Avis n° 169 (2015-2016) de Mme Odette HERVIAUX , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 19 novembre 2015

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N° 169

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VIII

RECHERCHE :

RECHERCHE DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Par Mme Odette HERVIAUX,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; Mme Natacha Bouchart, MM. Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Alain Fouché, Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Paul Vergès .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 , 164 à 168 et 170 (2015-2016)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits du programme 190 relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, inscrits dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2016 financent les budgets de six opérateurs de recherche et d'expertise.

Les missions diverses de ces établissements sont fondamentales pour permettre à notre pays de réussir sa transition écologique et énergétique.

Votre rapporteure pour avis salue la préservation globale du montant des crédits qui leur sont alloués.

Elle a donc proposé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'émettre un avis favorable à leur adoption.

*

* *

Lors de sa réunion du 4 novembre 2015, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UN PROGRAMME DE RECHERCHE INDISPENSABLE AU SOUTIEN DE LA CROISSANCE VERTE

Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances (PLF) pour 2016 a pour objet de financer des actions de recherche dans les domaines du développement durable.

Levier de production de connaissances scientifiques, ce programme revêt une importance fondamentale pour la mise en oeuvre de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. À quelques semaines de l'ouverture de la COP21, il contribue également à répondre aux enjeux des politiques d'adaptation au changement climatique.

A. LE SIGNAL POSITIF : UNE HAUSSE GLOBALE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 190

Le total des crédits que le PLF pour 2016 alloue au programme 190 s'élève à 1,408 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 1,414 milliard d'euros en crédits de paiement (CP).

Ce montant global est en hausse par rapport à celui ouvert par la loi de finances initiale (LFI) pour 2015 (+ 2,18 % en AE et + 2,02 % en CP).

Cette élévation s'explique par la forte augmentation (+ 13,55 %) des crédits concourant à l'action n° 15 du programme, relative à la couverture des charges nucléaires de long terme des installations du CEA pour les installations en exploitation ou à l'arrêt au 31 décembre 2009, et au financement des opérations de démantèlement et d'assainissement en cours.

Le financement des autres actions du programme 190 reste à-peu-près stable par rapport à l'an dernier.

Ainsi, les variations des montants de crédits alloués en AE comme en CP aux actions n° 11 et n° 12, portant respectivement sur la connaissance des risques industriels - tels que le rayonnement ionisant ou les substances toxiques - et la recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l'aménagement, sont inférieures à 1 %.

Il en va de même, en AE, pour les crédits alloués à l'action n° 13, destinés à soutenir la recherche partenariale dans le développement et la mobilité durables (- 0,54 %).

La diminution des crédits de l'action n° 10, consacrés à la recherche dans le domaine de l'énergie, est plus marquée mais reste modérée (-1,88 %).

En définitive, seule la dotation allouée à l'action n° 14 (recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile), dont l'objet est de soutenir l'accélération de la maturation des technologies de rupture favorables au développement durable du transport aérien, se démarque en enregistrant une baisse de 7,30 % en AE comme en CP.

LFI 2015

PLF 2016

VARIATION PLF
2016 / LFI 2015

AE (en M€)

CP (en M€)

AE (en M€)

CP (en M€)

AE (en %)

CP (en %)

ACTION n°10 : Recherche dans le domaine de l'énergie

642,04

642,04

630,00

630,00

-1,88%

-1,88%

ACTION n°11 : Recherche dans le domaine des risques

182,03

182,03

180,91

180,91

-0,62%

-0,62%

ACTION n°12 : Recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l'aménagement

102,94

102,94

101,94

101,94

-0,97%

-0,97%

ACTION n°13 : Recherche partenariale dans le développement et l'aménagement durable

1,57

9,57

1,56

7,56

-0,54%

-20,99%

ACTION n°14 : Recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile

80,24

80,24

74,38

74,38

-7,30%

-7,30%

ACTION n°15 :

Charges nucléaires de long terme des installations du CEA

369,00

369,00

419,00

419,00

13,55%

13,55%

P190 Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

1 377,81

1 385,81

1 407,79

1 413,79

2,18 %

2,02 %

Source : Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

À l'heure de la mise en oeuvre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, votre rapporteure pour avis souhaite insister, plus que jamais, sur l'importance des crédits du programme 190.

Dans un contexte budgétaire contraint, elle se félicite de la hausse globale du montant de ces crédits, même si leur augmentation ne profite pas à l'ensemble des actions du programme.

B. LES BÉNÉFICIAIRES DU PROGRAMME 190 : SIX OPÉRATEURS DE L'ÉTAT AUX DOTATIONS TRÈS VARIABLES

Les crédits du programme 190 ont pour objet, à hauteur de 94 % de leur montant, de financer des subventions pour charges de service public versées à six opérateurs stratégiques :

- l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ;

- le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ;

- l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ;

- l'Institut de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN) ;

- l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) ;

- l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).

Trois de ces opérateurs sont rattachés à titre principal au programme 190 : deux établissements publics industriels et commerciaux (l'IFPEN et l'IRSN) et un établissement public à caractère scientifique et technologique (l'IFSTTAR).

Les autres sont rattachés à titre principal à d'autres programmes : le CEA au programme 172 (recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires), l'Anses au programme 206 (sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation) et l'INERIS au programme 181 (prévention des risques).

Au regard des montants alloués, le principal bénéficiaire du programme 190 reste, de loin, le CEA (917,67 M€ de subventions pour charges de service public).

