Avis n° 170 (2015-2016) de M. Hugues PORTELLI , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 novembre 2015

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N° 170

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VIII

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Par M. Hugues PORTELLI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 169 (2015-2016)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, le mardi 24 novembre 2015, la commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 25 novembre 2015, sous la présidence de M. Philippe Bas, président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Hugues Portelli, les crédits du programme « administration pénitentiaire » au sein de la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2016 1 ( * ) .

M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis, a observé qu'en 2016, le programme « administration pénitentiaire » représentera 43 % des crédits de la mission « justice ». Le projet de budget pour 2016 s'inscrit dans la continuité des décisions prises les années précédentes et ne fait pas l'objet des mesures de restrictions financières. Ainsi, en 2016, les crédits de paiement s'établissent à 3,408 milliards d'euros (+ 1 % par rapport à l'année précédente, ce qui permet de couvrir l'inflation) et les autorisations d'engagement à 3,599 milliards d'euros (- 23,5 % par rapport à 2015). Cette réduction des autorisations d'engagement est due au rythme des livraisons des établissements dont la réalisation a été décidée dans le cadre du programme « 13 200 révisé », qui marquerait une pause en 2016 avant de connaître une évolution à la hausse en 2017.

Le rapporteur pour avis a ensuite relevé qu'à l'instar de 2015, le budget de l'administration pénitentiaire pour l'année 2016 est en grande partie marqué par les problématiques liées à la lutte contre le terrorisme. Après les décisions prises par l'exécutif à la suite des attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 et la mise en oeuvre du plan de lutte antiterroriste, qui se sont traduites par une modification de l'exécution budgétaire en 2015 et l'allocation de ressources spécifiques dans le projet de loi de finances pour 2016, le Président de la République a annoncé au Congrès le 16 novembre que le ministère de la justice serait doté de moyens humains supplémentaires (2 500 postes) au titre de la lutte antiterroriste. Le rapporteur pour avis a salué cette évolution en notant qu'une part substantielle des emplois créés à ce titre devrait être affectée à l'administration pénitentiaire.

Après avoir présenté les principaux aspects pénitentiaires du plan de lutte antiterroriste, M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis, a abordé la question des conditions de détention dans les établissements, indiquant que les maisons d'arrêt connaissaient toujours une surpopulation carcérale préoccupante, rendant bien souvent impossible la mise en oeuvre de projets de réinsertion des détenus. Il a enfin souligné le bilan mitigé des mesures tendant à développer les alternatives à l'incarcération prévues par la loi du 15 août 2014.

Sur sa proposition, et sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « administration pénitentiaire » de la mission « justice » inscrits au projet de loi de finances pour 2016.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Comme en 2015, le budget de l'administration pénitentiaire pour l'année 2016 sera une nouvelle fois en grande partie marqué par les problématiques liées à la lutte contre le terrorisme. Après les décisions prises par l'exécutif au début de l'année à la suite des attentats de Paris des 7, 8 et 9 janvier 2015 de renforcer les effectifs affectés dans les établissements pénitentiaires, ainsi que dans les services déconcentrés et centraux, et la mise en oeuvre d'un plan de lutte antiterroriste (PLAT), le Président de la République a annoncé au Congrès réuni le 16 novembre dernier un nouveau renforcement des moyens attribués au ministère de la justice, et donc à l'administration pénitentiaire, dans le cadre des différentes mesures décidées après les attentats du 13 novembre.

En 2016, le programme n° 107 « administration pénitentiaire » représentera 43 % des crédits de la mission « justice ». Le projet de budget s'établit à 3,408 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 1 % par rapport à l'année précédente, ce qui permet de couvrir l'inflation) et à 3,599 milliards d'euros en autorisations d'engagement (- 23,5 % par rapport à 2015). La réduction significative des autorisations d'engagement est due au rythme des livraisons et constructions des établissements dont la réalisation a été décidée dans le cadre du programme « 13 200 révisé », qui marquerait une pause en 2016 avant de connaître une évolution à la hausse en 2017.

Votre rapporteur pour avis a souhaité analyser le budget pour 2016 de l'administration pénitentiaire au regard des deux grands défis que constituent la mise en oeuvre du plan de lutte antiterroriste et de la nécessité de poursuivre l'effort d'amélioration des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en particulier les maisons d'arrêt qui continuent à connaître une surpopulation inquiétante.

Il tient également à indiquer qu'il a souhaité, dans le cadre du présent rapport, s'inscrire dans la voie tracée par notre ancien collègue Jean-René Lecerf, auquel il tient à rendre un hommage appuyé, qui a suivi pendant huit ans l'administration pénitentiaire pour le compte de votre commission et a apporté une contribution déterminante, en sa qualité de rapporteur, à l'élaboration de la loi pénitentiaire de 2009.

I. UN BUDGET MARQUÉ PAR LES ANNONCES DU 16 NOVEMBRE 2015

A. L'ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

1. Une maquette budgétaire inchangée par rapport à l'an dernier

L'administration pénitentiaire constitue l'un des six programmes de la mission « justice » 2 ( * ) mais représente environ 43 % des crédits de la mission 3 ( * ) . Comme les années précédentes, le programme n° 107 « administration pénitentiaire » s'articule autour de trois axes stratégiques qui tendent à favoriser la réinsertion, améliorer les conditions de détention ainsi que les conditions de travail des personnels pénitentiaires et renforcer la sécurité, chacun de ces objectifs regroupant différents indicateurs de performance. Ce programme se décline en trois actions :

- l'action n°1 (« garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » ) comprend les crédits, notamment de personnel, nécessaires à la garde des détenus, au contrôle des personnes placées sous main de justice, aux aménagements de peine, aux alternatives à l'incarcération, à la gestion du parc immobilier ainsi qu'à la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur de la zone de détention ;

- l'action n°2 (« accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » ) regroupe l'ensemble des crédits nécessaires pour les prestations d'hébergement et de restauration, la maintenance et l'entretien des bâtiments pénitentiaires, l'accès aux soins ainsi que le maintien des liens familiaux ; elle comporte également la mission de réinsertion professionnelle en milieu fermé et ouvert ;

- l'action n°4 (« soutien et formation » ) concerne essentiellement les crédits de rémunération des personnels et les crédits de fonctionnement de l'administration centrale, des sièges des directions interrégionales des services pénitentiaires, des services pénitentiaires d'insertion et de probation ainsi que les budgets de l'École nationale de l'administration pénitentiaire et du service de l'emploi pénitentiaire.

En 2016, ces actions représentent respectivement 59,95 %, 31,9 % et 8,15 % des crédits de paiement.

Présentation par action et par titre des crédits de paiement demandés
(en millions d'euros)

Titre 2
Dépenses
de
personnel

Titre 3
Dépenses
de fonction-nement

Titre 5
Dépenses d'investis-sement

Titre 6
Dépenses d'inter-vention

Total pour 2016

FDC et ADP attendus en 2016

01 : Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

1 568,9

177,8

293,6

2,7

2 043,19

02 : Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

425,7

555,2

106,6

1 087,5

0,3

04 : Soutien et formation

190,1

87,7

277,8

0,1

Total

2 184,82

820,8

293,6

109,3

3 408,6

0,4

Source : projet annuel de performances pour la mission « justice »
annexé au projet de loi de finances pour 2016

2. Des aménagements à la marge des indicateurs de performance

Le projet annuel de performances du programme n° 107, annexé au projet de loi de finances pour 2016, présente plusieurs objectifs assortis d'indicateurs de performance. Compte tenu de la refonte importante des objectifs et indicateurs à laquelle il avait été procédé l'an dernier, sous le fait principalement de la perspective de l'entrée en vigueur de la loi du 15 août 2014 4 ( * ) , seules de légères modifications ont été apportées afin de prendre en compte les priorités et les nouvelles missions confiées à l'administration pénitentiaire en matière d'extractions judiciaires.

D'une part, trois nouveaux sous-indicateurs mesurant le taux d'établissements pénitentiaires bénéficiant du label « prise en charge et accompagnement des personnes détenues » 5 ( * ) ont été créés afin de tenir compte de l'élargissement de ce label aux nouveaux processus relatifs à la prise en charge des personnes détenues sortantes, à la prise en charge des personnes détenues placées en quartier disciplinaire et à la prise en charge des personnes détenues placées en quartier d'isolement.

D'autre part, afin de mesurer la capacité de l'administration pénitentiaire de mener à bien de façon performante les missions d'extractions judiciaires qui lui ont été transférées du ministère de l'intérieur, les sous-indicateurs relatifs aux évasions ont été modifiés de la manière suivante :

- le sous-indicateur « Taux d'évasions sous garde pénitentiaire directe ou en sorties sous escorte » a été modifié en « Taux d'évasions sous garde pénitentiaire directe ou en sorties sous escorte et hors mission d'extractions judiciaires » ;

- de même, le sous-indicateur relatif aux évasions de détenus particulièrement signalés ne prend plus en compte les évasions lors des missions d'extractions judiciaires ;

- a été créé un sous-indicateur dédié aux évasions sous garde pénitentiaire pendant une prise en charge d'extraction judiciaire afin de mesurer la performance de l'administration pénitentiaire à remplir cette nouvelle mission.

Dans les réponses au questionnaire budgétaire adressées à votre rapporteur pour avis, le ministère de la justice indique par ailleurs que l'administration pénitentiaire travaille, s'agissant de l'objectif relatif au renforcement de la sécurité des établissements, à la création d'un indicateur pertinent sur les violences entre personnes détenues avec une méthode de calcul homogène pour tous les établissements. Ces statistiques ont été recueillies et exploitées au cours de l'exercice 2015 et, dans le cas où l'indicateur apparaîtrait, après analyse, pertinent, ce dernier pourrait être établi pour la discussion de la prochaine loi de finances.

B. L'ÉVOLUTION EN 2016 DES MOYENS ALLOUÉS À L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Titre et catégorie
(en euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI 2015

Demandées
pour 2016

Évolution

Ouvertes en LFI pour 2015

Demandées
pour 2016

Évolution

Titre 2 : dépenses de personnel

2 117 411 335

2 184 828 295

3,18%

2 117 411 335

2 184 828 295

3,18%

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

2 047 444 611

726 473 467

-64,52%

786 686 315

820 829 754

4,34%

Titre 5 : dépenses d'investissement

429 365 398

578 600 000

34,76%

361 565 398

293 655 783

-18,78%

Titre 6 : dépenses d'intervention

108 919 500

109 300 000

0,35%

108 919 500

109 300 000

0,35%

TOTAL

4 703 140 844

3 599 201 762

-23,47%

3 374 582 548

3 408 613 832

1,01%

Source : projet annuel de performances pour la mission « justice »
annexé au projet de loi de finances pour 2016

En 2016, les crédits de paiement s'établissent à 3,408 milliards d'euros (+ 1 % par rapport à l'année précédente, ce qui permet de couvrir l'inflation) et les autorisations d'engagement à 3,599 milliards d'euros (- 23,5 % par rapport à 2015).

Hors dépenses de personnels, les crédits de paiement devraient diminuer de 34 millions d'euros (- 2,7 %) passant de 1,257 milliard d'euros ouverts en 2015 à 1,223 milliard d'euros hors fonds de concours et attributions de produits. Votre rapporteur pour avis relève que les dépenses liées aux loyers des établissements construits en partenariats public-privé (PPP) connaissent une évolution substantielle en 2016 compte tenu de la livraison au cours de l'année 2015 des établissements de Valence, Riom et Beauvais pour lesquels l'année 2016 constituera la première année pleine de versement d'un tel loyer.

