C. UNE INDISPENSABLE REMISE EN QUESTION DE NOTRE MODÈLE ÉCONOMIQUE DE FINANCEMENT DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Face à l'essoufflement des financements publics, il est indispensable de repenser le modèle économique de notre enseignement supérieur et d'être réaliste. Nécessité pour les établissements de disposer de plus de moyens, incapacité de l'État à assurer un financement à la hauteur des ambitions : le gouvernement se trouve face à une équation insoluble. Le réalisme économique nous impose de réfléchir à une potentielle hausse des droits d'inscription.

1. Pour une hausse raisonnable des frais d'inscription

Les avis sur l'« effet prix » des études pour l'attractivité et la qualité de l'enseignement supérieur français, demeurent très partagés :

- certains considèrent que le très faible niveau des droits d'inscription est l'un des facteurs de notre ascenseur social et de notre attractivité internationale et qu'il convient donc de ne pas y toucher 23 ( * ) 24 ( * ) ;

- d'autres, en revanche, mettent en avant les signaux « qualité » et « motivation » envoyés aux étudiants par des frais de scolarité plus élevés (« ce qui est cher a de la valeur») et préconisent un relèvement de ces frais 25 ( * ) 26 ( * ) 27 ( * ) .

Pour mémoire, chaque année, le montant des droits d'inscription pour les diplômes nationaux délivrés dans les établissements publics d'enseignement supérieur pour la prochaine rentrée universitaire est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l'enseignement supérieur et du ministre chargé du budget, avec un droit unique pour chacun des cursus (licence, maîtrise, doctorat) 28 ( * ) . Pour 2015-2016, ces droits s'établissent ainsi : 184 euros en licence, 256 euros en maîtrise, 391 euros en doctorat et 610 euros pour un diplôme d'ingénieur.

Pour l'année universitaire 2015-2016, les droits d'inscription ont été gelés et n'ont subi aucune augmentation par rapport à 2014-2015, ce qui correspond de fait à une diminution en euros réels.

Une hausse raisonnable des frais d'inscription (de l'ordre de 500 euros par an) semble constituer une piste intéressante. À condition qu'elle n'ait pas d'effet d'éviction sur les étudiants des classes les plus modestes (en étant compensée à due concurrence par un élargissement du système des bourses sur critères sociaux) ni sur les financements d'État, cette hausse semble incontournable pour redonner un nouveau souffle à notre système d'enseignement supérieur.

Elle permettrait d'abonder les budgets des établissements, de leur conférer une plus grande autonomie et une visibilité financière accrue et, le cas échéant, de leur permettre de mieux rémunérer les enseignants-chercheurs.

Elle aurait en outre l'avantage d'adresser un signal-qualité positif aux étudiants et aussi de leur permettre d'être plus exigeants quant à la qualité des formations dispensées.

Par ailleurs, à l'égard des étudiants étrangers, la fixation de droits de scolarité à hauteur du coût de revient de leur scolarité semblerait une mesure économiquement efficace. Afin d'éviter tout effet d'éviction, le programme des bourses du gouvernement français pourrait être adapté en conséquence.

2. Un secteur privé qui mérite d'être mieux reconnu dans sa contribution au service public de l'enseignement supérieur

À cet égard, le modèle économique de l'enseignement privé en France aujourd'hui ne doit pas être oublié. Il contribue puissamment à la mission de service public de l'enseignement supérieur.

Le secteur privé prend en effet sa part, et souvent plus que sa part, dans l'accueil des étudiants français. Depuis 1998, ses effectifs ont cru de 75 % alors que les effectifs du public n'augmentaient que de 6 %. En 2013, il accueillait près de 500 000 étudiants, soit 18,3 % de l'ensemble des étudiants français 29 ( * ) .

Évolution des enseignements privé et public depuis 2000 (base 100)
France métropolitaine + DOM

Sources : MENESR-DGESIP-DGRI-SIES et MEN-MENESR-DEPP

Et compte tenu de son mode de financement, il revient moins cher à l'État par étudiant. Or, les crédits qui sont consacrés aux établissements privés ont été réduits d'année en année (- 36 % depuis 2011 alors même que les crédits du programme 150 augmentaient de 4 % sur la même période).

Les crédits consacrés à l'enseignement supérieur privé atteignent aujourd'hui leur niveau d'étiage en-deçà duquel la pérennité de ces établissements n'est plus garantie. D'autant plus que ces établissements sont de surcroît très durement touchés par la réforme de la taxe d'apprentissage.

Dans le monde d'aujourd'hui, compte tenu de la contrainte budgétaire forte qui s'exerce sur l'État, nous devons apprendre à faire appel à « l'esprit de service public » des intervenants du secteur privé pour concourir, ensemble, à la réussite de nos étudiants.


* 23 Rapport du comité StraNES, « Pour une société apprenante - propositions pour une stratégie nationale de l'enseignement supérieur », septembre 2015.

* 24 Rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires étrangères et de l'Inspection générale de l'administration sur « L'accueil des talents étrangers », avril 2013.

* 25 Rapport d'information du Sénat n° 446 (2005-2005) de Monique Cerisier-ben Guiga et Jacques Blanc « L'accueil des étudiants étrangers : L'université, un enjeu international pour la France : « la gratuité des études n'est pas forcément un atout dans le cadre de la concurrence internationale ».

* 26 Rapport d'information du Sénat n° 547 (2012-2013) de Dominique Gillot et Philippe Adnot « Financement des universités : l'équité au service de tous » : Philippe Adnot y propose de « porter les droits de scolarité à la moyenne européenne, tout en renforçant le système des bourses » : « il serait envisageable de concentrer tout ou partie de cette hausse sur les étudiants étrangers non ressortissants de l'Union européenne ».

* 27 « Les étudiants étrangers : un enjeu de politique migratoire », Lettre du CEPII n° 338 du 20 décembre 2013 : cette étude montre que des droits plus élevés sont souvent plus attractifs.

* 28 Les formations d'ingénieurs et paramédicales ont toutefois leurs droits d'inscription spécifiques.

* 29 Rapport de l'IGAENR de juin 2015 « L'enseignement supérieur privé : propositions pour un nouveau mode de relations avec l'État ».

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