L'IRSN, l'IFPEN et l'IFSTTAR perçoivent respectivement une dotation de 174,5 M€, 130,8 M€ et 86,6 M€ au titre du programme.

Les subventions pour charges de service public allouées par le programme 190 à l'INERIS et à l'Anses s'élèvent, quant à elles, à 6,4 M€ et 1,6 M€.

15,4 M€ sont également versés en fonds propres au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), mais celui-ci n'est pas considéré comme un opérateur de l'État car plus de la moitié de ses ressources est d'origine privée.

C. LA BAISSE DES PLAFONDS D'EMPLOI : UN ÉLÉMENT À SURVEILLER

Le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs principalement rattachés au programme 190 (IFPEN, IRSN et IFSTTAR) est fixé à 4 486 équivalents temps plein travaillé (ETPT) par le PLF pour 2016.

Ce plafond est en baisse de 74 ETPT par rapport à l'an dernier.

L'IFPEN et l'IFSTTAR sont particulièrement touchés (-37 ETPT pour le premier, - 30 ETPT pour le second).

Si l'objectif général de maîtrise des dépenses publiques justifie que les opérateurs aient à adapter leur politique de ressources humaines, votre rapporteure pour avis tient à souligner que la baisse du plafond des autorisations d'emplois ne pourra se poursuivre au même rythme sans compromettre la pérennité d'actions de recherche primordiales.

II. DES DOTATIONS PRÉSERVANT GLOBALEMENT LES ACTIONS DE RECHERCHE DES OPÉRATEURS

A. LA HAUSSE GLOBALE DES CRÉDITS DU COMMISSARIAT À L'ÉNERGIE ATOMIQUE ET AUX ÉNERGIES ALTERNATIVES (CEA)

1. Une dotation budgétaire en hausse au titre du programme 190

Créé en octobre 1945, le CEA est un établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle des ministres chargés de la recherche, de l'énergie et de la défense, aujourd'hui impliqué non seulement dans le domaine du nucléaire mais aussi dans celui des nouvelles technologies de l'énergie.

Le CEA est un acteur reconnu dans le domaine de l'innovation et du soutien industriel par la recherche technologique. Il est le premier déposant public de brevets en France (751 brevets prioritaires déposés en 2014 et un portefeuille de 5 500 brevets actifs).

Il contribue au renforcement de la compétitivité industrielle de la France au moyen de plus de 500 partenariats de recherche et développement avec des industriels, ainsi que par la création d'entreprises et de technologies innovantes (172 start-up créées depuis 1972).

Les crédits qui lui sont alloués (au total 1 547,94 M€) sont rattachés à titre principal au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».

Votre rapporteure pour avis se réjouit que le montant global de 917,67 M€ de subventions pour charges de service public que le PLF pour 2016 envisage de lui attribuer au titre du programme 190 soit en hausse (+ 4,21 % par rapport à la LFI pour 2015).

2. Une hausse due aux moyens alloués aux charges nucléaires de long terme

Au sein dudit programme 190, le CEA assure la mise en oeuvre de l'action n° 10 « Recherche dans le domaine de l'énergie » et de l'action n° 15 « Charges nucléaires de long terme des installations du CEA ».

a) Un financement stabilisé pour la recherche dans le domaine de l'énergie

Le PLF pour 2016 préserve les moyens alloués à l'établissement pour la conduite des programmes pluriannuels dans le domaine de l'énergie nucléaire et des nouvelles technologies de l'énergie, en lui attribuant 498 M€ de subventions pour charges de service public au titre de l'action n° 10.

Ces subventions permettront de financer des activités de recherche technologique dans le domaine du nucléaire civil (à hauteur de 423,9 M€) et des nouvelles technologies de l'énergie (à hauteur de 73,1 M€), ainsi que le Centre national d'alerte aux tsunamis (à hauteur d'un million d'euros).

• En matière de nucléaire civil , les recherches du CEA portent notamment sur le développement de grands outils nécessaires aux activités de recherche et des systèmes industriels nucléaires du futur (réacteurs et combustibles de 4 e génération) et tendent à optimiser le nucléaire industriel actuel.

Le maintien d'une dotation budgétaire suffisante est fondamental pour que le CEA puisse poursuivre de telles activités. Les crédits ouverts en 2016 auront par exemple vocation à couvrir les dépenses de construction du réacteur Jules Horowitz (RJH) au centre de Cadarache, conformément au plan de financement actualisé du projet. Le RJH sera dédié aux études sous irradiation des combustibles et des matériaux pour les différentes générations de réacteurs nucléaires ; il assurera, en outre, une part importante de la production européenne de radioéléments pour le secteur médical.

Le CEA devra également, en 2016, poursuivre son expertise sur les systèmes industriels de 4 e génération (et, plus particulièrement, sur la filière de réacteur rapide refroidi au sodium), comme sur les technologies de recyclage du combustible irradié.

L'optimisation du nucléaire actuel tendra à améliorer les performances des réacteurs (durée de vie, taux de combustion, sûreté...), à réduire leurs impacts environnementaux, leurs coûts, et à améliorer le fonctionnement des usines de traitement et de recyclage des combustibles usés.

• Dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie , le CEA se concentrera sur deux secteurs consommateurs d'énergie fossile, le bâtiment et les transports, pour mener des travaux de recherche et développement portant notamment sur les technologies du solaire (photovoltaïque, solaire thermique et thermodynamique), sur les procédés d'électrification de véhicules et sur le stockage de l'électricité (batteries, piles à combustibles, hydrogène).