En excluant les dépenses de personnels (2,18 milliards d'euros), les autorisations d'engagement demandées (1,414 milliards d'euros) connaissent une nette réduction ( - 45,3 %), après une très forte augmentation en 2015 par rapport à l'année précédente. Cette évolution est due au rythme des livraisons et constructions des établissements dont la réalisation a été décidée dans le cadre du programme « 13 200 révisé », qui marquerait une pause en 2016 avant de connaître une évolution à la hausse en 2017.

Le budget de l'administration pénitentiaire pour 2016 devrait par ailleurs connaître une évolution de sa physionomie avec les annonces faites au Congrès par le Président de la République le lundi 16 novembre dernier.

Ainsi, sur les 2500 emplois supplémentaires dont le ministère de la justice devrait être doté 6 ( * ) , une part non négligeable, pas encore définie au moment où votre rapporteur achevait son rapport, devrait être attribuée à l'administration pénitentiaire, afin de renforcer les effectifs de surveillants pénitentiaires. Le Gouvernement devrait en conséquence déposer un amendement lors de la discussion du projet de loi de finances au Sénat.

II. LES DÉFIS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Votre rapporteur pour avis souhaite analyser le budget pour 2016 de l'administration pénitentiaire au regard des deux grands défis que constituent la mise en oeuvre du plan de lutte antiterroriste et de la nécessité de poursuivre l'effort d'amélioration des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en particulier les maisons d'arrêt qui continuent à connaître une surpopulation carcérale inquiétante.

A. LA MISE EN oeUVRE DU PLAN DE LUTTE ANTITERRORISTE

À la suite des attentats survenus à Paris les 7, 8 et 9 janvier 2015, le Gouvernement a annoncé, le 21 janvier 2015, la mise en oeuvre de différentes mesures pour renforcer la lutte antiterroriste, dont l'un des volets concerne la lutte contre la radicalisation dans les établissements pénitentiaires. Ces mesures ont été complétées par les annonces faites au Congrès par le Président de la République le 16 novembre dernier après les nouveaux attentats qui ont frappé notre pays le 13 novembre.

1. La création de quartiers dédiés pour les détenus radicalisés

Comme le relevait notre collègue Jean-Pierre Sueur dans le rapport de la commission d'enquête sur les réseaux djihadistes 7 ( * ) , la prison constitue l'un des principaux vecteurs de radicalisation sous l'effet de l'incarcération d'individus condamnés pour des infractions terroristes. Compte tenu de la compétence du parquet et du pôle de l'instruction de Paris en matière de répression des infractions terroristes 8 ( * ) , nombre de personnes mises en détention provisoire pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste sont incarcérées dans des établissements proches de Paris, ce qui accroît les risques de concentration de détenus radicalisés. À cet égard, l'influence des détenus islamistes se traduit par « un prosélytisme radical qui peut prendre la forme de pressions exercées sur les autres détenus ou l'administration pénitentiaire, voire dans certains cas aboutir à la constitution de groupes à vocation terroriste ». Cette influence est d'autant plus favorisée par la promiscuité existant dans les maisons d'arrêt très fortement surpeuplées, au sein desquelles l'accès aux activités est de facto impossible et la mise en oeuvre de projets de réinsertion adaptés aux profils de chaque détenu très difficile à effectuer. Or, les affaires récentes de terroristes ont montré que les individus touchés par ces phénomènes de radicalisation ont parfois séjourné en prison pour des infractions de « droit commun ».

Le regroupement des détenus prosélytes a d'abord été mis en place, à titre expérimental, au sein du centre pénitentiaire de Fresnes à la fin de l'année 2014 pour des raisons essentiellement liées au maintien de l'ordre dans l'établissement et sans conduite d'une politique structurée de prise en charge des personnes concernées. La création d'une unité de prévention du prosélytisme (U2P) a été motivée par l'accroissement du nombre de détenus mis en cause pour des faits de terrorisme, se traduisant par l'augmentation des pratiques de prosélytisme et de pressions à l'encontre des autres détenus. Après avoir d'abord reçu un accueil mitigé de la part du ministère de la justice, la pratique de regroupement des détenus radicalisés a ensuite connu une amplification sur décision du Gouvernement à la suite des attentats de janvier 2015 avec la création de cinq unités dédiées dans des établissements pénitentiaires d'Île-de-France et du Nord-Pas-de-Calais.

D'après les éléments d'information fournis par le ministère de la justice 9 ( * ) , deux unités devraient être consacrées à l'évaluation des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation : « l'une d'elle sera implantée à la maison d'arrêt de Fresnes qui existe déjà et bénéficie de la proximité du centre national d'évaluation. La gestion des interdictions de communiquer, nombreuses dans les dossiers d'association de malfaiteurs, a conduit à la création d'une seconde unité d'évaluation à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis ». Une fois évaluées, les personnes détenues devraient être orientées en fonction de « leur profil et de leur réceptivité », dans un programme de prise en charge ou, « si elles n'en relèvent manifestement pas et justifient des mesures de sécurité particulières », à l'isolement. Les personnes détenues devraient alors être affectées dans l'une des trois autres unités dédiées implantées à la maison d'arrêt d'Osny, de Fleury-Mérogis et, « pour les personnes les plus radicalisées », au centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin.

Chaque unité devrait proposer des modes de prise en charge adaptés au profil des personnes détenues. Néanmoins, afin notamment d'assurer la séparation entre les prévenus et les condamnés, l'encellulement individuel sera la norme stricte dans ces unités (estimées à 20 places chacune) qui devront également assurer une relative étanchéité avec le reste de la détention 10 ( * ) . Par ailleurs, le personnel y sera dédié et éligible à des formations spécifiques.

D'après les premières réflexions du ministère de la justice sur ce sujet 11 ( * ) , les personnes détenues susceptibles d'être affectées dans ces unités seront « principalement les personnes écrouées pour des faits de terrorisme liés à l'islamisme radical violent » ainsi que les personnes détenues « repérées en détention comme radicalisées, en voie de radicalisation, et prônant le recours à une action violente ».

Sur le plan budgétaire, un décret du 9 avril 2015 portant ouverture et annulation de crédits 12 ( * ) prévoit une somme de 19,1 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et en crédits de paiement destinés à renforcer la prise en charge et le suivi des individus radicalisés. Dans le projet de loi de finances pour 2016, 2,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 9 millions d'euros en crédits de paiement sont mobilisés à cet effet.

Un an environ après les annonces du Gouvernement sur le sujet, votre rapporteur pour avis note que la réalisation de ces unités est encore loin d'être achevée.


• Lors de sa visite de la maison d'arrêt du Val-d'Oise à Osny, établissement qui comptait, à la fin du mois de septembre 2015, 12 personnes détenues pour des faits de terrorisme, il a pu constater que les travaux de mise en place de cette unité étaient en cours pour une ouverture prévue à la fin du mois de janvier 2016. Cette unité sera prévue pour accueillir vingt détenus (23 au maximum) qui seront pris en charge par une équipe pluri-disciplinaire et suivront obligatoirement un programme de lutte contre la radicalisation. Cinq surveillants, deux binômes « psychologue-éducateur spécialisé » et un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation seront spécifiquement affectés à cette unité.


• Les constatations effectuées lors de sa visite de la maison d'arrêt de Fleury-Merogis l'ont conduit à noter que les deux unités que devrait accueillir cet établissement ne sont pas encore en fonctionnement. En théorie, ces unités devraient être mises en place au sein de la tripale D5. Toutefois, cette maison d'arrêt est actuellement engagée dans un lourd programme de rénovation qui induit des mouvements importants de détenus entre les différents bâtiments la composant, ne rendant pas possible, à court terme, la mise en place de ces unités, du fait notamment du nombre élevé de vacances de postes 13 ( * ) .


• À Fresnes, selon les informations recueillies par votre rapporteur, l'U2P continue à fonctionner selon les principes définis à la fin de l'année  2014 (regroupement de détenus radicalisés), sans mise en oeuvre d'un programme de prise en charge spécifique, les détenus affectés à cette unité faisant néanmoins l'objet d'un suivi particulier par le personnel de surveillance et les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation.


• S'agissant du centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin, votre rapporteur pour avis relève que notre collègue député Guillaume Larrivé, dans son rapport pour avis sur le budget 2016 de l'administration pénitentiaire 14 ( * ) , précise qu'un bâtiment constituant aujourd'hui un « quartier maison centrale » devrait être reclassé sur le plan juridique en « maison d'arrêt » pour y accueillir des personnes détenues ayant fait l'objet d'un mandat de dépôt antiterroriste ou d'un repérage pour radicalisation. Vingt-huit détenus devraient y être rassemblés dans deux ailes de quatorze cellules chacune, permettant de rompre le lien avec le reste de la population carcérale.

Votre rapporteur pour avis a, par ailleurs, pris bonne note de l'avis critique rendu le 11 juin 2015 sur ce sujet par Mme Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté 15 ( * ) .

Les principaux éléments de l'avis du 11 juin 2015
de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Après avoir noté que « les entretiens menés avec le personnel du centre pénitentiaire de Fresnes ne démontrent pas que cette pratique nouvelle ait eu un effet apaisant sur le reste de la détention », Mme Adeline Hazan considère tout d'abord que le critère retenu à Fresnes pour le regroupement des détenus dans cette unité (mise en cause ou condamnation pour des faits en lien avec une entreprise terroriste) revêt une valeur « discutable ». Elle relève également le caractère sui generis , actuellement sans fondement juridique spécifique, des conditions de détention qui résultent de l'affectation dans ces unités, susceptibles d'affecter les droits fondamentaux des personnes regroupées et imposant de ce fait un encadrement législatif et réglementaire. Elle note que, pour les personnes condamnées, le placement dans des unités qui sont toutes constituées au sein d'établissements concentrés dans une zone géographique donnée peut conduire à un éloignement de ces dernières de leur région d'origine et de leur famille. Enfin, elle insiste sur la nécessité de dispenser une formation adaptée aux personnels dédiés à la gestion de ces unités. Ces éléments la conduisent à se déclarer défavorable au dispositif de regroupement envisagé par le Gouvernement, qui, « outre son caractère potentiellement dangereux », ne découle « d'aucune disposition légale applicable, ce régime sui generis ne s'apparentant ni à la détention ordinaire, ni à la mise à l'isolement ».

À l'instar des conclusions de la commission d'enquête du Sénat 16 ( * ) , votre rapporteur pour avis estime que l'isolement des individus radicalisés est vraisemblablement, dans les maisons d'arrêt, une nécessité compte tenu des conditions de détention qui y prévalent actuellement afin de limiter les risques de contagion des idées radicales au sein de maisons d'arrêts surpeuplées. Il n'y est donc pas hostile par principe, tout en notant que le regroupement des détenus prosélytes ne saurait constituer une fin en soi et ne présente d'intérêt que s'il s'accompagne d'une prise en charge active et individualisée obéissant à des critères exigeants, à l'instar de ce qui est envisagé à la maison d'arrêt d'Osny et de Fleury-Mérogis. Selon les précisions fournies par la ministre dans sa réponse à l'avis du contrôleur général, une première recherche-action portant sur l'élaboration de programmes de lutte contre la radicalisation, menée par l'association française des victimes du terrorisme et l'association Dialogue-Citoyen, est en cours dans ces deux établissements, les premiers programmes de prise en charge ayant débuté en mai 2015. Ces programmes, qui concernent une douzaine de personnes détenues dans chaque établissement, se déroulent sous forme de séances collectives et d'entretiens individuels. Par ailleurs, la direction de l'administration pénitentiaire a lancé deux autres recherches-actions en milieu fermé.

