B. LA NÉCESSITÉ DE REMETTRE À PLAT UNE GESTION IMMOBILIÈRE POTENTIELLEMENT PAUPÉRISANTE ?

Au 31 décembre 2014, le patrimoine du ministère représentait 4,9 milliards d'euros , soit 4,24 milliards d'euros pour l'étranger et 0,66 milliard d'euros pour la France. Au total, on comptait 2,14 millions de mètres carrés de surface utile brute , dont 2 millions à l'étranger, pour environ 1 700 bâtiments répartis dans 170 pays, dont la France.

1. Vers la rationalisation des sites parisiens ?
a) L'objectif : passer de 10 à 3 sites d'implantation en Ile-de-France

Depuis 2006, le MAEDI s'est engagé dans une démarche de rationalisation de son patrimoine immobilier en France. Les principes, qui l'ont guidé, était le regroupement des services et l'optimisation des surfaces . La multiplicité des sites en région parisienne nécessitait la mise en oeuvre d'une stratégie immobilière claire au travers d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière France ayant pour objectif la réduction du nombre d'implantations afin d'aboutir à une gestion optimale des biens.

En 2007, on dénombrait 10 sites franciliens dont l'un était occupé par l'organisation internationale de la francophonie. Ceci constituait un inconvénient sur le plan fonctionnel et un facteur générateur de coût supplémentaire. Progressivement, le ministère a réduit le nombre de ses implantations, conformément à son schéma pluriannuel, ayant pour objectif final de réduire à trois sites les implantations en Île-de-France.

Au 1 er janvier 2015, on comptait encore cinq sites franciliens. Il s'agissait du Quai d'Orsay, du site de Convention, du site de la Courneuve, du site des Invalides et du site de Châtillon.

b) Le regroupement des implantations de la Valise diplomatique à la Courneuve : un projet profondément modifié

Pour mémoire, la Valise diplomatique est actuellement installée à Châtillon (92), dans un bâtiment industriel pris à bail. Le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) du MAEDI prévoyant le regroupement immobilier des sites franciliens et le transfert de ce service à La Courneuve, un avenant à l'autorisation d'occupation temporaire (AOT) a été signé par le MAEDI et la SCI ICADE, puis validé par France Domaine et le Préfet de Seine-Saint Denis le 12 mai 2015. Après réalisation des travaux par la SCI ICADE, le déménagement de la Valise diplomatique à la Courneuve devait intervenir fin 2016. Ceci devait permettre de libérer le site de Châtillon , pris à bail pour un montant de 350 000 euros par an .

Toutefois, selon les informations communiquées à vos rapporteurs pour avis, de nouveaux éléments de contexte ont conduit le ministère à renoncer au projet de transfert de la Valise à la Courneuve. Il semble que les mesures nécessaires au renforcement de la sécurité en raison de la montée du risque terroriste et par la priorité accordée à la numérisation des archives et à la dématérialisation des documents administratifs 37 ( * ) auront des conséquences fonctionnelles pour le bâtiment des Archives de La Courneuve pour les prochaines années. Ces éléments ont conduit à abandonner le projet de co-localisation des deux services (archives et valise) dans un même bâtiment, et à réorienter les études pour examiner la faisabilité de l'installation du service de la Valise sur le site de La Courneuve, dans un bâtiment indépendant qui serait construit sur le foncier disponible non bâti . Voir rapporteurs pour avis suivront avec attention l'évolution de ce projet et de ses coûts .

c) La rationalisation des autres sites franciliens

Par ailleurs, le projet de rénovation et de modernisation du site du Quai d'Orsay était l'occasion d'une réflexion globale sur les sites franciliens. Après des études menées avec un assistant à maîtrise d'ouvrage, il a été décidé d'envisager une rénovation et une modernisation de l'ensemble du site du Quai d'Orsay, seules à même de permettre au ministère de respecter son schéma pluriannuel de stratégie immobilière France.