• Le programme 190 réunira aussi, en 2016, les moyens de financement, par l'État, du Centre national d'alerte aux tsunamis (CENALT) exploité par le CEA (1 M€). Ces moyens étaient auparavant portés par les programmes 181 « Prévention des risques » et 161 « Sécurité civile ».

Le financement du Centre national d'alerte aux tsunamis

Le Centre national d'alerte aux tsunamis, opérationnel depuis le 1 er juillet 2012, a pour partenaires le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, il reçoit en temps réel les informations émanant des stations sismiques ainsi que des mesures du niveau de la mer situées sur le pourtour méditerranéen et le littoral atlantique.

Pour tout séisme potentiellement générateur de tsunami dans la zone couvrant le nord-est de l'Atlantique et la Méditerranée occidentale, le CENALT transmet, en moins de 15 minutes, un premier message d'alerte ou d'information aux autorités françaises en prévenant le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, puis confirme ou infirme cette alerte en fonction des mesures sur les signaux reçus des marégraphes.

Entre 2012 et 2015, 10 séismes de magnitude comprise entre 5,5 et 7,0 ont fait l'objet de messages d'information émis par le CENALT.

Votre rapporteure pour avis se réjouit du fait qu'un million d'euros soit débloqué pour financer le maintien en conditions opérationnelles du CENALT, tout en estimant qu'une réflexion mériterait d'être menée sur l'amélioration et la modernisation des moyens utilisés pour prévenir les populations en cas d'alerte.

b) Une augmentation des crédits destinés aux charges nucléaires de long terme des installations

En application de l'article 20 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, une convention-cadre signée le 19 octobre 2010 prévoit une couverture des charges nucléaires de long terme du CEA pour les installations en exploitation ou à l'arrêt au 31 décembre 2009, ainsi que le financement des opérations de démantèlement et d'assainissement en cours.

Le PLF pour 2016 envisage d'allouer 419 M€ au CEA pour financer une partie de ces opérations.

Cette dotation est en augmentation de 13,55 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

B. LA STABILISATION DE LA DOTATION DE L'INSTITUT DE RADIOPROTECTION ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE (IRSN)

1. Un expert des risques nucléaires et radiologiques

Créé par la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés respectivement de l'industrie, de la santé, de la défense, de l'écologie et de la recherche.

Ses missions ont été précisées par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

L'IRSN contribue à la mise en oeuvre des politiques publiques portant sur la sûreté et la sécurité nucléaires, la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets des rayonnements ionisants, ou encore la protection des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport vis-à-vis du risque de malveillance.

Ses programmes de recherche concernent principalement la sensibilité aux risques susceptibles d'affecter les installations et les activités, l'amélioration de la compréhension des phénomènes qui peuvent être à l'origine d'accidents majeurs et l'efficacité des actions de protection envisageables.

À titre d'illustration, l'IRSN coordonne le projet FASTNET ( Tool for the fast and reliable prediction of severe accident progression and anticipation of the source term of a nuclear accident ), dont l'objet est de développer des outils d'évaluation rapide du terme-source afin de contribuer à la prise de décision et à la mise en place de dispositifs appropriés de protection des populations, en cas de relâchement de produits radioactifs dans l'environnement lors d'un accident concernant un réacteur nucléaire à eau pressurisée.

L'IRSN doit également piloter le nouveau programme de recherche IVMR (In vessel melt retention) sur la sûreté des réacteurs de puissance. Il s'agira d'étudier les possibilités et les limites techniques de la stabilisation et de la rétention du corium en cuve dans l'hypothèse d'un accident grave impliquant une fusion du coeur sur un réacteur de puissance.

Dans le domaine des géosciences et de la gestion des déchets, l'IRSN entend mener des recherches sur les performances des ouvrages de stockage géologique de déchets radioactifs, avec pour objectif majeur de vérifier la robustesse des choix de conception retenus par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) pour le projet CIGEO (Centre industriel de stockage géologique).

S'agissant de la recherche en radioprotection de l'homme, le projet MIRCOM devrait permettre à la communauté scientifique de disposer d'une plateforme expérimentale pour étudier les effets induits sur les cellules par différents types de rayonnements (ions et neutrons) produits avec les nouvelles techniques de radiothérapie, de mieux comprendre les complications à long terme et d'ouvrir des pistes thérapeutiques pour la prise en charge médicale des patients.

2. Un maintien du niveau de dotation bienvenu face l'accroissement des besoins

L'IRSN bénéficie de subventions pour charges de service public provenant à titre principal du programme 190 (174,5 M€), mais aussi des programmes 212 « Soutien de la politique de la défense » (3,7 M€) et 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » (0,2 M€).

Après avoir connu une forte baisse en 2013, 2014 et 2015, ces dotations sont à-peu-près stabilisées cette année (- 0,5 %). Votre rapporteure pour avis s'en réjouit, car l'IRSN lui a indiqué que le lancement de certains programmes de recherche avait dû être reporté l'an dernier.

Votre rapporteure pour avis approuve par ailleurs le maintien à 62,5 M€ du plafond de la contribution versée au profit de l'institut par les exploitants d'installations nucléaires de base. En forte augmentation depuis 2013, le produit de cette taxe affectée vient en effet compenser, au moins en partie, la diminution des financements directs de l'État alloués ces dernières années.

L'IRSN n'en demeure pas moins confronté un accroissement des exigences pesant sur ses missions, en raison notamment d'une vigilance accrue de la société sur les risques nucléaires et radiologiques, d'un renforcement des demandes des donneurs d'ordre, de l'attribution de tâches nouvelles et des enjeux liés au vieillissement des réacteurs actuels.