La première de ces initiatives porte « sur la prise en charge des personnes radicalisées prévenues et condamnées à des peines inférieures ou égales à deux ans, axée essentiellement sur la préparation à la sortie et éventuellement le passage de relais avec les structures du milieu ouvert ». La seconde a pour objectif « la prise en charge des personnes radicalisées condamnées à une peine supérieure ou égale à dix ans, détenues en maison centrale ou en quartier maison centrale, la prise en charge ne concernant les personnes détenues que sur une très courte partie de leur temps d'incarcération ».

Selon la ministre, les conclusions de ces différentes recherches-actions devraient permettre de déterminer « des modalités adaptées de prise en charge des publics affectés en unité dédiée ». Par conséquent, il est encore trop tôt pour que votre rapporteur pour avis dispose d'éléments objectifs lui permettant d'apprécier les modalités de conduite de ces programmes et d'en apprécier l'efficacité. En tout état de cause, à l'instar de notre collègue député Guillaume Larrivé, votre rapporteur pour avis juge désormais indispensable de préciser, au sein de la loi pénitentiaire 17 ( * ) , le cadre juridique de cette modalité spécifique de détention. En effet, pour votre rapporteur pour avis, la réponse écrite et publiée au Journal officiel de la ministre aux observations du contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui devrait être cependant précisée dans les prochaines semaines par un texte réglementaire, ne saurait , sur un tel sujet sensible ayant un impact sur la sécurité des établissements pénitentiaires et les conditions de détention, constituer un cadre juridique satisfaisant .

2. L'accroissement des capacités du renseignement pénitentiaire

Le développement des phénomènes de radicalisation au sein des établissements pénitentiaires impose le renforcement des capacités de détection et de suivi de la part de l'administration pénitentiaire, tâche confiée, au niveau central, au bureau du renseignement pénitentiaire, dont les missions sont définies par un arrêté du 30 juin 2015 18 ( * ) .

Le renseignement pénitentiaire a pour missions de :

- recueillir et analyser l'ensemble des informations utiles à la sécurité des établissements et des services pénitentiaires ;

- assurer le suivi régulier et individualisé des personnes détenues le justifiant ;

- surveiller, en liaison avec les autres services compétents de l'État, notamment du ministère de l'intérieur, l'évolution de certaines formes de criminalité et de radicalisation violente ;

- animer et coordonner le réseau du renseignement pénitentiaire et exploiter à des fins opérationnelles les informations collectées.

Comme le rappelait notre collègue Philippe Bas dans son rapport sur le projet de loi relatif au renseignement 19 ( * ) , au-delà des fonctionnaires affectés dans ce bureau, le renseignement pénitentiaire s'appuie sur un réseau d'officiers de renseignement structuré au niveau des neuf directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) et de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer, ainsi que des établissements pénitentiaires eux-mêmes. Si, au niveau des DISP, ces fonctionnaires exercent leurs missions de renseignement à plein temps, tel n'est pas toujours le cas au sein des établissements pénitentiaires où le fonctionnaire qui en est chargé peut parfois exercer d'autres fonctions. Les décisions prises par le Gouvernement en janvier 2015 conduisent à renforcer, tant à l'échelon central qu'au niveau des DISP et des établissements, le renseignement pénitentiaire pour mieux appréhender les phénomènes de radicalisation en milieu carcéral.

À l'échelon central , un chargé de mission a ainsi été nommé pour suivre la mise en oeuvre du plan de lutte contre la radicalisation et deux postes supplémentaires 20 ( * ) ont été attribués au bureau du renseignement pénitentiaire.

Au niveau interrégional , le recrutement, d'ici fin 2016, de 14 officiers et de 14 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation devrait permettre la constitution de cellules régionales de renseignement pénitentiaire. Avant que ces postes puissent être pourvus de manière pérenne, des contractuels ont été recrutés. Enfin, 22 informaticiens spécialisés et 14 « analystes-veilleurs » devraient être recrutés pour le suivi des questions informatiques et des réseaux sociaux.

Enfin, au niveau des établissements , 44 officiers viendront enfin renforcer les établissements les plus sensibles, permettant de nommer des délégués locaux du renseignement pénitentiaire exerçant cette fonction à plein temps.

Au total, le renseignement pénitentiaire devrait voir ses effectifs progresser de 111 personnels supplémentaires , ce qui constitue un effort très substantiel. Votre rapporteur pour avis juge que le recrutement et l'affectation effective de ces fonctionnaires est indispensable pour assurer un suivi efficace des problématiques ayant trait à la radicalisation. De ce point de vue, il apparaît nécessaire que, dans les établissements pénitentiaires hébergeant un grand nombre de personnes détenues pour une infraction terroriste, la fonction de délégué local au renseignement pénitentiaire puisse être exercée à plein temps.

3. Le nécessaire renforcement de l'aumônerie musulmane

Conformément à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 26 de la loi pénitentiaire réaffirme la liberté de culte des personnes détenues en précisant que celles-ci « peuvent exercer le culte de leur choix, selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement ». Il en résulte l'obligation, pour l'administration pénitentiaire, d'organiser l'accès aux cultes des personnes détenues mais aussi de lutter contre le prosélytisme et contre les dérives religieuses radicales et sectaires en garantissant la neutralité du service public pénitentiaire. Actuellement, les principaux cultes représentés dans les établissements sont le culte catholique, le culte israélite, le culte musulman, le culte orthodoxe et le culte protestant. Depuis peu, le culte des Témoins de Jéhovah 21 ( * ) , le culte des Adventistes du septième jour et le culte bouddhiste ont été autorisés sur la base d'une jurisprudence du Conseil d'Etat - qui s'inscrit dans la droite ligne de celle de la Cour européenne des droits de l'homme - alors que le nombre de détenus fidèles de ces cultes est quasi nul.

La plupart des cultes présents en détention sont structurés en aumôneries nationales, dont le cadre est défini par la circulaire du 20 septembre 2012 relative à l'agrément des aumôniers rémunérés ou bénévoles 22 ( * ) . Comme le soulignait M. Jean-René Lecerf dans son rapport pour avis de l'an dernier 23 ( * ) , le nombre d'aumôniers musulmans en prison s'avère insuffisant au regard de la population des personnes détenues qui pourraient désirer une assistance spirituelle en la matière, même si l'appréciation réelle des besoins s'avère un exercice particulièrement délicat 24 ( * ) , la pratique proprement religieuse étant, de l'aveu même des aumôniers, limitée et les clivages nationaux (entre musulmans algériens, marocains ou turcs) rendant le choix des aumôniers délicat.

Effectifs des aumôniers des prisons (au 1 er août 2015)

Statut des intervenants d'aumônerie

Nombre d'intervenants d'aumônerie

Montant de la dotation (en euros)

Aumôneries

Indemnisé 25 ( * )

Bénévole 1

Auxiliaire 26 ( * )

Culte bouddhiste

0

11

0

11

9 670

Culte catholique

198

341

148

687

1 103 054

Culte israélite

43

24

2

69

184 233

Culte musulman

175

21

2

198

920 062

Culte orthodoxe

23

21

3

47

50 000

Culte protestant

85

249

21

355

420 798

Culte des Témoins de Jéhovah

11

98

3

112

9 670

Autres

0

39

0

39

0

TOTAL

535

804

179

1518

2 697 487

Source : réponses au questionnaire budgétaire

L'organisation des aumôneries nationales des prisons

D'après les précisions apportées par le ministère de la justice à votre rapporteur pour avis, il appartient à l'aumônier national de chaque culte de désigner les aumôniers indemnisés, dans la limite de 1 000 vacations horaires par an (équivalent d'un emploi à temps plein). Le taux forfaitaire horaire de ces vacations est fixé par un arrêté interministériel du 1 er décembre 2008 (9,67 € pour un aumônier local, 11,60 € pour un aumônier régional et 12,57 € pour un aumônier national). La mise en relation des crédits et des effectifs d'aumônerie doit cependant être abordée avec prudence selon le ministère. Ainsi, le pourcentage d'aumôniers indemnisés au sein de chaque culte n'est pas un indicateur pertinent dans la mesure où le niveau d'indemnisation est très disparate, certains aumôniers étant indemnisés à concurrence de 45 vacations horaires par an tandis que d'autres sont indemnisés à concurrence de 1 000 vacations horaires par an. L'aumônier national répartit en effet sa dotation « en tenant compte de nombreux critères : investissement, assiduité, distance domicile/établissement, situation professionnelle ou familiale, etc ». Les indemnités ne sont donc pas soumises à « la logique du service fait » et « l'administration pénitentiaire n'exerce aucun contrôle comptable sur les heures de présence effectives des intervenants d'aumônerie ».

En outre, il est précisé que le tableau ci-dessus « ne rend pas compte des modalités particulières d'organisation des aumôneries bouddhiste, catholique et protestante, au sein desquelles les sommes perçues par les aumôniers indemnisés sont intégralement mutualisées (au niveau de la Fédération protestante de France pour le culte protestant, au niveau des diocèses pour le culte catholique et au niveau de l'Union bouddhiste de France pour le culte bouddhiste) afin de couvrir les frais de transport engagés par les aumôniers et l'organisation de différentes formations, si bien que, pour ces trois cultes, la distinction entre aumôniers indemnisés et intervenants d'aumônerie bénévoles n'est pas pertinente ».

Sur le fondement de ce constat, notre ancien collègue jugeait nécessaire d'augmenter le nombre d'agréments délivrés, mais également le budget alloué, afin de permettre à tous les détenus qui le désirent d'exercer le culte musulman.

Dans le cadre des mesures annoncées par le Premier ministre le 21 janvier 2015, il a été décidé la professionnalisation et l' augmentation du nombre d'aumôniers musulmans. Alors que le nombre d'intervenants de l'aumônerie musulmane s'élevait à 168 en 2014, pour un budget de 630 000 euros, il a été décidé de doubler les crédits de cette aumônerie afin de permettre le recrutement de 60 équivalents temps plein supplémentaires, représentant une hausse de 30 % des effectifs. Trente aumôniers ont ainsi été recrutés au cours de l'année 2015, portant les effectifs à 198 et le budget à 920 000 euros. La seconde moitié des créations de postes interviendra quant à elle en 2016, ce qui portera le budget de l'aumônerie musulmane à 1,23 millions d'euros (représentant 41 % des dépenses totales d'aumônerie).

La professionnalisation des aumôniers recouvre pour sa part plusieurs aspects au nombre desquels l'amélioration de leurs conditions d'indemnisation et de couverture sociale ainsi que celles de leur formation. Si les problématiques ayant un impact financier n'ont fait l'objet, pour le moment, d'aucune décision spécifique, la formation des aumôniers devrait quant à elle donner lieu à plusieurs textes réglementaires concernant la formation civile et civique des aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires, qui pourraient être publiés prochainement.

