Ils contribueront aussi au soutien aux institutions d'art contemporain en région et favoriseront la politique de résidence et l'engagement de l'élaboration des schémas des arts visuels.

Oui, une convention collective des artistes plasticiens est indispensable. L'initiative en revient toutefois aux partenaires sociaux : ils y travaillent et je les appelle à intensifier leurs négociations. J'espère que leurs réunions, actuellement interrompues, reprendront dans les meilleurs délais, et j'appuierai personnellement leurs propositions auprès de la ministre du travail. La structuration des professions dans les arts plastiques est importante, car les professionnels de ce secteur sont souvent des travailleurs indépendants, qui ne bénéficient donc pas des outils forgés par le paritarisme. Depuis 2012, le ministère a accentué le dialogue et la concertation avec les associations qui les représentent et ouvert plusieurs chantiers complexes, dont la réforme du régime social des artistes auteurs. Nous avons toujours soutenu l'Association nationale de développement des arts de la mode (Andam), qui décerne un prix - essentiellement doté par les partenaires privés - aux jeunes créateurs, dont la situation est très difficile. Emmanuel Macron et moi-même avons confié à Lyne Cohen-Solal une mission sur l'enseignement supérieur, la formation professionnelle et la structuration du secteur de la mode ainsi que sur l'accompagnement des jeunes entreprises. Elle présentera ses conclusions en décembre lors d'un comité stratégique de filière.

J'ai décidé de la création d'un Conseil national de la photographie, qui verra le jour début 2016. Ce parlement de la photographie rassemblera tous les acteurs pour identifier les problématiques communes et formuler des propositions pour y répondre. En attendant, une mission de concertation est en cours sur les questions sensibles : salaire minimum des photojournalistes, droits réservés, droits d'auteur, protection sociale, délais de paiement...

La saison dernière s'est bien passée pour les festivals, dont certains ont enregistré des records d'affluence. Pour autant, nous devons rester attentifs. C'est pourquoi j'ai confié à Pierre Cohen la mission d'identifier les difficultés. Je prépare une circulaire clarifiant les critères d'intervention du soutien de l'État. Du reste, seule une centaine de festivals sur plusieurs milliers bénéficient de son aide. Un comité de rédaction associant France Festivals, Profedim et le Syndicat national des scènes publiques s'est réuni au printemps dernier pour proposer un texte qui fera l'objet d'une concertation.

Le rabot de 5 millions d'euros sur le programme 224 ne portera pas sur nos priorités en matière d'éducation artistique et culturelle. Les économies seront rendues possibles par de décalages dans les projets d'investissement, par exemple à l'école d'architecture de Marseille ou à celle de Bordeaux, ce qui ne remettra pas en cause la priorité assignée à la démocratisation de la transmission des savoirs.

Nous consacrons 8 millions d'euros supplémentaires au plan de soutien aux conservatoires, avec un volet ambitieux d'éducation et de formation artistiques en faveur de la jeunesse, de la diversité artistique et culturelle et de l'irrigation culturelle des territoires. La révision des critères d'intervention de l'État en faveur des conservatoires est menée par un groupe de travail du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC). Les pistes de travail portent sur la mise en oeuvre de pratiques pédagogiques innovantes, le développement des pratiques collectives, la diversification de l'offre artistique, le développement de projets en réseau entre les différents lieux d'enseignement artistique et la mise en oeuvre d'une politique sociale en faveur de l'ouverture au plus grand nombre. Le groupe de travail mène une consultation à l'issue de laquelle il me rendra des propositions, sur le réengagement financier comme sur la révision des critères de classement. Dès la semaine prochaine, associations représentatives du secteur, enseignants, parents d'élèves, directeurs de conservatoires et autres acteurs partenaires seront entendus.

Conformément à l'article 85 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, le Gouvernement a évalué les conditions d'un alignement du statut des professeurs territoriaux d'enseignement artistique sur celui des professeurs des écoles nationales supérieures d'art. Ce rapport, transmis au Parlement en avril, préconise la création d'un statut spécifique reprenant les missions et la grille indiciaire des seconds et la convergence des conditions de recrutement, à bac+5. Cette réforme coûterait entre 1,5 et 2,5 millions d'euros. Le ministère de la culture sollicitera les ministères de la fonction publique, du budget, de l'intérieur et de l'enseignement supérieur afin d'élaborer ce nouveau statut. Le 30 octobre, à Lyon, je me suis engagée à m'impliquer personnellement dans ce dossier.