L'Institut estime que 35 ETPT et 6 M€ seraient nécessaires pour y faire face et réclame une évolution du dispositif actuel de versement de la contribution des exploitants d'installation nucléaire de base. L'opportunité d'une révision de ce dispositif mériterait effectivement d'être analysée.

C. LA DIMINUTION À SURVEILLER DES CRÉDITS DE L'IFP ÉNERGIES NOUVELLES (IFPEN)

1. Un établissement public aux multiples facettes

L'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) est un établissement public industriel et commercial de recherche, d'innovation et de formation, qui intervient dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement.

Placé sous la tutelle du ministère chargé de l'énergie, il est l'héritier de l'Institut français du pétrole (IFP), un établissement professionnel créé en 1943.

Sa dénomination actuelle est issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et témoigne de la volonté d'élargir les missions de l'institut aux objectifs du Grenelle de l'environnement.

Sa dotation budgétaire est rattachée à l'action n° 10 « Recherche dans le domaine de l'énergie » du programme n° 190.

Les recherches qu'elle lui permet de financer portent, d'une part, sur les nouvelles technologies de l'énergie, d'autre part, sur l'efficacité énergétique et environnementale, la compétitivité de l'industrie et le développement d'éco-filières.

Cette dotation l'autorise également à apporter un support technologique à des PME innovantes et à former aux métiers « verts » de demain, au travers notamment de l' IFP School .

L' IFP School

L' IFP School , école internationale de spécialisation pour jeunes ingénieurs, apporte à des étudiants et à des jeunes professionnels une formation de niveau Master ou Doctorat dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement.

Elle propose une formation métier polyvalente et permet une forte exposition internationale, en s'appuyant sur l'ancrage industriel et sur l'environnement scientifique de haut niveau de l'IFPEN. Près de 350 spécialistes issus du monde de l'entreprise et une centaine de chercheurs de l'IFPEN y dispensent des cours chaque année.

97 % des diplômés trouvent un emploi dans les trois mois suivant leur sortie de cette école.

Dans un contexte de désaffection des filières scientifiques et techniques, son action contribue à permettre à l'industrie française de disposer d'un personnel hautement qualifié et d'un véritable réseau d'influence internationale.

L'IFPEN est aujourd'hui très engagé dans l'exploration de technologies devant permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports et de limiter la dépendance au pétrole. Trois axes sont suivis par l'institut : l'hybridation, la réduction des consommations des véhicules thermiques et la mise au point de biocarburants avancés.

L'établissement travaille aussi à différentes solutions de récupération de l'énergie thermique perdue à l'échappement, pour des applications dans les domaines ferroviaire et maritime, certaines pouvant même s'adapter aux poids-lourds et autocars.

L'IFPEN étudie également des solutions technologiques dans le domaine de l'éolien offshore , posé et flottant. Ses recherches portent notamment sur la connaissance de la ressource en vent, l'optimisation de la production d'électricité et des coûts, le dimensionnement des éoliennes et sur les supports flottants adaptés. Entre 2012 et 2014, l'institut a déposé 18 brevets dans ce secteur particulièrement prometteur 1 ( * ) .

2. Un opérateur subissant une plus forte pression budgétaire

La dotation budgétaire de l'IFPEN subit, cette année encore, une diminution marquée (- 8,7 M€ par rapport à la LFI pour 2015). Le PLF pour 2016 envisage de lui accorder 130,9 millions d'euros de subvention pour charges de service public au titre du programme 190.

Aussi, l'IFPEN est-il, parmi les opérateurs du programme 190, celui qui enregistre, en valeur relative, la plus forte baisse de crédits (- 6,6 %).

La diminution constante, depuis 2002, de la subvention pour charges de service public qui lui est allouée fragilise sa situation budgétaire : son budget prévisionnel fait, une fois encore, apparaître une perte de 6 M€.

L'IFPEN estime que ses ressources propres, issues notamment des produits des dividendes de ses filiales et de redevances pour exploitation de licences, ne permet plus de compenser la baisse de sa dotation. Il précise avoir été contraint de réduire ses effectifs de près de 150 personnes depuis 2010 et d'arrêter plusieurs projets de recherche dont les débouchés étaient prévisibles à long terme.

Votre rapporteure pour avis s'inquiète de la pression budgétaire ainsi exercée sur l'IFPEN, dans la mesure où celle-ci est bien supérieure à celle des autres opérateurs. Il conviendrait d'éviter d'imposer, au cours de l'année à venir, de nouveaux gels de crédits à cet établissement pour lui permettre de maintenir ses importants travaux de recherche.

D. LE MAINTIEN OPPORTUN DU NIVEAU DE DOTATION DE L'INSTITUT FRANÇAIS DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DES TRANSPORTS, DE L'AMÉNAGEMENT ET DES RÉSEAUX (IFSTTAR)

Créé en janvier 2011, l'IFSTTAR, établissement public à caractère scientifique et technologique, est issu de la fusion du laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) et de l'institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS).

Placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés du développement durable et de la recherche, il a pour mission de réaliser des recherches dans les domaines du génie urbain et de l'aménagement du territoire, du génie civil, des infrastructures, des matériaux de construction et de leurs impacts, des risques naturels, ou encore de la mobilité des personnes et des biens.