Tout en souscrivant à ces orientations, votre rapporteur pour avis relève cependant qu'elle ne peut constituer qu'une réponse partielle à la question de la radicalisation en prison. En effet, les détenus les plus radicalisés n'ont pas recours aux services des aumôniers de prisons, dont ils ne partagent au demeurant ni la conception, ni la pratique du culte. D'une manière générale, votre rapporteur pour avis a pu constater lors de ses visites d'établissements que la très grande majorité des personnes détenues n'ont pas recours aux aumôniers de prisons.

4. Le nécessaire renforcement de la sécurité des établissements

La mise en oeuvre du plan de lutte antiterroriste dans les établissements pénitentiaires comprend également un volet relatif au renforcement de la sécurité des établissements, qui s'appuie, d'une part, sur des recrutements pour résorber les vacances de postes touchant les fonctionnaires du cadre des surveillants pénitentiaires et, d'autre part, sur l'acquisition de matériels spécifiques pour détecter et brouiller les communications électroniques illicites.

A l'occasion des visites d'établissements pénitentiaires qu'il a effectuées, votre rapporteur pour avis a pu constater que cet enjeu est crucial et impose une réponse adaptée des pouvoirs publics, tant sur le plan humain que matériel. Ainsi, à la maison d'arrêt d'Osny, établissement dont la configuration facilite l'introduction d'objets illicites par projection 27 ( * ) , entre le 1 er janvier et la fin septembre 2015, plus de cinq kilogrammes de produits stupéfiants et environ 900 téléphones portables avaient été saisis par les surveillants pénitentiaires. De nombreux couteaux en céramique, difficilement repérables par les portiques de détection, sont également régulièrement retrouvés en possession des détenus. Pour la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, ces chiffres s'établissaient à 1 000 téléphones par an et à environ 8 kilogrammes de produits stupéfiants. La configuration de cet établissement rendant impossible les projections, les introductions d'objets illicites s'effectue donc via les parloirs pour l'essentiel.

Certes, votre rapporteur pour avis ne souhaite pas, à ce stade de ses réflexions, rouvrir les débats ayant eu lieu au moment de la discussion de la loi pénitentiaire et de son article 57 28 ( * ) qui a supprimé les fouilles systématiques des personnes détenues. Toutefois, l'ampleur du phénomène d'introduction d'objets illicites au sein des établissements imposent que des solutions, palliatives aux fouilles systématiques, puissent être déterminées et notamment la mise en place dans des proportions encore plus importantes de portiques de sécurité.

a) L'enjeu de la résorption des vacances de postes

Le renforcement de la sécurité des établissements suppose au premier chef, selon votre rapporteur pour avis, la mise en oeuvre d'un plan ambitieux de résorption des vacances d'emploi au sein du cadre des personnels de surveillance.

Dans le projet de loi de finances pour 2016, les effectifs affectés à l'administration pénitentiaire connaissent une évolution favorable avec la création nette de 725 emplois, dont 63 % de personnels de surveillance.

Schéma d'emploi du programme « administration pénitentiaire »
pour 2016 (en ETPT)

Sorties

dont départs à la retraite

Entrées

dont primo recrutements

Schéma d'emplois du programme

Magistrats de l'ordre judiciaire

0

0

0

0

0

Personnels d'encadrement

96

31

166

106

70

B Métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif

201

49

371

269

170

B Personnels administratifs et techniques

88

22

118

37

30

C Personnels de surveillance

1006

365

1254

970

248

C Personnels administratifs et techniques

200

45

210

61

10

Total

1591

512

2119

1443

528

Source : projet annuel de performances pour la mission « justice »
annexé au projet de loi de finances pour 2016

Pour autant, malgré ces créations nettes, les établissements pénitentiaires devraient continuer à connaître un grand nombre de vacances d'emplois, en particulier au sein du cadre des surveillants pénitentiaires.

La mesure du nombre de vacances d'emplois
au sein de l'administration pénitentiaire

1 - Le plafond d'autorisation des emplois (PAE) est une notion budgétaire prévue par l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances de 2001. En 2016, il s'établit, pour la direction de l'administration pénitentiaire à 37 823, dont 27 320 pour l'ensemble des personnels de surveillance.

2 - Le schéma d'emplois (SE) constitue le total de créations ou suppressions nettes d'emplois sur l'année, c'est-à-dire le solde entre entrée et sorties. En 2015, ce solde s'est établi à + 528 pour la direction de l'administration pénitentiaire (300 dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, 128 personnels de surveillance et 100 comblements de vacances pour les personnels de surveillance). En 2016, ce solde positif sera porté à 725 (+ 457 pour les personnels de surveillance).

3 - Le concept de vacances d'emploi relève d'une approche opérationnelle et non budgétaire. Sur le plan budgétaire, une vacance de poste correspond à la non réalisation du schéma d'emplois. Mais cette vacance n'exprime pas pour autant les besoins réels des services, s'agissant d'établissements pénitentiaires qui ont un fonctionnement très spécifique dicté notamment par des motifs de sécurité (ratio de surveillants par nombre de détenus par exemple). Il en résulte une appréciation du nombre d'emplois vacants à partir d'organigrammes de référence validés par la direction de l'administration pénitentiaire pour chaque établissement. Le nombre d'emplois vacants correspond alors aux effectifs calculés à partir de ces organigrammes auxquels sont retranchés les effectifs constatés.

Au niveau national, ce sont près de 1 400 emplois de surveillants pénitentiaires qui font défaut dans les différents établissements. Ainsi, la maison d'arrêt d'Osny, qui comptait un taux d'occupation au 1 er juillet 2015 de 151 %, dispose de 136 surveillants sur un effectif théorique de 165. La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, avec un taux d'occupation au 1 er juillet de 144 %, compte quant à elle 1 080 surveillants sur un effectif théorique de 1 220. Enfin, pour l'établissement des Baumettes, avec un taux d'occupation à la même date de 152 % dans le « quartier maison d'arrêt », ces chiffres s'établissaient respectivement à 574 et 525. Au plan géographique, la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris est l'entité la plus concernée par ces difficultés avec près de 390 emplois non pourvus de surveillants par rapport aux organigrammes de référence.

Une telle situation a des effets non négligeables sur les conditions de sécurité de la détention et les conditions de travail des personnels 29 ( * ) . Dans de nombreux établissements, les nominations de surveillants parviennent ainsi à maintenir les effectifs à leur niveau actuel afin de remplacer les surveillants mutés dans d'autres établissements ou démissionnaires, sans pour autant combler les vacances de postes.

Parmi les nombreuses raisons évoquées pour expliquer cette situation, qui constitue le résultat d'une lente dégradation des conditions d'emplois dans l'administration pénitentiaire 30 ( * ) , votre rapporteur pour avis relève la faible attractivité, sur le plan financier et sur le plan de l'image, du métier de surveillant, qui subit par ailleurs la concurrence d'autres concours jugés plus valorisants comme ceux de la police, de la gendarmerie ou des polices municipales. Comme l'a précisé le ministère de la justice à votre rapporteur pour avis 31 ( * ) , malgré les différents concours organisés et le nombre important de postes ouverts, « le recrutement des surveillants des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire demeure assez difficile, malgré une sensible augmentation du nombre de candidats en 2015 ». Cette situation s'explique par le faible nombre de « candidats utiles » par la déperdition importante « entre le nombre de reçus et le nombre d'élèves qui entrent en formation à l'École nationale d'administration pénitentiaire est importante (autour de 10 %) ».

Il convient également de relever que la plupart des postes à pourvoir sont situés en région Ile-de-France, du fait de la concentration de la population pénitentiaire, où les conditions de logement sont extrêmement onéreuses et que les personnels souhaitent quitter dès que cela est possible. Il en résulte l'affectation massive de jeunes surveillants peu expérimentés dans les établissements dont certains regroupent les populations pénales nécessitant un suivi attentif.

C'est dans un contexte de tensions sociales aiguës que les différents syndicats de surveillants pénitentiaires ont appelé, à la fin du mois de septembre dernier, au boycott de toutes les réunions institutionnelles, conduisant votre rapporteur pour avis à ne pouvoir entendre leur point de vue, tant lors de sa visite de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, que, de manière plus générale, dans le cadre d'une audition au Sénat, sur les crédits de l'administration pénitentiaire dans le budget pour 2016.

À la suite d'une réunion organisée avec la garde des sceaux, à l'occasion d'une manifestation à l'appel des syndicats des personnels de l'administration pénitentiaire, le 21 octobre 2015, les syndicats ont été reçus par le Président de la République le 29 octobre. Cette réunion s'est conclue par la nécessité de mener une concertation au cours des semaines à venir, qui devrait être suivie d'une nouvelle rencontre avec le Président de la République dans un délai de trois mois. Cette concertation serait menée autour des trois axes que constituent la revalorisation des indemnités des surveillants pénitentiaires, la résorption des vacances d'emplois et la prise en charge de la population pénale.

En définitive, malgré la stratégie de recrutement dynamique mise en place par l'administration pénitentiaire, mille emplois de surveillants devraient continuer à faire défaut par rapport aux organigrammes de référence à l'horizon 2018, compte non tenu des créations de postes annoncées par le Président de la République le 16 novembre dernier. Ce déficit pourrait ainsi être moindre, dans une proportion qui dépendra de la ventilation retenue par le Gouvernement pour les 2 500 emplois supplémentaires.

b) L'amélioration de la sécurité physique des établissements

Le renforcement des conditions de sécurité des établissements procède d'une politique définie en 2013 par le ministère de la justice avec la mobilisation de 33 millions d'euros pour mettre en oeuvre différentes mesures en 2013 et 2014, parmi lesquelles la pose de filets anti-projection, le développement de la vidéoprotection, la création de deux unités cynotechniques ou l'installation de portiques à ondes millimétriques 32 ( * ) dans les établissements sensibles mais également de nouveaux portiques de détection de masse métallique et de détecteurs manuels de masse métallique 33 ( * ) .

Le plan de lutte antiterroriste complète ces mesures. Au sein du budget de l'administration pénitentiaire pour 2016, la dotation relative à la sécurisation des établissements pénitentiaires s'élève à 24 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 24,6 millions d'euros en crédits de paiement. Selon les éléments d'information fournis dans le projet annuel de performances, cette dotation devrait permettre de financer :

- les dépenses de sécurisation active de l'ensemble des établissements comprenant l'achat d'équipements de sécurisation des entrées et sorties des personnes et véhicules, d'armes, de munitions, de gilets pare-balles et de dispositifs de brouillage des téléphones portables ;

- les dépenses de sécurisation passive des seuls établissements en gestion publique permettant de maintenir les établissements en condition opérationnelle.

S'agissant de la question des téléphones mobiles au sein des établissements pénitentiaires, le ministère de la justice 34 ( * ) relève que les « dispositifs de brouillage actuellement installés ne sont toutefois pas évolutifs » puisqu'ils ne brouillent que la technologie dite de « 2 ème génération » (2G), alors que les terminaux mobiles désormais les plus répandus utilisent les technologies de 3 ème (3G) ou de 4 ème génération (4G) 35 ( * ) .

Le ministère de la justice ajoute qu'outre la rapidité d'obsolescence des matériels, la spécificité de l'architecture pénitentiaire « contrarie l'efficacité du signal émis par les systèmes de brouillage : les murs en béton armé, les grilles, les barreaudages et de façon générale, les dispositifs de sécurité passive des établissements pénitentiaires perturbent la diffusion des ondes du système de brouillage ».