Un plan de financement en cours de finalisation prévoit 500 000 euros supplémentaires pour consolider et préfigurer la création de troisièmes cycles dans les écoles d'art. L'aide du ministère de la culture, à hauteur de 25 000 euros par troisième cycle, est systématiquement complétée par les collectivités territoriales partenaires, voire d'autres institutions. Une aide particulière est prévue pour l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (Ensba), l'École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) et l'École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (Enssib), qui n'avaient pas été accompagnées au moment du passage au système LMD.

Mme Marie-Christine Blandin . - Vos paroles sur les difficultés du monde de la culture font plaisir. Votre engagement gagnerait à être accompagné de celui de certaines sociétés de perception et de gestion des droits d'auteur, qui dorment sur des milliards quand les salles de spectacle sont en détresse. Si elles n'ont pas la main sur le coeur, nous pourrions avoir la main sur la loi.

Les mesures votées par l'Assemblée nationale minorent votre élan positif de 0,17 %. Il serait question que le couperet tombe plus fort sur le patrimoine et la transmission des savoirs, à hauteur de 0,47 %. J'ai bien entendu que le rabot n'entamerait pas les parcours d'éducation artistique et culturelle, auquel nous tenons beaucoup. En octobre, vous avez dit qu'il fallait rééquilibrer les champs d'intervention pour être en phase avec la société. Nous sommes tous d'accord pour ouvrir les musées et soutenir les lieux d'élite pour tous. Nous sommes lettrés, contre la barbarie, mais certaines personnes ne nous suivent pas dans cet élan vers la culture. Je plaide pour les musiques actuelles : les SMAC, qui ne sont pas présents sur tout le territoire, ne suffisent pas. Il faut des lieux de répétition, de pratique musicale, qu'ont choisie 80 % des Français. Le pourcentage du budget qui leur est alloué est ridicule.

L'augmentation que vous avez portée pour tout le spectacle vivant laisse de côté le domaine des arts du cirque, organisé autour de douze pôles nationaux. Ils ne coûtent pourtant pas cher et sont au plus près des quartiers.

Mme Françoise Férat . - Les crédits en faveur des monuments historiques sont certes maintenus, mais l'État doit soutenir les églises classées qui ne lui appartiennent pas. Dans la Marne, elles sont souvent dans un état sanitaire alarmant, car le coût de leur entretien est trop élevé : imaginez ce que représente 700 000 euros de travaux pour une commune de 150 habitants ! Il faut attendre parfois longtemps une décision favorable de la Drac pour engager les travaux et obtenir le financement lié du département. Les monuments qui appartiennent à l'État reçoivent des fonds en priorité, bien sûr, mais n'oublions pas les autres. Nous allons démolir des églises classées, ce qui est parfaitement insoutenable... Sans compter que de l'activité et des emplois sont en jeu.

M. Jean-Louis Carrère . - Posez donc votre question !

Mme Françoise Férat . - Enfin, le régime fiscal des monuments historiques dit Malraux, profondément réformé par la loi de 2014, le sera à nouveau dans le projet de loi de finances et la LCAP. Vous avez, j'imagine, pris connaissance des propositions du rapport de notre collègue Vincent Eblé sur la dépense fiscale et la préservation du patrimoine historique bâti. Pouvez-vous nous indiquer quelques pistes sur l'application de cette fiscalité ?

Mme Colette Mélot . - Vous avez communiqué sur la croissance du budget en 2016, or celle-ci intervient après une lourde ponction de 4 % en 2013 et de 2 % en 2014 et une stagnation en 2015. En mai, le Premier ministre a même reconnu que la baisse du budget de la culture avait été une erreur. À périmètre constant, les crédits alloués à la culture en 2016 restent inférieurs à ceux de 2012.

Mme Christine Prunaud . - Je me suis entretenue avec le président du Conseil national du livre (CNL), où je représente notre assemblée. Sa situation est très fragile en raison, notamment, de la diminution des taxes de reproduction. Que pensez-vous de la proposition de prélèvement sur l'édition des livres émise par le CNL ?

