Avis n° 169 (2015-2016) de M. Louis NÈGRE , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 19 novembre 2015

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N° 169

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES :

TRANSPORTS FERROVIAIRES, COLLECTIFS ET FLUVIAUX

Par M. Louis NÈGRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 , 164 à 168 et 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'abandon de l'écotaxe a engendré 969 millions d'euros de frais pour l'État, en raison de la résiliation du contrat signé avec la société Écomouv' pour la collecte de cette taxe. Dès l'année 2015, 528 millions d'euros ont été ponctionnés à ce titre sur le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), alors même que le secrétaire d'État aux transports, Alain Vidalies, avait assuré lors d'une audition devant votre commission et la commission des finances en octobre 2014 que ces frais ne seraient pas imputés sur le budget de l'agence.

En conséquence, l'AFITF a dû reporter l'engagement de certaines dépenses, et surtout, le remboursement de ses retards de paiement. En effet, en 2013 et 2014, deux années particulièrement difficiles pour l'agence en raison des reports successifs de l'entrée en vigueur de la taxe poids lourds, l'agence a accumulé près de 700 millions d'euros de dette, essentiellement vis-à-vis de SNCF Réseau. À la fin 2015, cette dette n'a toujours pas été résorbée, engendrant des frais financiers non négligeables, de l'ordre de 20 millions d'euros par an.

La situation ne se présente pas mieux pour l'année 2016, puisque la part de TICPE affectée à l'AFITF, mise en place l'année dernière, a été réduite de plus de 400 millions d'euros, passant de 1,139 milliard d'euros à 715 millions d'euros. L'AFITF ne pourra donc engager de nouvelles dépenses qu'au prix de nouveaux reports du remboursement de sa dette vis-à-vis de SNCF Réseau.

Elle sera pourtant bientôt confrontée à de nombreux nouveaux engagements : les contrats de plan État-régions 2015-2020, le troisième appel à projets pour les transports collectifs en site propre (TCSP), et le paiement des loyers des contrats de partenariat signés pour la ligne à grande vitesse Bretagne - Pays de la Loire, le contournement Nîmes - Montpellier et la rocade L2 de Marseille, sans compter les projets à venir du Canal Seine - Nord Europe et de la liaison ferroviaire Lyon - Turin.

Or, aucune piste de financement crédible n'est annoncée pour que l'AFITF soit effectivement en mesure d'assumer l'ensemble de ses engagements, que ce soit en 2016 ou les années suivantes. Le Gouvernement renonce même à certaines recettes, en baissant d'un centime la fiscalité sur l'essence, pour des raisons démagogiques, puisqu'une telle incitation à consommer une énergie fossile est en contradiction avec l'engagement de notre pays en faveur de la transition énergétique et de la COP 21.

Dans le domaine ferroviaire, l'État tarde toujours à s'affirmer en tant qu'État stratège, là aussi en contradiction avec ce que prévoyait la loi de réforme ferroviaire du 4 août 2014. Une telle évolution serait pourtant indispensable dans de nombreux secteurs, qu'il s'agisse de la modernisation du réseau ferroviaire, de l'exercice de sa qualité d'autorité organisatrice des trains d'équilibre du territoire, du développement du fret ou encore du renforcement de la filière industrielle ferroviaire française.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur a appelé votre commission à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux lors de sa réunion du 4 novembre 2015. Le vote sur ces crédits a néanmoins été reporté après l'audition, par la commission, du secrétaire d'État aux transports, Alain Vidalies, qui s'est tenue le 12 novembre 2015.

Lors de sa réunion du 18 novembre 2015, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux.

I. UN FINANCEMENT ERRATIQUE DE LA POLITIQUE DES TRANSPORTS

A. DES CRÉDITS INSUFFISANTS POUR L'AGENCE DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFITF)

1. Un budget grevé en 2015 par le paiement de l'indemnité due à Écomouv'

L'AFITF a connu, en 2013 et 2014, deux années budgétaires difficiles, en raison des reports successifs de l'entrée en vigueur de l'écotaxe et, par conséquent, de la collecte des recettes qui lui étaient destinées. L'État a en effet commencé à réduire le montant de sa contribution au budget de l'agence alors même que la taxe n'était pas collectée et ne pouvait donc lui apporter les recettes prévues. Les ressources de l'AFITF ont ainsi diminué de 1,907 milliard d'euros en 2012 à 1,568 milliard en 2013 et 1,743 milliard en 2014. Dans ce contexte, elle a été contrainte de reporter certains paiements, et a ainsi accumulé, fin 2014, 693 millions d'euros de dette, essentiellement vis-à-vis de Réseau ferré de France.

En conséquence, pour 2015, après avoir décidé l'abandon de la taxe poids lourds, le Gouvernement avait décidé d'augmenter la fiscalité sur le gazole et d'affecter l'intégralité du produit de cette augmentation à l'AFITF, soit 1,139 milliard d'euros. Elle aurait ainsi dû disposer de 2,24 milliards de recettes, qui devaient lui permettre de financer ses engagements passés, d'en engager de nouveaux et de commencer à apurer sa dette vis-à-vis de Réseau ferré de France.

Source : AFITF. Les données 2016 sont des estimations faites à partir des hypothèses du projet de loi de finances pour 2016.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, et compte tenu des deux années difficiles qu'avait connues l'AFITF en 2013 et 2014, votre rapporteur et la rapporteure spéciale de la commission des finances, Marie-Hélène Des Esgaulx, s'étaient alors inquiétés de l'impact de la résiliation du contrat signé avec la société Écomouv' sur son budget. Interrogé à ce sujet lors d'une audition conjointe de votre commission et de la commission des finances, le secrétaire d'État aux transports, Alain Vidalies, avait alors affirmé : « Les recettes consacrées au financement des infrastructures sont non seulement fléchées, mais sécurisées pour l'année 2015. Quoiqu'il arrive, ce n'est pas sur ce budget là que l'on viendra ponctionner les sommes nécessaires au paiement d'une indemnité. »

Mais cette parole n'a pas été respectée, ce que votre rapporteur déplore. L'AFITF a ainsi dû assumer en 2015, sur son propre budget, 528 millions d'euros de dépenses supplémentaires, qui n'ont pas été prises en charge par l'État.

Cette somme, qui correspond pour l'essentiel à l'indemnité immédiate versée à la société Écomouv', ne couvre pas la totalité des frais liés à la résiliation du contrat, qui s'élèveront au total à 969 millions d'euros 1 ( * ) , soit 130 millions d'euros de plus que ce qui avait été évalué l'année dernière . Outre les 528 millions dépensés cette année à ce titre, l'AFITF devra verser, chaque année jusqu'en 2024, environ 50 millions d'euros pour le remboursement des « créances Dailly » 2 ( * ) cédées aux banques par Ecomouv' et reprises en charge par l'État.

Si le budget d'intervention de l'agence a pu être maintenu en 2015 à 1,844 milliard d'euros, c'est pour partie en raison d'un effet mécanique - la suppression de la dépense de 286 millions d'euros prévue pour le loyer d'Écomouv', et grâce à une recette nouvelle de 100 millions d'euros issue des sociétés d'autoroutes, mais aussi parce que l'AFITF a renoncé au remboursement d'une avance que lui avait faite l'Agence France Trésor, et parce qu'elle a ponctionné la quasi-totalité de son fonds de roulement, à hauteur de 63 millions d'euros - une opération qui ne sera plus possible en 2016.

En outre, l'AFITF n'a pas pu commencer à rembourser ses retards de paiement vis-à-vis de SNCF Réseau , qui s'élèvent aujourd'hui à 693 millions d'euros, et engendrent des frais financiers de l'ordre d'une vingtaine de millions d'euros. Elle a également dû différer certains engagements de crédits : respectivement 63 millions d'euros et 45 millions d'euros concernant les volets « transports collectifs » et « transports ferroviaires » des contrats de projets État-régions et 50 millions d'euros pour les lignes à grande vitesse Est et Tours-Bordeaux.

2. Un budget toujours insuffisant pour 2016

L'article 14 du projet de loi de finances pour 2016 réduit la part de TICPE affectée à l'AFITF de plus de 400 millions d'euros, en la faisant passer de 1,139 milliard d'euros à 715 millions d'euros. L'agence devrait au total disposer d'1,926 milliard d'euros de recettes.

Compte tenu de ses engagements passés, l'AFITF ne pourra engager de nouvelles dépenses qu'au prix de nouveaux reports du remboursement de ses retards de paiement vis-à-vis de SNCF Réseau .

Or, l'AFITF va être confrontée, dès 2016, à de très nombreux nouveaux engagements qu'elle sera en devoir d'assumer, mais dont elle n'aura, à l'évidence, pas les moyens en l'état actuel de la situation : les contrats de plan État-régions 2015-2020, le troisième appel à projets pour les transports collectifs en site propre (TCSP), puis, à partir de 2017, le paiement des loyers des contrats de partenariat signés pour la ligne à grande vitesse Bretagne - Pays de la Loire, le contournement Nîmes - Montpellier et la rocade L2 de Marseille, sans compter les projets à venir du Canal Seine - Nord Europe et la liaison ferroviaire Lyon - Turin. Il convient en outre de rappeler que le Gouvernement s'était engagé solennellement pour la réalisation du scénario 2 de la Commission « Mobilité 21 » présidée par Philippe Duron, soit le scénario le plus ambitieux en termes de réalisation d'infrastructures de transport. Mais aucune piste de financement crédible n'est annoncée pour l'instant pour que l'AFITF soit effectivement en mesure d'assumer l'ensemble de ces engagements, que ce soit en 2016 ou les années suivantes.

Au contraire, le Gouvernement a choisi de réduire d'un centime d'euro la fiscalité sur l'essence, en contrepartie d'une nouvelle augmentation d'un centime d'euro de la fiscalité sur le gazole pour les véhicules particuliers, en faisant adopter un amendement en ce sens à l'Assemblée nationale dans la première partie de la loi de finances pour 2016. D'après un calcul rapide, cela représente près de 160 millions d'euros auxquels le Gouvernement renonce pour des raisons démagogiques, car l'essence reste une énergie fossile, dont la consommation ne saurait être encouragée. Outre qu'elle prive le Gouvernement d'une recette utile qui aurait pu être affectée au financement des infrastructures de transport, cette attitude n'est pas conforme à l'engagement de la France en faveur de la transition énergétique et de la COP 21.

B. LES CRAINTES DES AUTORITÉS ORGANISATRICES DE LA MOBILITÉ

L'article 4 du projet de loi de finances pour 2016 augmente le seuil à partir duquel les entreprises sont assujetties au versement transport de dix à onze salariés, ce qui va se traduire par un manque à gagner, pour les autorités organisatrices de la mobilité, d'au moins 100 millions d'euros - certaines associations d'élus évoquent le chiffre de plusieurs centaines de millions d'euros.

Pour l'année 2016, ce montant sera intégralement compensé par un prélèvement sur recettes, qui sera égal à la différence entre le produit du versement transport recouvré et le montant qui aurait été perçu si le seuil d'application du versement transport n'avait pas été augmenté.

Mais rien ne peut garantir aujourd'hui que ce mécanisme sera préservé les années suivantes, ce qui inquiète votre rapporteur et le conduira à une vigilance toute particulière à ce sujet.

II. LES CRÉDITS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016 CONSACRÉS AUX TRANSPORTS FERROVIAIRES, COLLECTIFS ET FLUVIAUX

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 203

Les crédits consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux figurent dans le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », en particulier dans les actions suivantes :

- l'action n° 10 « Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires » ;

- l'action n° 11 « Infrastructures fluviales, portuaires et aéroportuaires » ;

- l'action n° 13 « Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestres » ;

- l'action n° 14 « Soutien, régulation et contrôle dans les domaines des transports fluviaux, maritimes et aériens » ;

- l'action n° 15 « Stratégie et soutien », regroupant les dépenses transversales au programme.

1. Les crédits consacrés aux transports ferroviaires et collectifs

L'action n° 10 « Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires » regroupe des crédits essentiellement destinés à l'amélioration de la performance du réseau ferroviaire. La priorité donnée à la modernisation du réseau existant tire les conclusions du constat effectué par l'école polytechnique de Lausanne sur l'état du réseau ferré national réalisé en 2005 3 ( * ) et actualisé en 2012 4 ( * ) . Elle a été confirmée par la commission Mobilité 21.

2,477 milliards d'euros (en autorisations d'engagements et crédits de paiement) sont prévus au titre de cette action, comme dans le projet de loi de finances pour 2015. Cette enveloppe, qui revient en intégralité à SNCF Réseau, se décompose de la façon suivante :

- 1 674 millions d'euros pour le financement de la redevance d'accès facturée par SNCF Réseau pour l'utilisation du réseau ferré national hors Île-de-France par les trains régionaux de voyageurs (TER) ;

- 529 millions d'euros pour le financement de l'utilisation du réseau ferré national par les trains d'équilibre du territoire (TET), dont l'État est l'autorité organisatrice ;

- 275 millions d'euros pour le financement de l'utilisation du réseau ferré national par les trains de fret.

Si les deux premières fractions de cette enveloppe ont été augmentées par rapport au projet de loi de finances pour 2015, la dernière fraction a été diminuée. Elle correspond de toute façon, depuis plus de deux ans, à une variable d'ajustement pour l'État, qui n'a pas reversé à SNCF Réseau la totalité des sommes prévues dans le cadre de la compensation « fret » ces deux dernières années 5 ( * ) .

Les crédits de cette action sont complétés par des fonds de concours provenant de l'AFITF, qui correspondent essentiellement à la part de l'État dans le financement des opérations contractualisées dans les contrats de plan ou de projets État-régions, pour les volets ferroviaire, transport combiné et transport collectif. Ils sont évalués à 415 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 339 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit 9% de moins que l'année dernière. Il s'agit toutefois encore d'une estimation, le budget de l'AFITF pour 2016 n'étant arrêté qu'en décembre.

L'action n° 13 « Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestres » est transversale aux différents modes de transports terrestres. Elle vise à :

- soutenir le report modal ;

- assurer un fonctionnement concurrentiel équitable des secteurs de transport ;

- soutenir les mesures de prévention contre les accidents ;

- accompagner les professions en difficulté.

Ses crédits s'élèvent à 47,9 millions d'euros en CP , soit une diminution de 9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, et 42,9 millions d'euros en AE, auxquels devraient s'ajouter des fonds de concours et attributions de produits, à hauteur de 32,7 millions en CP et 37 millions en AE.

Au sein de cette enveloppe, 25,9 millions d'euros servent à compenser à la SNCF les huit tarifications sociales nationales décidées par l'État afin de favoriser l'accès de certaines populations au transport ferroviaire. Il s'agit, par ordre décroissant d'utilisation, des billets familles nombreuses, des billets d'allers-retours populaires, des abonnements élèves, étudiants et apprentis, qui représentent à eux trois 90 % du trafic concerné, ainsi que des abonnements de travail, des tarifs réformés et pensionnés de guerre, du tarif accompagnateur de personnes handicapées civiles, du tarif promenade d'enfants et du permis de visite aux tombes.

Ces crédits ont fait l'objet d'une diminution régulière au fil des ans. Ils ont été réduits de 70 à 50 millions d'euros en 2012, puis 40 millions d'euros en 2013 et 30 millions d'euros dans les projets de loi de finances pour 2014 et 2015.