À l'inverse, les systèmes de brouillage sont « susceptibles de troubler les communications téléphoniques du voisinage immédiat des établissements pénitentiaires, (phénomène dénoncé donnant lieu le cas échéant à des plaintes des opérateurs mobiles). Nonobstant la nécessité de prévenir d'éventuels risques sanitaires des personnels pénitentiaires et des personnes détenues, un signal de brouillage trop puissant perturbe le voisinage tandis que les opérateurs de téléphonie mobile sont conduits à augmenter la puissance d'émission depuis la balise. Le brouillage est rendu in fine moins efficace. Les systèmes de brouillage sont susceptibles d'entrer en interaction avec d'autres systèmes de sécurité, causant ainsi des déclenchements intempestifs d'alarme ».

Au regard de ces analyses, le ministère de la justice a lancé une expérimentation au début de l'année 2015 au sein de deux établissements pénitentiaires présentant une architecture dissemblable, dont les modalités n'ont pu être fournies à votre rapporteur pour avis pour des raisons de confidentialité, afin de mettre en test une solution technologique présentée par un industriel. Les résultats et analyses de ces tests devraient conduire le ministère de la justice à lancer un marché afin de choisir la solution la plus pertinente aux fins d'acquisition, grâce aux crédits du plan de lutte antiterroriste, du matériel adapté.

Votre rapporteur pour avis se déclare dubitatif quant à cette « course » technologique engagée par le ministère de la justice, dont l'efficacité lui apparaît discutable. Surtout, le nombre considérable de terminaux mobiles, dont l'introduction est facilitée par le développement d'appareils de très petite taille, saisis chaque année dans les établissements constitue un indice de l'utilisation intense qui est faite du téléphone mobile en prison. Une telle situation est vraisemblablement liée aux difficultés d'accès des personnes détenues aux cabines téléphoniques collectives, dont les horaires d'accès, variables selon les établissements et en tout état de cause inaccessibles en soirée, ne permettent pas à ces dernières de joindre leur famille et leurs proches à l'issue d'une journée de travail. Dans ces conditions, il lui apparaît indispensable qu'une réflexion approfondie soit menée sur ce sujet afin d'envisager une réforme des conditions d'accès des personnes détenues aux communications téléphoniques qui contribuent au maintien de leurs liens familiaux.

B. LA NÉCESSAIRE AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE DÉTENTION

Comme l'a rappelé votre rapporteur pour avis au début de son rapport, l'amélioration des conditions de détention constitue l'un des axes stratégiques poursuivis par le budget de l'administration pénitentiaire, alors que les établissements pénitentiaires français continuent à se caractériser par une occupation très supérieure à leurs capacités.

La résorption de cette surpopulation carcérale doit constituer l'un des buts principaux de la politique pénitentiaire, compte tenu de ses conséquences sur les conditions de détention, en ce qu'elle exerce une concurrence importante entre les personnes détenues pour accéder à un travail, une formation ou aux unités de vie familiale quand elles existent. Or, l'impossibilité pour les personnes détenues d'accéder à une activité fragilise, voire rend impossible la conduite d'un projet de réinsertion.

Enfin, ainsi que le soulignait notre ancien collègue Jean-René Lecerf 36 ( * ) , la surpopulation carcérale engendre également des situations de promiscuité qui peuvent présenter d'importantes carences en termes d'hygiène et de salubrité, exposant l'État à être condamné par les juridictions administratives pour violation de l'article 3 37 ( * ) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 38 ( * ) .

1. Une surpopulation carcérale qui demeure préoccupante

Au 1 er septembre 2015, le total de la population sous écrou s'établissait à 76 008 39 ( * ) , soit une réduction de 2,1 % en un an, dont 10 464 personnes écrouées non détenues 40 ( * ) (baisse de 7,3 % en un an).

La population sous écrou détenue 41 ( * ) s'élevait quant à elle à 65 544 personnes 42 ( * ) , se répartissant entre 17 398 prévenus et 48 146 condamnés alors que les établissements français ne comportent que 57 810 places opérationnelles 43 ( * ) , soit un taux d'occupation de 113,4 % 44 ( * ) . Cette surpopulation atteint des niveaux très élevés dans les maisons d'arrêt 45 ( * ) , qui hébergent pourtant les personnes en détention provisoire - présumées innocentes - avec un taux d'occupation à la même date de 133,1 % , contre 88,4 % dans les établissements pour peine. Ces taux élevés d'occupation recouvrent de fortes disparités géographiques : dans certains établissements, les taux d'occupation peuvent atteindre près de 170 %, comme à la maison d'arrêt de Nice ou de Bois d'Arcy, voire près de 200 % à la maison d'arrêt de Béthune ou de La Roche-sur-Yon.

Comme le montre le tableau reproduit ci-dessous, cette baisse ponctuelle s'inscrit dans un contexte d'accroissement constant de la population carcérale depuis une dizaine d'années .

Effectifs, capacité et densité carcérale des établissements pénitentiaires
au 1 er janvier de chaque année

Au 1 er janvier

Ecroués
non détenus

Ecroués détenus

Ensemble des écroués

Capacité opérationnelle 1

Densité carcérale 1
(pour 100 places)

2005

966

58 231

59 197

50 094

116,2

2006

1 178

58 344

59 522

51 252

113,8

2007

2 001

58 402

60 403

50 588

115,4

2008

2 927

61 076

64 003

50 693

120,5

2009

3 926

62 252

66 178

51 997

119,7

2010

5 111

60 978

66 089

54 988

110,9

2011

6 431

60 544

66 975

56 358

107,4

2012

8 993

64 787

73 780

57 236

113,2

2013

10 226

66 572

76 798

56 992

116,8

2014

10 808

67 075

77 883

57 516

116,6

2015

11 021

66 270

77 291

57 841

114,6

01/09/2015

10 464

65 544

76 008

57 810

113,4

Source : Effectifs : Statistique mensuelle des personnes écrouées (DAP/PMJ5),
Capacités : DAP-EMS1

(1) La densité carcérale (ou taux d'occupation) est calculée en rapportant le nombre de personnes écrouées détenues à la capacité opérationnelle.

Depuis le début des années 2000, le nombre de personnes détenues a crû progressivement en raison de l'augmentation du nombre de condamnations à de la prison ferme, de la suppression des grâces présidentielles collectives et de l'allongement des peines prononcées . La durée moyenne en détention, de 8,6 mois en 2001, s'établit à 10,4 mois en 2015. L'allongement de cette durée est lié au recours à l'incarcération pour des condamnés à des courtes et moyennes peines de moins de trois ans alors que les autres effectifs diminuaient ou se stabilisaient . La durée moyenne de détention provisoire est, pour sa part, stable depuis 2000, oscillant entre 3,8 et 4,4 mois.

Votre rapporteur pour avis relève cependant que la diminution observée au cours de l'année écoulée semble confirmer la tendance à la baisse constatée depuis la seconde moitié de l'année 2014 de la population sous écrou. Elle n'en reste pas moins insuffisante pour permettre de résorber les situations les plus criantes de surpopulation carcérale. Cette récente baisse concerne plus particulièrement les personnes condamnées, puis, dans une moindre mesure, les personnes non détenues. Elle concerne également les départements d'outre-mer mais pas les collectivités d'outre-mer (pour lesquelles il est constaté une légère hausse, de 0,6 %, du nombre de personnes écrouées). D'après le ministère de la justice, l'entrée en vigueur de certaines dispositions de la loi du 15 août 2014 favorisant les alternatives à l'incarcération ou les procédures de libérations sous contraintes, est encore trop récente pour leur attribuer la responsabilité de cette évolution.

2. La poursuite de l'exécution des programmes immobiliers de la justice

Face à cette pression carcérale, les gouvernements successifs ont souhaité augmenter les capacités du parc pénitentiaire français. La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 46 ( * ) avait prévu la construction de 13 200 nouvelles places de prison. Le gouvernement précédent avait quant à lui défini, en mai 2011, le nouveau programme immobilier pénitentiaire afin de doter la France de plus de 70 000 places de prisons à l'horizon 2018 47 ( * ) . Le Gouvernement actuel a, pour sa part, décidé de revoir la fin du programme « 13 200 » et de réviser le nouveau programme immobilier.

S'agissant du programme « 13 200 » révisé, les échéances à venir de mise en service concernent désormais uniquement le centre pénitentiaire de Draguignan au cours du 2 ème trimestre 2017, les travaux ayant débuté au premier semestre 2015. Parallèlement à la finalisation de ce programme, des opérations de rénovation conséquente ont été décidées pour :

- la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis ;

- le centre pénitentiaire de Marseille-les-Baumettes ;

- la maison d'arrêt de Paris-la Santé ;

- la rénovation, ainsi que l'extension du quartier centre de détention du centre pénitentiaire de Nantes.

À l'issue de sa révision, le nouveau programme immobilier pénitentiaire prévoit désormais l'ouverture de 11 629 places et la fermeture de 2 086 places, soit un solde net de 9 543 places , selon le rythme retracée dans le tableau ci-dessous et qui fait apparaître une année 2016 en ralentissement par rapport aux années précédentes.

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Construction de places brutes dans l'année

1366

1113

1170

2403

604

2610

942

808

Fermetures de places dans l'année

-1432

-655

-700

-595

-390

-1751

-403

0

Solde net (création nette de places)

-116

468

470

1808

214

859

539

808

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Les places construites ou restant à construire se décomposent ainsi :

- les opérations déjà engagées avec la construction du centre de détention de Papeari en Polynésie française et l'extension du centre pénitentiaire de Ducos en Martinique. Le centre pénitentiaire d'Orléans Sarran a été mis en service au mois de juillet 2014 ;

- la restructuration de la maison d'arrêt de Paris-la Santé ;

- la construction du futur établissement d'Aix 2 (afin de permettre ensuite le remplacement du centre pénitentiaire actuel de Marseille-Baumettes à l'échéance de la construction d'Aix 2 et du site Baumettes 2) ;

- les établissements du lot A (Riom et Valence) et du lot B (Beauvais). La prise de possession des établissements de Valence et Beauvais a eu lieu en juin 2015. L'établissement de Lutterbach faisait l'objet d'une tranche conditionnelle du lot A, non affermie pour permettre la réalisation d'un établissement de 520 places, avec fermetures associées de Colmar (120 places) et de Mulhouse (283 places), financée sur le prochain triennal.

Au terme du programme, la France devrait ainsi être dotée de près de 63 500 places de prison.

3. La problématique de l'encellulement individuel

Depuis la loi du 5 juin 1875 sur le régime des prisons départementales, le régime de l'encellulement individuel est inscrit dans notre procédure pénale. Considéré à l'origine comme punitif, il était néanmoins réservé à l'époque aux prévenus et aux condamnés à de courtes peines. Comme le souligne le président Jean-Jacques Urvoas dans le rapport qu'il a rédigé l'an dernier sur le sujet 48 ( * ) , la loi de 1875 sera cependant peu suivie d'effets. Malgré la réforme des établissements pénitentiaires promue à l'issue de la deuxième guerre mondiale, ce principe ne trouvera pas de traduction concrète tout au long de la seconde moitié du XX ème siècle, alors même que l'article 716 du code de procédure pénale, entré en vigueur le 2 mars 1959 49 ( * ) , prévoit que « les inculpés, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit », en ouvrant cependant une dérogation à ce principe uniquement « en raison de la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou de leur encombrement temporaire ou, si les intéressés ont demandé à travailler, en raison des nécessités d'organisation du travail ».