Deux projets très importants de l'IFSTTAR contribuent en particulier à la mise en oeuvre de la transition énergétique :

- le projet Sense-city : une mini-ville climatique permettant de tester en milieu réaliste des micro-capteurs et nano-capteurs développés pour instrumenter et piloter la ville ;

- le projet Transpolis : une ville laboratoire destinée à évaluer les innovations en matière de transport urbain.

Dans une optique de stockage du CO 2 , l'établissement travaille aussi, depuis de nombreuses années, sur la carbonatation des bétons et leur recyclage.

Les recherches sur la carbonatation des matériaux de construction :
vers un « béton vert » ?

La carbonatation est un processus naturel d'absorption de CO 2 par la plupart des matériaux de construction.

Sous l'effet de cette carbonatation, les bétons des bâtiments et des ouvrages d'art subissent une corrosion de leur armature (éclatements des parements), notamment lorsqu'ils sont exposés à de fortes teneurs en CO 2 atmosphérique (environnements urbain ou industriel, axes routiers, tunnels, etc.).

Depuis plusieurs années, l'IFSTTAR s'attache à quantifier le niveau de dégradation de ces armatures par des mesures sur site ou en laboratoire (indicateurs colorés de pH, analyses thermo-gravimétriques, gammadensimétrie...) et à évaluer l'efficacité des traitements curatifs (réalcalinisation). L'établissement propose des modèles de prédiction de durée de vie des matériaux vis-à-vis du risque de corrosion, utilisés pour orienter la formulation du béton, le dimensionnement des structures, etc.

Paradoxalement, en piégeant le CO 2 dans le matériau, la carbonatation pourrait aussi constituer une aubaine. Ce phénomène peut en effet contribuer à améliorer le « bilan carbone » du béton en réduisant les émissions de gaz à effet de serre associées à la production de ciment (ces dernières représentant 5 à 7 % des émissions mondiales anthropiques de CO 2 ).

L'IFSTTAR a pu établir que le piégeage du CO 2 était accéléré lorsque le béton était concassé pendant la phase de démolition d'un bâtiment. 10 % du CO 2 libéré initialement lors de la fabrication du ciment pourrait alors être recapté.

La carbonatation présente un autre avantage : elle améliore les propriétés de microstructure et mécaniques du béton. Ainsi, lorsque le piégeage du CO 2 est optimisé, les granulats recyclés obtenus sont de meilleure qualité et peuvent être réutilisés pour fabriquer un nouveau béton. L'IFSTTAR travaille donc également sur la mise à profit de la carbonatation pour améliorer les propriétés des granulats de béton de démolition, en vue de les recycler pour fabriquer du nouveau béton.

Votre rapporteure se félicite que la dotation budgétaire allouée à l'IFSTTAR au titre du programme 190 (86,6 M€ en CP et AE) reste quasiment stable par rapport à celle de la loi de finances initiale pour 2015 (- 0,45%).

E. LA BAISSE COMPENSÉE DES CRÉDITS ALLOUÉS À L'INSTITUT NATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL ET DES RISQUES (INERIS)

L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) a été créé par le décret n° 90-1089 du 7 décembre 1990.

Né d'une restructuration du Centre de recherche des charbonnages de France (CERCHAR) et de l'Institut de recherche chimique appliquée (IRCHA), cet établissement public industriel et commercial est placé sous la tutelle du ministère chargé de l'environnement.

Au titre du programme 190, cet établissement mène des recherches sur l'évaluation et la prévention des risques technologiques et des pollutions (liés à l'après-mine, aux stockages souterrains, aux risques naturels, aux produits chimiques, etc.).

Acteur clé de la transition énergétique et de la prévention des risques sanitaires et environnementaux, l'INERIS travaille notamment sur le stockage de l'énergie, la méthanisation et l'hydrogène, par exemple sous l'angle de la sécurité et des risques d'explosion des batteries.

L'établissement mène par ailleurs des recherches en toxicologie et en éco-toxicologie sur un certain nombre de risques émergents : perturbateurs endocriniens, ondes électromagnétiques, nano-matériaux... Il a d'ailleurs récemment achevé la construction d'une plateforme transversale dédiée à l'expertise et la recherche sur la nanosécurité, dénommée « S-Nano », comportant des laboratoires pour ses équipes et ses partenaires.

Au titre du programme 190, l'INERIS devrait percevoir des subventions pour charge de service public à hauteur de 6,4 M€ en 2016. Cette dotation est en baisse de 2,7 % par rapport à 2015 mais ne représente que 17 % de la totalité des crédits alloués à l'établissement (38 M€).

Compte tenu de l'évolution de ses autres dotations, les crédits globaux de l'INERIS sont, en fait, quasiment stables (- 0,92 %).

F. L'ÉLÉVATION ADÉQUATE DE LA DOTATION DE L'AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL (ANSES)

L'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est née le 1 er juillet 2010 de la fusion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Le laboratoire national de protection des végétaux (LNPV) lui a été rattaché le 1 er janvier 2011.

Établissement public administratif placé sous la tutelle des ministres chargés de l'agriculture, de la consommation, de l'environnement, de la santé et du travail, l'Anses développe l'appui scientifique et technique nécessaires à l'élaboration des politiques de protection de la santé, liées à des expositions alimentaires, environnementales ou professionnelles, et à la mise en oeuvre des mesures de gestion des risques dans ces domaines.

Ses avis et recommandations sont transmis aux pouvoirs publics et ses travaux sont systématiquement publiés.