10 millions d'euros en AE et 15 millions d'euros en CP, en diminution d'1,4 million d'euros par rapport au projet de loi de finances pour 2015, sont destinés au soutien du transport combiné ferroviaire . Ils couvrent deux types de dépenses :

- le financement de services d'autoroutes ferroviaires, en particulier le nouveau service public de ferroutage franco-italien qui doit succéder au service exploité depuis 2003 entre Aiton et Orbassano, conformément aux termes de l'accord de Luxembourg du 9 octobre 2009 relatif au service de ferroutage entre la France et l'Italie ;

- le soutien au transport combiné, dont le dispositif a été prorogé pour la période 2013-2017.

En ce qui concerne la promotion de la politique des transports, deux dispositifs sont prévus :

- 1,8 million d'euros en AE et CP, en diminution de 500 000 euros par rapport au projet de loi de finances pour 2015, représente la contribution de l'État au financement des enquêtes-ménages-déplacements (EMD) ;

- 400 000 euros en AE et CP, en diminution de 50 000 euros, sont destinés à encourager le développement de l'usage du vélo et de sa complémentarité avec les autres modes de transport collectif, en appui des propositions et des actions du coordinateur interministériel nommé à cet effet.

L'enveloppe spécifiquement consacrée les années précédentes aux opérations d'organisation et de structuration des transports urbains et interurbains, favorisant les expériences innovantes, le développement de l'accessibilité des transports ou de l'intermodalité, de 900 000 euros dans le projet de loi de finances pour 2015, a été supprimée. La direction générale des infrastructures, des transports et de la mer indique à ce sujet que l'État continuera néanmoins de financer des actions en faveur de l'organisation ou de la structuration des transports collectifs, même si elles ne sont pas identifiées comme telles dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances.

Les crédits de l'action n° 13 devraient être complétés par des fonds de concours de l'AFITF. 33 millions d'euros en AE et 27,7 millions d'euros en CP sont par exemple prévus pour la mise en sécurité des passages à niveau et des tunnels, mais il s'agit encore une fois d'estimations.

2. Les crédits consacrés au transport fluvial

L'action n° 11 « Infrastructures fluviales, portuaires et aéroportuaires » comprend la subvention pour charges de service public versée à l'établissement public Voies navigables de France (VNF) , à hauteur de 251,5 millions d'euros en AE et en CP, réduite de 4 % par rapport au projet de loi de finances pour 2015. Cette subvention participe au financement du fonctionnement de l'établissement, y compris sa masse salariale, ainsi que des opérations d'investissement, dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance de l'établissement.

Cette action est complétée par 59,4 millions d'euros en CP provenant de l'AFITF pour le fluvial et le portuaire, en diminution de 3% par rapport à l'année dernière.

L'action n° 14 « Soutien, régulation et contrôle dans les domaines des transports fluviaux, maritimes et aériens » comporte 6,6 millions d'euros de crédits (en AE et en CP) de soutien au transport combiné maritime et fluvial , soit un million d'euros de moins que l'enveloppe prévue à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2015.

700 000 euros sont également prévus, comme l'an dernier, pour le soutien économique aux transporteurs fluviaux et maritimes . Cette enveloppe représente essentiellement la participation de l'État au plan d'aide à la modernisation et à l'innovation 2013-2017, qui finance des aides à la modernisation des flottes et à l'innovation.

3. Les crédits transversaux

L'action n° 15 « Stratégie et soutien » comprend les dépenses transversales au programme « Infrastructures et services de transport ». Ses crédits de paiement sont fixés à 16,6 millions d'euros, en diminution de 6,7 % par rapport à la loi de finances initiales pour 2015. Elle regroupe, d'une part, les dépenses d'études générales et de prospective (8,1 millions d'euros), d'autre part, les dépenses de logistique de la DGITM ou de services qui lui sont rattachés (8,5 millions d'euros).

B. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS »

Le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances indique que « pour tenir compte de l'augmentation des coûts d'exploitation des TET » , le montant des crédits consacrés à l'exploitation des TET augmentera de 191 à 217 millions d'euros . L'équilibre du compte est assuré par une augmentation concomitante de la contribution de solidarité territoriale (CST), versée par la SNCF.

Les crédits consacrés au matériel roulant restent inchangés, à hauteur de 118 millions d'euros .

III. POUR UN RETOUR DE L'ETAT STRATÈGE DANS LE DOMAINE FERROVIAIRE

A. LA NÉCESSITÉ D'UN ENGAGEMENT FORT DANS LA MODERNISATION DU RÉSEAU

La loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire a affirmé, à plusieurs reprises, le retour de l'État stratège dans le domaine ferroviaire. Si votre rapporteur avait soutenu cette démarche, il ne peut que déplorer que, dans les faits, l'État tarde à assumer effectivement ce rôle.

Dans le domaine de la modernisation du réseau par exemple, et alors que l'école polytechnique de Lausanne a démontré à deux reprises 6 ( * ) la nécessité d'un effort important en faveur de l'entretien et de la modernisation du réseau, l'État tarde à engager une politique volontariste. Cette question est en effet aujourd'hui renvoyée à la conclusion du contrat de performance que doit signer l'État avec SNCF Réseau, en application de la loi de réforme ferroviaire, aujourd'hui en cours de négociation.

Dans ce contexte, votre rapporteur réaffirme toute l'importance de mettre un frein au vieillissement du réseau et formule le souhait que l'État s'engage effectivement, et sans tarder, en ce sens.

B. POUR UN EXERCICE EFFECTIF, PAR L'ÉTAT, DE LA FONCTION D'AUTORITÉ ORGANISATRICE DES TRAINS D'ÉQUILIBRE DU TERRITOIRE

Comme l'avait exposé votre rapporteur dans son avis budgétaire sur les crédits de l'année 2015, l'offre des trains d'équilibre du territoire n'est aujourd'hui pas satisfaisante . Héritée de l'histoire et non définie en fonction des besoins, elle est très hétérogène et souffre d'une absence de coordination avec l'offre proposée par les régions. Sa piètre qualité de service, en particulier son matériel roulant vieillissant, conduit nombre de voyageurs à s'en écarter et à se tourner vers des modes de transport alternatifs.

Dans son rapport particulier de juillet 2014 sur les trains d'équilibre du territoire rendu public le 13 février 2015, la Cour des comptes a également souligné les carences du pilotage de cette offre par l'État , qui en est pourtant devenu l'autorité organisatrice en 2010, en signant une convention avec la SNCF pour l'exploitation de ces trains.

Alors que l'État aurait pu reprendre ce dossier en main dès la fin de l'année 2013, à l'issue de cette convention, il n'a fait que repousser cette échéance depuis cette date, en prolongeant cette convention ou en signant des « conventions-relais » sur le même modèle que la convention initiale.

Certes, en novembre 2014, le Gouvernement a mis en place une commission sur « l'avenir des trains d'équilibre du territoire », présidée par Philippe Duron et composée de parlementaires, d'élus régionaux et de personnalités qualifiées. Elle a remis ses conclusions le 25 mai 2015, en insistant elle aussi sur la nécessité d'un exercice effectif, par l'État, de son rôle d'autorité organisatrice. Parmi les autres propositions formulées par cette commission, qui concernent la consistance de l'offre, la qualité de service et le renouvellement du matériel roulant, votre rapporteur réitère son vif soutien à celle d'une expérimentation de l'ouverture à la concurrence.

Il lui semble en effet illogique que le Gouvernement ait refusé, lors de l'examen de la loi portant réforme ferroviaire, toute ouverture à la concurrence dans le domaine ferroviaire, qu'il ait à nouveau défendu cette position à Bruxelles dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire, pour ensuite décider, sans crier gare, dans la loi sur la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, d'autoriser la libéralisation du transport par autocar. Si votre rapporteur n'est pas opposé à cette dernière mesure, il ne peut que constater qu'elle met frontalement en concurrence les modes ferroviaire et routier, sans offrir au premier les moyens de s'adapter, puisqu'il n'a, lui, pas été ouvert à la concurrence.

Après la remise des travaux de la commission présidée par Philippe Duron, le Gouvernement a présenté, le 7 juillet 2015, une feuille de route sur les trains d'équilibre du territoire. Mais celle-ci reporte encore à 2016 toute évolution majeure dans ce domaine. En effet, une mission de concertation avec les régions a été confiée au préfet François Philizot, pour discuter des évolutions de desserte à mettre en oeuvre . Or, les élections régionales et l'évolution de la carte des régions l'empêcheront de rendre ses conclusions avant le courant de l'année 2016. Si votre rapporteur comprend cet enjeu, il ne peut que regretter que l'État ait perdu plusieurs années dans la reprise en main de ce dossier.

C. L'ENJEU DU FRET FERROVIAIRE

Votre rapporteur s'était inquiété, l'an dernier, d'une éventuelle disparition de la compensation « fret » versée par l'État à SNCF Réseau pour financer une partie du coût marginal d'utilisation imputable au fret et ainsi éviter aux entreprises de subir une hausse élevée des péages qui les détournerait de ce mode de transport.

Au-delà même de l'existence de cette compensation, en 2013 et en 2014, l'État n'a pas assumé la totalité de l'enveloppe qu'il était censé reverser à SNCF Réseau dans ce cadre, ce qui a représenté, pour SNCF Réseau, un manque à gagner de 232 millions d'euros. C'est d'ailleurs pour ce motif que l'Autorité de régulation des activités ferroviaire (Araf) a refusé à deux reprises, cette année, de valider les tarifs des péages fret pour l'année 2016 7 ( * ) . Elle ne les a acceptés qu'après avoir obtenu l'engagement de l'État que ses éventuels défauts de paiement pourraient être financés par une fraction du dividende de SNCF Mobilités 8 ( * ) .

Votre rapporteur relève néanmoins que ce montage financier ne correspond pas du tout à l'esprit de la réforme du 4 août 2014, qui était d'utiliser ces dividendes pour désendetter le réseau - et non pour répondre aux difficultés budgétaires de l'État .

Par ailleurs, il déplore les augmentations des tarifs de péages que devront subir les entreprises, de 6,27 % en 2016, puis 2,4 % en 2017 . Ces augmentations sont en totale contradiction avec la situation économique dégradée qu'elles connaissent et risquent d'avoir pour conséquence un nouveau recul de ce mode de transport, peu compatible avec l'engagement de la France en faveur de modes de transport plus durables.

D. L'ORGANISATION DE LA FILIÈRE INDUSTRIELLE FERROVIAIRE

Votre rapporteur tient à souligner une nouvelle fois, comme il l'a fait à de nombreuses reprises, et notamment lors d'un débat qui a eu lieu au Sénat le 9 juin 2015 sur l'avenir de l'industrie ferroviaire française, la nécessité d'un engagement fort de l'État en faveur de cette filière . Alors que cette industrie a longtemps été un atout pour la France, elle est aujourd'hui confrontée à une nette diminution de son plan de charge qui risque de se traduire dès 2017 par des pertes importantes d'emplois et de compétences, avec des conséquences irréversibles pour son avenir.

Or, si le secrétaire d'État aux transports a annoncé 1,5 milliard d'euros d'investissements supplémentaires dans le matériel roulant des trains d'équilibre du territoire, le calendrier de ces nouvelles commandes reste encore à préciser.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DE M. ALAIN VIDALIES, SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DES TRANSPORTS, DE LA MER ET DE LA PÊCHE

Réunie le jeudi 12 novembre 2015, la commission a entendu M. Alain Vidalies, secrétaire d'Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, et de l'énergie.

M. Hervé Maurey , président. - Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes heureux que vous soyez venu répondre à un certain nombre de questions sur le budget de la mission Ecologie.

On observe en effet une diminution globale des crédits de cette mission, une baisse des autorisations de programme supérieure à 8 %, et une baisse des crédits de paiement de l'ordre de 1,9 %. Nous sommes certes dans une période d'efforts budgétaires, mais on a du mal à comprendre comment cet effort est conciliable avec les priorités que le Gouvernement affiche en matière de transition énergétique, de climat, de politique de l'eau, de croissance verte, de mobilité durable, de sécurisation des infrastructures, de qualité de l'air.

Comment fait-on toujours mieux avec toujours moins de crédits ? Ces priorités ne nécessiteraient-elles pas d'être mieux hiérarchisées ? Tout ceci ne manque-t-il pas d'un peu de cohérence ?

Notre commission est également très attachée à la question de la fiscalité écologique, à propos de laquelle on ne voit guère d'évolutions - c'est peu de le dire ! Tout au long de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique, on a souligné l'absence d'une telle fiscalité, que l'on n'imagine évidemment pas punitive, bien au contraire ! On nous a répondu qu'on aborderait ce sujet au moment de la loi de finances ; or, on ne voit toujours rien venir sur ce volet. Sans doute pourrez-vous nous apporter des éléments sur ce point.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez souhaité que l'on vous interroge essentiellement sur le volet transport de la mission. Même si cela limite le champ des questions que nous aurons à vous poser, les sujets ne manquent pas. Nous entendions, il y a une semaine, le président d'Air France. Il y aura peut-être aussi des questions à ce sujet.

La question de la privatisation des aéroports - Toulouse, demain Nice et Lyon -, la question de l'écotaxe, les trains d'équilibre du territoire (TET), la situation de la SNCF, le prélèvement sur le dividende de la SNCF Mobilité qui n'est pas conforme à ce qui était prévu, le plan de relance autoroutier, le canal Seine-Nord et, bien sûr, la mobilité durable constituent autant de sujets sur lesquels vous serez amené à vous exprimer.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. - Il y a un an, j'avais présenté trois priorités de la politique des transports du Gouvernement : la sécurité et la qualité des infrastructures et des services, le rééquilibrage entre les modes de transport et le respect des règles économiques et sociales, notamment la lutte contre le dumping social.

Ces trois priorités demeureront les nôtres en 2016 et, avant de vous présenter les principales orientations des budgets qui sont soumis à votre examen, je veux revenir sur ces priorités.

Tout d'abord, le vieillissement de nos infrastructures ferroviaires et fluviales ainsi que des chaussées et des ouvrages d'art routiers demeure une problématique principale. J'y ai accordé la plus grande importance cette année. Cela s'est traduit notamment par deux actions.

Un comité de suivi de la sécurité ferroviaire a été instauré et s'est réuni au printemps et à l'automne, où a été notamment engagé un travail sur la mise oeuvre renforcée des recommandations du Bureau enquêtes accidents des transports terrestres (BEA-TT), en lien avec les acteurs concernés.

J'ai également demandé à SNCF Réseau d'assurer d'ici début 2016, vis-à-vis des usagers, une transparence complète sur les opérations de maintenance réalisées au quotidien sur le réseau.

S'agissant de l'entretien de la régénération des réseaux routier et fluvial, j'ai annoncé au printemps la mobilisation de 100 millions d'euros supplémentaires sur le budget de l'AFITF pour des travaux de maintenance et de régénération. Ces travaux, commencés cet été, sont réalisés pour la plupart par des PME des travaux publics.

La deuxième priorité concerne le rééquilibrage des modes de transport. Il est aujourd'hui toujours plus nécessaire d'optimiser l'utilisation de nos infrastructures et de mieux organiser la complémentarité entre les modes de transport. Il y a plusieurs chantiers en cours.