Puis, la loi du 15 juin 2000 50 ( * ) a prévu, dans un délai de trois ans à compter de son entrée en vigueur, de supprimer cette dérogation liée à la distribution intérieure ou à l'encombrement des maisons d'arrêt, en faisant demeurer la possibilité de ne pas bénéficier de cette modalité de détention pour les nécessités d'organisation du travail ou dans les cas où l'intéressé le demande. La loi du 12 juin 2003 51 ( * ) a cependant prorogé cette dérogation pour une durée supplémentaire de cinq ans.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 réaffirme le principe d'une détention (y compris provisoire) en cellule individuelle à laquelle il ne peut être dérogé que si les intéressés en font la demande, si leur personnalité le justifie ou si les nécessités d'organisation de leur autorisation de travail notamment, l'imposent. Néanmoins, l'article 100 de ce texte instaure un nouveau moratoire de cinq ans à l'encellulement individuel dans les maisons d'arrêts « au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application ». À titre de « compensation », ce même dispositif prévoit que, la personne condamnée ou, sous réserve de l'accord du magistrat chargé de l'information, la personne prévenue peut « demander son transfert dans la maison d'arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle ».

Ce moratoire aurait dû prendre fin le 25 novembre 2014 .

L'état de surpopulation du parc pénitentiaire ne permettant à l'évidence pas de mettre en oeuvre le principe à compter de cette date, le Gouvernement a nommé notre collègue député Dominique Raimbourg parlementaire en mission auprès de la garde des sceaux, ministre de la justice, afin qu'il lui remette un rapport sur l'encellulement individuel. Ce rapport 52 ( * ) , remis à la ministre dans des délais extrêmement brefs, a conclu à la nécessité d'un nouveau moratoire, afin de ne pas permettre la multiplication des recours et des condamnations de l'Etat pour inapplication de la loi, tout en fixant un calendrier pour atteindre cet objectif.

Le Gouvernement a donc été conduit à proposer un nouveau report de la fin du moratoire. La nouvelle rédaction de l'article 100 de la loi pénitentiaire 53 ( * ) prévoit désormais que jusqu'au 31 décembre 2019, « il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application ». Le Gouvernement sera cependant tenu, au deuxième trimestre de l'année 2016, puis au dernier trimestre de l'année 2019, de présenter au Parlement un rapport sur l'encellulement individuel, comprenant, en particulier, « une information financière et budgétaire relative à l'exécution des programmes immobiliers pénitentiaires depuis la promulgation de la présente loi et à leur impact quant au respect de l'objectif de placement en cellule individuelle ».

Depuis le début du XXI ème siècle, les différents gouvernements auront donc successivement décalé l'application effective d'un principe, pourtant inscrit dans la législation française depuis 1959, pour une durée totale de vingt ans.

4. La nécessité de favoriser l'accès des détenus aux activités

Outre son caractère punitif, l'incarcération a également vocation, ainsi qu'en dispose l'article 130-1 du code pénal, à favoriser l'amendement, l'insertion ou la réinsertion de la personne ayant fait l'objet de cette peine. Or, ce volet de la détention ne saurait trouver d'application pratique si les détenus ne se voient pas proposer des activités.

Selon l'article 27 de la loi pénitentiaire, « toute personne condamnée est tenue d'exercer au moins l'une des activités qui lui est proposée par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation dès lors qu'elle a pour finalité la réinsertion de l'intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité ». L'article R. 57-9-1 du code de procédure pénale prévoit que la personne détenue respecte cette obligation dès lors qu'elle « exerce au moins l'une des activités relevant de l'un des domaines suivants : travail, formation professionnelle, enseignement, activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques ».

a) Actualité du travail en prison

S'agissant du travail, en 2014, 23 423 personnes détenues ont eu, en moyenne mensuelle, une activité rémunérée (travail et formation professionnelle), soit 758 de moins qu'en 2013. Le taux global s'élève ainsi à 34,6 % 54 ( * ) , en diminution de 3,2 % depuis 2013. Ainsi, ce sont près de 3,9 millions de journées de travail, en recul de 3,7 % par rapport à 2013, qui ont été effectuées pour les activités de travail en concession, au service général et au service de l'emploi pénitentiaire.

Les différents types d'activités professionnelles dans les établissements

1. Les activités de travail gérées par l'administration pénitentiaire

1.1. Les activités de service général

Dans les activités du service général, les personnes détenues sont employées par l'administration pénitentiaire pour les besoins de fonctionnement des établissements dans le domaine de l'hôtellerie (restauration, blanchisserie, nettoyage, cantine) ou de la maintenance (peinture, maçonnerie, plomberie). En 2014, le service général a regroupé 35,8 % des actifs rémunérés écroués, soit environ 8 391 postes de travail en moyenne mensuelle, pour 12,9 millions d'heures de travail effectuées. La rémunération moyenne mensuelle nette par poste de travail, en équivalent temps plein, s'établit à 254 euros.

1.2. Le service de l'emploi pénitentiaire (SEP)

Le travail réalisé dans ce cadre est géré par le service de l'emploi pénitentiaire au moyen de la régie industrielle des établissements pénitentiaires. En 2014, le service de l'emploi pénitentiaire a géré 46 ateliers de production implantés dans 23 établissements pénitentiaires recevant majoritairement des personnes détenues condamnées à de longues peines. Ce service intervient dans plus de douze secteurs d'activités différents (confection, menuiserie boissellerie, métallerie, mécanique générale, imprimerie, informatique, numérisation d'archives audiovisuelles, travail à façon, reliure, cuir, exploitation agricole et diverses activités liées aux plans de sauvegarde du patrimoine).

Le SEP a employé, au cours de l'année 2014, 4,2 % des actifs rémunérés écroués. Ses 182 agents ont accueilli 983 personnes détenues en moyenne mensuelle, pour un total de 1,3 millions d'heures travaillées. La rémunération mensuelle moyenne nette par poste de travail, en équivalent temps plein, a été de 532 euros.

2. Les entreprises concessionnaires

Les entreprises privées, concessionnaires de l'administration pénitentiaire ou titulaires des marchés de fonctionnement des établissements à gestion déléguée, font réaliser dans des ateliers de production différents types de travaux aux personnes détenues (notamment du montage, de l'assemblage, du conditionnement, du façonnage, etc.) et pouvant être effectués par une main d'oeuvre à faible niveau de qualification.

En 2014, le travail en concession a employé 29,2 %, soit une hausse de 4 % par rapport à 2013, des actifs rémunérés écroués, soit une moyenne mensuelle de 7 132 personnes détenues. Près de 7,6 millions d'heures ont été effectuées en 2014 pour une rémunération mensuelle nette moyenne, par équivalent temps plein, de 408 euros.

Deux problématiques d'actualité éclairent la question du travail en prison.

D'une part, votre rapporteur pour avis rappelle que l'article 717-3 du code de procédure pénale, issu de la loi pénitentiaire de 2009, dispose que « la rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées ». Les dispositions de l'article D. 432-1 du même code prévoient ainsi l'octroi d'un minimum horaire individuel de rémunération du travail, calculé sur la base du SMIC et indexé sur sa revalorisation annuelle pour l'ensemble de la population pénale classée au travail pénitentiaire.

Toutefois, dans l'attente de l'application globale par l'administration pénitentiaire de l'ensemble du dispositif relatif au travail issu de la loi pénitentiaire et de ses décrets d'application, les minima de rémunération applicables pour le travail pénitentiaire sont prévus par le code de procédure pénale à l'article D. 432-1 et revalorisés chaque année en fonction des évolutions du SMIC.

Compte tenu des difficultés d'application de ces dispositions par les entreprises, la direction de l'administration pénitentiaire a mené une expérimentation de l'application de la rémunération horaire individuelle des personnes détenues classées, en 2014, au sein d'un panel représentatif d'établissements (établissements en gestion publique et en gestion déléguée, maisons d'arrêt et établissements pour peine). Les conclusions et points d'attention de cette expérimentation feront l'objet d'une diffusion de notes de bonnes pratiques destinées à accompagner les établissements pénitentiaires dans la généralisation du dispositif en 2016. À titre d'appui des établissements en gestion déléguée, dont les marchés n'ont pas été renouvelés en 2015 et qui arrivent à échéance au 31 décembre 2017, pour faciliter le passage à la rémunération horaire qui rend plus complexe et onéreuse l'atteinte des objectifs contractuellement fixés aux gestionnaires délégués en matière de travail des détenus, une dotation de 6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 3 millions d'euros en crédits de paiement est prévue dans le budget pour 2016.

D'autre part, il convient de rappeler que les conditions juridiques dans lesquelles les personnes détenues exercent une activité professionnelle au sein des établissements ne relèvent pas du code du travail. En effet, l'article 33 de la loi pénitentiaire dispose que la participation des personnes détenues à ces activités « donne lieu à l'établissement d'un acte d'engagement par l'administration pénitentiaire », lequel acte, signé par le chef d'établissement et la personne détenue, énonce « les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération ».

Saisi par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de l'article 33 à la Constitution 55 ( * ) , le Conseil constitutionnel, dans une décision du 25 septembre 2015 56 ( * ) , a rejeté l'argumentation des requérants au motif que le législateur peut, sans méconnaître d'exigences constitutionnelles, apporter à la liberté contractuelle des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi et qu'en tout état de cause, « les personnes détenues ne sont pas placées dans une relation contractuelle avec l'administration pénitentiaire », rendant inopérant le grief tiré de la méconnaissance de la liberté contractuelle.

Tout en prenant acte de cette décision, la garde des sceaux a indiqué que qu'il appartenait « au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leur droits » 57 ( * ) . D'après les précisions complémentaires fournies par le ministère de la justice à votre rapporteur pour avis, le Gouvernement envisagerait ainsi de modifier la loi afin d'améliorer les conditions dans lesquelles les détenus exerçant une activité professionnelle bénéficient d'une couverture sociale, notamment en matière d'assurance maladie ou en cas de grossesse.

b) La décentralisation de la formation professionnelle

S'agissant des actions de formation professionnelle à destination des personnes placées sous main de justice, qui ont bénéficié d'un budget de 43,5 millions d'euros en 2014 58 ( * ) , elles ont concerné, la même année, 22 514 personnes détenues. Conformément à l'objectif prioritaire de développement de la formation des publics détenus sans qualification, le nombre d'entrées dans des actions de formation de base, de remise à niveau et de pré-qualification représentent près de 73 % du nombre total des entrées dans des actions de formation professionnelle conduites dans les établissements pénitentiaires.

L'article 9 de la loi pénitentiaire offrait la possibilité à l'Etat de confier, à titre expérimental et pour une durée maximale de trois, par convention aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, sur leur demande, « l'organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire ». Les régions Pays-de-la-Loire et Aquitaine se sont ainsi engagées dans cette démarche à compter du 1 er janvier 2011, la direction de l'administration pénitentiaire ayant tiré un bilan positif de ces deux expérimentations.