Ce projet se décompose ainsi :

- réhabilitation de l'Aile des Gardes et de l'accueil du Quai d'Orsay. Le marché de maîtrise d'oeuvre a été notifié en décembre 2015 et les études ont démarré en janvier 2016. La consultation des entreprises devrait avoir lieu en décembre 2016 et le démarrage des travaux au premier trimestre 2017 (pour 11 mois de chantier) ;

- la réhabilitation de l'Aile des Archives, la construction d'un bâtiment neuf et la rénovation du centre enterré qui font l'objet d'un concours européen d'architecture. Un concours d'architecture a été lancé fin 2015 pour sélectionner 4 équipes pluridisciplinaires, chargées de réaliser des esquisses. Cette sélection s'est faite lors du jury de concours qui s'est tenu le 15 février 2016. Le programme du concours a été remis aux équipes début juillet, après approbation du plan de sauvegarde et de mise en valeur par la ville de Paris le 6 juillet 2016. Les projets doivent être remis par ces 4 équipes d'architectes en novembre 2016. À titre conservatoire, la date du second jury est fixée en février 2017 mais pourrait être reportée. Votre commission suivra avec grande attention l'évolution de ce projet et de ses coûts .

- la restructuration de l'aile des archives intègre également les mises en conformité règlementaires des emprises qui se décomposent en 2 types de chantier : l'un concerne la sécurité incendie (SSI) et la modernisation du câblage informatique et l'autre les mesures d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite. S'agissant de sécurité incendie et de câblage , le marché de maîtrise d'oeuvre a été notifié en décembre 2015. Le démarrage des travaux est prévu à l'automne 2017 38 ( * ) . Cette opération sera réalisée en parallèle avec la modernisation du câblage informatique permettant d'équiper en fibre optique l'ensemble des bâtiments du Quai d'Orsay. S'agissant des mesures d'accessibilité , le MAEDI a déposé à la Préfecture de Police de Paris son agenda d'accessibilité programmée (dit Ad'AP) en septembre 2015 qui a été approuvé le 22 octobre 2015. Dans ce document stratégique, le ministère présente l'ensemble des opérations de mise en accessibilité du patrimoine immobilier dont il est gestionnaire sur le territoire français (Nantes et Paris), et s'engage à réaliser les travaux sur une période maximale de 3 ans, soit à l'échéance 2018, et à mettre en place un suivi de réalisation 39 ( * ) .

Le coût total de ces opérations est estimé à 70 millions d'euros . L'année 2016 devait voir la fin des phases études préparatoires. Les travaux devraient débuter en 2017 par l'Aile des Gardes.

2. La politique immobilière du MAEDI à l'étranger
a) Une évolution nécessaire sous conditions

La politique immobilière du ministère à l'étranger vise à gérer de manière dynamique un patrimoine diversifié soumis à de nombreux aléas politiques, juridiques, réglementaires et financiers dans un contexte de fortes contraintes budgétaires et d'exigences sécuritaires et environnementales. Tout en réaffirmant l'ambition d'une présence aussi universelle que possible , l'adaptation du réseau à l'étranger est constante et nécessite un redéploiement des effectifs dans les zones géographiques prioritaires, en particulier les pays émergents.

Tout en visant à assurer aux agents de l'État un cadre de travail de qualité et fonctionnel, la politique immobilière est fondée sur les trois principes suivants :

- la rationalisation des implantations grâce au regroupement, mutualisation des espaces, relocalisation dans des sites mieux sécurisés et adaptés aux missions ;

- la performance immobilière en respectant les ratios d'occupation conforme à la politique immobilière de l'État ;

- et la valorisation du patrimoine . Les cessions et acquisitions de biens immobiliers devant permettre de dégager un bénéfice.