Une Conférence nationale sur la logistique s'est tenue en juillet dernier et a rassemblé près de 300 acteurs. Ses travaux ont été présidés par le député François-Michel Lambert, et ont permis d'impulser une politique mobilisatrice dans un secteur qui, je le rappelle, contribue à 10 % du PIB et emploie près de 1,8 million de personnes. À sa suite, une stratégie nationale, dénommée « France Logistique 2025 », est en cours de préparation.

Un soutien spécifique est apporté au mode fluvial à travers la modernisation de la flotte - un plan d'aide a été autorisé par la Commission européenne à hauteur de 22,5 millions d'euros - et à travers une expérimentation menée depuis septembre 2015 par les acteurs du port de Dunkerque pour mutualiser les coûts de manutention entre les modes ferroviaire, routier et fluvial.

Plus largement, les travaux de la conférence du fret fluvial, que j'ai réunie récemment, ont bien progressé. Un plan d'action en faveur de cette filière devrait être finalisé à la mi-2016 autour des deux axes structurant que sont la compétitivité, l'innovation et la sécurité, d'une part, le développement commercial du transport fluvial, d'autre part.

En troisième lieu, les acteurs du fret ferroviaire sont mobilisés deux fois par an depuis 2013 dans le cadre de la conférence périodique pour le fret ferroviaire, afin de construire et de suivre un programme d'actions concrètes et pragmatiques, et d'engager le fret ferroviaire dans un processus de reconquête effective de parts de marché vis-à-vis des autres modes de transport.

La troisième priorité s'attache au respect des règles économiques et sociales. Les conditions de travail, la sécurité des salariés, comme celle des usagers, les conditions de concurrence sont autant de sujets qui nécessitent notre plus grande attention pour assurer un fonctionnement de nos transports efficace et respectueux des enjeux économiques, sociaux et environnementaux.

À titre d'exemple, je voudrais souligner que dans le transport routier de marchandises, la France a renforcé son arsenal législatif en matière de lutte contre le dumping social par les lois du 10 juillet 2014 et du 6 août 2015 qui encadrent l'application de la directive européenne sur le détachement. Des actions judiciaires sont engagées contre les entreprises ne respectant pas ces règles.

Permettez-moi à présent de vous présenter les principales orientations des budgets pour l'année 2016. Ces budgets s'inscrivent dans la stratégie du Gouvernement et allient la maîtrise des dépenses publiques et les priorités que je viens de rappeler.

Le budget des « infrastructures et services de transport », en baisse de moins de 0,5 %, est maintenu à un niveau comparable à celui de 2015.

Les crédits d'entretien routier sont en baisse de 1 % à 324 millions d'euros, comme cela a été le cas en 2015 avec le programme exceptionnel de travaux que j'ai déjà mentionné.

Les dépenses de l'AFITF pourront consacrer en 2016 un effort plus important à la régénération routière en lien avec la contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Les crédits de la subvention accordée à VNF, qui sont consacrés pour leur plus grande partie au paiement de la masse salariale de l'opérateur, sont en baisse modérée de 2,5 %. Le Gouvernement poursuivra en 2016 ses travaux visant à la consolidation des ressources parafiscales de VNF.

S'agissant de l'AFITF, le Gouvernement s'était engagé à assurer un niveau de dépenses opérationnelles de 1,9 milliard d'euros en 2015, 2016 et 2017. Ce niveau sera pratiquement atteint en 2015, de même qu'en 2016, avec un montant de dépenses opérationnelles prévisionnel de 1,855 milliard d'euros.

Les recettes de l'AFITF sont en 2016 notamment assurées par l'affectation d'une fraction de la TICPE sur le gazole. Un groupe de travail, rassemblant les professionnels du transport routier de marchandises et les chargeurs, s'est réuni entre octobre 2014 et juin 2015 et, à l'issue de ses travaux, le Gouvernement a décidé de maintenir la mesure adoptée en 2015 d'augmentation de 4 centimes de la TICPE pour les poids lourds.

Les recettes de l'AFITF seront également assurées en 2016 par une contribution de 100 millions d'euros des sept principales sociétés concessionnaires d'autoroutes, en application de l'accord conclu le 9 avril dernier entre l'État et ces dernières.

Au-delà de 2016, alors que certains engagements de l'AFITF viendront porter leurs effets, je souhaite vous indiquer que le Gouvernement assumera ses engagements.

S'agissant des infrastructures et services de transport, je voudrais mentionner plus particulièrement quatre chantiers ou projets.

À la suite de la remise, le 26 mai dernier, du rapport de la commission présidée par Philippe Duron, le Gouvernement a défini en juillet dernier une feuille de route concernant les TET.

Une mission a été confiée au préfet Philizot pour mener une concertation sur les évolutions à mettre en place concernant l'offre TET. Cette concertation ne pourra être utilement menée à bien qu'après la mise en place des exécutifs des nouvelles grandes régions.

Le Gouvernement s'est par ailleurs engagé en faveur du fait que le parc de matériel roulant des lignes structurantes de l'offre TET soit entièrement renouvelé d'ici 2025, pour un montant d'investissement d'environ 1,5 milliard d'euros. Je vous confirme qu'une décision sera prise d'ici la fin de l'année sur les modalités d'achat de ce nouveau matériel.

Concernant le canal Seine-Nord Europe, la société de projet devrait être opérationnelle dans le courant du premier semestre 2016. Le projet d'ordonnance créant la société de projet est actuellement à la consultation des collectivités territoriales. L'enquête publique préalable à la DUP des modifications du tracé du canal a lieu du 7 octobre au 20 novembre de cette année. L'horizon d'obtention de la DUP est fixé début 2017, pour un début des travaux la même année, et une mise en service en 2023.

Une convention concrétisant l'engagement financier de l'Europe dans le projet de liaison Seine-Escaut, à hauteur de 980 millions d'euros, devrait être signée par la France et les partenaires européens du projet.

Le projet Lyon-Turin est aujourd'hui déclaré d'utilité publique à la fois en France et en Italie. TELT, le nouveau promoteur chargé de conduire les travaux, a été mis en place. Le dossier de demande de crédits européens a obtenu une réponse positive, 814 millions d'euros ont été attribués par l'Europe pour couvrir les investissements à réaliser d'ici l'année 2019.

Par ailleurs, le Gouvernement a signé avec l'Italie, en février 2015, un nouvel accord pour permettre le lancement des travaux définitifs. La perspective d'engagement de ces travaux se situe en 2017.

S'agissant des transports urbains, le Gouvernement a tenu ses engagements en faveur du développement des projets de mobilité durable. Les subventions du troisième appel à projets seront délivrées par l'AFITF après conventionnement des opérations avec les maîtres d'ouvrage.

Concernant l'ouverture du marché du transport par autocar, l'offre de mobilité a connu un développement significatif en un mois seulement. Le décret encadrant l'ouverture du marché a été publié le 14 octobre dernier pour s'assurer que les nouvelles lignes d'autocars ne portent pas atteinte à l'équilibre des services publics.

L'enjeu est maintenant d'accompagner la croissance du secteur en développant les arrêts et gares routières pour assurer un bon maillage du territoire et un traitement optimal de l'intermodalité. Le travail est en cours.

Enfin, dans le cadre du plan d'actions pour les mobilités actives de 2014, plus de 80 % des vingt-cinq mesures s'appliquent d'ores et déjà ou sont engagées.

Dans le domaine de la mer et de la pêche, les crédits du programme « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » sont maintenus, avec une baisse de 1 %, à 183,4 millions d'euros, à un niveau préservant les moyens du programme.

Un amendement du Gouvernement visant à attribuer à la SNSM une subvention exceptionnelle de 1,4 million d'euros en 2016 a été adopté jeudi dernier par l'Assemblée nationale.

Le programme porte de nombreuses missions régaliennes de sécurité maritime et de mise en oeuvre de la politique commune des pêches. Le programme conduira, pour ce qui concerne la sécurité et la signalisation maritimes, à des actions ciblées pour réaliser des investissements porteurs d'économies pour le futur :

- la modernisation des systèmes d'information des CROSS ;

- le renouvellement d'un baliseur pour l'armement des phares permettant d'ici deux ans le retrait du service de deux anciens baliseurs dont l'exploitation est devenue difficile ;

- la modernisation technologique dans le domaine de la surveillance des pêches dans la zone exclusive des terres australes françaises.

Les dépenses en faveur d'un bon fonctionnement de l'enseignement maritime secondaire et supérieur sont maintenues constantes.

Les exonérations de charges, qui améliorent la compétitivité de la flotte soumise à concurrence internationale, continueront à être prises en charge par le programme.

En matière de sauvetage en mer, comme je l'ai indiqué, l'État a pris ses responsabilités en contribuant à assurer le financement de la SNSM, acteur majeur du sauvetage en mer : outre la subvention annuelle de 2,1 millions d'euros, qui est maintenue, 1,4 million d'euros seront dégagés en 2016 pour le financement des investissements et, à terme, 5 % de la taxe éolienne devront être affectés à la SNSM.

L'économie maritime occupe une place essentielle dans l'activité de la France : 310 000 emplois directs et un chiffre d'affaires de 69 milliards d'euros.

Le Gouvernement a pris des engagements importants lors du dernier comité interministériel à la mer, réuni le 22 octobre à Boulogne-sur-Mer sous la présidence du Premier ministre.

Je retiendrai parmi ces annonces le renforcement de la compétitivité des grands ports maritimes français et la mise en place de mesures afin d'assurer le renouvellement de la flotte de commerce pour s'adapter aux conditions du marché mondial.

Pour l'accompagnement des secteurs de la pêche et de l'aquaculture dans la mise en oeuvre de la nouvelle politique commune des pêches, le programme mobilisera les moyens budgétaires nécessaires pour appeler le nouveau fonds européen, le FEAMP, dont la mise en oeuvre effective commencera en 2016. Le commissaire européen m'a confirmé la semaine dernière que le programme opérationnel de la France serait bien validé officiellement d'ici la fin de l'année.

Enfin, le Comité interministériel de la mer (CIMer) a permis de mettre en avant la nécessité de valoriser le potentiel considérable des espaces maritimes ultramarins, en assurant le renouvellement les moyens maritimes permettant leur surveillance et en soutenant la mise en place d'une stratégie spécifique pour nos ports d'outre-mer.

Dans le domaine aérien, le budget annexe contrôle et exploitation aériens (BACEA) pour l'année 2016 permet d'atteindre les objectifs fixés tant en termes d'investissement que de désendettement.

Les ressources du BACEA sont en hausse de 1 % par rapport à 2015 et s'établissent à 2 milliards d'euros. Ce niveau de ressources est notamment atteint par une légère augmentation des redevances, qui reste néanmoins la moins chère des pays limitrophes.

La DGAC poursuit par ailleurs sa politique de réduction des coûts structurels au moyen d'une redéfinition de l'implantation géographique de ses services et d'une optimisation de leurs dépenses de fonctionnement. Ce niveau de ressources et de performance permettra en 2016 de réaliser 252 millions d'euros de dépenses d'investissement, montant qui assure la poursuite de l'engagement de la DGAC dans la construction du ciel unique européen.

Le budget 2016 de l'aviation civile permet par ailleurs d'accélérer le désendettement de la DGAC et de l'État. Le désendettement net du BACEA s'établira à 107 millions d'euros en 2016, après 57 millions d'euros en 2015, permettant d'abaisser le stock de dette à 1,117 milliard d'euros

M. Hervé Maurey , président. - La parole est aux rapporteurs.

M. Louis Nègre , rapporteur pour avis « Transports ferroviaires ». - Monsieur le secrétaire d'État, j'ai écouté avec attention ce que vous avez dit. Vos objectifs sont d'améliorer la qualité ferroviaire, de rééquilibrer les modes de transports, d'améliorer les conditions matérielles, sociales et économiques. On ne peut y être que favorable.

L'autre bonne nouvelle concerne le renouvellement du matériel des TET pour 1,5 milliard d'euros ; vous avez précisé que les modalités d'achat seraient fixées dès la fin de l'année. C'est un problème extrêmement préoccupant pour l'industrie française. Je souhaiterais donc en savoir plus sur les discussions actuellement menées concernant l'achat sur étagère ou par appel d'offres.

Vous avez dit maîtriser les dépenses. C'est incontestable ! Vous avez d'ailleurs vous-même reconnu la baisse des crédits dans le secteur des transports, des infrastructures routières, et des voies navigables. En outre, 400 millions d'euros manquent à l'appel pour l'AFITF, qui ne bénéficiera plus du montant total de la TICPE, tel que cela avait été prévu l'an dernier !

Par ailleurs, 26 millions d'euros sont prévus dans les crédits consacrés au soutien, à la régulation, à la sécurité, et aux transports terrestres pour compenser les tarifications sociales, et 15 millions d'euros seulement sont dédiés au soutien au transport combiné ferroviaire, soit 1,4 million de moins que l'année dernière.

Le budget des transports fluviaux est en baisse de 4 % et 7 millions d'euros sont consacrés au transport combiné fluvial, soit un million de moins que l'an passé.

Je ne reviendrai pas sur l'écotaxe, que vous avez supprimée, alors qu'elle permettrait d'alimenter le financement de l'AFITF, mais rappellerai plutôt qu'il y a quasiment un an jour pour jour, le 29 octobre 2014, devant notre commission, vous affirmiez que les montants de l'indemnité due à Écomouv' ne seraient pas ponctionnés sur le budget de l'AFITF. Je vous cite : « Les recettes consacrées au financement des infrastructures sont non seulement fléchées, mais sécurisés pour l'année 2015. Quoi qu'il arrive, ce n'est pas sur ce budget qu'on viendra ponctionner les sommes nécessaires au paiement d'une indemnité ». Vous avez été malheureusement démenti par les faits - et je le regrette profondément !

Vous indiquez que le plan de relance autoroutier représente 3,27 milliards d'euros. On a confié aux sociétés historiques la réalisation de nouveaux investissements en contrepartie d'un allongement de la durée de concession. Ce projet sera-t-il tenu ?

Sur le compte d'affectation spéciale des services nationaux de transport conventionné de voyageurs, vous avez dit que l'on renvoyait ce sujet à la concertation. Philippe Duron, président de la commission sur l'avenir des TET, a lui-même proposé une ouverture à la concurrence ! J'aurais souhaité connaître votre position sur ce point, alors que la Commission européenne renvoie l'ouverture de celle-ci à 2026 ! Nous croyons quant à nous qu'il s'agit du seul moyen de sauver la SNCF et de la faire évoluer positivement.

Par ailleurs, quand dégagerez-vous le milliard et demi d'euros en faveur du matériel roulant ? Notre plan de charge industriel s'effondre. 2017 et 2018 seront des années extrêmement difficiles à passer. Il ne faut pas attendre 2025 pour agir : ce sera alors trop tard.

Vous avez augmenté de cinq ETP les moyens de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), ce qui constitue une bonne nouvelle. Toutefois, l'Inspection générale des finances, généralement très peu généreuse, avait prévu que, compte tenu de l'augmentation des compétences de l'Autorité, il aurait fallu en prévoir au minimum quinze. Que va-t-il se passer ? Arrivera-t-on à faire face à la demande ? En quoi l'Arafer sera-t-elle crédible si elle n'a pas les moyens de sa politique ?