Mme Françoise Laborde . - Un crédit d'impôt vise à soutenir le cinéma sur tout le territoire. Existe-t-il une ligne budgétaire spéciale pour inciter au tournage de films dans les territoires ruraux ? Des emplois secondaires pourraient être créés. Le CNC décide-t-il seul du maintien des subventions aux festivals de cinéma ? Je pense à celui de Luchon, dont la subvention a beaucoup baissé sous prétexte que le CNC a moins d'argent - ce qui serait de notre faute !

Mme Marie-Pierre Monier . - Je salue l'augmentation des crédits. La budgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP), très positive dans le contexte de rigueur budgétaire, sécurisera un financement extrêmement aléatoire qui fragilisait l'Inrap et les autres opérateurs, publics ou privés. Élue d'un territoire rural, je suis attachée à la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine culturel local, qui représente souvent un enjeu économique pour les communes. Le budget du patrimoine monumental a baissé drastiquement depuis 14 ans, avant de remonter légèrement l'an dernier et cette année. Je me réjouis que 70 % des crédits soient destinés à des opérations en région. Réserver l'ouverture de certains musées aux scolaires un jour par semaine est aussi très positif. Les subventions aux musées nationaux sont en légère hausse, après neuf années de baisse. Je regrette cependant que le rééquilibrage des crédits en faveur des musées de province amorcé en 2015 ne soit pas confirmé en 2016. La budgétisation de la RAP financera-t-elle les opérations d'archéologie préventive menées par les collectivités ayant reçu l'agrément, et ce financement remettra-t-il sur pied l'Inrap ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - Hier j'ai annoncé la création d'un fonds d'urgence pour soutenir les petits opérateurs privés, notamment les petites salles qui vont connaître des difficultés avec les annulations de ces derniers jours. Lors de ma rencontre avec le CNV, j'ai invité les sociétés de perception et de répartition des droits à participer à ce fonds. La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) a annoncé qu'elle y consacrera 500 000 euros ; la société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) y participera aussi, pour un montant qui sera connu le 26 novembre à l'issue de la réunion de son conseil d'administration.

Je partage la nécessité d'un rééquilibrage des interventions, géographique et esthétique. J'incite les grandes institutions parisiennes à systématiser leur intervention en dehors de l'Île-de-France, puisqu'elles perçoivent une grande partie du budget de la culture. Je souhaite que l'ouverture à des esthétiques nouvelles soit abordée dans le dialogue avec les conservatoires sur les 8 millions d'euros supplémentaires engagés. La création d'un diplôme d'enseignement supérieur de danse hip-hop fait partie de cette ouverture. La priorité à l'éducation artistique et culturelle passe aussi par la reconnaissance de ces nouvelles esthétiques. Nous consacrons 27 millions d'euros aux musiques actuelles, dont 12 millions d'euros aux SMAC ; plusieurs ouvriront prochainement, à Annonay, Sainte-Croix Volvestre, Mont-de-Marsan et Bergerac. Un nouveau pôle d'arts du cirque ouvrira prochainement à Châlons-en-Champagne. La loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine reconnaît les circassiens comme professionnels du spectacle, ce qui leur octroie de nouveaux droits sociaux.

L'effort de l'État en faveur du patrimoine religieux s'élève à 100 millions d'euros par an. L'État prend en charge 40 à 50 % du coût des travaux, en fonction du potentiel fiscal des communes. La Fondation du patrimoine contribue elle aussi activement à sa conservation, par des campagnes efficaces de mécénat populaire. L'association La Sauvegarde de l'art français joue également un rôle important en aidant les propriétaires d'édifices religieux antérieurs à 1800. Les petites communes dotées de monuments importants peuvent faire appel aux services de l'État pour une assistance à maîtrise d'ouvrage ou pour sécuriser les Trésors.

Le rapport Eblé fait des propositions très intéressantes sur la fiscalité, sur lesquelles mes services travaillent déjà. Le dispositif Malraux sera maintenu pour les espaces protégés et les nouvelles cités historiques.

Le budget du ministère de la culture dépasse 1 % du budget général. Nous pouvons financer nos priorités. Nous bénéficions d'une augmentation considérable des moyens alloués, auxquels il faut ajouter les crédits d'impôt. Je suis donc très satisfaite.

Le niveau du fonds de soutien du CNC, qui a baissé depuis plusieurs années, sera stabilisé en 2016. Le soutien à la diffusion et au rayonnement reste une priorité. L'examen des festivals est mené au cas par cas, chaque année : le CNC peut reconsidérer sa position d'une année sur l'autre.