L'évolution du réseau à l'étranger s'accompagne d'une nécessaire adaptation des implantations immobilières dont certaines sont aujourd'hui sur ou mal dimensionnées. Dans le cadre notamment de la mise en place des postes de présence diplomatique, des regroupements sur un site unique ou bien des colocalisations avec des partenaires européens doivent permettre une meilleure adaptation du dispositif immobilier.

La vente des biens immobiliers détenus par le ministère à l'étranger ne semble devoir être soutenue , selon vos rapporteurs pour avis, qu'aux conditions suivantes :

- il faut achetez plutôt que louer , l'inverse serait jeter l'argent par les fenêtres à long terme. À titre d'exemple, la résidence à Bruxelles du représentant permanent auprès du comité politique et de sécurité de l'Union Européenne a été vendue en avril 2007 pour 1,63 million d'euros. Le bail souscrit après cette vente atteint un montant annuel de 77 820 euros par an. À ce rythme-là dans une dizaine d'années on constatera non plus une économie mais une charge nette du loyer. Or, une dizaine d'années à l'échelle d'un réseau diplomatique représente une durée extrêmement courte, pour une représentation qui n'a aucune vocation à disparaître ;

- il convient de vendre pour améliorer le rayonnement de la France . Une certaine nostalgie peut parfois faire regretter la vente de tel vieux palais au coeur de telle vieille capitale européenne. Mais lorsque le bâtiment concerné est peu pratique, qu'il n'est plus aux normes, et qu'il engendre des coûts d'entretien disproportionnés que le ministère n'a pas les moyens d'honorer, garder ce bâtiment n'est pas une solution de bonne gestion . Au contraire, lorsqu'une vente permet de regrouper sur un même plateau tous les services français, les services consulaires, les services culturels, le poste économique, etc. et de garder une résidence bien placée, et bien calibrée , le rayonnement de la France y gagne ;

- enfin, et c'est une conviction forte, il faut vendre lorsque cela favorise la mutualisation et la colocalisation avec des pays alliés ou des services de l'Union européenne comme à Abuja. Ces expériences fonctionnent. Elles permettent le partage des coûts de sécurité notamment, et rendent l'action diplomatique de la France plus visible. Elles favorisent également l'universalité de notre réseau 40 ( * ) .

b) Le nécessaire développement des colocalisations

Les ventes ne semblent avoir de sens que si elles permettent de rationaliser les implantations de la France et d'assurer le rayonnement international de notre pays. Dans le cas contraire, c'est une perte sèche de patrimoine et de prestige.

Ces cessions doivent être l'occasion de développer des colocalisations bilatérales avec nos partenaires européens au-delà des treize ambassades colocalisées existant déjà :

- la France héberge la représentation allemande à Brazzaville au Congo au sein de son ambassade depuis novembre 2012 ;

- à Pékin la France partage avec l'Allemagne un centre médical hébergeant les 2 médecins référents ;

- le bureau de coopération français de Pyongyang, en Corée du Nord, est installé depuis septembre 2013 avec la représentation suédoise au sein de la chancellerie allemande ;

- les chancelleries à Asmara en Érythrée et à Bandar Seri Begawan à Brunei sont accueillies au sein des ambassades d'Allemagne respectivement depuis décembre 2014 et mars 2015 ;

- le Royaume-Uni dispose depuis 2007 d'un bureau de passage au sein de notre ambassade à Niamey au Niger ;

- à Tegucigalpa au Honduras, en prévision de la transformation en poste à présence diplomatique, l'ambassade a été relocalisée dans les locaux de la délégation de l'Union européenne en avril 2015 ;

- la France dispose à l'intérieur du campus européen d'une maison de 102 m² à Djouba au Soudan du Sud sur la base d'un accord signé en avril 2009 avec la Commission européenne ;

- la maison de France à Rio de Janeiro accueille le consulat général allemand depuis décembre 2013 ;

- à Koweït City, depuis juillet 2016, l'ambassade franco-allemande dans une tour de bureaux est opérationnelle ;

- de plus, en 2016, quatre autres colocalisations ont vu le jour à Bandar Seri Begawan à Brunei, Nicosie, Minsk en Biélorussie, et Dili au Timor oriental.