La politique du Gouvernement m'échappe. D'un côté, vous nous refusez, le 4 août 2014, l'ouverture à la concurrence du ferroviaire et, quelques mois après, vous décidez d'ouvrir celle-ci à l'autocar, à la surprise générale. Où est la cohérence ?

Je reviens sur un sujet qui m'est cher, celui du traitement de la dette. Vos objectifs sont fort louables, mais on ne traite à aucun moment de la dette, alors qu'on est dans le projet de loi de finances et qu'on aurait pu penser qu'il y avait quelque chose de positif à faire dans ce domaine. Cette dette plombe la SNCF, qu'il s'agisse de la partie mobilité ou du réseau. On remet donc la poussière sous le tapis, et on n'en parle pas !

Je regrette cette absence de vision à moyen et long termes, qui ne permet pas à l'industrie française - la troisième du monde - d'avoir un plan de charge lissé sur les cinq à dix ans à venir. C'est une industrie lourde : vous ne pouvez pas lui faire faire du yoyo !

Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à l'adoption des crédits du PLF sur les transports.

M. Jean-Yves Roux , rapporteur pour avis « Transports routiers ». - Je suis bien sûr très favorable à ce projet de budget - vous vous en doutez ! S'agissant du programme 203, les crédits de l'AFITF sont stables et, comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, les dépenses opérationnelles également, conformément aux engagements du Gouvernement. On peut donc être satisfait.

Quant aux crédits en faveur du transport routier, ceux-ci sont quasiment identiques à ceux de l'année dernière. Cette augmentation est liée à la prise en compte du plan de relance autoroutier, qui fournit 100 millions d'euros de recettes à l'AFITF, et qui permettra de réaliser des travaux, mais aussi de développer l'emploi dans les infrastructures routières. C'est un élément important, car on se bat tous aujourd'hui pour développer l'emploi. Cet engagement témoigne de l'action du Gouvernement pour sortir de la crise et améliorer l'emploi.

Concernant la mise en oeuvre de la libéralisation du transport par autocar, quel est le nombre de passagers transportés un mois après la mise en place de la loi, et quels en sont surtout les effets sur le transport ferroviaire ?

M. Charles Revet , rapporteur pour avis « Transports maritimes ». - Monsieur le secrétaire d'État, je ne me prononcerai pas sur ce budget, réservant mon avis pour la commission du développement durable, la semaine prochaine.

Vous avez affirmé que le Gouvernement prendrait des mesures pour renforcer la compétitivité des grands ports maritimes. Quelles sont-elles ? Ce sujet me paraît important, étant rapporteur des sujets touchant aux ports depuis quelques années.

Vous avez en second lieu évoqué le canal Seine-Nord et l'avancée de ce dossier. Je suis élu de la région havraise. Les trois grands ports qui se complètent, le Havre, Rouen et Paris, vont dans le même sens. Or, le canal Seine-Nord donne quelques inquiétudes aux habitants de ma région, qui craignent fort que les trafics ne viennent pas chez nous mais partent vers le nord, la situation actuelle étant peu reluisante.

J'ai souvent dit que la France disposait des ports maritimes les mieux placés de l'Europe du nord et du sud. Cependant, Anvers, à lui seul, fait plus que tous les ports Français réunis. Anvers est finalement le premier port de France et de Paris ! Cela démontre bien que nous ne savons pas prendre les dispositions nécessaires. Que je sache, la France dispose de la plus grande zone économique maritime, juste derrière les États-Unis. Nous avons donc beaucoup d'atouts.

Beaucoup d'entreprises utilisent le port d'Anvers pour des questions de récupération de TVA. Elles gagnent ainsi six mois. Où en est-on à ce sujet ? Va-t-il y avoir des avancées ?

J'en viens plus spécifiquement au port du Havre, dont je suis voisin. Un centre multimodal y a été construit, mais il ne fonctionne pas jusqu'à preuve du contraire - ou très peu - tout simplement parce que son utilisation augmente les coûts du fait de la manutention, et ceci fait perdre de la compétitivité aux entreprises, notamment fluviales.

Par ailleurs, pourquoi n'avance-t-on pas plus vite en matière d'électrification de la ligne Serqueux-Gisors ? Cela ne représente pourtant pas des sommes importantes et pourrait être un atout fabuleux pour la desserte franco-française, mais aussi pour l'Europe du centre.

Lorsque j'ai rédigé mon rapport sur les grands ports maritimes, j'ai indiqué qu'il était possible de réaliser une « chatière » pour avoir un lien direct entre la Seine et le grand port maritime du Havre. Aujourd'hui, il faut passer par l'estuaire et, même si certains bateaux peuvent le faire, on ne gagne que 50 % à 60 % de temps. Va-t-on avancer dans ce domaine ? La chatière constituerait une économie importante pour le trafic fluvial. On prétend que cela va coûter 150 millions d'euros, alors qu'elle a été chiffrée à 50 millions d'euros. Cela me paraît surprenant. Peut-être faudrait-il revoir les modalités d'attribution. L'État a la possibilité, du point de vue juridique, de recourir à un appel d'offres auprès de grandes entreprises. Cela permettrait des économies de temps et d'argent. Pourquoi n'avance-t-on pas plus vite ?

M. Hervé Maurey , président. - Monsieur le secrétaire d'État, vous avez la parole.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État - S'agissant de l'achat des matériels TET annoncé par le Gouvernement pour 1,5 milliard d'euros, et de l'option que nous devons prendre, soit par achat sur étagère, dans le cadre du marché passé par les régions - qui permettrait d'aller très vite et d'avoir une commande industriellement opérationnelle et plus intéressante - soit par appel d'offres, la problématique est juridique et sérieuse.

L'achat sur étagère est-il aujourd'hui possible ou juridiquement hasardeux ? Vous en connaissez les règles. Lorsqu'on veut faire un achat sur étagère, il convient de déterminer s'il s'agit ou non de modifications substantielles du marché initial pouvant entraîner une réaction des concurrents évincés à l'origine ou potentiels.

Il semble évident que des trains conçus pour aller à 160 kilomètres à l'heure peuvent, en théorie, monter à 200 kilomètres à l'heure, mais du point de vue technique, ce n'est pas si simple. Nous sommes donc face à une véritable difficulté. Les différents ministères sont en train de comparer leurs expertises juridiques. Nous ferons connaître notre décision avant la fin de l'année, mais je ne prendrai aucun risque. Nous rendrons le débat public le moment venu, assorti des analyses juridiques.

S'agissant de l'AFITF, je suis en désaccord avec Louis Nègre à propos de son interprétation du compte rendu de la séance de l'année dernière. Lui-même a d'ailleurs été obligé d'admettre, en toute honnêteté, lors de votre dernière réunion de commission - dont j'ai lu attentivement le compte rendu - que malgré la réduction, l'AFITF devrait retrouver un budget d'intervention de l'ordre de 1,9 milliard d'euros, ainsi que je m'y étais engagé depuis le début ! Personne ne peut dire ici que l'indemnité payée via le budget de l'AFITF a réduit les engagements. On pouvait croire, au début de l'intervention de Louis Nègre, que les 520 millions payés pour Écomouv' avaient amputé les 1,9 milliards d'euros sur lesquels nous nous étions engagés. Louis Nègre a lui-même reconnu que c'était faux. C'est le budget de l'AFITF qui devait le supporter, mais les engagements que nous avons pris ont été tenus, et ils le seront également cette année.

Ceci n'enlève rien à la question principale, sur laquelle nous sommes d'accord, qui demeure celle de la trajectoire. Je veux être clair : nous pouvons assurer nos engagements pour 2016 avec la somme de 1,9 milliard d'euros. Nous retomberons ensuite sur les projections de la commission Mobilité 21, ainsi que sur les engagements pris dans le cadre des contrats de plan État-Région (CPER), et sur les grands projets que j'ai évoqués par ailleurs, que l'État devra payer.

Même si la fourchette sera finalisée en 2016, il faut évidemment que les moyens de l'AFITF, au-delà des 1,9 milliard d'euros qui sont suffisants pour 2016, soient probablement augmentés de 500 à 700 millions d'euros par an à partir de 2017 pour tenir nos engagements. L'État les tiendra : c'est une réalité car si, en 2017, nous n'avons pas ces sommes supplémentaires dans le budget de l'AFITF, il faudra remettre les programmes en cause. Nous sommes parfaitement d'accord avec le diagnostic.

La trajectoire est tenue et nous respecterons nos engagements. Comment ? Vous êtes des spécialistes : lorsqu'on considère les recettes de l'AFITF et ce qui lui est véritablement affecté, notamment à partir d'une fiscalité dédiée, il n'est point besoin de beaucoup d'imagination pour trouver les recettes - sauf dans une discussion serrée avec le budget mais, dès lors que les centimes additionnels représentent 1,1 milliard d'euros et qu'on retrouve 700 millions d'euros dans le budget de l'AFITF, il existe une base de discussion.

Pour ce qui est des autoroutes, nous avons passé un contrat avec les autorités concessionnaires pour plus de 3 milliards d'euros de travaux. Les engagements seront-ils tenus ? La question s'adresse plus aux sociétés autoroutières qu'à l'État. Pour l'instant, oui.

Concernant les moyens de l'Arafer, il ne s'agit pas, selon moi, d'une discussion majeure et irréversible. Dans le projet de budget, nous avons porté les plafonds d'emploi de 63 à 68 ETP. Certains, dont le président de l'Arafer, estiment qu'il faut au moins 70 à 75 ETP. Aujourd'hui, ils sont cinquante. Il nous a semblé que permettre le recrutement de dix-huit personnes permettait d'avoir une certaine marge de manoeuvre. Le Gouvernement n'a aucunement l'intention de limiter les moyens de l'Arafer ; s'il faut donner des moyens supplémentaires, nous le ferons, mais il nous semble que ce que nous avons proposé est suffisant.

M. Revet a posé des questions importantes. Je suppose que vous avez eu connaissance du compte rendu du CIMer. Je ne vais pas reprendre ici l'ensemble des dispositions. Le Gouvernement a pris des décisions importantes pour le transport maritime, notamment sur le champ industriel. On appelle ce système la COFACE inversée : l'État s'engage à donner la même garantie que ce qu'un constructeur obtiendrait auprès d'un autre pays. Quatre paquebots du Ponant vont être mis en chantier : cette décision était très attendue par la profession.

Vous avez évoqué la question de la TVA. Nous avons fait des annonces en matière d'auto-liquidation. Celle-ci a fait l'objet d'une expérimentation positive, et le Premier ministre en a annoncé la généralisation, ainsi que je l'ai dit lors des assises de la mer, à Marseille, la semaine passée.

S'agissant de la problématique du Havre et de la plate-forme multimodale, vous avez raison de dire qu'on ne peut envisager le canal si on ne parle pas de Serqueux-Gisors. Je confirme que ceci a été pour nous une priorité que nous avons inscrite dans le contrat de plan. L'enquête publique sera diligentée à partir du début de l'année prochaine. C'est une question de semaines. Les travaux seront engagés dans le temps prévu.

Reconnaissez avec moi que le renversement d'appréciation des grands élus locaux a été assez subit. Il y a quelques années, certains élus du Havre soutenaient ce projet, pensant qu'il était indispensable. Ils avaient raison mais on a assisté, au moment où on a annoncé que cela allait se faire, à une remise en cause. Ce n'est pas une bonne approche. Certes, il faut avoir des exigences. Serqueux-Gisors en est une, mais c'est un grand projet pour l'ensemble du bassin de la Seine.

Vous avez évoqué le centre multimodal. Je voudrais vous faire part de mon extrême préoccupation à ce sujet. Il s'agit de la mise en place d'un transit de la mer vers le fluvial et le ferroviaire, construit à travers un montage juridique assez particulier, avec une société propriétaire des installations, dans laquelle le grand port du Havre est actionnaire à 49 %, mais qui garantit les emprunts à hauteur de 80 %, l'actionnaire majoritaire étant une filiale du Crédit agricole, qui a elle-même porté le dossier. On est là sur des investissements essentiellement publics de l'ordre de 140 millions d'euros à 150 millions d'euros.

Une société de gestion a ensuite été mise en oeuvre, mais le démarrage n'a pas eu lieu une fois les travaux finis. La société de gestion a déposé le bilan.

Heureusement, certains des actionnaires dans la société de gestion sont des actionnaires de référence. Cette affaire me préoccupe beaucoup. J'ai rencontré le PDG de CGM et les responsables de la SNCF, en leur disant que c'était maintenant à eux, acteurs principaux, en liaison avec le port, d'essayer de trouver une solution. Un montage a été fait : il faut l'assumer.

Nous ne sommes pas aujourd'hui dans l'alternative de la chatière : nous cherchons à faire fonctionner ce qui a été financé par des fonds publics. Je crois la chose possible. Cela va demander un effort de chacun. Nous y travaillons et je suis optimiste, dans la mesure où les partenaires que j'ai sensibilisés à cette question sont à la recherche d'une solution.

Enfin, M. Roux, au mois d'octobre, depuis l'ouverture des lignes, 250 000 passagers ont fréquenté les autocars libéralisés ; soixante-dix villes sont concernées.

Le dispositif pour prémunir cette initiative des conséquences éventuellement fâcheuses sur le transport ferroviaire est dans la loi. À ce stade, il serait présomptueux de dire qu'on a le recul suffisant pour savoir si les précautions prises par la loi et l'intervention de l'Arafer et des collectivités territoriales fonctionnent. Je ne veux pas tirer d'enseignements définitifs de façon prématurée.

J'ai présenté en juillet dernier la feuille de route relative aux TET. Vous conviendrez que nous sommes dans une situation quelque peu singulière du point vue institutionnel, du fait des élections régionales et du redécoupage des régions. Il m'a semblé démocratiquement difficile de tirer des enseignements des rencontres réalisées par le préfet Philizot, sans que celui-ci n'ait fait un tour de table avec les nouveaux exécutifs.

D'autant que, pour un certain nombre de lignes, la configuration est différente, certaines lignes de TET qui couvrent plusieurs régions devant, demain, se trouver à l'intérieur d'une seule région. La question de la complémentarité entre ces lignes TET et les lignes TER, qui peut arriver à un partage des responsabilités ou des initiatives entre les régions, mérite d'être vérifiée avant de prendre des décisions.

Dans tous les cas, je n'attendrai pas la fin de l'année pour prendre des décisions. Le calendrier que le Gouvernement a en tête, c'est la mise en place des exécutifs, afin de pouvoir annoncer, fin février, les décisions qui viendront à la suite du rapport Duron et de la feuille de route.

M. Hervé Maurey , président. - La parole est aux commissaires.

M. Gérard Cornu . - Monsieur le secrétaire d'État, Ségolène Royal s'était engagée à ce que les installations liées à l'écotaxe soient réutilisées à d'autres fins. Où en est-on ?

M. Alain Fouché . - Monsieur le secrétaire d'État, la loi Duflot a obligé la SNCF à vendre des terrains à des prix relativement bas aux collectivités pour leur permettre de construire des logements HLM.

Or, la SNCF, faisant fi d'une bonne gestion, a préféré abandonner ou raser certaines gares plutôt que les vendre.