Le crédit d'impôt pour la relocalisation des tournages concerne l'ensemble du territoire. De nombreux pôles d'excellence ont été créés, en Île-de-France, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, à Annecy... L'installation de tournages est aussi souvent liée à l'accompagnement de la région. Les conseils régionaux doivent être sensibilisés pour que le territoire rural soit attractif. Notons que ces crédits d'impôt portent déjà leurs fruits.

La RAP a fait l'objet de quatre réformes depuis sa création, mais aucune n'a jamais offert un rendement suffisamment régulier pour assurer le financement de l'archéologie préventive. La gestion de ce dispositif étant excessivement complexe, j'en ai obtenu la budgétisation à hauteur de son plafond, soit 118 millions d'euros, comme le préconisait le rapport de Martine Faure. Le budget 2016 assure une sécurisation sans précédent à l'Inrap, aux collectivités territoriales et au Fonds national pour l'archéologie préventive (Fnap). La taxe est maintenue selon le principe aménageur-payeur, mais directement reversée au budget général. Les collectivités territoriales qui réalisent des diagnostics se voient attribuer une subvention de 10 millions d'euros - montant jamais atteint ces dix dernières années. Le Fnap est doté de 35 millions d'euros pour participer au financement des fouilles liées à des aménagements d'intérêt général.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Abordons les questions portant sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. Patrick Abate , rapporteur pour avis des crédits « Presse» . - Les accords Schwartz entre l'État, la Poste et les éditeurs de presse relatif à l'aide postale arrive à échéance le 31 décembre 2015. Vous avez annoncé en juin que le reciblage des aides à la presse sur l'aide au pluralisme modifierait le dispositif en profondeur. La baisse des crédits associés fait craindre une augmentation conséquente des tarifs postaux pour les publications jugées non prioritaires. Si l'on peut comprendre la philosophie de cette réforme, ne craignez-vous pas qu'elle porte un coup fatal à la solidarité indispensable entre familles de presse, qui fonde, depuis la loi Bichet, l'ensemble du système de distribution ?

Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis des crédits « Livre et industries culturelles » . - Les ressources issues de la taxe sur la reprographie, dont dispose le CNL, sont en érosion et la taxe sur les éditeurs pâtit d'un très faible rendement. L'opérateur se verra, en 2016, dans l'obligation de limiter le champ de ses interventions, pourtant essentielles, en faveur du livre et de la lecture. Envisagez-vous d'affecter de nouvelles ressources au CNL ?

M. Jean-Pierre Leleux , rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel » . - La nécessité d'une réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) fait consensus, mais elle est encore différée. C'est dommage. La baisse continue du nombre de téléviseurs va rendre plus aléatoire le montant de la recette procurée par la CAP. Une réforme sera-t-elle possible en 2017 ? Seriez-vous d'accord pour que le Gouvernement rende un rapport au Parlement sur la possibilité d'une réforme « à l'allemande », conduisant à une perception sur l'ensemble des ménages, formule qui recueille le soutien des dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public et des syndicats ? Vous compensez l'absence de réforme par une augmentation de la taxe sur les opérateurs, de 0,9 à 1,3 %. L'affectation des 0,9 %, si elle était effective, serait suffisante pour régler certains problèmes.

Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux recommandations du rapport de la Cour des comptes d'avril 2015 sur Radio France ? Pourquoi le projet de contrat d'objectifs et de moyens ne prévoit-il ni la réforme des formations musicales ni la fusion des rédactions qui auraient évité de renvoyer le retour à l'équilibre des comptes à 2018 ?

L'augmentation des ressources propres de France Télévisions à travers les droits attachés à la production est une priorité pour réduire le besoin de financement public. Le Gouvernement envisage-t-il des modifications législatives à brève échéance pour que les diffuseurs puissent faire évoluer leur modèle économique ?

Avez-vous engagé, à la demande de Radio France, une modification du périmètre de la publicité, comme je l'ai entendu ? Quelle serait-elle ?

Mme Claudine Lepage , rapporteur pour avis des crédits « Audiovisuel extérieur » . - Le 8 avril, TV5 Monde était frappé par une cyberattaque de grande ampleur. Quelles conséquences le Gouvernement en a-t-il tiré ? Une telle attaque pourrait-elle se reproduire, sur une autre société de l'audiovisuel public ? Quels sont les moyens mobilisés pour la cybersécurité ?

