B. UNE POLITIQUE TRANSVERSALE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE PEU LISIBLE ET FAIBLEMENT DOTÉE

1. Un effort global limité et peu lisible

La mission « Politique des territoires » n'offre qu'une vue partielle des financements dédiés à l'aménagement du territoire . En effet, le programme 112 assure essentiellement le financement de dispositifs d'animation, tandis que le programme 162 est consacré à des plans d'intervention territorialisés.

En réalité, ces deux programmes ne représentent que 4,8 % du total des crédits recensés dans le document de politique transversale consacré à l'aménagement du territoire, qui agrège l'ensemble des crédits mobilisés pour cette politique interministérielle.

LA POLITIQUE TRANSVERSALE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Cette politique comporte deux axes stratégiques, définis dans une perspective de développement durable, afin d'articuler les impératifs complémentaires que sont la solidarité et la compétitivité des territoires.

Le premier axe « Promouvoir un développement compétitif et durable des territoires » comprend quatre objectifs : 1) concilier activités économiques et préservation des milieux ; 2) soutenir la compétitivité et l'attractivité des territoires ; 3) mobiliser les pouvoirs publics et la société civile en faveur du développement durable ; 4) développer et promouvoir la production agricole sous signes officiels de qualité.

Le second axe « Favoriser un aménagement équilibré et solidaire du territoire » comprend neuf objectifs : 5) accompagner les mutations économiques et renforcer la cohésion sociale et territoriale ; 6) favoriser l'accès aux services publics ; 7) apporter une attention particulière à une répartition équilibrée des équipements sportifs sur le territoire national et promouvoir la réalisation d'équipements structurants ; 8) promouvoir la planification, la connaissance et le développement des territoires ; 9) encourager la création et la sauvegarde d'emplois durables dans le secteur marchand ; 10) réaliser au meilleur coût les projets de desserte planifiés et moderniser efficacement les réseaux de transports ; 11) promouvoir les projets de développement local ; 12) améliorer la gestion durable des forêts relevant du régime forestier ; 13) limiter l'exposition aux risques technologiques et naturels majeurs ;

En tout, ces ressources sont estimées à 5,7 Mds€ de CP pour 2016. Après une baisse de 5 % en 2015, les crédits connaissent donc une légère hausse de 1 %. Les AE augmentent plus significativement de 8,5 % et sont estimées à 6,4 milliards d'euros, en lien avec le lancement de la nouvelle génération de contrats de plan État-région.

Ces ressources sont réparties dans 30 programmes, relevant de 14 missions budgétaires différentes. Votre rapporteur regrette à cet égard le manque persistant de lisibilité de la politique d'aménagement du territoire . La dispersion des moyens entre une trentaine de programmes en témoigne. Malgré son caractère intrinsèquement transversal, la maquette budgétaire de l'aménagement du territoire ne permet pas d'appréhender clairement toute l'évolution des moyens mobilisés, ni leurs résultats.

CRÉDITS (EN CP) DE LA POLITIQUE TRANSVERSALE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Exécution 2014

LFI 2015

PLF 2016

Variation 2015/2016

Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

251 269 612

263 152 492

254 302 784

-3%

Economie et développement durable de l'agriculture et des territoires

945 909 722

922 367 844

919 507 807

0%

Forêt

295 243 337

292 181 945

291 314 122

0%

Enseignement supérieur et recherche agricoles

4 500 292

8 000 000

8 000 000

0%

Enseignement technique agricole

59 966 673

38 375 912

36 998 498

-4%

Patrimoines

22 575 051

35 943 700

25 165 932

-30%

Création

12 783 678

15 268 272

15 231 094

0%

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

113 743 249

137 877 548

147 976 974

7%

Soutien de la politique de défense

33 940 101

51 858 602

29 242 819

-44%

Infrastructures et services de transports

33 238 358

28 800 000

30 906 214

7%

Paysages, eau et biodiversité

123 256 981

131 847 964

134 703 545

2%

Prévention des risques

56 927 589

65 928 935

56 208 158

-15%

Énergie, climat et après-mines

2 790 682

3 160 000

2 400 000

-24%

Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer

1 860 000

1 580 000

1 500 000

-5%

Développement des entreprises et du tourisme

20 330 155

13 469 622

10 754 406

-20%

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

47 054 984

59 924 630

104 906 630

75%

Politique de la ville

386 552 030

386 782 527

372 491 123

-4%

Soutien de la politique de l'éducation nationale

53 792 725

77 923 845

71 230 862

-9%

Emploi outre-mer

1 152 334 901

1 160 720 331

1 131 275 365

-3%

Conditions de vie outre-mer

630 207 402

670 716 594

677 913 955

1%

Interventions territoriales de l'État

18 974 940

22 407 799

18 869 907

-16%

Formations supérieures et recherche universitaire

185 800 000

195 992 900

138 829 200

-29%

Vie étudiante

5 091 261

12 925 000

15 375 000

19%

Recherche scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

22 815 000

21 576 000

23 977 000

11%

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

96 306 235

117 708 448

130 000 000

10%

Concours financiers aux communes et groupements de communes (DETR, DDU)

623 690 115

692 463 214

872 963 388

26%

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

840 000

840 000

840 000

0%

Sport

34 264 461

32 018 952

29 848 385

-7%

Accès et retour à l'emploi

797 831

0

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

219 520 876

213 351 137

154 056 446

-28%

TOTAL

5 456 378 241

5 675 164 213

5 706 789 614

1%

Source : document de politique transversale - PLF 2016

Les blocs les plus importants, en volume de crédits, sont ceux relatifs à l'emploi outre-mer (1,13 Md€), à l'agriculture (919 M€), aux concours financiers de l'État aux communes et groupements de communes (872 M€) aux conditions de vie outre-mer (677 M€), et à la politique de la ville (372 M€).