Quel pouvoir avez-vous dans ce domaine ? Aujourd'hui encore, des collectivités veulent acheter des terrains à la SNCF, qui leur en propose des prix exorbitants. Cela représente une perte d'argent pour la SNCF.

Où en est-on de la ligne Poitiers-Limoges, très chère au Président de la République ?

Enfin, la Cour des comptes, tous les deux ou trois ans, rédige un rapport sur le coût exorbitant des aiguilleurs du ciel. Si les collectivités suivent les recommandations des chambres régionales des comptes, l'État ne suit pas quant à lui celles de la Cour des comptes. Comment faire pour que ce corps fonctionne à des coûts moins élevés, tout en restant aussi efficace ?

M. Michel Vaspart . - Monsieur le secrétaire d'État, vous avez parlé d'opacité de SNCF Réseau, que vous appelez à plus de transparence. C'est un voeu que nous pouvons partager, car il est excessivement compliqué d'avoir des informations fiables.

Vous avez changé les clefs de répartition des financements des rénovations des lignes secondaires en appelant les collectivités locales et territoriales à davantage de financement lorsqu'il faut rénover les lignes.

Cela pose un certain nombre de difficultés, car trouver 20 % de financement auprès des collectivités locales et territoriales n'est pas aisé, alors qu'il s'agit d'un réseau indispensable pour l'aménagement du territoire.

Je ne veux pas parler uniquement du barreau Nord Bretagne, mais nous avons un sérieux problème dans cette région.

Vous avez évoqué la mise en place des régions. La nôtre n'a pas bougé dans ses limites ; cependant, certains réseaux ferroviaires sont à cheval sur deux départements, et si quelques départements acceptent de participer à la rénovation de la ligne, ce n'est pas le cas de tous. Quel pouvoir l'État peut-il avoir en matière d'aménagement du territoire s'agissant de la rénovation de ces lignes ?

Vous avez, en outre, annoncé une extension des lignes LGV, notamment dans le sud-ouest. Cela ne se fera-t-il pas au détriment de la rénovation des lignes secondaires, indispensables à l'aménagement du territoire ?

M. Jean-Jacques Filleul . - Je me félicite de la qualité de votre intervention et des réponses que vous avez apportées aux rapporteurs. On est là dans un vrai dialogue entre un secrétaire d'État et des parlementaires.

Les crédits du programme 203 sont stabilisés, ce qui apparaît positif.

Vous vous êtes engagés sur la feuille de route relative au rapport TET, auquel j'ai participé, en particulier à propos de la somme de 1,5 milliard d'euros consacrée au renouvellement des matériels. Cette somme pourrait venir abonder le programme d'Alstom, à moins qu'il n'y ait appel d'offres. Les inquiétudes à ce sujet se dissipent toutefois, le PDG venant d'annoncer qu'Alstom en avait pour cinq années de travail et que l'entreprise sortait renforcée de l'épreuve qu'elle a vécue. Pouvez-vous nous le garantir ?

Je me félicite également de l'engagement du Gouvernement dans la régénération des lignes d'Île-de-France, qui en avaient vraiment besoin.

Le Premier ministre a confirmé la modification des seuils du versement de transport, qui devrait être complètement compensée. Pouvez-vous en attester ?

Il faudrait également que les petites entreprises de travaux publics puissent participer au plan de relance autoroutier au moins à 55 % des travaux, ainsi que le prévoit la convention.

Par ailleurs, l'autoroute ferroviaire Atlantique est semble-t-il relancée. Pouvez-vous le confirmer ?

Je souhaite enfin, s'agissant des deux lignes LGV Sud-Ouest, que la mobilisation financière soit différente de la ligne Sud Europe Atlantique actuelle, qui est une véritable catastrophe.

M. Jean Bizet . - Je voudrais évoquer le transport aérien, le contrat de régulation économique (CRE), ainsi que le niveau élevé des taxes aéroportuaires pour le pavillon national.

On sait que l'État participe dans ce domaine à des hauteurs différentes, tant dans ADP que dans Air France, mais je ne vois pas où se situe la stratégie de l'État en matière de transport aérien. J'invite donc le Gouvernement à ne pas rester dans l'inaction.

J'ai déposé un certain nombre d'amendements l'an passé à ce sujet, et j'ai fait de même cette année. Ils sont à chaque fois refusés. J'aimerais donc comprendre.

M. Rémy Pointereau . - Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué le rapport Duron, qui préconisait un coup d'arrêt des lignes LGV au moins jusqu'en 2030 - dont Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax - pour tout miser sur le renouvellement des voies existantes et la maintenance du matériel roulant. Qu'en est-il exactement ?

Mon collègue ayant évoqué la ligne Poitiers-Limoges, j'évoquerai à mon tour la ligne Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (POCL). Où en sont ces deux dossiers ?

Vous avez rappelé que la mise en place des investissements relatifs aux TET serait assurée par l'exécutif des nouvelles grandes régions. Ne pensez-vous pas que ces investissements risquent de connaître un certain retard dans leur mise en place, compte tenu du fait qu'il va falloir revoir tout l'organigramme et la direction de ces régions ?

Pouvez-vous nous dire où en sont les discussions avec les sociétés d'autoroute au sujet de l'éventuelle renégociation de la gestion de celles-ci, et ce qu'il en est de la contribution éventuelle complémentaire qui pourrait leur être demandée ? Un rapport avait été réalisé il y a quelque moi à ce sujet. Or, tout le monde s'interroge sur le devenir de cette gestion. L'État doit-il reprendre la main, allonger les délais de gestion ou les raccourcir ?

Enfin, pouvez-vous nous apporter quelques compléments d'information sur la ligne Lyon-Turin ?

M. Hervé Poher . - Il existe une grande quantité de camions sur l'autoroute A1. C'est pourquoi nous avons considéré l'idée des autoroutes ferroviaires d'un oeil bienveillant. La semaine dernière, la ville de Calais a inauguré le premier terminal d'autoroute ferroviaire d'un genre nouveau.

Deux autoroutes ferroviaires qui pouvaient intéresser le nord de la France étaient prévues à l'origine. La première allait de Calais jusqu'au Boulou, à côté de Perpignan. Le trafic était estimé entre 30 000 et 50 000 remorques. Cela représentait une économie de 50 000 tonnes de CO2 minimum, et permettait de capter le flux du transport britannique.

Une deuxième autoroute appelée « autoroute ferroviaire Atlantique », allant de Dourges, entre Lille et Lens, jusqu'à Tarnos, à côté de Bayonne, par laquelle transitent environ 85 000 camions, permettait de capter les flux d'Europe du Nord.

En mars dernier, vous avez annoncé que le projet Tarnos était arrêté. Il y a quinze jours, vous avez annoncé qu'il était remis en selle. Ce qui intéresse la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, c'est de savoir si ce projet est confirmé, et si le Gouvernement imagine d'autres axes d'autoroutes ferroviaires, essentiels en matière de développement durable et de transition énergétique.

M. Michel Raison . - M. le secrétaire d'État, je reviendrai à mon tour sur le rapport Duron que vous semblez vouloir exécuter à la lettre, ce qui peut d'ailleurs inquiéter, car cela voudrait dire que l'autorité organisatrice qu'est l'État considère que, lorsqu'une ligne n'est pas satisfaisante, la seule solution est de s'en débarrasser.

Pour ce faire, vous avez dit attendre des élections régionales. Cela peut paraître normal mais allez-vous « fourguer » ces lignes aux régions en leur donnant de quoi les faires vivre ? Derrière tout cela, il faut respecter la Constitution : toute délégation de compétences et de services transférée par l'État aux différentes collectivités doit être accompagnée de son financement.

Un TER, ce n'est pas un TET. Ce n'est pas le même service. On en perd donc un de toute façon.

D'autre part, si on veut aider les régions, en dehors du financement qui pourrait sembler nécessaire, il faut traiter de la libéralisation de la SNCF. On ne peut continuer ainsi ! On a entendu le président de La Poste il y a quelques jours dans cette même salle. La Poste a aujourd'hui des positions fortes dans un certain nombre de pays, est première en Pologne et dans d'autres pays, deuxième en Allemagne. La SNCF, qui est une entreprise dont nous sommes tous fiers, qui bénéficie d'un savoir-faire inégalé par rapport à d'autres pays sur le plan technologique, voit ce savoir-faire s'éroder largement en matière de rentabilité. Le seul moyen de sauver la SNCF, c'est de la stimuler. Si on laisse le monopole perdurer, elle finira par mourir, d'autant qu'on l'y aide en lui adjoignant des bus, et en supprimant ses lignes. Il faut donc absolument réagir, monsieur le secrétaire d'État !

Mme Nelly Tocqueville . - Je reviens sur le sujet du canal Seine Nord, étant moi aussi élue de la Seine-Maritime.

Ce projet, qui fait l'objet de beaucoup d'interventions, a soulevé des inquiétudes légitimes, au Havre en particulier. Une réunion a réuni à ce sujet un ensemble d'acteurs et d'élus à la préfecture, il y a quelque temps.

On sait combien ce canal est indispensable pour le raccordement direct des grands ports du Nord avec l'Île-de-France, combien il est essentiel au bassin de la Seine et combien il serait contre-productif de refuser cet aménagement.

Je me félicite donc de la réponse que vous avez apportée à propos du tronçon Serqueux-Gisors, indissociable de ce projet. Cependant, pouvez-vous nous préciser comment s'exprime cette priorité dans l'enquête publique en termes d'échéance de réalisation des travaux de ce tronçon ?

D'autre part, pouvez-vous nous préciser comment s'expriment les garanties de compétitivité dans le temps de la plate-forme multimodale et de ses aménagements, sans oublier les ports de Rouen et de Cherbourg ?

Mme Annick Billon . - Monsieur le secrétaire d'État, beaucoup sont déjà intervenus au sujet du rapport Duron. Ayant participé à ces travaux avec Jean-Jacques Filleul, je me devais d'intervenir pour le sud Vendée. Je pense que Didier Mandelli soutient également cette remarque.

Certaines décisions ont été prises pour éviter la suppression de l'arrêt de Luçon, avec des investissements sur les infrastructures et le matériel. Des inquiétudes persistent cependant, ces travaux risquant d'engendrer des temps de trajet extrêmement longs et de déplacer une clientèle existante vers d'autres modes de transport.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - M. Cornu est intervenu à propos du sort des portiques Ecomouv'. Nous discutons avec les douanes et la police pour étudier les conditions dans lesquelles ceux-ci sont intéressés par leur utilisation, avec un aspect juridique quelque peu compliqué par des questions autour des droits des logiciels de Thalès.

Par ailleurs, nous avons lancé un marché public pour démonter et stocker les équipements déployés pour la perception de l'écotaxe. Ce marché public devrait être mis en oeuvre dans les prochaines semaines pour protéger le matériel actuellement installé, dont la réutilisation dépendra de l'aboutissement des discussions en cours.

M. Fouché, concernant les ventes de terrain de la SNCF aux collectivités territoriales, il est vrai que des décotes sont normalement prévues dans les périmètres identifiés par les préfets. Je partage votre préoccupation, le Premier ministre également. Le Président de la République a demandé que le comité de suivi se réunisse courant 2015. C'est chose faite et nous avons demandé à la SNCF d'accélérer la libération du foncier dans l'attente d'un accord avec les opérateurs locaux. La réunion destinée à faire le point a eu lieu le 24 juin dernier à l'Élysée. Je partage votre exigence à ce sujet.

En ce qui concerne les aiguilleurs du ciel, on pourrait déduire de votre question que vous avez le sentiment que leur coût exorbitant obérerait notre compétitivité dans ce domaine. Ce n'est pas vrai ! J'ai lu comme vous les rapports de la Cour des comptes, mais le coût horaire de vol contrôlé est aujourd'hui de 101 euros en Suisse, 87 euros au Royaume-Uni, 78 euros en Italie, 75 euros en Allemagne, 72 euros en Espagne, et 65 euros en France. Il ne faut donc pas engager le débat sur une idée fausse. J'ajoute que le temps de travail et les rémunérations sont parfaitement défendables par rapport à ce qu'est aujourd'hui la situation du contrôle aérien.

Certes, il existe des revendications et des mouvements à répétition, mais il faut savoir sur quelle base on est. Il n'y a là aucune situation inadmissible à laquelle il faudrait mettre fin. Le dialogue social existe. Il est de qualité, parfois un peu aigu, menée par le directeur de la DGAC et par nous-mêmes, et il se poursuit.

Un nouveau préavis de grève a été annoncé. Le dernier s'est arrêté après une discussion positive avec nos services. J'espère que celui-là sera abandonné au profit d'une discussion constructive.

Sur la ligne Poitiers-Limoges, vous connaissez la situation : la déclaration d'utilité publique a eu lieu. Il existe des recours devant le Conseil d'État. Je ne vais pas faire de commentaires sur des procédures en cours. Le Gouvernement a pris ses responsabilités. On attend l'avis du Conseil d'État.

S'agissant du versement transport, oui, le Gouvernement confirme que la perte de recettes pour les collectivités, du fait du passage de neuf à onze salariés pour les entreprises concernées par le versement obligatoire, sera intégralement compensée.

Je vous confirme également que, dans l'accord passé avec les sociétés autoroutières, 55 % des travaux doivent être attribués aux PME n'ayant aucun lien direct avec les sociétés en question. Ce ne sont donc pas des PME, filiales majoritaires des entreprises qui doivent en bénéficier.

Sur les autoroutes ferroviaires, il existe aujourd'hui deux questions. La première concerne l'équilibre financier du produit. Vous le savez, au départ, un certain nombre de ces autoroutes ferroviaires ont été mises en place avec une subvention d'équilibre de l'État voire, dans certains cas, de l'Europe. Cela peut s'entendre dans le cadre du démarrage, mais on ne va pas encourager un modèle qui générerait du déficit.

On n'est pas loin de réussir. C'est la longueur du train qui fait l'équilibre. On est parti sur des trains de 750 mètres On en a expérimenté de 850 mètres. Cette modification semble démontrer que l'on arrive à un équilibre en 2015, ce qui est très important. On étudie maintenant ce que cela peut donner avec des trains de 1 000 mètres.

Pourquoi ai-je arrêté l'autoroute ferroviaire Atlantique ? Je n'étais pas contre, mais ce dossier était voué à l'échec. La contestation locale, à Tarnos, était en effet considérable, cette commune se trouvant en pleine zone urbaine. Les passages à niveau auraient dû être fermés seize fois par jour durant sept minutes. Compte tenu de la longueur des trains, on réussissait l'exploit de fermer en même temps deux passages à niveau se trouvant sur des routes de circulation en agglomération allant de Bayonne à Tarnos.

Après avoir étudié ce dossier de très près, j'en suis arrivé à la conclusion qu'on allait avoir beaucoup de difficultés auprès des tribunaux administratifs, compte tenu de la façon dont le dossier avait été mis en oeuvre.

Il n'empêche que j'ai relancé le dossier. Je me suis rendu compte que les Espagnols avaient le même projet, à Victoria, d'une plate-forme multimodale. J'ai rencontré Ana Pastor, ma collègue espagnole, fin juillet. Je lui ai proposé de le faire ensemble, ce qu'elle a accepté. Cela nous a permis de donner un label européen à cette démarche. J'ai donc réuni la semaine dernière, à Bordeaux, les Espagnols et les responsables du corridor pour en faire un projet européen.