France 24, RFI et TV5 Monde disposent d'importants moyens d'information. Comment seront-elles associées au projet de chaîne d'information en continu de France Télévisions ? Compte tenu des difficultés de définition du projet, un lancement en septembre 2016 est-il encore réaliste ? Pourrait-on envisager un lancement début 2017, afin de doter cette chaîne d'une équipe, d'une identité, de moyens et d'un mode de diffusion adaptés ?

Mme Corinne Bouchoux . - Qu'envisagez-vous pour régler la question de la dette viscale de Mediapart et d'Arrêt sur images due au taux différentiel de TVA entre presse papier et médias en ligne ? Quid du critère de respect des droits réservés des photographes, que l'on spolie allègrement ? À quand sa prise en compte dans l'octroi des aides à la presse ? Il n'y a pas de raison d'aider une presse qui spolie ses photojournalistes. Quelles sont les raisons de la hausse du budget d'Hadopi ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis . - J'avais préparé un amendement créant un crédit d'impôt pour les séries télévisées, sur le modèle de ce qui existe pour le cinéma. De plus en plus, il s'agit de la même industrie, des mêmes acteurs, des mêmes moyens et de la même tendance à la délocalisation des tournages, d'où la nécessiter d'inciter au rapatriement des tournages en France. L'Assemblée nationale l'a voté : elle en a relevé le taux, ainsi que le plafond. Je serai vigilant à ce que cette modification ne soit pas supprimée au Sénat.

Nous sommes partisans de l'élargissement de l'assiette de la redevance afin de pérenniser ce qui représente quasiment la seule ressource du service public, faute de rétablissement de la publicité après 20 heures. Faisons en sorte que cette ressource ne décline pas. L'engagement de ne pas augmenter les impôts ne doit pas empêcher d'apporter une réponse globale pour pérenniser ces recettes. Je doute de l'avenir du service public sans réforme de la CAP. Le financement du service public par l'impôt garantit son indépendance.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Lors du débat sur la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique, le Gouvernement avait accepté d'ouvrir des négociations avec les opérateurs techniques de diffusion pour indemniser leur préjudice, et annoncé que des crédits seraient inscrits dans un texte budgétaire d'ici la fin de l'année. Où en sont ces négociations ? Cette inscription est-elle toujours envisagée ?

Les événements récents nous rappellent à quel point le combat pour la liberté d'expression et la diffusion de nos valeurs dans le monde sont essentiels. Trois scénarios portant sur les ressources de France Médias Monde sont envisagés. Nous assurez-vous que vous soutiendrez le troisième, qui prévoit une progression moyenne annuelle des ressources de 2,1 %, quand les deux autres prévoient un maintien voire un tassement des moyens ?

Mme Fleur Pellerin, ministre . - Le Gouvernement a mandaté M. Emmanuel Giannesini pour proposer des pistes sur la sortie des accords Schwartz, à partir de 2016. Les arbitrages, en cours, seront partagés avec vous. C'est au nom de la solidarité entre les familles de presse que nous avons choisi de ne pas distinguer les taux de TVA, contrairement à des pays voisins ; cette solidarité en est la contrepartie. La soutenabilité tarifaire sera au coeur des décisions du Gouvernement. 2016 sera une année de transition puisque le classement des titres entre presse de loisirs et du savoir prendra six à neuf mois - il n'est pas question de distinguer entre bonne et mauvaise presse, mais de décider de l'allocation des deniers publics. Pendant cette année, je souhaite que l'ensemble de la presse magazine bénéficie d'un tarif postal le plus proche possible de l'inflation, et qu'il soit connu au plus vite.

Nous avons constaté la baisse brutale et préoccupante du rendement des taxes alimentant le CNL. Pour en analyser les causes et proposer des solutions, j'ai demandé, avec le ministre des finances, un rapport à l'Inspection générale des affaires culturelles et au Contrôle général économique et financier. Nous l'attendons dans les jours qui viennent. Sans attendre, le CNL doit construire son budget en tenant compte de la tendance constatée en 2014 et 2015. Des pistes plus structurelles, comme une modification de l'assiette des taxes, pourront être envisagées en 2016.