Trois nouveaux projets verront le jour à court terme :

- à Dacca au Bangladesh, la construction d'une ambassade franco-allemande est en cours, la livraison du bâtiment initialement envisagée pour l'été 2016 a été reportée à mars 2017 ;

- de même, les colocalisations avec les services extérieurs de l'Union européenne doivent être privilégiées comme ce sera le cas au Nigéria à Abuja. Le projet vise à regrouper, sur une parcelle de 7 500 m² appartenant à l'Union européenne, les différents services de l'État ainsi que des logements. La livraison du campus initialement attendue pour la fin de l'été 2016 est reportée en 2017 ;

- à Assomption aux Seychelles, un projet de colocalisation est également en cours d'études.

Par ailleurs, huit postes susceptibles d'être concernés par une colocalisation font actuellement l'objet d'études qui seront poursuivies en 2017. Les pays concernés sont le Botswana (à Gaborone), la Chine (à Pékin), le Soudan (à Khartoum), le Nicaragua (à Managuale), le Salvador (à San Salvador), le Rwanda (à Kigali) et la Papouasie-Nouvelle-Guinée (à Port-Moresby), le Nigéria (à Lagos). En revanche, les projets étudiés en 2016 au Paraguay et dans les îles Fidji ne semblent pas avoir prospéré.

c) Un cadre interministériel contraignant

Vos rapporteurs pour avis ont été frappés par le fait que la politique immobilière du ministère à l'étranger s'inscrit dans un cadre interministériel contraignant . La programmation annuelle et les opérations les plus importantes font l'objet d'un examen par la commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur les opérations immobilières de l'État à l'étranger (CIME). Les projets sont examinés dans le cadre des exercices de programmation annuelle, présentés en CIME, tout comme chaque projet significatif, c'est-à-dire de plus de 2 millions d'euros. Cette politique immobilière se traduit dans des schémas pluriannuels de stratégie immobilière à l'étranger, qui ne sont toutefois pas exhaustifs et ne couvrent pas l'ensemble du patrimoine.

Vos rapporteurs pour avis estiment qu'il est normal que les projets du ministère soient examinés par la CIME, encore faut-il qu'elle se réunisse suffisamment tôt dans l'année pour que les projets validés puissent être menés à bien. Il leur paraît souhaitable, que les décisions soient prises sur les grands projets du ministère au tout début du premier trimestre de l'année 2017 afin de permettre ensuite la pleine gestion de ces projets. Des décisions prises en mai ne laissent pas le temps suffisant à la réalisation des projets immobiliers envisagés.

d) Les cessions : une dynamique en voie d'essoufflement

De 2006 à 2014, 194 ventes ont été signées pour un montant total de 503,12 millions d'euros, ce qui représente environ 12 % de la valeur actuelle du parc immobilier du ministère. Les huit plus grosses ventes ont totalisé 55,5 % de la totalité des cessions réalisées en neuf ans, soit 279,18 millions d'euros 41 ( * ) .

Le rythme se ralentit puisque, entre 2012 et 2014, 35 % des biens vendus avaient une valeur inférieure à 1 million d'euros , 30 % des biens vendus avaient une valeur comprise entre 500 000 euros et 1 million d'euros et 35 % des biens vendus avaient une valeur inférieure à 500 000 euros .

Certes, d'importants produits de cession ont encore été réalisés en 2015, année telle que la vente d'une partie du vaste campus diplomatique en Malaisie, à Kuala Lumpur, amenant le produit de cessions, pour 2015, à un peu plus de 230 millions d'euros . En 2016, les ventes les plus importantes portaient sur le palais Clam-Gallas à Vienne pour 22 millions d'euros et de la résidence consulaire à Munich pour 12 millions d'euros, pour un total de cessions réalisées de 66,3 millions d'euros .