Les Espagnols sont d'accord. Les Portugais s'y intéressent également, car cela peut leur permettre de se rattacher à un projet de même nature. Le projet est donc relancé. Nous travaillons dans l'idée de faire d'une plateforme commune à Victoria. Certes, on aura pris un peu de retard, mais un grand projet européen sur cet axe, qui intéresse l'ensemble de la France, me paraît très intéressant.

S'agissant du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), les discussions aujourd'hui en cours sont extrêmement difficiles. Le montage financier qui a été envisagé au départ dans le cadre d'un partenariat public-privé, avec un financement par 68 collectivités territoriales, se révèle être une usine à gaz peu ordinaire. On est dans une situation très compliquée.

Pour la suite, il faudra tirer les leçons de cette affaire. Soit on est capable d'avoir un financement public à la hauteur de ce qui a été fait pour les autres grands investissements, soit on ne l'est pas. Avec 70 % de financements publics, le fonctionnement peut s'équilibrer, mais croire que l'on va ainsi rembourser l'investissement n'est pas vrai, que ce soit chez nous ou ailleurs. Il faut rester lucide !

S'agissant du transport aérien, du CRE et d'Air France, c'est un secteur qui se développe. Le pavillon français a cependant perdu dix points en dix ans au profit du low cost , secteur émergent.

On peut faire le procès du low cost , mais c'est le consommateur qui choisit. Si le low cost remporte le succès qu'il connaît, c'est parce que des millions de gens peuvent aujourd'hui voyager à des prix auxquels ils n'avaient pas accès jusqu'alors, à la seule condition, émise par tous les gouvernements, de respecter les règles sociales. Le low cost ne peut toutefois fonctionner sur le dumping social. Il doit recourir à un modèle très particulier -recours à un seul avion, gains sur les rotations, utilisation d'aérodromes de province.

Il existe certaines limites : les compagnies low cost ne peuvent faire payer les collectivités locales - l'Europe a répondu : ce n'est pas un bon modèle - ni utiliser le dumping social, d'où les actions que nous avons introduites. Ryanair a fait l'objet d'une condamnation sévère, et une information est actuellement en cours à son encontre.

Il nous faut également mettre en oeuvre un modèle low cost chez Air France. C'est ce qui a été fait par le biais de Transavia, qui va passer à trente-sept avions. Le principal opérateur sur les aéroports franciliens sera rapidement Transavia, dont le développement constitue une bonne réponse au problème.

Pour ce qui est de la concurrence des compagnies du Golfe, j'ai pris l'initiative - et les Allemands nous ont suivis - de demander un mandat commun à la Commission européenne. Des négociations bilatérales ne servent à rien. Le principe a été acté et le contenu sera formalisé au début de l'année prochaine afin de négocier les conditions d'une concurrence loyale. Est-ce un voeu pieu ? Je ne le crois pas. On vient de passer un accord bilatéral avec Oman, le mandat n'étant pas encore signé. Ce sont donc des choses tout à fait possibles. Nous ne refusons pas la concurrence ; encore faut-il qu'elle soit loyale. Or, on a là-dessus des interrogations, tout comme les Américains.

Reste la question de la compétitivité, au sens de la comparaison avec les entreprises de même nature, comme Lufthansa. Le déficit existe. C'est toute la discussion qui est menée chez Air France. Des efforts ont déjà été faits par les salariés dans le cadre du premier plan. Est-il possible d'arriver à un accord ? Celui-ci doit être signé en février. Cela laisse suffisamment de temps pour que le dialogue social l'emporte. La marche n'est pas impossible à franchir.

Le Gouvernement préfère avoir des gains de compétitivité sans suppression d'emplois. Il appartient aujourd'hui aux syndicats de négocier avec la direction.

L'État, l'année dernière, a diminué de 50 % la redevance pour les passagers en transit ; cela représente 90 millions d'euros de moins. Air France, par rapport à ses concurrents, bénéficie en outre du CICE, soit 63 millions d'euros chaque année. Ce n'est pas rien ! Il faut mettre ces sommes en rapport avec l'objectif annoncé par le PDG d'Air France, qui avait indiqué qu'il fallait parvenir à un résultat autour de 740 millions d'euros. Ce n'est pas irréaliste. Des efforts doivent être réalisés ; les salariés en ont déjà faits, et nous demeurons très attentifs, quoi qu'il arrive, à la sauvegarde du pavillon français.

S'agissant de POCL, le Gouvernement a décidé d'avancer sur ce dossier ; les conventions sur Nevers, Lyon et la partie francilienne sont en train d'être finalisées. 30 millions d'euros sont prévus au CPER pour le projet portant sur la partie centrale du tracé. Le préfet coordonnateur reprendra la concertation avec les nouveaux exécutifs.

M. Raison demande si l'on va « fourguer » les lignes TET déficitaires aux régions. Si l'on pose ainsi le problème, on voit bien où est la solution ! Quelle est la problématique des TET, sans caricaturer ce dossier ? C'est très simple : 200 millions d'euros de déficits en 2010-2011, 400 à 430 millions d'euros annoncés pour 2015-2016.

Mon problème n'est pas de rendre les TET bénéficiaires mais, défendant les intérêts de l'État, autorité organisatrice, de maîtriser le déficit et de revenir à 200 millions d'euros, compte tenu des sujétions de service public. Le but n'est pas de laisser dériver le déficit.

Comment y arriver ? Certains ont des solutions simples, qui consistent à fermer les lignes, dont quelques-unes présentent des particularités, où la subvention par voyageur et par jour s'élève à 238 euros. Quand on est responsable, on en discute !

Nous allons donc parler avec les régions. Nous acceptons de partager une partie du fardeau, du fait des objectifs d'aménagement du territoire. Dans les discussions qui sont menées par M. Philizot, on s'aperçoit qu'il existe une certaine rationalité du TET par rapport au TER. Vous verrez que la discussion est possible. Cela ne réglera bien sûr pas tous les problèmes, comme celui des trains de nuit. Ces questions feront l'objet d'une réponse spécifique.

Mon objectif est d'arriver à maîtriser les déficits. Il peut être partagé et il serait souhaitable que tout le monde y souscrive.

Nous sommes en désaccord avec Michel Raison et Louis Nègre au sujet de l'ouverture à la concurrence. Il n'est pas inutile d'essayer de partager nos expériences communes. L'ouverture à la concurrence sans préparation, comme pour le fret ferroviaire, m'amène à la prudence. La part de la SNCF dans le fret ferroviaire est tombée à 10 % du fait d'une ouverture à la concurrence non préparée. Je suis donc attentif à cette situation.

Le quatrième paquet ferroviaire a fait l'objet d'un accord avec le Parlement européen. Certes, il n'est pas définitif et demeure en discussion. L'idée est d'ouvrir les lignes commerciales à la concurrence en 2020, et le reste en 2026, étant précisé qu'on pourra alors avoir le choix entre un appel à la concurrence et l'attribution directe.

Je remercie Louis Nègre de nous attribuer le mérite d'avoir réussi à convaincre les gouvernements allemand et espagnol. On prétend pourtant souvent que la France a peu d'influence.

Certains, s'agissant du paquet ferroviaire, disent qu'on a bradé le service public ; d'autres estiment qu'on a préservé un système archaïque. La vérité est probablement entre les deux. Ma démarche a consisté à apporter la réponse équilibrée que je défends. C'est aujourd'hui une position de l'ensemble des pays européens.

Concernant Le Havre, nous avons plusieurs problèmes. Les mêmes qui soutenaient ce dossier ont changé d'opinion ! Ce n'est pas interdit, mais c'est un peu déstabilisant. Alors que chacun semblait partager les mêmes idées, on a assisté à une bataille entre les territoires qui ne me paraît pas fondée et qui fragilise notre position vis-à-vis de l'Europe - même si les décisions sont acquises.

Il convient de discuter du Serqueux-Gisors. L'enquête publique va être lancée début janvier. Les travaux sont inscrits au CPER et seront réalisés dans les temps prévus.

Vous avez également évoqué l'affaire de la plateforme multimodale ; mon objectif est de trouver une solution avec tous les acteurs, que j'ai trouvés plutôt positifs et impliqués. Ceci me laisse optimiste.

En ce qui concerne les questions de Mme Billon au sujet de la mission de M. Philizot, j'ai déjà apporté une partie de la réponse. Je ne vais pas la rendre publique, puisque nous en sommes encore au stade exploratoire. L'ensemble des lignes n'a pas aujourd'hui reçu de réponse, mais on voit bien que l'idée de la complémentarité entre TET et TER, à propos de laquelle je suis en désaccord avec M. Raison, est spontanément abordée par quelques présidents de région s'agissant de certains circuits. C'est une question de réalité physique. Il peut donc y avoir une discussion constructive à ce sujet.

Vous avez raison - et c'est une des difficultés de nos rapports avec nos concitoyens - concernant le fait que le réseau est vieillissant. Je l'ai dit en introduction : il faut procéder à des travaux de régénération du réseau ferroviaire. Plus on retarde ces travaux, plus on doit faire de la maintenance quotidienne, parfois dans des conditions de sécurité difficiles. C'est tout le travail qui a été mené à l'occasion de la conférence ferroviaire sur la sécurité.

Quand peut-on procéder à la restructuration ? Il existe plusieurs solutions. On peut le faire systématiquement la nuit. Il n'existe parfois pas d'autres moyens, comme en Ile-de-France, par exemple. On peut également le faire vite ; cela coûte moins cher, mais les travaux eux-mêmes génèrent des inconvénients pour les voyageurs. Vous vous en faites souvent l'écho auprès de moi.

C'est une situation difficile, et il faut faire preuve d'une grande solidarité entre élus sur ces questions. Il n'y a pas de recettes miracles, mais il existe une ligne directrice : il faut consacrer les crédits nécessaires à la restructuration du réseau.

Pour l'avenir, les moyens dont on dispose pour restructurer ce réseau, à hauteur de 2,6 milliards d'euros, sont-ils suffisants ? Je ne le pense pas. Dans les années à venir, il faudra faire un effort, quels que soient ceux qui sont aux responsabilités. Il nous faut rénover le réseau et le remettre à niveau. Nous nous y sommes engagés. C'est la seule voie à suivre, et il faudra le faire avec les moyens nécessaires.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 4 novembre 2015, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Transports ferroviaires, collectifs et fluviaux » du projet de loi de finances pour 2016.

M. Hervé Maurey , président. - Trois avis budgétaires à l'ordre du jour ce matin. Avant de passer la parole à nos rapporteurs, je voudrais faire quelques brèves observations liminaires. Notre commission présente au total huit avis budgétaires sur le projet de loi de finances : six concernent la mission écologie et développement durable dont quatre pour les transports (aériens, ferroviaires, maritimes, routiers), un pour la prévention des risques et un pour la biodiversité et la transition énergétique ; un avis recouvre la mission politique des territoires et un avis traite d'une partie de la mission recherche, pour les crédits consacrés au développement durable.

Nous avons pu programmer deux auditions de ministres sur leurs budgets : celle de Mme Pinel il y a une dizaine de jours et celle d'Alain Vidalies la semaine prochaine. Je vous propose donc qu'à la fin de la présentation des rapports pour avis qui concernent des budgets que défendra Alain Vidalies, nous reportions notre vote à une réunion postérieure à l'audition du ministre.

M. Louis Nègre , rapporteur pour avis . - Les crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux, comprennent trois séries de dispositions :

- une partie des crédits inscrits au programme budgétaire 203 intitulé « Infrastructures et services de transport » ;

- des fonds de concours parmi lesquels figurent, au premier rang, les crédits de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ;

- le compte d'affectation spéciale « services nationaux de transport conventionné de voyageurs », qui concerne les trains d'équilibre du territoire (TET).

Après vous avoir présenté les crédits de l'État et de l'AFITF, je vous ferai part de mes vives préoccupations concernant le financement des infrastructures de transport, devenu erratique depuis l'abandon de l'écotaxe, puis les enjeux spécifiques au domaine ferroviaire, qui souffre toujours d'un manque d'État stratège, d'une infrastructure vieillissante malgré les efforts réalisés, et d'une absence de vision à moyen long terme extrêmement préjudiciable pour le système ferroviaire et en particulier pour notre industrie.

L'enveloppe accordée à SNCF Réseau, qui représente 80 % des crédits du programme budgétaire 203, s'élève à 2,5 milliards d'euros, soit un montant stabilisé par rapport à celui de l'année dernière. Elle couvre la redevance d'accès facturée par le gestionnaire d'infrastructure pour l'exploitation des trains express régionaux, les TER, des trains d'équilibre du territoire, les TET, ainsi qu'une participation de l'État pour l'utilisation du réseau par les trains de fret.

Dans les crédits consacrés au soutien, à la régulation et à la sécurité des transports terrestres, 26 millions d'euros sont prévus pour compenser à SNCF Mobilités les tarifications sociales nationales imposées par l'État, et 15 millions d'euros sont dédiés au soutien au transport combiné ferroviaire, soit 1,4 million d'euros de moins qu'en 2015.

Pour les transports fluviaux, la subvention versée à Voies navigables de France s'élève à 252 millions d'euros, en diminution aussi par rapport à 2015. 7 millions d'euros sont destinés au soutien au transport combiné fluvial et maritime, en diminution de plus de 13 % par rapport à l'année dernière.

Enfin, 17 millions d'euros serviront à financer les dépenses transversales du programme « infrastructures et services de transport », telles que les études et les dépenses de logistique de la DGITM ou des services qui lui sont rattachés, en diminution de 7 % par rapport à 2015.

On observe donc sans surprise, du côté des crédits du budget général, une diminution significative des dépenses sur nombre de lignes budgétaires.

Sur les fonds de concours apportés par l'AFITF, 339 millions d'euros doivent servir à financer des opérations contractualisées dans les contrats de projet ou de plan État-régions dans le domaine des transports ferroviaires et collectifs. Mais ce montant, en baisse de 9 % par rapport à l'année dernière, n'est encore qu'estimatif, le budget de l'AFITF devant être arrêté en décembre. En outre, 28 millions d'euros seront destinés à la mise en sécurité des passages à niveau et des tunnels.

Je dois vous faire part de ma très vive préoccupation à propos du budget de l'AFITF.

Tout d'abord, et j'en suis désolé pour nous tous, nous avons été dupés sur le budget 2015 de l'agence ! Je vous rappelle que l'AFITF avait connu deux années très difficiles, en 2013 et en 2014, en raison des reports de l'entrée en vigueur de l'écotaxe. L'État avait commencé à réduire sa contribution au financement de l'agence, alors que la taxe n'était pas collectée et ne pouvait donc rapporter les recettes prévues.

Une fois ce projet de taxe poids lourds définitivement enterré, l'État a décidé, pour l'exercice 2015, d'augmenter la fiscalité sur le gazole et d'affecter le produit de cette augmentation à l'AFITF, soit 1,139 milliard d'euros. Cela devait lui permettre de retrouver un budget plus raisonnable, de 2,2 milliards d'euros, dont 1,9 milliard de crédits d'« intervention » destinés au financement effectif des infrastructures de transport. C'est en tout cas ce qu'on nous avait annoncé à l'automne dernier.