L'Anses reçoit, à titre principal, des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

1,6 % seulement de sa dotation budgétaire totale est financé au titre du programme 190 (1,6 M€ sur les 94,7 M€ reçus).

Sa dotation budgétaire globale est en très légère hausse par rapport à 2015 (+ 0,78 %), ce dont votre rapporteure pour avis se félicite.

Cette évolution positive doit toutefois être analysée à l'aune de la forte croissance des missions de l'Anses. En effet, l'agence est chargée de délivrer, depuis le 1 er juillet 2015, les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes, et met en place un dispositif de phyto-pharmacovigilance. En 2016, elle devrait en outre prendre en charge les décisions d'autorisation de mise sur le marché des produits biocides et la toxico-vigilance.

Ces différents transferts de compétence traduisent la confiance des pouvoirs publics dans l'indépendance et la qualité d'expertise de l'Anses. Sur le long terme, il faudra cependant veiller à ce que les efforts de maîtrise des dépenses publiques ne viennent pas menacer son équilibre budgétaire.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 4 novembre 2015, la commission a examiné le rapport relatif à la recherche en matière de développement durable.

Mme Odette Herviaux , rapporteure . - Je présente, pour la première fois, les crédits du programme 190 relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, inscrits dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2016. Je succède en cela à Geneviève Jean qui nous avait présenté ces crédits l'an dernier.

Le programme 190 a pour objet de financer des actions de recherche dans les domaines du développement durable, qu'ils portent sur l'énergie, les risques, les transports ou encore la construction et l'aménagement.

Le total des crédits que le projet de loi de finances pour 2016 alloue au programme 190 s'élève à environ 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Ce montant global est en hausse de 2 % par rapport à celui ouvert par la loi de finances pour 2015. Cette hausse s'explique par la forte élévation des crédits versés au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pour la couverture des charges nucléaires de long terme de ses installations et le financement des opérations de démantèlement et d'assainissement en cours.

Les crédits du programme ont vocation à financer six opérateurs de l'État : l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN), l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), l'Institut de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).

Pour donner un ordre de grandeur, le principal bénéficiaire du programme 190 est, de loin, le CEA, avec 917 millions d'euros de subventions. L'IRSN, l'IFPEN et l'IFSTTAR perçoivent respectivement 175, 131 et 87 millions d'euros. Les subventions de l'INERIS et de l'Anses sont de 6 et 1,6 millions d'euros.

À l'heure de la mise en oeuvre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte et à quelques jours de la COP 21, je souhaiterais insister, plus que jamais, sur l'importance des crédits du programme 190. C'est par la recherche et l'innovation que la France pourra changer de modèle en matière d'énergie, de bilan carbone, ou encore de mobilité et d'aménagement durables.

À ce titre, la hausse globale du montant de ces crédits est un signal positif, même si elle ne bénéficie pas à chacun des opérateurs du programme.

Le CEA tire son épingle du jeu : le montant global de ses subventions augmente de plus de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette hausse correspond essentiellement à la couverture des charges nucléaires de long terme du CEA et au financement des opérations de démantèlement.

En matière de nucléaire civil, les crédits du programme ont aussi vocation à financer le développement de grands outils nécessaires aux activités de recherche - tels que le réacteur Jules Horowitz au centre de Cadarache -, des réacteurs et combustibles de quatrième génération et à optimiser le nucléaire industriel actuel.

Dans le domaine des nouvelles technologies de l'énergie, le CEA concentre ses travaux de recherche et développement sur le bâtiment et les transports, qu'il s'agisse de technologies du solaire (photovoltaïque, solaire thermique et thermodynamique), de procédés d'électrification de véhicules ou de stockage de l'électricité.

Depuis cette année, le programme 190 porte aussi les moyens de financement du Centre national d'alerte aux tsunamis exploité par le CEA.

Ce centre, opérationnel depuis le 1 er juillet 2012, fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, en coopération avec le SHOM et le CNRS. Il reçoit en temps réel les informations émanant des stations sismiques et de mesure du niveau de la mer situées sur le pourtour méditerranéen et le littoral atlantique.

Pour tout séisme potentiellement générateur de tsunami dans la zone couvrant le nord-est de l'Atlantique et la Méditerranée occidentale, le centre transmet, en moins de 15 minutes, un premier message d'alerte ou d'information aux autorités françaises en prévenant le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, puis confirme ou infirme l'alerte en fonction des mesures sur les signaux reçus des marégraphes.

Entre 2012 et 2015, 10 séismes de magnitude comprise entre 5,5 et 7 ont fait l'objet de messages d'information émis par le Centre.

Je crois que nous pouvons nous réjouir qu'un million d'euros soit débloqué pour financer le maintien en conditions opérationnelles de ce centre d'alerte. Au-delà de la prévision de ces événements exceptionnels, une réflexion pourrait toutefois être menée sur l'amélioration et la modernisation des moyens utilisés pour alerter les populations en cas de risque.

L'autre opérateur impliqué dans le domaine nucléaire est l'IRSN. Cet établissement contribue à la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à la sûreté et à la sécurité nucléaires, à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets des rayonnements ionisants, ainsi qu'à la protection des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport vis-à-vis du risque de malveillance.

Après avoir connu une forte baisse en 2013, 2014 et 2015, ses dotations sont à peu près stabilisées cette année. Je m'en réjouis, car l'IRSN a dû reporter, les années précédentes, le lancement de programmes de recherche.

La contribution versée au profit de l'IRSN par les exploitants d'installations nucléaires de base est maintenue avec un plafond de 62,5 M€. En forte augmentation depuis 2013, cette taxe affectée vient compenser, au moins en partie, la diminution des financements directs de l'État.