Votre commission avait regretté l'année dernière de ne pas disposer d'une programmation pluriannuelle des opérations de cession envisagées par le ministère. Cette année, le ministère a transmis de nombreuses informations sur cette question pour les années 2016-2017. Manque encore une vision de moyen terme qui améliorerait la prévisibilité des cessions et des recettes attendues.

Pour 2017 , des projets de vente à Londres sont à l'étude mais se heurtent au régime particulier de la propriété immobilière britannique. Les bâtiments de la chancellerie et du consulat général à Londres pourraient être cédés en 2017 pour un montant aujourd'hui évalué à 120 millions d'euros.

Il faut désormais réaliser plus d'une vingtaine d'opérations pour espérer obtenir, si toutes les ventes aboutissent :

- en 2016, un montant total potentiel de cessions de 245,5 millions d'euros en 2016, ramené à 135,5 millions d'euros. Le montant réalisé en 2016 est finalement de 66,3 millions d'euros ;

- et en 2017, un montant total potentiel de cessions estimé à 131 millions d'euros, ramené à 71 millions d'euros en 2017 .

L'écart substantiel, qui conduit presque à diviser par deux le montant potentiel des cessions pour obtenir le montant disponible 42 ( * ) pour financer les opérations immobilières à l'étranger du MAEDI tient à sa participation au désendettement de l'État . Ceci amène les rapporteurs pour avis à formuler de très sérieuses réserves sur la politique immobilière ici menée.

3. Les modalités de gestion du patrimoine du MAEDI doivent être profondément réformées
a) Un modèle de gestion du patrimoine paupérisant

Pour les implantations du Ministère à l'étranger, l'entretien lourd du parc immobilier géré par le MAEDI est financé sur deux programmes : le programme 105 qui fait l'objet du présent rapport (Action « Réseau diplomatique ») et le programme 723, intitulé, «Opérations immobilières nationales et des administrations centrales » du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » (dit CAS immobilier).

Jusqu'en 2015, l'entretien du propriétaire était financé très majoritairement et de manière dérogatoire sur le CAS immobilier , en raison de la très insuffisante budgétisation de cette activité sur le programme 105, à hauteur de 2,2 millions d'euros annuels prévus en LFI sur le programme 105 pour l'année 2015. Ce modèle de gestion immobilière que met en oeuvre le ministère des affaires étrangères suscite l'inquiétude .

Le problème de cette gestion - notre commission des affaires étrangères, des forces armées et de la défense le dit depuis longtemps, comme notre commission des finances ou la Cour des Comptes -, c'est qu'elle fait dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles .

Ce modèle, en termes économiques, n'est pas vertueux : il revient à faire financer des dépenses de fonctionnement par des recettes patrimoniales, ce qui tend à appauvrir le patrimoine de l'État . De plus, ce système est en voie d'essoufflement comme le montre la structure des ventes entre 2012 et 2016. Les prévisions pour 2017 ne modifient pas cette analyse.

En 2016, 5 millions d'euros supplémentaires ont été prévus au titre des dépenses d'entretien en 2016, portant le total de ces crédits à un total de 7,2 millions d'euros. Ce sont encore 5 millions d'euros supplémentaires qui sont inscrits en 2017 pour atteindre un total de 12,2 millions d'euros en 2017.

L'objectif de « re-budgétisation » partielle de l'entretien « lourd », sur le programme 105, prévue pour le triennum 2015-2017, fixant une cible de 12 millions d'euros en 2017, a donc été respecté, mais n'est pas suffisant : le besoin d'entretien des biens situés à l'étranger, compte tenu de l'importance et des caractéristiques du patrimoine concerné, évalué à l'étranger à 4,35 milliards d'euros, se situe dans une fourchette allant de 15 à 30 millions d'euros par an . Cette imprécision est à elle seule le signe qu'une amélioration est possible.