À l'époque, nous nous étions inquiétés, avec la rapporteure spéciale de la commission des finances, Marie Hélène des Esgaulx, de la façon dont serait assumée l'indemnité due à Ecomouv', qui se chiffre tout de même à un milliard d'euros. Lors d'une audition devant nos deux commissions le 29 octobre 2014, le secrétaire d'État aux transports nous avait assuré que ces montants ne seraient pas ponctionnés sur le budget de l'AFITF. Je le cite : « Les recettes consacrées au financement des infrastructures sont non seulement fléchées, mais sécurisées pour l'année 2015. Quoiqu'il arrive, ce n'est pas sur ce budget là que l'on viendra ponctionner les sommes nécessaires au paiement d'une indemnité. » Et finalement, quand on regarde le budget d'intervention de l'AFITF de 2015 tel qu'il a été exécuté, que voit-on ? Un prélèvement d'autorité de 528 millions d'euros, pour financer la première partie de ladite indemnité...

C'est très grave. D'abord, parce qu'on n'a pas dit la vérité aux parlementaires que nous sommes.

Ensuite, parce que l'Agence n'est plus en mesure d'assumer les engagements qu'elle a pris par le passé. Certes, son budget d'intervention a pu être maintenu pour 2015 à 1,8 milliard d'euros, soit 100 millions de moins par rapport à ce qui était prévu initialement, malgré la ponction de ces 528 millions d'euros. Mais à quel prix ? Elle a dû renoncer à certaines dépenses d'intervention ainsi qu'au remboursement prévu de l'avance faite par l'Agence France Trésor et utiliser la quasi-totalité de son fonds de roulement - ce qui ne sera donc plus possible à l'avenir. Elle a aussi bénéficié, il est vrai, d'une recette supplémentaire de 100 millions d'euros, la contribution volontaire des sociétés d'autoroutes. La résiliation du contrat avec Ecomouv' a plusieurs conséquences pour le budget de l'AFITF. Elle crée deux nouvelles dépenses : d'une part, l'indemnité immédiate, versée en 2015, de 528 millions d'euros, d'autre part, les créances « Dailly » à rembourser chaque année jusqu'en 2024 (environ 50 millions d'euros par an). Elle supprime également une dépense, le loyer annuel qui était dû à la société Ecomouv' pour la collecte de la taxe (250 millions d'euros par an).

Mais nous sommes toujours loin du compte. Il ne faut pas oublier que l'AFITF a accumulé, depuis 2013, près de 700 millions d'euros de retards de paiement vis à vis de SNCF Réseau, qui n'ont toujours pas été honorés en cette fin 2015 ! Cette situation anormale génère bien évidemment des frais financiers - plus de 20 millions d'euros aujourd'hui.

Et si l'on se tourne vers l'avenir, la situation est encore plus préoccupante. Dans le projet de loi de finances pour 2016, la part du produit de la TICPE affectée à l'AFITF a été réduite de 400 millions d'euros, passant de 1,139 milliard d'euros à 715 millions d'euros ! Je soutiendrai un amendement de Marie-Hélène des Esgaulx pour restituer l'affectation de 1,139 milliard d'euros à l'AFITF.

Malgré cette réduction, l'agence devrait retrouver un budget d'intervention de l'ordre de 1,9 milliard d'euros, car elle n'aura plus 528 millions d'euros d'indemnité à verser à Ecomouv'. Mais il n'en reste pas moins que cette somme est largement insuffisante pour satisfaire les engagements passés de l'agence. Elle ne pourra prendre de nouveaux engagements qu'en reportant à nouveau le remboursement de ses retards de paiement vis-à-vis de SNCF Réseau.

Or, les nouveaux engagements ne manquent pas, puisque l'agence va devoir payer les loyers des contrats de partenariat signés pour la LGV Bretagne Pays de la Loire, le contournement Nîmes Montpellier, la rocade L2 de Marseille, les contrats de plan État régions 2015-2020, le troisième appel à projets pour les transports collectifs en site propre (TCSP) - si attendu -, sans compter les projets à venir du Canal Seine Nord Europe et de la liaison ferroviaire Lyon Turin... Enfin, il reste encore tous les projets du scénario 2 de la Commission Mobilité 21, sur lequel le Gouvernement, et en particulier le Premier ministre, s'était engagé ! Mais où sont les neiges d'antan et la valeur des engagements pris ?

Cette situation est d'autant plus regrettable que le Gouvernement avait une solution simple pour s'en sortir, et affecter, enfin, un niveau convenable de recettes à l'AFITF : utiliser la TICPE. La baisse d'un centime de la fiscalité sur l'essence qu'il a proposée est démagogique et ne correspond pas à l'engagement de notre pays en faveur de la transition énergétique et de la COP 21. Il n'y avait aucune raison objective de baisser le prix de l'essence, une énergie fossile dont la consommation ne saurait être encouragée. D'après un calcul rapide, cela fait perdre près de 160 millions d'euros, qui auraient pu être affectés à l'AFITF. Mais non, le Gouvernement préfère préserver le caractère erratique du financement des infrastructures de transport !

C'est dommage, car nous avions créé, avec l'AFITF - qui a fêté son dixième anniversaire cette année -, un bel outil financier, permettant l'affectation de recettes stables et prévisibles à des dépenses d'investissements qui s'étalent sur plusieurs années, et dans une perspective de report modal. Je rappelle que l'Agence a engagé 33 milliards d'euros depuis sa création, dont 21 milliards ont déjà été payés, et que deux tiers de ces sommes concernent des transports alternatifs à la route. Je doute que nous serions arrivés au même résultat si cet outil financier n'avait pas existé. Il est particulièrement significatif que l'AFITF commence d'ailleurs à intéresser des pays étrangers : Slovénie, Chine, Allemagne ont rencontré le président de l'agence pour avoir un retour sur ce dispositif.

En ce qui concerne le financement de la politique des transports, je ne suis pas plus rassuré quand je me tourne vers l'échelon local... L'article 4 du projet de loi de finances relève à 11 salariés le seuil de soumission au versement transport, ce qui correspond à un manque à gagner qui se chiffre en centaines de millions d'euros selon le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) pour les autorités organisatrices de transport locales. Il est compensé cette année compensé par un prélèvement sur recettes, mais qu'adviendra-t-il les années suivantes ? On sait que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.

J'en viens désormais aux enjeux spécifiques du domaine ferroviaire, qui attend toujours le retour de « l'État stratège », pourtant maintes fois réaffirmé dans la loi de réforme ferroviaire. Mais sur le terrain, on en est encore loin...

Au risque de me répéter, il faut tout de même souligner ce paradoxe d'un État qui reporte au maximum l'échéance d'une ouverture à la concurrence des transports ferroviaires, et obtient gain de cause à Bruxelles dans le cadre des négociations sur le quatrième paquet ferroviaire - la date d'ouverture à la concurrence a été repoussée à 2026 pour les services conventionnés - , tout en décidant d'introduire dès à présent sur son territoire la libéralisation du transport par autocar, sans verrou, qui met frontalement en concurrence, sur son territoire, les modes ferroviaire et routier. Bien entendu, je ne suis pas opposé à cette libéralisation du transport par autocar, mais il me semble logique que dans ce cas, l'on permette aussi au rail de s'adapter, en l'ouvrant à la concurrence.

Sur la modernisation du réseau ferroviaire, on attend aussi plus de vision stratégique. Réseau ferré de France a certes adopté en septembre 2013, à la demande du Gouvernement, un grand plan de modernisation du réseau (GPMR), avec une enveloppe de 15 milliards d'euros sur six ans, pour mettre un frein au vieillissement du réseau, constaté par l'école polytechnique de Lausanne. Mais l'État n'a pas pu s'engager de façon pluriannuelle sur ces crédits, et l'on nous dit aujourd'hui que les montants consacrés à l'entretien du réseau dépendront du contrat signé entre l'État et SNCF Réseau. J'espère donc que l'État fera le nécessaire pour engager les actions annoncées le plus vite possible. Il y va de l'efficacité et de la sécurité de notre réseau.

Autre exemple où l'État peine à s'affirmer : les trains d'équilibre du territoire. Comme vous le savez, la convention signée en 2010 entre l'État et la SNCF n'est pas satisfaisante - l'offre mérite d'être revue, l'architecture financière aussi, la Cour des comptes l'a clairement souligné. Or, le Gouvernement ne cesse de reporter l'échéance d'une reprise en main de ce dossier, comme s'il avait grand peine à exercer son rôle d'autorité organisatrice ! Il aurait en effet pu modifier cette convention dès 2013, mais n'a fait que la prolonger par avenant depuis cette date.

Certes, il a créé l'année dernière une commission à ce sujet, présidée par Philippe Duron. Elle a conclu à la nécessité d'une reprise en main effective de ce dossier par l'État, d'une refonte des dessertes, d'un effort de maîtrise des coûts d'exploitation de la part de l'opérateur et d'une préparation à l'ouverture à la concurrence. Mais la question est loin d'être réglée, puisqu'un préfet, François Philizot, a été missionné pour discuter avec les régions des évolutions de desserte. Celui-ci ne pourra rendre ses conclusions qu'une fois que les nouvelles régions auront été mises en place. Cela ne me choque pas, mais on perd encore quelques mois dans ce dossier, alors qu'il aurait pu être repris en main dès 2013. Et en attendant, ces trains se vident, vieillissent, et coûtent de plus en plus cher...

Le compte d'affectation spéciale qui retrace les recettes et dépenses affectées à ces trains d'équilibre du territoire est doté pour 2016 de 335 millions d'euros, dont 217 millions pour l'exploitation des services, en augmentation de 15% par rapport à l'année dernière, et 118 millions pour la maintenance du matériel roulant.

Pour mémoire, ses recettes proviennent quasi-exclusivement de la SNCF, par le biais de la contribution de solidarité territoriale et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires. Et c'est l'augmentation de la contribution de solidarité territoriale qui permet d'absorber l'augmentation des coûts d'exploitation. C'est le chat qui se mord la queue. Seuls 19 millions d'euros sont issus du produit de la taxe d'aménagement du territoire imposée aux sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Sur le fret ferroviaire, l'État a mis en place une conférence ministérielle périodique à ce sujet. Je rappelle toutefois qu'il n'assume pas en totalité l'enveloppe qu'il est censé reverser à SNCF Réseau pour prendre en charge une partie des péages fret. Cela représente, pour SNCF Réseau, un manque à gagner de 232 millions d'euros. C'est pour ce motif que l'ARAF a refusé à deux reprises cette année de valider les tarifs des péages fret. Elle ne les a acceptés qu'après avoir obtenu l'engagement de l'État que ses éventuels défauts de paiement pourraient être financés par une fraction du dividende de SNCF Mobilités. Mais, comme l'a souligné le président de l'ARAF lui-même, ce n'est pas du tout l'esprit de la réforme du 4 août 2014, qui était d'utiliser ces dividendes pour désendetter le réseau et non pour répondre aux difficultés budgétaires de l'État.

En outre, les tarifs des péages fret vont augmenter de 6,27 % en 2016, puis 2,4 % en 2017. Ce choc ferroviaire ne pourra pas être absorbé par les entreprises. Il faut rendre la gestion du réseau plus performante.

Enfin, la filière industrielle ferroviaire attend aussi un retour de l'État stratège. Je ne m'attarde pas sur ce point, que j'ai déjà évoqué devant vous, mais je rappelle que c'est tout un vivier d'emplois et de compétences qui est en danger, dans un domaine où la France avait pourtant tiré son épingle du jeu jusqu'à présent. Quel dommage de ne pas préserver cet acquis !

Je termine mon propos par un regret : le report au 1er janvier 2018 de l'entrée en vigueur de la dépénalisation des infractions au stationnement payant. Cette réforme d'envergure porte en elle de belles potentialités pour le développement des politiques de transports collectifs, en donnant enfin aux élus locaux la maîtrise pleine de ce qui doit être perçu comme une véritable politique publique, mais elle a rencontré trop de freins, ce que je regrette vivement.

Comme l'a évoqué le président, nous ne voterons sur ces crédits qu'après avoir entendu le ministre. Mais je doute pour ma part que cette audition change mon analyse de ces crédits, sur lesquels je vous proposerai d'émettre un avis défavorable, si le budget affecté à l'AFITF n'évolue pas favorablement d'ici là et s'il n'est pas fait place à une vision de long terme du financement des infrastructures de transports.

M. Hervé Maurey , président. - Je remercie le rapporteur pour sa précision et sa rigueur. J'ajouterai un petit complément sur la question du prélèvement sur le dividende de SNCF Mobilités. Je siège au conseil de surveillance de la SNCF depuis la mise en place des nouvelles structures le 1 er juillet. Il nous a été indiqué, comme l'a dit le rapporteur, qu'au titre de la compensation pour le fret, il y aurait un prélèvement de l'État cette année de 28 millions d'euros à la suite de la demande de l'ARAF. Naturellement les dirigeants de la SNCF sont tout à fait opposés à ce prélèvement, qui est contraire à l'esprit de la réforme lors de laquelle il avait été clairement dit que le dividende devait permettre ou en tout cas contribuer à résorber le déficit de la SNCF, qui est de 40 milliards d'euros aujourd'hui, et dont on espère la stabilisation à 60 milliards environ d'ici dix ans. On le sait, la situation est donc plus que préoccupante et ce prélèvement n'est pas le bienvenu.

M. Jean-Jacques Filleul . - Nous nous attendions au rapport fait par le rapporteur. La situation financière est compliquée et est héritée de l'histoire de la SNCF et de notre pays. Il faut féliciter le Gouvernement d'avoir tenu un certain nombre de caps dans ce contexte, en particulier le budget du ferroviaire qui est stabilisé, notamment les crédits de SNCF Réseau. J'ai aussi relevé dans les documents budgétaires que le fonds de concours de l'action 10 augmente pour atteindre 415 millions d'euros. La SNCF a des problèmes d'infrastructures. Je voudrais rappeler que nous avions demandé à l'époque que l'entretien soit renforcé sur le réseau d'Île-de-France, qui connaissait des difficultés depuis l'accident de Bretigny. Le Gouvernement a affecté en deux ans, d'abord cinq cents emplois supplémentaires, puis encore 350 emplois pour la maintenance des réseaux.

Globalement sur le ferroviaire, le budget devrait permettre de tenir en 2016. À la suite du rapport TET, le Gouvernement souhaite reprendre en mains sa responsabilité d'autorité organisatrice de transports. Il y a une ferme volonté de passer la convention avec les régions mais c'est toujours plus long que prévu malheureusement. Il semble aussi que nous soyons obligés de passer par un nouveau marché pour acheter des machines. En même temps, le Gouvernement a réinscrit un objectif d'un milliard et demi d'euros d'achat de matériel pour les TET.

Je voudrais aussi rappeler que la réforme de la SNCF se met en place comme prévu. La réforme du 4 août 2014 s'est mise en place avec une meilleure cohérence opérationnelle pour la réunification des métiers d'infrastructures. Tout le monde s'en félicite aujourd'hui. Quant à l'amélioration de la trajectoire financière du système ferroviaire, nous sommes d'accord que malheureusement nous en sommes à environ 45 milliards d'euros de déficit et qu'il augmente de 3,5 milliards tous les ans. Le cadre social harmonisé est en cours de négociation et le déroulement est plutôt positif.