La décentralisation aux régions de cette compétence a ensuite été généralisée avec l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014 59 ( * ) , dont l'article 21 a abrogé l'article 9 de la loi pénitentiaire. Effective depuis le 1 er janvier 2015 pour l'ensemble des établissements en gestion publique, cette décentralisation prendra effet à l'échéance des marchés pour les établissements relevant de la gestion déléguée, soit le 1 er janvier 2016 ou le 1 er janvier 2018.

S'agissant de la mise en oeuvre et du pilotage des plans régionaux de formation professionnelle, des conventions précisant « les conditions de fonctionnement du service public régional de la formation professionnelle au sein des établissements pénitentiaires » ont été conclues entre les conseils régionaux et les directions interrégionales des services pénitentiaires. Tout au long de l'année 2014 et début 2015, et en collaboration avec la direction générale des collectivités locales, la délégation générale la formation professionnelle et l'association des régions de France, la direction de l'administration pénitentiaire a poursuivi les travaux nécessaires (transfert financier, de personnel, de moyens, etc.) à la mise en oeuvre de la loi, afin que les dispositifs de formation professionnelle proposés aux personnes détenues soient maintenus et développés en 2015 pour assurer la cohérence du parcours d'exécution de peine et permettre une insertion réussie en sortie de détention.

A l'occasion des visites d'établissements qu'il a effectués, votre rapporteur pour avis a cependant pu noter les attentes, et les inquiétudes, pouvant exister par rapport à la reprise par les régions de cette compétence, dont il conviendra de tirer un premier bilan l'an prochain.

5. Promouvoir les alternatives à l'incarcération

La résorption de la surpopulation carcérale ne saurait être exclusivement traitée au moyen de l'accroissement du parc pénitentiaire, dans la mesure où les dix dernières années, au cours desquelles le nombre de places de prisons a substantiellement augmenté, ne se sont pas traduites par une réduction de la densité carcérale en raison de l'augmentation concomitante du nombre de personnes détenues.

Votre rapporteur pour avis considère qu'un grand nombre de personnes détenues n'ont pas leur place dans les établissements pénitentiaires, qu'il s'agisse d'individus connaissant des problèmes psychiatriques lourds 60 ( * ) , ou de personnes détenues condamnées à de courtes peines, pour lesquelles les conditions de détention ne permettent pas d'envisager un projet de réinsertion, le passage en prison pouvant alors constituer un facteur aggravant de récidive.

a) Une proportion importante de détenus condamnés à de courtes peines

Pour une grande part, les peines d'emprisonnement exécutées sont de courte durée. Au 1 er janvier 2015, 36% des personnes écrouées condamnées exécutent une peine de moins d'un an, cette proportion s'établissant à 65 % en y ajoutant les personnes exécutant une peine inférieure à trois ans.

Comme les années précédentes, plus du quart des condamnations sous écrou au 1 er janvier 2015 ont été prononcées pour des faits de violences volontaires (26 %, soit 15 824 personnes). Suivent les infractions à la législation sur les stupéfiants (15 %), les viols et agressions sexuelles (12 %), les vols qualifiés (11 %), les vols simples (8 %), les escroqueries (8 %), les homicides volontaires (6 %) et les homicides et blessures involontaires (6 %).

b) La réduction du nombre de mesures alternatives à l'incarcération

Après une augmentation du nombre de mesures alternatives à l'incarcération décidées par les juridictions entre 2010 et 2013, on constate une diminution des personnes suivies en milieu ouvert (- 1,8 % au cours des deux dernières années) par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

D'un point de vue quantitatif, la mesure alternative la plus importante suivie par ces services demeure le sursis avec mise à l'épreuve : 136 871 mesures de sursis avec mise à l'épreuve (SME) étaient suivies au 1 er janvier 2015 ( soit 79,5 % des peines prises en charge en milieu ouvert par les SPIP), contre 141 107 au 1 er janvier 2014 et 144 937 au 1 er janvier 2013.

Les travaux d'intérêt général (TIG) ainsi que le sursis des travaux d'intérêt général (STIG) représentent 38 529 mesures, soit 22,4 % des peines prises en charge en milieu ouvert par les SPIP.

Évolution des mesures et des personnes en milieu ouvert
au 1 er janvier de chaque année depuis 2011 (stock)

Au

1 er janvier

Ensemble

des

PERSONNES

MESURES

SME

Libération conditionnelle

TIG

STIG

Contrôle judiciaire

Suivi socio-judiciaire

2011

173 022

143 670

7 347

15 502

15 244

3 651

4 241

2012

173 063

144 060

6 752

14 970

17 280

3 683

4 821

2013

175 200

144 937

6 651

15 293

18 803

3 680

5 254

2014

174 108

141 107

6 428

16 196

20 392

3 689

5 685

2015

172 007

136 871

6 272

17 116

21 413

3 562

6 012

Source : Service statistique des personnes placées sous main de justice 1980-2015 DAP/PMJ/PMJ5

En complément, la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales a créé la contrainte pénale , une nouvelle peine alternative à l'incarcération pour un public nécessitant un suivi soutenu, des modalités de prise en charge spécifiques, fortement individualisées et adaptables.

La peine de contrainte pénale

Définie à l'article 131-4-1 du code pénal, la peine de contrainte pénale est applicable à l'auteur d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, lorsque sa personnalité et sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu. Applicable depuis le 1 er octobre 2014, cette peine sera étendue, à partir du 1 er janvier 2017, à tous les délits . La contrainte pénale emporte pour le condamné « l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société ». Si elle dispose d'éléments d'information suffisants sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction de jugement qui prononce la contrainte pénale peut définir les obligations et interdictions particulières auxquelles il est astreint. Dans le cas inverse, il appartient au juge de l'application des peines de déterminer ces obligations et interdictions. Le juge de l'application des peines peut également les modifier, les supprimer ou les compléter au cours de l'exécution de la contrainte pénale au regard de l'évolution du condamné.

D'après les éléments statistiques fournis à votre rapporteur pour avis par le ministère de la justice, un bilan nuancé de ce nouvel outil mis à la disposition des juges correctionnels peut être tiré pour sa première année d'application. Ainsi, à la date du 1 er novembre 2015, seulement 1 067 peines de contrainte pénale61 ( * ) avaient été prononcées par les juridictions , soit une moyenne mensuelle de 82 contraintes pénales. 80 % des tribunaux de grande instance avaient prononcé au moins une fois cette peine depuis sa mise en oeuvre, avec cependant une forte concentration puisque 21 tribunaux de grande instance sont à l'origine de la moitié des décisions. Cette peine s'attache d'abord à des condamnations liées à des infractions routières (35 %), à des atteintes à la personne (33 %), notamment les violences, à des vols (19 %) et à des infractions à la législation sur les stupéfiants (8 %). Dans la moitié des cas, la contrainte pénale est assortie d'une durée d'obligations et d'interdictions de deux ans, 22 % des peines retenant une durée de trois ans.

Ce bilan mitigé, vraisemblablement lié à une difficulté d'appropriation de cette faculté par les magistrats, conjugué au fait que la loi du 15 août 2014 ne s'est pas accompagnée d'une simplification en le fusionnant avec le dispositif du sursis avec mise à l'épreuve, dont les caractéristiques sont pourtant proches à la contrainte pénale, conduit par conséquent votre rapporteur pour avis à se déclarer réservé sur l'extension de cette peine à tous les délits à compter du 1 er janvier 2017.

6. Accompagner les sorties de prisons

Votre rapporteur pour avis tient à souligner que les sorties de détention dépourvues de tout suivi conduisent à un taux de récidive plus élevé que les sorties accompagnées. Selon une étude publiée en mai 2011 62 ( * ) , 63 % des personnes détenues ayant achevé leur peine sans aménagement sont à nouveau condamné dans un délai de cinq ans. À l'inverse, seules 39 % des personnes ayant terminé leur peine sous le régime de la libération conditionnelle récidivent dans un délai de cinq ans.

Fort de ce constat, la circulaire du 19 septembre 2012 a fait de l'aménagement des peines une priorité pour favoriser la réinsertion des personnes condamnées. Par la suite, la loi du 15 août 2014 a créé une nouvelle mesure d'aménagement de peine avec la libération sous contrainte.

La libération sous contrainte est susceptible de s'appliquer à tout détenu exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à cinq ans , et ayant accompli les deux-tiers de sa peine , n'ayant pas déjà bénéficié d'un aménagement de peine 63 ( * ) .

Cette mesure peut être prononcée par le juge d'application des peines selon le droit commun, après un débat contradictoire ou à la suite d'un examen obligatoire en commission d'application des peines (CAP), selon les dispositions introduites par la loi du 15 août 2014.

Les principales mesures d'aménagement de la peine

- La libération conditionnelle, définie à l'article 729 du code de procédure pénale, permet la mise en liberté d'une personne détendue ayant accompli au moins la moitié de sa peine et s'accompagne de contraintes et d'obligation ;

- Le placement à l'extérieur, prévu par les articles 132-25 et 132-26 du code pénal, permet à la personne condamnée d'effectuer des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire ;

- La semi-liberté, défini à l'article 132-26 du code pénal, est une mesure pour les condamnés placés en centres ou quartiers de semi-liberté qui ont la possibilité de suivre une formation ou d'effectuer une activité professionnelle à des horaires préalablement définis.

Depuis le 1 er janvier 2015, afin de favoriser la systématisation des sorties de détention accompagnées, toutes les personnes détenues exécutant une peine privative de liberté d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ayant atteint les deux-tiers de leur peine et qui n'ont pas bénéficié d'un aménagement de peine, verront obligatoirement leur situation examinée en commission d'application des peines pour apprécier la pertinence d'une mesure de libération sous contrainte. En outre, selon l'article 730-3 modifié du code de procédure pénale et depuis le 1 er janvier 2015, la situation de tout détenu exécutant une peine d'emprisonnement d'une durée totale supérieure à cinq ans, ayant atteint les deux-tiers de leur peine, n'ayant pas bénéficié d'un aménagement de peine et n'ayant pas fait préalablement savoir qu'elle refusait cette mesure, est obligatoirement examinée en vue de l'octroi d'une libération conditionnelle.

Le bilan de ces nouvelles dispositions est lui aussi mitigé.

A la date du 1 er octobre 2015, seules 544 personnes faisaient l'objet d'un suivi par les SPIP dans le cadre d'une mesure de libération sous contrainte. Depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, près de 2 800 détenus ont bénéficié d'une mesure de libération sous contrainte, le bénéfice de ce dispositif se traduisant, pour la plupart d'entre eux, par une sortie anticipée de quelques semaines.

Lors de leur audition par votre rapporteur pour avis, les syndicats représentant les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ont émis des doutes sur la pertinence de ce réexamen de l'ensemble des personnes détenues, jugeant un tel dispositif très chronophage pour les greffes des établissements pénitentiaires et les SPIP, alors même que la plupart des dossiers se traduisent par une décision négative du juge de l'application des peines faute d'un projet construit de réinsertion.

En outre, le suivi post-incarcération est aujourd'hui essentiellement assuré dans le cadre de la surveillance électronique qui ne permet pas un accompagnement personnalisé par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Ainsi, au 1 er septembre 2015, 79,3 % des condamnés faisant l'objet d'un aménagement de peine étaient placées sous surveillance électronique, le recours au bracelet électronique étant plébiscité en raison de faible son coût journalier (11,01 euros en 2014).