En l'état actuel du projet de loi de finances pour 2017, le CAS immobilier devra continuer de financer des dépenses d'entretien complémentaires , qui n'auront pu être prises en charge par le programme 105. Ceci conduit à ce que le maintien en l'état du patrimoine du MAEDI dépende d'objectifs de vente pour 2017 qui sont par nature soumis à la fois au risque de change et aux incertitudes liées au marché de l'immobilier.

b) L'objectif d'amélioration du fonctionnement du CAS

Le programme 723, sur lequel est adossé le CAS « gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », est un programme interministériel géré par France Domaine.

En 2016, les incertitudes, inhérentes au mode de fonctionnement du CAS 723, ont été accentuées par le lancement de la réforme de la politique immobilière de l'Etat qui s'accompagnait d'une refonte du mode de gestion du CAS 723. Si les crédits mis à disposition ont finalement permis de financer les opérations en cours, ce n'est que début mai 2016 que l'autorisation a été donnée au MAEDI d'engager, pour un montant limité , de nouvelles opérations, y compris d'entretien lourd . Selon les informations communiquées à vos rapporteurs pour avis, lors de leurs auditions, de nombreux projets ont donc été suspendus dans l'attente de la validation d'une enveloppe pour l'année 2016, laquelle est intervenue très tardivement .

Les conditions du droit de tirage du MAEDI sur le CAS doivent être optimisées . La gestion interministérielle du CAS et la prise en compte de son montant dans les déficits publics ne doivent pas empêcher le MAEDI qui l'alimente et qui en dépend, en l'état actuel de la non-budgétisation complète des crédits dédiés à l'entretien de ses biens à l'étranger, de disposer des fonds nécessaires, en temps et en heure . Il est également nécessaire et de bonne gestion publique de trouver une façon de sécuriser la programmation pluriannuelle du MAEDI .

Cette programmation pluriannuelle a été demandée par la Cour des Comptes et par tous les rapporteurs du budget. Alors qu'elle se met en place, en raison des modalités d'exercice du droit de tirage sur le CAS, on arrive à cette situation contre-productive où le ministère peut engager plus de 300 000 euros pour un projet en phase « études » sans savoir s'il pourra ensuite financer les travaux prévus l'année suivante, faute de visibilité sur son droit de tirage. Lorsqu'il s'agit d'un projet de colocalisation avec des partenaires sûrs de leur programmation budgétaire pluriannuelle est prêt à s'engager, notre pays, ne pouvant donner les mêmes gages, n'a aucune capacité à peser sur les choix d'investissement de ses partenaires.

Vos rapporteurs pour avis recommandent fermement aux services financiers de l'État de trouver une solution afin que les solutions de bonne gestion que constituent les colocalisations et les mutualisations puissent être sécurisées par une programmation budgétaire pluriannuelle seule à même de garantir le sérieux de notre engagement vis-à-vis de nos partenaires et par répercussion la lisibilité et la viabilité de notre réseau diplomatique universel.

c) Le désendettement de l'Etat ne doit pas être le premier critère de gestion du patrimoine du MAEDI

Le retour dérogatoire à 100 % sur le produit des cessions à l'étranger prévu jusqu'au 31 décembre 2017, a été aménagé, le MAEDI ayant accepté de contribuer forfaitairement au désendettement sur le programme 721 « Contributions des cessions immobilières à l'étranger au désendettement de l'État » du CAS immobilier précité. Le MAEDI devait verser, au titre du désendettement de l'État, 25 millions d'euros par an en 2015, 2016 et 2017 .