Tout comme le CEA, l'IRSN va se trouver, dans les années à venir, confronté aux défis liés au vieillissement et au démantèlement des réacteurs actuels.

Ce contexte va se traduire par une forte croissance des demandes pesant sur l'institut. L'IRSN estime à ce titre que 35 ETPT et 6 millions d'euros seraient nécessaires pour y faire face, et réclame une évolution du dispositif actuel de versement de contribution par les exploitants d'installation nucléaire de base. La révision de ce dispositif a d'ailleurs été évoquée par notre collègue Michel Berson dans un rapport d'information fait au nom de la commission des finances en 2014.

Héritier de l'Institut français du pétrole, l'IFP Energies nouvelles est désormais pleinement engagé dans la transition énergétique. À titre d'illustration, l'IFPEN est très impliqué dans l'exploration de technologies devant permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports et de limiter la dépendance au pétrole, à travers trois axes : l'hybridation, la réduction des consommations des véhicules thermiques et la mise au point de biocarburants avancés. L'établissement travaille aussi à différentes solutions de récupération de l'énergie thermique perdue à l'échappement, pour des applications dans les domaines ferroviaires et maritimes, certaines pouvant même s'adapter aux poids-lourds et autocars.

Sujet qui me tient particulièrement à coeur, l'IFPEN travaille sur des solutions technologiques dans le domaine de l'éolien offshore , posé et flottant. L'institut a déposé 18 brevets dans ce secteur entre 2012 et 2014. Ses études portent notamment sur la connaissance de la ressource en vent, l'optimisation de la production d'électricité et des coûts, le dimensionnement des éoliennes et sur des supports flottants adaptés. C'est un secteur particulièrement prometteur puisqu'on évalue qu'à puissance égale, l'éolien offshore flottant produira 60 % de plus que l'éolien terrestre.

Le PLF 2016 envisage d'accorder 131 millions d'euros de subvention pour charges de service public à l'IFPEN qui est ainsi, parmi les opérateurs du programme 190, celui qui enregistre, en valeur relative, la plus forte baisse de crédits (-6,6 %).

La diminution constante, depuis 2002, de la subvention qui lui est allouée fragilise la situation budgétaire de l'établissement : son budget prévisionnel fait, une fois encore, apparaître une perte de 6 M€.

L'IFPEN estime que ses ressources propres, issues notamment des produits des dividendes de ses filiales et de redevances pour exploitation de licences, ne permettent plus de compenser la baisse de sa dotation. Il a été contraint de réduire ses effectifs de près de 150 personnes depuis 2010 et d'arrêter des projets de recherche à hauts risques mais aux débouchés à long terme.

Il nous faut être vigilant sur la pression budgétaire exercée sur l'IFPEN, supérieure à celle des autres opérateurs. Il conviendrait d'éviter de nouveaux gels de crédits au cours de l'année à venir.

L'IFSTTAR est un établissement public à caractère scientifique et technologique qui a pour mission de réaliser des recherches dans les domaines du génie urbain et de l'aménagement du territoire ; du génie civil, des infrastructures, des matériaux de construction et de leurs impacts ; des risques naturels et de la mobilité des personnes et des biens, des systèmes de transports, de leur sécurité et fiabilité.

Deux projets de l'IFSTTAR contribuent en particulier à la mise en oeuvre de la transition énergétique. En premier lieu, le projet Sense-city , mini-ville climatique permettant de tester en milieu réaliste des micro-capteurs et nano-capteurs développés pour instrumenter et piloter la ville ; le permis de construire vient d'être obtenu et la phase opérationnelle peut donc commencer. Il pourra d'ailleurs être intéressant pour la commission de la visiter ! En second lieu, le projet Transpolis, ville laboratoire permettant de tester et d'évaluer les innovations en matière de transport urbain.

Je citerai également un projet particulièrement intéressant sur lequel travaille l'IFSTTAR dans une optique de stockage du CO 2 : l'utilisation de la carbonatation des bétons de démolition et leur recyclage. La carbonatation est un processus naturel d'absorption de CO 2 par le ciment présent dans les déchets de béton concassés. L'idée est d'utiliser les déchets de béton comme puits de stockage du carbone puis de les réutiliser dans des constructions neuves. L'IFSTTAR a défini sous quelles conditions le piégeage de CO 2 est optimal : il est possible de recapter 10 % du CO 2 libéré initialement lors de la fabrication du béton, soit 20 à 30 kg de CO 2 par m de béton.

Je me réjouis donc que la dotation budgétaire allouée à l'IFSTTAR au titre du programme 190 reste quasiment stable par rapport à celle fixée par la loi de finances initiale pour 2015.

L'INERIS mène des recherches sur l'évaluation et la prévention des risques technologiques et des pollutions, liés à l'après mine, aux stockages souterrains, aux risques naturels, aux produits chimiques, etc.

Il devrait percevoir une dotation budgétaire de 6,4 M€ en 2016, en baisse de 2,7 % par rapport à 2015. Compte tenu de l'évolution de ses autres dotations, ses crédits globaux sont quasiment stables.

L'INERIS est aussi un acteur clé de la transition énergétique et de la prévention des risques sanitaires et environnementaux. Il travaille sur le stockage de l'énergie, la méthanisation et l'hydrogène, notamment sous l'angle de la sécurité et des risques d'explosion des batteries. Il mène des recherches en toxicologie et en éco-toxicologie sur les risques émergents que sont les perturbateurs endocriniens, les nano-matériaux et les ondes électromagnétiques. Il apporte un appui aux pouvoirs publics pour la surveillance de la qualité de l'air, en développant des modèles de prévisions.