Il est particulièrement préoccupant de constater cette même tendance parmi les condamnés faisant l'objet d'une libération sous contrainte. Au 1 er octobre 2015, 67 % des personnes bénéficiant d'une libération sous contrainte et toujours suivies par les SPIP dans ce cadre, soit 364 mesures, s'exécutaient sous le régime du placement sous surveillance électronique . Seuls 154 condamnés, soit 28,3 % des condamnés sous le régime de la libération sous contrainte, étaient placés en semi-liberté et 26 (4,78 %) en placement extérieur.

Cette prévalence des placements sous surveillance électronique apparaît équivoque après la suppression de la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP) par la loi du 15 août 2014 du fait de son inefficacité.

Comme en 2014, le nombre de condamnés en semi-liberté continue de diminuer (-5,7 %) pour atteindre un effectif de 1 616 personnes au 1 er septembre 2015, soit 13,4 % des aménagements de peine. Votre rapporteur pour avis souligne néanmoins que le coût d'une journée de placement en semi-liberté (53,34 euros en 2014), s'il reste raisonnable, augmente d'environ 6 % en raison de cette sous-utilisation.

Comme notre ancien collègue Jean-René Lecerf 64 ( * ) , votre rapporteur pour avis déplore le faible nombre d'études et de recherches menées en France démontrant l'efficacité différenciée des mesures d'aménagement de peine sur la prévention de la récidive.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme n° 107 : « administration pénitentiaire » de la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2016.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Mme Adeline Hazan , contrôleure générale des lieux de privation de liberté

M. André Ferragne, secrétaire général

Direction de l'administration pénitentiaire

M. Charles Giusti , chef de service, adjoint à la directrice de l'administration pénitentiaire

M. Stéphane Bredin , sous-directeur du pilotage et de la sécurité des services

Association nationale des juges de l'application des peines

Mme Martine Lebrun , présidente honoraire

Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP CFDT)

M. Jean-Michel Dejenne, premier secrétaire, directeur du quartier pour peines aménagées de Fresnes-Villejuif

Mme Géraldine Blin, directrice du service pénitentiaire d'insertion et de probation du Val d'Oise

Collectif CGT Insertion Probation

M. Morgan Labey , secrétaire national

M. Michel Pouponnot , syndicat CGT du SPIP 44

Interco CFDT

M. Jean-Philippe Guilloteau , secrétaire fédéral, Branche Justice

Contributions écrites

Syndicat Pénitentiaire des Surveillants

Syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière Direction (SNP FO)

Union Syndicale des Magistrats

LISTE DES DÉPLACEMENTS

22 septembre 2015

- Visite de la maison d'arrêt d'Osny (Val-d'Oise)

25 septembre 2015

- Visite du centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes

28 septembre 2015

- Visite de la maison d'arrêt de Fleury-Merogis (Essonne)


* 1 Le compte rendu de la réunion de commission est consultable à l'adresse suivante :
http://senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html

* 2 Pour la commission des lois, le programme consacré à la protection judiciaire de la jeunesse est traité dans l'avis présenté par notre collègue Cécile Cukierman. Les quatre autres programmes - justice judiciaire, accès au droit et à la justice, conduite et pilotage de la politique de la justice, conseil supérieur de la magistrature - font l'objet d'un avis présenté par notre collègue Yves Détraigne.

* 3 42,75 % des crédits de paiement et 43,54 % des autorisations d'engagement.

* 4 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

* 5 Résultant des règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l'Europe le 11 janvier 2006.

* 6 D'après les précisions apportées par M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, ces emplois devraient être créés au cours des deux prochaines années et financés par une aggravation du déficit budgétaire.

* 7 Rapport n° 388 (2014-2015) fait par M. Jean-Pierre Sueur au nom de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe - Filières « djihadistes » : pour une réponse globale et sans faiblesse.

* 8 Conformément à l'article 706-17 du code de procédure pénale, ces juridictions disposent d'une compétence concurrente en matière de répression de ces infractions qui permet la régularité des premiers actes d'investigation réalisés par les juridictions territorialement compétentes, tout en autorisant leur dessaisissement ultérieur si le parquet de Paris souhaite reprendre l'affaire.

* 9 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 10 À titre d'exemple, l'affectation dans l'unité dédiée d'Osny n'exclura pas la possibilité pour le détenu d'être intégré, après accord de la commission de suivi interne, dans des groupes collectifs en détention, notamment pour la pratique du sport ou d'activités socioculturelles.

* 11 Figurant dans la réponse de la ministre de la justice à l'avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté que votre rapporteur présentera ci-dessous.

* 12 Décret n° 2015-402 du 9 avril 2015 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 13 Au moment de la visite de votre rapporteur pour avis les effectifs théoriques de personnels de surveillance étaient pourvus à 86 %.

* 14 Avis n° 3117 tome 6 (Justice - Administration pénitentiaire) fait par M. Guillaume Larrivé au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2016.

* 15 Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avis du 11 juin 2015 sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral, Journal officiel du 30 juin 2015.

* 16 Rapport n° 388 (2014-2015) précité.

* 17 Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

* 18 Arrêté du 30 juin 2015 fixant l'organisation en bureaux de la direction de l'administration pénitentiaire.

* 19 Rapport n° 460 (2014-2015) de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi relatif au renseignement.

* 20 Un directeur et un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation.

* 21 Depuis un arrêt du Conseil d'Etat du 16 octobre 2013 (Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés c/ m. n...et autres - N°351115, 351116, 351152, 351153, 351220, 354484, 354485, 354507, 354508), par lequel la haute juridiction administrative a estimé que les refus d'agréer des ministres du culte des Témoins de Jéhovah en tant qu'aumôniers des prisons ne reposaient sur aucune base légale, en notant que « l'insuffisance du nombre de détenus se revendiquant de la confession des Témoins de Jéhovah ne pouvait constituer un motif de nature à justifier un refus de délivrer un agrément en qualité d'aumônier ».

* 22 Circulaire du 20 septembre 2012 relative à l'agrément des aumôniers rémunérés ou bénévoles, des auxiliaires bénévoles d'aumônerie des établissements pénitentiaires et des accompagnants occasionnels d'aumônerie ; NOR : JUSK1240021C.

* 23 Avis n° 114 - Tome VIII Administration pénitentiaire (2014-2015), fait par M. Jean-René Lecerf au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2015.

* 24 Voir page 49 et 50 du rapport.

* 25 Dont le statut est défini à l'article D 439 du code de procédure pénale.

* 26 Dont le statut est défini à l'article D 439-2 du code de procédure pénale.

* 27 Pour la seule matinée du 22 septembre 2015, date à laquelle votre rapporteur pour avis a procédé à cette visite, trente « colis » avaient été saisis par les personnels de l'établissement, colis bien souvent projetés par des personnes se présentant aux abords immédiats de la maison d'arrêt sans dissimuler leur visage.

* 28 Cet article dispose que les fouilles doivent être « justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n'exerçant pas au sein de l'établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l'autorité judiciaire ».

* 29 L'un des personnels entendus par votre rapporteur pour avis évoquant des conditions de travail « en mode dégradé ».

* 30 La même personne indiquant à votre rapporteur pour avis avoir constaté une dégradation de la situation au sein de l'établissement où elle est affectée depuis une dizaine d'années.

* 31 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 32 Ces équipements sont conçus pour la détection de matières diverses (métaux, liquides, céramique, etc.) qui sont dissimulés dans les vêtements ou à la surface de la peau de la personne contrôlée.

* 33 L'installation de ces portiques répondant au surplus à l'objectif d'accompagner la mise en oeuvre de l'article 57 de la loi pénitentiaire relatif à la suppression des fouilles systématiques des personnes détenues.

* 34 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 35 À cette difficulté d'évolution technologique s'ajoute des problématiques locales spécifiques, notamment au sein des établissements d'outre-mer dans lesquels le matériel de brouillage n'est pas adapté aux bandes de fréquence spécifiques aux Antilles.

* 36 Avis n° 114 (2014-2015) précité.

* 37 Article qui dispose que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains dégradants ».

* 38 Depuis 2009, la Cour européenne des droits de l'homme constate la violation de l'article 3 lorsque tout « espace de vie individuel » est inférieur à 3 m² par détenu (CEDH, 2 e section, 16 juillet 2009, Sulejmanovic c/ Italie, requête n°22635/03). Suivant la jurisprudence constante du Conseil d'État, les juridictions administratives font application de ce principe. Ainsi, le tribunal administratif d'Orléans, par une décision du 6 juin 2014, a ainsi condamné l'État à indemniser un détenu ayant été confiné 262 jours avec deux autres détenus dans une cellule de 9 mètres carrés.

* 39 Contre 77 648 au 1 er septembre 2014.

* 40 Chiffre qui comprend les personnes sous surveillance électronique ou en placement extérieur sans hébergement.

* 41 Le total des détenus est composé à 96,8 % d'hommes.

* 42 Contre 66 354 au 1 er septembre 2014, soit une baisse de 1,2 % en un an.

* 43 La capacité opérationnelle correspond au nombre de places, de lits effectivement disponibles indépendamment de la qualité individuelle ou collective de la cellule.

* 44 Avec une disparité forte entre la métropole où ce taux s'établit à 112,7 % et l'outre-mer où il s'élève à 122,8 %.

* 45 Les maisons d'arrêt reçoivent également les personnes dont la peine ou le reliquat de peine n'excèdent pas deux ans.

* 46 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

* 47 Source : dossier de presse de présentation du nouveau programme immobilier pénitentiaire (disponible à l'adresse suivante :

http://www.presse.justice.gouv.fr/art_pix/1_DP_nouv_prog_immobilier_penit_v3.pdf).

* 48 Rapport d'information n° 2388 (novembre 2014) fait par M. Jean-Jacques Urvoas au nom de la commission des lois - L'encellulement individuel dans les prisons : sortir de l'impasse des moratoires.

* 49 Dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale.

* 50 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

* 51 Loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière.

* 52 Rapport de M. Dominique Raimbourg, député de Loire-Atlantique, Encellulement individuel : faire de la prison un outil de justice, mission auprès de la garde des sceaux, ministre de la justice, confiée par le Premier ministre, du 10 au 30 novembre 2014.

* 53 Résultant de l'article 106 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 54 Ce taux masque une forte disparité en fonction de la nature des établissements avec 31,5 % en maison d'arrêt et 51 % en établissement pour peine.

* 55 En ce que ces dispositions porteraient atteinte « aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit à l'emploi, à la liberté syndicale, au droit de grève et au principe de participation des travailleurs, respectivement garantis par les alinéas 5, 6, 7 et 8 du Préambule de la Constitution de 1946 ».

* 56 Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015 - M. Johny M.

* 57 Communiqué de presse du 25 septembre 2015 de Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, Décision du Conseil constitutionnel sur le travail en détention.

* 58 Toutes sources de financement confondues.

* 59 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et la démocratie sociale.

* 60 Selon l'analyse de Mme Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, entendue par votre rapporteur pour avis, entre 20 et 30 % des personnes détenues connaîtraient des pathologies psychiatriques lourdes.

* 61 Ces statistiques sont encore incomplètes pour le mois d'octobre 2015.

* 62 Annie Kensey et Abdelmalik Benaouda, Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques, mai 2011, n° 36.

* 63 Cette exclusion ne résulte pas des termes de la loi du 15 août 2014 mais de l'article D 147-19 du code de procédure pénale.

* 64 Avis n° 114 (2014-2015) précité.

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