Cette contribution exceptionnelle était de 22 millions d'euros en 2014 et de 25 millions d'euros en 2015. En 2016, pour tenir compte des recettes exceptionnelles de Kuala Lumpur , la contribution a été portée à 100 millions d'euros . À ce titre, vos rapporteurs pour avis souhaitent faire quelques remarques : le risque de change de cette vente n'avait pas été couvert par les services du ministère de l'économie et des finances. La perte de plus de 20 millions d'euros qui résultent de l'effondrement de la monnaie malaisienne au moment de la vente du campus devrait donc en toute logique être supportée par Bercy et non par le Quai d'Orsay . Il ne semble pas judicieux de transférer cette charge au MAEDI au prétexte de l'absence de signature de promesse de vente, acte qui n'existe pas en droit anglo-saxon applicable en Malaisie.

Pour 2017, la contribution de 50 millions d'euros initialement prévue a été portée à 60 millions d'euros alors qu'aucune recette exceptionnelle, comme on l'a vu, n'est prévue pour expliquer une telle contribution au tonneau des Danaïdes de la dette de l'État.

Sur le triennal 2015-2017, cette contribution exceptionnelle d'un montant total de 185 millions d'euros pourrait donc finalement représenter 50 % du montant des cessions réalisées à l'étranger, soit 370 millions d'euros ainsi décomposés : 233,3 millions d'euros en 2015, environ 66,3 millions d'euros en 2016 et environ 71 millions d'euros en 2017. Ces contributions sont venues impacter fortement le processus de restructuration et de regroupement des implantations immobilières du ministère, tant en France qu'à l'étranger, de nombreux projets vertueux en termes d'économies budgétaires à terme et de rapprochement des critères de performance immobilière ayant été différés .

A l'heure actuelle, il apparaît donc que le ministère contribue donc au-delà de ses obligations au désendettement de l'État alors que ses perspectives de cession s'essoufflent et que ses besoins d'investissement et de dépenses d'entretien sont mal connus et non totalement couverts par des crédits budgétaires en loi de finances initiale . Vos rapporteurs pour avis encouragent vivement le gouvernement à trouver une autre solution pour financer le désendettement de l'État que ce nouveau prélèvement exceptionnel sur les produits de cessions des biens immobiliers détenus à l'étranger par le ministère en 2017.

Votre commission considère qu'il appartient au pouvoir politique de déterminer quels sont les intérêts de la France . Elle estime qu'il revient à la politique étrangère de hiérarchiser les enjeux et qu'un budget ne peut pas remplacer la vision stratégique quelles que soient les contraintes économiques et budgétaires que connaisse à ce jour notre pays.


* 37 La numérisation et la dématérialisation sont prévues par le plan de rapatriement définitif des archives de l'administration centrale et de l'ensemble des postes diplomatiques et consulaires.

* 38 Les travaux devraient se dérouler suivant trois phases : le bâtiment A, l'hôtel du Ministre et le bâtiment du CDCS.

* 39 Sur le site du Quai d'Orsay les travaux de mise en accessibilité concernent l'accueil, l'hôtel du Ministre et le parvis.

* 40 Elles font l'objet d'un développement ultérieur.

* 41 Il s'agit des ventes suivantes :

- la villa Trotty à Monte-Carlo pour 49,5 millions d'euros en 2006 2007 ;

- le lycée franco-japonais de Tokyo pour 37,62 millions d'euros en 2010 ;

- le site Kuningan à Jakarta pour 11,27 millions d'euros en 2010 ;

- la villa Sofar à Beyrouth, soit une recette de 17,48 millions d'euros réalisée en 2011 ;

- le site de Sathorn à Bangkok dont la vente en 2011 a rapporté 31 millions d'euros ;

- la villa du consul général à Hong Kong pour 52 millions d'euros en 2011 ;

- la résidence du 740 Park avenue à New York pour 51,8 millions d'euros en 2014 ;

- l'immeuble de logements de la cinquième avenue à New York pour 28,5 millions d'euros en 2014.

* 42 Le montant disponible in fine dépend également des conditions du marché de l'immobilier, du règlement de certains prérequis juridiques relatifs aux modalités d'occupation de locaux ou d'emprises et de la manifestation d'acquéreur.

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