Pour terminer, l'Anses développe l'appui scientifique et technique nécessaires à l'élaboration des politiques de protection de la santé, liées aux expositions alimentaires, environnementales ou professionnelles, et à la mise en oeuvre des mesures de gestion des risques dans ces domaines.

L'Anses reçoit à titre principal des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », et seulement 1,6 % de sa dotation budgétaire totale (c'est-à-dire 1,6 million d'euros), à partir du programme 190. Sa dotation budgétaire globale est en très légère hausse par rapport à 2015.

Cette évolution positive doit toutefois être analysée à l'aune de la forte croissance des missions de l'Anses. En effet, l'agence est chargée de délivrer, depuis le 1 er juillet 2015, les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes, et met en place un dispositif de phyto-pharmacovigilance. En 2016, elle devrait en outre prendre en charge les décisions d'autorisation de mise sur le marché des produits biocides et la toxico-vigilance.

Ces différents transferts de compétence traduisent la confiance des pouvoirs publics dans l'indépendance et la qualité d'expertise de l'Anses. Sur le long terme, il nous faudra cependant veiller à ce que les efforts de maîtrise des dépenses publiques ne viennent pas menacer son équilibre budgétaire.

Au total, ces crédits étant globalement stabilisés dans un contexte financier contraint, je vous proposerai de donner un avis favorable à leur adoption.

M. Hervé Maurey , président . - Je vous félicite pour cet exposé, et d'avoir adopté, comme notre collègue Jacques Cornano hier, une démarche « zéro papier ».

M. Alain Fouché . - Sur le dossier des éoliennes, nous sommes plusieurs à être choqués qu'il n'y ait aucun plan qui régisse leur développement, avec des conséquences désastreuses sur le paysage. Il y avait auparavant des champs d'éoliennes, mais aujourd'hui, les maires donnent leur accord à des projets isolés, pour 50 ou 60 000 euros.

Quel montant du budget est consacré à ce sujet ? Ne faudrait-il pas réglementer cette question, et ensuite, partager le produit des taxes que ces éoliennes rapportent ?

Mme Chantal Jouanno . - La quasi-stagnation des moyens de l'Anses, alors que ses missions se sont multipliées, interroge. Il faudrait que nous approfondissions cette question ainsi que celle de lui avoir confié le rôle d'autorité d'évaluation et de délivrance de certificats.

M. Louis Nègre . - Je me suis rendu compte des problèmes que représentent les éoliennes lorsque j'étais rapporteur du projet de loi de transition énergétique. Avec Cédric Perrin, nous avons demandé la création d'une commission d'enquête sur cette question.

Mme Nicole Bonnefoy . - Pour répondre à Chantal Jouanno, la loi sur l'agriculture a prévu que l'Anses rende compte de son activité chaque année devant les commissions compétentes du Parlement.

Mme Odette Herviaux , rapporteure . - Les crédits de recherche que j'ai évoqués concernent avant tout l'éolien offshore , qui produit 60 % de plus que l'éolien terrestre. Celui-ci n'entre donc pas dans mon champ de compétence aujourd'hui. Là où il y a eu une réflexion globale, et l'élaboration d'un plan régional à ce sujet, ce plan a été attaqué en justice par des associations et annulé. Il y a une difficulté entre la volonté de communes qui agissent seules, et celle des départements et des régions de préserver des zones pour ces éoliennes.

Au total, 130,9 millions d'euros sont consacrés à IFPEN mais je n'ai pas le détail des crédits de recherche consacrés à l'éolien.

Je suis d'accord avec Chantal Jouanno sur le fait que nous devons être vigilants sur l'évolution des moyens de l'Anses. Mais le budget que j'ai évoqué ne couvre qu'une infime partie des crédits alloués à l'Anses. Ils évoluent d'ailleurs de façon positive, puisqu'ils ont augmenté de 1,9 %.

Toutes les personnes que nous avons entendues lors des auditions ont réfléchi très en amont à l'évolution de leurs moyens et m'ont semblé très à l'écoute de ce que l'on pouvait exiger d'eux. À part l'IFPEN, bon élève dans sa gestion et sa mobilisation de fonds privés, qui en a d'ailleurs été sanctionné par la baisse de sa dotation, tous les autres organismes ont accepté de remettre en cause leur fonctionnement et anticipé des baisses de personnel. Ils sont tous très désireux de faire connaître leurs projets.

M. Hervé Maurey , président. - Je suis très favorable à des visites de sites.

Mme Odette Herviaux , rapporteure. - Cela me semble effectivement important car chacun de ces organismes a ses spécificités.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Recherche en matière de développement durable » du projet de loi de finances pour 2016.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 20 octobre 2015 :

- IFSTTAR : Mme Hélène Jacquot-Guimbal , directrice générale ;

- INERIS : M. Raymond Cointe , directeur général ;

- IRSN : M. Jean-Bernard Chérié , directeur général adjoint ;

- CEA : M. Daniel Verwaerde , administrateur général ;

- IFPEN : MM. Didier Houssin , président, et Georges Picard , directeur général adjoint ;

- ANSES : Mme Carole Gardette , directrice générale adjointe.


* 1 À puissance égale, l'éolien offshore flottant pourrait produire 60 % de plus que l'éolien terrestre.

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