Le montant total de la politique transversale peut paraître élevé en valeur absolue, mais il ne représente au final que 0,26 point de PIB consacré à l'aménagement du territoire, et 1,4 % du budget général de l'État, alors qu'il s'agit d'une composante essentielle de notre développement, comme le soulignent tous les travaux de l'économie géographique.

2. Un décalage entre la diminution des moyens et les annonces du Gouvernement

Après les Assises de la ruralité, organisées en septembre 2014, un Comité interministériel aux ruralités a eu lieu le 13 mars 2015 à Laon. Lors de cette conférence, le Gouvernement a annoncé 46 mesures pour les territoires ruraux , divisées en trois axes : « Priorité 1 - Garantir à tous l'égalité d'accès aux services », « Priorité 2 - Amplifier les capacités de développement des territoires ruraux », « Priorité 3 - Assurer la mise en réseau des territoires ».

Un second comité interministériel aux ruralités a été organisé le 14 septembre 2015 à Vesoul, en Haute-Saône. Le Gouvernement s'est cette fois prévalu de proposer 21 mesures supplémentaires pour la ruralité.

Votre rapporteur souligne que plusieurs mesures ne constituent pas des dispositifs nouveaux , mais reprennent des initiatives en cours, dont l'amplification effective devra être vérifiée. Il en est ainsi des maisons de santé pluriprofessionnelles, de la mutualisation des services au public ou encore de la mobilisation des contrats de plan État-région et des fonds européens pour le développement local. Certaines annonces laissent par ailleurs présumer qu'elles représentent des crédits supplémentaires, alors même que plusieurs d'entre elles s'inscrivent clairement dans une réduction des ressources disponibles : comme les maisons de services au public ou la réforme des zones de revitalisation rurale.

Le chiffrage budgétaire de ces mesures est particulièrement incertain compte tenu de la fragmentation des annonces, et de la reprise de financements déjà engagés . Le coût des mesures annoncées en mars 2015 serait ainsi d'1 milliard d'euros. En réalité ce total est obtenu par l'agrégation de crédits de droit commun, d'autorisations d'engagement existantes et de redéploiements par une régulation en cours d'année. Lors de son audition devant notre commission, la ministre de l'égalité des territoires et du logement a annoncé que les mesures présentées en septembre 2015 représenteraient 580 millions d'euros, sans que votre rapporteur ait pu disposer a posteriori d'éléments pour vérifier cette estimation.

En parallèle de cette multitude d'annonces, votre rapporteur ne peut que constater une baisse certaine des ressources à disposition des collectivités territoriales.

LA CONTRIBUTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit la participation des administrations publiques locales (APUL) à la mise en oeuvre du plan d'économies de 50 Mds€ d'ici 2017. Dans le cadre de ce plan, les collectivités territoriales doivent réaliser 10,7 Mds€ d'économies sur trois ans , soit 21 % de l'effort total en dépenses sur le programme triennal.

Au titre de 2016, l'économie que devront réaliser les collectivités territoriales doit atteindre 3,5 Mds€ . Cet effort sera poursuivi en 2017. Cette mesure s'ajoute à celles adoptées lors de l'examen des précédentes lois de finances , soit :

- le gel en valeur des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales en LFI 2013 ;

- la baisse de 1,5 Md€ des dotations des collectivités territoriales en LFI 2014 ;

- la baisse de 3,5 Mds€ des dotations en LFI 2015.

L'économie de 3,5 Mds€ prévue en 2016 portera sur la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette économie est répartie entre les collectivités au prorata de leurs recettes totales :

- 2,071 Mds€ portent sur le bloc communal (56 %) ;

- 1,148 Mds€ porte sur les départements (32 %) ;

- 451 M€ portent sur les régions (12 %).

De tels efforts ont des conséquences importantes sur les capacités d'investissement des collectivités territoriales. Dans son rapport sur les finances publiques locales de 2015, la Cour des comptes observe une baisse de l'investissement local de 9,6 % en 2014. La poursuite de la baisse des dotations devrait prolonger cette diminution de l'investissement jusqu'en 2017.

Ce décalage entre les réductions de moyens et les mesures présentées amplifie le manque de lisibilité de l'action de l'État en matière d'aménagement du territoire. En tout état de cause, très peu de crédits mobilisés pour la mise en oeuvre des annonces du Gouvernement sont inscrits au sein des programmes 112 et 162.

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