Sur l'AFITF, nous sommes tous attentifs. Son budget d'intervention est maintenu pour 2016. Mais les trajectoires futures devront être aux alentours de 2,8 milliards d'euros pour faire face aux échéances. Je suis persuadé que le Gouvernement fera les efforts nécessaires pour que cette trajectoire soit tenue.

Je rappelle que l'ARAFER a été mise en place : c'est une évolution positive. Le plan de relance prévu à la suite de la mission sur les autoroutes est lancé. Les négociations avec les sociétés de travaux publics sont en cours. Le Gouvernement tient à maintenir les 55 % de petites entreprises de travaux publics. Je me satisfais de la situation tout en sachant qu'il faudra faire des efforts pour les infrastructures dans les années à venir.

Pour finir, j'évoquerai la LGV-SEA Paris-Tours-Bordeaux. Cette négociation qui date de 2010 est une véritable catastrophe financière et technologique. Il faut espérer que les autres projets seront conduits différemment, avec des conditions de travail différentes et notamment davantage d'argent public.

M. Hervé Maurey , président. - Sur la mise en oeuvre de la réforme, je rappelle que le fait de commencer par un prélèvement sur le dividende au profit de l'État, contrairement à l'esprit de la réforme, n'est pas un très bon signal.

M. Gérard Cornu . - En écoutant notre rapporteur, on a presque le moral à zéro. D'une manière générale en effet, on voit que sur le dossier des infrastructures routières et ferroviaires, la parole de l'État n'est plus crédible. On assiste à des mensonges répétés. Je prendrais pour exemple l'abandon de l'écotaxe, qui a des conséquences catastrophiques, à la fois pour les conseils départementaux mais aussi pour l'État. On nous a menti au sujet des indemnités à Ecomouv, j'ai pour ma part une question. La ministre Ségolène Royal nous avait indiqué que les portiques seraient réutilisés. S'agit-il encore d'un mensonge ? Où en est-on ?

M. Claude Bérit-Débat . - Nous avons entendu le procureur général Louis Nègre dans une intervention incisive. Mais faisons attention. Lorsque vous dites que les promesses n'engagent que ceux qui les entendent, je crois que le Gouvernement précédent était justement spécialiste en la matière. Je souhaite revenir sur les crédits de l'AFITF. Je me félicite qu'ils soient stabilisés. Entre 2012 et 2016, il y a une stabilisation autour de 1,85 milliard d'euros. Comme l'a dit Jean-Jacques Filleul, il faudrait à terme arriver à 2,5 milliards. Je rappelle tout de même que nous sommes dans une situation particulièrement difficile et que l'opposition elle-même nous enjoint à faire des économies. Aujourd'hui, le rapporteur-procureur préconise de faire des efforts supplémentaires.

Sur la question du versement transport, je note avec satisfaction que le Gouvernement s'engage pour une compensation totale. On peut s'interroger sur l'avenir mais quelle est la cause de cela ? C'est une harmonisation des seuils sociaux que les entreprises et les syndicats patronaux ne cessent de demander. On y arrive justement et il faut s'en féliciter. Je répète que je soutiens les remarques formulées par Jean-Jacques Filleul et que je ne partage pas l'analyse du rapporteur. L'opposition s'oppose mécaniquement et fait de la démagogie mais ce n'est jamais bon pour les citoyens qui nous observent car on sait que ce que l'on promet aujourd'hui, on ne l'a pas tenu hier et on ne le tiendra pas demain.

M. Charles Revet . - Je félicite le rapporteur pour son analyse très complète. Je suis pour ma part très favorable au ferroviaire. Je considère que nos ancêtres ont su réaliser au fil du temps, le meilleur maillage qui existe en Europe. Le recul pris chaque année devient dramatique dans certains secteurs. Monsieur le président, ne pourrait-on pas faire un véritable état des lieux sur ce sujet ?

De manière plus spécifique, le sujet est lié à celui des ports. Dans certains ports européens - comme par exemple Hambourg - 50 % du fret se fait par le ferroviaire ou le fluvial. Or, chez nous, nous sommes à 4 ou 5 % pour le ferroviaire et 8 ou 10 % pour le fluvial. Pourtant, souvent, il ne s'agirait que d'aménagements qui permettraient de développer le fluvial ou le ferroviaire et d'avoir un effet pour nos ports et l'emploi qu'ils drainent.

Mme Évelyne Didier . - Je réserverai le détail de mes remarques pour la séance. Mais je crois qu'il faut arrêter les postures. Cela devient lassant. On sait tous qu'il n'y a pas assez d'argent pour les infrastructures. Nous avons un gros déficit. Lorsqu'on dit que l'AFITF manque de crédits, on le sait depuis le début puisque nous avions prévu à l'origine que l'AFITF fonctionnerait grâce aux dividendes des autoroutes. Dès le moment où on a privatisé les autoroutes, en 2005, on a de fait supprimé la principale ressource de l'AFITF. Puis il y a eu les épisodes malheureux de l'écotaxe. Vous savez tous, gouvernements de droite comme de gauche, qu'il y a derrière cela l'incapacité de Bercy à accepter qu'une somme d'argent lui échappe et soit fléchée sur un organisme. Ce n'est pas nouveau. En fin de compte, nous n'avons pas assez d'argent pour le service public. Or, on n'arrête pas de faire du service public bashing . On démantèle les opérateurs historiques qui sont une force pour notre pays : c'est ce qui se passe avec l'injonction de l'Europe sur les concessions hydrauliques. Tant que ces politiques-là seront à l'oeuvre, nous n'en sortirons pas. C'est à cela qu'il faut s'attaquer : la richesse produite en France aujourd'hui va aux actionnaires plutôt que d'aller aux services publics.

M. Jean-François Mayet . - Je remercie notre rapporteur, dont je partage l'inquiétude concernant l'avenir de la « nébuleuse SNCF ». Je vis au quotidien l'agonie technique de la ligne Paris-Toulouse. Chaque semaine il y a un incident technique qui cause des retards. Nous avons été quelques-uns à écouter un excellent rapport du président de La Poste qui nous a démontré que c'était son changement de statut qui permettait de sauver l'avenir de La Poste et l'emploi des 277 000 salariés. Tant que la SNCF aura un droit de tirage permanent sur les deniers publics, cela ne marchera pas car ce système ne génère pas de dirigeants capables de gérer la SNCF. Les nantis de la SNCF, ceux qui ont une ligne, ont de la chance pour l'instant mais cela ne durera pas si l'on ne réforme pas la SNCF, car nous n'avons pas les moyens d'entretenir ces lignes. C'est une gestion de gribouille qui donne le droit à la SNCF de tirer de l'argent public et d'assécher un État déjà lui aussi à l'agonie sur le plan financier.

Mme Annick Billon . - Je ne reviens pas sur la situation financière de la SNCF aujourd'hui. Pour avoir participé au rapport Duron sur les TET avec mon collègue Jean-Jacques Filleul, nous avons bien constaté que la situation n'était pas simple et ne pouvait être réglée rapidement car elle est le résultat d'années de gestion. Il faut trouver des financements. Je voudrais rappeler que nos territoires ont besoin du ferroviaire. En Vendée par exemple, depuis le rapport Duron, une association se mobilise à Luçon pour le ferroviaire parce que le ferroviaire est source de désenclavement et de développement économique.

M. Jean-François Longeot . - Je remercie le rapporteur pour ses éclaircissements. Je ne sais pas si dire la vérité et nous mettre devant nos responsabilités, c'est être procureur. Moi je ne le pense pas en tout cas. Nous devons pouvoir prendre en considération toutes les difficultés financières. L'abandon de l'écotaxe en est une des principales causes. Mettre en difficulté la SNCF, c'est en faire subir les conséquences à nos territoires puisque les plus petits territoires ne seront plus reliés entre eux. Il y aura aussi des conséquences fortes en matière d'emploi pour toutes les entreprises qui travaillent pour le ferroviaire. Lundi, j'ai discuté avec le nouveau directeur d'Alstom : leur cahier des charges et leur plan de travail ne vont pas loin.

M. Louis Nègre , rapporteur pour avis. - Je suis d'accord avec vous, M. Filleul, la situation financière est compliquée. C'est une situation ancienne, oui. Reconnaissons aussi que nous n'avons pas toujours été parfaits. On peut se tromper. Mais il faut tout de même dire ce qui est. Nous avons fait des erreurs mais qu'attendez-vous, maintenant que vous êtes au pouvoir, pour changer cela ? Vous citez à juste titre l'accident de Bretigny avec les 850 postes supplémentaires affectés à l'entretien : sont-ce des créations de postes ? Comment sont-elles financées ? Dans ma région, brutalement, tous les emplois liés à la modernisation de la ligne Grasse-Cannes ont été pris et envoyés pour faire de la sécurisation et du contrôle des voies. Il ne faut pas habiller Pierre en déshabillant Paul.

M. Jean-Jacques Filleul . - Ce sont des recrutements.

M. Louis Nègre , rapporteur pour avis. - Eh bien j'attends une réponse de la ministre pour savoir comment sont financés 850 postes supplémentaires.

M. Jean-Jacques Filleul . - Vous ne pouvez pas dire cela. Il y a des besoins de maintenance. On ne peut pas d'un côté déplorer que la maintenance ne se fasse pas et de l'autre se demander comment on la paye lorsqu'on la recrute.

M. Louis Nègre , rapporteur pour avis. - Moi je considère qu'un choix est possible. Sur le fond, je crois qu'il y a des possibilités de faire différemment. Mon rapport est certes critique. Mais lorsque vous signalez que la dette est de 45 milliards et qu'elle passera à 60 milliards, on ne peut que s'inquiéter pour l'avenir. Il n'y a pas d'augmentation des fonds de concours de l'AFITF. En crédits de paiement, on avait l'année dernière 371 millions et en 2016, on a plus que 339 millions. Il y a donc une diminution de 9 %. Sur les crédits de l'AFITF, il y a une diminution de 3 % sur le fluvial et le portuaire, M. Revet, une diminution de 4 % de la subvention allouée à Voies navigables de France (VNF) et le transport combiné fluvial et portuaire baisse de 13 %. Sur l'ARAFER, nous sommes d'accord : le fait que 55 % de petites entreprises puissent contribuer, c'est une bonne chose. M. Cornu, vous avez souligné la question de la crédibilité. Il vaudrait mieux en effet parler moins et tenir ses promesses. M. Bérit-Débat, vous m'appelez procureur général. Dans notre commission, nous avons une grande liberté de parole et je m'en félicite. Mais mon rapport est un cri d'alerte. Je suis malheureux de cette situation. L'argument de ce qu'a fait le précédent Gouvernement n'est pas le meilleur à mon avis : cela signifie que vous n'avez pas fait mieux trois ans après. Par ailleurs, l'objectif est bien de trouver 2 ou 2,5 milliards d'euros supplémentaires pour l'AFITF. Philippe Duron le dit lui-même. Nous avons une vision partagée sur ce montant.

M. Revet, vous montez au créneau sur le portuaire avec raison. Pourquoi n'est-on pas plus efficace dans ce domaine ? Certains aménagements spécifiques pour relier les ports aux voies ferrées ne sont pas faits et cette situation n'est pas bonne pour la France.

Mme Didier, vous souhaitez que l'on arrête les postures. Il faut commencer par balayer devant sa propre porte. Lorsque vous dites que Bercy est toujours immobile, je ne sais plus où vous vous situez. Vous dénoncez le service public bashing . Mais M. Mayet lui, parle « d'agonie » : il est dans la réalité. Je ne suis pas dans le service public bashing : je voudrais simplement un service public qui marche. Dans mon département, il y a ceux que l'on appelle les « naufragés du TER », qui voudraient simplement les « 3A » : à l'heure, avertis et assis. Dans mon département, les trains sont sales, taggés et peu abordables. Je reviens de Transports for London. J'y ai entendu quelque chose qui m'a intéressé. Transports for London a récupéré une ligne qui avait été faite par une autre compagnie. Elle fonctionnait très mal et était sale. Après la reprise en main, on a constaté une augmentation de 260 %, uniquement grâce à des choses simples. M. Mayet, comme vous, je suis favorable à l'ouverture à la concurrence de la SNCF. On n'arrive pas à réformer la SNCF de l'intérieur : seule l'ouverture à la concurrence permettrait de stimuler ce grand corps malade. Quant à son « droit de tirage » permanent sur les deniers publics : oui c'est vrai. Mme Billon, il faut se mobiliser pour trouver des financements, je suis d'accord. M. Longeot, vous parlez à juste raison des difficultés causées par l'abandon de l'écotaxe.

Je terminerai en rappelant que ce système ferroviaire était l'un des meilleurs du monde. La SNCF est encore une signature dans le monde entier. Ses filiales internationales et Keolis prennent des marchés dans le monde entier. Nous avons donc un potentiel extraordinaire dans cette entreprise. On augmente nos parts de marché à l'extérieur. Je critique l'incohérence de la politique menée : d'un côté, on interdit l'ouverture à la concurrence du ferroviaire et de l'autre, on ouvre à la concurrence des cars. Je n'arrive pas à suivre le fil de cette politique. Deuxième critique, si on veut faire avancer les choses, il faut une vision à long terme. Enfin, la gestion financière n'est pas à la hauteur : on vit sur la dette, on l'augmente et on fonctionne sur elle. Cette gestion n'a pas d'avenir.

Réunie le mercredi 18 novembre 2015, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 20 octobre 2015 :

- Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) : M. François Poupard , directeur général, Mmes Christine Bouchet, adjointe au directeur général, et Nancy Canoves-Fuster, directrice de cabinet du directeur général.

Mardi 27 octobre 2015 :

- Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF ) : MM. Philippe Duron , président, Loïc Guinard , secrétaire général, et Dominique Etienne , secrétaire général adjoint.


* 1 Ces frais incluent l'indemnité versée à la société Écomouv' et à certaines sociétés habilitées de télépéage, le montant des créances Dailly détenues par les établissements de crédit sur Écomouv' et pris en charge par l'État, et le coût des mesures relatives aux dispositifs de collecte de la taxe (serveurs et portiques).

* 2 La cession de « créances Dailly » (en référence à la loi du 2 janvier 1981 déposée par le sénateur Etienne Dailly) est une convention par laquelle un créancier (ici, Ecomouv') transmet la créance qu'il détient sur l'un de ses débiteurs (l'État, dans le cas d'espèce) à des établissements de crédit.

* 3 Audit sur l'état du réseau ferré national français, par MM. Robert Rivier & Yves Putallaz, École polytechnique fédérale de Lausanne - LITEP Laboratoire d'Intermodalité des Transports et de Planification, 7 septembre 2005.

* 4 Audit revisité sur l'état du réseau, par MM. Yves Putallaz et Panos Tzieropoulos, École polytechnique fédérale de Lausanne - LITEP Laboratoire d'Intermodalité des Transports et de Planification, septembre 2012.

* 5 Voir commentaire infra.

* 6 Cf. supra.

* 7 Avis n° 2015-004 du 3 février 2015 et avis n° 2015-020 du 10 juin 2015 relatifs à la fixation des redevances d'infrastructure liées à l'utilisation du réseau ferré national pour l'horaire de service 2016.

* 8 Avis n° 2015-034 du 1 er octobre 2015 relatif à la fixation des redevances d'infrastructure liées à l'utilisation du réseau ferré national pour l'horaire de service 2016.

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