Les modes d'accès à la télévision ont très fortement évolué, l'accès se faisant de plus en plus par Internet et non plus grâce à une antenne râteau. L'affectation à l'audiovisuel public d'une partie de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques tient compte de cette évolution. Le succès commercial des offres à haut et très haut débit tient largement à la circulation des oeuvres, il n'est donc pas illogique que les opérateurs économiques qui en bénéficient contribuent à financer la création. Plusieurs pistes de réforme de la contribution à l'audiovisuel public ont été étudiées. Les choix doivent être les plus consensuels possibles, conjuguer justice sociale et modernité. Nous continuons à travailler sur les différentes hypothèses ; le Parlement sera associé à ces réflexions en temps utile.

Conformément à ses engagements, l'État apporte à Radio France une dotation en capital de 55 millions d'euros pour l'achèvement du chantier de rénovation de la maison de la radio. La dotation d'investissement est de 25 millions d'euros sur trois ans, pour un retour à l'équilibre en 2018. Nous avons clarifié les priorités stratégiques de Radio France dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens. J'ai dit mon attachement à la complémentarité des antennes, au soutien à la création, à la musique, à l'éducation de la jeunesse à l'information, et à la stratégie numérique de l'entreprise, afin que les valeurs du service public restent au coeur de l'action de Radio France. J'ai dit à son président, en avril, qu'il fallait réformer les formations musicales, y compris dans leur dimensionnement et leur organisation, pour plus que jamais faire rayonner la culture de notre pays. Nous avons besoin de plus de musique, plus de spectacle, dans la période actuelle. La fusion des deux orchestres n'a pas été retenue dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens : ce serait affaiblir l'offre musicale pour des économies incertaines. M. Stephan Gehmacher, directeur musical de la Philharmonie de Luxembourg, missionné par Radio France, a formulé des recommandations avant l'été. Le projet de contrat d'objectifs et de moyens prévoit la mise en place de services transverses, dans le respect des identités de chaque antenne. La diversité fait partie de l'ADN de Radio France : il faut faire attention au risque d'uniformisation et préférer une démarche pragmatique au mécano institutionnel.

J'ai dit, à mon arrivée au ministère, que nous devions faire de la production audiovisuelle, notamment de fiction, une priorité. Depuis janvier, je travaille avec tous les acteurs pour renforcer cette filière, en soutenant la création - audace et innovation font partie de la feuille de route de Delphine Ernotte - mais aussi le rayonnement de la création française, et en travaillant à un meilleur partage des risques entre producteurs et diffuseurs. J'ai engagé, à cette fin, une négociation sur l'amélioration de la transparence dans ce secteur, dont je souhaite qu'elle aboutisse rapidement à un accord professionnel. De même, j'ai inscrit des dispositions législatives sur ce sujet dans le projet de loi que je porte. J'ai également engagé un rééquilibrage des relations entre producteurs et diffuseurs, notamment par le décret du 27 avril qui accorde aux diffuseurs la possibilité de prendre des parts de coproduction sur les oeuvres indépendantes qu'ils financent largement. Il faut accompagner la mutation des activités des diffuseurs, qui souhaitent une plus grande implication. Des discussions sont en cours entre France Télévisions et les organisations de producteurs. Ces évolutions doivent être menées sans bouleverser la production indépendante, qui doit être forte et ambitieuse. Aussi, je me réjouis que l'Assemblée nationale ait renforcé le crédit d'impôt en faveur de la fiction, en revalorisant le taux de 20 à 25 % et augmentant les plafonds, et j'espère qu'il sera confirmé par le Sénat. Nous démontrons ainsi notre volonté de soutenir la production audiovisuelle.

Le Gouvernement souhaite ouvrir le régime publicitaire à tous les annonceurs, par souci de sécurité juridique, tout en encadrant la durée horaire des publicités, y compris pendant la tranche matinale. Une consultation publique était ouverte jusqu'au 1 er novembre. L'objectif est de maintenir le chiffre d'affaires publicitaire au niveau observé ces dernières années, soit 42 millions d'euros. Il n'est pas question d'augmenter le volume de publicité.

Concernant le projet de chaîne publique d'information continue : dès le mois de mars, nous avons tracé les orientations stratégiques de France Télévisions. Nous avons besoin d'une information pluraliste, indépendante, décryptant le monde contemporain. Les complémentarités entre les organismes de l'audiovisuel public sont importantes. L'offre publique d'information était l'un des sujets du comité stratégique de l'audiovisuel public, qui s'est tenu le 21 octobre. Différents sujets d'intérêt commun y ont été abordés. La présidente de France Télévisions présentera son projet en fin d'année, afin de le lancer à la rentrée 2016. Ce calendrier ambitieux traduit la mobilisation des acteurs concernés. Le Parlement sera étroitement associé à ce chantier.

La cyberattaque dont TV5 Monde a été victime, le 8 avril, a été particulièrement violente. La réaction extrêmement rapide des équipes techniques et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) a prévenu la destruction totale de ses infrastructures informatiques. Les organismes de l'audiovisuel public ont intégré les recommandations de l'Anssi. J'ai souhaité qu'ils réfléchissent en commun aux moyens de renforcer leur cybersécurité. La reconstruction du système d'information de TV5 Monde et le renforcement de sa sécurité informatique coûtera 4,9 millions d'euros en 2015, 2,9 millions d'euros en 2016, puis 2,4 millions d'euros par an. Nous avons accepté le redéploiement en cours d'année de 1,2 million d'euros destinés à l'acquisition de programmes français vers les frais communs, confirmé l'augmentation de 0,7 million d'euros de la dotation de TV5 Monde en 2016 et lui avons laissé le bénéfice intégral de l'économie fiscale de 1,7 million d'euros lié à son financement par la contribution à l'audiovisuel public.

Le budget de la Hadopi est effectivement en hausse : il sera de 8,5 millions d'euros en 2016. Cet effort significatif intervient après des années où la haute autorité a largement puisé dans son fonds de roulement. Il s'agit donc d'un rattrapage qui lui permettra de maintenir le périmètre de ses missions actuelles.

Je rappelle l'attachement du Gouvernement au taux de TVA super-réduit sur l'ensemble de la presse, imprimée ou en ligne. La Commission européenne a infléchi sa position. Nous continuons d'appuyer le souhait de la Commission de faire évoluer la directive sur la TVA dès 2016 dans le sens de la neutralité fiscale - sujet soumis à l'unanimité des États membres. Le Gouvernement poursuit son oeuvre de conviction sur la substituabilité entre presse imprimée et en ligne. Il ne m'appartient pas d'interférer dans la situation fiscale de Mediapart , mais j'espère qu'il trouvera une solution avec l'administration fiscale afin de passer cette période délicate pour sa trésorerie.

Le résultat des enchères sur les fréquences de la bande des 700 MHz ont été très positives. Le Gouvernement, soucieux des conséquences économiques sur les opérateurs de diffusion, privilégie la voie du compromis en matière d'indemnisation. L'Inspection générale des finances a été saisie pour évaluer l'impact de ces opérations sur le marché de la diffusion. Les négociations, confidentielles, sont toujours en cours. Des propositions financières ont été adressées aux opérateurs. Je sais la détermination de M. Emmanuel Macron, comme du Premier ministre, à faire aboutir ces négociations. L'engagement du Gouvernement sera tenu, l'objectif restant le dépôt d'un amendement au projet de loi de finances pour 2016 au Sénat, ou au projet de loi de finances rectificative pour 2015. Cette mesure pourrait prendre la forme d'une hausse de l'enveloppe de 27,3 millions d'euros affectée à l'Agence nationale des fréquences (ANFR).

La dotation de France Médias Monde augmentera de 2 millions d'euros en 2016. S'y ajoute un effet fiscal favorable de 3,4 millions d'euros en 2016. En hausse de 2 %, le financement des chaînes est solidement assuré. Le contrat d'objectifs et de moyens, en cours de négociation, vous sera soumis pour avis rapidement. Nous discutons des différents scénarios avec les ministères des affaires étrangères et des finances. Nous choisirons l'option la plus respectueuse des missions de service public de France Médias Monde.


* 1 Les accords « Paul » avaient instauré, du 1 er janvier 2005 au 31 décembre 2008, un dispositif d'aide publique au transport postal de la presse qui prenait deux formes : d'une part, une aide à l'exemplaire, versée à La Poste pour le compte des éditeurs, destinée aux publications permettant de favoriser le pluralisme ; d'autre part, une aide à l'exemplaire distribué en zones peu denses pour permettre l'égal accès des citoyens aux publications de presse.

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